Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-02-14
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 14 février 1873 14 février 1873
Description : 1873/02/14 (A3,N456). 1873/02/14 (A3,N456).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
3* Aimée, s- N° 456.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20-CENTIMES.
Vendredi 4i Février 4873.
RÉDACTION
tMremer au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
lM manuscrits MM imérét ser«nt rendus
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Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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partements dont l'abonnement ex-
pire le 15 février sont instamment
priés de le renouveler dans le plus
bref délai, s'ils ne veulent éprouver
aucune interruption dans la ré-
ception du journal.
JOURNÉE POLITIQUE
Panty le 45 février 1871.
Le roi Amédée se retire, et les Cortès
espagnoles viennent de proclamer la Ré-
publique. Rien, dans ces événements, qui
ressemble à une révolution ou à une ab-
dication ordinaires; tout s'est passé avec
,,une simplicité et une dignité que, chez
.aucun peuple, on n'avait connues jus-
qu'ici.
Le congrès s'était constitué en perma-
nence dans la nuit du 10 au 11 février.
C'est dans la journée du 11 qu'il a entendu
la lecture du message royal, délibéré en
conseil des ministres. Le roi dit qu'il
avait accepté comme un grand honneur
le gouvernement d'un pays malheureuse-
ment si troublé; qu'il avait espéré que ses
loyales intentions suppléeraient à l'expé-
rience, mais que son désir l'a trompé,
puisque l'Espagne est en lutte continuelle
contre elle-même; que s'il avait à combat-
tre des étrangers, il n'abandonnerait pas
son poste, mais qu'il ne peut lutter contre
des Espagnols, qu'il ne veut pas être roi
d'un parti, que ses efforts seraient d'ail-
leurs stériles et qu'il renonce enfin à la
couronne pour lui et pour ses héritiers.
Après que ce message eût été lu à la
Chambre des députés, le président proposa
d'inviter le Sénat à se joindre à la Cham-
bre ; ce qui fut fait presque aussitôt. Les
sénateurs et les députés réunis se consti-
tuèrent en Cortès souveraines d'Espagne.
La renonciation du roi fut acceptée à l'una-
nimité, et une délégation fut nommée pour
l'accompagner jusqu'à la frontière. La Ré-
publique fut ensuite proclamée par 256 voix
contre 32. L'ordre n'a point été troublé
dans la ville. On annonçait, aux dernières
nouvelles, que le roi devait quitter Madrid
dans la matinée du 12, avec la reine et ses
enfants.
On trouvera dans une autre partie du
journal tous les détails que nous avons pu
recueillir. La séance des Cortès a un grand
caractère de décision, de calme et de pa-
triotisme. Les discours sont brefs et tous
expriment l'immemse besoin d'union que
devraient éprouver plus que jamais les Es-
pagnols. « La patrie est au-dessus de tout,
dit M. Ulloa. La République proclamée,
Il. Salmero recommande l'union et la récon-
çiliation sous le drapeau républicain. « Et
il ne faut pas, s'écrie-t-il, qu'on vienne
faire des distinctions et parler de républi-
cains de la veille : nous sommes tous des
Espagnols! » Il serait heureux que cet
exemple des Cortès fût compris par tout
le pays!
Les dépêches arrivées hier ne parlent
bas des carlistes. On ait — ce n'est qu'un
bruit — que M. Castelar est ou sera nom-
mé président de la République. M, Caste-
lar est, en effet, le plus populaire et passe
pour le plus distingué des hommes politi-
ques de son parti.
L'Assemblée nationale a réélu hier son
bureau, et c'est en scrutins que s'est pas-
sée toute là séance. Quant à la discussion
du projet d'Aboville, sur l'insertion obli-
gatoire des comptes-rendus officiels de la
Qhamsre, nous n'avons point à y reve-
nir, puisqu'elle s'est terminée conformé-
ment aux principes élémentaires de liberté.
Nous devons signaler toutefois les excel-
lents discours qu'ont prononcés M. Corne
et M. Noël Parfait. Un jeune membre du
centre droit a parlé aussi très-raisonna-
blement, bien qu'avec moins de précision
et de chaleur, en faveur du compte-rendu
libre. Après le vote, la discussion, mal
conduite par M. le vice-président Vitet,
a menacé de recommencer sur une propo-
sition de M. Baragnon, qu'on a fini par
adopter et qui est d'ailleurs très-accepta-
ble. Il est seulement fâcheux que M. Paul
Bethmont ait si peu brillé par le sens po-
litique dans ce débat accessoire.
La résolution Baragnon porte que le
bureau de l'Assemblée prendra des mesures
pour que les comptes-rendus sténographi-
que et analytique soient mis à la dispo-
sition de la presse aussi rapidement et
aussi complètement que possible. Les jour-
naux ne demandent pas mieux, on le peut
croire. Que l'Assemblée leur procure des
moyens d'information et de contrôle, cela
vaudra bien mieux que de faire revivre la
législation impériale sur les comptes-ren-
dus parallèles, etc., etc., arme précieuse
aux mains du parti qui gouverne pour
faire condamner les journaux des partis
qui ne gouvernent pas.
Nouvelles de la fusion : Mme la du-
chesse Auguste de Saxe-Cobourg-Gotha
(princesse Clémentine d'Orléans) a dîné
chez M. le. comte de Chambord, qui est
venu après cela dîner chez elle. La prin-
cesse Clémentine est attendue aujourd'hui
à Paris.
Autres nouvelles de la fusion : A la
veille des débats qui vont s'enga ^etl s IX»
projet des trente, on est vraiment bien
ennuyé, dans certains groupes politiques
de la Chambre, de ne pas savoir à quoi
s'en tenir sur les résolutions de M. le
comte de Paris et des autres princes de
la famille d'Orléans.
Nous extrayons ce qui précède de deux
petits entrefilets publiés à la suite l'un de
l'autre par l'Assemblée nationale, moniteur
des déconvenues fusionnistes. Ce journal
rit, ce journal pleure. Le dîner de la prin-
cesse Clémentine chez M. le comte de
Chambord, c'est un événement heureux,
touchant, considérable ; mais ce dîner n'a
rien de décisif encore, puisqu'on se plaint
si fort à l'Assemblée du silence de M. le
comte de Paris à la veille du rapport
des trente! Quel embarras! quelle per-
plexité ! Comment faire ?
EUGÈNE LIÉBERT.
+ ———————————————
SIMPLE HYPOTHÈSE
La dernière révolution d'Espagne,
(j'entends celle d'hier, et j'espère qu'on
n'en a pas fait une autre cette nuit), est,
chose rare, une révolution sans larmes.
Personne ne s'avisera de plaindre le roi
Amédée, qui ne songe assùrément pas
à se plaindre lui-même. Trop heureux
de sortir le front haut de cette sombre
et douloureuse impasse où on l'avait
fourvoyé ! Il a fait, deux années durant,
l'expérience du trône; il l'a faite en hom-
me d'honneur, de courage et de liberté,
ou, pour tout dire d'un seul mot, en di-
gne fils dé la maison de Savoie.
Quand il a vu qu'il n'était pas créé
pour l'Espagne, ou que l'Espagne n'était
pas créée pour lui, ou que là majorité
de ses sujets penchait décidément vers
les institutions républicaines, il a résilié
simplement le contrat, renvoyé sa cou-
ronne au garde-meuble, remercié ses
hôtes et repris le chemin de son heureuse
patrie. Dans quelques jours, il abordera
les rivages de l'Italie au milieu des ac-
clamations d'un grand peuple qui l'a jugé
sur les champs de bataille, qui l'apprécie
à sa valeur, qui l'aime, et qui, depuis un
certain temps, commençait à tout crain-
dre pour lui. Ses anciens compagnons
d'armes, ceux qui ont confondu leur
sang avec le sien dans le désastre glo-
rieux de Custozza l'aborderont sans ces
consolations embarrassées dont on salue
les grandes infortunes. On ne l'a point
précipité du trône, il n'en est pas tombé,
il a sauté à terre avec la grâce d'un ca-
valier parfait. Non, Amédée n'est pas à
plaindre.
Qnant au peuple espagnol, nous ne le
plaindrons pas davantage, car, en rom-
pant avec la monarchie, il a fait ce qu'il
a voulu. Nous l'estimons assez pour
croire qu'il sait où il va et qu'il n'a pas
entrepris sans réflexions de se gouver-
ner par lui-même. Il est assez intelligent
pour se tenir en garde contre les pré-
tendants de grand chemin qui promet-
tent monts et merveilles en arrêtant les
diligemces; il est assez fort pour écraser
les bandes de factieux qui l'oppriment;
il sera peut-être assez sage pour former
en peu d'années une République fédérale
qui sera la Suisse du midi. L'Espagne
n'est donc pas à plaindre.
Ce que j'ai plaint de tout mon cœur
en lisant la rapide histoire de cette révo-
lution, c'est notre cher pays, c'est la
France. Reportons-nous par la pensée à
trois ans en arrière, au printemps de
1870. Si le gouvernement impérial, au
lieu de regarder comme un casus belli
cette candidature du prince de Hohenzol-
lern, avait laissé les choses suivre leur
cours naturel, c'est le prince de Hohen-
zollern qui s'embarquerait aujourd'hui
dans quelque port de l'Espagne, ou
plutôt ses sujets l'auraient congédié de-
puis longtemps, car l'arrogance d'un
tempérament germanique eût brusqué le
dénouement que la courtoisie italienne a
retardé.
Et la Prusse, occupée par les événe-
ments d'Espagne, n'aurait eu ni l'occa-
sion ni les moyens de se jeter sur nous.
Et nous n'aurions perdu ni l'Alsace, ni
la Lorraine. Et. mais pourquoi s'aban-
donner à des illusions rétrospectives?
Ce qui est fait est fait ; le plus pressé
n'est pas de déplorer nos fautes, mais
de les réparer.
ABOUT.
——————— 1 —-—————
Versailles, 12 février 487S.
Pas de séance aujourd'hui, ou du moins
séance platonique. La parole est aux
urnes.
La journée entière a étéemployée àl'élec-
tion du nouveau Bureau de l'Assemblée,
opération honorable, mais énervante pour
le spectateur.
Ainsi que nous l'avions annoncé, aucun
concurrent à la présidence n'a été opposé
à M. Grévy : les dissidents n'ont protesté
que par des bulletins blancs ; ils sont au
nombre de 98. Si M. le président n'a ob-
tenu en tout que 421 voix, la cause en est
à la paresse de beaucoup de députés, qui
ont profité de l'occasion que leur offrait ce
devoir à remplir pour venir tard à Ver-
sailles ou même ne pas venir du tout.
La lutte muette, a été un peu plus ac-
centuée sur la question des vice-présidents
qne sur le nom du président : la gauche,
qui n'a pas de représentant dans la vice-
présidence, a porté quelques-unes de ses
voix (93) sur le comte Rampon; la droite,
qui désire sans doute un vice-président
notoirement hostile au gouvernement, a
perdu 73 suffrages sur M. Buffet.
Trois secrétaires, MM. de Rémusat, de
Barante et de Meaux avaient donné leur
démission : ils ont été remplacés par MM.
Voisin, Blin de Bourdon et Grivart.
Le nouveau bureau est donc constitué de
la façon suivante :
Président :
M. Grévy 421 voix.
Bulletins blancs 98
Vice-Présidents :
MM. Martel 364 voix.
Benoist-d'Azy 329 —
Saint-Marc-Girardin 307 —
Vitet 306 —
Secrétaires :
MM. Francisque Rives 384 voix.
Cazenovede Pradines 330 —
Desj ardins 324 —
Blin de Bourdon 313 —
Voisin 297 —
Grivart 281 —
M. Thiers, jaloux de ses droits de dé-
puté, était venu à l'Assemblée pour pren-
dre part, ainsi qu'il le fait toujours, à l'é-
lection du Bureau.
Au moment où il montait à la tribune
pour déposer dans l'urne son bulletin, une
voix gouailleuse a crié :
« Monsieur le président, M. le président
de la République a-t-il prévenu l'Assem-
blée par un message ? »
Et tout le monde a ri. Vous voyez bien
que les prétentions de la commission des
trente ne prêtent qu'à rire !
P. L.
—————————— «—
CE QU'IL Y A DANS L'AIR
Il faut renoncer à tenir registre de tous
les bruits qui circulent depuis que la
commission des trente a fini de délibérer.
Il est pourtant un fait qui ne saurait pas-
ser inaperçu ; nous voulons parler de la
peine que se donnent les journaux de la
droite pour atténuer l'effet de la dernière
séance de la commission. Rien n'est
amusant comme les efforts qu'ils font,
et aussi les petites inventions auxquelles
ils se livrent, pour donner le change à
l'opinion publique.
Leur but est clair; ils voudraient faire
croire au pays que la commission té-
moigne envers le gouvernement d'un
esprit de conciliation tout à fait patrio-
tique, et qu'elle n'a résisté aux désirs de
M. Thiers que sur des points de détail
insignifiants. C'est fort adroit, on ne
peut le nier. De cette façon, on inter-
vertit les rôles, et quand on en viendra
aux mains à la tribune, on ne manquera
pas de dire : Vous voyez; tout le monde
était d'accord; M. Thiers lui-même ne
s'était point montré mécontent de la
commission; et maintenant voilà qu'il se
fâche ! Cet homme est vraiment d'une
exigence !.
En somme, s'il faut en croire les or-
ganes de la droite, M. Thiers trouve on
ne peut plus naturel que les trente
l'aient envoyé au diable, lui, M. Dufaure,
et son article 4! La preuve, c'est que
l'autre soir, à dîner, le président de la
République avait à 'sa dextre un membre
de la commission, et qu'il ne lui a fait au-
cune des niches qu'on se fait d'habitude
entre gens Cfui ne peuvent pas se souf-
frir. Ainsi M. Thiers, loin de mettre de
l'eau dans le potage de son voisin, ou
de jeter sournoisement du sel dans son
vin, ou de lui retirer brusquement sa
chaise au moment où il allait s'asseoir,
n'a point cessé, au contraire, de le com-
bler de prévenances.
On voit que tout est pour le mieux,et
que nous allons entrer incessamment dans
l'âge d'or.
Mais, d'autre part, on tient un langage
tout différent. On dit que M. Thiers est
indigné, non pas seulement du vote final
des trente, mais de la trahison d'un cer-
tains nombre de commissaires qui avaient
pris l'engagement de soutenir l'article 4,
tel qu'il avait été présenté par le garde
des sceaux. On raconte même pourquoi
et comment ont eu lieu les désertions.
C'était vendredi soir, dans un salon du
noble faubourg, où les chefs du parti lé-
gitimiste s'étaient ménagé une entrevue
avec les orléanistes de la commission.
Ils leur signifièrent que tout projet de
fusion deviendrait irréalisable si, le len-
demain, la majorité des trente ne votait
pas comme un seul homme contre « le
petit bourgeois. » Avec cette menace-là,
voyez-vous, on ferait aller un orléaniste
à Rome, dans la poche de M. de Belcas-
tel. Et voilà comment M. Thiers, qui
comptait sur dix-sept voix pour lui, en a
eu dix-neuf contre.
t Il faudrait vraiment qu'il fût de bonne
èomposition pour ne pas se préparer une
revanche.
Quoi qu'il en soit, du reste, de tous
les bruits qui courent, il nous paraît
bien plus simple d'interroger la situation
elle-même, si l'on veut essayer de pré-
voir quelles en seront les conséquences.
Une chose ne peut faire doute pour
personne, c'est que les monarchistes de
la droite, — ils l'ont d'ailleurs avoué
eux-mêmes, — ne veulent à aucun prix
régler, pour l'instant, la question de
transmission des pouvoirs. Ils compren-
nent trop bien qu'après ce grand effort,
il ne leur resterait plus qu'à s'en aller
chacun chez eux, jouir d'un repos de-
puis longtemps mérité.
1. Nous ne sommes point dans le secret
de ces demi-dieux, mais, en procédant
du connu à l'inconnu, il ne doit pas être
impossible de pénétrer leurs desseins.
Nous ne voulons, bien entendu, ne don-
ner comme base à nos investigations
psychologiques que des faits avérés,
notoires, et dont il soit aisé de faire la
preuve. Ainsi; par exemple, on ne nous
accusera pas de médisance ou de calom-
nie, si nous disons que le vœu le plus
cher des élus de février est de présider
en personne aux élections prochaines. Ils
ont raison ; on n'est jamais mieux servi
que par soi-même. C'est dans ce but,
et rien que dans ce but, n'est-ce pas ?
qu'ils se sont faits les champions si te-
naces de ce fameux principe de la res-
ponsabilité ministérielle.
Mais ils voient que les choses ne
tournent pas tout à fait comme ils
l'eussent désiré; ils s'aperçoivent que
l'artichaut ministériel ne sera point
aussi facile à effeuiller qu'ils l'avaient
espéré, puisqu'il leur a fallu, bon gré
mal gré, accorder à M. Thiers le droit
de venir, dans les graves occasions,
prendre devant la Chambre sa part de
responsabilité, et, par suite, changer en
question de gouvernement ce dont on
n'aurait voulu faire qu'une question de
cabinet.
On peut être assuré que si le prési-
dent de la République avait accepté le
rôle muet qu'on prétendait d'abord lui
imposer, la commission n'eût point fait
autant de difficultés pour régler le mode
de transmission des pouvoirs publics.
Qu'aurait-elle eu à craindre ? Dès l'ins-
tant qu'elle eût détenu tous les porte-
feuilles, à l'heure de sa dissolution, le
reste ne pouvait guère l'inquiéter. Ce
résultat, elle ne peut plus l'espérer; il
est donc tout à fait naturel que la com-
mission, organe de la droite, ait fait le
raisonnement que voici: quand on n'a
pas ce qu'on désire, il faut garder ce
que l'on a.
- Or, que possède actuellement l'Assem-
blée? La constitution Rivet. Et que dit la
constitution Rivet, ou, pour parler plus
juste, la loi du 31 août 1871 ? Elle dit
que les pouvoirs du président de la Ré-
publique expireront en même temps que
les pouvoirs de l'Assemblée, ce qui ne
s'est jamais vu, ce qui est, pourquoi
craindrions-nous de le dire ? le défaut
de la cuirasse républicaine que M. Rivet,
avec les meilleures intentions du mon-
de, assurément, nous a confectionnée.
Il nous est permis de croire que nos
adversaires nous attendent là. Ils au-
raient pu, ils auraient dû rectifier ce
défaut en décidant que M. Thiers reste-
rait en fonctions pendant l'intervalle de
temps qui s'écoulerait entre la dissolu-
tion d'une Chambre, et l'arrivée d'une
autre. Nous aurions compris également
qu'une sorte de commission de perma-
nence, dépositaire des pouvoirs de l'As-
semblée, fût adjointe au pouvoir exécu-
tif pour la durée de l'interrègne. Mais
ce que nous comprenons bien mieux
encore, c'est que la droite manœuvre
de façon à ne rien décider jusqu'au
jour où elle devra se dissoudre.
Ce jour-là, qui donc pourrait l'empê-
cher de venir dire à M. Thiers : Nous
partons, suivez-nous? Et qui donc l'em-
pêcherait de nommer une commission
exécutive chargée du gouvernement pro-
visoire de la France jusqu'à la réunion
d'une Assemblée nouvelle ? Il va de soi
que cette commission pourrait fort bien
être choisie dans et hors l'Assemblée.
Le maréchal Mac-Mahon n'accepterait
certainement pas le rôle, qu'on ne man-
querait point de lui offrir ; mais le géné-
ral Ducrot ? Avec le pseudo-général du
Temple pour aide de camp?
Nous ne ferons point à nos lecteurs
l'injure de leur expliquer plus au long
tous les avantages que la faction roya-
liste pourrait tirer de ce petit arrange-
ment. Entre honnêtes gens on s'entend
à demi-mot. Mais d'ici-là, combien qui
siègent encore aujourd'hui, à côté des
Ernoul et des Broglie, seront venus s'as-
seoir au centre gauche et plus loin en-
core? Combien, éclairés déjà par l'atti-
tude des trente, comprendront, en écou-
tant leur rapporteur, qu'ils sont demeu-
rés trop longtemps au service des ducs,
et que l'heure est venue de quitter la
cohue des ambitieux pour entrer dans
les rangs des citoyens ?
Vienne ce jour, et les espérances de
la droite, ses projets et ses trames se-
ront bien décidément à vau-l'e;iu ; car il
se sera formé dans la Chambre, non plus
une majorité de rencontre,mais une vraie
majorité, solide et durable. Elle ne se
composera pas exclusivement de républi-
cains, sans doute; mais qu'importe, si
elle ne compte que des patriotes?
E. SCHNERB.
—————— ——————
LA "RÉPUBLIQUE EN ESPAGNE
Ce n'était hier qu'une probabilité évi-
dente, mais plus ou moins lointaine ; c'est
aujourd'hui un fait accompli. Les Cortès
n'ont pas voulu recommencer l'expérience
du provisoire. On suivra avec intérêt, dans
la série des télégrammes qu'ont produit ces
vingt-quatre heures, la gradation rapide des
événements.
Bayonne, 12 février.
Les avis de Madrid en date du 10, à 5 heures
30 du soir, constatent qu'il y avait un peu d'a-
gitation, mais que l'ordre * était complet. Les
troupes et la garde nationale étaient disposées à
maintenir l'ordre. Le palais du Congrès était
entouré d'une foule dont l'attitude était pacifi-
que. On criait : Vive la République ! Les confé-
rences continuaient entre les radicaux et les
républicains, sur la manière de résoudre la
question.
Madrid, 11 février, 11 h. matin.
La Correspondancia croit savoir que si le roi
quitte l'Espagne, il sera accompagné de MM.
Zorilla, Gandara, Ricco et autres.
On dit que M. Castelar n'acceptera aucun
poste si la République est proclamée.
On croit que M. Rivero sera nommé prési-
dent du nouveau cabinet.
La nuit s'est passée sans aucun désordre ni
aucun symptôme alarmant pour la tranquillité.
Madrid, 11 fév., 11 h. 30 matin.
Le Congrès s'est constitué en permanence ; il
a nommé une commission composée de mem-
bres du bureau et de cinquante députés chargés
d'attendre que le ministère se présente pour
continuer la séance.
L'ayuntamiento de Madrid s'est constitué en
séance permanente secrète et ne se séparera pas
avant que les Cortès aient pris une décision.
Le conseil des ministres se réunit ce matin
pour arrêter la forme de présentation du mes-
sage royal, qui est déjà rédigé.
SÉANCE SOLENNELLE DES CORTÈS.
Madrid, 11 février.
Séance de la Chambre des députés. — Lecture
est donné du message du roi. Le message dit
que ç'a été un grand honneur pour lui d'être
appelé à régir les destinées de ce pays. Bien
qu'il soit profondément troublé, il était décidé
à observer son serment de respecter la Consti-
tution, croyant que la loyauté suppléerait à son
inexpérience ; son bon désir l'a trompé, car
l'Espagne est en lutte continuelle. Si les adver-
saires qu'il a à combattre étaient étrangers, il
n'abandonnerait pas le combat; mais ce sont des
Espagnols, il ne veut pas être le roi d'un parti,
ni agir illégalement ; il croit que tous ses efforts
seraient stériles, il renonce donc à la couronne
pour lui et sps héritiers.
Le président propose d'envoyer le message au
Sénat, et de réunir les deux Chambres qui
assumeraient la souveraineté.
M. Salaverria déclare, au nom de son parti,
qu'il désire qu'on agisse légalement : il appuiera
le gouvernement qui maintiendra l'ordre social
et l'intégrité de la patrie.
M. Ulloa fait des déclarations analogues ; il
dit que la patrie est au-dessus de tout. (Applau-
dissements. )
M. Castelar se réjouit de l'attitude des con-
servateurs dans le Congrès.
Les sénateurs et les députés étant réunis, le
président du Sénat se place à côté du président
de la Chambre des députés, qui déclare que les
deux Chambres réunies se constituent en Cortès
souveraines d'Espagne.
M. Martos annonce que M. Zorilla ne peut
pas se rendre à la séance ; il dit que le roi a
manifesté la ferme résolution de renoncer à la
couronne, et que les ministres ont donné leur
démission ; il fait des vœux en faveur de la li-
berté.
La renonciation du roi est acceptée par les
Cortès à l'unanimité ; les Cortès nomment une
commission chargée de rédiger une réponse au
message. La séance continue.
Mairid, 11 février, soir.
Suite de la séance. — Les Cortès nomment
une commission pour accompagner le roi jus-
qu'à la frontière.
M. Pi-Margall appuie la proposition tendant à
déclarer que l'Assemblée nationale assume tous
les pouvoirs ; qu'elle nommera un gouverne-
ment responsable, et qu'une autre Assemblée
sera chargée de déterminer la forme de la Répu-
blique (sic). La proposition est divisée en deux
parties : la première partie établit la Républi-
que et porte que l'Assemblée assume tous les
pouvoirs : cette proposition est adoptée par 256
voix contre 32.
M. Salemero appuie cette proposition ; il re-
commande l'union et la réconciliation de tous
les partis autour de la bannière républicaine. Il
ajoute : « Il n'y a pas de répuhlicains de la
veille, nous sommes tous Espagnols. »
M. Zorilla demande qu'avant de voter on
nomme le gouvernement.
M. Rivero dit que le président des Cortès ré-
pond de l'ordre public. M. Zorilla insiste.
M. Rivero fait appel au patriotisme et non
aux partis. Il ordonne à M. Zorilla de reprendre
sa place au banc ministériel. M. Martos déplore
l'emploi des formes tyraniques au moment où
la monarchie finit.
M. Rivero abandonne alors son siège prési-
dentiel et quitte la salle des Cortès.
M. Figuerola le remplace.
Madrid, 11 février, soir.
La plus complète tranquilité continue de ré-
gner.
Comme conclusion, une dépêche, arrivée
à Paris dans l'après-midi du 13, annonce
que le roi Amédée, la reine sa femme et
leurs enfants ont dû quitter Madrid dans
la matinée du même jour. Ils prennent la
voie de Portugal.
Voilà donc, chose rare partout et chose
bien nouvelle, bien imprévue en Espague,
une révolution absolument pacifique, une
révolution qui ne fait ni vainqueurs ni
vaincus. C'est ici le cas ou jamais de dire
que la République est la solution qui divise
le moins.
Nous ajouterons qu'en Espagne la Ré-
publique est ce qui unira le plus. Les deux
principaux antagonistes des luttes politi-
ques modernes, le radicalisme et la réac-
tion, ont, en effet, au delà des Pyrénées,
un dogme commun : la décentralisation,
appelée fueros par celle-ci, fédéralisme par
celui-là. La République fédérale (et c'est
la combinaison qui prévaut dans les aspi-
rations du moment), semble donc appelée
à résoudre ce curieux problème de trans-
former simultanément les deux éléments
subversifs par excellence en éléments con-
servateurs.
P. S. Voici les dernières nouvelles :
Le roi Amédée est effectivement parti,
mercredi matin, pour Lisbonne. A-t-il,
comme on le prétend, choisi cette route
pour éviter ane rencontre avec les bandes
carlibtes qui infestent les provinces du
Nord ? N'est-il pas pour le moins aussi
probable qu'il a cédé au désir de visiter
son beau-frère et sa sœur, le roi et la
reine de Portugal?
La dépêche ajoute :
La reine Marie-Victoire, et ses enfants, dont
un âgé seulement de quelques jours, sont partis
avec le duc d'Aoste.
Une députation nommée par les Cortès, et le
comte de Rius, grand majordome de la cour
qui disparaît et neveu de M. Olozaga, forment
la suite des princes. Quelques autres personnes
les accompagnent.
Le ministre d'Espagne à Lisbonne est venu à
leur rencontre jusqu'à la frontière du Por-
tugal.
M. Zorilla, retenu par les débats parle-
mentaires, n'a pu suivre le prince dans son
voyage,
CONSEIL MUNICIPAL DE PARIS
SESSIOX ORDINAIRE
Séance du mercredi 12 février 1875.
A deux heures et demie, M. le préfet
donne lecture d'un arrêté préfectoral qui
convoque le conseil municipal en session
ordinaire, à partir du jeudi 13 février.
M. Trélat, doyen d'âge, monte au fau-
teuil, et occupe la présidence provisoire
en attendant qu'il soit procédé à l'installa-
tion du nouveau bureau.
Une entente paraissait devoir s'établir
entre les diverses fractions de l'assemblée
à l'effet de maintenir les anciens digni-
taires dans leurs fonctions ; mais l'accord
n'ayant pu se faire, il est procédé au vote.
A peine le scrutin ouvert, M.Cantagrel
fait observer que les bancs de la gauche
sont moins bien garnis que ceux de la
droite. Invoquant les usages des assemblées
délibérantes, il demande un sursis d'une
demi-heure avant la clôture du scrutin.
Le côté droit fait acte de courtoisie en
ne s'opposant pas à cette proposition, ce
qui donne le temps à quelques retarda-
taires avancés d'arriver en temps utile et de
déposer leurs bulletins dans l'urne.
Résultat du scrutin pour la présidence.
Nombre des votants, 73. Majorité abso-
lue, 37.
Dépouillement des bulletins.
MM. Vautrain, 40 voix.
Hérisson, 32 —
Hérold. 1 —
En conséquence, M. Vautrain est nom-
mé président.
Pour la vice-présidence, sur 73 votants,
les voix se sont réparties comme suit :
MM. Hérisson, 46 voix.
Thorel, 45 —
Callon, 31 —
Beudant, 23 —
Hérold, 1 —
Allain-Targé, 1 -
MM. Hérisson et Thorel sont donc élus
vice-présidents. Ils représentent la gauche
de l'assemblée, et font contrepoids à l'élec-
tion de M. Vautrain, auquel on objecte une
certaine tiédeur.
Voici le résultat du vote pour les secré-
taires : Sur 75 votants, ont obtenu :
MM. Jacques, 59 voix.
Rigaut, 44 —
Perrinelle, 41 —
Clémenceau, 39 —
Martial-Bernard 33 —
Alb. Dehaynin, 29 —
Christofle, 18 .-
Les quatre premiers candidats sont doae
également nommés au premier tour.
En sorte que le bureau se trouve ainsi
définitivement constitué.
Président :
M. Vautrain.
Vice-président :
MM. Hérisson
Thorel.
Secrétaires :
.j) MM. Jacques.
Rigaut.
Perrinelle.
Clémenceau.
Il est à remarquer que le côté droit
n'est pas représenté au secrétariat. N'est-
ce point un inconvénient pour la rédac-
tion du procès-verbal et pour le relevé des
votes, surtout au moment des épreuves.
douteuses.
Une fois les proclamations faites, le vé-
nérable M. Trélat cède le siège présiden-
tiel à M. Vautrain..
Dans une courte allocution, Fhonorable
M. Vautrain rappelle les services rendus,
depuis deux aus, par le conseil élu de la
ville de Paris. Le moyen le plus certain
de consolider le gouvernement de la Ré-
publique, affirme-t-il, c'eôt de faire preuve
de modération; c'est surtout, pour le con-
seil, de ne jmais sortir des limites de son
mandat en s'immisçant dans la politique.
Il engage instamment ses collègues à per-
sévérer dans la voie jusqu'alors suivie, à
continuer patiemment l'œuvre laborieuse
à laquelle ils se sont dévoués, et à cou-
tribuer ainsi à l'affermissement de l'ordre
de choses existant aujourd'hui. (Approba-
tion.)
Un dossier est introduit d'urgence par
M. le préfet. Il s'agit de statuer sur le sort
des jeunes engagés volontaires d'un an qui
sollicitent de devenir boursiers de la Ville,
c'est-à-dire qui demandent l'exonération
des 1,500 francs. Aux termes de la loi, le
conseil n'est appelé qu'à donner un avis
sur la position de fortune des parents et le
mérite des candidats.
Le préfet seul dresse la liste définitive.
La deuxième commission se retire dans
ses bureaux, examine les titres des postu-
lants, et fait un choix parmi les plus in-
téressants. M. Riant présente le rapport
séance tenante. Quatre jeunes gens sont
entièrement exonérés: des remises de 1,000
francs et de 500 francs sont accordées à
huit autres dont la position de fortune est
modique.
Le conseil vote par acclamation le main-
tien des anciennes commissions et décide
qu'il se réunira les mardi, jeudi et samedi.
La séance est levée à cinq heures.
Les affaires les plus importantes qui doi-
vent occuper cette session sont : l'usage obli-
gatoire du compteur horaire et kilométrique
pour les voitures publiques; l'augmenta-
tion des droits d'octroi sur la cire et la
bougie stéarique ; la révision de la nomen-
clature des rues de Paris; l'affectation du
nouvel Hôtel-Dieu ; la création de nou-
velles écoles; le renouvellement des mem-
bres de la commission des logements insa-
lubres ; demande de concession pour l'éta-
blissement d'un aquarium aux Champs-
Elysées, etc., etc.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20-CENTIMES.
Vendredi 4i Février 4873.
RÉDACTION
tMremer au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
Zi, rue Drouot, 2
L leUres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
PABIS
Trois iAtil..--. 13 tr.
Six mois. 25
Un aD. 50
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Trois mois. 16 fr.
Six mois. 32
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Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C*
6, place de la Bourse, 0
MM. les Souscripteurs des dé-
partements dont l'abonnement ex-
pire le 15 février sont instamment
priés de le renouveler dans le plus
bref délai, s'ils ne veulent éprouver
aucune interruption dans la ré-
ception du journal.
JOURNÉE POLITIQUE
Panty le 45 février 1871.
Le roi Amédée se retire, et les Cortès
espagnoles viennent de proclamer la Ré-
publique. Rien, dans ces événements, qui
ressemble à une révolution ou à une ab-
dication ordinaires; tout s'est passé avec
,,une simplicité et une dignité que, chez
.aucun peuple, on n'avait connues jus-
qu'ici.
Le congrès s'était constitué en perma-
nence dans la nuit du 10 au 11 février.
C'est dans la journée du 11 qu'il a entendu
la lecture du message royal, délibéré en
conseil des ministres. Le roi dit qu'il
avait accepté comme un grand honneur
le gouvernement d'un pays malheureuse-
ment si troublé; qu'il avait espéré que ses
loyales intentions suppléeraient à l'expé-
rience, mais que son désir l'a trompé,
puisque l'Espagne est en lutte continuelle
contre elle-même; que s'il avait à combat-
tre des étrangers, il n'abandonnerait pas
son poste, mais qu'il ne peut lutter contre
des Espagnols, qu'il ne veut pas être roi
d'un parti, que ses efforts seraient d'ail-
leurs stériles et qu'il renonce enfin à la
couronne pour lui et pour ses héritiers.
Après que ce message eût été lu à la
Chambre des députés, le président proposa
d'inviter le Sénat à se joindre à la Cham-
bre ; ce qui fut fait presque aussitôt. Les
sénateurs et les députés réunis se consti-
tuèrent en Cortès souveraines d'Espagne.
La renonciation du roi fut acceptée à l'una-
nimité, et une délégation fut nommée pour
l'accompagner jusqu'à la frontière. La Ré-
publique fut ensuite proclamée par 256 voix
contre 32. L'ordre n'a point été troublé
dans la ville. On annonçait, aux dernières
nouvelles, que le roi devait quitter Madrid
dans la matinée du 12, avec la reine et ses
enfants.
On trouvera dans une autre partie du
journal tous les détails que nous avons pu
recueillir. La séance des Cortès a un grand
caractère de décision, de calme et de pa-
triotisme. Les discours sont brefs et tous
expriment l'immemse besoin d'union que
devraient éprouver plus que jamais les Es-
pagnols. « La patrie est au-dessus de tout,
dit M. Ulloa. La République proclamée,
Il. Salmero recommande l'union et la récon-
çiliation sous le drapeau républicain. « Et
il ne faut pas, s'écrie-t-il, qu'on vienne
faire des distinctions et parler de républi-
cains de la veille : nous sommes tous des
Espagnols! » Il serait heureux que cet
exemple des Cortès fût compris par tout
le pays!
Les dépêches arrivées hier ne parlent
bas des carlistes. On ait — ce n'est qu'un
bruit — que M. Castelar est ou sera nom-
mé président de la République. M, Caste-
lar est, en effet, le plus populaire et passe
pour le plus distingué des hommes politi-
ques de son parti.
L'Assemblée nationale a réélu hier son
bureau, et c'est en scrutins que s'est pas-
sée toute là séance. Quant à la discussion
du projet d'Aboville, sur l'insertion obli-
gatoire des comptes-rendus officiels de la
Qhamsre, nous n'avons point à y reve-
nir, puisqu'elle s'est terminée conformé-
ment aux principes élémentaires de liberté.
Nous devons signaler toutefois les excel-
lents discours qu'ont prononcés M. Corne
et M. Noël Parfait. Un jeune membre du
centre droit a parlé aussi très-raisonna-
blement, bien qu'avec moins de précision
et de chaleur, en faveur du compte-rendu
libre. Après le vote, la discussion, mal
conduite par M. le vice-président Vitet,
a menacé de recommencer sur une propo-
sition de M. Baragnon, qu'on a fini par
adopter et qui est d'ailleurs très-accepta-
ble. Il est seulement fâcheux que M. Paul
Bethmont ait si peu brillé par le sens po-
litique dans ce débat accessoire.
La résolution Baragnon porte que le
bureau de l'Assemblée prendra des mesures
pour que les comptes-rendus sténographi-
que et analytique soient mis à la dispo-
sition de la presse aussi rapidement et
aussi complètement que possible. Les jour-
naux ne demandent pas mieux, on le peut
croire. Que l'Assemblée leur procure des
moyens d'information et de contrôle, cela
vaudra bien mieux que de faire revivre la
législation impériale sur les comptes-ren-
dus parallèles, etc., etc., arme précieuse
aux mains du parti qui gouverne pour
faire condamner les journaux des partis
qui ne gouvernent pas.
Nouvelles de la fusion : Mme la du-
chesse Auguste de Saxe-Cobourg-Gotha
(princesse Clémentine d'Orléans) a dîné
chez M. le. comte de Chambord, qui est
venu après cela dîner chez elle. La prin-
cesse Clémentine est attendue aujourd'hui
à Paris.
Autres nouvelles de la fusion : A la
veille des débats qui vont s'enga ^etl s IX»
projet des trente, on est vraiment bien
ennuyé, dans certains groupes politiques
de la Chambre, de ne pas savoir à quoi
s'en tenir sur les résolutions de M. le
comte de Paris et des autres princes de
la famille d'Orléans.
Nous extrayons ce qui précède de deux
petits entrefilets publiés à la suite l'un de
l'autre par l'Assemblée nationale, moniteur
des déconvenues fusionnistes. Ce journal
rit, ce journal pleure. Le dîner de la prin-
cesse Clémentine chez M. le comte de
Chambord, c'est un événement heureux,
touchant, considérable ; mais ce dîner n'a
rien de décisif encore, puisqu'on se plaint
si fort à l'Assemblée du silence de M. le
comte de Paris à la veille du rapport
des trente! Quel embarras! quelle per-
plexité ! Comment faire ?
EUGÈNE LIÉBERT.
+ ———————————————
SIMPLE HYPOTHÈSE
La dernière révolution d'Espagne,
(j'entends celle d'hier, et j'espère qu'on
n'en a pas fait une autre cette nuit), est,
chose rare, une révolution sans larmes.
Personne ne s'avisera de plaindre le roi
Amédée, qui ne songe assùrément pas
à se plaindre lui-même. Trop heureux
de sortir le front haut de cette sombre
et douloureuse impasse où on l'avait
fourvoyé ! Il a fait, deux années durant,
l'expérience du trône; il l'a faite en hom-
me d'honneur, de courage et de liberté,
ou, pour tout dire d'un seul mot, en di-
gne fils dé la maison de Savoie.
Quand il a vu qu'il n'était pas créé
pour l'Espagne, ou que l'Espagne n'était
pas créée pour lui, ou que là majorité
de ses sujets penchait décidément vers
les institutions républicaines, il a résilié
simplement le contrat, renvoyé sa cou-
ronne au garde-meuble, remercié ses
hôtes et repris le chemin de son heureuse
patrie. Dans quelques jours, il abordera
les rivages de l'Italie au milieu des ac-
clamations d'un grand peuple qui l'a jugé
sur les champs de bataille, qui l'apprécie
à sa valeur, qui l'aime, et qui, depuis un
certain temps, commençait à tout crain-
dre pour lui. Ses anciens compagnons
d'armes, ceux qui ont confondu leur
sang avec le sien dans le désastre glo-
rieux de Custozza l'aborderont sans ces
consolations embarrassées dont on salue
les grandes infortunes. On ne l'a point
précipité du trône, il n'en est pas tombé,
il a sauté à terre avec la grâce d'un ca-
valier parfait. Non, Amédée n'est pas à
plaindre.
Qnant au peuple espagnol, nous ne le
plaindrons pas davantage, car, en rom-
pant avec la monarchie, il a fait ce qu'il
a voulu. Nous l'estimons assez pour
croire qu'il sait où il va et qu'il n'a pas
entrepris sans réflexions de se gouver-
ner par lui-même. Il est assez intelligent
pour se tenir en garde contre les pré-
tendants de grand chemin qui promet-
tent monts et merveilles en arrêtant les
diligemces; il est assez fort pour écraser
les bandes de factieux qui l'oppriment;
il sera peut-être assez sage pour former
en peu d'années une République fédérale
qui sera la Suisse du midi. L'Espagne
n'est donc pas à plaindre.
Ce que j'ai plaint de tout mon cœur
en lisant la rapide histoire de cette révo-
lution, c'est notre cher pays, c'est la
France. Reportons-nous par la pensée à
trois ans en arrière, au printemps de
1870. Si le gouvernement impérial, au
lieu de regarder comme un casus belli
cette candidature du prince de Hohenzol-
lern, avait laissé les choses suivre leur
cours naturel, c'est le prince de Hohen-
zollern qui s'embarquerait aujourd'hui
dans quelque port de l'Espagne, ou
plutôt ses sujets l'auraient congédié de-
puis longtemps, car l'arrogance d'un
tempérament germanique eût brusqué le
dénouement que la courtoisie italienne a
retardé.
Et la Prusse, occupée par les événe-
ments d'Espagne, n'aurait eu ni l'occa-
sion ni les moyens de se jeter sur nous.
Et nous n'aurions perdu ni l'Alsace, ni
la Lorraine. Et. mais pourquoi s'aban-
donner à des illusions rétrospectives?
Ce qui est fait est fait ; le plus pressé
n'est pas de déplorer nos fautes, mais
de les réparer.
ABOUT.
——————— 1 —-—————
Versailles, 12 février 487S.
Pas de séance aujourd'hui, ou du moins
séance platonique. La parole est aux
urnes.
La journée entière a étéemployée àl'élec-
tion du nouveau Bureau de l'Assemblée,
opération honorable, mais énervante pour
le spectateur.
Ainsi que nous l'avions annoncé, aucun
concurrent à la présidence n'a été opposé
à M. Grévy : les dissidents n'ont protesté
que par des bulletins blancs ; ils sont au
nombre de 98. Si M. le président n'a ob-
tenu en tout que 421 voix, la cause en est
à la paresse de beaucoup de députés, qui
ont profité de l'occasion que leur offrait ce
devoir à remplir pour venir tard à Ver-
sailles ou même ne pas venir du tout.
La lutte muette, a été un peu plus ac-
centuée sur la question des vice-présidents
qne sur le nom du président : la gauche,
qui n'a pas de représentant dans la vice-
présidence, a porté quelques-unes de ses
voix (93) sur le comte Rampon; la droite,
qui désire sans doute un vice-président
notoirement hostile au gouvernement, a
perdu 73 suffrages sur M. Buffet.
Trois secrétaires, MM. de Rémusat, de
Barante et de Meaux avaient donné leur
démission : ils ont été remplacés par MM.
Voisin, Blin de Bourdon et Grivart.
Le nouveau bureau est donc constitué de
la façon suivante :
Président :
M. Grévy 421 voix.
Bulletins blancs 98
Vice-Présidents :
MM. Martel 364 voix.
Benoist-d'Azy 329 —
Saint-Marc-Girardin 307 —
Vitet 306 —
Secrétaires :
MM. Francisque Rives 384 voix.
Cazenovede Pradines 330 —
Desj ardins 324 —
Blin de Bourdon 313 —
Voisin 297 —
Grivart 281 —
M. Thiers, jaloux de ses droits de dé-
puté, était venu à l'Assemblée pour pren-
dre part, ainsi qu'il le fait toujours, à l'é-
lection du Bureau.
Au moment où il montait à la tribune
pour déposer dans l'urne son bulletin, une
voix gouailleuse a crié :
« Monsieur le président, M. le président
de la République a-t-il prévenu l'Assem-
blée par un message ? »
Et tout le monde a ri. Vous voyez bien
que les prétentions de la commission des
trente ne prêtent qu'à rire !
P. L.
—————————— «—
CE QU'IL Y A DANS L'AIR
Il faut renoncer à tenir registre de tous
les bruits qui circulent depuis que la
commission des trente a fini de délibérer.
Il est pourtant un fait qui ne saurait pas-
ser inaperçu ; nous voulons parler de la
peine que se donnent les journaux de la
droite pour atténuer l'effet de la dernière
séance de la commission. Rien n'est
amusant comme les efforts qu'ils font,
et aussi les petites inventions auxquelles
ils se livrent, pour donner le change à
l'opinion publique.
Leur but est clair; ils voudraient faire
croire au pays que la commission té-
moigne envers le gouvernement d'un
esprit de conciliation tout à fait patrio-
tique, et qu'elle n'a résisté aux désirs de
M. Thiers que sur des points de détail
insignifiants. C'est fort adroit, on ne
peut le nier. De cette façon, on inter-
vertit les rôles, et quand on en viendra
aux mains à la tribune, on ne manquera
pas de dire : Vous voyez; tout le monde
était d'accord; M. Thiers lui-même ne
s'était point montré mécontent de la
commission; et maintenant voilà qu'il se
fâche ! Cet homme est vraiment d'une
exigence !.
En somme, s'il faut en croire les or-
ganes de la droite, M. Thiers trouve on
ne peut plus naturel que les trente
l'aient envoyé au diable, lui, M. Dufaure,
et son article 4! La preuve, c'est que
l'autre soir, à dîner, le président de la
République avait à 'sa dextre un membre
de la commission, et qu'il ne lui a fait au-
cune des niches qu'on se fait d'habitude
entre gens Cfui ne peuvent pas se souf-
frir. Ainsi M. Thiers, loin de mettre de
l'eau dans le potage de son voisin, ou
de jeter sournoisement du sel dans son
vin, ou de lui retirer brusquement sa
chaise au moment où il allait s'asseoir,
n'a point cessé, au contraire, de le com-
bler de prévenances.
On voit que tout est pour le mieux,et
que nous allons entrer incessamment dans
l'âge d'or.
Mais, d'autre part, on tient un langage
tout différent. On dit que M. Thiers est
indigné, non pas seulement du vote final
des trente, mais de la trahison d'un cer-
tains nombre de commissaires qui avaient
pris l'engagement de soutenir l'article 4,
tel qu'il avait été présenté par le garde
des sceaux. On raconte même pourquoi
et comment ont eu lieu les désertions.
C'était vendredi soir, dans un salon du
noble faubourg, où les chefs du parti lé-
gitimiste s'étaient ménagé une entrevue
avec les orléanistes de la commission.
Ils leur signifièrent que tout projet de
fusion deviendrait irréalisable si, le len-
demain, la majorité des trente ne votait
pas comme un seul homme contre « le
petit bourgeois. » Avec cette menace-là,
voyez-vous, on ferait aller un orléaniste
à Rome, dans la poche de M. de Belcas-
tel. Et voilà comment M. Thiers, qui
comptait sur dix-sept voix pour lui, en a
eu dix-neuf contre.
t Il faudrait vraiment qu'il fût de bonne
èomposition pour ne pas se préparer une
revanche.
Quoi qu'il en soit, du reste, de tous
les bruits qui courent, il nous paraît
bien plus simple d'interroger la situation
elle-même, si l'on veut essayer de pré-
voir quelles en seront les conséquences.
Une chose ne peut faire doute pour
personne, c'est que les monarchistes de
la droite, — ils l'ont d'ailleurs avoué
eux-mêmes, — ne veulent à aucun prix
régler, pour l'instant, la question de
transmission des pouvoirs. Ils compren-
nent trop bien qu'après ce grand effort,
il ne leur resterait plus qu'à s'en aller
chacun chez eux, jouir d'un repos de-
puis longtemps mérité.
1. Nous ne sommes point dans le secret
de ces demi-dieux, mais, en procédant
du connu à l'inconnu, il ne doit pas être
impossible de pénétrer leurs desseins.
Nous ne voulons, bien entendu, ne don-
ner comme base à nos investigations
psychologiques que des faits avérés,
notoires, et dont il soit aisé de faire la
preuve. Ainsi; par exemple, on ne nous
accusera pas de médisance ou de calom-
nie, si nous disons que le vœu le plus
cher des élus de février est de présider
en personne aux élections prochaines. Ils
ont raison ; on n'est jamais mieux servi
que par soi-même. C'est dans ce but,
et rien que dans ce but, n'est-ce pas ?
qu'ils se sont faits les champions si te-
naces de ce fameux principe de la res-
ponsabilité ministérielle.
Mais ils voient que les choses ne
tournent pas tout à fait comme ils
l'eussent désiré; ils s'aperçoivent que
l'artichaut ministériel ne sera point
aussi facile à effeuiller qu'ils l'avaient
espéré, puisqu'il leur a fallu, bon gré
mal gré, accorder à M. Thiers le droit
de venir, dans les graves occasions,
prendre devant la Chambre sa part de
responsabilité, et, par suite, changer en
question de gouvernement ce dont on
n'aurait voulu faire qu'une question de
cabinet.
On peut être assuré que si le prési-
dent de la République avait accepté le
rôle muet qu'on prétendait d'abord lui
imposer, la commission n'eût point fait
autant de difficultés pour régler le mode
de transmission des pouvoirs publics.
Qu'aurait-elle eu à craindre ? Dès l'ins-
tant qu'elle eût détenu tous les porte-
feuilles, à l'heure de sa dissolution, le
reste ne pouvait guère l'inquiéter. Ce
résultat, elle ne peut plus l'espérer; il
est donc tout à fait naturel que la com-
mission, organe de la droite, ait fait le
raisonnement que voici: quand on n'a
pas ce qu'on désire, il faut garder ce
que l'on a.
- Or, que possède actuellement l'Assem-
blée? La constitution Rivet. Et que dit la
constitution Rivet, ou, pour parler plus
juste, la loi du 31 août 1871 ? Elle dit
que les pouvoirs du président de la Ré-
publique expireront en même temps que
les pouvoirs de l'Assemblée, ce qui ne
s'est jamais vu, ce qui est, pourquoi
craindrions-nous de le dire ? le défaut
de la cuirasse républicaine que M. Rivet,
avec les meilleures intentions du mon-
de, assurément, nous a confectionnée.
Il nous est permis de croire que nos
adversaires nous attendent là. Ils au-
raient pu, ils auraient dû rectifier ce
défaut en décidant que M. Thiers reste-
rait en fonctions pendant l'intervalle de
temps qui s'écoulerait entre la dissolu-
tion d'une Chambre, et l'arrivée d'une
autre. Nous aurions compris également
qu'une sorte de commission de perma-
nence, dépositaire des pouvoirs de l'As-
semblée, fût adjointe au pouvoir exécu-
tif pour la durée de l'interrègne. Mais
ce que nous comprenons bien mieux
encore, c'est que la droite manœuvre
de façon à ne rien décider jusqu'au
jour où elle devra se dissoudre.
Ce jour-là, qui donc pourrait l'empê-
cher de venir dire à M. Thiers : Nous
partons, suivez-nous? Et qui donc l'em-
pêcherait de nommer une commission
exécutive chargée du gouvernement pro-
visoire de la France jusqu'à la réunion
d'une Assemblée nouvelle ? Il va de soi
que cette commission pourrait fort bien
être choisie dans et hors l'Assemblée.
Le maréchal Mac-Mahon n'accepterait
certainement pas le rôle, qu'on ne man-
querait point de lui offrir ; mais le géné-
ral Ducrot ? Avec le pseudo-général du
Temple pour aide de camp?
Nous ne ferons point à nos lecteurs
l'injure de leur expliquer plus au long
tous les avantages que la faction roya-
liste pourrait tirer de ce petit arrange-
ment. Entre honnêtes gens on s'entend
à demi-mot. Mais d'ici-là, combien qui
siègent encore aujourd'hui, à côté des
Ernoul et des Broglie, seront venus s'as-
seoir au centre gauche et plus loin en-
core? Combien, éclairés déjà par l'atti-
tude des trente, comprendront, en écou-
tant leur rapporteur, qu'ils sont demeu-
rés trop longtemps au service des ducs,
et que l'heure est venue de quitter la
cohue des ambitieux pour entrer dans
les rangs des citoyens ?
Vienne ce jour, et les espérances de
la droite, ses projets et ses trames se-
ront bien décidément à vau-l'e;iu ; car il
se sera formé dans la Chambre, non plus
une majorité de rencontre,mais une vraie
majorité, solide et durable. Elle ne se
composera pas exclusivement de républi-
cains, sans doute; mais qu'importe, si
elle ne compte que des patriotes?
E. SCHNERB.
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LA "RÉPUBLIQUE EN ESPAGNE
Ce n'était hier qu'une probabilité évi-
dente, mais plus ou moins lointaine ; c'est
aujourd'hui un fait accompli. Les Cortès
n'ont pas voulu recommencer l'expérience
du provisoire. On suivra avec intérêt, dans
la série des télégrammes qu'ont produit ces
vingt-quatre heures, la gradation rapide des
événements.
Bayonne, 12 février.
Les avis de Madrid en date du 10, à 5 heures
30 du soir, constatent qu'il y avait un peu d'a-
gitation, mais que l'ordre * était complet. Les
troupes et la garde nationale étaient disposées à
maintenir l'ordre. Le palais du Congrès était
entouré d'une foule dont l'attitude était pacifi-
que. On criait : Vive la République ! Les confé-
rences continuaient entre les radicaux et les
républicains, sur la manière de résoudre la
question.
Madrid, 11 février, 11 h. matin.
La Correspondancia croit savoir que si le roi
quitte l'Espagne, il sera accompagné de MM.
Zorilla, Gandara, Ricco et autres.
On dit que M. Castelar n'acceptera aucun
poste si la République est proclamée.
On croit que M. Rivero sera nommé prési-
dent du nouveau cabinet.
La nuit s'est passée sans aucun désordre ni
aucun symptôme alarmant pour la tranquillité.
Madrid, 11 fév., 11 h. 30 matin.
Le Congrès s'est constitué en permanence ; il
a nommé une commission composée de mem-
bres du bureau et de cinquante députés chargés
d'attendre que le ministère se présente pour
continuer la séance.
L'ayuntamiento de Madrid s'est constitué en
séance permanente secrète et ne se séparera pas
avant que les Cortès aient pris une décision.
Le conseil des ministres se réunit ce matin
pour arrêter la forme de présentation du mes-
sage royal, qui est déjà rédigé.
SÉANCE SOLENNELLE DES CORTÈS.
Madrid, 11 février.
Séance de la Chambre des députés. — Lecture
est donné du message du roi. Le message dit
que ç'a été un grand honneur pour lui d'être
appelé à régir les destinées de ce pays. Bien
qu'il soit profondément troublé, il était décidé
à observer son serment de respecter la Consti-
tution, croyant que la loyauté suppléerait à son
inexpérience ; son bon désir l'a trompé, car
l'Espagne est en lutte continuelle. Si les adver-
saires qu'il a à combattre étaient étrangers, il
n'abandonnerait pas le combat; mais ce sont des
Espagnols, il ne veut pas être le roi d'un parti,
ni agir illégalement ; il croit que tous ses efforts
seraient stériles, il renonce donc à la couronne
pour lui et sps héritiers.
Le président propose d'envoyer le message au
Sénat, et de réunir les deux Chambres qui
assumeraient la souveraineté.
M. Salaverria déclare, au nom de son parti,
qu'il désire qu'on agisse légalement : il appuiera
le gouvernement qui maintiendra l'ordre social
et l'intégrité de la patrie.
M. Ulloa fait des déclarations analogues ; il
dit que la patrie est au-dessus de tout. (Applau-
dissements. )
M. Castelar se réjouit de l'attitude des con-
servateurs dans le Congrès.
Les sénateurs et les députés étant réunis, le
président du Sénat se place à côté du président
de la Chambre des députés, qui déclare que les
deux Chambres réunies se constituent en Cortès
souveraines d'Espagne.
M. Martos annonce que M. Zorilla ne peut
pas se rendre à la séance ; il dit que le roi a
manifesté la ferme résolution de renoncer à la
couronne, et que les ministres ont donné leur
démission ; il fait des vœux en faveur de la li-
berté.
La renonciation du roi est acceptée par les
Cortès à l'unanimité ; les Cortès nomment une
commission chargée de rédiger une réponse au
message. La séance continue.
Mairid, 11 février, soir.
Suite de la séance. — Les Cortès nomment
une commission pour accompagner le roi jus-
qu'à la frontière.
M. Pi-Margall appuie la proposition tendant à
déclarer que l'Assemblée nationale assume tous
les pouvoirs ; qu'elle nommera un gouverne-
ment responsable, et qu'une autre Assemblée
sera chargée de déterminer la forme de la Répu-
blique (sic). La proposition est divisée en deux
parties : la première partie établit la Républi-
que et porte que l'Assemblée assume tous les
pouvoirs : cette proposition est adoptée par 256
voix contre 32.
M. Salemero appuie cette proposition ; il re-
commande l'union et la réconciliation de tous
les partis autour de la bannière républicaine. Il
ajoute : « Il n'y a pas de répuhlicains de la
veille, nous sommes tous Espagnols. »
M. Zorilla demande qu'avant de voter on
nomme le gouvernement.
M. Rivero dit que le président des Cortès ré-
pond de l'ordre public. M. Zorilla insiste.
M. Rivero fait appel au patriotisme et non
aux partis. Il ordonne à M. Zorilla de reprendre
sa place au banc ministériel. M. Martos déplore
l'emploi des formes tyraniques au moment où
la monarchie finit.
M. Rivero abandonne alors son siège prési-
dentiel et quitte la salle des Cortès.
M. Figuerola le remplace.
Madrid, 11 février, soir.
La plus complète tranquilité continue de ré-
gner.
Comme conclusion, une dépêche, arrivée
à Paris dans l'après-midi du 13, annonce
que le roi Amédée, la reine sa femme et
leurs enfants ont dû quitter Madrid dans
la matinée du même jour. Ils prennent la
voie de Portugal.
Voilà donc, chose rare partout et chose
bien nouvelle, bien imprévue en Espague,
une révolution absolument pacifique, une
révolution qui ne fait ni vainqueurs ni
vaincus. C'est ici le cas ou jamais de dire
que la République est la solution qui divise
le moins.
Nous ajouterons qu'en Espagne la Ré-
publique est ce qui unira le plus. Les deux
principaux antagonistes des luttes politi-
ques modernes, le radicalisme et la réac-
tion, ont, en effet, au delà des Pyrénées,
un dogme commun : la décentralisation,
appelée fueros par celle-ci, fédéralisme par
celui-là. La République fédérale (et c'est
la combinaison qui prévaut dans les aspi-
rations du moment), semble donc appelée
à résoudre ce curieux problème de trans-
former simultanément les deux éléments
subversifs par excellence en éléments con-
servateurs.
P. S. Voici les dernières nouvelles :
Le roi Amédée est effectivement parti,
mercredi matin, pour Lisbonne. A-t-il,
comme on le prétend, choisi cette route
pour éviter ane rencontre avec les bandes
carlibtes qui infestent les provinces du
Nord ? N'est-il pas pour le moins aussi
probable qu'il a cédé au désir de visiter
son beau-frère et sa sœur, le roi et la
reine de Portugal?
La dépêche ajoute :
La reine Marie-Victoire, et ses enfants, dont
un âgé seulement de quelques jours, sont partis
avec le duc d'Aoste.
Une députation nommée par les Cortès, et le
comte de Rius, grand majordome de la cour
qui disparaît et neveu de M. Olozaga, forment
la suite des princes. Quelques autres personnes
les accompagnent.
Le ministre d'Espagne à Lisbonne est venu à
leur rencontre jusqu'à la frontière du Por-
tugal.
M. Zorilla, retenu par les débats parle-
mentaires, n'a pu suivre le prince dans son
voyage,
CONSEIL MUNICIPAL DE PARIS
SESSIOX ORDINAIRE
Séance du mercredi 12 février 1875.
A deux heures et demie, M. le préfet
donne lecture d'un arrêté préfectoral qui
convoque le conseil municipal en session
ordinaire, à partir du jeudi 13 février.
M. Trélat, doyen d'âge, monte au fau-
teuil, et occupe la présidence provisoire
en attendant qu'il soit procédé à l'installa-
tion du nouveau bureau.
Une entente paraissait devoir s'établir
entre les diverses fractions de l'assemblée
à l'effet de maintenir les anciens digni-
taires dans leurs fonctions ; mais l'accord
n'ayant pu se faire, il est procédé au vote.
A peine le scrutin ouvert, M.Cantagrel
fait observer que les bancs de la gauche
sont moins bien garnis que ceux de la
droite. Invoquant les usages des assemblées
délibérantes, il demande un sursis d'une
demi-heure avant la clôture du scrutin.
Le côté droit fait acte de courtoisie en
ne s'opposant pas à cette proposition, ce
qui donne le temps à quelques retarda-
taires avancés d'arriver en temps utile et de
déposer leurs bulletins dans l'urne.
Résultat du scrutin pour la présidence.
Nombre des votants, 73. Majorité abso-
lue, 37.
Dépouillement des bulletins.
MM. Vautrain, 40 voix.
Hérisson, 32 —
Hérold. 1 —
En conséquence, M. Vautrain est nom-
mé président.
Pour la vice-présidence, sur 73 votants,
les voix se sont réparties comme suit :
MM. Hérisson, 46 voix.
Thorel, 45 —
Callon, 31 —
Beudant, 23 —
Hérold, 1 —
Allain-Targé, 1 -
MM. Hérisson et Thorel sont donc élus
vice-présidents. Ils représentent la gauche
de l'assemblée, et font contrepoids à l'élec-
tion de M. Vautrain, auquel on objecte une
certaine tiédeur.
Voici le résultat du vote pour les secré-
taires : Sur 75 votants, ont obtenu :
MM. Jacques, 59 voix.
Rigaut, 44 —
Perrinelle, 41 —
Clémenceau, 39 —
Martial-Bernard 33 —
Alb. Dehaynin, 29 —
Christofle, 18 .-
Les quatre premiers candidats sont doae
également nommés au premier tour.
En sorte que le bureau se trouve ainsi
définitivement constitué.
Président :
M. Vautrain.
Vice-président :
MM. Hérisson
Thorel.
Secrétaires :
.j) MM. Jacques.
Rigaut.
Perrinelle.
Clémenceau.
Il est à remarquer que le côté droit
n'est pas représenté au secrétariat. N'est-
ce point un inconvénient pour la rédac-
tion du procès-verbal et pour le relevé des
votes, surtout au moment des épreuves.
douteuses.
Une fois les proclamations faites, le vé-
nérable M. Trélat cède le siège présiden-
tiel à M. Vautrain..
Dans une courte allocution, Fhonorable
M. Vautrain rappelle les services rendus,
depuis deux aus, par le conseil élu de la
ville de Paris. Le moyen le plus certain
de consolider le gouvernement de la Ré-
publique, affirme-t-il, c'eôt de faire preuve
de modération; c'est surtout, pour le con-
seil, de ne jmais sortir des limites de son
mandat en s'immisçant dans la politique.
Il engage instamment ses collègues à per-
sévérer dans la voie jusqu'alors suivie, à
continuer patiemment l'œuvre laborieuse
à laquelle ils se sont dévoués, et à cou-
tribuer ainsi à l'affermissement de l'ordre
de choses existant aujourd'hui. (Approba-
tion.)
Un dossier est introduit d'urgence par
M. le préfet. Il s'agit de statuer sur le sort
des jeunes engagés volontaires d'un an qui
sollicitent de devenir boursiers de la Ville,
c'est-à-dire qui demandent l'exonération
des 1,500 francs. Aux termes de la loi, le
conseil n'est appelé qu'à donner un avis
sur la position de fortune des parents et le
mérite des candidats.
Le préfet seul dresse la liste définitive.
La deuxième commission se retire dans
ses bureaux, examine les titres des postu-
lants, et fait un choix parmi les plus in-
téressants. M. Riant présente le rapport
séance tenante. Quatre jeunes gens sont
entièrement exonérés: des remises de 1,000
francs et de 500 francs sont accordées à
huit autres dont la position de fortune est
modique.
Le conseil vote par acclamation le main-
tien des anciennes commissions et décide
qu'il se réunira les mardi, jeudi et samedi.
La séance est levée à cinq heures.
Les affaires les plus importantes qui doi-
vent occuper cette session sont : l'usage obli-
gatoire du compteur horaire et kilométrique
pour les voitures publiques; l'augmenta-
tion des droits d'octroi sur la cire et la
bougie stéarique ; la révision de la nomen-
clature des rues de Paris; l'affectation du
nouvel Hôtel-Dieu ; la création de nou-
velles écoles; le renouvellement des mem-
bres de la commission des logements insa-
lubres ; demande de concession pour l'éta-
blissement d'un aquarium aux Champs-
Elysées, etc., etc.
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