Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-01-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 janvier 1873 07 janvier 1873
Description : 1873/01/07 (A3,N418). 1873/01/07 (A3,N418).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7556680z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
3e Année. — N° 418.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 LBNTIHBI- DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mardi 7 janvier 1873.,
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit ¡
le, rue Drouot, 1
Les manuscrits non insérés seront rendm
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois J 3 fr.
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois 32
Un an. 62
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
3, rue Drouot, 2
Les lettres non affranchies seront refusées
r ABONNEMENTS
PARIS
Troi" mois. 13 fr.
Six mois 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS.
Trois mois 16 fr*.
Six mois. 32
Un an. 62
JOURNAL RÉPUBLICAIN 1NSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
.Innovera, chez MM. LAGRAGE. CERF çf. c-
G, place rte la Bourse, 6
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, le 6 janvier 1875.
L'Assemblée va reprendre aujourd'hui
ses séances. Nous avons, dès hier, publié
SOft ordre du jour. La question romaine y
sera bientôt introduite, car l'Univers an-
nonce « que plusieurs députés catholiques
ont écrit séparément à M. le président de
l'Assemblée nationale pour lui annoncer
J'intention de déposer dès lundi une de-
mande d'interpellation sur la question de
l'ambassade de Rome. » Nul doute, ajoute
ce journal, qu'il n'y ait, dès lundi, des
réunions dont l'objet sera de s'entendre sur
les termes d'une interpellation collective.
On mande de Berlin que le Bulletin de
Varmée publie un rescrit impérial portant
que le général de Roon, bien qu'investi de
la présidence du conseil, demeurera expres-
sément chargé de la direction et de l'ad-
ministration supérieures des affaires mili-
taires; que le général de Kamecke, investi
du titre de ministre de la guerre, géïera
son ministère d'accord avec M. de Roon
et partagera avec lui la responsabilité de sa
gestion; enfin que M. de Roon devra
foire un rapport sur la répartition du
travail la plus propre à faciliter la prompte
expédition des affaires. Le général de
Kamecke ne sera donc, en quelque sorte,
que le coadjuteur et le premier collabora-
teur de M. de Roon.
Une dépêche adressée de Vienne à là
Gazette de Cologne confirme une nouvelle
que nous avons déjà donnée, à savoir qu'un
échange de lettres a eu lieu entre M. de
Beust et M. de Gramont sur la fameuse
question de l'alliance austro-française en
1870. M. de Beust, est-il dit encore, publiera
dans les journaux de Paris une réponse qui
fournira es éclaircissements sur la poli-
tique de l'Autriche.
Le Mémorial diplomatique a voulu placer
aussi son mot sur cette affaire, et nous
trouvons dans une note qu'il publie, et
que la presse bonapartiste reproduit avec
empressement, les explications que voici :
Nous dirons donc tout franchement qu'on est
allé beauceup trop loin en niant l'entente entre
la cour des Tuileries et celle de Vienne à l'oc-
casion de la guerre avec l'Allemagne. Il est très-
vrai que cette entente n'a pas été formellement
libellee, qu'elle n'a pas été écrite sur des parche-
mins. Mais, suivant nous, c'est là une question
secondaire ; car nous croyons savoir de bonne
pource que, si l'armée française eût réussi à pé-
nétrer dans le midi de l'Allemagne, l'armée aus-
tro-hongroise se fût réunie à elle en entrant en
Bavière. Tout homme pratique comprendra fa-
cilement une pareille situation : on vient au se-
cours de quelqu'un quand on le peut; mais
quand on ne le peut pas, on reste chez soi. En
effet, une armée autrichienne ne pouvait se
mettre en marche pour débloquer l'empereur
Napoléon retenu et cerné à Metz.
Nous dirons « tout franchement » à notre
tour que les diplomates du Mémorial abu-
sent quelque peu de la bonhomie du public.
Si la guerre nous eût réussi, les alliances
n'auraient pas manqué. Qui donc en
doute? Une fois à Berlin, nous aurions eu
pour nous toute l'Europe ! Mais s'il s'agit
de « débloquer l'empereur Napoléon cerné
à Metz, » il paraît que c'est autre chose, et
les alliances s'évanouissent. Le Mémorial
trouve cela « pratique. » Pratique pour
l'Autriche, en effet; mais la France enva-
hie n'en était pas réconfortée. Autrefois ce
mot d'alliance emportait une idée d'obli-
gation, de contrat réciproque, sur lequel
chacun pût compter. Aurait-on changé le
dictionnaire ? Des alliances entendues à la
façon de M. de Gramont valent un peu
moins qu'une armée sans vivres, des gé-
néraux sans régiments et des forts sans
munitions. Mais quoi! répondront les
grands hommes du cabinet du 2 janvier,
est-ce que nous pouvions penser à tout?
La France, véritablement, est bien exi-
geante et bien ingrate.
E. L.
« ————————
LA COMMISSION DES TRENTE
Réunion chez M. de Broglie
(LRE SOUS-COMMISSION)
La première sous-commission des trente
s'est réunie à deux heures chez M. le duc
de Broglie.
Six membres étaient présents : M. de
Larcy, président ; MM. le duc de Broglie,
Grivart, Batbie, Lucien Brun et Delacour ;
M. Max Richard n'assistait pas à la
réunion.
Chacun d'eux avait apporté un projet
qui a été examiné par la sous-commission;
mais il n'a été pris aucune résolution, non
point qu'on fût en désaccord complet, mais.
simplement parce que les membres de la
commission ne veulent pas se présenter à
la nouvelle réunion, à laquelle assistera M.
Thiers, avec un projet arrêté qui ne leur
permettrait pas d'entrer dans les vues du
président de la République, s'il y était ab-
solument contraire.
La seule résolution adoptée par la com-
mission a été de charger son président, M.
de Larcy, d'écrire à M. Thiers pour qu'il
voulût bien immédiatement fixer le jour
qu'il choisira pour se rendre à la commis-
sion.
La sous-commission a prié son président
d'insister pour que le jour du rendez-vous
fût fixé à bref délai.
'I
Les deux réunions de la GaucMe>/répubU~
caine et du Centre droit qui dévaietÀVtkè
tenir aujourd hui dimanche, au GraîlcT-
Hôtel, n'ont pas eu lieu.
+ ——————————.
LE BONAPARTISME
Qu'on ne craigne pas de nous de vai-
nes déclamations sur le passé, bien que
ce titre y prête ; c'est du présent que
nous nous occupons. Napoléon III et ses
serviteurs pouvaient se résigner à la dé-
chéance et chercher l'oubli.La vie ne leur
eût pas été trop incommode. Ils auraient
pu tromper l'histoire. Un semblant de
patriotisme leur eut valu quelque respect,
et l'on aurait parlé de leur dignité dans
le malheur. Ils préfèrent jouer un autre
rôle. Aux conspirations et aux secrets
complots ils osent mêler une propa-
gande publique, et quelle propagande !
Des journaux effrontés, écrits pour les
amis du luxe et des plaisirs faciles, tien-
nent école à la fois d'impérialisme et de
corruption. D'autres, cependant, qui se
proposent de capter un autre public, nous
assomment de discours verbeux sur l'or-
dre, la religion, la famille, la propriété ;
ils tonnent, avec une ardeur égale, con-
tre les républicains modérés, les radi-
caux, les incendiaires et les assassins
des ôtages ; ils ne parlent que de répres-
sion; il font étalage de l'austérité de leurs
principes; ils s'efforcent enfin de con-
tracter une alliance hypocrite avec la
réaction légitimiste et cléricale.
Mais ce n'est pas assez ; il faut aussi
remuer les faubourgs, et l'on y convie les
« prolétaires, » le peuple « qui souf-
fre, » les familles des condamnés « qui
gémissent, » à se soulever pour « l'em-
pire démocratique et populaire, l'empire
du peuple et du progrès ! » — « Travail-
leurs des sociétes ouvrières de France,
leur écrit-on, qui avez été nos amis et
nos compagnons de lutte et d'espéran-
ces, vous qui avez été tant de fois dé-
çus, ne le soyez pas encore une fois :
souvenez-vous de 1834; souvenez-vous
des journées de juin 1848; souvenez-
vous de la Commune!. N'élevez plus
vos enfants pour les républicains, qui
ne leur offrent pas d'autre avenir que le
plateau de Satory et la Nouvelle-Calé-
donie !. »
Ces passages sont extraits d'une pu-
blication anonyme de l'Union française
des amis de la paix sociale, qui a fait quel-
que bruit l'autre semaine. On y reproche
aux républicains de n'être pas socia-
listes, de n'être pas internationaux.
« Amis de la justice, défenseurs de la li-
berté, vous voilà vaincus et désarmés.
Vous avez mis votre confiance dans
quelques habiles politiques, qui n'ont
rien pu et rien su faire de mieux que
d'exalter l'homme qui, après avoir ap-
plaudi au sac de l'archevêché de Pans
en 1830, a ordonné les massacres de Lyon
en 1834 et a fait fusiller par milliers, sans
distinction de personnes, d'âge, ni de
sexe, les vaincus de la Commune, en
1871. » La conclusion du manifeste,
c'est que les socialistes ne peuvent plus
être républicains. « Et voilà pourquoi,
ajoute-t-@n, voilà pourquoi nous som-
mes impérialistes ! »
Ainsi, tandis qu'ailleurs on tâche de
séduire les habitués des clubs élégants
et d'embaucher la bourgeoisie ultra-
conservatrice, ou qu'à l'Assemblée
M. Rouher conclut des marchés parle-
mentaires avec M. le duc Pasquier et M.
le rapporteur Batbie, de pareils écrits
sont répandus parmi les malheureux,
les ignorants, lespauvres, dans la foule,
en un mot, des égarés et des déshérités.
C'est chez eux qu'on prêche la révolte
contre la société et contre les lois. Les
sauveurs de décembre 1851 ont inventé,
en 1872, la propagande des pontons.
Il y a quelques jours, les légiti-
mistes, ayant connu cette étrange politi-
que de leurs alliés, s'en émurent et
demandèrent , par leurs journaux,
des explications. D'abord, on balbutia,
on chercha des défaites, on ne savait ce
que cela voulait dire. Enfin Y Ordre, qui
est le journal grave du parti, s'est
décidé hier à répondre, « au nom des
impérialistes. » Comment les impéria-
listes s'expliquent-ils ?
L'Ordre répudie, fort négligemment,
dans le manifeste, « les déclamations
contre les riches et les maîtres de la fi-
nance. » Les extraits qu'on en a donnés
contiennent, dit-il, du faux et du mau-
vais, «mais ils contiennent aussi du très-
juste et du très-bon. » Sans doute, le
très-juste et le très-bon dominent, car
rOrdl'e, ces réserves faites, ne trouve
plus qu'à louer et à applaudir : « Les sou-
plus
teneurs du régime actuel se moquent
des ouvriers et ne font rien pour eux;
cela est parfaitement vrai. Après la
Commune, ils ont laissé fusiller et trans-
porter les pauvres diables. Le sort
d'un ouvrier, qu'est-ce que cela pour
les républicains d'aujourd'hui?. Quand
sont venues les indemnités, M. Thiers a
eu son million; mais les petits bouti-
quiers, les petits ménages d'ouvriers,
qu'ont-ils obtenu?. Jadis, sous l'em-
pire, quand les rivières débordées em-
portaient le mobilier ou la moisson du
pauvre, l'empereur survenait, les fontes
de sa selle pleines de l'or puisé dans sa
cassette privée. Toujours, partout,
lorsque Pouvrier souffrait, l'empereur,
l'impératrice, le prince impérial étaient
lii,1:' le valide avait le travail; le malade,
-fa blessé, l'orphelin avaient l'asile. Au-
jourd'hui la misère arrive, et elle arrive
seule. Est-ce vrai ? Demandez aux pau-
vres ! »
C'est ainsi qu'on se justifie. Nous vous
le demandons, hommes deitonne foi,quel-
les sont ici les passions que l'on remue ?
Mais il importe peu ; YOrdn, qui ne se
pique pas de logique, vante, à la fin du
même article, 1 énergie de l'empire et de
ses partisans contre les ennemis de la
société, de la religion, de la morale ! Il
nous le prédit de nouveau, ( les mé-
chants trembleront et les bons seront
rassurés. » Cependant qu'imprime-t-on
et que répand-on, toujours au nom de
l'impérialisme, à Paris même, depuis
quelques jours ?
Nous avons signalé, il v a Deu de
temps, les libelles bonapartistes d'un cer-
tain M. J. Amigues, ancien rédacteur de
la Constitution ou du Corsaire, ancien
biographe de Rossel, qui, tout coupable
qu'il fût, ne méritait point cet historien
et cet admirateur. M.. Amigues a été
aussi fort mêlé, nous ne savons plus à
quel titre, aux événements de la Com-
mune. Nous lé retrouvons aujour-
d'hui àla tête d'un petit journal qui, après
diverses fortunes et- plusieurs change-
ments de format, se vend ou se doit
vendre un sou dans les kiosques. Il
y soutient la politique de r Union des
amis de la paix sociale, ou plutôt de
l'Union des proscrits de la Commune, car
il nous apprend que tel est le véritable
nom du comité. Il y publie des Lettres au
peuple, où, sous le nom de Sacochards, les
bourgeois enrichis sont fort malmenés. Il
y ouvre une tribune ouvrière, et donne en
exemple la corporation des chiffonniers,
qui vient d'organiser « une gigantesque
association. Il M. Savinien Lapointe va lui
fournir pourfeuilletons les Dimanches d'un
prolétaire. Jacques Bonhomme, le vrai,
non pas « monsieur Jacques Bonhomme,»
mais celui qui peut dire : « nous autres
Jacques, » un Jacques enfin de la grande
Jacquerie (vous les avez connus, ceux-là,
M. de Moneys !),estso& correspondant et
lui envoie des lettres où il est démontré
« que Jacques Bonhomme aime l'em-
pire, parce qu'il aime la gloire et le tra-
vail. »
Ah ! l'éloquence abonde, et aussi les
nobles projets! Un jour Belleville a son
article, bien séduisant et bien flatteur !
Un autre jour, on étale un superbe plan
qui consisterait à ouvrir aux barrières
soixante théâtres gratuits pour le peu-
ple ; mais cela ne s'accomplira, bien en-
tendu, qu'à la condition préalable de
rappeler un Napoléon. Est-il vrai qu'il
se forme des comités bonapartistes?
« Cela se peut, dit M. Amigues ; ce que
je sais, et ce que je ne crains pas de dé-
clarer, c'est qu'il se forme à Paris des
comités électoraux pour l'appel au peu-
ple. » Sache donc, pauvre peuple, que
Napoléon III et son mandataire Ami-
gues maudissent, en ton nom, les ex-
ploiteurs, les gendarmes, les juges, les
sergents de ville et l'état de siège. Hier
encore ils versaient des larmes sur l'em-
barquement de 331 déportés, proscrits
de la Commune. Et de quelle indigna-
tion sincère ils sont enflammés, lorsque
le Rappel leur apprend que la police
vient d'opérer, à Toulouse, à Paris, des
arrestations nouvelles de citoyens sus-
pects de s'être affiliés àl'Association inter-
nationale des travailleurs ou d'avoir pris
part aux grandes luttes d'avril et mai
1871 ! Nous l'avions bien dit au Rappel,
que sa polémique était inopportune et
dangereuse. Sait-il ce que fait M. Ami-
gues ? Il reproduit l'article du Rappel à
la plus belle place de sa première page,
pour servir de complément, dit-il, aux
«tristes renseignements » qu'il a reçus sur
le départ des transportés. M. Vacquerie
réfléchira-t-il désormais aux inconvé-
nients de ses exagérations poétiques ? et
ne sera-t-il pas humilié de les voir ser-
vir à de tels usages ?
Mais nous ne pouvons tout citer, et le
lecteur doit trouver que cela suffit. Les
voilà donc, les hommes d'ordre et les
sauveurs? Ce qui surprend, c'est qu'a-
près trente ans d'exercice on ne sache
pas plus adroitement conspirer. Cela
n'est pas habile de montrer aux uns un
Auguste, aux autres un Catilina, et de
ne pas prévoir qu'on sera réduit à se
laisser arracher ces deux masques ! Il
valait mieux choisir. On ne peut pas
tromper à la fois tout le monde. Il de-
vient imprudent de couvrir des mêmes
regrets les fusillés de la Roquette et
les fusillés de Satory. Jamais la duplicité
ne se pardonne. On se joue de nous,
diront les uns; on nous trahit, diront
les autres, qui doivent d'ailleurs se sou-
venir de Cayenne et de Lambessa. Que
restera-t-il, après cela, du bonapartis-
me?
Nous faisons peu de cas d'un parti qui
s'abaisse à de tels moyens et qu'une
avidité encore plus désespérée qu'impa-
tiente a conduit à risquer ce jeu. La con-
science du pays en fera justice, et désor-
mais les Châtiments ne contiendront plus
d'hyperboles. Si le gouvernement inter-
vient, ce sera pour préserver la moralité
plutôt que la sécurité publique. Celle-ci
n'est point menacée. Nous espérons, ce-
pendant, que ce qui se passe lui servira
d'avertissement, ainsi qu'à l'Assem-
blée et aux partis. Si le bonapartisme
a pu exploiter quelques réclamations
imprudentes des journaux de la gauche
extrême, combien de ressources ne trou-
ve-t-il pas dans les passions aristocrati-
ques et dans la politique rétrograde des
dépu ; de la droite et du centre droit !
C'est surtout qu'il s'alimente, et c'est
pir L Iu'il s'efforce d'entretenir les hai-
nes, fes soupçons, les excitations odieuses
qii soulèvent le pauvre contre le riche,
ei attendant le jour où capitalistes et
polétaires tomberont écrasés sous le
nême joug, pour la plus grande joie
dan millier de conspirateurs. Voulons-
n,us que la France entière jouisse d'une
càme et robuste santé ? Voulons-nous
qi'elle trouve enfin la vraie paix sociale?
A-ons une politique résolùment répu-
blcaine, libérale et démocratique. Et si
cete Assemblée a la sagesse de com-
prendre qu'elle ne peut plus nous don-
ne* ce que nous lui avons demandé si
loigtemps et avec tant d'instance,
quelle se retire et fasse placé à d'autres!
Le pays lui en saura gré.
EUG. LIÉBERT.
♦ ——————————
HISTOIRE D'UN LIQUORISTE
Mgr riyque de Tarbes est, comme
on sait, fheureux propriétaire de lagrotte
de Lourdes et de l'eau miraculeuse qui
en jaillit. C'est en cette qualité qu'il a
fait publier l'avis suivant dans ses jour-
naux :
On a m s en vente, avec toute la publicité
possible, une liqueur ayant pour titre ; « L'IM-
» MORTELLE LIQUEUR DIVINE DE LOURDES, COMI'O-
» SÉE PAR LE P. FELISSE. »
Le prospectus porte l'image de l'apparition
avec ses mots : « A NOTRE-DAME DE LOURDES,
» MIRACLE DU 11 FÉVRIER 1858. — Un magnifi-
» que flacon scellé par une médaille commémora-
» tive du MIRACLE DE LOURDES, et illustré d'un
» dessin représentant l'apparition de la Sainte-
» Vierge à la jeune Bernadette Soubirous.
» Cette délicieuse liqueur, composée avec de
» l'EAU DE LA FONTAINE MIRACULEUSE DE LOURDES,
» etc. »
L'évêque de Tarbes a notifié au fabricant de
cette liqueur :
1° Que le titre de la liqueur, le prospectus, la
médaille, etc., sont un outrage à la religion et
une duperie pour le public;
2° Que le nom supposé d'un P. Félisse, qu'on
prend pour un religieux, est encore une vérita-
duperie;
3° Que l'évêque de Tarbes, propriétaire de la
fontaine de la grotte de Lourdes, défend for-
mellement d'y puiser de l'eau pour en fabriquer
une liqueur quelconque, et qu'il poursuivra ri-
goureusement toute contravention à cette dé-
fense.
En attendant que la justice réprime ce grave
délit, l'évêque de Tarbes ne peut différer de le
flétrir au nom de la religion et des convenances,
au nom du droit et du bon sens.
Mgr de Tarbes a mille fois raison.
Il ne doit ni ne veut laisser porter at-
teinte à ses droit de propriétaire, non
plus qu'au respect dû à la religion; c'est
justice. Nous estimons, en effet, que
puiser de l'eau dans une fontaine qui ne
vous appartient pas, et la transformer
en un ratafia quelconque auquel on at-
tribue des vertus miraculeuses, c'est
faire tort du même coup aux intérêts de
la religion et à ceux d'un particulier.
L'eau de Lourdes produit des mira-
cles ou n'en produit pas. Si elle en pro-
duit, il est tout à fait incongru de la
transformer en un objet de trafic ; et si
elle n'en produit pas, il est absolument
malhonnête de mystifier le public.
Mais il faut être juste ; le liquoriste en
cause a un peu le droit d'invoquer les
circonstances atténuantes.
On lui parle d'une eau miraculeuse; il
se rend à Lourdes; là il ne rencontre
qu'anciens boîteux remis sur pieds,
aveugles clairvoyants, et le reste. Il se
frappe le front, et. tout du coup voit sa
fortune faite. Tout le monde puise à
même devant lui à la fontaine; il vien-
dra faire comme tout la monde, emplira
des tonneaux à la place de fioles; puis
avec une jolie bouteille, des étiquettes
séduisantes, et un titre ronflant, l'affaire
va toute seule.
Il a vu vendre à Lourdes des bou-
teilles de l'eau miraculeuse; il a vu
vendre des médailles commémoratives
du miracle, et aussi des images repré-
sentant Bernadette lorsque lui apparut
la Sainte-Vierge; il lui était donc bien
difficile de comprendre qu'il allait com-
mettre une action blâmable, et surtout
manquer de respect à la religion en
faisant exactement ce que font cent
personnes à Lourdes.
Il est si vrai que l'eau de Lourdes est
l'objet d'un important trafic que le con-
seil municipal de Draguignan avait pris
un arrêté qui soumettait l'eau miracu-
leuse au même droit que la limonade
gazeuse. Le conseil d'Etat a cassé tout
récemment l'arrêté du conseil municipal.
Pour quelles raisons ? Nous les connaî-
trons peut-être; mais pour l'instant il
demeure avéré que l'eau de Lourdes
s'achète et se vend couramment à des
prix modérés.
Le liquoriste en cause peut donc in-
voquer les précédents en sa faveur;
mais où nous le trouvons absolument
répréhensibie, c'est dans le fait de ne
s'être point entendu au préalable avec le
propriétaire de, l'eau de Lourdes. Il nous
paraît s'être mis dans le cas d'un ami de
rhumanité g-aj aurait composé avec l'eau
de la Grand .e-Grille ou des Célestins de
Vichy unrj liqueur pour empêcher la
chute de ,5 cheveux, et qui aurait négligé
d'en demander tout d'abord la permis-
sion ai JX fermiers des sources.
To at bien considéré, nous sommes d'a-
vis que si la justice doit intervenir dans
l éJ.tfaire, c'est la justice des tribunaux de
commerce.
E. «CHNERB.
, :" ', h,.
UN COUP D'ŒIL EN ARRIÉRE
de Novembre 1872 à Janvier 1875.
II.
La coalition des partis monarchiques
s'élabore contre la politique républicaine
de M. le président de la République. Car
M. Thiers, fortifié dans ses convictions par
l'accueil qu'a fait au Message la grande
majorité du pays, maintient plus que
jamais la politique exposée dans ce do-
cument.
Dans l'interpellation du général Chan-
garnier relative au voyage de M. Gam-
betta, M.Thiers ne peut voir qu'un impe-
dimentum apporté par la droite à sa poli-
tique de conciliation ; dans le refus
que fait M. Thiers de répondre encore
et toujours à la même question, la droite
ne veut voir que l'indice d'une politique
rouge ; les griefs vont s'accroissant de
part et d'autre. L'issue même de cette
journée est déplorable: cédant à la mal-
heureuse influence de M. Dufaure, M. le
président de la République consent à ac-
cepter un ordre du jour de confiance li-
bellé de façon à enlever au gouvernement
les votes de la gauche sans lui apporter
les votes d'une partie de la droite, votes
quilui sont refusés d'avance et de parti pris.
Le gouvernement obtient toutefois une
majorité; elle est prise dans les centres. Mais
l'abstention est considérable et M. Thiers
ne peut se contenter d'une aussi mince con-
fiance. Le vote est venu, d'ailleurs, à la
suite de la discussion d'un fait particulier,
et il s'agit de vider une question générale.
La grande bataille est remise au jour où
seront apportées à la tribune les con-
clusions de la commission Kerdrel.
Les partis monarchistes se préparent
à la bataille : les divers groupes de
l'Assemblée entassent réunions sur
réunions: les bureaux de ces groupes
accumulent entrevues sur entrevues.
La coalition se forme, mais petit à petit,
non sans difficulté ; chaque jour ap-
porte un chaînon à la chaîne qui va ri-
ver ces forçats de la politique. C'est
qu'en effet la tâche est rude !
Sans parler du but à atteindre, qui
diffère pour chaque parti, les uns et les
autres rencontrent un obstacle tout moral
qui les sépare. Ils éprouvent un indéfinis-
sable sentiment à contracter cette alliance
forcée par laquelle les tenants du duc
d'Enghien et de la duchesse de Berry
deviennent les amis politiques des bo-
napartistes et des orléanistes, par la-
quelle les orléanistes s'associent aux spo-
liateurs des biens de la famille d'Orléans,
par laquelle les bonapartistes font cause
commune avec les votants de la dé-
chéance et les admirateurs du rapport
d'Audiffret - Pasquier. C'est dur, bien
dur!. Seuls, les bonapartistes montrent
quelque contentement : ils étaient dix,
ils vont devenir majorité; et, bien que
leurs alliés de fraîche date semblent en-
core hésiter à leur tendre la main, les
bonapartistes sourient, se contentant des
votes ; pour eux, gens pratiques, un coup
d'épaule vaut mieux qu'une poignée de
main. Les autres laissent percer un brin
d'ennui. Mais il n'est, paraît-il, si terri-
bles répugnances dont ne puisse triom-
pher une haine commune, car les partis,
mettant en commun leurs désillusions et
leurs rancunes, s'agrègent, se soudent.
Coalition des partis monarchistes.
Cela est une mauvaise étiquette !
Renverser, détruire. Ce ne sont pas
mots à broder sur un étendard, surtout
sur un étendard de gens qui se baptisent
conservateurs !
Et cependant là est la vérité : renver-
ser, détruire la République qui s'élève.
Et pour mettre à sa place, quoi ? qui ?
Chacun sait qu'il n'y peut mettre le.
sien.
M. Batbie survient; l'étendard est trouvé.
« Nous combattons au nom des intérêts
sociaux menacés ; nous nous coalisons
au nom de l'ordre contre l'anarchie ;
nous sommes les champions de la défense
sociale. »
La coalition des partis monarchiques
s'est transformée en Ligue de la défense
sociale.
Il y a, dans cette dernière époque, un
tel enchevêtrement d'interpellations dou-
cereuses, de séances orageuses, de fines-
ses, de violences, qu'il faut faire grande
attention pour ne pas se perdre dans ce
dédale d'incidents et de chemins détour-
nés.
Pour ne pas nous y perdre, ne quit-
tons point le fil saisi au point de départ.
M. Thiers a dit dans son Message :
« Messieurs, les événements ont donné la Ré-
publique et rementer à ses causes pour les dis-
cuter et peur les juger serait aujourd'hui une
entreprise aussi dangereuse qu'inutile. La
forme de la République n'a été qu'une forme de
circonstance donnée par les événements. Mais
tous les esprits vous attendent, tous se deman-
dent quel jour, quelle forme vous choisirez
peur donner à la République cette forme con-
servatrice dont elle ne peut se passer. C'est à
vous de choisir l'un et l'autre. »
Et les monarchistes, répondant au
Message, cherchent à faire dévoyer l'opi-
nion. AM. Thiers qui parle « forme gou-
vernementale », M. Batbie répond « crise
sociale ». Il avait pour mission de présen-
ter une riposte; iL apporte une attaque;
Il se dérobe et masque sa retraite par un
feu roulant d'invectives à l'adresse du
parti républicain. Cependant, comme,
lorsqu'on parle de tout, on est bien
obligé aussi de parler du sujet que l'on
traite, M. le rapporteur conclut à la res-
ponsabilité ministérielle pure et simple
et à l'éloignement de M. Thiers de la
Chambre.
Très-habilement, la question vient
d'être déplacée. Les monarchistes cher-
chent à faire dévier le courant, préten-
dent que la question « Monarchie ou
République » n'est pas en jeu, se défen-
dent d'en vouloir à la République, mais
ne trouvent pour la consolider que la
responsabilité ministérielle et l'éloigne-
ment de M. Thiers.
Le gouvernement leur a dit : Aidez-
moi. Ils répondent : Aidons-nous.
L'attaque de M. Batbie a d'ailleurs
été trop violente. Pleine de cris, faite
pour assourdir et étourdir les masses,
pour donner le change au pays, elle a
dépassé la mesure et n'est pas de taille à
tromper un tacticien politique de la force
de M. Thiers.
Suivant son idée, laissant de côté le
nouveau bouclier qu'on vient de lever
contre lui, et sur lequel ou voudrait lui
voir diriger ses coups, M. le président
de la République revient tout droit au
point de départ, le Message. Demandant
a ne pas avoir tout à la fois « l'impuis-
sance et la responsabilité », il repousse
les conclusions du rapport Batbie et ré-
clame la nomination d'une commission
chargée de régler les attributions des
pouvoirs publics et la responsabilité mi-
nistérielle.
La bataille a duré deux jours, achar-
née.
La question était rétablie et solidement
établie par M. Thiers, dans un des plus
magnifiques discours que prononcera
jamais homme politique : Monarchie ou
République!
Trente-six voix de majorité repondi-
rent : « République. » La majorité 'était
prise à gauche. Malgré leur coalition,
légitimistes, orléanistes et bonapartistes
venaient de se faire battre par l'unité ré-
publicaine.
Le lendemain même, la coalition mo-
narchique, battue par M. Thiers essayait
ses griffes sur M. Lefranc, un ministre
républicain, et le jetait bas à six voix de
majorité. Cette fois la majorité était prise
à droite.
En moins de quinze jours, majorité des
centres, majorité de gauche, majorité de
droite. la boussole parlementaire n'exis-
tait plus. Aussi à l'issue de cette dernière
séance, l'idée de dissolution ne rendait-
elle personne furieux ; elle était si natu-
relle !
Depuis ce jour, grâce à la fameuse
séance où la dissolution fut débattue et
souleva des cris chez ceux-là mêmes qui
la considéraient dix jours auparavant
comme une solution forcée, la droite,
vaincue le 29 novembre, semble pres-
que victorieuse. Cherchant à préparer son
gouvernement de « combat, » elle dirige
tous ses efforts vers tous les petits faits
de la politique courante et surtout vers
l'administration. Sachant que le temps
où il lui faudra se présenter devant le
pays ne peut être éloigné, elle n'a plus
qu'une pensée, tâcher de préparer le ter-
rain. Et semblant tout occupée des soins
du ménage, volontiers elle a l'air d'ou-
blier qu'on attend toujours d'elle une
réponse au Message.
Et quelle peut être - cette réponse?,..
Des mots, rien que des mots. Car la
commission des trente, une fille de la
coalition monarchique, est chargée de
donner à la République, affirmée dans le
message, des organes vitaux rudimen-
taires. Et la commission ne peut les lui
donner sous peine de se dementir elle-
même, puisque la majorité des commis-
saires a voté contre le message.
— Pardon, un mot : satisfaction a été
donnée pleine et entière par M. Dufaure
aux intérêts sociaux. L'étendard dit de
la défense sociale n'a plus qu'une raison
d'être, c'est d'être un étendard anti-
républicain. Parbleu!
Et l'Assemblée, impuissante l édifier,
et — bienheureusement! — impuissante
aussi à détruire, va se trouver de nou-
veau réunie, chaque groupe attendant,
l'arme au bras.
La droite extrême, — immuable, ne
voulant rien écouter, ne voulant rien
entendre, ni organisation, ni conces-
sion, ni ceci, ni cela, ni quoi que ce soit
qui puisse ressembler de près ou de loin
à une acceptation de la forme républi-
caine ; toute prête à engager et à soute-
nir la lutte.
La droite modérée, - hostile à la Ré-
publique, hostile aux projets de M. Thiers,
mais craignant tout, et n'ayant qu'une
pensée, gagner du temps.
Le centre droit, — desirant se rendre
M. Thiers favorable, mais peu disposé à
être favorable à M. Thiers ; capable au
besoin de faire quelque chose pour la
République à condition que ce quelque
chose sera si incomplet, si mal ordonné,
si piètrement imaginé, que la Républi-
que en soit plus embarrassée qu'aidée.
Et encore ! Si mal qu'il fasse, le centre
droit craindrait peut-être de trop bien
faire !
Le centre gauche — seul dans toute
l'Assemblée, tenant pour les questions
constitutionnelles et fondant sur elles
un espoir. de portefeuilles , peut-
être.
Les gauches — indifférentes pour ainsi
dire; ne croyant pas à la possibilité
d'une entente entre M. Thiers et cette
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 LBNTIHBI- DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mardi 7 janvier 1873.,
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit ¡
le, rue Drouot, 1
Les manuscrits non insérés seront rendm
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois J 3 fr.
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois 32
Un an. 62
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
3, rue Drouot, 2
Les lettres non affranchies seront refusées
r ABONNEMENTS
PARIS
Troi" mois. 13 fr.
Six mois 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS.
Trois mois 16 fr*.
Six mois. 32
Un an. 62
JOURNAL RÉPUBLICAIN 1NSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
.Innovera, chez MM. LAGRAGE. CERF çf. c-
G, place rte la Bourse, 6
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, le 6 janvier 1875.
L'Assemblée va reprendre aujourd'hui
ses séances. Nous avons, dès hier, publié
SOft ordre du jour. La question romaine y
sera bientôt introduite, car l'Univers an-
nonce « que plusieurs députés catholiques
ont écrit séparément à M. le président de
l'Assemblée nationale pour lui annoncer
J'intention de déposer dès lundi une de-
mande d'interpellation sur la question de
l'ambassade de Rome. » Nul doute, ajoute
ce journal, qu'il n'y ait, dès lundi, des
réunions dont l'objet sera de s'entendre sur
les termes d'une interpellation collective.
On mande de Berlin que le Bulletin de
Varmée publie un rescrit impérial portant
que le général de Roon, bien qu'investi de
la présidence du conseil, demeurera expres-
sément chargé de la direction et de l'ad-
ministration supérieures des affaires mili-
taires; que le général de Kamecke, investi
du titre de ministre de la guerre, géïera
son ministère d'accord avec M. de Roon
et partagera avec lui la responsabilité de sa
gestion; enfin que M. de Roon devra
foire un rapport sur la répartition du
travail la plus propre à faciliter la prompte
expédition des affaires. Le général de
Kamecke ne sera donc, en quelque sorte,
que le coadjuteur et le premier collabora-
teur de M. de Roon.
Une dépêche adressée de Vienne à là
Gazette de Cologne confirme une nouvelle
que nous avons déjà donnée, à savoir qu'un
échange de lettres a eu lieu entre M. de
Beust et M. de Gramont sur la fameuse
question de l'alliance austro-française en
1870. M. de Beust, est-il dit encore, publiera
dans les journaux de Paris une réponse qui
fournira es éclaircissements sur la poli-
tique de l'Autriche.
Le Mémorial diplomatique a voulu placer
aussi son mot sur cette affaire, et nous
trouvons dans une note qu'il publie, et
que la presse bonapartiste reproduit avec
empressement, les explications que voici :
Nous dirons donc tout franchement qu'on est
allé beauceup trop loin en niant l'entente entre
la cour des Tuileries et celle de Vienne à l'oc-
casion de la guerre avec l'Allemagne. Il est très-
vrai que cette entente n'a pas été formellement
libellee, qu'elle n'a pas été écrite sur des parche-
mins. Mais, suivant nous, c'est là une question
secondaire ; car nous croyons savoir de bonne
pource que, si l'armée française eût réussi à pé-
nétrer dans le midi de l'Allemagne, l'armée aus-
tro-hongroise se fût réunie à elle en entrant en
Bavière. Tout homme pratique comprendra fa-
cilement une pareille situation : on vient au se-
cours de quelqu'un quand on le peut; mais
quand on ne le peut pas, on reste chez soi. En
effet, une armée autrichienne ne pouvait se
mettre en marche pour débloquer l'empereur
Napoléon retenu et cerné à Metz.
Nous dirons « tout franchement » à notre
tour que les diplomates du Mémorial abu-
sent quelque peu de la bonhomie du public.
Si la guerre nous eût réussi, les alliances
n'auraient pas manqué. Qui donc en
doute? Une fois à Berlin, nous aurions eu
pour nous toute l'Europe ! Mais s'il s'agit
de « débloquer l'empereur Napoléon cerné
à Metz, » il paraît que c'est autre chose, et
les alliances s'évanouissent. Le Mémorial
trouve cela « pratique. » Pratique pour
l'Autriche, en effet; mais la France enva-
hie n'en était pas réconfortée. Autrefois ce
mot d'alliance emportait une idée d'obli-
gation, de contrat réciproque, sur lequel
chacun pût compter. Aurait-on changé le
dictionnaire ? Des alliances entendues à la
façon de M. de Gramont valent un peu
moins qu'une armée sans vivres, des gé-
néraux sans régiments et des forts sans
munitions. Mais quoi! répondront les
grands hommes du cabinet du 2 janvier,
est-ce que nous pouvions penser à tout?
La France, véritablement, est bien exi-
geante et bien ingrate.
E. L.
« ————————
LA COMMISSION DES TRENTE
Réunion chez M. de Broglie
(LRE SOUS-COMMISSION)
La première sous-commission des trente
s'est réunie à deux heures chez M. le duc
de Broglie.
Six membres étaient présents : M. de
Larcy, président ; MM. le duc de Broglie,
Grivart, Batbie, Lucien Brun et Delacour ;
M. Max Richard n'assistait pas à la
réunion.
Chacun d'eux avait apporté un projet
qui a été examiné par la sous-commission;
mais il n'a été pris aucune résolution, non
point qu'on fût en désaccord complet, mais.
simplement parce que les membres de la
commission ne veulent pas se présenter à
la nouvelle réunion, à laquelle assistera M.
Thiers, avec un projet arrêté qui ne leur
permettrait pas d'entrer dans les vues du
président de la République, s'il y était ab-
solument contraire.
La seule résolution adoptée par la com-
mission a été de charger son président, M.
de Larcy, d'écrire à M. Thiers pour qu'il
voulût bien immédiatement fixer le jour
qu'il choisira pour se rendre à la commis-
sion.
La sous-commission a prié son président
d'insister pour que le jour du rendez-vous
fût fixé à bref délai.
'I
Les deux réunions de la GaucMe>/répubU~
caine et du Centre droit qui dévaietÀVtkè
tenir aujourd hui dimanche, au GraîlcT-
Hôtel, n'ont pas eu lieu.
+ ——————————.
LE BONAPARTISME
Qu'on ne craigne pas de nous de vai-
nes déclamations sur le passé, bien que
ce titre y prête ; c'est du présent que
nous nous occupons. Napoléon III et ses
serviteurs pouvaient se résigner à la dé-
chéance et chercher l'oubli.La vie ne leur
eût pas été trop incommode. Ils auraient
pu tromper l'histoire. Un semblant de
patriotisme leur eut valu quelque respect,
et l'on aurait parlé de leur dignité dans
le malheur. Ils préfèrent jouer un autre
rôle. Aux conspirations et aux secrets
complots ils osent mêler une propa-
gande publique, et quelle propagande !
Des journaux effrontés, écrits pour les
amis du luxe et des plaisirs faciles, tien-
nent école à la fois d'impérialisme et de
corruption. D'autres, cependant, qui se
proposent de capter un autre public, nous
assomment de discours verbeux sur l'or-
dre, la religion, la famille, la propriété ;
ils tonnent, avec une ardeur égale, con-
tre les républicains modérés, les radi-
caux, les incendiaires et les assassins
des ôtages ; ils ne parlent que de répres-
sion; il font étalage de l'austérité de leurs
principes; ils s'efforcent enfin de con-
tracter une alliance hypocrite avec la
réaction légitimiste et cléricale.
Mais ce n'est pas assez ; il faut aussi
remuer les faubourgs, et l'on y convie les
« prolétaires, » le peuple « qui souf-
fre, » les familles des condamnés « qui
gémissent, » à se soulever pour « l'em-
pire démocratique et populaire, l'empire
du peuple et du progrès ! » — « Travail-
leurs des sociétes ouvrières de France,
leur écrit-on, qui avez été nos amis et
nos compagnons de lutte et d'espéran-
ces, vous qui avez été tant de fois dé-
çus, ne le soyez pas encore une fois :
souvenez-vous de 1834; souvenez-vous
des journées de juin 1848; souvenez-
vous de la Commune!. N'élevez plus
vos enfants pour les républicains, qui
ne leur offrent pas d'autre avenir que le
plateau de Satory et la Nouvelle-Calé-
donie !. »
Ces passages sont extraits d'une pu-
blication anonyme de l'Union française
des amis de la paix sociale, qui a fait quel-
que bruit l'autre semaine. On y reproche
aux républicains de n'être pas socia-
listes, de n'être pas internationaux.
« Amis de la justice, défenseurs de la li-
berté, vous voilà vaincus et désarmés.
Vous avez mis votre confiance dans
quelques habiles politiques, qui n'ont
rien pu et rien su faire de mieux que
d'exalter l'homme qui, après avoir ap-
plaudi au sac de l'archevêché de Pans
en 1830, a ordonné les massacres de Lyon
en 1834 et a fait fusiller par milliers, sans
distinction de personnes, d'âge, ni de
sexe, les vaincus de la Commune, en
1871. » La conclusion du manifeste,
c'est que les socialistes ne peuvent plus
être républicains. « Et voilà pourquoi,
ajoute-t-@n, voilà pourquoi nous som-
mes impérialistes ! »
Ainsi, tandis qu'ailleurs on tâche de
séduire les habitués des clubs élégants
et d'embaucher la bourgeoisie ultra-
conservatrice, ou qu'à l'Assemblée
M. Rouher conclut des marchés parle-
mentaires avec M. le duc Pasquier et M.
le rapporteur Batbie, de pareils écrits
sont répandus parmi les malheureux,
les ignorants, lespauvres, dans la foule,
en un mot, des égarés et des déshérités.
C'est chez eux qu'on prêche la révolte
contre la société et contre les lois. Les
sauveurs de décembre 1851 ont inventé,
en 1872, la propagande des pontons.
Il y a quelques jours, les légiti-
mistes, ayant connu cette étrange politi-
que de leurs alliés, s'en émurent et
demandèrent , par leurs journaux,
des explications. D'abord, on balbutia,
on chercha des défaites, on ne savait ce
que cela voulait dire. Enfin Y Ordre, qui
est le journal grave du parti, s'est
décidé hier à répondre, « au nom des
impérialistes. » Comment les impéria-
listes s'expliquent-ils ?
L'Ordre répudie, fort négligemment,
dans le manifeste, « les déclamations
contre les riches et les maîtres de la fi-
nance. » Les extraits qu'on en a donnés
contiennent, dit-il, du faux et du mau-
vais, «mais ils contiennent aussi du très-
juste et du très-bon. » Sans doute, le
très-juste et le très-bon dominent, car
rOrdl'e, ces réserves faites, ne trouve
plus qu'à louer et à applaudir : « Les sou-
plus
teneurs du régime actuel se moquent
des ouvriers et ne font rien pour eux;
cela est parfaitement vrai. Après la
Commune, ils ont laissé fusiller et trans-
porter les pauvres diables. Le sort
d'un ouvrier, qu'est-ce que cela pour
les républicains d'aujourd'hui?. Quand
sont venues les indemnités, M. Thiers a
eu son million; mais les petits bouti-
quiers, les petits ménages d'ouvriers,
qu'ont-ils obtenu?. Jadis, sous l'em-
pire, quand les rivières débordées em-
portaient le mobilier ou la moisson du
pauvre, l'empereur survenait, les fontes
de sa selle pleines de l'or puisé dans sa
cassette privée. Toujours, partout,
lorsque Pouvrier souffrait, l'empereur,
l'impératrice, le prince impérial étaient
lii,1:' le valide avait le travail; le malade,
-fa blessé, l'orphelin avaient l'asile. Au-
jourd'hui la misère arrive, et elle arrive
seule. Est-ce vrai ? Demandez aux pau-
vres ! »
C'est ainsi qu'on se justifie. Nous vous
le demandons, hommes deitonne foi,quel-
les sont ici les passions que l'on remue ?
Mais il importe peu ; YOrdn, qui ne se
pique pas de logique, vante, à la fin du
même article, 1 énergie de l'empire et de
ses partisans contre les ennemis de la
société, de la religion, de la morale ! Il
nous le prédit de nouveau, ( les mé-
chants trembleront et les bons seront
rassurés. » Cependant qu'imprime-t-on
et que répand-on, toujours au nom de
l'impérialisme, à Paris même, depuis
quelques jours ?
Nous avons signalé, il v a Deu de
temps, les libelles bonapartistes d'un cer-
tain M. J. Amigues, ancien rédacteur de
la Constitution ou du Corsaire, ancien
biographe de Rossel, qui, tout coupable
qu'il fût, ne méritait point cet historien
et cet admirateur. M.. Amigues a été
aussi fort mêlé, nous ne savons plus à
quel titre, aux événements de la Com-
mune. Nous lé retrouvons aujour-
d'hui àla tête d'un petit journal qui, après
diverses fortunes et- plusieurs change-
ments de format, se vend ou se doit
vendre un sou dans les kiosques. Il
y soutient la politique de r Union des
amis de la paix sociale, ou plutôt de
l'Union des proscrits de la Commune, car
il nous apprend que tel est le véritable
nom du comité. Il y publie des Lettres au
peuple, où, sous le nom de Sacochards, les
bourgeois enrichis sont fort malmenés. Il
y ouvre une tribune ouvrière, et donne en
exemple la corporation des chiffonniers,
qui vient d'organiser « une gigantesque
association. Il M. Savinien Lapointe va lui
fournir pourfeuilletons les Dimanches d'un
prolétaire. Jacques Bonhomme, le vrai,
non pas « monsieur Jacques Bonhomme,»
mais celui qui peut dire : « nous autres
Jacques, » un Jacques enfin de la grande
Jacquerie (vous les avez connus, ceux-là,
M. de Moneys !),estso& correspondant et
lui envoie des lettres où il est démontré
« que Jacques Bonhomme aime l'em-
pire, parce qu'il aime la gloire et le tra-
vail. »
Ah ! l'éloquence abonde, et aussi les
nobles projets! Un jour Belleville a son
article, bien séduisant et bien flatteur !
Un autre jour, on étale un superbe plan
qui consisterait à ouvrir aux barrières
soixante théâtres gratuits pour le peu-
ple ; mais cela ne s'accomplira, bien en-
tendu, qu'à la condition préalable de
rappeler un Napoléon. Est-il vrai qu'il
se forme des comités bonapartistes?
« Cela se peut, dit M. Amigues ; ce que
je sais, et ce que je ne crains pas de dé-
clarer, c'est qu'il se forme à Paris des
comités électoraux pour l'appel au peu-
ple. » Sache donc, pauvre peuple, que
Napoléon III et son mandataire Ami-
gues maudissent, en ton nom, les ex-
ploiteurs, les gendarmes, les juges, les
sergents de ville et l'état de siège. Hier
encore ils versaient des larmes sur l'em-
barquement de 331 déportés, proscrits
de la Commune. Et de quelle indigna-
tion sincère ils sont enflammés, lorsque
le Rappel leur apprend que la police
vient d'opérer, à Toulouse, à Paris, des
arrestations nouvelles de citoyens sus-
pects de s'être affiliés àl'Association inter-
nationale des travailleurs ou d'avoir pris
part aux grandes luttes d'avril et mai
1871 ! Nous l'avions bien dit au Rappel,
que sa polémique était inopportune et
dangereuse. Sait-il ce que fait M. Ami-
gues ? Il reproduit l'article du Rappel à
la plus belle place de sa première page,
pour servir de complément, dit-il, aux
«tristes renseignements » qu'il a reçus sur
le départ des transportés. M. Vacquerie
réfléchira-t-il désormais aux inconvé-
nients de ses exagérations poétiques ? et
ne sera-t-il pas humilié de les voir ser-
vir à de tels usages ?
Mais nous ne pouvons tout citer, et le
lecteur doit trouver que cela suffit. Les
voilà donc, les hommes d'ordre et les
sauveurs? Ce qui surprend, c'est qu'a-
près trente ans d'exercice on ne sache
pas plus adroitement conspirer. Cela
n'est pas habile de montrer aux uns un
Auguste, aux autres un Catilina, et de
ne pas prévoir qu'on sera réduit à se
laisser arracher ces deux masques ! Il
valait mieux choisir. On ne peut pas
tromper à la fois tout le monde. Il de-
vient imprudent de couvrir des mêmes
regrets les fusillés de la Roquette et
les fusillés de Satory. Jamais la duplicité
ne se pardonne. On se joue de nous,
diront les uns; on nous trahit, diront
les autres, qui doivent d'ailleurs se sou-
venir de Cayenne et de Lambessa. Que
restera-t-il, après cela, du bonapartis-
me?
Nous faisons peu de cas d'un parti qui
s'abaisse à de tels moyens et qu'une
avidité encore plus désespérée qu'impa-
tiente a conduit à risquer ce jeu. La con-
science du pays en fera justice, et désor-
mais les Châtiments ne contiendront plus
d'hyperboles. Si le gouvernement inter-
vient, ce sera pour préserver la moralité
plutôt que la sécurité publique. Celle-ci
n'est point menacée. Nous espérons, ce-
pendant, que ce qui se passe lui servira
d'avertissement, ainsi qu'à l'Assem-
blée et aux partis. Si le bonapartisme
a pu exploiter quelques réclamations
imprudentes des journaux de la gauche
extrême, combien de ressources ne trou-
ve-t-il pas dans les passions aristocrati-
ques et dans la politique rétrograde des
dépu ; de la droite et du centre droit !
C'est surtout qu'il s'alimente, et c'est
pir L Iu'il s'efforce d'entretenir les hai-
nes, fes soupçons, les excitations odieuses
qii soulèvent le pauvre contre le riche,
ei attendant le jour où capitalistes et
polétaires tomberont écrasés sous le
nême joug, pour la plus grande joie
dan millier de conspirateurs. Voulons-
n,us que la France entière jouisse d'une
càme et robuste santé ? Voulons-nous
qi'elle trouve enfin la vraie paix sociale?
A-ons une politique résolùment répu-
blcaine, libérale et démocratique. Et si
cete Assemblée a la sagesse de com-
prendre qu'elle ne peut plus nous don-
ne* ce que nous lui avons demandé si
loigtemps et avec tant d'instance,
quelle se retire et fasse placé à d'autres!
Le pays lui en saura gré.
EUG. LIÉBERT.
♦ ——————————
HISTOIRE D'UN LIQUORISTE
Mgr riyque de Tarbes est, comme
on sait, fheureux propriétaire de lagrotte
de Lourdes et de l'eau miraculeuse qui
en jaillit. C'est en cette qualité qu'il a
fait publier l'avis suivant dans ses jour-
naux :
On a m s en vente, avec toute la publicité
possible, une liqueur ayant pour titre ; « L'IM-
» MORTELLE LIQUEUR DIVINE DE LOURDES, COMI'O-
» SÉE PAR LE P. FELISSE. »
Le prospectus porte l'image de l'apparition
avec ses mots : « A NOTRE-DAME DE LOURDES,
» MIRACLE DU 11 FÉVRIER 1858. — Un magnifi-
» que flacon scellé par une médaille commémora-
» tive du MIRACLE DE LOURDES, et illustré d'un
» dessin représentant l'apparition de la Sainte-
» Vierge à la jeune Bernadette Soubirous.
» Cette délicieuse liqueur, composée avec de
» l'EAU DE LA FONTAINE MIRACULEUSE DE LOURDES,
» etc. »
L'évêque de Tarbes a notifié au fabricant de
cette liqueur :
1° Que le titre de la liqueur, le prospectus, la
médaille, etc., sont un outrage à la religion et
une duperie pour le public;
2° Que le nom supposé d'un P. Félisse, qu'on
prend pour un religieux, est encore une vérita-
duperie;
3° Que l'évêque de Tarbes, propriétaire de la
fontaine de la grotte de Lourdes, défend for-
mellement d'y puiser de l'eau pour en fabriquer
une liqueur quelconque, et qu'il poursuivra ri-
goureusement toute contravention à cette dé-
fense.
En attendant que la justice réprime ce grave
délit, l'évêque de Tarbes ne peut différer de le
flétrir au nom de la religion et des convenances,
au nom du droit et du bon sens.
Mgr de Tarbes a mille fois raison.
Il ne doit ni ne veut laisser porter at-
teinte à ses droit de propriétaire, non
plus qu'au respect dû à la religion; c'est
justice. Nous estimons, en effet, que
puiser de l'eau dans une fontaine qui ne
vous appartient pas, et la transformer
en un ratafia quelconque auquel on at-
tribue des vertus miraculeuses, c'est
faire tort du même coup aux intérêts de
la religion et à ceux d'un particulier.
L'eau de Lourdes produit des mira-
cles ou n'en produit pas. Si elle en pro-
duit, il est tout à fait incongru de la
transformer en un objet de trafic ; et si
elle n'en produit pas, il est absolument
malhonnête de mystifier le public.
Mais il faut être juste ; le liquoriste en
cause a un peu le droit d'invoquer les
circonstances atténuantes.
On lui parle d'une eau miraculeuse; il
se rend à Lourdes; là il ne rencontre
qu'anciens boîteux remis sur pieds,
aveugles clairvoyants, et le reste. Il se
frappe le front, et. tout du coup voit sa
fortune faite. Tout le monde puise à
même devant lui à la fontaine; il vien-
dra faire comme tout la monde, emplira
des tonneaux à la place de fioles; puis
avec une jolie bouteille, des étiquettes
séduisantes, et un titre ronflant, l'affaire
va toute seule.
Il a vu vendre à Lourdes des bou-
teilles de l'eau miraculeuse; il a vu
vendre des médailles commémoratives
du miracle, et aussi des images repré-
sentant Bernadette lorsque lui apparut
la Sainte-Vierge; il lui était donc bien
difficile de comprendre qu'il allait com-
mettre une action blâmable, et surtout
manquer de respect à la religion en
faisant exactement ce que font cent
personnes à Lourdes.
Il est si vrai que l'eau de Lourdes est
l'objet d'un important trafic que le con-
seil municipal de Draguignan avait pris
un arrêté qui soumettait l'eau miracu-
leuse au même droit que la limonade
gazeuse. Le conseil d'Etat a cassé tout
récemment l'arrêté du conseil municipal.
Pour quelles raisons ? Nous les connaî-
trons peut-être; mais pour l'instant il
demeure avéré que l'eau de Lourdes
s'achète et se vend couramment à des
prix modérés.
Le liquoriste en cause peut donc in-
voquer les précédents en sa faveur;
mais où nous le trouvons absolument
répréhensibie, c'est dans le fait de ne
s'être point entendu au préalable avec le
propriétaire de, l'eau de Lourdes. Il nous
paraît s'être mis dans le cas d'un ami de
rhumanité g-aj aurait composé avec l'eau
de la Grand .e-Grille ou des Célestins de
Vichy unrj liqueur pour empêcher la
chute de ,5 cheveux, et qui aurait négligé
d'en demander tout d'abord la permis-
sion ai JX fermiers des sources.
To at bien considéré, nous sommes d'a-
vis que si la justice doit intervenir dans
l éJ.tfaire, c'est la justice des tribunaux de
commerce.
E. «CHNERB.
, :" ', h,.
UN COUP D'ŒIL EN ARRIÉRE
de Novembre 1872 à Janvier 1875.
II.
La coalition des partis monarchiques
s'élabore contre la politique républicaine
de M. le président de la République. Car
M. Thiers, fortifié dans ses convictions par
l'accueil qu'a fait au Message la grande
majorité du pays, maintient plus que
jamais la politique exposée dans ce do-
cument.
Dans l'interpellation du général Chan-
garnier relative au voyage de M. Gam-
betta, M.Thiers ne peut voir qu'un impe-
dimentum apporté par la droite à sa poli-
tique de conciliation ; dans le refus
que fait M. Thiers de répondre encore
et toujours à la même question, la droite
ne veut voir que l'indice d'une politique
rouge ; les griefs vont s'accroissant de
part et d'autre. L'issue même de cette
journée est déplorable: cédant à la mal-
heureuse influence de M. Dufaure, M. le
président de la République consent à ac-
cepter un ordre du jour de confiance li-
bellé de façon à enlever au gouvernement
les votes de la gauche sans lui apporter
les votes d'une partie de la droite, votes
quilui sont refusés d'avance et de parti pris.
Le gouvernement obtient toutefois une
majorité; elle est prise dans les centres. Mais
l'abstention est considérable et M. Thiers
ne peut se contenter d'une aussi mince con-
fiance. Le vote est venu, d'ailleurs, à la
suite de la discussion d'un fait particulier,
et il s'agit de vider une question générale.
La grande bataille est remise au jour où
seront apportées à la tribune les con-
clusions de la commission Kerdrel.
Les partis monarchistes se préparent
à la bataille : les divers groupes de
l'Assemblée entassent réunions sur
réunions: les bureaux de ces groupes
accumulent entrevues sur entrevues.
La coalition se forme, mais petit à petit,
non sans difficulté ; chaque jour ap-
porte un chaînon à la chaîne qui va ri-
ver ces forçats de la politique. C'est
qu'en effet la tâche est rude !
Sans parler du but à atteindre, qui
diffère pour chaque parti, les uns et les
autres rencontrent un obstacle tout moral
qui les sépare. Ils éprouvent un indéfinis-
sable sentiment à contracter cette alliance
forcée par laquelle les tenants du duc
d'Enghien et de la duchesse de Berry
deviennent les amis politiques des bo-
napartistes et des orléanistes, par la-
quelle les orléanistes s'associent aux spo-
liateurs des biens de la famille d'Orléans,
par laquelle les bonapartistes font cause
commune avec les votants de la dé-
chéance et les admirateurs du rapport
d'Audiffret - Pasquier. C'est dur, bien
dur!. Seuls, les bonapartistes montrent
quelque contentement : ils étaient dix,
ils vont devenir majorité; et, bien que
leurs alliés de fraîche date semblent en-
core hésiter à leur tendre la main, les
bonapartistes sourient, se contentant des
votes ; pour eux, gens pratiques, un coup
d'épaule vaut mieux qu'une poignée de
main. Les autres laissent percer un brin
d'ennui. Mais il n'est, paraît-il, si terri-
bles répugnances dont ne puisse triom-
pher une haine commune, car les partis,
mettant en commun leurs désillusions et
leurs rancunes, s'agrègent, se soudent.
Coalition des partis monarchistes.
Cela est une mauvaise étiquette !
Renverser, détruire. Ce ne sont pas
mots à broder sur un étendard, surtout
sur un étendard de gens qui se baptisent
conservateurs !
Et cependant là est la vérité : renver-
ser, détruire la République qui s'élève.
Et pour mettre à sa place, quoi ? qui ?
Chacun sait qu'il n'y peut mettre le.
sien.
M. Batbie survient; l'étendard est trouvé.
« Nous combattons au nom des intérêts
sociaux menacés ; nous nous coalisons
au nom de l'ordre contre l'anarchie ;
nous sommes les champions de la défense
sociale. »
La coalition des partis monarchiques
s'est transformée en Ligue de la défense
sociale.
Il y a, dans cette dernière époque, un
tel enchevêtrement d'interpellations dou-
cereuses, de séances orageuses, de fines-
ses, de violences, qu'il faut faire grande
attention pour ne pas se perdre dans ce
dédale d'incidents et de chemins détour-
nés.
Pour ne pas nous y perdre, ne quit-
tons point le fil saisi au point de départ.
M. Thiers a dit dans son Message :
« Messieurs, les événements ont donné la Ré-
publique et rementer à ses causes pour les dis-
cuter et peur les juger serait aujourd'hui une
entreprise aussi dangereuse qu'inutile. La
forme de la République n'a été qu'une forme de
circonstance donnée par les événements. Mais
tous les esprits vous attendent, tous se deman-
dent quel jour, quelle forme vous choisirez
peur donner à la République cette forme con-
servatrice dont elle ne peut se passer. C'est à
vous de choisir l'un et l'autre. »
Et les monarchistes, répondant au
Message, cherchent à faire dévoyer l'opi-
nion. AM. Thiers qui parle « forme gou-
vernementale », M. Batbie répond « crise
sociale ». Il avait pour mission de présen-
ter une riposte; iL apporte une attaque;
Il se dérobe et masque sa retraite par un
feu roulant d'invectives à l'adresse du
parti républicain. Cependant, comme,
lorsqu'on parle de tout, on est bien
obligé aussi de parler du sujet que l'on
traite, M. le rapporteur conclut à la res-
ponsabilité ministérielle pure et simple
et à l'éloignement de M. Thiers de la
Chambre.
Très-habilement, la question vient
d'être déplacée. Les monarchistes cher-
chent à faire dévier le courant, préten-
dent que la question « Monarchie ou
République » n'est pas en jeu, se défen-
dent d'en vouloir à la République, mais
ne trouvent pour la consolider que la
responsabilité ministérielle et l'éloigne-
ment de M. Thiers.
Le gouvernement leur a dit : Aidez-
moi. Ils répondent : Aidons-nous.
L'attaque de M. Batbie a d'ailleurs
été trop violente. Pleine de cris, faite
pour assourdir et étourdir les masses,
pour donner le change au pays, elle a
dépassé la mesure et n'est pas de taille à
tromper un tacticien politique de la force
de M. Thiers.
Suivant son idée, laissant de côté le
nouveau bouclier qu'on vient de lever
contre lui, et sur lequel ou voudrait lui
voir diriger ses coups, M. le président
de la République revient tout droit au
point de départ, le Message. Demandant
a ne pas avoir tout à la fois « l'impuis-
sance et la responsabilité », il repousse
les conclusions du rapport Batbie et ré-
clame la nomination d'une commission
chargée de régler les attributions des
pouvoirs publics et la responsabilité mi-
nistérielle.
La bataille a duré deux jours, achar-
née.
La question était rétablie et solidement
établie par M. Thiers, dans un des plus
magnifiques discours que prononcera
jamais homme politique : Monarchie ou
République!
Trente-six voix de majorité repondi-
rent : « République. » La majorité 'était
prise à gauche. Malgré leur coalition,
légitimistes, orléanistes et bonapartistes
venaient de se faire battre par l'unité ré-
publicaine.
Le lendemain même, la coalition mo-
narchique, battue par M. Thiers essayait
ses griffes sur M. Lefranc, un ministre
républicain, et le jetait bas à six voix de
majorité. Cette fois la majorité était prise
à droite.
En moins de quinze jours, majorité des
centres, majorité de gauche, majorité de
droite. la boussole parlementaire n'exis-
tait plus. Aussi à l'issue de cette dernière
séance, l'idée de dissolution ne rendait-
elle personne furieux ; elle était si natu-
relle !
Depuis ce jour, grâce à la fameuse
séance où la dissolution fut débattue et
souleva des cris chez ceux-là mêmes qui
la considéraient dix jours auparavant
comme une solution forcée, la droite,
vaincue le 29 novembre, semble pres-
que victorieuse. Cherchant à préparer son
gouvernement de « combat, » elle dirige
tous ses efforts vers tous les petits faits
de la politique courante et surtout vers
l'administration. Sachant que le temps
où il lui faudra se présenter devant le
pays ne peut être éloigné, elle n'a plus
qu'une pensée, tâcher de préparer le ter-
rain. Et semblant tout occupée des soins
du ménage, volontiers elle a l'air d'ou-
blier qu'on attend toujours d'elle une
réponse au Message.
Et quelle peut être - cette réponse?,..
Des mots, rien que des mots. Car la
commission des trente, une fille de la
coalition monarchique, est chargée de
donner à la République, affirmée dans le
message, des organes vitaux rudimen-
taires. Et la commission ne peut les lui
donner sous peine de se dementir elle-
même, puisque la majorité des commis-
saires a voté contre le message.
— Pardon, un mot : satisfaction a été
donnée pleine et entière par M. Dufaure
aux intérêts sociaux. L'étendard dit de
la défense sociale n'a plus qu'une raison
d'être, c'est d'être un étendard anti-
républicain. Parbleu!
Et l'Assemblée, impuissante l édifier,
et — bienheureusement! — impuissante
aussi à détruire, va se trouver de nou-
veau réunie, chaque groupe attendant,
l'arme au bras.
La droite extrême, — immuable, ne
voulant rien écouter, ne voulant rien
entendre, ni organisation, ni conces-
sion, ni ceci, ni cela, ni quoi que ce soit
qui puisse ressembler de près ou de loin
à une acceptation de la forme républi-
caine ; toute prête à engager et à soute-
nir la lutte.
La droite modérée, - hostile à la Ré-
publique, hostile aux projets de M. Thiers,
mais craignant tout, et n'ayant qu'une
pensée, gagner du temps.
Le centre droit, — desirant se rendre
M. Thiers favorable, mais peu disposé à
être favorable à M. Thiers ; capable au
besoin de faire quelque chose pour la
République à condition que ce quelque
chose sera si incomplet, si mal ordonné,
si piètrement imaginé, que la Républi-
que en soit plus embarrassée qu'aidée.
Et encore ! Si mal qu'il fasse, le centre
droit craindrait peut-être de trop bien
faire !
Le centre gauche — seul dans toute
l'Assemblée, tenant pour les questions
constitutionnelles et fondant sur elles
un espoir. de portefeuilles , peut-
être.
Les gauches — indifférentes pour ainsi
dire; ne croyant pas à la possibilité
d'une entente entre M. Thiers et cette
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