Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-01-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 15 janvier 1873 15 janvier 1873
Description : 1873/01/15 (A3,N426). 1873/01/15 (A3,N426).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75566888
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
38 Année. — N° 426.
PIIX DU NUMÉRO : PABIS D5 CENTIMES « DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 45 Janvier 1873. --
I F YÏYE GïÉTI ï1
f 01 CiliJLBCi
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
2, rue Drouot, 2
Ces manuscrits non insérés seront rendus
ABONNEMENTS
PAMS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un RU. 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois. 32
Un an 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Ce
6, place de la Bourse, 0
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
2, rue Drouot» 2
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 fr
Six mois. 32
Un an. 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Ge
6, place de la Bourse, 6
MM. les Souscripteurs des dé-
partements dont l'abonnement ex-
pire le 15 janvier sont instamment
priés de Le renouveler dans le plus
- bref délai, s'ils ne veulent éprouver
aucune interruption dans la ré-
ception du journal.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, le 14 janvier 4873.
La commission des trente a tenu, hier,
une séance générale, mais une séance
courte et qui demeure entourée de mys-
tère, comme ses réunions de l'autre se-
maine. On assure qu'elle est sur le point
de découvrir le modus vivendi qui est le su-
jet proposé à ses méditations et à ses tra-
vaux. Seulement, comme le problème à
résoudre est ingrat, difficile et de nature
ardue, la commission cache avec soin ses
procédés pour les soustraire à toute con-
currence déloyale. Cela est naturel, et
nous n'en voulons point aux honorables
inventeurs de la constitution provisoire
qui nous doit régir.
L'Assemblée, cependant, a continué sa
délibération publique sur le conseil supé-
rieur de l'enseignement. Les huit premiers
paragraphes du premier article du projet
sont adoptés. Le premier article, on le sait,
règle la composition du conseil. La Cham-
bre a donc voté, jusqu'ici, qu'il y entre-
rait, sous la présidence du ministre, trois
membres du conseil d'Etat en service ordi-
naire, élus par le conseil d'Etat, un mem-
bre de l'armée et un membre de la marine,
nommés chacun par leur ministre, quatre
archevêques ou évêques, élus par leurs
collègues, un délégué de l'Eglise réfor-
mée, un délégué de l'Eglise de la confes-
sion d'Augsbourg et un membre du consis-
toire central israélite, ces trois derniers
choisis également par leurs collègues res-
pectifs. On en est resté là parce que M.
Jean Brunet voulait faire admettre, après
le rabbin et pour compléter la représenta-
tion de tous les cultes, un membre musul-
man, chargé sans doute de veiller à ce que
le conseil ne prenne point de décisions
contraires aux dogmes du Coran et aux
saints préceptes de Mahomet.
Cetie idée surprend, au premier coup,
lorsqu'on n'y est pas préparé. Mais l'ad-
mission du musulman n'a rien vraiment
qui doive ici paraître plus étrange que la
présence des ministres des autres cultes.
Il ni se faut point récrier sur ce qu'on
verrait un mufti voter avec des archevê-
ques, puisqu'on y voit déjà voter des juifs
et des huguenots. Cela fait bien compren-
dre le degré de politesse et de douceur où
les religions de ce temps sont venues, et
c'est un résultat qui nous intéresse. C'est
le seul, à vrai dire, car, si l'on passe de ce
point de -vue général au point de vue par-
ticulier du conseil supérieur de l'ensei-
gnement, on cherchera en vain quel genre
de services le délégué de l'islamisme y
pourra rendre. Ce délégué ne sera-t-il
point inutile ? En bonne conscience, il
nous semble que oui; inutile comme les
délégués du Consistoire israélite, des Egli-
ses protestantes et de l'Eglise cathotique.
On eût sagement fait de retrancher tous
ces délégués-là, dont la place n'est vrai-
ment point dans un tel conseil. Mais puis-
qu'il n'est plus temps et que pour les
premiers le vote est acquis, l'amendement
Jean Brunet doit à son tour être adopté,
sous peine d'inconséquence et d'injustice.
Qui peut être d'un autre avis ?
C'est mercredi seulement que l'As-
semblée fixera le jour de l'interpellation
Belcastel sur l'incident Bourgoing et les
ambassades romaines ; car, malgré les ex-
plications qu'a données dimanche le prési-
dent de la République aux six délégués de
la droite, conduits par M. Dupanloup, il
paraît que la droite extrême ne renonce
point à interpeller; Perrin Dandin jugeait,
et l'extrême droite interpelle ; c'est une
folie, au demeurant, qui ne devient dan-
gereuse que par contagion, et cette fois,
en tant que résultats du moins, on la trou-
vera tout à fait innocente. Que l'interpella-
tion ait lieu dans quelques jours ou qu'elle
soit indéfiniment ajournée, la politique
francaise à Rome ne changera point pour
si peu. Elle restera ce qu'elle doit et ce
qu'elle peut être. Il paraît d'ailleurs bien
certain que l'Assemblée, pressée par l'évi-
dence, approuvera la conduite qu'a tenue le
gouvernement. S'il se rencontre une cen-
taine d'ultramontains furieux pour la con-
damner, c'est à eux-mêmes seulement
qu'ils nuiront.
Voici que le centre droit ouvre les bras
aux dissidents du centre gauche. M. Des-
jardins et M. le vicomte d'Haussonville ont
demandé dimanche qu'on fît place parmi
les justes aux cinquante-huit pécheurs con-
vertis ; à quoi le président de la réunion,
M. Saint-Marc-Girardin, a répondu que
la place était accordée d'avance et mê-
me que la conversion seraitfêtéaavec toute
la pompe imaginable. Tout cela va bien ;
mais il nous semble que le centre droit,
avec ses absolutions et ses indulgences,
fait à M. Casimir Périer un assez mauvais
compliment. On compte donc pour rien le
nouveau groupe que devaient former, en
plaçant M. Casimir Périer à leur tête, les
cinquante-huit qui lui avaient donné leurs
voix, le jour de la scission du centre gau-
che? Comment s'appelaient-il déjà? N'était-
ce point « la Réunion de la République
Conservatrice ? » Se parer d'un titre si
beau pour finir sous quelque bonnet à
poil, entre des Arthur de Cumont et des
Peltereau-Villeneuve !
EUG. LIÉBERT.
i +
LA QUESTION BOURGOING
Rome, 10 janvier 1870.
Q Vous recevrez probablement cette
lettre à l'heure même où le gouverne-
ment français, mis en demeure par la
droite, racontera toute l'affaire ab ovo.
Jetez ma prose au feu si elle fait double
emploi ; cependant, je ne désespère pas
de vous conter des choses inédites. J'ai
bien fait de venir à Rome pour savoir
toute la vérité, car les Italiens les mieux
renseignés, hors de la capitale, ne la
connaissaient qu'à demi ou ne l'expli-
quaient pas de façon à satisfaire une
curiosité un peu pressante. Il y a cer-
tains faits qu'on ne peut pas comprendre
hors du milieu où ils se sont passés.
Mettez-vous d'abord dans l'esprit que
le Vatican est dans Rome une ville, ou,
pour parler plus juste, un empire non-
seulement distinct et séparé, mais situé
moralement à mille lieues de la capitale.
Dans cette magnifique enclave, le Saint-
Père vit enfermé avec les cardinaux, les
prélats, les généraux des ordres religieux,
et tout l'état-major du catholicisme. Il
ne vient pas à Rome parce que sa pré-
sence y serait comme une adhésion au
fait accompli, parce qu'il ne lui convient
pas de se promener en sujet dans une
ville où il fut roi, peut-être enfin parce
que ses regards y seraient offensés par
des nouveautés en tout genre : la seule
vue des journaux illustrés qui s'étalent
dans les kiosques le scandaliserait comme
un sacrilège : la liberté de la presse est
grande ici.
Non-seulement le pape évite Rome
comme le feu de l'enfer, mais tous les
prélats qui l'entourent se croient tenus
de suivre cet exemple; on ne ren-
contre plus ni bas rouges ni bas vio-
lets à la promenade du Pincio; si quel-
que monsignor vient en ville de temps
en temps, il se déguise. La société ro-
maine, autrefois fort unie dans son una-
nime respect pour le Saint-Père, a dû se
scinder en deux camps depuis l'entrée
du roi dans sa capitale. Les uns sont
devenus royalistes, on les appelle les
blancs, et les autres sont restés noirs ; et
grâce au caractère entier de Pie IX, il est
formellement impossible à un Romain
quelque peu notable d'être blanc aujour-
d'hui et noir demain, ou de n'être ni
blanc ni noir. Il faut opter. Quiconque a
présenté ses hommages au Quirinal s'est
fermé par cela seul à tout jamais les
portes du Vatican. Le Quirinal, qui pro-
fesse des idées larges, permettrait la
neutralité à ses hôtes ; le Vatican veut
tout ou rien.
Voilà dans quel pays étrange, ou du
moins très-particulier, la République
française a deux représentants diploma-
tiques : un ambassadeur noir, chargé
spécialement d'entretenir de bons rap-
ports avec le Vatican, et un plénipoten-
tiaire blanc, qui va au Quirinal et qui y
est parfaitement accueilli. L'ambassa-
deur, quoiqu'il ne vive pas au Vatican,
mais au milieu de la Rome royale, n'en-
tretient aucune relation avec le roi ; s'il
lui faisait une seule visite, il serait très-
bien accueilli probablement, mais il
ne pourrait plus remplir son office au-
près du Pape, car le Pape ne le recevrait
plus. Quant au ministre plénipotentiaire,
le roi lui permettrait sans doute d'aller
au Vatican, mais tous les huissiers du
saint lieu lui jetteraient la porte au nez.
L'intolérance du Vatican ne va pas tou-
tefois jusqu'à vouloir que deux Français,
envoyés par le même département mi-
nistériel, affectent de ne se point con-
naître et demeurent étrangers l'un à l'au-
tre. Ils sont proches voisins; l'un rem-
plit un palais somptueux place des
Saints-Apôtres ; l'autre, le blanc, habite
un modeste deuxième étage auprès du
Forum de Trajan. Ils se voient, ou du
moins ils se voyaient avant ce malheu-
reux incident de l'Orénoque. La cour
pontificale a su que M. de Bourgoing et
M. Fournier dînaient quelquefois l'un
chez l'autre, et elle a eu la sagesse éton-
nante de ne point protester tout haut.
L'Orénoque est une frégate montée
par deux cents hommes d'équipage et
assez mal logée, entre parenthèses, dans
le port de Civita-Vecchia. Le comman-
dant et les officiers du navire sont con-
nus ici comme de vrais militaires fran-
çais, c'est-à-dire des hommes qui, dans
le service, ne connaissent que le devoir
et mettent de côté leurs opinions per-
sonnelles. En cette qualité, ils ne sont
pas plus pour le pape que pour le roi :
ils appartiennent à la France. Le mal-
heur est que l'Orénoque appartient, dans
une certaine mesure, à l'ambassadeur et
n: :
au pape ; cette frégate est noire par des-
tination. Notre gouvernement, lorsqu'il
l'a envoyée, l'a mise à la disposition de
l'ambassadeur pour qu'elle fût, en cas de
besoin, le refuge du pape. Cette précau-
tion a pu paraître injurieuse aux Italiens,
qui ne songent nullement à persécuter
le Saint-Père, mais je ne sache pas que
le Quirinal s'en soit plaint. Ainsi les
officiers de VOrénoque étaient pour ainsi
dire autant d'attachés militaires à l'am-
bassade de France, et comme tels ils
accompagnaient l'ambassadeur au Vati-
can le 25 décembre 1871, sans donner
signe de vie au Quirinal.
Assurément la chose était inusitée,
mais qu'est-ce qui n'est pas inusité dans
toute cette affaire? Le gouvernement
italien ne se plaignit pas sur le mo-
ment, mais il put s'étonner à bon droit
en voyant le dualisme de notre diplo-
matie se compliquer d'un élément mili-
taire. Un corps d'officiers, l'état-major
d'une frégate, c'est un peu, c'est même
absolument le drapeau français. Voilà le
drapeau français qui vient à Rome s'in-
cliner devant le Saint-Père et qui passe
tout raide devant le roi! Le roi eut le
bon goût de ne pas se montrer offensé,
mais peut-être le cabinet fut-il sensible
à un procédé que toute la nation trou-
vait regrettable. Je ne sais si M. Nigra
en toucha quelques mots à M. de Rému-
sat, ou si M. Visconti-Yenosta, dans quel-
que conversation privée, en entretint M.
Fournier; toujours est-il que M. de
Bourgoing sentit lui-même la nécessité
d'écrire une longue lettre à Versailles
pour justifier la nouvelle manifestation
qu'il préparait et demander l'agrément
du ministre.
La lettre était en route lorsqu'il reçut,
par voie télégraphique, un avis à peu
près conçu dans ces termes : Les offi-
ciers del'Orénoque rendront leurs devoirs
au Saint-Père et au roi.
Rien de plus simple, va-t-on dire à
Paris. Mais à Rome ces deux visites suc-
cessives entraînaient fatalement des com-
plications sans nombre. D'abord, M. de
Bourgoing pouvait conduire ses officiers
au Vatican , il ne pouvait pas les mener
au Quirinal, chez le roi, qu'il n'est censé
ni connaître, ni reconnaître. Il aurait
donc fallu que ces messieurs se présen-
tassent devant Victor-Emmanuel sous les
auspices de M. Fournier. De ce coup l'O-
rénoque avait deux chefs à Rome, elle
n'obéissait plus à l'ambassadeur seul,
mais à l'ambassadeur et au ministre.
Et par une conséquence que tous les
Italiens auraient déduite instantanément,
la présence de l'Orénoque à Civita-Vec-
chia changeait de caractère. La frégate
n'était plus là pour protéger le Saint-
Père contre les mauvais desseins hypo-
thétiques de l'Italie, mais simplement
pour protéger les intérêts français en
général, comme tous nos navires qui
stationnent dans les eaux d'une puis-
sance étrangère.
Avertir le Saint-Père de la résolution
prise à Versailles, lui dire: Nos marins,
après vous avoir rendu leur hommage de
Noël, feront une visite de jour de l'an au
roi d'Italie, c'était exposer de braves offi-
ciers à un affront inévitable. Les con-
duire au Vatican sans rien dire et les
laisser aller huit jours après au Quirinal,
c'était, pour notre ambassadeur, encourir
une disgrâce certaine et peut-être une
bonne malédiction.
Dans cette extrémité, M. de Bourgoing
se hâta de télégraphier à Versailles : il
suppliait le gouvernement de suspendre
ses ordres jusqu'à l'arrivée de cette let-
tre explicative, qui était toujours en che-
min. Elle devait arriver le lundi 23 dé-
cembre ; on aurait tout le temps de pe-
ser les raisons dont elle était pleine et
de répondre par télégraphe dans la jour-
née du 24.
Le ministre n'attendit pas ; il avait
sans doute une résolution bien motivée
et fort arrêtée, car, dès le samedi 21,
une deuxième dépêche confirmait sim-
plement les instructions de la veille.
C'est sous le coup de cet ordre formel
que M. de Bourgoing envoya sa démis-
sion à Paris. En même temps il écrivait
à M. Fournier, pour lui dire que, n'étant
plus ambassadeur de France, il n'irait
pas dîner chez lui ce soir-là.
M. Fournier courut à l'ambassade, il
n'y fut point reçu. Il s'y présenta une
deuxième fois dans la même journée
sans obtenir plus de succès. On croit à
Rome, et ce détail rend l'hypothèse assez
vraisemblable, que M. de Bourgoing
soupçonnait M. Fournier d'avoir pesé
dans une certaine mesure sur la résolu-
tion de M. de Rémusat. J'ai tout lieu
d'espérer que M. de Rémusat dira ou fera
dire à la tribune avec quel soin scrupu-
leux notre honorable ministre plénipo-
tentiaire s'est tenu en dehors de cette
négociation.
Pour revenir à M. de Bourgoing, on
sait ici qu'il a maintenu sa démission
malgré une dépêche de M. Thiers, très-
pressante, très-affectueuse et tournée de
manière à rassurer absolument le pape.
Il est sorti d'une situation inextricable
par un sacrifice qui lui fait honneur.
C'est un homme de cinquante ans, il
avait quitté la diplomatie à vingt-six ans,
en 1848 ; une fortune inespérée, en
1871, lui avait fait regagner le temps
perdu : il était devenu coup sur coup,
et comme par miracle, sans mérites
saillants, ministre en Hollande, et bien-
tôt ambassadeur à Rome. Il s'installait
ici, après une longue hésitation, pour y
faire un long bail, et il y avait trans-
porté toute sa famille.
Mais le plus à plaindre est encore son
successeur.
ABOUT.
*
DANSE MACABRE
Parlons donc librement, puisqu'on le
veut. Nous pensions qu'il était mieux
d'attendre que la pierre fût scellée sur
le tombeau j et, pour nous conformer à
la coutume, qui est de parler bas devant
les morts, depuis cinq jours, nous nous
faisions violence.
Eux, au contraire, ils crient, jurent,
menacent, tempêtent, font rage ; et, pen-
dant que le marteau cloue pour l'é-
ternité dans la nuit du cercueil celui
qui fut leur maître, ils exécutent une
danse macabre avec grincements de
de dents, contorsions et grimaces pour
attirer la foule.
Car il leur faut un enterrement de ga-
la, qui fasse du tapage, dont on parle.
L'empereur vivant ne leur était plus
bon à rien ; il faut que l'empereur mort
leur serve à quelque chose ! Il ont beau-
coup raillé les républicains du bruit
qu'ils ont fait autour du cadavre de
Baudin. Napoléon III est leur Baudin à
eux ! A cela près, toutefois, que Baudin
avait été tué par Napoléon, et que Na-
poléon n'a pas même été tué par le re-
mords !
Ah ! les habiles metteurs en scène que
ces bonapartistes ! Il n'y a qu'eux pour
savoir tout le parti qu'on peut tirer d'une
situation, fût-elle desespérée. Jamais ils
ne perdent la tête, jamais ils ne se dé-
couragent, jamais ils ne se rendent,
excepté sur le champ de bataille, en rase
campagne. Il est vrai que, là encore, ils
pensaient faire un coup de maître, en
abandonnant la France pour sauver la
dynastie. Ils n'ont pas réussi; tout n'est
qu'heur et malheur en ce monde !
Mais, vraiment, il faut des bornes à
l'impudeur, et la conscience publique se
révolte à la fin au spectacle de ces gens
qui se font un tréteau des épaules de
leur mort, et se taillent des panaches
dans les vêtements de deuil d'une veuve
et d'un orphelin.
La mère et le fils ne sont pour rien
dans cette mascarade funèbre; nous le
croyons, nous l'affirmons. Ce serait
trop odieux! Aussi rétractons-nous, à
l'avance, toute parole qui semblerait
porter atteinte aux droits inviolables que
les douleurs sincères ont à l'indulgence
et au respect. Mais qu'on ne nous de-
mande plus de ménager les braillards, les
pleurnicheurs à gages,, les fermiers d'an-
nonces et les Barnums du bonapartis-
me, car ils n'ont que trop abusé déjà,de
la condescendance publique, et ils feront
bien de fermer au plus tôt les baraques
frottées de noir où, depuis cinq jours, ils
font la parade avec la permission de
l'autorité.
Veut-on quelques échantillons de ce
qu'ils débitent aujourd'hui dans leurs
feuilles, avec accompagnement de grands
coups de trompette, et de tous les zing
boum boum du champ de foire?
Ils représentent les nations voisines
plongées dans la consternation parce
qu'un Bonaparte vient de mourir, et
font mine de rassurer les cabinets
d'Europe sur les conséquences funestes
que pourrait avoir la disparition de ce
grand génie en leur promettant de ra-
mener bientôt en France le prince im-
périal.
A les entendre, Napoléon III, aux
yeux de l'étranger, n'avait jamais cessé
d'être le souverain réel et légitime de la
France. Ils accusent ainsi de fourberie,
de duplicité, de mensonge, tous nos
voisins qui, spontanément, ont reconnu
la République française comme notre
gouvernement légal. Mais ce n'est point là
ce qui les préoccupe; il importe avant tout
de faire entendre aux Français, à ceux qui
voudront bien s'y prêter, que la France
est à l'index en Europe, et nerecouvrera
l'estime des nations que le jour où Na-
poléon'IV, continuant la glorieuse tra-
dition du 18 brumaire et du 2 décembre,
fouillera du bout de son épée les gravats
des Tuileries, pour y retrouver les lam-
beaux du trône de son père.
Un pareil langage insulte l'armée,
insulte le pays, insulte l'Assemblée na-
tionale :
L'armée qui, nous en avons la parole
de son chef suprême, est l'armée de la
loi. rien que de la loi ;
Le pays, qui a secoué le joug impérial,
dans un moment d'orgueil et de colère
superbes, le 4 septembre 1870 ;
L'Assemblée nationale qui a ratifié la
sentence populaire dans sa séance du
8 février 1871.
Légalement, la dynastie impériale est
déchue ; légalement, l'empire a été dé-
claré, à la face du pays et du monde,
responsable de la ruine, de l'invasion et
du démembrement de la France.
Eh bien ! après ? nous disent les apo-
logistes de Boulogne et de Strasbourg ;
nous avons été jugés par contumace, et
nous viendrons la purger quand les gen-
darmes seront nos compères.
Et ils travaillent à se faire des com-
plices. De quelle façon, nous n'avons
pas besoin de le dire; en mentant. Ils
imprimaient hier que depuis le 9 janvier,
jour de la mort de Napoléon, le com-
merce, l'industrie, les affaires s'étaient
arrêtés subitement. Quoi de plus natu-
rel? Tant que l'empereur vivait, tant
qu'on pouvait espérer son retour, les
classes laborieuses ne craignaient pas de
s'enrichir; mais maintenant, à quoi bon
gagner de l'argent pour se le voir voler,
un jour ou l'autre, par les républicains?
Nous savons bien que tout cela est
plus bête que méchant et plus ridicule
que dangereux. Volontiers, on hausse-
rait les epaules, laissant au public le
soin de faire justice des insolences de
tous ces bouffons de la cour de Chisle-
hurst; mais quand ces gens sortent de
leur rôle et, empiétant, cela est certain,
sur la consigne qui leur a été donnée
par leurs maîtres, s'enhardissent jus-
qu'à venir mettre le poing sous le nez
des honnêtes gens, il est bien permis de
crier : Holà ! et de leur faire observer
que si c'est de douleur qu'ils sont ivres,
ils ont la douleur trop capiteuse et l'i-
vresse trop bruyante.
Que dire encore du racolement or-
ganisé dans Paris, et sans doute aussi
dans la province, pour expédier, à for-
fait, un nombre suffisant d'affligés à
Chislehurst ! Ce ne sont pas des funé-
railles qu'on prépare, c'est une grande
féerie machinée, truquée, avec feux du
bengale, lumière électrique, apothéose
et tout ce qui constitue ces pièces à grand
spectacle où, d'ordinaire, il est vrai, le
roi est en butte à toutes les turlupina-
des de ses sujets. Mais là-bas, ce sera
le contraire ; on se fera des promesses,
on échangera des serments, et quand le
mort descendra dans la tombe, un cri
sortira de toutes les poitrines : Vive
l'empereur !
Ce sera charmant. Great attraction,
comme disent les Anglais. Soit; chacun
s'amuse à sa manière; mais il nous
semble que les bonapartistes se moquent
un peu trop de nous en faisant distri-
buer sur les boulevards les affiches de
la comédie qu'ils vont représenter en
Angleterre.
E. SCHNERB.
——————— + ———————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 15 janvier 4875.
Le projet de M. le duc de Broglie a mis
bien du temps à venir ; mais en met-il
assez à s'en aller ! L'article 1er, attaqué sa-
medi, n'est pas encore coulé à fond.
La préface de la séance nous promettait
d'ailleurs une suite des journées précé-
dentes. Nous jouons la série : silence à
la Chambre, quasi-indifférence dans le
public.
Le peu qu'il y avait d interpellations à
l'horizon s'éloigne : la fixation du jour de
l'interpellation Belcastel devait avoir lieu
aujourd'hui ; elle est remise à mercredi.
Pour savoir si elle poursuivra ou abandon-
nera l'interpellation, la droite voudrait voir
de quelle façon M. Thiers se conduira, de-
main, dans la commission des trente. La
raison est charmante : la politique suivie
en Italie est donc bonne ou mauvaise sui-
vant l'entente ou le désaccord qui existe
entre les trente et le président de la Répu-
blique ? Comme cela donne bien la me-
sure de ce que valent certaines interpella-
tions !
La commission des trente elle-même
fait peu parler d'elle. Aujourd'hui, la trou-
pe entière réunie faisait, pour la grande
entrevue de demain, une répétition géné-
rale ; elle a été courte, puisque les membres
de la commission assistaient au début de la
séance.
Entendons-nous. au second début, car
la salle était si vide, si vide, que M. Grévy
a fait recommencer une deuxième fois la
séance.
Il s'agit de l'article 1er, c'est-à-dire de
la eomposition du conseil supérieur de l'en-
seignement. Il y unpeu de tout là-dedans :
des conseillers d'Etat et des magistrats,
des militaires et des marins, des évêques
et des pasteurs de l'Eglise réformée, des
membres de l'Institut et des membres de
toutes les Facultés, des ingénieurs, des
agriculteurs. et même des membres de
l'enseignement public.
Etant donnés de l'huile, du vinaigre,
du sel, du poivre et aussi de la salade,
chacun fait sa salade comme il l'entend,
suivant ses goûts, son tempérament, son
palais. C'est ce qui arrive pour l'article 1er
et les amendements qu'on lui oppose.
La commission laisse la nomination des
membres de ce conseil à l'élection de leurs
pairs, M. Bertauld la demandait au choix
de M. le président de la République;
M. de Guiraud, membre de la commission,
répond à M. Bertauld. Avec la meilleure
volonté du monde, nous ne pouvons point
parler de M. de Guiraud; vous ne perdrez
rien à ce silence, et M. de Guiraud y ga-
gnera.
Disons d'ailleurs sincèrement la vérité :
cette discussion est longue, très-longue, et
cependant elle n'est point fastidieuse ; elle
n'est point intéressante et cependant elle
ne manque pas d'intérêt. Voilà qui de-
mande explication.
La discussion est longue, parce que le
gros du public se soucie médiocrement
du conseil supérieur de l'enseignement
(voyons, avouez, on vous pardonnera H.
Mais elle n'est pas fastidieuse, parce qu il
est bon que tous les points de la discus-
sion soient bien spécifiés aux yeux du
pays. Elle ne manque pas d'intérêt grâce à
tout l'inconnu qu'elle nous révèle durant
son cours, mais elle n'est point intéres-
sante à cause même du connu de la fin.
Nous ne donnerons qu'un exemple de ce
parti pris dans les opinions. M. Paul Bert
commence à parler, développant un amen-
dement à l'article 1er; nous voyons un dé-
puté de la droite se lever, et laisser à sa
place le bulletin bleu destiné à protester
contre les idées de M. Bert qu'il ne con-
naît pas encore.
Et cependant M. Paul Bert valait la peine
d'être écouté et même appuyé. Son amen-
dement donne aux membres de l'enseigne-
ment une plus large place dans le conseil
supérieur que ne leur en adjuge l'arti-
cle 1er, et remplace les représentants de
tous les cultes par des membres religieux
appartenant à l'enseignement (professeurs
de théologie).
M. Bert a parlé une heure et demie en-
viron et a fait un remarquable discours.
Se lançant, vers la fin, dans des considé-
rations morales et philosophiques fort
élevees, tout en évitant ce qui pouvait
passionner le débat, trouvant des images
heureuses et des mots fins, trop fins par-
fois, il s'est adressé aux dilettanti de let-
tres. Malheureusement, si M. Bert parle
bien, il dit mal.
Le jeune professeur à la Faculté des
sciences de Paris a eu, en outre, l'excel-
lente idée de ne pas faire un nouveau
cours d'histoire ancienne de l'enseigne-
ment, mais de tracer simplement un ta-
bleau de l'enseignement actuel. L'orateur
s'est occupé, toute sa vie, de ces matières ;
le tableau est vivant.
Si peu de mouvement qu'ait présenté
cette séance, il est un de ses côtés que
nous devons toutefois mettre en relief. Il
ne s'agit, dans le discours de M. Bert, ni
de discussion religieuse, ni de discussion
politique ; il s'agit d'une exposition de
faits, et de faits que tout le monde est à
même de constater. Or, 4 chaque instant,
de trop zélés droitiers interrompent l'ora-
teur et poussent des exclamations aux
énonciations les plus simples.
Eh! messieurs, il n'y a pas de honte à
ne point tout savoir, surtout semblables
choses qui sont choses spéciales. Et vous
ne les connaissez pas; cela se voit de
reste. Mais, au moins, puisque l'occasion
se présente, apprenez-les !
M. Paul Bert, quoique son amendement
ait été repoussé par 448 voix contre 180
— ce que nous savions d'avance, — est le
lauréat de la journée.
M. le ministre de l'instruction publique
a également parlé. « Egalement » est bien
le mot ; car M. J. Simon a su tenir une
balance égale entre la gauche et la droite,
admirant l'amendement de M. Bert, mais
louant l'article de la commission, prodi-
guant l'éloge à ceux-ci, à ceux-là, et aussi
aux membres du cerps enseignant, chemi-
nant enfin sur la corde raide de la respon-
sabilité ministérielle avec un magnifique
aplomb et un admirable équilibre. Quand
il descend, on tente de percer ce nuage
opaque d'encens, d'éloges et d'admirations,
et l'on cherche : « Qu'a dit au juste M. le
ministre? »
On cherche, on creuse, on s'épuise. et
finalement on préfère se rabattre sur M.
Jean Brunet, qui demande l'introduction
dans le conseil supérieur d'un représentant
de l'islamisme. C'est plus catégorique —
et bien moins fort.
Et ce sera calme ainsi jusqu'au bout.
La seule lutte en perspective, la lutte de
la fin, se réduit elle-même à des propor-
tions mesquines.
On se rappelle que l'aigre M. Johnston
ajoutait au projet un article additionnel
qui était une sorte de blâme à la conduite
au ministre. La commission a repoussé
l'article additionnel de M. Johnston.
Le député de Bordeaux a maintenant
l'intention d'apporter son venin sous forme
d'interpellation. Pourquoi pas sous forme
d'amendement, comme d'habitude ?. Pour
donner lieu à un- ordre du jour, parbleu !
PAUL LAFARGUE.
—————————————— + ——————————————
INFORMATIONS
Le Bien public confirme ainsi les infor-
mations que nous avons publiées hier.
Il n'est pas exact que M. le maréchal de Mac-
Mahon ait quitté ou doive quitter Paris pour se
rendre en Angleterre. Le maréchal et Mme de
Mac-Mahon ont adressé par lettre à l'impératrice
leurs compliments de condoléance.
Le même journal, qui doit être bien ren-
seigné sur ce qui se passe à la Présidence,
publie la note suivante :
Aucun officier en service actif ou exerçant un
commandement de troupes — sauf un chef de
bataillon qui avait rempli un service personnel
auprès de la famille impériale — n'a demandé
l'autorisation d'assister aux obsèques de Napo-
léon III. Si de semblables autorisations avaient
été sollicitées, tout le monde doit 'comprendre
qu'elles n'auraient pu être accordées. -
M. le maréchal Canrobert, qui a été
longtemps aide de camp de l'ex-empereur,
et le général Frossard, qui fut gouverneur
de son fils, ont demandé à se rendre à
Chislehurst pour la cérémonie funèbre.
Cette autorisation leur a été accordée
sans aucune difficulté.
La maréchale Bazaine a été recue hier
matin par M. Thiers.
M. le président de la République a ac- ,'
cepté pour jeudi prochain une invitation
à dîner chez M. Grévy, président de l'As-
semblée nationale.
Les bruits relatifs à une anticipation
du paiement de l'indemnité de guerre, en
ce qui touche le quatrième milliard, sont
inexacts.
M. Léon Say n'a fait aucune proposi-
PIIX DU NUMÉRO : PABIS D5 CENTIMES « DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 45 Janvier 1873. --
I F YÏYE GïÉTI ï1
f 01 CiliJLBCi
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
2, rue Drouot, 2
Ces manuscrits non insérés seront rendus
ABONNEMENTS
PAMS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un RU. 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois. 32
Un an 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Ce
6, place de la Bourse, 0
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
2, rue Drouot» 2
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 fr
Six mois. 32
Un an. 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Ge
6, place de la Bourse, 6
MM. les Souscripteurs des dé-
partements dont l'abonnement ex-
pire le 15 janvier sont instamment
priés de Le renouveler dans le plus
- bref délai, s'ils ne veulent éprouver
aucune interruption dans la ré-
ception du journal.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, le 14 janvier 4873.
La commission des trente a tenu, hier,
une séance générale, mais une séance
courte et qui demeure entourée de mys-
tère, comme ses réunions de l'autre se-
maine. On assure qu'elle est sur le point
de découvrir le modus vivendi qui est le su-
jet proposé à ses méditations et à ses tra-
vaux. Seulement, comme le problème à
résoudre est ingrat, difficile et de nature
ardue, la commission cache avec soin ses
procédés pour les soustraire à toute con-
currence déloyale. Cela est naturel, et
nous n'en voulons point aux honorables
inventeurs de la constitution provisoire
qui nous doit régir.
L'Assemblée, cependant, a continué sa
délibération publique sur le conseil supé-
rieur de l'enseignement. Les huit premiers
paragraphes du premier article du projet
sont adoptés. Le premier article, on le sait,
règle la composition du conseil. La Cham-
bre a donc voté, jusqu'ici, qu'il y entre-
rait, sous la présidence du ministre, trois
membres du conseil d'Etat en service ordi-
naire, élus par le conseil d'Etat, un mem-
bre de l'armée et un membre de la marine,
nommés chacun par leur ministre, quatre
archevêques ou évêques, élus par leurs
collègues, un délégué de l'Eglise réfor-
mée, un délégué de l'Eglise de la confes-
sion d'Augsbourg et un membre du consis-
toire central israélite, ces trois derniers
choisis également par leurs collègues res-
pectifs. On en est resté là parce que M.
Jean Brunet voulait faire admettre, après
le rabbin et pour compléter la représenta-
tion de tous les cultes, un membre musul-
man, chargé sans doute de veiller à ce que
le conseil ne prenne point de décisions
contraires aux dogmes du Coran et aux
saints préceptes de Mahomet.
Cetie idée surprend, au premier coup,
lorsqu'on n'y est pas préparé. Mais l'ad-
mission du musulman n'a rien vraiment
qui doive ici paraître plus étrange que la
présence des ministres des autres cultes.
Il ni se faut point récrier sur ce qu'on
verrait un mufti voter avec des archevê-
ques, puisqu'on y voit déjà voter des juifs
et des huguenots. Cela fait bien compren-
dre le degré de politesse et de douceur où
les religions de ce temps sont venues, et
c'est un résultat qui nous intéresse. C'est
le seul, à vrai dire, car, si l'on passe de ce
point de -vue général au point de vue par-
ticulier du conseil supérieur de l'ensei-
gnement, on cherchera en vain quel genre
de services le délégué de l'islamisme y
pourra rendre. Ce délégué ne sera-t-il
point inutile ? En bonne conscience, il
nous semble que oui; inutile comme les
délégués du Consistoire israélite, des Egli-
ses protestantes et de l'Eglise cathotique.
On eût sagement fait de retrancher tous
ces délégués-là, dont la place n'est vrai-
ment point dans un tel conseil. Mais puis-
qu'il n'est plus temps et que pour les
premiers le vote est acquis, l'amendement
Jean Brunet doit à son tour être adopté,
sous peine d'inconséquence et d'injustice.
Qui peut être d'un autre avis ?
C'est mercredi seulement que l'As-
semblée fixera le jour de l'interpellation
Belcastel sur l'incident Bourgoing et les
ambassades romaines ; car, malgré les ex-
plications qu'a données dimanche le prési-
dent de la République aux six délégués de
la droite, conduits par M. Dupanloup, il
paraît que la droite extrême ne renonce
point à interpeller; Perrin Dandin jugeait,
et l'extrême droite interpelle ; c'est une
folie, au demeurant, qui ne devient dan-
gereuse que par contagion, et cette fois,
en tant que résultats du moins, on la trou-
vera tout à fait innocente. Que l'interpella-
tion ait lieu dans quelques jours ou qu'elle
soit indéfiniment ajournée, la politique
francaise à Rome ne changera point pour
si peu. Elle restera ce qu'elle doit et ce
qu'elle peut être. Il paraît d'ailleurs bien
certain que l'Assemblée, pressée par l'évi-
dence, approuvera la conduite qu'a tenue le
gouvernement. S'il se rencontre une cen-
taine d'ultramontains furieux pour la con-
damner, c'est à eux-mêmes seulement
qu'ils nuiront.
Voici que le centre droit ouvre les bras
aux dissidents du centre gauche. M. Des-
jardins et M. le vicomte d'Haussonville ont
demandé dimanche qu'on fît place parmi
les justes aux cinquante-huit pécheurs con-
vertis ; à quoi le président de la réunion,
M. Saint-Marc-Girardin, a répondu que
la place était accordée d'avance et mê-
me que la conversion seraitfêtéaavec toute
la pompe imaginable. Tout cela va bien ;
mais il nous semble que le centre droit,
avec ses absolutions et ses indulgences,
fait à M. Casimir Périer un assez mauvais
compliment. On compte donc pour rien le
nouveau groupe que devaient former, en
plaçant M. Casimir Périer à leur tête, les
cinquante-huit qui lui avaient donné leurs
voix, le jour de la scission du centre gau-
che? Comment s'appelaient-il déjà? N'était-
ce point « la Réunion de la République
Conservatrice ? » Se parer d'un titre si
beau pour finir sous quelque bonnet à
poil, entre des Arthur de Cumont et des
Peltereau-Villeneuve !
EUG. LIÉBERT.
i +
LA QUESTION BOURGOING
Rome, 10 janvier 1870.
Q Vous recevrez probablement cette
lettre à l'heure même où le gouverne-
ment français, mis en demeure par la
droite, racontera toute l'affaire ab ovo.
Jetez ma prose au feu si elle fait double
emploi ; cependant, je ne désespère pas
de vous conter des choses inédites. J'ai
bien fait de venir à Rome pour savoir
toute la vérité, car les Italiens les mieux
renseignés, hors de la capitale, ne la
connaissaient qu'à demi ou ne l'expli-
quaient pas de façon à satisfaire une
curiosité un peu pressante. Il y a cer-
tains faits qu'on ne peut pas comprendre
hors du milieu où ils se sont passés.
Mettez-vous d'abord dans l'esprit que
le Vatican est dans Rome une ville, ou,
pour parler plus juste, un empire non-
seulement distinct et séparé, mais situé
moralement à mille lieues de la capitale.
Dans cette magnifique enclave, le Saint-
Père vit enfermé avec les cardinaux, les
prélats, les généraux des ordres religieux,
et tout l'état-major du catholicisme. Il
ne vient pas à Rome parce que sa pré-
sence y serait comme une adhésion au
fait accompli, parce qu'il ne lui convient
pas de se promener en sujet dans une
ville où il fut roi, peut-être enfin parce
que ses regards y seraient offensés par
des nouveautés en tout genre : la seule
vue des journaux illustrés qui s'étalent
dans les kiosques le scandaliserait comme
un sacrilège : la liberté de la presse est
grande ici.
Non-seulement le pape évite Rome
comme le feu de l'enfer, mais tous les
prélats qui l'entourent se croient tenus
de suivre cet exemple; on ne ren-
contre plus ni bas rouges ni bas vio-
lets à la promenade du Pincio; si quel-
que monsignor vient en ville de temps
en temps, il se déguise. La société ro-
maine, autrefois fort unie dans son una-
nime respect pour le Saint-Père, a dû se
scinder en deux camps depuis l'entrée
du roi dans sa capitale. Les uns sont
devenus royalistes, on les appelle les
blancs, et les autres sont restés noirs ; et
grâce au caractère entier de Pie IX, il est
formellement impossible à un Romain
quelque peu notable d'être blanc aujour-
d'hui et noir demain, ou de n'être ni
blanc ni noir. Il faut opter. Quiconque a
présenté ses hommages au Quirinal s'est
fermé par cela seul à tout jamais les
portes du Vatican. Le Quirinal, qui pro-
fesse des idées larges, permettrait la
neutralité à ses hôtes ; le Vatican veut
tout ou rien.
Voilà dans quel pays étrange, ou du
moins très-particulier, la République
française a deux représentants diploma-
tiques : un ambassadeur noir, chargé
spécialement d'entretenir de bons rap-
ports avec le Vatican, et un plénipoten-
tiaire blanc, qui va au Quirinal et qui y
est parfaitement accueilli. L'ambassa-
deur, quoiqu'il ne vive pas au Vatican,
mais au milieu de la Rome royale, n'en-
tretient aucune relation avec le roi ; s'il
lui faisait une seule visite, il serait très-
bien accueilli probablement, mais il
ne pourrait plus remplir son office au-
près du Pape, car le Pape ne le recevrait
plus. Quant au ministre plénipotentiaire,
le roi lui permettrait sans doute d'aller
au Vatican, mais tous les huissiers du
saint lieu lui jetteraient la porte au nez.
L'intolérance du Vatican ne va pas tou-
tefois jusqu'à vouloir que deux Français,
envoyés par le même département mi-
nistériel, affectent de ne se point con-
naître et demeurent étrangers l'un à l'au-
tre. Ils sont proches voisins; l'un rem-
plit un palais somptueux place des
Saints-Apôtres ; l'autre, le blanc, habite
un modeste deuxième étage auprès du
Forum de Trajan. Ils se voient, ou du
moins ils se voyaient avant ce malheu-
reux incident de l'Orénoque. La cour
pontificale a su que M. de Bourgoing et
M. Fournier dînaient quelquefois l'un
chez l'autre, et elle a eu la sagesse éton-
nante de ne point protester tout haut.
L'Orénoque est une frégate montée
par deux cents hommes d'équipage et
assez mal logée, entre parenthèses, dans
le port de Civita-Vecchia. Le comman-
dant et les officiers du navire sont con-
nus ici comme de vrais militaires fran-
çais, c'est-à-dire des hommes qui, dans
le service, ne connaissent que le devoir
et mettent de côté leurs opinions per-
sonnelles. En cette qualité, ils ne sont
pas plus pour le pape que pour le roi :
ils appartiennent à la France. Le mal-
heur est que l'Orénoque appartient, dans
une certaine mesure, à l'ambassadeur et
n: :
au pape ; cette frégate est noire par des-
tination. Notre gouvernement, lorsqu'il
l'a envoyée, l'a mise à la disposition de
l'ambassadeur pour qu'elle fût, en cas de
besoin, le refuge du pape. Cette précau-
tion a pu paraître injurieuse aux Italiens,
qui ne songent nullement à persécuter
le Saint-Père, mais je ne sache pas que
le Quirinal s'en soit plaint. Ainsi les
officiers de VOrénoque étaient pour ainsi
dire autant d'attachés militaires à l'am-
bassade de France, et comme tels ils
accompagnaient l'ambassadeur au Vati-
can le 25 décembre 1871, sans donner
signe de vie au Quirinal.
Assurément la chose était inusitée,
mais qu'est-ce qui n'est pas inusité dans
toute cette affaire? Le gouvernement
italien ne se plaignit pas sur le mo-
ment, mais il put s'étonner à bon droit
en voyant le dualisme de notre diplo-
matie se compliquer d'un élément mili-
taire. Un corps d'officiers, l'état-major
d'une frégate, c'est un peu, c'est même
absolument le drapeau français. Voilà le
drapeau français qui vient à Rome s'in-
cliner devant le Saint-Père et qui passe
tout raide devant le roi! Le roi eut le
bon goût de ne pas se montrer offensé,
mais peut-être le cabinet fut-il sensible
à un procédé que toute la nation trou-
vait regrettable. Je ne sais si M. Nigra
en toucha quelques mots à M. de Rému-
sat, ou si M. Visconti-Yenosta, dans quel-
que conversation privée, en entretint M.
Fournier; toujours est-il que M. de
Bourgoing sentit lui-même la nécessité
d'écrire une longue lettre à Versailles
pour justifier la nouvelle manifestation
qu'il préparait et demander l'agrément
du ministre.
La lettre était en route lorsqu'il reçut,
par voie télégraphique, un avis à peu
près conçu dans ces termes : Les offi-
ciers del'Orénoque rendront leurs devoirs
au Saint-Père et au roi.
Rien de plus simple, va-t-on dire à
Paris. Mais à Rome ces deux visites suc-
cessives entraînaient fatalement des com-
plications sans nombre. D'abord, M. de
Bourgoing pouvait conduire ses officiers
au Vatican , il ne pouvait pas les mener
au Quirinal, chez le roi, qu'il n'est censé
ni connaître, ni reconnaître. Il aurait
donc fallu que ces messieurs se présen-
tassent devant Victor-Emmanuel sous les
auspices de M. Fournier. De ce coup l'O-
rénoque avait deux chefs à Rome, elle
n'obéissait plus à l'ambassadeur seul,
mais à l'ambassadeur et au ministre.
Et par une conséquence que tous les
Italiens auraient déduite instantanément,
la présence de l'Orénoque à Civita-Vec-
chia changeait de caractère. La frégate
n'était plus là pour protéger le Saint-
Père contre les mauvais desseins hypo-
thétiques de l'Italie, mais simplement
pour protéger les intérêts français en
général, comme tous nos navires qui
stationnent dans les eaux d'une puis-
sance étrangère.
Avertir le Saint-Père de la résolution
prise à Versailles, lui dire: Nos marins,
après vous avoir rendu leur hommage de
Noël, feront une visite de jour de l'an au
roi d'Italie, c'était exposer de braves offi-
ciers à un affront inévitable. Les con-
duire au Vatican sans rien dire et les
laisser aller huit jours après au Quirinal,
c'était, pour notre ambassadeur, encourir
une disgrâce certaine et peut-être une
bonne malédiction.
Dans cette extrémité, M. de Bourgoing
se hâta de télégraphier à Versailles : il
suppliait le gouvernement de suspendre
ses ordres jusqu'à l'arrivée de cette let-
tre explicative, qui était toujours en che-
min. Elle devait arriver le lundi 23 dé-
cembre ; on aurait tout le temps de pe-
ser les raisons dont elle était pleine et
de répondre par télégraphe dans la jour-
née du 24.
Le ministre n'attendit pas ; il avait
sans doute une résolution bien motivée
et fort arrêtée, car, dès le samedi 21,
une deuxième dépêche confirmait sim-
plement les instructions de la veille.
C'est sous le coup de cet ordre formel
que M. de Bourgoing envoya sa démis-
sion à Paris. En même temps il écrivait
à M. Fournier, pour lui dire que, n'étant
plus ambassadeur de France, il n'irait
pas dîner chez lui ce soir-là.
M. Fournier courut à l'ambassade, il
n'y fut point reçu. Il s'y présenta une
deuxième fois dans la même journée
sans obtenir plus de succès. On croit à
Rome, et ce détail rend l'hypothèse assez
vraisemblable, que M. de Bourgoing
soupçonnait M. Fournier d'avoir pesé
dans une certaine mesure sur la résolu-
tion de M. de Rémusat. J'ai tout lieu
d'espérer que M. de Rémusat dira ou fera
dire à la tribune avec quel soin scrupu-
leux notre honorable ministre plénipo-
tentiaire s'est tenu en dehors de cette
négociation.
Pour revenir à M. de Bourgoing, on
sait ici qu'il a maintenu sa démission
malgré une dépêche de M. Thiers, très-
pressante, très-affectueuse et tournée de
manière à rassurer absolument le pape.
Il est sorti d'une situation inextricable
par un sacrifice qui lui fait honneur.
C'est un homme de cinquante ans, il
avait quitté la diplomatie à vingt-six ans,
en 1848 ; une fortune inespérée, en
1871, lui avait fait regagner le temps
perdu : il était devenu coup sur coup,
et comme par miracle, sans mérites
saillants, ministre en Hollande, et bien-
tôt ambassadeur à Rome. Il s'installait
ici, après une longue hésitation, pour y
faire un long bail, et il y avait trans-
porté toute sa famille.
Mais le plus à plaindre est encore son
successeur.
ABOUT.
*
DANSE MACABRE
Parlons donc librement, puisqu'on le
veut. Nous pensions qu'il était mieux
d'attendre que la pierre fût scellée sur
le tombeau j et, pour nous conformer à
la coutume, qui est de parler bas devant
les morts, depuis cinq jours, nous nous
faisions violence.
Eux, au contraire, ils crient, jurent,
menacent, tempêtent, font rage ; et, pen-
dant que le marteau cloue pour l'é-
ternité dans la nuit du cercueil celui
qui fut leur maître, ils exécutent une
danse macabre avec grincements de
de dents, contorsions et grimaces pour
attirer la foule.
Car il leur faut un enterrement de ga-
la, qui fasse du tapage, dont on parle.
L'empereur vivant ne leur était plus
bon à rien ; il faut que l'empereur mort
leur serve à quelque chose ! Il ont beau-
coup raillé les républicains du bruit
qu'ils ont fait autour du cadavre de
Baudin. Napoléon III est leur Baudin à
eux ! A cela près, toutefois, que Baudin
avait été tué par Napoléon, et que Na-
poléon n'a pas même été tué par le re-
mords !
Ah ! les habiles metteurs en scène que
ces bonapartistes ! Il n'y a qu'eux pour
savoir tout le parti qu'on peut tirer d'une
situation, fût-elle desespérée. Jamais ils
ne perdent la tête, jamais ils ne se dé-
couragent, jamais ils ne se rendent,
excepté sur le champ de bataille, en rase
campagne. Il est vrai que, là encore, ils
pensaient faire un coup de maître, en
abandonnant la France pour sauver la
dynastie. Ils n'ont pas réussi; tout n'est
qu'heur et malheur en ce monde !
Mais, vraiment, il faut des bornes à
l'impudeur, et la conscience publique se
révolte à la fin au spectacle de ces gens
qui se font un tréteau des épaules de
leur mort, et se taillent des panaches
dans les vêtements de deuil d'une veuve
et d'un orphelin.
La mère et le fils ne sont pour rien
dans cette mascarade funèbre; nous le
croyons, nous l'affirmons. Ce serait
trop odieux! Aussi rétractons-nous, à
l'avance, toute parole qui semblerait
porter atteinte aux droits inviolables que
les douleurs sincères ont à l'indulgence
et au respect. Mais qu'on ne nous de-
mande plus de ménager les braillards, les
pleurnicheurs à gages,, les fermiers d'an-
nonces et les Barnums du bonapartis-
me, car ils n'ont que trop abusé déjà,de
la condescendance publique, et ils feront
bien de fermer au plus tôt les baraques
frottées de noir où, depuis cinq jours, ils
font la parade avec la permission de
l'autorité.
Veut-on quelques échantillons de ce
qu'ils débitent aujourd'hui dans leurs
feuilles, avec accompagnement de grands
coups de trompette, et de tous les zing
boum boum du champ de foire?
Ils représentent les nations voisines
plongées dans la consternation parce
qu'un Bonaparte vient de mourir, et
font mine de rassurer les cabinets
d'Europe sur les conséquences funestes
que pourrait avoir la disparition de ce
grand génie en leur promettant de ra-
mener bientôt en France le prince im-
périal.
A les entendre, Napoléon III, aux
yeux de l'étranger, n'avait jamais cessé
d'être le souverain réel et légitime de la
France. Ils accusent ainsi de fourberie,
de duplicité, de mensonge, tous nos
voisins qui, spontanément, ont reconnu
la République française comme notre
gouvernement légal. Mais ce n'est point là
ce qui les préoccupe; il importe avant tout
de faire entendre aux Français, à ceux qui
voudront bien s'y prêter, que la France
est à l'index en Europe, et nerecouvrera
l'estime des nations que le jour où Na-
poléon'IV, continuant la glorieuse tra-
dition du 18 brumaire et du 2 décembre,
fouillera du bout de son épée les gravats
des Tuileries, pour y retrouver les lam-
beaux du trône de son père.
Un pareil langage insulte l'armée,
insulte le pays, insulte l'Assemblée na-
tionale :
L'armée qui, nous en avons la parole
de son chef suprême, est l'armée de la
loi. rien que de la loi ;
Le pays, qui a secoué le joug impérial,
dans un moment d'orgueil et de colère
superbes, le 4 septembre 1870 ;
L'Assemblée nationale qui a ratifié la
sentence populaire dans sa séance du
8 février 1871.
Légalement, la dynastie impériale est
déchue ; légalement, l'empire a été dé-
claré, à la face du pays et du monde,
responsable de la ruine, de l'invasion et
du démembrement de la France.
Eh bien ! après ? nous disent les apo-
logistes de Boulogne et de Strasbourg ;
nous avons été jugés par contumace, et
nous viendrons la purger quand les gen-
darmes seront nos compères.
Et ils travaillent à se faire des com-
plices. De quelle façon, nous n'avons
pas besoin de le dire; en mentant. Ils
imprimaient hier que depuis le 9 janvier,
jour de la mort de Napoléon, le com-
merce, l'industrie, les affaires s'étaient
arrêtés subitement. Quoi de plus natu-
rel? Tant que l'empereur vivait, tant
qu'on pouvait espérer son retour, les
classes laborieuses ne craignaient pas de
s'enrichir; mais maintenant, à quoi bon
gagner de l'argent pour se le voir voler,
un jour ou l'autre, par les républicains?
Nous savons bien que tout cela est
plus bête que méchant et plus ridicule
que dangereux. Volontiers, on hausse-
rait les epaules, laissant au public le
soin de faire justice des insolences de
tous ces bouffons de la cour de Chisle-
hurst; mais quand ces gens sortent de
leur rôle et, empiétant, cela est certain,
sur la consigne qui leur a été donnée
par leurs maîtres, s'enhardissent jus-
qu'à venir mettre le poing sous le nez
des honnêtes gens, il est bien permis de
crier : Holà ! et de leur faire observer
que si c'est de douleur qu'ils sont ivres,
ils ont la douleur trop capiteuse et l'i-
vresse trop bruyante.
Que dire encore du racolement or-
ganisé dans Paris, et sans doute aussi
dans la province, pour expédier, à for-
fait, un nombre suffisant d'affligés à
Chislehurst ! Ce ne sont pas des funé-
railles qu'on prépare, c'est une grande
féerie machinée, truquée, avec feux du
bengale, lumière électrique, apothéose
et tout ce qui constitue ces pièces à grand
spectacle où, d'ordinaire, il est vrai, le
roi est en butte à toutes les turlupina-
des de ses sujets. Mais là-bas, ce sera
le contraire ; on se fera des promesses,
on échangera des serments, et quand le
mort descendra dans la tombe, un cri
sortira de toutes les poitrines : Vive
l'empereur !
Ce sera charmant. Great attraction,
comme disent les Anglais. Soit; chacun
s'amuse à sa manière; mais il nous
semble que les bonapartistes se moquent
un peu trop de nous en faisant distri-
buer sur les boulevards les affiches de
la comédie qu'ils vont représenter en
Angleterre.
E. SCHNERB.
——————— + ———————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 15 janvier 4875.
Le projet de M. le duc de Broglie a mis
bien du temps à venir ; mais en met-il
assez à s'en aller ! L'article 1er, attaqué sa-
medi, n'est pas encore coulé à fond.
La préface de la séance nous promettait
d'ailleurs une suite des journées précé-
dentes. Nous jouons la série : silence à
la Chambre, quasi-indifférence dans le
public.
Le peu qu'il y avait d interpellations à
l'horizon s'éloigne : la fixation du jour de
l'interpellation Belcastel devait avoir lieu
aujourd'hui ; elle est remise à mercredi.
Pour savoir si elle poursuivra ou abandon-
nera l'interpellation, la droite voudrait voir
de quelle façon M. Thiers se conduira, de-
main, dans la commission des trente. La
raison est charmante : la politique suivie
en Italie est donc bonne ou mauvaise sui-
vant l'entente ou le désaccord qui existe
entre les trente et le président de la Répu-
blique ? Comme cela donne bien la me-
sure de ce que valent certaines interpella-
tions !
La commission des trente elle-même
fait peu parler d'elle. Aujourd'hui, la trou-
pe entière réunie faisait, pour la grande
entrevue de demain, une répétition géné-
rale ; elle a été courte, puisque les membres
de la commission assistaient au début de la
séance.
Entendons-nous. au second début, car
la salle était si vide, si vide, que M. Grévy
a fait recommencer une deuxième fois la
séance.
Il s'agit de l'article 1er, c'est-à-dire de
la eomposition du conseil supérieur de l'en-
seignement. Il y unpeu de tout là-dedans :
des conseillers d'Etat et des magistrats,
des militaires et des marins, des évêques
et des pasteurs de l'Eglise réformée, des
membres de l'Institut et des membres de
toutes les Facultés, des ingénieurs, des
agriculteurs. et même des membres de
l'enseignement public.
Etant donnés de l'huile, du vinaigre,
du sel, du poivre et aussi de la salade,
chacun fait sa salade comme il l'entend,
suivant ses goûts, son tempérament, son
palais. C'est ce qui arrive pour l'article 1er
et les amendements qu'on lui oppose.
La commission laisse la nomination des
membres de ce conseil à l'élection de leurs
pairs, M. Bertauld la demandait au choix
de M. le président de la République;
M. de Guiraud, membre de la commission,
répond à M. Bertauld. Avec la meilleure
volonté du monde, nous ne pouvons point
parler de M. de Guiraud; vous ne perdrez
rien à ce silence, et M. de Guiraud y ga-
gnera.
Disons d'ailleurs sincèrement la vérité :
cette discussion est longue, très-longue, et
cependant elle n'est point fastidieuse ; elle
n'est point intéressante et cependant elle
ne manque pas d'intérêt. Voilà qui de-
mande explication.
La discussion est longue, parce que le
gros du public se soucie médiocrement
du conseil supérieur de l'enseignement
(voyons, avouez, on vous pardonnera H.
Mais elle n'est pas fastidieuse, parce qu il
est bon que tous les points de la discus-
sion soient bien spécifiés aux yeux du
pays. Elle ne manque pas d'intérêt grâce à
tout l'inconnu qu'elle nous révèle durant
son cours, mais elle n'est point intéres-
sante à cause même du connu de la fin.
Nous ne donnerons qu'un exemple de ce
parti pris dans les opinions. M. Paul Bert
commence à parler, développant un amen-
dement à l'article 1er; nous voyons un dé-
puté de la droite se lever, et laisser à sa
place le bulletin bleu destiné à protester
contre les idées de M. Bert qu'il ne con-
naît pas encore.
Et cependant M. Paul Bert valait la peine
d'être écouté et même appuyé. Son amen-
dement donne aux membres de l'enseigne-
ment une plus large place dans le conseil
supérieur que ne leur en adjuge l'arti-
cle 1er, et remplace les représentants de
tous les cultes par des membres religieux
appartenant à l'enseignement (professeurs
de théologie).
M. Bert a parlé une heure et demie en-
viron et a fait un remarquable discours.
Se lançant, vers la fin, dans des considé-
rations morales et philosophiques fort
élevees, tout en évitant ce qui pouvait
passionner le débat, trouvant des images
heureuses et des mots fins, trop fins par-
fois, il s'est adressé aux dilettanti de let-
tres. Malheureusement, si M. Bert parle
bien, il dit mal.
Le jeune professeur à la Faculté des
sciences de Paris a eu, en outre, l'excel-
lente idée de ne pas faire un nouveau
cours d'histoire ancienne de l'enseigne-
ment, mais de tracer simplement un ta-
bleau de l'enseignement actuel. L'orateur
s'est occupé, toute sa vie, de ces matières ;
le tableau est vivant.
Si peu de mouvement qu'ait présenté
cette séance, il est un de ses côtés que
nous devons toutefois mettre en relief. Il
ne s'agit, dans le discours de M. Bert, ni
de discussion religieuse, ni de discussion
politique ; il s'agit d'une exposition de
faits, et de faits que tout le monde est à
même de constater. Or, 4 chaque instant,
de trop zélés droitiers interrompent l'ora-
teur et poussent des exclamations aux
énonciations les plus simples.
Eh! messieurs, il n'y a pas de honte à
ne point tout savoir, surtout semblables
choses qui sont choses spéciales. Et vous
ne les connaissez pas; cela se voit de
reste. Mais, au moins, puisque l'occasion
se présente, apprenez-les !
M. Paul Bert, quoique son amendement
ait été repoussé par 448 voix contre 180
— ce que nous savions d'avance, — est le
lauréat de la journée.
M. le ministre de l'instruction publique
a également parlé. « Egalement » est bien
le mot ; car M. J. Simon a su tenir une
balance égale entre la gauche et la droite,
admirant l'amendement de M. Bert, mais
louant l'article de la commission, prodi-
guant l'éloge à ceux-ci, à ceux-là, et aussi
aux membres du cerps enseignant, chemi-
nant enfin sur la corde raide de la respon-
sabilité ministérielle avec un magnifique
aplomb et un admirable équilibre. Quand
il descend, on tente de percer ce nuage
opaque d'encens, d'éloges et d'admirations,
et l'on cherche : « Qu'a dit au juste M. le
ministre? »
On cherche, on creuse, on s'épuise. et
finalement on préfère se rabattre sur M.
Jean Brunet, qui demande l'introduction
dans le conseil supérieur d'un représentant
de l'islamisme. C'est plus catégorique —
et bien moins fort.
Et ce sera calme ainsi jusqu'au bout.
La seule lutte en perspective, la lutte de
la fin, se réduit elle-même à des propor-
tions mesquines.
On se rappelle que l'aigre M. Johnston
ajoutait au projet un article additionnel
qui était une sorte de blâme à la conduite
au ministre. La commission a repoussé
l'article additionnel de M. Johnston.
Le député de Bordeaux a maintenant
l'intention d'apporter son venin sous forme
d'interpellation. Pourquoi pas sous forme
d'amendement, comme d'habitude ?. Pour
donner lieu à un- ordre du jour, parbleu !
PAUL LAFARGUE.
—————————————— + ——————————————
INFORMATIONS
Le Bien public confirme ainsi les infor-
mations que nous avons publiées hier.
Il n'est pas exact que M. le maréchal de Mac-
Mahon ait quitté ou doive quitter Paris pour se
rendre en Angleterre. Le maréchal et Mme de
Mac-Mahon ont adressé par lettre à l'impératrice
leurs compliments de condoléance.
Le même journal, qui doit être bien ren-
seigné sur ce qui se passe à la Présidence,
publie la note suivante :
Aucun officier en service actif ou exerçant un
commandement de troupes — sauf un chef de
bataillon qui avait rempli un service personnel
auprès de la famille impériale — n'a demandé
l'autorisation d'assister aux obsèques de Napo-
léon III. Si de semblables autorisations avaient
été sollicitées, tout le monde doit 'comprendre
qu'elles n'auraient pu être accordées. -
M. le maréchal Canrobert, qui a été
longtemps aide de camp de l'ex-empereur,
et le général Frossard, qui fut gouverneur
de son fils, ont demandé à se rendre à
Chislehurst pour la cérémonie funèbre.
Cette autorisation leur a été accordée
sans aucune difficulté.
La maréchale Bazaine a été recue hier
matin par M. Thiers.
M. le président de la République a ac- ,'
cepté pour jeudi prochain une invitation
à dîner chez M. Grévy, président de l'As-
semblée nationale.
Les bruits relatifs à une anticipation
du paiement de l'indemnité de guerre, en
ce qui touche le quatrième milliard, sont
inexacts.
M. Léon Say n'a fait aucune proposi-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Auteurs similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Bibliothèque Francophone Numérique Bibliothèque Francophone Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RfnEns0"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75566888/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75566888/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75566888/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75566888/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75566888
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75566888
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75566888/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest