Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-01-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 janvier 1873 04 janvier 1873
Description : 1873/01/04 (A3,N415). 1873/01/04 (A3,N415).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7556677g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
38 Année. — N° 445.
PRIX DU lnuatu: PüII 15 LKIITIMBS — DÉPARTEMENTS 20 GENTIBUKS.
Samedi 4 janvier 4873.
E jj
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
2, rue Drouot, 9
Les manuscrits non insérés seront rendus
ABONNEMENTS
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
2, rue Drouot, 2
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
PARIS
Trois mois 13 fr,
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 fr.
Six mois. 32
Un an 62
Annoueen, chez MM. LAGRANGE, CERF et C'
6, place de la Kourse. 6
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois. 25
Un an. 50
DÊPARTEMEKTS
Trois mois. 16 fr.
Six mois. 32
Un an. 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et c.
6. place de la Bourse, 6
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, le 5 janvier 4875.
Aucun incident n'a marqué les récep-
tions officielles du 1er janvier. Tous les
comptes-rendus qu'on en a faits sont
aussi ennuyeux que les programmes où
se trouvait indiqué à l'avance l'ordre de la
cérémonie. A vrai dire, le président ne de-
vait prononcer, hors de l'Assemblée, au-
cune allocution politique. Ce sont là des
discours de prince, et, se flU-il restreint à
des banalités, les partis auraient le lende-
main commenté, disséqué et analysé ses
moindres paroles ; c'eût été grand hasard
que les monarchistes n'y découvrissent
point quelque sujet d'interpellation. Or,
chacun sait bien qu'on n'en manque guère,
et que les provisions sont faites ; il était au
moins inutile d'y rien ajouter de nou-
veau.
C'est lundi prochain, on ne l'oublie pas,
que finissent les vacances parlementaires,
Il ne paraît pas probable que la commis-
sion des trente soit revenue pour ee mo-
ment-là de ses explorations constitution-
nelles ; le règlement des attributions des
pouvoirs publics « actuellement existants, »
comme dit M. le duc Decazes, est un laby-
rinthe où l'on assure qu'elle s'est égarée.
Que M. Batbie, s'il le peut, serve d'Ariane
à ses honorables collègues ! Mais on a des
raisons de croire qu'ils sont fort éloignés
de sortir d'embarras.
D autres discussions vont aonc animer
les premières séances de la Chambre ; et
nous devons penser qu'on donnera le pre-
mier rang à la question des deux ambassa-
des romaines ; car les journaux de la droite
n'ont pas la sagesse de se déclarer satis-
faits du voyage de M. de Corcelle à Rome.
Vous les verrez, dans quelque temps, sans
doute, accuser de jacobinisme, ou au
moins de libéralisme, cet honorable ami
de M. de Montalembert. Le gouvernement
ne peut pourtant pas, pour les adoucir,
supplier M. de Bourgoing de reprendre sa
démission. A ce propos, on trouvera plus
loin le détail des distinctions dont M. de
Bourgoing vient d'être comblé par le pape.
Cette affaire romaine en est toujours au
même point, d'ailleurs. Nous avons sous
les yeux deux dépêches de Rome, du 1er
janvier, l'une disant que « M. de Corcelle
reste indécis et que le pape s'abstient de
lui donner aucun conseil; » l'autre, qu'il
accepte le poste d'ambassadeur de France
à Rome. » Cela signifie peu de chose, et
nous répéterons ce que nous avons déjà
dit, à savoir qde, jusqu'à présent, il n'est
pas question d'ambassade, ou que, si M. de
Corcelle, qui n'a en ce moment aucune
mission définie, reçoit le titre d'ambassa-
deur, ce sera tout-à-fait extraordinairement
et pour un temps fort court. La politique
francaise en Italie ne peut pas, ne doit pas
changer; il faudrait avoir perdu la tête
pour aller se jeter dans une diplomatie d'a-
ventures, par amour de Pie IX et par
chevalerie pour la souveraineté temporelle
du chef de la catholicité.
EUG. LIÉBERT.
—————————
LA SAINTE IGNORANCE
Les journaux de province nous ap-
portent certains documents, que nous
voulons transcrire pour l'édification de
ceux qui en sont encore à se demander
pour quel motif la gent cléricale est si
obstinément hostile à l'instruction obli-
gatGire.
Voici d'abord l'histoire d'un curé de
campagne racontée tout au long par le
maire de Manlay dans le journal de
Beaune. C'était un dimanche, au prône ;
le saint homme monte en chaire, et tient
à ses ouailles le discours qu'on va lire :
Mes chers frères,
Il y a quelques jours, on celportait dans notre
commune une pétition en faveur du président
de la République. Et voici qu'aujourd'hui on en
colporte une autre, tendant à renverser la ma-
jorité des représentants du gouvernement.
Vous voyez par là que l'une est précisément
tout le contraire de l'autre, puisque le gouver-
nement étant soutenu par la majorité de la
Chambre, vouloir renverser cette majorité, c'e st
vouloir renverser le gouvernement, c'est-à-dire
le président de la République.
Et dire, mes chers frères, que tout cela est
mené par des individus qui ont le cerveau brû-
lé, républicains rouges, radicaux, enfin tout ce
que vous voudrez, qui sont en opposition avec
le président.
Je sais bien, mes très-chers frères, que ni les
uns ni les autres, vous ne vous doutez de ce
que c'est qu'un gouvernement, et c'est pour
cela que je tiens a vous avertir, afin de vous
montrer à quoi vous vous exposez.
Ceux qui colportent la pétition seront con-
damnés a de la prison, et ceux qui la signent
auront à payer une amende très-forte. Voyez
plutôt, à ce sujet, le journal la Côte-d'Or d'hier,
il le dit explicitement ; voyez aussi à la mairie
te Bulletin des Lois. Mais, hélas ! vous ne voyez
que le Progrès de la Côte-d'Or, qui ne vous parle
nullement de cela, et ne vous tient au courant
de rien.
Vous pensez bien que voilà un curé
qui se ferait couper en quatre plutôt que
de voter l'instruction obligatoire ; l'igno-
rance crasse de ses administrés lui fait
la partie si belle. Il leur parle, du
reste, avec la rude franchise d'un gail-
lard qui sait pouvoir farder la vérité tout
à son aise : Vous n'êtes tous que des
imbéciles, mes frères, et je tiens beau-
coup à ce que vous demeuriez tels, car
voyez un peu quel serait mon embarras
71'1'] y.<, ,
si je ne pouvais plus vous fai 1. ¡ ,' e:
comme aujourdliui, des vessies pour
des lanternes ? Je sais très-bien que
tout ce que je vous dis est faux, archi-
faux ; je n'ignore pas que je calomnie
la résolution prise par l'Assemblée le
14 décembre, en disant que les signa-
taires de pétitions pour demander la dis-
solution auront à payer une amende. M.
Dufaure n'a-t-il pas dit dans son discours
que M. le maire vient justement de faire
placarder dans le village :
« Le droit de pétition, je veux le dire
encore, afin que la résolution que vous
prendrez ne soit pas calomniée, le droit
de pétition reste entier dans ce débat ; le
respect qui lui est dû n'est pas contesté,
il est complétement confirmé. »
Je sais tout cela, mes frères. Mais ce
que je sais aussi, c'est que vous êtes un
tas d'idiots, ne sachant ni lire ni écrire,
et que je puis impunément me moquer
de vous, à la plus grande gloire de Dieu
et de ses fils aînés, les ducs de Ver-
sailles.
Telle est la traduction fidèle des pa-
roles adressées par M. le curé de Manlay à
ses paroissiens. Ab uno disce omnes. Com-
bien y a-t-il en France de communes af-
fligées d'un curé de cette trempe ? Allez
en Bretagne, en Vendée, dans la plupart
des départements du Nord et du Midi,
partout où se recrutent les Bernadette
pour les miracles de Lourdes, et les
Maximin Giraud pour ceux de la Salette,
et vous verrez que les choses s'y passent
comme à Manlay.
C'est que la le catechisme est ensei-
gné, mais non l'alphabet. L'obscuran-
tisme s'y étale à loisir, et malheur au
pauvre diable qui ferait mine, si par im-
possible il s'est appris à lire, de feuille-
ter autre chose que la Vie du bienheureux
Labre et le Rositr de Marie ! Anathème
sur lui ! C'est une peste, un fléau, un
sorcier, c'est le diable ! Et si la récolte
vient à manquer, soyez sûrs que c'est sa
faute ; du moins M. le curé ne se gêne
pas pour le dire en chaire ; et on croit
M. le curé ! Est-ce que M. le curé peut
mentir?
Ignorance, sainte ignorance ! A toi le
royaume des cieux, crie bien haut
l'Eglise ; et tout bas : à moi l'empire de
la terre ! Le Christ n'a-t-il pas dit : Beati
pauperes spiritu, en prévision de la venue
de Satan personnifiée dans ce ministre
appelé Jules Simon, qui s'avise aujour-
d'hui de nous proposer une loi sur l'ins-
truction primaire !
Obliger les pères de famille à envoyer
leurs enfants à l'école ! quel crime abo-
minable ! Il faut entendre comme en
parlent les curés à leurs ouailles ! Voici,
par exemple, dans le Mémorial des Deux-
Sèvres, le texte d'une petite allocution
prononcée en chaire par le curé du can-
ton de Ménigoute :
Mes frères, vous. n'êtes pas sans avoir eu con-
naissance de pétitions qui demandaient, les
unes l'instruction gratuite, d'autres l'instruction
gratuite et obligatoire, d'autres enfin l'ins-
truction gratuite, obligatoire et laïque. Ce serait
un grand malheur, mes frères, s'il en était ain-
si. Vous seriez obligés d'envoyer vos enfants à
l'école jusqu'à l'âge de treize ans ; vous ne trou-
veriez plus de bergers, de vachers, et comment
irait l'agriculture? Et puis, ce n'est pas tout :
l'instituteur qui aurait un plus grand nombre
d'élèves serait en droit d'avoir un traitement
plus élevé, et il faudrait que la commune payât.
Donc, mes frères, continue le digne
curé, venez chez moi signer une péti-
tion contre l'enseignement obligatoire,
et vous ferez une œuvre agréable à
Dieu. et surtout à monseigneur Dupan-
louD.
Poursuivons. La parole est à un curé
rde village des environs de Bar-le-Duc :
La France est perdue si l'on adopte le projet
! de loi sur l'instrustion publique. Les libres-pen-
seurs, les matérialistes, les athées, les mahomé-
.tants, les protestants, les juifs remplaceront les
instituteurs actuels. Il n'y aura plus ni frères,
ini sœurs des écoles. On veut en bannir Dieu,
nous ramener à l'état sauvage, faire des barba-
res de nos enfants, qui, après avoir été la honte
de leurs parents, seront les destructeurs de la
société.
i Cela continue encore longtemps sur
ce ton; puis, finalement, M. le curé an-
nonce qu'il va faire circuler une pétition.
Et que tout le monde signe, au moins,
hommes et femmes, ou sinon. « ceux
qui ne signeront pas se feront connaître
à l'opinion publique et montreront ainsi
qu'ils sont solidaires des socialistes et
des communards. »
La bourse ou la vie! Signez ou vous serez
persécuté, vous et les vôtres; on vous fera
la vie si dure, on vous tracassera tant
et si bien, par tous les moyens au pou-
voir de M. le curé — et Dieu sait s'il en
manque 1 — que, de guerre lasse, il
vous faudra quitter le village un beau
matin, honteux comme un voleur, honni
comme un lépreux.
Abêtir pour régner ; c'est la devise
des monarchistes.
Et monseigneur Dupanloup montera
gravement à la tribune d'ici à quelques
semaines pour dérouler aux yeux de
l'Assemblée des pétitions contre le pro-
jet de loi Jules Simon ; et il improvisera,
à ce sujet, de superbes phrases sur le
caractère tout spontané de cette sainte
croisade; et il se fera applaudir; et nous
assisterons à ce spectacle lamentable
d'une Assemblée française disant à la
nation :
Tu es ignorante, c'est vrai; tu es aveu-
gle et tu voudrais voir clair, nous le sa-
vons. Mais il nous plaît qu'il en. soit
ainsi, car déjà tu nous échappes; déjà tu
t'es soustraite en partie à notre tutelle.
Que serait-ce donc le jour où, émergeant
de la nuit profonde où, depuis des siè-
cles, nous avons eu la prudence de te
maintenir prisonnière, les vérités que
nous te dérobons t'apparaîtraient tout à
coup aux lumières indiscrètes de la
science? Non, non; reste ignorante, il le
faut; nous te laissons le ciel; c'est bien
le moins que tu nous laisses la terre.
Ignorance, sainte ignorance ! priez
pour l'Eglise et pour la monarchie !
E. SCHNERB.
+ ———————————————
On lit dans la Correspondance républicaine :
M. de Saint-Vallier, notre représentant
extraordinaire à Nancy auprès du gouver-
nement allemand, est arrivé à Paris di-
manche soir et a été reçu hier matin par
M. Thiers.
M. de Saint-Vallier avait sollicité et ob-
tenu, il y a quelque temps de cela, un
congé de deux mois. Survinrent lespluies.
Les baraquements furent inondés : M. de
Saint-Vallier prit toutes les mesures né-
cessaires afin que les réparations se fis-
sent immédiatement, et, lorsqu'il fut bien
.convaincu que les Allemands ne se plain-
draient pas et qu'ils n'iraient pas loger
chez les habitants , il profita de son
congé.
M. Thiers l'a reçu avec beaucoup de
cordialité et l'a remercié très-chaleureuse-
ment de tous les services qu'il rendait au
pays en cherchant surtout à éviter tout
froissement entre nos populations, encore
sous le coup de l'occupation de nos en-
nemis.
En parlant de la situation du pays, M.
de Saint-Vallier certifia à M. Thiers que le
pays était pour lui et avec lui. Ce à quoi
le président répliqua vivement :
- Vous avez raison : je le sais et je le
sens. La France est en grande majorité ré-
publicaine conservatrice ; aussi je reste-
rai ferme sur le terrain du message.
M. de Saint-Vallier a cité au président
ce fait :
Le 1er décembre, les journaux de San-
Francisco annoncèrent que M. Thiers avait
été remercié et le maréchal Mac-Mahon
mis à sa place. Une consternation générale
s'ensuivit : la colonie francaise était au
désespoir. La France est perdue, disait-on;
mais le surlendemain, lorsqu'on apprit que
la nouvelle était fausse, une joie immense
éclata et la ville fut illuminée.
Il en est de même dans tous les pays,
ajouta M. de Saint-Vallier : les étrangers
vous rendent eux-mêmes cette justice que,
seul, vous pouvez, en face des monarchis-
tes, ou plutôt des anarchistes, rétablir le
calme en France et assurer la Répu-
blique.
M. Thiers a été très-content de cette
entrevue.
M. de Saint-Vallier quitte Paris aujour-
d'hui pour se rendre dans sa famille.
+ ———————————
CEUX QUI SE PLAIGNENT
Voilà trois ans que nous sommes en
République, il n'y a pas à le nier, et nos
affaires n'en vont pas plus mal, en dé-
pit des efforts et des propos de tous les
mécontents qui cherchent à mettre des
bâtons dans les roues du char de l'Etat.
Nous sommes en République et jamais
nouvelle année ne s'est présentée sous
de plus heureux et de plus brillants
auspices. Je voyais encore ce matin un
commerçant qui m'affirmait n'avoir
point souvenance d'avoir fait depuis plûs
de vingt ans un pareil jour de l'an. Les
recettes avaient dépassé d'un tiers ses
plus belles années. Ceux qui achètent ne
sont donc point ruinés et ceux qui ven-
dent s'applaudissent de la reprise des
affaires.
Il suffit de regarder autour de soi
pour voir partout des mines rayonnan-
tes et épanouies. C'est le meilleur argu-
ment contre ceux qui cherchent matière
à des jérémiades.
Et cependant les épreuves ne nous
ont point été ménagées ; après une guer-
re si niaisement entreprise, nous avons
eu les indemnités à payer ; après les in-
demnités sont venues les inondations ;
mais rien n'y fait : le pays vient à bout
de tout depuis qu'il est le maître de ses
affaires et qu'il a ressaisi ses destinées,
si cruellement compromises entre des
mains inhabiles.
Je sais bien qu'au cuisant désespoir
d'une meute de courtisans faméliques, il
n'y a plus à faire de ces toiles dont la flat
terie seule a la recette et où l'on voit un
héros couronné qui se couvre d'une
gloire sans péril, tandis que de pauvres
diables se font casser bras et jambes. Je
sais bien que l'on n'exposera plus de ces
tableaux, où brille à la première place
un prince, généreux de nos écus, qui
distribue à pleines mains aux malheu-
reux l'argent qu'il a puisé dans nos po-
ches. Mon Dieu ! non, en République les
choses se passent plus simplement et la
vérité n'y perd rien, ce sont tous les
membres de la nation qui s'assistent et
s'entr'aident les uns les autres, et les sa-
crifices que chacun est obligé de faire
pour venir au secours de son semblable,
ne sont point travestis en des libéralités
faciles et peu coûteuses, pour le plus
grand profit et le plus grand honneur
d'un seul et le succès d'une dynastie.
Aussi les gens de bonne foi, qui ne
courent pas après les place.s, qui ne sont
point les dupes de ces flagorneries in-
téressées, qui prennent les choses pour
ce qu'elles valent, et qui n'estiment ce
qu'elles valent que d'après ce qu'elles
produisent, en arrivent à cette conclu-
sion, si facile à saisir sans commentaire:
vingt ans de prospérité nous ont con-
duits à Sedan en passant par la guerre du
Mexique, et trois ans à peine de Répu-
blique nous ont permis de panser nos
blessures, de payer le rachat de notre
sol et d'entrevoir le jour prochain où la
France sera délivrée enfin de l'occupation
étrangère.
Il faudrait être bien entêté ou bien
maladroit pour hésiter entre les deux,
et les résultats sont si manifestes et si
palpables, que le choix ne saurait être
un instant douteux entre l'empire, qui
nous a perdus, et la République, qui nous
sauve ; ce serait plus que de l'ingratitude,
il y aurait de la bêtise à hésiter dans ses
préférences. -
A lire cependant certains journaux,
les choses se présentent sous l'aspect le
plus sombre et le plus navrant. Croque-
mitaine (lisez : radicalisme) n'attend que
l'occasion pour sortir de sa boîte ; jamais
il n'y a eu autant de gens écrasés que
sous la République, le macadam impérial
était bien moins crotté que le pavé
républicain; et le temps, ah ! oui, par-
lons du temps, jamais il n'a tant plu que
sous, cette forme de gouvernement, qui
a porté l'anarchie jusque dans les ré-
gions supérieures ! Tout cela serait gro-
tesque et misérable si l'on ne trouvait
là-dessous les plus mauvaises passions
au service des intérêts les plus mes-
quins
Les affaires ne vont si mal, pour
ceux qui écrivent ou se persuadent ces
choses, que par la seule raison qu'ils
n'ont plus en main le pouvoir, et qu'il
ne dépend plus d'eux de faire le chaud
ou le froid. C'est l'histoire du renard qui
a la queue coupée; allons, messieurs,
tournez-vous donc de grâce, et l'on
vous répondra.
Les choses ne vont si mal aux yeux
de ces décavés de la politique que
parce qu'il n'y a plus de listes ci-
viles inscrites au budget; mais c'est là en
vérité une belle et bonne économie de
trente millions par an, et nous avons
bien besoin de faire des économies pour
réparer des sottises qui ne sont pas les
nôtres. Parce que ces gros traitements si
doux à émarger, ont été supprimés; par-
ce que tout se prépare pour entrer en-
fin dans une voie de réformes sé-
rieuses, qui doivent substituer le régime
de la loi aux fantaisies du bon plaisir,
ces malheureux en sont réduits à faire
les chevaliers de la triste figure. Mais
c'estprécisémentpour cela que nous trou-
vons, nous, que les choses ne vont pas
si mal ; et plus les plaintes sont vives
d'un certain côté, plus c'est une raison
pour le pays de se réjouir et d'être
convaincu, comme il le fait, comme il le
prouve par son ardeur, que ses affaires
n'ont jamais si bien marché.
GEORGES GUIFFREY.
+ ————————————
LES RÉCEPTIONS DU 1 EH JANVIER
Voici quelques détails sur les réceptions qui
ont eu lieu mercredi à Versailles :
Le président de la République est ar-
rivé à Versailles à neuf heures précises.
A dix heures, il s'est rendu, accompagné
de tous les ministres et de M. Barthélemy
Saint-Hilaire, chez le président de l'Assem-
blée nationale.
Un escadron de cavalerie accompagnait
le cortége présidentiel. Un peloton de gen-
darmerie mobile formait la haie dans la
cour de la présidence.
Le président de l'Assemblée, entouré des
vice-présidents, des assesseurs et des secré-
taires de la Chambre, a reçu M. Thiers.
L'entrevue des deux présidents a duré
quelques instants ; elle a été empreinte
d'une grande cordialité. M. Thiers est en-
suite rentré à la présidence.
A onze heures, M. le président Grévy,
accompagné de tout le bureau de l'Assem-
blée, a rendu visite au président de la Ré-
publique avec le même cérémonial.
Les honneurs militaires lui ont été ren-
dus sur son passage, comme au président
de la République; les tambours des postes
battaient aux champs, les hommes présen-
taient les armes.
Le président de l'Assemblée a été reçu
sur le perron de la présidence par le colo-
nel Lambert, qui l'a introduit auprès de
M. Thiers. Aucun discours n'a été pronon-
cé ; il n'y a eu qu'un échange de cordiales
politesses.
Les réceptions ont commencé ensuite,
dans l'ordre indiqué par le Journal officiel.
Les députés de toutes nuances, actuelle-
ment résidant à Paris ou à Versailles,
s'étaient empressés de venir saluer M.
Thiers.
Le duc de Broglie est arrivé un des pre-
miers.
Le président de la République se tenait
dans le milieu du grand salon. Il avait à
ses côtés le maréchal de Mac-Mahon (dont
l'état-major restait dans le fond du salon,
ainsi que celui du ministère de la guerre),
tous les ministres et M. Barthélemy Saint-
Hilaire.
L'amiral Pothuau, encore malade, est le
seul membre du cabinet qui n'assistât pas
aux réceptions. Il était remplacé par le
secrétaire général du ministère de la ma-
rine.
Chaque ministre a présenté au président
de la République les administrations ou
les corps ressortant de son département.
Les députations qui se présentaient chez
le président montaient par l'escalier de
gauche, traversaient le grand salon, sa-
luaient M. Thiers au passage et défilaient
devant lui pour ressortir par l'escalier de
droite. M. Thiers serrait la main des per-
sonnes de 8sa connaissance et échangeait
avec elles quelques paroles.
Seul, le corps diplomatique, introduit
par M. Feuillet de Couches, est resté quel-
ques minutes dans le salon. Il était au
grand complet; on remarquait, parmi les
membres, l'ambassade japonaise et l'am-
bassade birmane. Les membres de cette
dernière portaient le costume national en-
tièrement blanc. Le président de la Répu-
blique a causé avec les membres du corps
diplomatique, allant de l'un à l'autre,
pendant que ceux-ci échangeaient avec les
ministres des paroles de politesse.
Les réceptions ont ensuite continué; elles
étaient terminées à 2 heures.
Une grande simplicité a présidé à toutes
les réceptions; il n'y avait aucun apparat.
Les membres des administrations civiles
étaient en frac, les militaires et les marins
en grand costume.
Le Président de la République portait
un habit noir boutonné qui laissait en-
trevoir le grand cordon de la Légion
d'honneur et le collier de la Toison d'or.
Il portait également la plaque de grand-
officier ec à la boutonnière une brochette
de nombreuses décorations : chacun a
pu se convaincre de son état de parfaite
santé.
M. Thiers paraissait tout heureux des
nombreux témoignages de sympathie qu'il
recevait.
M. Thiers a échangé, hier, des paroles
cordiales avec les principaux membres du
corps diplomatique : MM. S. de Olozaga, le
comte d'Arnim, comte d'Aponyi, lord Lyons
et Nigra.
Tous les députés présents à Paris, sans
distinction de nuances, sont venus saluer
M. Thiers aux réceptions de Versailles ou
à la soirée de l'Elysée.
+ ——————
INFORMATIONS
M. Thiers dînait hier soir à l'ambassade
d'Autriche.
Il se pourrait que le départ de M. Thiers
de l'Elysée, fixé d'abord à lundi, fût remis
à mardi matin.
Les derniers renseignements reçus à
Paris sur la santé du grand-duc héritier de
Russie, font espérer que la robuste cons-
titution du prince triomphera du mal dont
il est atteint.
Une dépêche de Rome annonce que M.
de Corcelle accepte le poste d'ambassadeur
auprès du Pape.
Un journal d'Ecosse a reçu de son cor-
respondant la nouvelle suivante, sur les
négociations dont s'occuperait en ce mo-
ment M. Léon Say avec la maison Roths-
child pour la garantie des sommes encore
dues à l'Allemagne.
M. Léon Say est un vieil et intime ami
de la famille Rothschild, et le seul obstacle
au succès des négociations est, dit le jour-
nal dont nous parlons, la question de la
division des bénéfices parmi les banquiers
qui devraient se joindre à la maison Roths-
child dans cette affaire. Le gouvernement
francais a entre les mains 440 millions de
francs, en traites étrangères, qui viendront
à échéance dans cent cinquante jours. Il
doit encore à l'Allemagne 1 milliard 100
millions de francs.
Le gouvernement allemand a été infor-
mé d'un payement de 200 millions de
francs, qui doit lui être effectué le 15 jan-
vier, et du payement d'une somme égale le
15 des mois de février, mars, avril et mai.
Le reste de la. dette sera immédiatement
soldé, si les négociations avec la maison
Rothschild et ses associés arrivent à bonne
fin.
La sous-commission des trente n'a pas
encore remis à M. Thiers le procès-verbal
de la dernière entrevue qui a eu lieu, com-
me on sait, samedi dernier, à l'Elysée.
On croit que cette communication sera
faite vendredi prochain, l'avant-veille, par
conséquent, de la nouvelle réunion de la
sous-commission, annoncée pour diman-
che prothain chez M. de Broglie.
Les journaux anglais annonçaient hier
qu'un accident était arrivé au prince Hum-
bert.
Le prince, précipité de sa voiture, en au-
rait été quitte pour quelques contusions.
Nous trouvons d'autre part, dans les
journaux italiens, les renseignements sui-
vants :
« Ce matin, 31, au rendez-vous de la
chasse au renard, les chevaux du grand-duc
de Leuchtenberg, qui conduisait lui-même
sa voiture, se sont emportés; ils se sont
rués sur le carrosse du prince Humbert.
Le prince, qui conduisait, et le capitaine
Brambilla, qui l'accompagnait, ont été pré-
cipités à terre par la force du choc, sans
qu'heureusement sa chute ait été suivie de
graves conséquences. Le prince, montant à
cheval, a pris part à la chasse.
M. de Bruchard, général de brigade com-
mandant la subdivision de la Hante-
Vienne et de la Corrèze, est placé dans la
2e section du cadre de l'état-major général
de l'armée.
M. de Brinceurt, général de brigade en
disponibilité, est nommé au commande-
ment de la 1 ft; brigade de la 1 fi' division
du 3 corps d'armée.
Nos lettres de Champagne nous signa-
lent des faits qui causent un grand scan-
dale et qui devraient cesser.
Il y a, à X., une maison de vins de
Champagne qui a créé cette honteuse éti-
quette : Grand vin des Cuirassiers de Bis-
marck, — 1870-1871. Nous pensions qu'au
moins cette maison était allemande ; mais
il n'en est rien, et non-seulement sondirec-
teur est Français, mais il est encore mem-
bre du conseil municipal. En outre, ex-
clu après la guerre du cercle dont il fai -
sait partie, il a trouvé six voix de majorité
pour le maintenir membre du cercle de sa
ville. Qu'il soit membre du Cercle, cela
ne fait tort qu'à la ville, et c'est déjà trop;
mais qu'il occupe au conseil muuicipal un
siège dont il est notoirement indigne,
c'est un véritable scandale.
Le banquier russe dont nous avons parlé
hier, à propos d'un nouveau don qu'il a
envoyé à Mme Thiers, se nomme Ephrussi,
et non Errazu, comme on nous l'a fait
dire.
Nos lecteurs, qui sont au courant de l'in-
cident que nous rappelions, auront déjà rec-
tifié l'erreur.
Une décision récente du ministre de la
guerre, relative à l'appel de la classe de
1871, a fait connaître que la mise en route
des jeunes soldats s'effectuerait du 25 au
31 décembre dernier.
Les dépêches des départements, reçues
au ministère, constatent que partout cette
opération s'est accomplie dans le plus grand
ordre, que beaucoup de jeunes gens sont
arrivés à leurs corps sans avoir profité de
tous les délais d'étapes, et que le nombre
de ceux qui ont demandé des sursis de dé-
part est très-faible.
Il n'y aura pas de session d'assises pen-
dant la première quinzaine de janvier, les
listes nouvelles du jury n'ayant pas été
préparées en temps utile.
La première chambre de la cour a pro-
cédé mardi au tirage du jury, qui entrera
en fonctions le 16 janvier, par application
de la loi du 21 novembre dernier.
Une dépêche arrivée hier matin, qui
confirme de la manière la plus précise et
la plus douloureuse la nouvelle de la mort
de M. le vicomte Daru, a été communi-
quée au Français. Le jeune diplomate était
allé en mer avec des matelots japonais : il
y a trouvé la mort.
M. Appollinaire Le Bas, ingénieur de la
marine, ancien conservateur du Musée na-
val, est mort à Paris le 1er janvier.
C'est à lui que Louis-Philippe avait con-
fié la mission de rapporter d'Egypte et
d'ériger sur la place de la Concorde l'obé-
lisque de Loucqsor. Il accomplit cette mis-
sion avec tout le succès que l'on attendait
de ses connaissances et de son talent.
M. Pardeilhan-Mezin, ancien préfet sous
Louis-Philippe et secrétaire général de M.
le comte Duchâtel, vient de mourir subi-
tement à Pau. Il était l'un des trois préfets
qui refusèrent de prêter serment à l'empire
après le coup d'Etat. Retiré à Pau, sa ville
natale, il jouissait de l'estime toute parti-
culière de ses concitoyens. Il a maintes fois
refusé les faveurs de l'empire, entre autres
celle de faire partie du conseil d'Etat. M.
Pardeilhan-Mezin était gendre de M. Ma-
nescau, qui a été durant de longues années
maire de Pau et député sous la Constituante
de 1848.
Le public continue à se rendre avec em-
pressement aux bureaux établis à la Bourse
pour la recenstitution des actes de l'état
civil. Il se présente par jour environ cinq
cents personnes. On compte que chaque
personne apporte, en moyenne, des pièces
pour la reconstitution de quatre actes :
naissance, mariage ou décès ; c'est donc à
peu près deux-mille actes qui se trouvent
rétablis chaque iour. L'école de droit a en-
voyé, pour sa part, plus de trente mille
actes de naissance déposés par les candidats
aux examens de la faculté. De leur côté,
les greffes de province en expédient un
contingent assez considérable; le dernier
délai pour les déclarations est fixé au 25
février : avis aux retardataires qui pour-
raient bien, dans les derniers jours, être
exposés à l'ennui de faire queue.
Le conseil municipal d'Albi vient de se
pourvoir devant le conseil d'Etat contre
l'arrêté du préfet du Tarn, qui annule une
délibération d'adresse à M. Thiers, cette
délibération ayant un caractère privé.
On lit dans le Messager de Toulouse :
On confirme l'arrestation de deux mem-
bres de notre conseil municipal, prévenus
d'affiliation à l'Internationale.
Un autre personnage, trèS-COURu à Tou-
louse et compromis dans les affaires de
la Commune, serait également sous les
verrous.
M. Robert Bowles, chef de la succur-
sale de la maison de banque, à Paris, du
même nom, qui a été déclaré en faillite,
vient d'être traduit, à Londres, devant la
cour d'assises pour avoir emprunté de l'ar-
gent sur des valeurs remises en dépôt par
les clients de cette maison.
Le régime de tolérance adopté à titre de
réciprocité en matière de passe-port entre
la France et divers Etats européens, vient
d'être étendu aux relations de voyage entre
la France et l'Allemagne. Cette mesure est
applicable à partir du 1er janvier 1873.
C'est le mardi 31 décembre, à trois heu-
res et demie du soir, que la division iia-*
vale de M. le contre-amiral Hugueteau de
Challie, signalée depuis la veille par le télé-
graphe du cap Corse, a doublé la pointe de
la Grosse-Tour pour entrer à Toulon.
Il tombait dans ce moment une averse
tellement intense que l'horizon était com-
plètement embrumé. On distinguait ce-s
pendant des ombres de navires défilaù
PRIX DU lnuatu: PüII 15 LKIITIMBS — DÉPARTEMENTS 20 GENTIBUKS.
Samedi 4 janvier 4873.
E jj
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
2, rue Drouot, 9
Les manuscrits non insérés seront rendus
ABONNEMENTS
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
2, rue Drouot, 2
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
PARIS
Trois mois 13 fr,
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 fr.
Six mois. 32
Un an 62
Annoueen, chez MM. LAGRANGE, CERF et C'
6, place de la Kourse. 6
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois. 25
Un an. 50
DÊPARTEMEKTS
Trois mois. 16 fr.
Six mois. 32
Un an. 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et c.
6. place de la Bourse, 6
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, le 5 janvier 4875.
Aucun incident n'a marqué les récep-
tions officielles du 1er janvier. Tous les
comptes-rendus qu'on en a faits sont
aussi ennuyeux que les programmes où
se trouvait indiqué à l'avance l'ordre de la
cérémonie. A vrai dire, le président ne de-
vait prononcer, hors de l'Assemblée, au-
cune allocution politique. Ce sont là des
discours de prince, et, se flU-il restreint à
des banalités, les partis auraient le lende-
main commenté, disséqué et analysé ses
moindres paroles ; c'eût été grand hasard
que les monarchistes n'y découvrissent
point quelque sujet d'interpellation. Or,
chacun sait bien qu'on n'en manque guère,
et que les provisions sont faites ; il était au
moins inutile d'y rien ajouter de nou-
veau.
C'est lundi prochain, on ne l'oublie pas,
que finissent les vacances parlementaires,
Il ne paraît pas probable que la commis-
sion des trente soit revenue pour ee mo-
ment-là de ses explorations constitution-
nelles ; le règlement des attributions des
pouvoirs publics « actuellement existants, »
comme dit M. le duc Decazes, est un laby-
rinthe où l'on assure qu'elle s'est égarée.
Que M. Batbie, s'il le peut, serve d'Ariane
à ses honorables collègues ! Mais on a des
raisons de croire qu'ils sont fort éloignés
de sortir d'embarras.
D autres discussions vont aonc animer
les premières séances de la Chambre ; et
nous devons penser qu'on donnera le pre-
mier rang à la question des deux ambassa-
des romaines ; car les journaux de la droite
n'ont pas la sagesse de se déclarer satis-
faits du voyage de M. de Corcelle à Rome.
Vous les verrez, dans quelque temps, sans
doute, accuser de jacobinisme, ou au
moins de libéralisme, cet honorable ami
de M. de Montalembert. Le gouvernement
ne peut pourtant pas, pour les adoucir,
supplier M. de Bourgoing de reprendre sa
démission. A ce propos, on trouvera plus
loin le détail des distinctions dont M. de
Bourgoing vient d'être comblé par le pape.
Cette affaire romaine en est toujours au
même point, d'ailleurs. Nous avons sous
les yeux deux dépêches de Rome, du 1er
janvier, l'une disant que « M. de Corcelle
reste indécis et que le pape s'abstient de
lui donner aucun conseil; » l'autre, qu'il
accepte le poste d'ambassadeur de France
à Rome. » Cela signifie peu de chose, et
nous répéterons ce que nous avons déjà
dit, à savoir qde, jusqu'à présent, il n'est
pas question d'ambassade, ou que, si M. de
Corcelle, qui n'a en ce moment aucune
mission définie, reçoit le titre d'ambassa-
deur, ce sera tout-à-fait extraordinairement
et pour un temps fort court. La politique
francaise en Italie ne peut pas, ne doit pas
changer; il faudrait avoir perdu la tête
pour aller se jeter dans une diplomatie d'a-
ventures, par amour de Pie IX et par
chevalerie pour la souveraineté temporelle
du chef de la catholicité.
EUG. LIÉBERT.
—————————
LA SAINTE IGNORANCE
Les journaux de province nous ap-
portent certains documents, que nous
voulons transcrire pour l'édification de
ceux qui en sont encore à se demander
pour quel motif la gent cléricale est si
obstinément hostile à l'instruction obli-
gatGire.
Voici d'abord l'histoire d'un curé de
campagne racontée tout au long par le
maire de Manlay dans le journal de
Beaune. C'était un dimanche, au prône ;
le saint homme monte en chaire, et tient
à ses ouailles le discours qu'on va lire :
Mes chers frères,
Il y a quelques jours, on celportait dans notre
commune une pétition en faveur du président
de la République. Et voici qu'aujourd'hui on en
colporte une autre, tendant à renverser la ma-
jorité des représentants du gouvernement.
Vous voyez par là que l'une est précisément
tout le contraire de l'autre, puisque le gouver-
nement étant soutenu par la majorité de la
Chambre, vouloir renverser cette majorité, c'e st
vouloir renverser le gouvernement, c'est-à-dire
le président de la République.
Et dire, mes chers frères, que tout cela est
mené par des individus qui ont le cerveau brû-
lé, républicains rouges, radicaux, enfin tout ce
que vous voudrez, qui sont en opposition avec
le président.
Je sais bien, mes très-chers frères, que ni les
uns ni les autres, vous ne vous doutez de ce
que c'est qu'un gouvernement, et c'est pour
cela que je tiens a vous avertir, afin de vous
montrer à quoi vous vous exposez.
Ceux qui colportent la pétition seront con-
damnés a de la prison, et ceux qui la signent
auront à payer une amende très-forte. Voyez
plutôt, à ce sujet, le journal la Côte-d'Or d'hier,
il le dit explicitement ; voyez aussi à la mairie
te Bulletin des Lois. Mais, hélas ! vous ne voyez
que le Progrès de la Côte-d'Or, qui ne vous parle
nullement de cela, et ne vous tient au courant
de rien.
Vous pensez bien que voilà un curé
qui se ferait couper en quatre plutôt que
de voter l'instruction obligatoire ; l'igno-
rance crasse de ses administrés lui fait
la partie si belle. Il leur parle, du
reste, avec la rude franchise d'un gail-
lard qui sait pouvoir farder la vérité tout
à son aise : Vous n'êtes tous que des
imbéciles, mes frères, et je tiens beau-
coup à ce que vous demeuriez tels, car
voyez un peu quel serait mon embarras
71'1'] y.<, ,
si je ne pouvais plus vous fai 1. ¡ ,' e:
comme aujourdliui, des vessies pour
des lanternes ? Je sais très-bien que
tout ce que je vous dis est faux, archi-
faux ; je n'ignore pas que je calomnie
la résolution prise par l'Assemblée le
14 décembre, en disant que les signa-
taires de pétitions pour demander la dis-
solution auront à payer une amende. M.
Dufaure n'a-t-il pas dit dans son discours
que M. le maire vient justement de faire
placarder dans le village :
« Le droit de pétition, je veux le dire
encore, afin que la résolution que vous
prendrez ne soit pas calomniée, le droit
de pétition reste entier dans ce débat ; le
respect qui lui est dû n'est pas contesté,
il est complétement confirmé. »
Je sais tout cela, mes frères. Mais ce
que je sais aussi, c'est que vous êtes un
tas d'idiots, ne sachant ni lire ni écrire,
et que je puis impunément me moquer
de vous, à la plus grande gloire de Dieu
et de ses fils aînés, les ducs de Ver-
sailles.
Telle est la traduction fidèle des pa-
roles adressées par M. le curé de Manlay à
ses paroissiens. Ab uno disce omnes. Com-
bien y a-t-il en France de communes af-
fligées d'un curé de cette trempe ? Allez
en Bretagne, en Vendée, dans la plupart
des départements du Nord et du Midi,
partout où se recrutent les Bernadette
pour les miracles de Lourdes, et les
Maximin Giraud pour ceux de la Salette,
et vous verrez que les choses s'y passent
comme à Manlay.
C'est que la le catechisme est ensei-
gné, mais non l'alphabet. L'obscuran-
tisme s'y étale à loisir, et malheur au
pauvre diable qui ferait mine, si par im-
possible il s'est appris à lire, de feuille-
ter autre chose que la Vie du bienheureux
Labre et le Rositr de Marie ! Anathème
sur lui ! C'est une peste, un fléau, un
sorcier, c'est le diable ! Et si la récolte
vient à manquer, soyez sûrs que c'est sa
faute ; du moins M. le curé ne se gêne
pas pour le dire en chaire ; et on croit
M. le curé ! Est-ce que M. le curé peut
mentir?
Ignorance, sainte ignorance ! A toi le
royaume des cieux, crie bien haut
l'Eglise ; et tout bas : à moi l'empire de
la terre ! Le Christ n'a-t-il pas dit : Beati
pauperes spiritu, en prévision de la venue
de Satan personnifiée dans ce ministre
appelé Jules Simon, qui s'avise aujour-
d'hui de nous proposer une loi sur l'ins-
truction primaire !
Obliger les pères de famille à envoyer
leurs enfants à l'école ! quel crime abo-
minable ! Il faut entendre comme en
parlent les curés à leurs ouailles ! Voici,
par exemple, dans le Mémorial des Deux-
Sèvres, le texte d'une petite allocution
prononcée en chaire par le curé du can-
ton de Ménigoute :
Mes frères, vous. n'êtes pas sans avoir eu con-
naissance de pétitions qui demandaient, les
unes l'instruction gratuite, d'autres l'instruction
gratuite et obligatoire, d'autres enfin l'ins-
truction gratuite, obligatoire et laïque. Ce serait
un grand malheur, mes frères, s'il en était ain-
si. Vous seriez obligés d'envoyer vos enfants à
l'école jusqu'à l'âge de treize ans ; vous ne trou-
veriez plus de bergers, de vachers, et comment
irait l'agriculture? Et puis, ce n'est pas tout :
l'instituteur qui aurait un plus grand nombre
d'élèves serait en droit d'avoir un traitement
plus élevé, et il faudrait que la commune payât.
Donc, mes frères, continue le digne
curé, venez chez moi signer une péti-
tion contre l'enseignement obligatoire,
et vous ferez une œuvre agréable à
Dieu. et surtout à monseigneur Dupan-
louD.
Poursuivons. La parole est à un curé
rde village des environs de Bar-le-Duc :
La France est perdue si l'on adopte le projet
! de loi sur l'instrustion publique. Les libres-pen-
seurs, les matérialistes, les athées, les mahomé-
.tants, les protestants, les juifs remplaceront les
instituteurs actuels. Il n'y aura plus ni frères,
ini sœurs des écoles. On veut en bannir Dieu,
nous ramener à l'état sauvage, faire des barba-
res de nos enfants, qui, après avoir été la honte
de leurs parents, seront les destructeurs de la
société.
i Cela continue encore longtemps sur
ce ton; puis, finalement, M. le curé an-
nonce qu'il va faire circuler une pétition.
Et que tout le monde signe, au moins,
hommes et femmes, ou sinon. « ceux
qui ne signeront pas se feront connaître
à l'opinion publique et montreront ainsi
qu'ils sont solidaires des socialistes et
des communards. »
La bourse ou la vie! Signez ou vous serez
persécuté, vous et les vôtres; on vous fera
la vie si dure, on vous tracassera tant
et si bien, par tous les moyens au pou-
voir de M. le curé — et Dieu sait s'il en
manque 1 — que, de guerre lasse, il
vous faudra quitter le village un beau
matin, honteux comme un voleur, honni
comme un lépreux.
Abêtir pour régner ; c'est la devise
des monarchistes.
Et monseigneur Dupanloup montera
gravement à la tribune d'ici à quelques
semaines pour dérouler aux yeux de
l'Assemblée des pétitions contre le pro-
jet de loi Jules Simon ; et il improvisera,
à ce sujet, de superbes phrases sur le
caractère tout spontané de cette sainte
croisade; et il se fera applaudir; et nous
assisterons à ce spectacle lamentable
d'une Assemblée française disant à la
nation :
Tu es ignorante, c'est vrai; tu es aveu-
gle et tu voudrais voir clair, nous le sa-
vons. Mais il nous plaît qu'il en. soit
ainsi, car déjà tu nous échappes; déjà tu
t'es soustraite en partie à notre tutelle.
Que serait-ce donc le jour où, émergeant
de la nuit profonde où, depuis des siè-
cles, nous avons eu la prudence de te
maintenir prisonnière, les vérités que
nous te dérobons t'apparaîtraient tout à
coup aux lumières indiscrètes de la
science? Non, non; reste ignorante, il le
faut; nous te laissons le ciel; c'est bien
le moins que tu nous laisses la terre.
Ignorance, sainte ignorance ! priez
pour l'Eglise et pour la monarchie !
E. SCHNERB.
+ ———————————————
On lit dans la Correspondance républicaine :
M. de Saint-Vallier, notre représentant
extraordinaire à Nancy auprès du gouver-
nement allemand, est arrivé à Paris di-
manche soir et a été reçu hier matin par
M. Thiers.
M. de Saint-Vallier avait sollicité et ob-
tenu, il y a quelque temps de cela, un
congé de deux mois. Survinrent lespluies.
Les baraquements furent inondés : M. de
Saint-Vallier prit toutes les mesures né-
cessaires afin que les réparations se fis-
sent immédiatement, et, lorsqu'il fut bien
.convaincu que les Allemands ne se plain-
draient pas et qu'ils n'iraient pas loger
chez les habitants , il profita de son
congé.
M. Thiers l'a reçu avec beaucoup de
cordialité et l'a remercié très-chaleureuse-
ment de tous les services qu'il rendait au
pays en cherchant surtout à éviter tout
froissement entre nos populations, encore
sous le coup de l'occupation de nos en-
nemis.
En parlant de la situation du pays, M.
de Saint-Vallier certifia à M. Thiers que le
pays était pour lui et avec lui. Ce à quoi
le président répliqua vivement :
- Vous avez raison : je le sais et je le
sens. La France est en grande majorité ré-
publicaine conservatrice ; aussi je reste-
rai ferme sur le terrain du message.
M. de Saint-Vallier a cité au président
ce fait :
Le 1er décembre, les journaux de San-
Francisco annoncèrent que M. Thiers avait
été remercié et le maréchal Mac-Mahon
mis à sa place. Une consternation générale
s'ensuivit : la colonie francaise était au
désespoir. La France est perdue, disait-on;
mais le surlendemain, lorsqu'on apprit que
la nouvelle était fausse, une joie immense
éclata et la ville fut illuminée.
Il en est de même dans tous les pays,
ajouta M. de Saint-Vallier : les étrangers
vous rendent eux-mêmes cette justice que,
seul, vous pouvez, en face des monarchis-
tes, ou plutôt des anarchistes, rétablir le
calme en France et assurer la Répu-
blique.
M. Thiers a été très-content de cette
entrevue.
M. de Saint-Vallier quitte Paris aujour-
d'hui pour se rendre dans sa famille.
+ ———————————
CEUX QUI SE PLAIGNENT
Voilà trois ans que nous sommes en
République, il n'y a pas à le nier, et nos
affaires n'en vont pas plus mal, en dé-
pit des efforts et des propos de tous les
mécontents qui cherchent à mettre des
bâtons dans les roues du char de l'Etat.
Nous sommes en République et jamais
nouvelle année ne s'est présentée sous
de plus heureux et de plus brillants
auspices. Je voyais encore ce matin un
commerçant qui m'affirmait n'avoir
point souvenance d'avoir fait depuis plûs
de vingt ans un pareil jour de l'an. Les
recettes avaient dépassé d'un tiers ses
plus belles années. Ceux qui achètent ne
sont donc point ruinés et ceux qui ven-
dent s'applaudissent de la reprise des
affaires.
Il suffit de regarder autour de soi
pour voir partout des mines rayonnan-
tes et épanouies. C'est le meilleur argu-
ment contre ceux qui cherchent matière
à des jérémiades.
Et cependant les épreuves ne nous
ont point été ménagées ; après une guer-
re si niaisement entreprise, nous avons
eu les indemnités à payer ; après les in-
demnités sont venues les inondations ;
mais rien n'y fait : le pays vient à bout
de tout depuis qu'il est le maître de ses
affaires et qu'il a ressaisi ses destinées,
si cruellement compromises entre des
mains inhabiles.
Je sais bien qu'au cuisant désespoir
d'une meute de courtisans faméliques, il
n'y a plus à faire de ces toiles dont la flat
terie seule a la recette et où l'on voit un
héros couronné qui se couvre d'une
gloire sans péril, tandis que de pauvres
diables se font casser bras et jambes. Je
sais bien que l'on n'exposera plus de ces
tableaux, où brille à la première place
un prince, généreux de nos écus, qui
distribue à pleines mains aux malheu-
reux l'argent qu'il a puisé dans nos po-
ches. Mon Dieu ! non, en République les
choses se passent plus simplement et la
vérité n'y perd rien, ce sont tous les
membres de la nation qui s'assistent et
s'entr'aident les uns les autres, et les sa-
crifices que chacun est obligé de faire
pour venir au secours de son semblable,
ne sont point travestis en des libéralités
faciles et peu coûteuses, pour le plus
grand profit et le plus grand honneur
d'un seul et le succès d'une dynastie.
Aussi les gens de bonne foi, qui ne
courent pas après les place.s, qui ne sont
point les dupes de ces flagorneries in-
téressées, qui prennent les choses pour
ce qu'elles valent, et qui n'estiment ce
qu'elles valent que d'après ce qu'elles
produisent, en arrivent à cette conclu-
sion, si facile à saisir sans commentaire:
vingt ans de prospérité nous ont con-
duits à Sedan en passant par la guerre du
Mexique, et trois ans à peine de Répu-
blique nous ont permis de panser nos
blessures, de payer le rachat de notre
sol et d'entrevoir le jour prochain où la
France sera délivrée enfin de l'occupation
étrangère.
Il faudrait être bien entêté ou bien
maladroit pour hésiter entre les deux,
et les résultats sont si manifestes et si
palpables, que le choix ne saurait être
un instant douteux entre l'empire, qui
nous a perdus, et la République, qui nous
sauve ; ce serait plus que de l'ingratitude,
il y aurait de la bêtise à hésiter dans ses
préférences. -
A lire cependant certains journaux,
les choses se présentent sous l'aspect le
plus sombre et le plus navrant. Croque-
mitaine (lisez : radicalisme) n'attend que
l'occasion pour sortir de sa boîte ; jamais
il n'y a eu autant de gens écrasés que
sous la République, le macadam impérial
était bien moins crotté que le pavé
républicain; et le temps, ah ! oui, par-
lons du temps, jamais il n'a tant plu que
sous, cette forme de gouvernement, qui
a porté l'anarchie jusque dans les ré-
gions supérieures ! Tout cela serait gro-
tesque et misérable si l'on ne trouvait
là-dessous les plus mauvaises passions
au service des intérêts les plus mes-
quins
Les affaires ne vont si mal, pour
ceux qui écrivent ou se persuadent ces
choses, que par la seule raison qu'ils
n'ont plus en main le pouvoir, et qu'il
ne dépend plus d'eux de faire le chaud
ou le froid. C'est l'histoire du renard qui
a la queue coupée; allons, messieurs,
tournez-vous donc de grâce, et l'on
vous répondra.
Les choses ne vont si mal aux yeux
de ces décavés de la politique que
parce qu'il n'y a plus de listes ci-
viles inscrites au budget; mais c'est là en
vérité une belle et bonne économie de
trente millions par an, et nous avons
bien besoin de faire des économies pour
réparer des sottises qui ne sont pas les
nôtres. Parce que ces gros traitements si
doux à émarger, ont été supprimés; par-
ce que tout se prépare pour entrer en-
fin dans une voie de réformes sé-
rieuses, qui doivent substituer le régime
de la loi aux fantaisies du bon plaisir,
ces malheureux en sont réduits à faire
les chevaliers de la triste figure. Mais
c'estprécisémentpour cela que nous trou-
vons, nous, que les choses ne vont pas
si mal ; et plus les plaintes sont vives
d'un certain côté, plus c'est une raison
pour le pays de se réjouir et d'être
convaincu, comme il le fait, comme il le
prouve par son ardeur, que ses affaires
n'ont jamais si bien marché.
GEORGES GUIFFREY.
+ ————————————
LES RÉCEPTIONS DU 1 EH JANVIER
Voici quelques détails sur les réceptions qui
ont eu lieu mercredi à Versailles :
Le président de la République est ar-
rivé à Versailles à neuf heures précises.
A dix heures, il s'est rendu, accompagné
de tous les ministres et de M. Barthélemy
Saint-Hilaire, chez le président de l'Assem-
blée nationale.
Un escadron de cavalerie accompagnait
le cortége présidentiel. Un peloton de gen-
darmerie mobile formait la haie dans la
cour de la présidence.
Le président de l'Assemblée, entouré des
vice-présidents, des assesseurs et des secré-
taires de la Chambre, a reçu M. Thiers.
L'entrevue des deux présidents a duré
quelques instants ; elle a été empreinte
d'une grande cordialité. M. Thiers est en-
suite rentré à la présidence.
A onze heures, M. le président Grévy,
accompagné de tout le bureau de l'Assem-
blée, a rendu visite au président de la Ré-
publique avec le même cérémonial.
Les honneurs militaires lui ont été ren-
dus sur son passage, comme au président
de la République; les tambours des postes
battaient aux champs, les hommes présen-
taient les armes.
Le président de l'Assemblée a été reçu
sur le perron de la présidence par le colo-
nel Lambert, qui l'a introduit auprès de
M. Thiers. Aucun discours n'a été pronon-
cé ; il n'y a eu qu'un échange de cordiales
politesses.
Les réceptions ont commencé ensuite,
dans l'ordre indiqué par le Journal officiel.
Les députés de toutes nuances, actuelle-
ment résidant à Paris ou à Versailles,
s'étaient empressés de venir saluer M.
Thiers.
Le duc de Broglie est arrivé un des pre-
miers.
Le président de la République se tenait
dans le milieu du grand salon. Il avait à
ses côtés le maréchal de Mac-Mahon (dont
l'état-major restait dans le fond du salon,
ainsi que celui du ministère de la guerre),
tous les ministres et M. Barthélemy Saint-
Hilaire.
L'amiral Pothuau, encore malade, est le
seul membre du cabinet qui n'assistât pas
aux réceptions. Il était remplacé par le
secrétaire général du ministère de la ma-
rine.
Chaque ministre a présenté au président
de la République les administrations ou
les corps ressortant de son département.
Les députations qui se présentaient chez
le président montaient par l'escalier de
gauche, traversaient le grand salon, sa-
luaient M. Thiers au passage et défilaient
devant lui pour ressortir par l'escalier de
droite. M. Thiers serrait la main des per-
sonnes de 8sa connaissance et échangeait
avec elles quelques paroles.
Seul, le corps diplomatique, introduit
par M. Feuillet de Couches, est resté quel-
ques minutes dans le salon. Il était au
grand complet; on remarquait, parmi les
membres, l'ambassade japonaise et l'am-
bassade birmane. Les membres de cette
dernière portaient le costume national en-
tièrement blanc. Le président de la Répu-
blique a causé avec les membres du corps
diplomatique, allant de l'un à l'autre,
pendant que ceux-ci échangeaient avec les
ministres des paroles de politesse.
Les réceptions ont ensuite continué; elles
étaient terminées à 2 heures.
Une grande simplicité a présidé à toutes
les réceptions; il n'y avait aucun apparat.
Les membres des administrations civiles
étaient en frac, les militaires et les marins
en grand costume.
Le Président de la République portait
un habit noir boutonné qui laissait en-
trevoir le grand cordon de la Légion
d'honneur et le collier de la Toison d'or.
Il portait également la plaque de grand-
officier ec à la boutonnière une brochette
de nombreuses décorations : chacun a
pu se convaincre de son état de parfaite
santé.
M. Thiers paraissait tout heureux des
nombreux témoignages de sympathie qu'il
recevait.
M. Thiers a échangé, hier, des paroles
cordiales avec les principaux membres du
corps diplomatique : MM. S. de Olozaga, le
comte d'Arnim, comte d'Aponyi, lord Lyons
et Nigra.
Tous les députés présents à Paris, sans
distinction de nuances, sont venus saluer
M. Thiers aux réceptions de Versailles ou
à la soirée de l'Elysée.
+ ——————
INFORMATIONS
M. Thiers dînait hier soir à l'ambassade
d'Autriche.
Il se pourrait que le départ de M. Thiers
de l'Elysée, fixé d'abord à lundi, fût remis
à mardi matin.
Les derniers renseignements reçus à
Paris sur la santé du grand-duc héritier de
Russie, font espérer que la robuste cons-
titution du prince triomphera du mal dont
il est atteint.
Une dépêche de Rome annonce que M.
de Corcelle accepte le poste d'ambassadeur
auprès du Pape.
Un journal d'Ecosse a reçu de son cor-
respondant la nouvelle suivante, sur les
négociations dont s'occuperait en ce mo-
ment M. Léon Say avec la maison Roths-
child pour la garantie des sommes encore
dues à l'Allemagne.
M. Léon Say est un vieil et intime ami
de la famille Rothschild, et le seul obstacle
au succès des négociations est, dit le jour-
nal dont nous parlons, la question de la
division des bénéfices parmi les banquiers
qui devraient se joindre à la maison Roths-
child dans cette affaire. Le gouvernement
francais a entre les mains 440 millions de
francs, en traites étrangères, qui viendront
à échéance dans cent cinquante jours. Il
doit encore à l'Allemagne 1 milliard 100
millions de francs.
Le gouvernement allemand a été infor-
mé d'un payement de 200 millions de
francs, qui doit lui être effectué le 15 jan-
vier, et du payement d'une somme égale le
15 des mois de février, mars, avril et mai.
Le reste de la. dette sera immédiatement
soldé, si les négociations avec la maison
Rothschild et ses associés arrivent à bonne
fin.
La sous-commission des trente n'a pas
encore remis à M. Thiers le procès-verbal
de la dernière entrevue qui a eu lieu, com-
me on sait, samedi dernier, à l'Elysée.
On croit que cette communication sera
faite vendredi prochain, l'avant-veille, par
conséquent, de la nouvelle réunion de la
sous-commission, annoncée pour diman-
che prothain chez M. de Broglie.
Les journaux anglais annonçaient hier
qu'un accident était arrivé au prince Hum-
bert.
Le prince, précipité de sa voiture, en au-
rait été quitte pour quelques contusions.
Nous trouvons d'autre part, dans les
journaux italiens, les renseignements sui-
vants :
« Ce matin, 31, au rendez-vous de la
chasse au renard, les chevaux du grand-duc
de Leuchtenberg, qui conduisait lui-même
sa voiture, se sont emportés; ils se sont
rués sur le carrosse du prince Humbert.
Le prince, qui conduisait, et le capitaine
Brambilla, qui l'accompagnait, ont été pré-
cipités à terre par la force du choc, sans
qu'heureusement sa chute ait été suivie de
graves conséquences. Le prince, montant à
cheval, a pris part à la chasse.
M. de Bruchard, général de brigade com-
mandant la subdivision de la Hante-
Vienne et de la Corrèze, est placé dans la
2e section du cadre de l'état-major général
de l'armée.
M. de Brinceurt, général de brigade en
disponibilité, est nommé au commande-
ment de la 1 ft; brigade de la 1 fi' division
du 3 corps d'armée.
Nos lettres de Champagne nous signa-
lent des faits qui causent un grand scan-
dale et qui devraient cesser.
Il y a, à X., une maison de vins de
Champagne qui a créé cette honteuse éti-
quette : Grand vin des Cuirassiers de Bis-
marck, — 1870-1871. Nous pensions qu'au
moins cette maison était allemande ; mais
il n'en est rien, et non-seulement sondirec-
teur est Français, mais il est encore mem-
bre du conseil municipal. En outre, ex-
clu après la guerre du cercle dont il fai -
sait partie, il a trouvé six voix de majorité
pour le maintenir membre du cercle de sa
ville. Qu'il soit membre du Cercle, cela
ne fait tort qu'à la ville, et c'est déjà trop;
mais qu'il occupe au conseil muuicipal un
siège dont il est notoirement indigne,
c'est un véritable scandale.
Le banquier russe dont nous avons parlé
hier, à propos d'un nouveau don qu'il a
envoyé à Mme Thiers, se nomme Ephrussi,
et non Errazu, comme on nous l'a fait
dire.
Nos lecteurs, qui sont au courant de l'in-
cident que nous rappelions, auront déjà rec-
tifié l'erreur.
Une décision récente du ministre de la
guerre, relative à l'appel de la classe de
1871, a fait connaître que la mise en route
des jeunes soldats s'effectuerait du 25 au
31 décembre dernier.
Les dépêches des départements, reçues
au ministère, constatent que partout cette
opération s'est accomplie dans le plus grand
ordre, que beaucoup de jeunes gens sont
arrivés à leurs corps sans avoir profité de
tous les délais d'étapes, et que le nombre
de ceux qui ont demandé des sursis de dé-
part est très-faible.
Il n'y aura pas de session d'assises pen-
dant la première quinzaine de janvier, les
listes nouvelles du jury n'ayant pas été
préparées en temps utile.
La première chambre de la cour a pro-
cédé mardi au tirage du jury, qui entrera
en fonctions le 16 janvier, par application
de la loi du 21 novembre dernier.
Une dépêche arrivée hier matin, qui
confirme de la manière la plus précise et
la plus douloureuse la nouvelle de la mort
de M. le vicomte Daru, a été communi-
quée au Français. Le jeune diplomate était
allé en mer avec des matelots japonais : il
y a trouvé la mort.
M. Appollinaire Le Bas, ingénieur de la
marine, ancien conservateur du Musée na-
val, est mort à Paris le 1er janvier.
C'est à lui que Louis-Philippe avait con-
fié la mission de rapporter d'Egypte et
d'ériger sur la place de la Concorde l'obé-
lisque de Loucqsor. Il accomplit cette mis-
sion avec tout le succès que l'on attendait
de ses connaissances et de son talent.
M. Pardeilhan-Mezin, ancien préfet sous
Louis-Philippe et secrétaire général de M.
le comte Duchâtel, vient de mourir subi-
tement à Pau. Il était l'un des trois préfets
qui refusèrent de prêter serment à l'empire
après le coup d'Etat. Retiré à Pau, sa ville
natale, il jouissait de l'estime toute parti-
culière de ses concitoyens. Il a maintes fois
refusé les faveurs de l'empire, entre autres
celle de faire partie du conseil d'Etat. M.
Pardeilhan-Mezin était gendre de M. Ma-
nescau, qui a été durant de longues années
maire de Pau et député sous la Constituante
de 1848.
Le public continue à se rendre avec em-
pressement aux bureaux établis à la Bourse
pour la recenstitution des actes de l'état
civil. Il se présente par jour environ cinq
cents personnes. On compte que chaque
personne apporte, en moyenne, des pièces
pour la reconstitution de quatre actes :
naissance, mariage ou décès ; c'est donc à
peu près deux-mille actes qui se trouvent
rétablis chaque iour. L'école de droit a en-
voyé, pour sa part, plus de trente mille
actes de naissance déposés par les candidats
aux examens de la faculté. De leur côté,
les greffes de province en expédient un
contingent assez considérable; le dernier
délai pour les déclarations est fixé au 25
février : avis aux retardataires qui pour-
raient bien, dans les derniers jours, être
exposés à l'ennui de faire queue.
Le conseil municipal d'Albi vient de se
pourvoir devant le conseil d'Etat contre
l'arrêté du préfet du Tarn, qui annule une
délibération d'adresse à M. Thiers, cette
délibération ayant un caractère privé.
On lit dans le Messager de Toulouse :
On confirme l'arrestation de deux mem-
bres de notre conseil municipal, prévenus
d'affiliation à l'Internationale.
Un autre personnage, trèS-COURu à Tou-
louse et compromis dans les affaires de
la Commune, serait également sous les
verrous.
M. Robert Bowles, chef de la succur-
sale de la maison de banque, à Paris, du
même nom, qui a été déclaré en faillite,
vient d'être traduit, à Londres, devant la
cour d'assises pour avoir emprunté de l'ar-
gent sur des valeurs remises en dépôt par
les clients de cette maison.
Le régime de tolérance adopté à titre de
réciprocité en matière de passe-port entre
la France et divers Etats européens, vient
d'être étendu aux relations de voyage entre
la France et l'Allemagne. Cette mesure est
applicable à partir du 1er janvier 1873.
C'est le mardi 31 décembre, à trois heu-
res et demie du soir, que la division iia-*
vale de M. le contre-amiral Hugueteau de
Challie, signalée depuis la veille par le télé-
graphe du cap Corse, a doublé la pointe de
la Grosse-Tour pour entrer à Toulon.
Il tombait dans ce moment une averse
tellement intense que l'horizon était com-
plètement embrumé. On distinguait ce-s
pendant des ombres de navires défilaù
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