Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-01-28
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 28 janvier 1873 28 janvier 1873
Description : 1873/01/28 (A3,N439). 1873/01/28 (A3,N439).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
1 8* Année. — N' 439.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mardi 28 Janvier 1873.
I LiIF i AYiÏA YE QÛIIEÏTIU&ï ïiJ!J■
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
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partements dont l'abonnement ex-
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priés. de le renouveler dans le plus
bref délai, s'ils ne veulent éprouver
aucune interruption dans la ré-
ception du journal.
JOURNÉE POLITIQUE
Parts, le 27 janvier 1873.
Un seul mot sur la commission des
trente, qui n'a pas encore tranché samedi
la grande question de l'intervention du
président de la République dans les inter-
pellations parlementaires; elle a seule-
ment rejeté les amendements les plus favo-
rables à M. Thiers, que des membres de
la minorité lui présentaient. Aujourd'hui
lundi, elle doit de nouveau tenir séance.
Quant à l'Assemblée, on ne trouvera
rien de bien saillant dans ce qu'elle a fait.
On a lu déjà la loi qu'elle a votée sur les
lettres et les objets recommandés que trans-
porte la poste. Le public, les commerçants
surtout apprécieront ces innovations, qui
sont bonnes. La demande d'interpellation
de M. René Brice sur les volontaires d'un
an sera généralement approuvée. M. Brice
voudrait que les jeunes gens instruits,
mais sans fortune, qui ne peuvent payer
les 1,500 francs exigés de ces volontaires,
en pussent être dispensés dans une pro-
portion suffisante ( la proportion fixée par
une récente circulaire du ministre n'est
que de 1 pour 100). L'interpellation aura
lieu samedi prochain.
Des discussions qui ont pris le reste de
la séance, il vaut mieux ne rien dire. On
s'est fort occupé d'une prétendue illégalité
que le gouvernement aurait commise en
portant à 40,000 fr. le traitement du grand-
chancelier de la Légion d'honneur. Que
40,000 fr. soient un trop gros chiffre, la
chose aujourd'hui n'importe guère, puis-
que ce chiffre avait été voté dans le bud-
get. C'est à ce propos, cependant, que M.
de La Rochejaquelein, dans la péroraison
d'un long discours, BOUS conjure « de ne
pas fermer les yeux sur l'abîme qui se
creuse sous nos pas ! » Mais passons. Un
autre débat s'est élevé sur la prise en con-
sidération d'une proposition de loi élec-
torale dont M. le marquis de Castellane
est l'auteur. Est-ce à la commission élec-
torale, est-ce à la commission des trente
que ce projet doit être renvoyé ? Grande
dispute là-dessus pendant une heure ; c'est
enfin pour la commission électorale qu'on
s'est décidé. Le suffrage universel, il fal-
lait s'y attendre, a été dans cette occasion
fort malmené, bien que M. de Castellane
l'ait déclaré « assez grand personnage. »
Cela ne tire point encore à conséquence,
et nous supposons que la Chambre y re-
garderait à deux fois avant de refaire la loi
du 31 mai, de l'aggraver même, comme
on a trop souvent la folie de le lui propo-
ser.
La Gazette de l'Allemagne du Nerd an-
nonce que la session du Reichstag s'ou-
vrira dans les premiers jours de mars, à
cause des projets importants qui doivent
être soumis à cette assemblée. A Berlin,
cependant, la Chambre des députés conti-
nue la discussion du budget des affaires
étrangères. M. de Bismarck, qui n'y avait
pas paru depuis longtemps, est venu pren-
dre part au débat. Des acclamations l'ont
accueilli, disent les dépêches. Il a donné
quelques explications sur sa démission ré-
cente de président du ministère, qui a été
si longtemps et si diversement commentée.
Des raisons toutes personnelles, a-t-il dit,
des raisons de santé l'ont'obligé à se dé-
charger d'une partie de ses travaux, aux-
quels il ne pouvait suffire ; sa détermina-
tion n'a pas eu d'autre cause, et le cabinet
prussien reste aussi uni que jamais. On
trouvera d'ailleurs un abrégé de ce dis-
cours dans notre Chronique étrangère. L'im-
portance qu'il y faut attacher n'est que re-
lative, et l'on sait bien que les paroles
n'engagent en quoi que ce soit la politique
du prince-chancelier.
E. L.
.————————— ——————————
Sainte-Beuve raconte qu'un jour Cha-
teaubriand rencontra Lamartine dans
le salon de Mme Récamier. Lamartine
prit congé le premier, et quand il fut
sorti : Grand dadais ! fit Chateaubriand
avec une petite moue dédaigneuse.
J'imagine que le même mot a dû ve-
nir hier aux lèvres de certain compère
bonapartiste à l'adresse de certain naïf
du même parti. Voici dans quelles cir-
constances :
On sait que depuis quelques jours la
fusion est de mode ; la branche aînée
prétend chaque matin que le soir même
elle sera fusionnée avec la branche ca-
dette. Les bonapartistes ont voulu faire
voir qu'ils ne restaient point tout seuls
avec leur douleur, et en même temps
que nous apprenions que les princes
d'Orléans s'étaient rendus à la Chapelle
expiatoire pour assister, à côté deslégi-
- timistes, à la prière pour le repos de l'à-
iae de Louis XVI, le directeur d'un
journal bonapartiste nous signalait la
présence d'une délégation des Vengeurs
dd Flourens, à la messe de Saint-Paul
pour le repos de l'âme de Napoléon III.
La chose nous avait semblé, à nous,
toute naturelle. Les extrêmes se tou-
chent ; il n'y a rien d'étonnant à ce
qu'ils se confondent. Aussi avons-nous
été fort surpris de voir que le parti bo-
napartiste n'était pas tout à fait d'ac-
cord pour se réjouir d'une fusion si
habilement provoquée par le compère
dont nous parlions tout à l'heure.
Nous, fusionner avec des commu-
nards ! s'est écrié un des plus ardents
champions de l'impérialisme! Nous, don-
ner la main à des démagogues, à des
tueurs d'otages, aux Vengeurs de Flou-
rens ! Jamais! Périsse l'impérialisme,
plutôt que de consentir à le ressusciter
par de telles alliances ! - --
C'est bien, cela ; c'est très-bien ; mais
c'est d'un naïf! Il faut être de son parti,
que diable ! Et quand on se dit bonapar-
tiste, il faut l'être à la façon du compère
qui conduit des savetiers à Chislehurst
et des Vengeurs de Flourens à Saint-
Paul. Il a très-bien compris, celui-là,
qu'empire et démagogie, césarisme et ja-
cobinisme, tyrannie d'en haut et tyrannie
d'en bas sont synonymes. Il connaît son
histoire ; il a lu dans Aristote que le
moyen d'arriver à la tyrannie, c'est de
gagner la confiance de la foule ; que le
tyran commence toujours par être un dé-
magogue, comme Pisistrate à Athènes et
Denys à Syracuse. Il se rappelle que le
prince-président de la République n'a
pas eu de complices plus fidèles pour
son coup d'Etat de décembre que les
insurgés de juin qu'on avait excités et
payés avant la bataille; à qui l'on pro-
mettait, après la défaite, amnistie pour
les uns, protection pour les autres.
« La fin justifie les moyens: on sort de
la légalité, mais c'est pour rentrer dans
le droit; on fusille, on déporte, on em-
prisonne, on spolie ; mais c'est pour
sauver la religion, la famille et la pro-
priété. »
Ainsi parle l'empire.
« La fin justifie les moyens : on s'in-
surge contre le pouvoir légal, on pille
des hôtels, on assassine des prêtres, on
fait la guerre à la Loi, mais c'est parce
qu'elle est mauvaise, et qu'il faut la
changer. »
Ainsi parle la Commune.
Empire et Commune ont même prin-
cipe, mêmes tendances, mêmes procé-
dés. Toutes les tyrannies sont sœurs, et
l'on ne saurait vraiment s'étonner que
ce soit une famille très-unie.
E. SCHNERB.
——————— » ———————
Les Municipalités
ET LA COMMISSION DE DÉCENTRALISATION
Quand M. le marquis de Carabas et ses
honorables collègues arrivèrent à Ver-
sailles en 1871, ils s'écrièrent : « En-
fin, nous allons décentraliser ! » et,
séance tenante, ils nommèrent une com-
mission de décentralisation, qui fut com-
posée des quarante-cinq décentralisa-
teurs les plus remarquables. Si les mots
sont nouveaux et même un peu barba-
res, l'idée est respectable et vieille. Elle
date, pour le moins, de la fin du règne
de Louis XIV, où le duc de Saint-Simon
et M. de Boulainvilliers furent les plus
grands décentralisateurs connus. Ils ré-
clamaient dans leur intégrité les anciens
droits de la noblesse : n'était-il pas criant
que tout bon gentilhomme ne pût exer-
cer à sa fantaisie dans sa province le gou-
vernement de ses vassaux? n'était-ce pas
;un intolérable abus que la royauté s en
mêlât? Elle absorbait le pouvoir despoti-
que, dont la noblesse se voyait dépouil-
lée le plus injustement du monde ! Que
devenaient ses légitimes priviléges ? Elle
voulait qu'on les restituât 1 C'est ce qu'ex.
primait fort bien encore, vers 1815, M. de
Carabas le père, lorsqu'il eut concouru
au rétablissement du roi :
Et s'il ne me rend
Les droits de mon rang,
Avec moi, morbleu ! -
Il aura beau jeu !
Vous lirez le reste dans Béranger, où se
trouvent résumées avec autant d'énergie
que d'exactitude les aspirations décen-
tralisatrices de l'époque.
Depuis lors, il a bien fallu, autant par
habileté que par faiblesse, se commettre
avec le clergé et même avec quelques
bourgeois, bien peasaats à la vérité et
du nombre de ceux qui traitent publi-
quement leurs grands-pères de spolia-
teurs et de bourreaux ; conséquence
presque inévitable de la dureté des temps,
de plusieurs mésalliances nécessaires, et
surtout de la proclamation du suffrage
universel en 1848. On a dû apporter
aussi quelques adoucissemeats au pro-
gramme. Bref, quand la commission de
décentralisation s'est livrée à ses grands
travaux, elle s'est bornée à conclure que
la principale et la première affaire était
de réduire le pouvoir central autant qu'on
pourrait ; on supposait, après cela, qu'il
serait facile, soit aux possesseurs de
manoirs dans les campagnes, soit aux
chefs de coteries réactionnaires dans les
villes, à ce qu'on pourrait nommer, en
un mot, l'aristocratie immobilière, de
saisir l'influence et d'accaparer l'auto-
rité. Il était difficile de demander plus,
et d'ailleurs les élections de 1871 per-
mettaient, dans plusieurs provinces, de
concevoir de belles espérances. On tra-
vailla ainsi à décentraliser avec ardeur.
La loi municipale fut la première occa-
sion qui s'en présenta. Ce fut avec mille
peines que le gouvernement obtint alors
de conserver la nomination des maires,
choisis d'ailleurs parmi les conseillers
municipaux, dans les chefs-lieux d'arron-
dissement et les grandes villes. Les fran-
chises municipales ! mais n'était-ce pas
justement le premier article du program-
me décentralisateur?
Mais, hélas ! voici plusieurs mois déjà
que la commission de décentralisation
est troublée. Il lui est arrivé quelque
chose de lamentable. Elle s'est aperçu
qu'elle a réchauffé dans son sein des
serpents, oui, des serpents odieux. En
cet âge de fer on ne réchauffe plus autre
chose. Que devenir? Elle comptait voir
éclore des municipalités dévouées à l'i-
dée décentralisatrice, — dans la bonne
acception du mot, bien entendu, car il
ne faudrait pas que la démocratie pût
s'en emparer, — et ce sont des munici-
palités républicaines, voire radicales, qui
sont sorties de la coquille. Les conseils
ne valent pas mieux. Ici l'on signe des
adresses pour le maintien de la Répu-
blique; ailleurs, on retire les écoles aux
congréganistes, on organise l'enseigne-
ment laïque. Voyez l'affaire de Castel-
Sarrazin et l'interpellation de l'autre se-
maine. La commission de décentralisa-
tion en perdra la tête. Elle veut aviser; elle
apprend que le ministre de l'intérieur,
contrecarré quelquefois par les maires,
veut aviser aussi, mais dans un autre
sens. Ministre et commission se réunis-
sent ; ici commence un long colloque,
dont la Gazette de France a pris soin,
hier, de nous rendre compte.
— Les municipalités ne sont pas tou-
tes, dit M. de Goulard, telles que je les
voudrais voir. Souvent leurs sentiments
îépondent mal à mes tendances, ces
tendances qui m'ont valu la haute appro-
bation du centre droit et de la droite. Je
trouve la situation fâcheuse. — Elle est
déplorable ! répond le chœur de la com-
mission. Dites-nous, monsieur le minis-
tre, dites-nous ce que vous pensez faire ?
— D'abord, dit M. de Goulard, je
voudrais supprimer les mairies centra-
les, non-seulement à Lyon, mais dans
les grandes villes. En attendant, je suis
décidé à changer le mode d'élection de&
conseils municipaux, toujours dans ces
mêmes grandes villes; on y voterait,
comme à Paris, par sectionnements, par
quartiers. Voilà mon système. En ce qui
touche le reste des communes, je suis
d'avis que l'on ne peut pas persister à
laisser nommer les maires par les con-
seils élus, ce que je trouve absurde. Je
demande la nomination des maires par le
gouvernement, qui les choisirait dans les
conseils. Le ministère, prochainemènt,
va s'occuper de ces réfermes.
— Monsieur le ministre, dit M. Rau-
dot, je crois qu'avec ces moyens-là nous
manquerons notre premier but, qui est
d'éliminer les municipalités républicai-
nes. Votre idée de sectionnement dans
es grandes villes ne donne point de ga-
ranties, puisqu'à Paris même, où le
sectionnement est pratiqué, il entre
très-peu de nos amis dans le conseil.
Quant au droit de nomination que vous
réclamez pour les municipalités de toutes
les communes de France, vous en usez
déjà dans la plupart des villes, et les
affaires n'en vont pas mieux. Si vous devez
prendre le maire dans le conseil muni-
cipal, et que le conseil municipal soit
tout entier républicain (ce qui se pré-
sente par malheur dans les trois quarts
des cas), vous n'échapperez point à la
triste nécessité de nommer un maire ré-
publicain. Les moyens que vous propo-
sez n'ont point de rapport avec le but ; il
y a dans vos indications quelque inco-
hérence. Si je veux aller à Auxerre, je ne
prends point le coche de Saint-Lô. Il
faut chercher une autre voie.
— Appuyé ! appuyé 1 dit la commis-
sion. D'ailleurs, les idées du ministre ne
sont pas décentralisatrices, et l'on se
moquerait de nous si nous les adop-
tions.
— Il est certain, ajoute un autre mem-
bre, que nous ne pouvons pas brûler ce
que nous avons adoré, toute notre vie.
Restons décentralisateurs, et que cha-
cun de nous propose ce qu'il aura trouvé
de mieux.
On se rend à cet avis si sage, et c'est
alors que les idées les plus ingénieuses
sont développées. Résumons-les par or-
dre.
M. Raudot demande que, dans chaque
commune importante, à commencer par
la ville de Paris, il soit institué plusieurs
conseils municipaux au lieu. d'un seul;
ils se dévoreraient les uns les autres,
et tout le mal serait ainsi neutralisé.
— Ce système, répond le ministre, a des
avantages ; mais il aurait des inconvé-
nients aussi.
M. Waddington propose d'établir qu'en
matière municipale, on n'aura plus af-
faire au suffrage universel, mais à la
« famille électorale. » La famille élec-
torale sera le produit net d'une « épura-
tion considérable du suffrage universel. »
Aux conseils élus dans les villes par la
famille électorale, on adjoindra toujours
les plus haut imposés. — Pas de réponse
du ministre sur les premiers points;
mais il accepte l'adjonction des plus
imposés.
M. Fresneau réformerait la compo-
sition même des conseils. Des conseils
municipaux, dit-il, où la propriété n'a
point sa part faite ne représentent pas
les communes ! — Question à voir, dit
le ministre ; mais « la représentation des
intérêts en dehors de l'élection, » cela
semble grave.
On s'est arrêté là, et M. de Goulard,
pour finir sur une politesse, s'est félicité,
en se retirant, d'un échange d'idées si
fructueux et si profitable. Moins péné-
trés de l'importance et de l'utilité de
l'entretien, nous nous sommes conten-
tés ici d'en noter fidèlement les traits
essentiels. Pour conclure, il n'est pas
inopportun peut-être de transcrire les
quelques lignes d'appréciations et de re-
marques dont la Gazette de France a fait
précéder son compte-rendu : « Au fond,
dit cette feuille perspicace, au fond, il
est visible que le gouvernement, sous
prétexte d'assurer le maintien de l'or-
dre, voudrait obtenir de l'Assemblée des
modifications à la loi qui mettraient
toutes les municipalités à sa discrétion.
On verra que la commission résiste éner-
giquement à cette prétention et ne veut
remédier à la situation déplorable crue
l'administration constate elle-même dans
les grandes villes, que par l'application
ies principérieusement conservateurs
qui fournissent des garanties aussi
bien contre l'arbitraire que contre l'anar-
chie. Il
Tâchons, à notre tour, de faire la
part de chacun.
Le gouvernement, ou plutôt sans deute
le ministre de l'intérieur, se montre
alarmé de la composition des municipa-
lités dans un certain nombre de villes.
Il se peut, en effet, qu'on trouve ici ou
là trop d'inexpérience en affaires ou
trop d'ardeur en politique. C'est aux
électeurs qu'il convient d'en faire le re-
proche, puisque les membres des muni-
cipalités ne sont choisis que dans les
conseils élus par eux. Le gouvernement
jouit du droit de suspension et de révo-
cation, et M. de Goulard connaît bien
cette arme; mais il trouve que c'est
peu, et il demande en outre : la sup-
pression des mairies centrales dans
les grandes villes (ce qui est un point
à examiner) ; le vote par quartiers
ou cantons ( ce qui pourrait encore,
après examen, être admis ) ; enfin la
nomination des maires de toutes les
communes de France (ce qui n'a pas de
sens appréciable, puisque les maires
dont se plaint M. de Goulard sont juste-
ment ceux dont déjà la nomination lui
appartient).
- Sur ce dernier point, la commission
l'a très-bien réfaté. De plus, elle lui
a fait voir que l'adoption des deux autres
points changerait vraisemblablement peu
de chose au personnel municipal ; c'est
pourquoi justement nous n'y objectons
rien. Quant aux propositions de la com-
mission, nous ne les rappellerons pas ;
la plus sérieuse consiste à créer un corps
électoral d'élite et à tirer de cette essence
les municipalités et les conseils ; les
communes alors, ou plutôt les parois-
ses, deviendraient autant de petits para-
dis terrestres, où le gouvernement ne se-
rait point admis à s'ingérer. On aurait le
pouvoir ! C'est l'idée décentralisatrice
perfectionnée ; on y revient toujours.
Le système est juge. Ce qui nous est
pénible; c'est de voir un ministre du
gouvernement se compromettre en de
pareilles conférences. Il s'y fait réfuter
par tout le monde et ne sait réfuter per-
sonne. Qu'en doivent penser M. Thiers,
et M. de Rémusat, et M. Jules Simon,
et M. Léon Say? Ils ont assurément trop
de tact et d'expérience pour que cette
politique leur agrée. Iront-ils donc porter
une main maladroite, téméraire, sur les
municipalités françaises ou sur le droit
électoral? Que l'on institue à Lyon, à
Rouen, à Bordeaux, à Marseille, des
maires d'arrondissement comme nous
en avons à Paris, et que l'en trouve plus
équitable ou plus commode d'y faire élire
les conseillers municipaux par sections
ou par quartiers, c'est ce qu'il faudra
voir; mais on ne peut aller plus loin. Si
quelques municipalités sortent de leur
droit, le gouvernement a toute la puis-
sance nécessaire pour les obliger à y
rentrer ; c'est à lui de savoir user de fer-
meté et de discrétion. Dans les prochains
scrutins, les électeurs feront le reste; s'ils
se trouvent mal administrés, ils auront
le bon sens de changer d'administra-
teurs. Laissez-les faire à leurs risques
l'expérience, et, pour quelques embarras
plus ou moins fondés que cela vous
cause, ne renversez pas le suffrage uni-
versel et la liberté.
BUG. LIÉBERT.
—————————————
Séance de la gauche républicaine tenue à Paris,
le 26 janvier 1873.
Présidence de M. Magnin.
Il est procédé à la nomination d'un vice-pré-
sident et de trois membres du comtté de direc-
tion.
Sont élus :
M. Lereyer, vice-président;
MM. Guichard, Riondel et Jozon, membres
du comité de direction.
Présidence de M. Fourcand.
M. Arago rend compte à la réunion des der-
nières séances de la commission des trente et
notamment des discussions qui ont eu lieu à
l'occasion des amendements de MM. Max-Ri-
chard, Delacour, Marcel Barthe, Broët et Sa-
caze.
La réunion approuve l'attitude qui a été prise
dans ces discussions par la minorité de la com-
mission.
M. Jules Favre indique quelle est, suivant
lui, la conduite qui, à l'avenir, devrait être sui-
vie par la'minorité de la commission des trente.
MM. Lepère, Magnin, général Billot, Rolland,
Flotard, Pernolet, Langlois et le coloRel Den-
fert présentent à ce sujet différentes observations
après lesquelles la réunion recommande à ceux
de ses membres qui font partie de la minorité
de la commission des trente les indications de
M. Jules Favre.
La réunion s'est ensuite occupée des déclara-
tions qui auraient été faites par M. de Goulard,
à la commission de décentralisation, à l'occasion
des municipalités.
La réunion, unanime dans la volonté de main-
tenir le droit des conseils municipaux à élire
leur maire, décide que ceux de ses membres qui
appartiennent à la commission de décentralisa-
tion la tiendront au courant des opinions et des
résolutions émises par la commission sur cet im-
portant sujet.
M. PAUL FÉVAL
C'est aujourd'hui dimanche. En vertu
de la loi qui interdit tout travail en ce
saint jour, nous demandons à-nos lec-
teurs la permission de ne point leur par-
ler aujourd'hui de la commission des
Trente. Car c'est un. vrai travail, allez !
E. S.
On jouait hier, aux matinées littéraires
de la Gaîté, l'Ecole des femmes et c'était
notre ancien collaborateur et ami Paul
Féval qui avait bien voulu se charger de
la conférence, ou, comme il avait prié
qu'on le mît sur l'affiche, de la cau-
serie.
Il est certain que M. Paul Féval n'a pas
fait une conférence, au sens propre du
mot ; il serait assez difficile de dire pré-
cisément le sujet qu'il a traité, par l'excel-
lente raison qu'à vraiment parler, il n'a
pas traité de sujet précis ; on ne sau-
rait non plus résumer quelqu'un de ses
développements, parce qu'il n'a point
essayé de développer quoi que ce soit.
Non, il a causé.
Un genre de causerie tout particulier,
qui lui appartient en propre, iqui a quel-
que chose, comme diraient les Anglais,
de genuine, dont je ne recommanderais
certes l'imitation à personne, mais qui,
dans sa bouche, a un caractère d'origi-
nalité charmante. -
Paul Féval a beaucoup d'esprit. Cet
esprit ne consiste pas à revêtir une pen-
sée juste d'un tour piquant, ni à trouver
de ces saillies vives, de ces rapproche-
ments soudains d'idées, de ces rencon-
tres de mots qui échappent au feu de
l'improvisation et donnent au public les
sensations d'un bon feu de sarment
qui pétille.
Son esprit, à lui, se rapproche bien
plus de ce que les Anglais appellent
humour, et il me semble que si Sterne
avait pris la parole chez M. Ballande, il
eût causé comme Paul Féval. Jules No-
riac, quand il écrivait chez nous, avait
un peu de cet esprit-là. C'est une fan-
taisie singulière, ou je ne sais quelle
affectation de bonhomie airuisée de
malice sournoise. On dirait que l'orateur
marche, à pas de loup, tout doucement,
par de longs détours obliques, avec un
air parfait d'innocence, et que tout à
coup, par un saut brusque, il saute sur
un mot plaisant, longuement prévu et
guetté. Il le saisit entre ses pattes; il en
joue, comme un chat d'une souris, re-
gardant le public avec une petite mine
naïve qui veut dire : Vraiment ! cela est
si drôle ? Je ne m'en doutais point !
Ces démasquements subits, ces sur-
prises abondent dans la conversation de
Paul Féval ; il excelle à en dérober les
apprêts, et les relève ensuite par l'air
étonné et fin dont il les accompagne.
En voulez-vous un exemple ?
Il veut dire que nos auteurs modernes
se sont acharnés à présenter sans cesse
l'adultère sur la scène. Voilà le ton qu'il
prend. Il commence par conter que notre
théâtre est né jadis des mystères, que
des troupes s'étaient formées qui exploi-
taient un mystère particulier, et qu'en
général ils s'appelaient du nom de leur
mystère favori ; qu'ainsi il y avait les
frères de la passion.
Tout le monde écoute : où diable en
veut-il venir ? à quoi bon cette digres-
sion qui ne semble mener nulle part?
Peu à peu la parole de l'orateur se ra-
lentit, les inflexions, déjà très-douces,
s'attendrissent encore ; sa figure revêt
un air ingénu et discret, tandis que par
un détour habile il revient aux écrivains
modernes, qui sont, eux, les frères de
la passion conjugale.
La salle éclate de rire. Cela est irrésis-
tible. Si la chose ne vous semble pas plai-
sante à la lecture, c'est que vous ne l'a-
vez pas entendu dire; c'est que vous
n'avez pas été conduits à ce dénouement
imprévu par cette voix engageante ;
c'est que vous n'avez pas été victimes de
cette rouerie de la phrase, de cet air si
bien joué d'innocence et d'étonnement.
Permettez-moi un autre exemple de
cette manière ; il sera plus facile à expo-
ser et à comprendre.
Paul Féval voulait expliquer au public
qu'il ne devait point se choquer de cer-
tains mpts qui reviennent souvent dans
Molière et surtout dans l'Ecole des Fem-
mes; qu'il y a un peu d'exagération, de
pruderie, dans les révoltes que les fem-
mes font paraître en ces occasions. Où un
autre eût vu un sujet de thèse à prouver,
il a trouvé l'occasion d'une fantaisie pi-
quante.
Il a dit, copame en passant, que cer-
taines expressions, familières à nos
oreilles, blessaient la pudeur anglaise;
ainsi : pantalon, ivre. Oui, il paraît que
le mot ivre est tout à fait cljoqaânt en
anglais.
Puis il a parlé d'autre chose, battant
les buissons, et, sans qu'on vît trop
pourquoi, il s'est mis à conter une his-
toire, tournée en manière de fable, avec
le ton d'un homme qmi, en effet, récite
une fable.
Il y avait une fois, dans une famille
anglaise, un père qui aimaitle wisky, une
tante qui sifflait du rhum, une fille qui
préférait le rhum, et une femme de
chambre qui ne bavait rien que de
l'eau.
Un dimanche soir, le père, la tante et
la fille, toute la famille était couchée bien
proprement et dormait. sous la table,
quand la femme de chambre entra et, les
voyant ainsi à terre, s'écria : ils sont
ivres !
A ce mot, l'Anglais se releva, la tante
se releva, la fille se releva, tous les trois
pénétrés d'horreur; le ciel de l'Angle-
terre gronda, la terre trembla, etc., etc.
L'histoire finie, n'attendez pas que
Paul Féval en tire tout de suite la con-
clusion : non, il est bien trop malin. Il
se remet en route, s'échappant à travers
sentiers en toutes sortes de fantaisies;
puis au moment qu'on s'y attend le
moins, vers la fin de l'entretien, il ra-
mène sa petite femme de chambre qui se
servait du mot tvre, parce qu'elle ne bu-
vait que de l'eau, et il insinue que les
femmes peuvent bien entendre le gros
mot de Molière, quand elles sont 'inno-
centes de la chose.
Je ne nie point que cette manière ne
sent. l'apprêt, et ne mette parfois en
défiance. Mais Sterne ne vous agace-t-il
jamais ? et pourtant que d'esprit ! que
de malice ! que d'originalité dans le
tour ! et quand il réussit, comme cette
façon de dire les choses leur donne une
saveur plus irritante, et peur parler com-
me Sainte-Beuve, plus de ragoût ! ,
Le stylo est à l'avenant. Car Paul Féval
a un style, en causant, si tant est qu'il
improvise, ce qui me paraît peu vraisem-
blable. Cela est parfois maniéré et pré-
cieux, - souvent - délicat - et - fin, -- toujours
pittoresque ! Partout l image, et l'image
longtemps soutenue , non pas l'image
bête et pédante ; l'image spirituelle, avec
ce je ne sais quoi de cherché, de fouillé,
qui chatouille et amuse.
Je vous assure que rien n'est plus sin-
gulier que cette parole. Elle a un accent
tout personnel ; elle plaît à ceux même
qu'elle agace par son inconsistance. Elle
a une saveur suî generis. Etre original,
être soi, grande affaire ! Paul Féval l'est
à un point que l'on ne saurait exprimer.
Il apporte à ces conférences du diman-
che une note toute nouvelle et que lui
seul est capable de donner. Je voudrais
que son exemple fût suivi de quelques-
uns de nos confrères. Tout est bon à ces
matinées littéraires de la Gaîté, tout, sauf
le ton doctoral et empesé du professeur,
ou l'éloquence tonitruante et fluide de
l'avocat. La chaise du conférencier n'est
ni une chaire, ni un prétoire. Les journa-
listes auraient avantage à se mettre ainsi
en communication plus directe et plus in-
time avec le public. Ils rendraient en
même temps service à une institution
utile et digne d'encouragements.
Quant au succès, il est sûr. Le public
de M. Ballande est le plus aimable des
publics ! il applaudit plus ou moins; mais
il applaudit toujours. Dame! je ne pro-
mets pas à tous les conférenciers le suc-
cès de Paul Féval ; mais on peut réussir
beaucoup, en réussissant moins que lui.
FRANCISQUE sude.
———————————— ♦ ————————————
INFORMATIONS
Lord Lyons a remis, hier, à M. de Ré-
musat, le traité de commerce approuvé par
le gouvernement anglais.
M. de Rémusat doit faire, à ce sujet, un
rapport à l'Assemblée. Ce rapport sera lu à
la Chambre vers le 8 février.
Le général Appert, qu'un deuil de fa-
mille avait appelé à Châlons, est de retour
à Versailles depuis deux jours. Il suit avec
beaucoup d'attention l'enquête qui se fait
sur l'évasion des trois détenus de la prison
des Chantiers. Le général est persuadé
qu'il a dû y avoir des connivences à l'inté-
rieur et au dehors de la prison. C'est la
neuvième évasion qui se produit à peu près
dans le même genre.
Le tribunal correctionnel de Coutance a
dans son audience de samedi condamné
pour diffamation le journal bonapartiste la
Manche à 200 francs d'amende et 300 francs
de dommages-intérêts avec publication du
jugement partout où il sera nécessaire.
C'est ce journal qui avait indignement
accusé M. de Tocfueville, député de la
Manche, d'être en correspondance suivie
avec les communards de Londres.
M. le comte de Kakosehkine, ancien
ministre de Russie, est mort hier à Paris
à l'âge de 80 ans.
Le ministre des Etats-Unis a présenté
hier soir au président de la République
M. George H. Pendleton, homme politique
distingué des Etats-Unis.
Le nouveau règlement concernant la
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mardi 28 Janvier 1873.
I LiIF i AYiÏA YE QÛIIEÏTIU&ï ïiJ!J■
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
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tes manuscrits non insérés seront renduj
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MM. les Souscripteurs des dé-
partements dont l'abonnement ex-
pire le 31 janvier sont instamment
priés. de le renouveler dans le plus
bref délai, s'ils ne veulent éprouver
aucune interruption dans la ré-
ception du journal.
JOURNÉE POLITIQUE
Parts, le 27 janvier 1873.
Un seul mot sur la commission des
trente, qui n'a pas encore tranché samedi
la grande question de l'intervention du
président de la République dans les inter-
pellations parlementaires; elle a seule-
ment rejeté les amendements les plus favo-
rables à M. Thiers, que des membres de
la minorité lui présentaient. Aujourd'hui
lundi, elle doit de nouveau tenir séance.
Quant à l'Assemblée, on ne trouvera
rien de bien saillant dans ce qu'elle a fait.
On a lu déjà la loi qu'elle a votée sur les
lettres et les objets recommandés que trans-
porte la poste. Le public, les commerçants
surtout apprécieront ces innovations, qui
sont bonnes. La demande d'interpellation
de M. René Brice sur les volontaires d'un
an sera généralement approuvée. M. Brice
voudrait que les jeunes gens instruits,
mais sans fortune, qui ne peuvent payer
les 1,500 francs exigés de ces volontaires,
en pussent être dispensés dans une pro-
portion suffisante ( la proportion fixée par
une récente circulaire du ministre n'est
que de 1 pour 100). L'interpellation aura
lieu samedi prochain.
Des discussions qui ont pris le reste de
la séance, il vaut mieux ne rien dire. On
s'est fort occupé d'une prétendue illégalité
que le gouvernement aurait commise en
portant à 40,000 fr. le traitement du grand-
chancelier de la Légion d'honneur. Que
40,000 fr. soient un trop gros chiffre, la
chose aujourd'hui n'importe guère, puis-
que ce chiffre avait été voté dans le bud-
get. C'est à ce propos, cependant, que M.
de La Rochejaquelein, dans la péroraison
d'un long discours, BOUS conjure « de ne
pas fermer les yeux sur l'abîme qui se
creuse sous nos pas ! » Mais passons. Un
autre débat s'est élevé sur la prise en con-
sidération d'une proposition de loi élec-
torale dont M. le marquis de Castellane
est l'auteur. Est-ce à la commission élec-
torale, est-ce à la commission des trente
que ce projet doit être renvoyé ? Grande
dispute là-dessus pendant une heure ; c'est
enfin pour la commission électorale qu'on
s'est décidé. Le suffrage universel, il fal-
lait s'y attendre, a été dans cette occasion
fort malmené, bien que M. de Castellane
l'ait déclaré « assez grand personnage. »
Cela ne tire point encore à conséquence,
et nous supposons que la Chambre y re-
garderait à deux fois avant de refaire la loi
du 31 mai, de l'aggraver même, comme
on a trop souvent la folie de le lui propo-
ser.
La Gazette de l'Allemagne du Nerd an-
nonce que la session du Reichstag s'ou-
vrira dans les premiers jours de mars, à
cause des projets importants qui doivent
être soumis à cette assemblée. A Berlin,
cependant, la Chambre des députés conti-
nue la discussion du budget des affaires
étrangères. M. de Bismarck, qui n'y avait
pas paru depuis longtemps, est venu pren-
dre part au débat. Des acclamations l'ont
accueilli, disent les dépêches. Il a donné
quelques explications sur sa démission ré-
cente de président du ministère, qui a été
si longtemps et si diversement commentée.
Des raisons toutes personnelles, a-t-il dit,
des raisons de santé l'ont'obligé à se dé-
charger d'une partie de ses travaux, aux-
quels il ne pouvait suffire ; sa détermina-
tion n'a pas eu d'autre cause, et le cabinet
prussien reste aussi uni que jamais. On
trouvera d'ailleurs un abrégé de ce dis-
cours dans notre Chronique étrangère. L'im-
portance qu'il y faut attacher n'est que re-
lative, et l'on sait bien que les paroles
n'engagent en quoi que ce soit la politique
du prince-chancelier.
E. L.
.————————— ——————————
Sainte-Beuve raconte qu'un jour Cha-
teaubriand rencontra Lamartine dans
le salon de Mme Récamier. Lamartine
prit congé le premier, et quand il fut
sorti : Grand dadais ! fit Chateaubriand
avec une petite moue dédaigneuse.
J'imagine que le même mot a dû ve-
nir hier aux lèvres de certain compère
bonapartiste à l'adresse de certain naïf
du même parti. Voici dans quelles cir-
constances :
On sait que depuis quelques jours la
fusion est de mode ; la branche aînée
prétend chaque matin que le soir même
elle sera fusionnée avec la branche ca-
dette. Les bonapartistes ont voulu faire
voir qu'ils ne restaient point tout seuls
avec leur douleur, et en même temps
que nous apprenions que les princes
d'Orléans s'étaient rendus à la Chapelle
expiatoire pour assister, à côté deslégi-
- timistes, à la prière pour le repos de l'à-
iae de Louis XVI, le directeur d'un
journal bonapartiste nous signalait la
présence d'une délégation des Vengeurs
dd Flourens, à la messe de Saint-Paul
pour le repos de l'âme de Napoléon III.
La chose nous avait semblé, à nous,
toute naturelle. Les extrêmes se tou-
chent ; il n'y a rien d'étonnant à ce
qu'ils se confondent. Aussi avons-nous
été fort surpris de voir que le parti bo-
napartiste n'était pas tout à fait d'ac-
cord pour se réjouir d'une fusion si
habilement provoquée par le compère
dont nous parlions tout à l'heure.
Nous, fusionner avec des commu-
nards ! s'est écrié un des plus ardents
champions de l'impérialisme! Nous, don-
ner la main à des démagogues, à des
tueurs d'otages, aux Vengeurs de Flou-
rens ! Jamais! Périsse l'impérialisme,
plutôt que de consentir à le ressusciter
par de telles alliances ! - --
C'est bien, cela ; c'est très-bien ; mais
c'est d'un naïf! Il faut être de son parti,
que diable ! Et quand on se dit bonapar-
tiste, il faut l'être à la façon du compère
qui conduit des savetiers à Chislehurst
et des Vengeurs de Flourens à Saint-
Paul. Il a très-bien compris, celui-là,
qu'empire et démagogie, césarisme et ja-
cobinisme, tyrannie d'en haut et tyrannie
d'en bas sont synonymes. Il connaît son
histoire ; il a lu dans Aristote que le
moyen d'arriver à la tyrannie, c'est de
gagner la confiance de la foule ; que le
tyran commence toujours par être un dé-
magogue, comme Pisistrate à Athènes et
Denys à Syracuse. Il se rappelle que le
prince-président de la République n'a
pas eu de complices plus fidèles pour
son coup d'Etat de décembre que les
insurgés de juin qu'on avait excités et
payés avant la bataille; à qui l'on pro-
mettait, après la défaite, amnistie pour
les uns, protection pour les autres.
« La fin justifie les moyens: on sort de
la légalité, mais c'est pour rentrer dans
le droit; on fusille, on déporte, on em-
prisonne, on spolie ; mais c'est pour
sauver la religion, la famille et la pro-
priété. »
Ainsi parle l'empire.
« La fin justifie les moyens : on s'in-
surge contre le pouvoir légal, on pille
des hôtels, on assassine des prêtres, on
fait la guerre à la Loi, mais c'est parce
qu'elle est mauvaise, et qu'il faut la
changer. »
Ainsi parle la Commune.
Empire et Commune ont même prin-
cipe, mêmes tendances, mêmes procé-
dés. Toutes les tyrannies sont sœurs, et
l'on ne saurait vraiment s'étonner que
ce soit une famille très-unie.
E. SCHNERB.
——————— » ———————
Les Municipalités
ET LA COMMISSION DE DÉCENTRALISATION
Quand M. le marquis de Carabas et ses
honorables collègues arrivèrent à Ver-
sailles en 1871, ils s'écrièrent : « En-
fin, nous allons décentraliser ! » et,
séance tenante, ils nommèrent une com-
mission de décentralisation, qui fut com-
posée des quarante-cinq décentralisa-
teurs les plus remarquables. Si les mots
sont nouveaux et même un peu barba-
res, l'idée est respectable et vieille. Elle
date, pour le moins, de la fin du règne
de Louis XIV, où le duc de Saint-Simon
et M. de Boulainvilliers furent les plus
grands décentralisateurs connus. Ils ré-
clamaient dans leur intégrité les anciens
droits de la noblesse : n'était-il pas criant
que tout bon gentilhomme ne pût exer-
cer à sa fantaisie dans sa province le gou-
vernement de ses vassaux? n'était-ce pas
;un intolérable abus que la royauté s en
mêlât? Elle absorbait le pouvoir despoti-
que, dont la noblesse se voyait dépouil-
lée le plus injustement du monde ! Que
devenaient ses légitimes priviléges ? Elle
voulait qu'on les restituât 1 C'est ce qu'ex.
primait fort bien encore, vers 1815, M. de
Carabas le père, lorsqu'il eut concouru
au rétablissement du roi :
Et s'il ne me rend
Les droits de mon rang,
Avec moi, morbleu ! -
Il aura beau jeu !
Vous lirez le reste dans Béranger, où se
trouvent résumées avec autant d'énergie
que d'exactitude les aspirations décen-
tralisatrices de l'époque.
Depuis lors, il a bien fallu, autant par
habileté que par faiblesse, se commettre
avec le clergé et même avec quelques
bourgeois, bien peasaats à la vérité et
du nombre de ceux qui traitent publi-
quement leurs grands-pères de spolia-
teurs et de bourreaux ; conséquence
presque inévitable de la dureté des temps,
de plusieurs mésalliances nécessaires, et
surtout de la proclamation du suffrage
universel en 1848. On a dû apporter
aussi quelques adoucissemeats au pro-
gramme. Bref, quand la commission de
décentralisation s'est livrée à ses grands
travaux, elle s'est bornée à conclure que
la principale et la première affaire était
de réduire le pouvoir central autant qu'on
pourrait ; on supposait, après cela, qu'il
serait facile, soit aux possesseurs de
manoirs dans les campagnes, soit aux
chefs de coteries réactionnaires dans les
villes, à ce qu'on pourrait nommer, en
un mot, l'aristocratie immobilière, de
saisir l'influence et d'accaparer l'auto-
rité. Il était difficile de demander plus,
et d'ailleurs les élections de 1871 per-
mettaient, dans plusieurs provinces, de
concevoir de belles espérances. On tra-
vailla ainsi à décentraliser avec ardeur.
La loi municipale fut la première occa-
sion qui s'en présenta. Ce fut avec mille
peines que le gouvernement obtint alors
de conserver la nomination des maires,
choisis d'ailleurs parmi les conseillers
municipaux, dans les chefs-lieux d'arron-
dissement et les grandes villes. Les fran-
chises municipales ! mais n'était-ce pas
justement le premier article du program-
me décentralisateur?
Mais, hélas ! voici plusieurs mois déjà
que la commission de décentralisation
est troublée. Il lui est arrivé quelque
chose de lamentable. Elle s'est aperçu
qu'elle a réchauffé dans son sein des
serpents, oui, des serpents odieux. En
cet âge de fer on ne réchauffe plus autre
chose. Que devenir? Elle comptait voir
éclore des municipalités dévouées à l'i-
dée décentralisatrice, — dans la bonne
acception du mot, bien entendu, car il
ne faudrait pas que la démocratie pût
s'en emparer, — et ce sont des munici-
palités républicaines, voire radicales, qui
sont sorties de la coquille. Les conseils
ne valent pas mieux. Ici l'on signe des
adresses pour le maintien de la Répu-
blique; ailleurs, on retire les écoles aux
congréganistes, on organise l'enseigne-
ment laïque. Voyez l'affaire de Castel-
Sarrazin et l'interpellation de l'autre se-
maine. La commission de décentralisa-
tion en perdra la tête. Elle veut aviser; elle
apprend que le ministre de l'intérieur,
contrecarré quelquefois par les maires,
veut aviser aussi, mais dans un autre
sens. Ministre et commission se réunis-
sent ; ici commence un long colloque,
dont la Gazette de France a pris soin,
hier, de nous rendre compte.
— Les municipalités ne sont pas tou-
tes, dit M. de Goulard, telles que je les
voudrais voir. Souvent leurs sentiments
îépondent mal à mes tendances, ces
tendances qui m'ont valu la haute appro-
bation du centre droit et de la droite. Je
trouve la situation fâcheuse. — Elle est
déplorable ! répond le chœur de la com-
mission. Dites-nous, monsieur le minis-
tre, dites-nous ce que vous pensez faire ?
— D'abord, dit M. de Goulard, je
voudrais supprimer les mairies centra-
les, non-seulement à Lyon, mais dans
les grandes villes. En attendant, je suis
décidé à changer le mode d'élection de&
conseils municipaux, toujours dans ces
mêmes grandes villes; on y voterait,
comme à Paris, par sectionnements, par
quartiers. Voilà mon système. En ce qui
touche le reste des communes, je suis
d'avis que l'on ne peut pas persister à
laisser nommer les maires par les con-
seils élus, ce que je trouve absurde. Je
demande la nomination des maires par le
gouvernement, qui les choisirait dans les
conseils. Le ministère, prochainemènt,
va s'occuper de ces réfermes.
— Monsieur le ministre, dit M. Rau-
dot, je crois qu'avec ces moyens-là nous
manquerons notre premier but, qui est
d'éliminer les municipalités républicai-
nes. Votre idée de sectionnement dans
es grandes villes ne donne point de ga-
ranties, puisqu'à Paris même, où le
sectionnement est pratiqué, il entre
très-peu de nos amis dans le conseil.
Quant au droit de nomination que vous
réclamez pour les municipalités de toutes
les communes de France, vous en usez
déjà dans la plupart des villes, et les
affaires n'en vont pas mieux. Si vous devez
prendre le maire dans le conseil muni-
cipal, et que le conseil municipal soit
tout entier républicain (ce qui se pré-
sente par malheur dans les trois quarts
des cas), vous n'échapperez point à la
triste nécessité de nommer un maire ré-
publicain. Les moyens que vous propo-
sez n'ont point de rapport avec le but ; il
y a dans vos indications quelque inco-
hérence. Si je veux aller à Auxerre, je ne
prends point le coche de Saint-Lô. Il
faut chercher une autre voie.
— Appuyé ! appuyé 1 dit la commis-
sion. D'ailleurs, les idées du ministre ne
sont pas décentralisatrices, et l'on se
moquerait de nous si nous les adop-
tions.
— Il est certain, ajoute un autre mem-
bre, que nous ne pouvons pas brûler ce
que nous avons adoré, toute notre vie.
Restons décentralisateurs, et que cha-
cun de nous propose ce qu'il aura trouvé
de mieux.
On se rend à cet avis si sage, et c'est
alors que les idées les plus ingénieuses
sont développées. Résumons-les par or-
dre.
M. Raudot demande que, dans chaque
commune importante, à commencer par
la ville de Paris, il soit institué plusieurs
conseils municipaux au lieu. d'un seul;
ils se dévoreraient les uns les autres,
et tout le mal serait ainsi neutralisé.
— Ce système, répond le ministre, a des
avantages ; mais il aurait des inconvé-
nients aussi.
M. Waddington propose d'établir qu'en
matière municipale, on n'aura plus af-
faire au suffrage universel, mais à la
« famille électorale. » La famille élec-
torale sera le produit net d'une « épura-
tion considérable du suffrage universel. »
Aux conseils élus dans les villes par la
famille électorale, on adjoindra toujours
les plus haut imposés. — Pas de réponse
du ministre sur les premiers points;
mais il accepte l'adjonction des plus
imposés.
M. Fresneau réformerait la compo-
sition même des conseils. Des conseils
municipaux, dit-il, où la propriété n'a
point sa part faite ne représentent pas
les communes ! — Question à voir, dit
le ministre ; mais « la représentation des
intérêts en dehors de l'élection, » cela
semble grave.
On s'est arrêté là, et M. de Goulard,
pour finir sur une politesse, s'est félicité,
en se retirant, d'un échange d'idées si
fructueux et si profitable. Moins péné-
trés de l'importance et de l'utilité de
l'entretien, nous nous sommes conten-
tés ici d'en noter fidèlement les traits
essentiels. Pour conclure, il n'est pas
inopportun peut-être de transcrire les
quelques lignes d'appréciations et de re-
marques dont la Gazette de France a fait
précéder son compte-rendu : « Au fond,
dit cette feuille perspicace, au fond, il
est visible que le gouvernement, sous
prétexte d'assurer le maintien de l'or-
dre, voudrait obtenir de l'Assemblée des
modifications à la loi qui mettraient
toutes les municipalités à sa discrétion.
On verra que la commission résiste éner-
giquement à cette prétention et ne veut
remédier à la situation déplorable crue
l'administration constate elle-même dans
les grandes villes, que par l'application
ies principérieusement conservateurs
qui fournissent des garanties aussi
bien contre l'arbitraire que contre l'anar-
chie. Il
Tâchons, à notre tour, de faire la
part de chacun.
Le gouvernement, ou plutôt sans deute
le ministre de l'intérieur, se montre
alarmé de la composition des municipa-
lités dans un certain nombre de villes.
Il se peut, en effet, qu'on trouve ici ou
là trop d'inexpérience en affaires ou
trop d'ardeur en politique. C'est aux
électeurs qu'il convient d'en faire le re-
proche, puisque les membres des muni-
cipalités ne sont choisis que dans les
conseils élus par eux. Le gouvernement
jouit du droit de suspension et de révo-
cation, et M. de Goulard connaît bien
cette arme; mais il trouve que c'est
peu, et il demande en outre : la sup-
pression des mairies centrales dans
les grandes villes (ce qui est un point
à examiner) ; le vote par quartiers
ou cantons ( ce qui pourrait encore,
après examen, être admis ) ; enfin la
nomination des maires de toutes les
communes de France (ce qui n'a pas de
sens appréciable, puisque les maires
dont se plaint M. de Goulard sont juste-
ment ceux dont déjà la nomination lui
appartient).
- Sur ce dernier point, la commission
l'a très-bien réfaté. De plus, elle lui
a fait voir que l'adoption des deux autres
points changerait vraisemblablement peu
de chose au personnel municipal ; c'est
pourquoi justement nous n'y objectons
rien. Quant aux propositions de la com-
mission, nous ne les rappellerons pas ;
la plus sérieuse consiste à créer un corps
électoral d'élite et à tirer de cette essence
les municipalités et les conseils ; les
communes alors, ou plutôt les parois-
ses, deviendraient autant de petits para-
dis terrestres, où le gouvernement ne se-
rait point admis à s'ingérer. On aurait le
pouvoir ! C'est l'idée décentralisatrice
perfectionnée ; on y revient toujours.
Le système est juge. Ce qui nous est
pénible; c'est de voir un ministre du
gouvernement se compromettre en de
pareilles conférences. Il s'y fait réfuter
par tout le monde et ne sait réfuter per-
sonne. Qu'en doivent penser M. Thiers,
et M. de Rémusat, et M. Jules Simon,
et M. Léon Say? Ils ont assurément trop
de tact et d'expérience pour que cette
politique leur agrée. Iront-ils donc porter
une main maladroite, téméraire, sur les
municipalités françaises ou sur le droit
électoral? Que l'on institue à Lyon, à
Rouen, à Bordeaux, à Marseille, des
maires d'arrondissement comme nous
en avons à Paris, et que l'en trouve plus
équitable ou plus commode d'y faire élire
les conseillers municipaux par sections
ou par quartiers, c'est ce qu'il faudra
voir; mais on ne peut aller plus loin. Si
quelques municipalités sortent de leur
droit, le gouvernement a toute la puis-
sance nécessaire pour les obliger à y
rentrer ; c'est à lui de savoir user de fer-
meté et de discrétion. Dans les prochains
scrutins, les électeurs feront le reste; s'ils
se trouvent mal administrés, ils auront
le bon sens de changer d'administra-
teurs. Laissez-les faire à leurs risques
l'expérience, et, pour quelques embarras
plus ou moins fondés que cela vous
cause, ne renversez pas le suffrage uni-
versel et la liberté.
BUG. LIÉBERT.
—————————————
Séance de la gauche républicaine tenue à Paris,
le 26 janvier 1873.
Présidence de M. Magnin.
Il est procédé à la nomination d'un vice-pré-
sident et de trois membres du comtté de direc-
tion.
Sont élus :
M. Lereyer, vice-président;
MM. Guichard, Riondel et Jozon, membres
du comité de direction.
Présidence de M. Fourcand.
M. Arago rend compte à la réunion des der-
nières séances de la commission des trente et
notamment des discussions qui ont eu lieu à
l'occasion des amendements de MM. Max-Ri-
chard, Delacour, Marcel Barthe, Broët et Sa-
caze.
La réunion approuve l'attitude qui a été prise
dans ces discussions par la minorité de la com-
mission.
M. Jules Favre indique quelle est, suivant
lui, la conduite qui, à l'avenir, devrait être sui-
vie par la'minorité de la commission des trente.
MM. Lepère, Magnin, général Billot, Rolland,
Flotard, Pernolet, Langlois et le coloRel Den-
fert présentent à ce sujet différentes observations
après lesquelles la réunion recommande à ceux
de ses membres qui font partie de la minorité
de la commission des trente les indications de
M. Jules Favre.
La réunion s'est ensuite occupée des déclara-
tions qui auraient été faites par M. de Goulard,
à la commission de décentralisation, à l'occasion
des municipalités.
La réunion, unanime dans la volonté de main-
tenir le droit des conseils municipaux à élire
leur maire, décide que ceux de ses membres qui
appartiennent à la commission de décentralisa-
tion la tiendront au courant des opinions et des
résolutions émises par la commission sur cet im-
portant sujet.
M. PAUL FÉVAL
C'est aujourd'hui dimanche. En vertu
de la loi qui interdit tout travail en ce
saint jour, nous demandons à-nos lec-
teurs la permission de ne point leur par-
ler aujourd'hui de la commission des
Trente. Car c'est un. vrai travail, allez !
E. S.
On jouait hier, aux matinées littéraires
de la Gaîté, l'Ecole des femmes et c'était
notre ancien collaborateur et ami Paul
Féval qui avait bien voulu se charger de
la conférence, ou, comme il avait prié
qu'on le mît sur l'affiche, de la cau-
serie.
Il est certain que M. Paul Féval n'a pas
fait une conférence, au sens propre du
mot ; il serait assez difficile de dire pré-
cisément le sujet qu'il a traité, par l'excel-
lente raison qu'à vraiment parler, il n'a
pas traité de sujet précis ; on ne sau-
rait non plus résumer quelqu'un de ses
développements, parce qu'il n'a point
essayé de développer quoi que ce soit.
Non, il a causé.
Un genre de causerie tout particulier,
qui lui appartient en propre, iqui a quel-
que chose, comme diraient les Anglais,
de genuine, dont je ne recommanderais
certes l'imitation à personne, mais qui,
dans sa bouche, a un caractère d'origi-
nalité charmante. -
Paul Féval a beaucoup d'esprit. Cet
esprit ne consiste pas à revêtir une pen-
sée juste d'un tour piquant, ni à trouver
de ces saillies vives, de ces rapproche-
ments soudains d'idées, de ces rencon-
tres de mots qui échappent au feu de
l'improvisation et donnent au public les
sensations d'un bon feu de sarment
qui pétille.
Son esprit, à lui, se rapproche bien
plus de ce que les Anglais appellent
humour, et il me semble que si Sterne
avait pris la parole chez M. Ballande, il
eût causé comme Paul Féval. Jules No-
riac, quand il écrivait chez nous, avait
un peu de cet esprit-là. C'est une fan-
taisie singulière, ou je ne sais quelle
affectation de bonhomie airuisée de
malice sournoise. On dirait que l'orateur
marche, à pas de loup, tout doucement,
par de longs détours obliques, avec un
air parfait d'innocence, et que tout à
coup, par un saut brusque, il saute sur
un mot plaisant, longuement prévu et
guetté. Il le saisit entre ses pattes; il en
joue, comme un chat d'une souris, re-
gardant le public avec une petite mine
naïve qui veut dire : Vraiment ! cela est
si drôle ? Je ne m'en doutais point !
Ces démasquements subits, ces sur-
prises abondent dans la conversation de
Paul Féval ; il excelle à en dérober les
apprêts, et les relève ensuite par l'air
étonné et fin dont il les accompagne.
En voulez-vous un exemple ?
Il veut dire que nos auteurs modernes
se sont acharnés à présenter sans cesse
l'adultère sur la scène. Voilà le ton qu'il
prend. Il commence par conter que notre
théâtre est né jadis des mystères, que
des troupes s'étaient formées qui exploi-
taient un mystère particulier, et qu'en
général ils s'appelaient du nom de leur
mystère favori ; qu'ainsi il y avait les
frères de la passion.
Tout le monde écoute : où diable en
veut-il venir ? à quoi bon cette digres-
sion qui ne semble mener nulle part?
Peu à peu la parole de l'orateur se ra-
lentit, les inflexions, déjà très-douces,
s'attendrissent encore ; sa figure revêt
un air ingénu et discret, tandis que par
un détour habile il revient aux écrivains
modernes, qui sont, eux, les frères de
la passion conjugale.
La salle éclate de rire. Cela est irrésis-
tible. Si la chose ne vous semble pas plai-
sante à la lecture, c'est que vous ne l'a-
vez pas entendu dire; c'est que vous
n'avez pas été conduits à ce dénouement
imprévu par cette voix engageante ;
c'est que vous n'avez pas été victimes de
cette rouerie de la phrase, de cet air si
bien joué d'innocence et d'étonnement.
Permettez-moi un autre exemple de
cette manière ; il sera plus facile à expo-
ser et à comprendre.
Paul Féval voulait expliquer au public
qu'il ne devait point se choquer de cer-
tains mpts qui reviennent souvent dans
Molière et surtout dans l'Ecole des Fem-
mes; qu'il y a un peu d'exagération, de
pruderie, dans les révoltes que les fem-
mes font paraître en ces occasions. Où un
autre eût vu un sujet de thèse à prouver,
il a trouvé l'occasion d'une fantaisie pi-
quante.
Il a dit, copame en passant, que cer-
taines expressions, familières à nos
oreilles, blessaient la pudeur anglaise;
ainsi : pantalon, ivre. Oui, il paraît que
le mot ivre est tout à fait cljoqaânt en
anglais.
Puis il a parlé d'autre chose, battant
les buissons, et, sans qu'on vît trop
pourquoi, il s'est mis à conter une his-
toire, tournée en manière de fable, avec
le ton d'un homme qmi, en effet, récite
une fable.
Il y avait une fois, dans une famille
anglaise, un père qui aimaitle wisky, une
tante qui sifflait du rhum, une fille qui
préférait le rhum, et une femme de
chambre qui ne bavait rien que de
l'eau.
Un dimanche soir, le père, la tante et
la fille, toute la famille était couchée bien
proprement et dormait. sous la table,
quand la femme de chambre entra et, les
voyant ainsi à terre, s'écria : ils sont
ivres !
A ce mot, l'Anglais se releva, la tante
se releva, la fille se releva, tous les trois
pénétrés d'horreur; le ciel de l'Angle-
terre gronda, la terre trembla, etc., etc.
L'histoire finie, n'attendez pas que
Paul Féval en tire tout de suite la con-
clusion : non, il est bien trop malin. Il
se remet en route, s'échappant à travers
sentiers en toutes sortes de fantaisies;
puis au moment qu'on s'y attend le
moins, vers la fin de l'entretien, il ra-
mène sa petite femme de chambre qui se
servait du mot tvre, parce qu'elle ne bu-
vait que de l'eau, et il insinue que les
femmes peuvent bien entendre le gros
mot de Molière, quand elles sont 'inno-
centes de la chose.
Je ne nie point que cette manière ne
sent. l'apprêt, et ne mette parfois en
défiance. Mais Sterne ne vous agace-t-il
jamais ? et pourtant que d'esprit ! que
de malice ! que d'originalité dans le
tour ! et quand il réussit, comme cette
façon de dire les choses leur donne une
saveur plus irritante, et peur parler com-
me Sainte-Beuve, plus de ragoût ! ,
Le stylo est à l'avenant. Car Paul Féval
a un style, en causant, si tant est qu'il
improvise, ce qui me paraît peu vraisem-
blable. Cela est parfois maniéré et pré-
cieux, - souvent - délicat - et - fin, -- toujours
pittoresque ! Partout l image, et l'image
longtemps soutenue , non pas l'image
bête et pédante ; l'image spirituelle, avec
ce je ne sais quoi de cherché, de fouillé,
qui chatouille et amuse.
Je vous assure que rien n'est plus sin-
gulier que cette parole. Elle a un accent
tout personnel ; elle plaît à ceux même
qu'elle agace par son inconsistance. Elle
a une saveur suî generis. Etre original,
être soi, grande affaire ! Paul Féval l'est
à un point que l'on ne saurait exprimer.
Il apporte à ces conférences du diman-
che une note toute nouvelle et que lui
seul est capable de donner. Je voudrais
que son exemple fût suivi de quelques-
uns de nos confrères. Tout est bon à ces
matinées littéraires de la Gaîté, tout, sauf
le ton doctoral et empesé du professeur,
ou l'éloquence tonitruante et fluide de
l'avocat. La chaise du conférencier n'est
ni une chaire, ni un prétoire. Les journa-
listes auraient avantage à se mettre ainsi
en communication plus directe et plus in-
time avec le public. Ils rendraient en
même temps service à une institution
utile et digne d'encouragements.
Quant au succès, il est sûr. Le public
de M. Ballande est le plus aimable des
publics ! il applaudit plus ou moins; mais
il applaudit toujours. Dame! je ne pro-
mets pas à tous les conférenciers le suc-
cès de Paul Féval ; mais on peut réussir
beaucoup, en réussissant moins que lui.
FRANCISQUE sude.
———————————— ♦ ————————————
INFORMATIONS
Lord Lyons a remis, hier, à M. de Ré-
musat, le traité de commerce approuvé par
le gouvernement anglais.
M. de Rémusat doit faire, à ce sujet, un
rapport à l'Assemblée. Ce rapport sera lu à
la Chambre vers le 8 février.
Le général Appert, qu'un deuil de fa-
mille avait appelé à Châlons, est de retour
à Versailles depuis deux jours. Il suit avec
beaucoup d'attention l'enquête qui se fait
sur l'évasion des trois détenus de la prison
des Chantiers. Le général est persuadé
qu'il a dû y avoir des connivences à l'inté-
rieur et au dehors de la prison. C'est la
neuvième évasion qui se produit à peu près
dans le même genre.
Le tribunal correctionnel de Coutance a
dans son audience de samedi condamné
pour diffamation le journal bonapartiste la
Manche à 200 francs d'amende et 300 francs
de dommages-intérêts avec publication du
jugement partout où il sera nécessaire.
C'est ce journal qui avait indignement
accusé M. de Tocfueville, député de la
Manche, d'être en correspondance suivie
avec les communards de Londres.
M. le comte de Kakosehkine, ancien
ministre de Russie, est mort hier à Paris
à l'âge de 80 ans.
Le ministre des Etats-Unis a présenté
hier soir au président de la République
M. George H. Pendleton, homme politique
distingué des Etats-Unis.
Le nouveau règlement concernant la
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