Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-02-05
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 05 février 1873 05 février 1873
Description : 1873/02/05 (A3,N447). 1873/02/05 (A3,N447).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
38 Année. — 3N° 447.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 5 Février 1873.
RÉDACTION
"adresser au Seorétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
S* rue Arraoti SI
les manuscrit» non iméris seront rendus
AMHWEMEXTS
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
2* rue Brevet, 2
La lettres non tffrtmhies serent refusées
t
ABINNEMENTS
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
PARIS
Trais mois. 13 fr.
Six mois 25
U. &Il. 50
BÉPARTKMENT8
Trois mais. 16 fr.
Six mois 32
Un an 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C"
0, place de la Sourie, 0
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois. 25
Un an 59
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois. 32
Un an. 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et G*
0, place 4e la Bonne, O
JOURNÉE POLITIQUE
Parts, le 3 février 4875.
Hier, l'Assemblée a repris l'examen du
projet de loi sur le travail des enfants dans
les manufactures, après s'être occupée du
projet de M. René Brice sur les volontai-
res d'un an. Pendant ce temps, M. Thiers
avait avec la commission des trente cette
dernière entrevue dont on a tant parlé
l'autre semaine. C'est la grande affaire de
la journée. Il ne nous reste à signaler,
après cela, dans la politique extérieure,
que l'échange officiel de la déclaration où
est fixé le tarif des droits compensateurs
annexé au traité de commerce anglo-fran-
çais du 5 novembre 1872. C'est le 29 jan-
vier que cette formalité a été accomplie
par le ministre des affaires étrangères et
l'ambassadeur d'Angleterre.
Les prétendus dangers que fait courir
aux maisons généralices de Rome le gou-
vernement italien sont devenus pour l'é-
piscopat français un sujet de protestations
fort inopportunes. M. l'évêque de Ver-
sailles a, le premier, adressé au président
de la République une requête passionnée,
et nous voyons que sou exemple a été
aussitôt suivi, puisque quarante-cinq pré-
lats français, au dire du Soir, et même da-
vantage, d'après une rectification de VUni-
vers, qui d'ailleurs ne donne pas le chiffre,
ont joint leurs réclamations aux siennes. M.
Thiers leur a fait la réponse la plus sensée
qui pût se faire, à savoir que les généraux
des ordres religieux en Italie ne sont me-
nacés d'aucun décret d'expulsion, que les
corporations religieuses subsisteront d'ail-
leurs à Rome et dans toute la Péninsule,
que le gouvernement italien veut seule-
ment régler, comme il en a le droit, les
rapports de l'Etat et de l'Eglise, et que le
gouvernement français n'a aucun sujet
d'intervenir dans la discussion de la loi
sur les corporations religieuses dont le
Parlement italien doit prochainement s'oc-
cuper. M. Nigra, ministre d'Italie à Paris,
a de plus assuré M. Thiers que tous les
droits des établissements étrangers seraient
respectés, et que M. Visconti-Venosta s é-
tait expliqué formellement à cet égard
avec la commission parlementaire. Sur
tout cela, l'Univers s'indigne; mais nous
voulons croire que la majorité de l'épisco-
pat et du clergé fraiçais ne partagera
pas l'indignation de ce journal et que les
explications du président de la République
les pourront enfin satisfaire.
Nous annoncions hier, d'après les dépê-
ches, la brusque rupture du ministre d'Ita-
lie, à Athènes, avec le ministre grec des
affaires étrangères, M. Deligiorgis. Un té-
légramme plus récent, daté de Rome, 2
février, dit que la chose est moins grave et
que la rupture n'est pas consommée. Le
ministre d'Italie aurait recu seulement
pour instructions « d'apporter une grande
réserve dans ses rapports officiels avec le
gouvernement hellénique, jusqu'à la solu-
tion de l'affaire du Laurium. » Les jour-
naux de Rome, cependant, pressent leur
gouvernement d'en finir et lancent contre
le ministère grec et surtout contre M.
Deligiorgis de véritables réquisitoires. Il y
a longtemps, en effet, qu'on aurait du ré-
gler ce différend, que le gouvernement
hellénique semble vouloir prolonger à plai-
sir par de misérables chicanes.
EU&. LIÉBERT.
———————— ♦ ;
LE MINIMUM DE M. THIERS
M. Thiers ne veut pas être un manne-
quin. C'est lui-même qui l'a déclaré hier
devant la commission des trente en éta-
blissant le minimum des concessions
qu'il croit pouvoir faire à la droite. Mi-
nimum est mis là pour ultimatum, car
le président de la République a signifié
très-nettement son intention d'en appeler
à l'Assemblée si la commission refusait
de satisfaire à ses légitimes revendica-
tions.
Disons tout de suite que cet ultima-
tum n'est pas bien méchant, et que s'il
est suivi d'une déclaration de guerre,
c'est que messieurs les trente ont reçu
dès longtemps l'ordre de n'abandonner
ni un pouce du territoire qu'ils ont en-
vahi, ni une pierre des forteresses qu'ils
ont élevées. Dans ce cas, nous pouvons
attendre avec confiance la bataille parle-
mentaire et compter sur une nouvelle
édition de la capitulation monarchique
du 29 novembre.
M. Thiers accepte le préambule, où il
est dit que l'Assemblée nationale réserve,
dans son intégrité, le pouvoir constituant
qui lui appartient; mais il ne l'accepte
pas sans protester un peu contre une
prétention dont nous avons ici même, à
plusieurs reprises, démontré l'outrecui-
dance. M. Thiers n'a point jugé à propos
d'entrer dans de longues explications à
ce sujet; il s'est contenté de faire comme
ce mari 0 qui ouvre la porte de la cham-
bre à coucher de sa femme et la repousse
avec colère pour montrer qu'il n'est pas
content de ce qu'il a vu.
Nous comprenons très-bien- - - -
timent a cédé M. Thiers; il risquait fort
d'être obligé, dès le début, de rompre
en visière à la commission s'il abordait
ce terrain brûlant, car il ne pouvait
ignorer qu'elle s'y montrerait intraitable.
Il suffit qu'il ait indiqué sa manière de
voir à cet égard pour que, le jour de la
discussion publique, les votants de la
proposition Dufaure sachent bien que
leur premier devoir est de forcer les gens
de la droite à mettre bas les masques
en s'expliquant catégoriquement sur le
sens et la portée qu'ils entendent don-
ner à ce préambule.
A le prendre au pied de la lettre, il
est la négation permanente de tous les
articles qui le suivent, puisqu'il donne à
la majorité le droit d'en user, avec la
quasi-constitution dont elle propose la
formule, comme Pénélope avec sa toile.
C'est aux républicains, c'est à tous ceux
qui ont accepté, qui acceptent, et qui en-
tendent maintenir fond et forme du mes-
sage présidentiel du 13 novembre, qu'il
appartient de protester contre cette hy-
pocrite déclaration.
Les ducs de la commission n'ont pas
osé infliger un blâme direct au message.
L'eussent-ils voulu, ils n'en avaient pas
le droit, puisque la Chambre a repoussé
le projet Batbie pour voter le projet Du-
faure. Mais ils ont tourné la difficulté ;
tranchons le mot, ils ont éludé la loi,
car un vote a force de loi; et, à M.
Thiers déclarant que la République exis-
tait, ils ont opposé l'Assemblée signifiant
sa résolution de remplacer, quand elle le
voudrait, la République par. autre
chose.
M. Thiers, nous le répétons, a fait sa-
gement de ne point discuter à fond le
préambule. C'est affaire aux représentants
du peuple, — nous appelons ainsi ceux
là seuls qui ne dédaignent point la volon-
té nationale, aujourd'hui si clairement
définie.
Passons donc aux différents articles
du projet.
M. Thiers demande qu'on lui accorde
au moins le droit de venir en personne
lire'son message d'ouverture des Cham-
bres. La commission prétendait charger
un ministre de cette besogne; mais il
est probable qu'elle cédera sur ce pre-
mier point plus facilement que sur le se-
cond, où il est dit que le jour où le pré-
sident de la République, dûment auto-
risé, s'est fait entendre dans une dis-
cussion, la séance est levée dès qu'il a
parlé, et la discussion renvoyée au len-
demain.
Le président de la République ne
l'entend pas ainsi ; il veut qu'on lui ré-
ponde, il veut pouvoir réfuter sur
l'heure les contradictions, et ne pas être
obligé d'envoyer messages sur messa-
ges à l'Assemblée pour redresser une
erreur de chiffres, une omission, un mot
mal interprété ou quelque chose d'ana-
logue.
Il se pourrait bien faire qu'à cet égard
la commission se montrât récalcitrante.
Toute l'économie de son projet est dans
ce soin jaloux qu'elle a mis à écarter M.
Thiers de la tribune, à paralyser sa puis-
sance oratoire, à annihiler la prodigieuse
autorité de sa parole. On ne veut pas
discuter avec lui, c'est trop dangereux;
comme on ne peut pas faire autrement,
on lui permet de monter parfois à la tri-
bune et de se livrer à cette brillante es-
crime où il est passé maître ; mais on ne
veut pas lui opposer d'adversaire; on le
réduit à tirer au mur, lui qui sait si
bien parer et riposter !
Vous verrez que sur ce paragraphe 2
de l'article fer la lutte sera chaude.
Sur l'article 2, l'accord est complet, au
moins en ce qui concerne le 1er paragra-
phe ; mais pour le second, c'est différent.
Il s'agit encore d'interdire la tribune au
président dans le cas justement où il
doit désirer le plus d'en user. Nous ne
pouvons que répéter ici ce que nous ve-
nons de dire sur l'article précédent, et
ce qu'il nous faudrait répéter au sujet
de l'article 3, relatif aux interpellations.
Ici, M. Thiers s'est montré plus ferme
encore peur soutenir son droit d'être
entendu dans toutes les interpellations
pouvant intéresser la politique du gou-
vernement.
Tout cela, a dit M. Thiers, toutes ces
restrictions sont dirigées contre moi, je
le sais; et si je me soumets dans la me-
sure du possible, c'est que je ne veux
point mettre mon pays en danger. Tout
cela, aurait-il pu ajouter encore, tout
cela, c'est de la politique de combat.
Vous avez voulu me renverser, mais
vous n'aviez personne à mettre à ma
place, et aujourd'hui vous prétendez
taire de moi un mannequin. Je me re-
biffe. Supprimez-moi si vous pouvez;
mais vous ne m'amoindrirez que tout
juste autant que je me laisserai faire.
J'imagine que certains visages de com-
missaires ont dû faire de bien drôles de
mines quand le petit homme à lunettes
leur a décoché comme autant de jolies
petites pichenettes sur le nez les deux
ou trois phrases de la péroraison sur
l'humilité de sa naissance qui ne lui per-
met pas de jouer le rôle ridicule d'un roi
constitutionnel.
Ah! comme on comprend que les tri-
poteurs de fusion tiennent à se mettre
le plus possible à l'abri des taloches de
ce diable d'homme !
E. SCHNBRB.
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 5 février 1875.
On voit bien qu'il ne s'agit plus de mar-
chés de farine ou plutôt de drapeau rouge
(car, entre nous, n'est-ce pas le cas de
dire que, dans cette discussion, le pavillon
couvrait la marchandise ? ) ; les tribunes
sont peu garnies et la salle est à moitié
vide. Même, au moment où la séance com-
mence, cent cinquante députés, tout au
plus, sont présents. Les rectifications du
lendemain ne peuvent faire grand tapage
dans cette salle vide.
Elles retentissent cependant, comme ces
coups de feu isolés qu'on entend encore,
une fois la bataille finie. M. Lasserve fait
une rectincationenrhonneur de Garilbaldi;
la droite n'est pas assez fournie pour étouf-
fer la voix de l'orateur.
Au tour de M. George (des Vosges) :
« A la façon dont le Journal officiel re-
produit mon interruption , on pourrait
croire que j'ai eu l'intention de soutenir le
drapeau rouge. »
Jusqu'ici, tout va bien. Mais M. George
continue : « Nous avons défendu le dra-
peau tricolore contre le drapeau rouge ;
nous l'avons défendu comme nous le dé-
fendrions contre le drapeau blanc ! »
La droite n'est pas contente, mais, là, pas
contente du tout; M. Dahirel s'efforce de
faire, à lui tout seul, de violentes ru-
meurs. Heureusement est peu fournie la
droite; les légitimistes ne sont pas encore
arrivés. Nous sommes sauvés pour cette
fois!
M. Baragnon tente bien de petits effets
à propos du drapeau blauc; mais M.
Grévy, qui semble avoir la tête quelque peu
cassée de tout le tapage des jours derniers,
coupe court, par une admonestation, aux
rumeurs en herbe. C'est la première fois
que nous sommes ravis de la nonchalance
de nos honorables ; sans elle, nous avions
peut-être un épilogue bruyant à la journée
de samedi.
Il y a de la mollesse dans l'air aujour-
d'hui.
L'intérêt n'est pas dans la salle ; il est
dans le onzième bureau; M. le président
de la République, arrivé vers deux heures
un quart, est enfermé avec les membres de
la commission des trente. Il est assisté de
M. Dufaure. C'est la grande entrevue d'où
doit sortir la paix ou la guerre — et d'où
ne sortira peut-être rien du tout.
On écoute peu M. René Brice, qui veut
introduire une modification à la loi sur le
recrutement de l'armée. Déjà !. c'est à
peine si la loi est en exécution.
Il s'agit des volontaires d'un an et des
frais qu'ils doivent faire pour leur habille-
ment : la quotité de la somme à débour-
ser n'est pas enjeu dans ce débat; M. Re-
né Brice ne demande pour l'instant que la
remise totale de cette somme étendue à un
plus grand nombre de volontaires. Le gé-
néral Chareton, le ministre de la guerre,
M. Rives et le général de Chabaud-Latour
prennent part à cette discussion, peu
ardente d'ailleurs. Tous parlent dans le
même sens, et tous aussi vetent dans le
même sens,—contre le projet de M. Brice.
Qu'est-ce à dire? M. Chaurand, à la tri-
bune, M. Chaurand, l'ennemi personnel
des pompiers de Lyon, M. Chaurand parlant
de la municipalité lyonnaise.? Parions
qu'il en dit du mal t - Oh ! il demande
simplement sa suppression.
La présence du clérical député de Lyon à
la tribune signifie ceci : il ne s'agit pas seu-
lement de secouer le prunier, il faut
aussi ramasser les prunes. La discus-
sion de samedi épuisée, M. le baron
Chaurand profite de l'occasion pour appor-
ter un projet qui met Lyon sous le même
régime municipal que Paris. Il demande
l'urgence du projet.
Décidément on est fatigué de toutes les
dernières luttes; la gauche laisse M.
Chaurand lancer tranquillement son ballon
d'essai.
Ballon d'essai. est-ce bien juste ? Non,
car la proposition est déjà vieille ; sa sœur
esr. depuis longtemps à l'étude dans la
commission de décentralisation. C'est ce
que rappelle M. Millaud, un autre député
de Lyon, pour s'opposer à l'urgence.
M. Moulin, le président de la commis-
sion de décentralisation, donne des expli-
cations sur le travail de la commission ;
M. Millaud insiste sur son idée première.
Mais tout cela se fait sans bruit, sans cris,
sans grande lutte. Cependant, nous faisons
uue remarque : à plusieurs reprises, des
interruptions sont parties de la droite, et
nous distinguons ces mots : « L'opiuion
du gouvernement ! » Evidemment la droite
veut engager le gouvernement sur la ques-
tion. M. de Goulard n'est pas au banc des
ministres.
Le coup monté va - t - il manquer
par l'absence du ministre ?. M. Desjar-
dins sauve la situation en déclarant que,
vu la gravité de la proposition, il ne pense
qu'on puisse procéder au vote sans avoir
entendu le ministre de l'intérieur.
Attendons.
Et la réglementation du travail des en-
fants dans les manufactures, si souvent
'interrompue par les pièces politiques à suc-
cès, fait, pour la quatrième fois, son en-
trée en scène. On recommence à piétiner
sur l'article 3.
Pendant que M. de Melun fait, à la tri-
bune, son métier de président de la com-
mission, M. de Goulard entre et s'assied à
son banc; immédiatement M. Chaurand
se précipite et lui conte à l'oreille le
bon tour qu'il vient d'imaginer. Aux ges-
tes vifs, précipités, qui échappent au mi.
nistre et aux mouvements de tête désolés de
M. Chaurand, nous devinons qje le mem-
bre du gouvernement et le député lyon-
nais ne sont pas autant du même avis
que certains membres de la droite vou-
laient bien l'insinuer d'avance.
En effet, M. de Goulard monte à la tri-
bune, et, sans s'opposer à l'urgence, sans
s'opposer au projet, sans s'opposer à quoi
que ce soit, il déclare cependant ne rien
patronner, le gouvernement ayant lui-
même son idée — qu'il ne connaît pas en-
core.
Malgré les observations fort justes de
M. Le Royer, l'urgence a été votée. Que
voulez-vous? Il est si doux, quand on ne
peut user du pouvoir, d'avoir l'air d'en
abuser!
Pendant ce temps, M. Thiers se sépa-
rait de la commission des trente. Et, ce
qui est plus grave, il se séparait quelque
peu de la majorité de cette commission.
PAUL LAFARGUE.
* ——————————
LA SALLE DES PAS-PERDUS
La séance d'aujourd'hui n'offre aucun
attrait. L'affaire des marchés de Lyon est
terminée ; on a bien une petite interpellar
tion à se mettre sous la dent, mais elle. est
si petite, que ce n'est vraiment pas la
peine d'en parler, et puis, d'ailleurs, aura-
t-elle lieu?
Le train d'une heure vingt-cinq ne con-
tient que très-peu de députés et cela nous
pftftive que la séance ne sera pas animée.
Le chef du train explique à son chef de
gare qu'il sait très-bien que la séance ne
sera pas animée. <
— Ils sont très-peu dans les wagons,
dit-il.
Réflexion pleine de sens qui prouve que
ce fonctionnaire connaît son monde.
«
* *
Nous arrivons dans la salle des Pas-
Perdus, et de loin en entend le bruit des
tambours qui battent aux champs. C'est le
président de la République qui traverse la
cour de Marbre, pour se rendre à la com-
mission des trente où on va le déchirer.
Il traverse la salle des Pas-Perdus. On
voudrait déjà que M. Thiers sortît du 11*
bureau.
*
* 0
Le 11* bureau est toujours appelé à être
témoin des discussions importantes. C'est
de là qu'est sorti le gouvernement de
combat; cela tient à ce que ce bureau est
le plus éloigné, et que le secret peut, par
conséquent, être bien mieux gardé.
Le secret ! n'est-ce pas admirable? M. Ba-
ze, étant membre de la commission, ne peut
se promener devant la porte pour protéger
ses collègues ; mais de temps en temps il
passe le nez à la porte et s'assure que per-
sonne ne regarde par le trou de la ser-
rure.
*
* *
M. Thiers est déjà arrivé depuis vingt
minutes quand M. Dufaure, muni d'un
gros portefeuille, traverse la buvette. Il
est en retard et cependant il faut absolu-
ment qu'il soit là. Il représente le gouver-
nement, ussi il se dépêche. On essaie de
l'arrêter pour savoir ce qu'il doit dire.
— Je n'en sais rien, répond le garde des
sceaux, car cela dépend de l'attitude que
prendront les membres de la majorité.
Allez ! M. le garde des sceaux ! on vous
accuse de vouloir entrainer M. Thiers à
faire des concessions, et on regrette pres-
que que vous ne restiez pas à la seance.
*
♦ #
Enfin ! attendons. Les cigares s'allu-
ment. Il paraît que l'interpellation est re-
mise, par conséquent il n'y a personne
dans la salle des séances, tout le monde
est partout.
M. Janicot, toujours fidèle au poste, at-
tend que M. Ernoul lui apporte le compte-
rendu de la commission. Mais il ne perd
pas son temps. M. Baragnon, M. de Res-
séguier et M. de Guiraud lui passent suc-
cessivement parles mains ; ils lui remettent
chacun une petite note contenant leurs
impressions sur la politique actuelle.
<
« •
Voici M. Baze! Il jette un coup d'œil,
s'assure qu'il n'y a pas de journalistes
dans la salle des Pas-Perdus et rentre
immédiatement.
*
* *
Il paraît que la commission électorale
s'est réunie. Lisez sans rire ce que nous
allons rapporter ici. Vous vous imaginez
peut-être qu'on a discuté les grosses ques-
tions que fait naître une loi électorale,
que des hommes compétents ont été en-
tendus et qu'on a fait un pas.
Eh bien , non ! La commission a enten-
du M. de Castellane développer ses idées,
exposer son plan. Et on l'a écouté tout
comme si c'était sérieux !
Mais ses collègues avaient des regrets et
ils se demandaient à la sortie s'ils avaient
fait acte d'hommes raisonnables.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter que le
jeune député désire qu'on apporte le plus
de restrictions possibles au suffrage uni-
versel.
La gauche radicale est réunie sous la
présidence de M. Louis Blanc. Mais tout
d'un coup les membres qui composent cette
réunion sortent rapidement. On est venu
les prévenir qu'il y avait un incident sou-
levé par M. le baron Chaurand. Il paraît
que cela n'est pas long, car on voit de nou-
veau apparaître les représentants. On at-
tend toujours le travail de la commission
des trente.
*
* *
Enfin, à quatre heures et 112, le grand
duc des marchés, M. d'Audiffret-Pasquier
ouvre la porte vitrée. Il est seul et cepen-
dant la séance doit être terminée. Ah!
voici M. Thiers. Il sort avec M. Du-
faure , il a l'air content. M. Dufaure
sourit aussi, ce qui nous inspire une cer-
taine inquiétude. Mais en revanche M.
Thiers a l'air satisfait, ce qui nous rassure.
Mais il nous est impossible d'avoir des
renseignements. M. le président de la Ré-
publique s'en va seul.
*
» *
Les membres de la commission les sui-
vent de près. Le jeune 0. d'Haussonville
est toujours rouge ! Allons ! cela ne va pas
mal. M. Emmanuel Arago sourit et rend
compte de la séance.
- Cela va bien, dit-il !
- Mais encore!
- Oui, cela va bien, je n'ai pas besoin
de vous en dire plus, et il s'éloigne. Heu-
reusement qu'il nous suffit de savoir que
cela va bien.
♦
* *
A bientôt la discussion en séance pu-
blique ; mais avant, nous aurons une
discussion sur le projet de loi du baron
Chaurand.
C'est très-politique, le pays a évidem-
ment besoin qu'on se dispute un peu.
RAYMOND.
— 4,
LES PÉTITIONS CLÉRICALES
Vous rappelez-vous qu'il y a un mois,
je donnai dans ce journal le texte d'une
assez étrange circulaire que Monseigneur
de Coutances avait adressée à ses cu-
rés?
Il s'agissait d'organiser un pétition-
nement contre la loi proposée par M.
Jules Simon sur l'enseignement obliga-
toire.
L'évêque, après avoir tonné pieuse-
ment contre la libre-pensée qui avait
inspiré ce projet infernal, après avoir
assuré que c'était l'abomination de la
désolation et l'ouverture de l'abîme, en
arrivait à la question qui lui tenait au
cœur, celle du pétitionnement.
Il faisait remarquer, en employant les
plus onctueuses formules du langage
ecclésiastique, que tout pétitionnement
étant mal vu de la Chambre, il ne fal-
lait point la contrarier là-dessus; que
l'on pouvait employer des moyens plus
doux, qui mèneraient, par un détour
adroit, au même résultat, sans blesser
en aucune façon des susceptibilités res-
pectables.
Les pétitions étaient interdites; mais
les lettres ne l'étaient point. Qui empê-
chait chaque curé d'écrire, pour son
propre compte, à quelque député bien
pensant, une lettre polie, où il lui dirait,
par forme d'amitié, qu'il serait bien
fâché qu'on instruisît les enfants de sa
paroisse, et que ce serait pour lui une
grande douleur de les voir aller à l'école?
Qui s'opposerait à ce que, cette lettre
une fois écrite, le curé la lût à ses pa-
roissiens et leur offrît de la signer ?
Est ce que ce serait là une pétition ?
Non, sans doute. Une simple lettre, et
pas même une lettre collective, mais une
lettre couverte d'un grand nombre de
signatures individuelles, assemblées là
par hasard.
On sent la différence.
Sur quoi, Monseigneur de Coutances
avait envoyé à chacun de ses curés le
modèle de la lettre à écrire ; un modèle
uniforme, avec de jolies cases blanches
pour y mettre les noms des fidèles. Oh !
rien n'était oublié. Car Monseigneur est
un homme de tête, et il ne s'en fie pas
pour ces détails à l'intelligence d un
simple desservant.
La façon dont Monseigneur avait ter-
miné sa lettre était adorable : il les avait
engagés à lui signaler sur des registres
speciaux ceux de leurs paroissiens qui
donneraient ou refuseraient leur adhé-
sion, et leur avait très-nettement déclaré
que le prêtre qui se permettrait de ne pas
lui renvoyer ses modèles de lettres, char-
gés de signatures aurait affaire à lui.
Cette menace était immédiatementsui-
vie de la bénédiction apostolique de
Monseigneur.
Je n'avais eu, depuis ce temps-là, au-
cune nouvelle de cette circulaire épisco-
pale. Je me doutais bien que les curés
du diocèse de Monseigneur se l'étaient
tenu pour dit, et que, sur une injonc-
tion aussi formelle du fougueux prélat,
ils n'avaient pas manqué de déployer un
zèle des plus ardents.
Il n'y a rien pour donner des jambes
à un cheval comme de lui sangler un bon
coup de fouet sur les reins. Quand vous
mettez un fonctionnaire entre sa place
et un service à rendre, c'est étonnant
comme il le rend, sinon de meilleur cœur.
au moins d'un cœur plus chaud. Et son-
gez qu'ici nous avions affaire à des fonc-
tionnaires qui n'ont pas même la cruelle
ressource de donner leur démission.
Les renseignements nous sont arrivés
enfin du département de la Manche. Ils
sont bien tels que nous les attendions.
Les curés, dans un grand nombre de
localités, n'ontpas trop beau jeu, naturel-
lement, avec leurs paroissiens. Tous 1( s
hommes sérieux refusent de signer;
ajoutez-y les timides, sans parler des
gens de parti pris. C'est la bonne ma-
jorité presque partout. C'est l'unanimité
dans bien des endroits : il ne reste au
pauvre desservant que son sacristain et
ses marguilliers. Et encore je n'en jure-
rais pas !
Et pourtant il lui faut des signatures !
Monseigneur l'ordonne, et il n'est pas
tendre sur l'article, Monseigneur ! Il
mesurera ses faveurs au nombre d'adhé-
sions recueillies; et l'autre main est
toute pleine de rigueurs, qu'il lancera
sur les décavés du pétitionnement.
Les hommes se dérobent, on se ra-
bat sur les femmes, qui sont plus com-
plaisantes. Et si elles refusent, on se
contente des enfants. Pauvres petits! on
leur fait signer qu'ils désirent ne jamais
apprendre à lire,. à écrire, ni à compter,
qu'ils ne veulent pas devenir des hom-
mes! Et quand leur main est trop novice
encore, on la leur tient, on la conduit
sur le papier; on les force à signer qu'ils
désirent ne savoir signer de leur vie.
Dans certaines paroisses, me dit la
lettre d'où je tire ces détails, la péti-
tion ne sort pas du presbytère; le curé
n'ose peint la colporter, de peur du scan-
dale; elle ne contient guère alors que
les noms de ces enfants, réunis exprès
pour apposer leurs noms au bas du pa-
pier.
Dans d'autres au contraire, c'est la
servante de monsieur le curé qui s'en va
de maison en maison porter la lettre
épiscopale, et qui presse ses chères
amies, les vieilles dévotes, les bons
pauvres du bon Dieu, les ignorants, les
imbéciles, de signer pour que personne
ne soit ebligé d'en savoir plus qu'eux..
Ce qu'il y a d'amusant en cette affai-
re, c'est que les journaux religieux
poursuivent de plaisanteries, qu'ils
croient très-spirituellu, les pétitions
déposées chez les marchands de vin. Se
sont-ils assez égayés sur ce thème ! Et
cependant, il ne vient, après tout, chez
les marchands de vin que des hommes.
Ce n'est pas la fleur de la société, je le
veux bien. Ils savent au moins ce qu'ils
font, et il est tout naturel que, sentant
leur ignorance, ils souhaitent qu'on
donne à leurs fils plus d'instruction
qu'ils n'en ont reçu eux-mêmes. Ils
sont mieux que personne à même d'ap-
précier ce qui manque à un homme k
qui le premier enseignement a fait dé-
faut.
Ces signatures ont une signification
et une importance.
Mais celles qu'on impose à des fèm.
mes, et que l'on extorque à des enfants,
quelle valeur peuvent-elles avoir? Il est
vrai qu'elles sortent de chez monsieur le
curé, et nen de la maison du marchand
de vins. Tout ce que je puis répondre à
cette objection, c'est que monsieur le
curé se dégrade, tandis que le marchand
de vins se relève à. ce métier.
FRANCISQUE SAHGEY.
——————————————————————— * — '-.-
DISCOURS DE M. THIERS
A LA COMMISSION DES TRENTE
Séançe du 5 février.
A une heure et demie M. Thiers, accompagné
de M. le garde des sceaux, s'est rendu au sein.
de la commission. Voici, d'après le Soir, le sens
précis de ses observations :
Je n'ai pas besoin de dire que j'arrive,
avec le désir le plus vif et le plus sincère
de m'entendre avec la commission, ce qui
donnera plus de force à son œuvre.
Je viens vous dire mon sentiment, et je
ne m'arrêterai que là où je croirai, eue
vous m'ôtez les moyens de faire le. bien.
Je veux dire quelques mots de l'ensemble
du projet. Suivant moi, il retombe je ne
dirai pas dans une infidélité, r .on; mais
il ne se conforme pas exactement à la ré-
solution de l'Assemblée dans 1A séance du
29 novembre; ce jour-là il y avait deux
points en vue; les uns voulaient unique-
ment limiter mon action. ; les autres di-
saient : Ce n'est pas là la, question ; il faut
s occuper du pays et de ce qu'il deviendra
lorsque viendra une autre Assemblée, non
pas pour fonder à jamais la République
mais pour fortifier le gouvernement actuel
de la République, qui durera ce que du-
rera sa sagesse; c'est bien là en effet la
préoccupation sérieuse du pays.
Telle était done la double question posée
devant l'Assemblée, ce qui la préoccupait et
ce qui préoccupait le plus, je le répète en-
core, le pays tout eatier; c'est encore ce
qui le préoccupe aujourd'hui. Ecoutez les
voix vraies, non pas les journaux si vous le
voulez, mais les voix vraies de l'opinion
publique; elles vous répéteront ceci : il
importe que le président de la République
et la commission s'entendent ensemble.
Eh bien ! dans votre projet, au lieu de'
vous occuper d'abord de ces desidiruâa du
pays, vous voulez vous occuper de mei, de:
nos rapports.
Eh bien! je m'y résigRe, je vous fais uni
sacrifice; mais, je vous ea prie, apprécie.3
bien le sacrifice que je vous fais. Oui, j.'u (
fais, car on pourrait croire qu'il y a um e
malice contre moi daus cette question i e
nos rapports, au lieu de commencer pair la
grosse question, la vraie question de$3? .n-
cipes; et M. le garde des sceaux, qîjûi es!,
là, qui m assiste, partage bien ce senti-
ment ; il croit même que ce n'est pas là
appliquer la résolution de l'Assena) )lée, et
il en éprouve un regret profend ; r aais en-
fin je m incline, j'accepte ; on en pensera
ce que l'on voudra ; j'accepte pou r la con-
ciliation, sous cette condition que la ques--
tion de principes ne sera pas écvtée abso--
lument.
J'ai préparé certaines mo difications k
votre texte, mais je suis aU e au bout" de
mes concessions ; c'est une sorte de snins*.
mun que j'ai établi : je r.e saurais aliter
au-delà, ne pouvant gouvf^ner autreiae at.
M. le président donne, lecture du préa-m -
bule :
« L'Assemblée nationale, réser-
vant dans son intégrité le pouvoir consti-
tuant qui lui appartient, mais voulant ap-
porter des améliorations aux attributions
des pouvoirs publics, décrète. »
Puis il dit : Nous savons que le préam-
bule a donné lieu et donnera lieu à de vi-
ves discussions; je le voterai, mais je se-
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 5 Février 1873.
RÉDACTION
"adresser au Seorétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
S* rue Arraoti SI
les manuscrit» non iméris seront rendus
AMHWEMEXTS
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
2* rue Brevet, 2
La lettres non tffrtmhies serent refusées
t
ABINNEMENTS
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
PARIS
Trais mois. 13 fr.
Six mois 25
U. &Il. 50
BÉPARTKMENT8
Trois mais. 16 fr.
Six mois 32
Un an 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C"
0, place de la Sourie, 0
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois. 25
Un an 59
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois. 32
Un an. 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et G*
0, place 4e la Bonne, O
JOURNÉE POLITIQUE
Parts, le 3 février 4875.
Hier, l'Assemblée a repris l'examen du
projet de loi sur le travail des enfants dans
les manufactures, après s'être occupée du
projet de M. René Brice sur les volontai-
res d'un an. Pendant ce temps, M. Thiers
avait avec la commission des trente cette
dernière entrevue dont on a tant parlé
l'autre semaine. C'est la grande affaire de
la journée. Il ne nous reste à signaler,
après cela, dans la politique extérieure,
que l'échange officiel de la déclaration où
est fixé le tarif des droits compensateurs
annexé au traité de commerce anglo-fran-
çais du 5 novembre 1872. C'est le 29 jan-
vier que cette formalité a été accomplie
par le ministre des affaires étrangères et
l'ambassadeur d'Angleterre.
Les prétendus dangers que fait courir
aux maisons généralices de Rome le gou-
vernement italien sont devenus pour l'é-
piscopat français un sujet de protestations
fort inopportunes. M. l'évêque de Ver-
sailles a, le premier, adressé au président
de la République une requête passionnée,
et nous voyons que sou exemple a été
aussitôt suivi, puisque quarante-cinq pré-
lats français, au dire du Soir, et même da-
vantage, d'après une rectification de VUni-
vers, qui d'ailleurs ne donne pas le chiffre,
ont joint leurs réclamations aux siennes. M.
Thiers leur a fait la réponse la plus sensée
qui pût se faire, à savoir que les généraux
des ordres religieux en Italie ne sont me-
nacés d'aucun décret d'expulsion, que les
corporations religieuses subsisteront d'ail-
leurs à Rome et dans toute la Péninsule,
que le gouvernement italien veut seule-
ment régler, comme il en a le droit, les
rapports de l'Etat et de l'Eglise, et que le
gouvernement français n'a aucun sujet
d'intervenir dans la discussion de la loi
sur les corporations religieuses dont le
Parlement italien doit prochainement s'oc-
cuper. M. Nigra, ministre d'Italie à Paris,
a de plus assuré M. Thiers que tous les
droits des établissements étrangers seraient
respectés, et que M. Visconti-Venosta s é-
tait expliqué formellement à cet égard
avec la commission parlementaire. Sur
tout cela, l'Univers s'indigne; mais nous
voulons croire que la majorité de l'épisco-
pat et du clergé fraiçais ne partagera
pas l'indignation de ce journal et que les
explications du président de la République
les pourront enfin satisfaire.
Nous annoncions hier, d'après les dépê-
ches, la brusque rupture du ministre d'Ita-
lie, à Athènes, avec le ministre grec des
affaires étrangères, M. Deligiorgis. Un té-
légramme plus récent, daté de Rome, 2
février, dit que la chose est moins grave et
que la rupture n'est pas consommée. Le
ministre d'Italie aurait recu seulement
pour instructions « d'apporter une grande
réserve dans ses rapports officiels avec le
gouvernement hellénique, jusqu'à la solu-
tion de l'affaire du Laurium. » Les jour-
naux de Rome, cependant, pressent leur
gouvernement d'en finir et lancent contre
le ministère grec et surtout contre M.
Deligiorgis de véritables réquisitoires. Il y
a longtemps, en effet, qu'on aurait du ré-
gler ce différend, que le gouvernement
hellénique semble vouloir prolonger à plai-
sir par de misérables chicanes.
EU&. LIÉBERT.
———————— ♦ ;
LE MINIMUM DE M. THIERS
M. Thiers ne veut pas être un manne-
quin. C'est lui-même qui l'a déclaré hier
devant la commission des trente en éta-
blissant le minimum des concessions
qu'il croit pouvoir faire à la droite. Mi-
nimum est mis là pour ultimatum, car
le président de la République a signifié
très-nettement son intention d'en appeler
à l'Assemblée si la commission refusait
de satisfaire à ses légitimes revendica-
tions.
Disons tout de suite que cet ultima-
tum n'est pas bien méchant, et que s'il
est suivi d'une déclaration de guerre,
c'est que messieurs les trente ont reçu
dès longtemps l'ordre de n'abandonner
ni un pouce du territoire qu'ils ont en-
vahi, ni une pierre des forteresses qu'ils
ont élevées. Dans ce cas, nous pouvons
attendre avec confiance la bataille parle-
mentaire et compter sur une nouvelle
édition de la capitulation monarchique
du 29 novembre.
M. Thiers accepte le préambule, où il
est dit que l'Assemblée nationale réserve,
dans son intégrité, le pouvoir constituant
qui lui appartient; mais il ne l'accepte
pas sans protester un peu contre une
prétention dont nous avons ici même, à
plusieurs reprises, démontré l'outrecui-
dance. M. Thiers n'a point jugé à propos
d'entrer dans de longues explications à
ce sujet; il s'est contenté de faire comme
ce mari 0 qui ouvre la porte de la cham-
bre à coucher de sa femme et la repousse
avec colère pour montrer qu'il n'est pas
content de ce qu'il a vu.
Nous comprenons très-bien- - - -
timent a cédé M. Thiers; il risquait fort
d'être obligé, dès le début, de rompre
en visière à la commission s'il abordait
ce terrain brûlant, car il ne pouvait
ignorer qu'elle s'y montrerait intraitable.
Il suffit qu'il ait indiqué sa manière de
voir à cet égard pour que, le jour de la
discussion publique, les votants de la
proposition Dufaure sachent bien que
leur premier devoir est de forcer les gens
de la droite à mettre bas les masques
en s'expliquant catégoriquement sur le
sens et la portée qu'ils entendent don-
ner à ce préambule.
A le prendre au pied de la lettre, il
est la négation permanente de tous les
articles qui le suivent, puisqu'il donne à
la majorité le droit d'en user, avec la
quasi-constitution dont elle propose la
formule, comme Pénélope avec sa toile.
C'est aux républicains, c'est à tous ceux
qui ont accepté, qui acceptent, et qui en-
tendent maintenir fond et forme du mes-
sage présidentiel du 13 novembre, qu'il
appartient de protester contre cette hy-
pocrite déclaration.
Les ducs de la commission n'ont pas
osé infliger un blâme direct au message.
L'eussent-ils voulu, ils n'en avaient pas
le droit, puisque la Chambre a repoussé
le projet Batbie pour voter le projet Du-
faure. Mais ils ont tourné la difficulté ;
tranchons le mot, ils ont éludé la loi,
car un vote a force de loi; et, à M.
Thiers déclarant que la République exis-
tait, ils ont opposé l'Assemblée signifiant
sa résolution de remplacer, quand elle le
voudrait, la République par. autre
chose.
M. Thiers, nous le répétons, a fait sa-
gement de ne point discuter à fond le
préambule. C'est affaire aux représentants
du peuple, — nous appelons ainsi ceux
là seuls qui ne dédaignent point la volon-
té nationale, aujourd'hui si clairement
définie.
Passons donc aux différents articles
du projet.
M. Thiers demande qu'on lui accorde
au moins le droit de venir en personne
lire'son message d'ouverture des Cham-
bres. La commission prétendait charger
un ministre de cette besogne; mais il
est probable qu'elle cédera sur ce pre-
mier point plus facilement que sur le se-
cond, où il est dit que le jour où le pré-
sident de la République, dûment auto-
risé, s'est fait entendre dans une dis-
cussion, la séance est levée dès qu'il a
parlé, et la discussion renvoyée au len-
demain.
Le président de la République ne
l'entend pas ainsi ; il veut qu'on lui ré-
ponde, il veut pouvoir réfuter sur
l'heure les contradictions, et ne pas être
obligé d'envoyer messages sur messa-
ges à l'Assemblée pour redresser une
erreur de chiffres, une omission, un mot
mal interprété ou quelque chose d'ana-
logue.
Il se pourrait bien faire qu'à cet égard
la commission se montrât récalcitrante.
Toute l'économie de son projet est dans
ce soin jaloux qu'elle a mis à écarter M.
Thiers de la tribune, à paralyser sa puis-
sance oratoire, à annihiler la prodigieuse
autorité de sa parole. On ne veut pas
discuter avec lui, c'est trop dangereux;
comme on ne peut pas faire autrement,
on lui permet de monter parfois à la tri-
bune et de se livrer à cette brillante es-
crime où il est passé maître ; mais on ne
veut pas lui opposer d'adversaire; on le
réduit à tirer au mur, lui qui sait si
bien parer et riposter !
Vous verrez que sur ce paragraphe 2
de l'article fer la lutte sera chaude.
Sur l'article 2, l'accord est complet, au
moins en ce qui concerne le 1er paragra-
phe ; mais pour le second, c'est différent.
Il s'agit encore d'interdire la tribune au
président dans le cas justement où il
doit désirer le plus d'en user. Nous ne
pouvons que répéter ici ce que nous ve-
nons de dire sur l'article précédent, et
ce qu'il nous faudrait répéter au sujet
de l'article 3, relatif aux interpellations.
Ici, M. Thiers s'est montré plus ferme
encore peur soutenir son droit d'être
entendu dans toutes les interpellations
pouvant intéresser la politique du gou-
vernement.
Tout cela, a dit M. Thiers, toutes ces
restrictions sont dirigées contre moi, je
le sais; et si je me soumets dans la me-
sure du possible, c'est que je ne veux
point mettre mon pays en danger. Tout
cela, aurait-il pu ajouter encore, tout
cela, c'est de la politique de combat.
Vous avez voulu me renverser, mais
vous n'aviez personne à mettre à ma
place, et aujourd'hui vous prétendez
taire de moi un mannequin. Je me re-
biffe. Supprimez-moi si vous pouvez;
mais vous ne m'amoindrirez que tout
juste autant que je me laisserai faire.
J'imagine que certains visages de com-
missaires ont dû faire de bien drôles de
mines quand le petit homme à lunettes
leur a décoché comme autant de jolies
petites pichenettes sur le nez les deux
ou trois phrases de la péroraison sur
l'humilité de sa naissance qui ne lui per-
met pas de jouer le rôle ridicule d'un roi
constitutionnel.
Ah! comme on comprend que les tri-
poteurs de fusion tiennent à se mettre
le plus possible à l'abri des taloches de
ce diable d'homme !
E. SCHNBRB.
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 5 février 1875.
On voit bien qu'il ne s'agit plus de mar-
chés de farine ou plutôt de drapeau rouge
(car, entre nous, n'est-ce pas le cas de
dire que, dans cette discussion, le pavillon
couvrait la marchandise ? ) ; les tribunes
sont peu garnies et la salle est à moitié
vide. Même, au moment où la séance com-
mence, cent cinquante députés, tout au
plus, sont présents. Les rectifications du
lendemain ne peuvent faire grand tapage
dans cette salle vide.
Elles retentissent cependant, comme ces
coups de feu isolés qu'on entend encore,
une fois la bataille finie. M. Lasserve fait
une rectincationenrhonneur de Garilbaldi;
la droite n'est pas assez fournie pour étouf-
fer la voix de l'orateur.
Au tour de M. George (des Vosges) :
« A la façon dont le Journal officiel re-
produit mon interruption , on pourrait
croire que j'ai eu l'intention de soutenir le
drapeau rouge. »
Jusqu'ici, tout va bien. Mais M. George
continue : « Nous avons défendu le dra-
peau tricolore contre le drapeau rouge ;
nous l'avons défendu comme nous le dé-
fendrions contre le drapeau blanc ! »
La droite n'est pas contente, mais, là, pas
contente du tout; M. Dahirel s'efforce de
faire, à lui tout seul, de violentes ru-
meurs. Heureusement est peu fournie la
droite; les légitimistes ne sont pas encore
arrivés. Nous sommes sauvés pour cette
fois!
M. Baragnon tente bien de petits effets
à propos du drapeau blauc; mais M.
Grévy, qui semble avoir la tête quelque peu
cassée de tout le tapage des jours derniers,
coupe court, par une admonestation, aux
rumeurs en herbe. C'est la première fois
que nous sommes ravis de la nonchalance
de nos honorables ; sans elle, nous avions
peut-être un épilogue bruyant à la journée
de samedi.
Il y a de la mollesse dans l'air aujour-
d'hui.
L'intérêt n'est pas dans la salle ; il est
dans le onzième bureau; M. le président
de la République, arrivé vers deux heures
un quart, est enfermé avec les membres de
la commission des trente. Il est assisté de
M. Dufaure. C'est la grande entrevue d'où
doit sortir la paix ou la guerre — et d'où
ne sortira peut-être rien du tout.
On écoute peu M. René Brice, qui veut
introduire une modification à la loi sur le
recrutement de l'armée. Déjà !. c'est à
peine si la loi est en exécution.
Il s'agit des volontaires d'un an et des
frais qu'ils doivent faire pour leur habille-
ment : la quotité de la somme à débour-
ser n'est pas enjeu dans ce débat; M. Re-
né Brice ne demande pour l'instant que la
remise totale de cette somme étendue à un
plus grand nombre de volontaires. Le gé-
néral Chareton, le ministre de la guerre,
M. Rives et le général de Chabaud-Latour
prennent part à cette discussion, peu
ardente d'ailleurs. Tous parlent dans le
même sens, et tous aussi vetent dans le
même sens,—contre le projet de M. Brice.
Qu'est-ce à dire? M. Chaurand, à la tri-
bune, M. Chaurand, l'ennemi personnel
des pompiers de Lyon, M. Chaurand parlant
de la municipalité lyonnaise.? Parions
qu'il en dit du mal t - Oh ! il demande
simplement sa suppression.
La présence du clérical député de Lyon à
la tribune signifie ceci : il ne s'agit pas seu-
lement de secouer le prunier, il faut
aussi ramasser les prunes. La discus-
sion de samedi épuisée, M. le baron
Chaurand profite de l'occasion pour appor-
ter un projet qui met Lyon sous le même
régime municipal que Paris. Il demande
l'urgence du projet.
Décidément on est fatigué de toutes les
dernières luttes; la gauche laisse M.
Chaurand lancer tranquillement son ballon
d'essai.
Ballon d'essai. est-ce bien juste ? Non,
car la proposition est déjà vieille ; sa sœur
esr. depuis longtemps à l'étude dans la
commission de décentralisation. C'est ce
que rappelle M. Millaud, un autre député
de Lyon, pour s'opposer à l'urgence.
M. Moulin, le président de la commis-
sion de décentralisation, donne des expli-
cations sur le travail de la commission ;
M. Millaud insiste sur son idée première.
Mais tout cela se fait sans bruit, sans cris,
sans grande lutte. Cependant, nous faisons
uue remarque : à plusieurs reprises, des
interruptions sont parties de la droite, et
nous distinguons ces mots : « L'opiuion
du gouvernement ! » Evidemment la droite
veut engager le gouvernement sur la ques-
tion. M. de Goulard n'est pas au banc des
ministres.
Le coup monté va - t - il manquer
par l'absence du ministre ?. M. Desjar-
dins sauve la situation en déclarant que,
vu la gravité de la proposition, il ne pense
qu'on puisse procéder au vote sans avoir
entendu le ministre de l'intérieur.
Attendons.
Et la réglementation du travail des en-
fants dans les manufactures, si souvent
'interrompue par les pièces politiques à suc-
cès, fait, pour la quatrième fois, son en-
trée en scène. On recommence à piétiner
sur l'article 3.
Pendant que M. de Melun fait, à la tri-
bune, son métier de président de la com-
mission, M. de Goulard entre et s'assied à
son banc; immédiatement M. Chaurand
se précipite et lui conte à l'oreille le
bon tour qu'il vient d'imaginer. Aux ges-
tes vifs, précipités, qui échappent au mi.
nistre et aux mouvements de tête désolés de
M. Chaurand, nous devinons qje le mem-
bre du gouvernement et le député lyon-
nais ne sont pas autant du même avis
que certains membres de la droite vou-
laient bien l'insinuer d'avance.
En effet, M. de Goulard monte à la tri-
bune, et, sans s'opposer à l'urgence, sans
s'opposer au projet, sans s'opposer à quoi
que ce soit, il déclare cependant ne rien
patronner, le gouvernement ayant lui-
même son idée — qu'il ne connaît pas en-
core.
Malgré les observations fort justes de
M. Le Royer, l'urgence a été votée. Que
voulez-vous? Il est si doux, quand on ne
peut user du pouvoir, d'avoir l'air d'en
abuser!
Pendant ce temps, M. Thiers se sépa-
rait de la commission des trente. Et, ce
qui est plus grave, il se séparait quelque
peu de la majorité de cette commission.
PAUL LAFARGUE.
* ——————————
LA SALLE DES PAS-PERDUS
La séance d'aujourd'hui n'offre aucun
attrait. L'affaire des marchés de Lyon est
terminée ; on a bien une petite interpellar
tion à se mettre sous la dent, mais elle. est
si petite, que ce n'est vraiment pas la
peine d'en parler, et puis, d'ailleurs, aura-
t-elle lieu?
Le train d'une heure vingt-cinq ne con-
tient que très-peu de députés et cela nous
pftftive que la séance ne sera pas animée.
Le chef du train explique à son chef de
gare qu'il sait très-bien que la séance ne
sera pas animée. <
— Ils sont très-peu dans les wagons,
dit-il.
Réflexion pleine de sens qui prouve que
ce fonctionnaire connaît son monde.
«
* *
Nous arrivons dans la salle des Pas-
Perdus, et de loin en entend le bruit des
tambours qui battent aux champs. C'est le
président de la République qui traverse la
cour de Marbre, pour se rendre à la com-
mission des trente où on va le déchirer.
Il traverse la salle des Pas-Perdus. On
voudrait déjà que M. Thiers sortît du 11*
bureau.
*
* 0
Le 11* bureau est toujours appelé à être
témoin des discussions importantes. C'est
de là qu'est sorti le gouvernement de
combat; cela tient à ce que ce bureau est
le plus éloigné, et que le secret peut, par
conséquent, être bien mieux gardé.
Le secret ! n'est-ce pas admirable? M. Ba-
ze, étant membre de la commission, ne peut
se promener devant la porte pour protéger
ses collègues ; mais de temps en temps il
passe le nez à la porte et s'assure que per-
sonne ne regarde par le trou de la ser-
rure.
*
* *
M. Thiers est déjà arrivé depuis vingt
minutes quand M. Dufaure, muni d'un
gros portefeuille, traverse la buvette. Il
est en retard et cependant il faut absolu-
ment qu'il soit là. Il représente le gouver-
nement, ussi il se dépêche. On essaie de
l'arrêter pour savoir ce qu'il doit dire.
— Je n'en sais rien, répond le garde des
sceaux, car cela dépend de l'attitude que
prendront les membres de la majorité.
Allez ! M. le garde des sceaux ! on vous
accuse de vouloir entrainer M. Thiers à
faire des concessions, et on regrette pres-
que que vous ne restiez pas à la seance.
*
♦ #
Enfin ! attendons. Les cigares s'allu-
ment. Il paraît que l'interpellation est re-
mise, par conséquent il n'y a personne
dans la salle des séances, tout le monde
est partout.
M. Janicot, toujours fidèle au poste, at-
tend que M. Ernoul lui apporte le compte-
rendu de la commission. Mais il ne perd
pas son temps. M. Baragnon, M. de Res-
séguier et M. de Guiraud lui passent suc-
cessivement parles mains ; ils lui remettent
chacun une petite note contenant leurs
impressions sur la politique actuelle.
<
« •
Voici M. Baze! Il jette un coup d'œil,
s'assure qu'il n'y a pas de journalistes
dans la salle des Pas-Perdus et rentre
immédiatement.
*
* *
Il paraît que la commission électorale
s'est réunie. Lisez sans rire ce que nous
allons rapporter ici. Vous vous imaginez
peut-être qu'on a discuté les grosses ques-
tions que fait naître une loi électorale,
que des hommes compétents ont été en-
tendus et qu'on a fait un pas.
Eh bien , non ! La commission a enten-
du M. de Castellane développer ses idées,
exposer son plan. Et on l'a écouté tout
comme si c'était sérieux !
Mais ses collègues avaient des regrets et
ils se demandaient à la sortie s'ils avaient
fait acte d'hommes raisonnables.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter que le
jeune député désire qu'on apporte le plus
de restrictions possibles au suffrage uni-
versel.
La gauche radicale est réunie sous la
présidence de M. Louis Blanc. Mais tout
d'un coup les membres qui composent cette
réunion sortent rapidement. On est venu
les prévenir qu'il y avait un incident sou-
levé par M. le baron Chaurand. Il paraît
que cela n'est pas long, car on voit de nou-
veau apparaître les représentants. On at-
tend toujours le travail de la commission
des trente.
*
* *
Enfin, à quatre heures et 112, le grand
duc des marchés, M. d'Audiffret-Pasquier
ouvre la porte vitrée. Il est seul et cepen-
dant la séance doit être terminée. Ah!
voici M. Thiers. Il sort avec M. Du-
faure , il a l'air content. M. Dufaure
sourit aussi, ce qui nous inspire une cer-
taine inquiétude. Mais en revanche M.
Thiers a l'air satisfait, ce qui nous rassure.
Mais il nous est impossible d'avoir des
renseignements. M. le président de la Ré-
publique s'en va seul.
*
» *
Les membres de la commission les sui-
vent de près. Le jeune 0. d'Haussonville
est toujours rouge ! Allons ! cela ne va pas
mal. M. Emmanuel Arago sourit et rend
compte de la séance.
- Cela va bien, dit-il !
- Mais encore!
- Oui, cela va bien, je n'ai pas besoin
de vous en dire plus, et il s'éloigne. Heu-
reusement qu'il nous suffit de savoir que
cela va bien.
♦
* *
A bientôt la discussion en séance pu-
blique ; mais avant, nous aurons une
discussion sur le projet de loi du baron
Chaurand.
C'est très-politique, le pays a évidem-
ment besoin qu'on se dispute un peu.
RAYMOND.
— 4,
LES PÉTITIONS CLÉRICALES
Vous rappelez-vous qu'il y a un mois,
je donnai dans ce journal le texte d'une
assez étrange circulaire que Monseigneur
de Coutances avait adressée à ses cu-
rés?
Il s'agissait d'organiser un pétition-
nement contre la loi proposée par M.
Jules Simon sur l'enseignement obliga-
toire.
L'évêque, après avoir tonné pieuse-
ment contre la libre-pensée qui avait
inspiré ce projet infernal, après avoir
assuré que c'était l'abomination de la
désolation et l'ouverture de l'abîme, en
arrivait à la question qui lui tenait au
cœur, celle du pétitionnement.
Il faisait remarquer, en employant les
plus onctueuses formules du langage
ecclésiastique, que tout pétitionnement
étant mal vu de la Chambre, il ne fal-
lait point la contrarier là-dessus; que
l'on pouvait employer des moyens plus
doux, qui mèneraient, par un détour
adroit, au même résultat, sans blesser
en aucune façon des susceptibilités res-
pectables.
Les pétitions étaient interdites; mais
les lettres ne l'étaient point. Qui empê-
chait chaque curé d'écrire, pour son
propre compte, à quelque député bien
pensant, une lettre polie, où il lui dirait,
par forme d'amitié, qu'il serait bien
fâché qu'on instruisît les enfants de sa
paroisse, et que ce serait pour lui une
grande douleur de les voir aller à l'école?
Qui s'opposerait à ce que, cette lettre
une fois écrite, le curé la lût à ses pa-
roissiens et leur offrît de la signer ?
Est ce que ce serait là une pétition ?
Non, sans doute. Une simple lettre, et
pas même une lettre collective, mais une
lettre couverte d'un grand nombre de
signatures individuelles, assemblées là
par hasard.
On sent la différence.
Sur quoi, Monseigneur de Coutances
avait envoyé à chacun de ses curés le
modèle de la lettre à écrire ; un modèle
uniforme, avec de jolies cases blanches
pour y mettre les noms des fidèles. Oh !
rien n'était oublié. Car Monseigneur est
un homme de tête, et il ne s'en fie pas
pour ces détails à l'intelligence d un
simple desservant.
La façon dont Monseigneur avait ter-
miné sa lettre était adorable : il les avait
engagés à lui signaler sur des registres
speciaux ceux de leurs paroissiens qui
donneraient ou refuseraient leur adhé-
sion, et leur avait très-nettement déclaré
que le prêtre qui se permettrait de ne pas
lui renvoyer ses modèles de lettres, char-
gés de signatures aurait affaire à lui.
Cette menace était immédiatementsui-
vie de la bénédiction apostolique de
Monseigneur.
Je n'avais eu, depuis ce temps-là, au-
cune nouvelle de cette circulaire épisco-
pale. Je me doutais bien que les curés
du diocèse de Monseigneur se l'étaient
tenu pour dit, et que, sur une injonc-
tion aussi formelle du fougueux prélat,
ils n'avaient pas manqué de déployer un
zèle des plus ardents.
Il n'y a rien pour donner des jambes
à un cheval comme de lui sangler un bon
coup de fouet sur les reins. Quand vous
mettez un fonctionnaire entre sa place
et un service à rendre, c'est étonnant
comme il le rend, sinon de meilleur cœur.
au moins d'un cœur plus chaud. Et son-
gez qu'ici nous avions affaire à des fonc-
tionnaires qui n'ont pas même la cruelle
ressource de donner leur démission.
Les renseignements nous sont arrivés
enfin du département de la Manche. Ils
sont bien tels que nous les attendions.
Les curés, dans un grand nombre de
localités, n'ontpas trop beau jeu, naturel-
lement, avec leurs paroissiens. Tous 1( s
hommes sérieux refusent de signer;
ajoutez-y les timides, sans parler des
gens de parti pris. C'est la bonne ma-
jorité presque partout. C'est l'unanimité
dans bien des endroits : il ne reste au
pauvre desservant que son sacristain et
ses marguilliers. Et encore je n'en jure-
rais pas !
Et pourtant il lui faut des signatures !
Monseigneur l'ordonne, et il n'est pas
tendre sur l'article, Monseigneur ! Il
mesurera ses faveurs au nombre d'adhé-
sions recueillies; et l'autre main est
toute pleine de rigueurs, qu'il lancera
sur les décavés du pétitionnement.
Les hommes se dérobent, on se ra-
bat sur les femmes, qui sont plus com-
plaisantes. Et si elles refusent, on se
contente des enfants. Pauvres petits! on
leur fait signer qu'ils désirent ne jamais
apprendre à lire,. à écrire, ni à compter,
qu'ils ne veulent pas devenir des hom-
mes! Et quand leur main est trop novice
encore, on la leur tient, on la conduit
sur le papier; on les force à signer qu'ils
désirent ne savoir signer de leur vie.
Dans certaines paroisses, me dit la
lettre d'où je tire ces détails, la péti-
tion ne sort pas du presbytère; le curé
n'ose peint la colporter, de peur du scan-
dale; elle ne contient guère alors que
les noms de ces enfants, réunis exprès
pour apposer leurs noms au bas du pa-
pier.
Dans d'autres au contraire, c'est la
servante de monsieur le curé qui s'en va
de maison en maison porter la lettre
épiscopale, et qui presse ses chères
amies, les vieilles dévotes, les bons
pauvres du bon Dieu, les ignorants, les
imbéciles, de signer pour que personne
ne soit ebligé d'en savoir plus qu'eux..
Ce qu'il y a d'amusant en cette affai-
re, c'est que les journaux religieux
poursuivent de plaisanteries, qu'ils
croient très-spirituellu, les pétitions
déposées chez les marchands de vin. Se
sont-ils assez égayés sur ce thème ! Et
cependant, il ne vient, après tout, chez
les marchands de vin que des hommes.
Ce n'est pas la fleur de la société, je le
veux bien. Ils savent au moins ce qu'ils
font, et il est tout naturel que, sentant
leur ignorance, ils souhaitent qu'on
donne à leurs fils plus d'instruction
qu'ils n'en ont reçu eux-mêmes. Ils
sont mieux que personne à même d'ap-
précier ce qui manque à un homme k
qui le premier enseignement a fait dé-
faut.
Ces signatures ont une signification
et une importance.
Mais celles qu'on impose à des fèm.
mes, et que l'on extorque à des enfants,
quelle valeur peuvent-elles avoir? Il est
vrai qu'elles sortent de chez monsieur le
curé, et nen de la maison du marchand
de vins. Tout ce que je puis répondre à
cette objection, c'est que monsieur le
curé se dégrade, tandis que le marchand
de vins se relève à. ce métier.
FRANCISQUE SAHGEY.
——————————————————————— * — '-.-
DISCOURS DE M. THIERS
A LA COMMISSION DES TRENTE
Séançe du 5 février.
A une heure et demie M. Thiers, accompagné
de M. le garde des sceaux, s'est rendu au sein.
de la commission. Voici, d'après le Soir, le sens
précis de ses observations :
Je n'ai pas besoin de dire que j'arrive,
avec le désir le plus vif et le plus sincère
de m'entendre avec la commission, ce qui
donnera plus de force à son œuvre.
Je viens vous dire mon sentiment, et je
ne m'arrêterai que là où je croirai, eue
vous m'ôtez les moyens de faire le. bien.
Je veux dire quelques mots de l'ensemble
du projet. Suivant moi, il retombe je ne
dirai pas dans une infidélité, r .on; mais
il ne se conforme pas exactement à la ré-
solution de l'Assemblée dans 1A séance du
29 novembre; ce jour-là il y avait deux
points en vue; les uns voulaient unique-
ment limiter mon action. ; les autres di-
saient : Ce n'est pas là la, question ; il faut
s occuper du pays et de ce qu'il deviendra
lorsque viendra une autre Assemblée, non
pas pour fonder à jamais la République
mais pour fortifier le gouvernement actuel
de la République, qui durera ce que du-
rera sa sagesse; c'est bien là en effet la
préoccupation sérieuse du pays.
Telle était done la double question posée
devant l'Assemblée, ce qui la préoccupait et
ce qui préoccupait le plus, je le répète en-
core, le pays tout eatier; c'est encore ce
qui le préoccupe aujourd'hui. Ecoutez les
voix vraies, non pas les journaux si vous le
voulez, mais les voix vraies de l'opinion
publique; elles vous répéteront ceci : il
importe que le président de la République
et la commission s'entendent ensemble.
Eh bien ! dans votre projet, au lieu de'
vous occuper d'abord de ces desidiruâa du
pays, vous voulez vous occuper de mei, de:
nos rapports.
Eh bien! je m'y résigRe, je vous fais uni
sacrifice; mais, je vous ea prie, apprécie.3
bien le sacrifice que je vous fais. Oui, j.'u (
fais, car on pourrait croire qu'il y a um e
malice contre moi daus cette question i e
nos rapports, au lieu de commencer pair la
grosse question, la vraie question de$3? .n-
cipes; et M. le garde des sceaux, qîjûi es!,
là, qui m assiste, partage bien ce senti-
ment ; il croit même que ce n'est pas là
appliquer la résolution de l'Assena) )lée, et
il en éprouve un regret profend ; r aais en-
fin je m incline, j'accepte ; on en pensera
ce que l'on voudra ; j'accepte pou r la con-
ciliation, sous cette condition que la ques--
tion de principes ne sera pas écvtée abso--
lument.
J'ai préparé certaines mo difications k
votre texte, mais je suis aU e au bout" de
mes concessions ; c'est une sorte de snins*.
mun que j'ai établi : je r.e saurais aliter
au-delà, ne pouvant gouvf^ner autreiae at.
M. le président donne, lecture du préa-m -
bule :
« L'Assemblée nationale, réser-
vant dans son intégrité le pouvoir consti-
tuant qui lui appartient, mais voulant ap-
porter des améliorations aux attributions
des pouvoirs publics, décrète. »
Puis il dit : Nous savons que le préam-
bule a donné lieu et donnera lieu à de vi-
ves discussions; je le voterai, mais je se-
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