3 MESSIDOR. AN 130. — IT 18820
Le numéro : QumzE CENTIMES
JEUDI 22 JUIN 1922. — IT 18820
Fondateur* (1869) t
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
On aD Six mois Trois mots
SEINE & S.-ET-OIS&. 38 N 20 » 10 »
FRANCE & COLONIES.. 41 » 22 » IL »
ETRANGER 49 » 25 » 13 »
Adresser toutes les communications
au fiirpintfttin
Rédacteur en chef »
RAYMOND LANGE
Pour la Publicité, s'adresser
aux bureaux du journal.
ON S'ABONNE SANS FRAIS DANS
TOUS LES BUREAUX DE POSTE
ADMINISTRATION & REDACTION :
1. Boulevard de Strasbourg, 38 — P ARXS
Directeur : EDMOND DU MESNIL
TELEPHONES :
BÉSacilon oi aCmInIstratlon : nom 24-9 Û, 24-91-— AprtelO S- tu soir : Raquette M-3î
T R IB U NE LIBRE v
Modernisme et Humanités
O e >-————————————
II est étrange de voir la plupart des
avocats de l'Enseignement classique an-
cien plaider comme si leur client était
accusé d'un crime capital et menacé de
condamnation à mort. Est-il, en France,
un seul lettré qui avoue ou qui nourrisse
secrètement le dessein de tuer la culture
gréco-latine ? Nous, les « modernistes »,
qui apparaissons comme les ennemis de
cette culture, nous sommes, au contraire,
.$es vrais amis, ses plus utiles partisans.
Nous voulons, en effet, lui rendre un
rtriple service : ramasser en profondeur
ses forces aujourd'hui diluées en surface ;
imprégner les âmes de sa substance au
lieu de les barbouiller de ses couleurs et
enfin nous conformer à son esprit au lieu
pe nous en tenir à sa lettre.
.: Il y a plus de 100.000 élèves dans les
lycées et collèges. Personne ne conteste
qu'ils doivent tous absorber une forte do-
se de français, de sciences, de langues vi-
vantes, d'histoire et géographie. Avec la
réduction des horaires et la nécessité de
l'éducation physique, qui oserait dire
qu'ils sont tous capables de recevoir, en
plus, l'enseignement du latin et du grec ?
La généralisation de cet enseignement le
fera certainement baisser. Nous voulons,
au contraire, le relever en le réservant à
une élite.
Pour qu'une génération puisse être il-
luminée par la civilisation antique, il suf-
fit que quelques milliers d'esprits s'y
soient éclairés directement et que quel-
ques hommes supérieurs en portent le
flambeau. On ne faisait pas de grec dans
la plupart des collèges du dix-septième
siècle. Et pourtant cette grande époque
de notre littérature était toute pénétrée
d'hellénisme. Et qu'on ne vienne pas
nous dire que c'est à travers Rome qu'on
connaissait Athènes. Comme si tous ceux
de nos grands écrivains qui ne savaient
pas le grec s'étaient épris du charme de
Platon en lisant un dialogue de Cicé-
ron et de la beauté de Sophocle en li-
sant une tragédie de Sénèque!
C'est dans les traductions françaises
qu'ils avaient appris à connaître et à ai-
mer les chefs-d'œuvre grecs, Et c'est avec
des traductions françaises, et pas autre-
ment, qu'on peut donner une connais-
sance réelle et profonde de l'antiquité
aux élèves des .lycées, qu'ils fassent du
latin et du grec ou qu'ils n'en fassent
pas. Ceux qui en font, en effet, ne tradui-
sent que des morceaux détachés. « Or,
écrivait le professeur Benoist, le jeune
homme qui a été soumis dix ans à ce
régime, connaît-il les auteurs et a-t-il
étudié l' antiquité ? Pour ce qui est de
connaître les auteurs, je lui refuse nette-
ment cet avantage. Je me rappelle ce que
j'étais et je suis entré des premiers à
Normale! »
Cet avantage, Edmond About déclare
qu'on peut l'acquérir sans être latiniste.
« Supposez, dit-il, qu'un professeur ait
pour programme d'initier ses élèves au
génie des anciens. Il leur lira en vingt
mois une trentaine de chefs-d'œuvre tra-
duits du grec et du latin.Tous les élèves
écouteront avec plaisir, car la matière
est variée et intéressante ; ils verront bien
clairement qu'ils s'agit d'élever leur es-
prit au niveau de ce qu'il y a eu de plus
grand, par la connaissance générale de
J'antiquité. Là, sans effort surhumain,
toute une génération saura en deux ans
ce que nous n'avons pas appris en huit
années ! ))
- i»
Et il restera du temps pour former
lame de notre jeunesse intellectuelle au
contact des connaissances modernes. Ce
faisant, nous nous inspirerons des prin-
cipes essentiels de la culture gréco-la-
tine. N'en prennent-ils pas le contre-
pied ceux qui prétendent qu'il faut don-
ner aux jeunes gens une âme antique ?
Et lorsqu'on les pousse, ils déclarent, si
paradoxal que cela paraisse, qu'il le faut
même au point de vue scientifique.
Ce à quoi il faut veiller, c'est à ce que
cette transformation ne soit pas une dé-
viation, à ce qu'elle se fasse dans le sens
du vrai perfectionnement. En ce qui
concerne la découverte de la vérité, il
n'y a point de danger. Mais il n'en va
pas de même pour la réalisation du beau.
Là, il faut toujours entendre un diapa-
son, il faut toujours consulter une norme.
Eh bien, vous en avez une chez vous,
qui est merveilleuse — que les dieux
nous pardonnent notre hybris — c'est
nous qui l'avons réglée.
C'est votre classicisme français. Nous
en avons fait un modèle de mesure et
d'harmonie. Il est là, sous vos yeux.
N'allez pas faire perdre à vos jeunes
éphèbes sept ou huit ans de leur vie à
se faire une idée précise — ils n'y arri-
veront jamais parfaitement — du modèle
de leur modèle naturel. Ce serait con-
trais à la loi du progrès, donc à la loi
de la raison. Lorsqu'un de nos messagers
de victoire courait, à perdre haleine,
vers sa patrie, il tournait de temps en
temps la tête en arrière pour voir les
feux du dernier signal et aussi, s'il le
pouvait, quelque flamboiement des au-
tres, mais il ne s'arrêtait point pour es-
sayer de découvrir, dans les brumes loin-
taines, tout le rayonnement des pre
miers.
Hippolyte DUCOS,
Député de la Hte-Garonne.
ÉDITORIAL
En Tunisie -
• Les nouvelles qu'on nous
donne du Bey de Tunis,
sont pour -ajouter au souci
de la question tunisienne.
Car il y a bel et bien une
question tunisienne, mal
;connue du Gouvernement,
du Parlement, qui repose sur des erreuis
de bureaucratie, et sur la méconnaissan-
ce de la psychologie indigène.
On ne saurait, hélas" conserver tou-
jours un Paul Cambon, ni confier à un
Lyautey tous les grands postes à la fois.
Mais ces ministres-là sont coupables,
qui choisissent sans discernement les di-
plomates ou les hauts fonctionnaires,
chargés de représenter la France à
l'étranger, dans les colonies,, et dans les
pays de protectorat.
Notre situation matérielle et morale
en Tunisie était, jusqu'à ces temps der-
niers, excellente. -
L'élite éclairée des Tunisiens et le
Gouvernement du Bey reconnaissaient
loyalement les bienfaits de notre protec-
torat. La régence avait atteint — grâce
aux travaux d'aménagement entrepris
par nos soins — un bien-être et une
prospérité indiscutés. Une politique cor-
diale et confiante à l'égard des indigè-
nes, digne du prestige moral et du gé-
nie généreux de la France, était pour
sceller une collaboration féconde, et pour
contribuer à l'épanouissement de notre
politique musulmane.
La politique — dans le sens mauvais
du mot — est venue soudain compro-
mettre une œuvre heureusement entre-
prise.
La bande à Clemenceau - néfaste à
l'intérêt français partout où elle a porté
les mains — avait besoin « d'épices »
pour des juges dociles de la Haute-Cour.
Elle avait ses créatures à nantir, et
l'on distribua l'Algérie ei la Tunisie,
comme des pourboires, à des politiciens
incapables. Puis vinrent des ministres
de coterie, soucieux de bien placer de
« chers camarades ».
Ainsi M. Saint, dont le génie diplo-
matique était fait pour illuminer une
sous-préfecture de troisième classe, fut
chargé — -sans que ni son passé, ni sa
culture, ni ses qualités, ni sa prépara-
tion ne le désignassent — de dénouer un
échevteau délicat, où s'enchevêtrent tou-
tes les complexités et les finesses de
l'Orient.
Aujourd'hui on voudrait nous donner
à entendre que la Tunisie se porte vers
le communisme. Disons plutôt que le
communisme essaie de se porter vers la
Tunisie,, comme partout où il existe un
foyer de mécontents.
Souhaitons que M. le président du
Conseil se forme.. - avant les débats
prochains de la Chambre sur les affai-
res tunisiennes — un avis personnel sur
la situation exacte de la Régence, que
le parti pris bureaucratique comme la
frivolité des voyages officiels n'ont fait
que déformer.
Edmond DU MESNIL.
Eloge funèbre
des Baraques Vilgrain
Les -baraques Vilgrain se meurent, les bara-
ques Vilgrain sont mortes ! Demain, il n'en
sera plus aux carrefours parisiens. Et le nom
même de l'homme à la culotte rouge ne sera
plus pr loncé que pour l'associer aux machi-
nations louches qui d'onnèrent, lieu au procès
de Nancy.
La Ville avait décidé, pour le bonheur des
Parisiens et la lutte contre la vie chère, de
liquider les stocks qu'elle avait acquis à la
fin de la guerre. L'opération eût pu être heu-
reuse et pour le consommateur et pour le mar-
chand. Malheureusement, e'le fut si mal con-
duite que, définitivement, tout le monde y
perd. « L'exploitation des baraques a coûté
aux Parisiens, disait hier M. Bequet, conseil-
ler municipal et ancien membre de la Com-
mission spéciale du ravitaillement, la baga-
telle de cent à cent vingt-cinq millions ! ».
Tout cela pour faire baisser le prix de la
vie ! C'était y mettre le nrix 1
, On dit.,.
En Passant
Une heure de musique chez les maréchaux
Il y avait musique l'autre soir chez les ma-
réchaux ! Oh ! non point de grande musique,
tonitruante, officielle, ennuyeuse ; mais des
airs de bravoure, de gaieté, de panache, des
airs galants aussi. Car qui dit militaire dit gen-
tilhomme, de ces refrains que chacun jadis
fredonnait et dont certains, de par les siècles,
nous sont parvenus aussi frais et aussi popu-
laires qu'au jour même de leur création.
Dans le délicieux palais de la Légion d'hon-
neur qui est bien la plus jplie demeure offi-
cielle de Paris, les maréchaux campent actuel-
lement, ceux d'hier et même d'avant-hier, à
côté de ceux d'aujourd'hui. Entre les toiles au-
gustes qui nous portent leurs traits, près de
leurs souvenirs héroïques, de leurs habits bro-
dés, de leurs chapeaux à. plumes, de leurs épées
de gloire ou de gala, à côté de l'invraisemblable
casquette du Père Bugeaud, ils recevaient :
c'était pour une belle cause, celle de la sauve-
garde de l'Art français, à laquelle se sont voués
avec une attention dévote le duc de Trévise, le
comte d'Harcourt, le comte d'Andigné et M.
Raymond Escholier.
Ce fut un vrai défilé de nos gloires militai-
res, un défilé par la chanson. Tour à tour, nous
vîmes M. de La Palisse, le duc de Guise, Mal*
brough, Turenne, Noailles, Maurice de 8a*e,
Soubise. Fanfan la Tulipe passa le bout du
nez ;. en dodelinant du chef, l'on reprenait tout
bas les vieux refrains qui charmèrent notre
enfance : « La Tour, prends garde » et « J'ai
du bon tabac ». Le beau Dunois, une fois de
plus, fut fier et magnifique. « As-tù vu la cas-
quette » nous ramena aux jours proches d'hé-
roïsme souriant, car la Madelon de la Victoire,
aussi populaire à Londres qu'à Paris, qu'à
Bruxelles ou qu'à Rome, évoqua l'épopée glo-
rieuse et douloureuse de nos frères poilus.
Souvenirs charmants de tout un passé d'his-
toire éclatante qu'il faut féliciter ceux qui,
pour notre joie, les firent revivre, avant tous
M. Lucien de Flagny, qui sut les présenter avec
un art spirituel et distingué. Heure réconfor-
tante, surtout bien française, où à la leçon des
aïeux, l'on constata une fois de plus qu'il n'est
chez nous de si noble gloire qui ne s'agrémente
d'un sourire.
! JIM.
Aujourd hui
Le fermier moderne.
Voici une nouvelle utilisation de Vaviation
qui ne manque pas d'originalité.
Un gros fermier des environs de Sevenoaks
(comté de Kent) avait un magnifique verger
de 20 hectares qui promettait de superbes ré-
coltes. Quand unç invasion de chenilles me.
naça de dévaster toute la riche campagne.
Il eut une idée géniale, il s'adressa à une
compagnie civile d'aviation et lui 'demanda
d'arroser son verger d'une poudre insecticide
puissante.
Un aviateur, aussitôt, s'envola, plana sur le
verger à une hauteur de 15 à 20 mètres, lais-
sant tomber la bienfaisante poudre dont il
avait emporté 500 kilogrammes.
L'expérience a été un véritable succès. Les
arbres, en un rien de temps, ont été débarras-
sés des chenilles et, — point important, —
l'opération n'a duré qu'une heure et demie et
a coûté bien moins cher que toute autre mé-
thode.
Le Tapln.
Quelques impressions
de M. Vandervelde
M. VaJndervelde, qui, heureusement, n'a pas
été assassiné à Moscou, a envoyé au Journal
des Tribunaux de Bruxelles ses ipremières
impressions. 11 nous apprend que l'instruction
du procès des sociaUistes révolutionnaires a
été dirigée par la femme du communiste qui
fait fonctions d'accusateur, Mme Romorivitch.
« Ajoutons, continue M. Vandervelde, qu'en
attendant l'ouverture du procès, Trotsky,
membre du gouvernement, écrit dans la pres-
se officielle — seule autorisée — des articles
violents contre les accusés et contre les avo-
cats, qu'à plusieurs reprises KTylenko s'est
rendu dans des réunions publiques, non con-
tradictoires, pour faire voter des ordres du
jour réclamant la condamnation de ceux con-
tre qui il varequérir ; que nombre de comités
ouvriers — ou soi-disant tels — adoptent des
résolutions exigeant du tribunaJl (l'application
de la peine de mort ; que des personnes ci-
tées comme témoins à décharge viennent d'ê.
tre arrêtées ; que les défenseurs étrangers, pn
arrivant à Moscou et en cours de route, ont
été accueillis par des manifestations hostiles,
soigneusement organisées et qui risquent de
se Tenouvetter à l'audience ; que la liberté de
réunion 6t de la presse n'existant pas, cette
pression du dehors ne trouve aucun contre-
poids dans d'autres manifestations dé l'opi-
nion publique. Voilà dans quelles conditions
les socialistes révolutionnaires vont être ju-
gés. C'est, à cent vingt-cinq anIS de distance,
le procès de Danton et des Girondins qui re-
commence. »
— ) - -.- ( ——————————
La réorganisation
du Conseil d'Etat
Nous* avons dit hier que M. Louis Bart-hou,
garde des sceaux, avait fait approuver par
le conseil des ministres un projet de loi ten-
dant à modifier l'organisatiop. du Conseil
d'Etat.
Ce projet, qui a été déposé au Sénat, se
substitue à l'ancien projet qui créait de nou-
veaux postes et c'est pour répondre au désir
manifesté par le Sénat lors de la discussion
que le gouvernement a élaboré le projet ac-
tuel, qui ne crée pas de postes supplémen-
taires et est susceptible d'assurer un meilleur
rendement par une nouvelle répartition des
magistrats existants.
La section du contentieux se trouve ren-
forcée par quatre conseillers pris dans cha-
cune des sections administratives.
Rien n'est changé à la section de législa-
tion, qui reste une deuxième section adminis-
trative.
Les membres du Conseil d'Etat ne pourront
plus être délégués dans les fonctions publi-
ques que pour une durée maximum de deux
années. A l'expiration de cette période, ils
pourront rester dans l'administration, mais
devront être mis en disponibilité ; ils conser-
veront cependant le droit de rentrer au Con-
sla d'Etat lors de la première vacance qui
suivra la cessation de leurs fonctions. C'est
le cas des conseillers d'Etat chargés de mis-
sion ou délégués dans les fonctions de direc-
teur ou chef de cabinet.
D'autre part, la limite d'âge des conseillers
d'Etat est portée à 75 ans, mais par décision
du conseil des ministres, des mises à la re-
traite pourront être prononcées par anticipa-
tion.
POLI-TIQUE ETRANGERE
En attendant les Russes à La Haye
La Commissiol) des garaoties opère à Berlin
■*. a—ii .1 ■
On est sans nouvelles à La
Baye de la délégation sovié-
tique !. Bizarre. Après avoir
tant voulu affronter la discus-
1 sion internationale, les Russes
seraient-ils déjà découragés t
C'est peu probable. Il se confirme cependant
que Tchitcherine ne viendra pas en Hollande.
Est-il suspect â Moscou pour s'étre abaissé
à accepter un déjeuner du roi d'Italie f
Une atmosphère de cordialité réconfortante
règne, parait-il, à La Haye. Pas de tiraille-
ments, pas d'emballements, aucun énervement.
Pourvu que ça dure ! ,<
Mais tout cela ne changera-t-il pas dès qu'on
en sera aux questions brûlantes et dès que
seront arrivés les voyageurs moscovites f
*
**
Dans quelques jours, M. Lloyd George rece-
vra M. Schanzer. Le ministre 'des affaires
étrangères d'Italie accompagne actuellement
son souverain en Danemark. Au retour, il pren-
dra le chemin des écoliers en faisant un cro-
chet par Londres.
Londres et Rome sont déjà d'accord : c'est
surtout Rome qui est d'accord avec Londres
et qui suit docilement la politique anglaise.
Les deux ministres parleront de La Haye, na-
turellement. Ils s'efforceront de rapprocher
leurs points de vue, jusqu'alors divergents en
'ce qui concerne la question, grecque et turque.
*
**
La commission des garanties fait une tour-
née de visites à Berlin. Chargée d'organiser
le contrôle des finances allemandes, elle tâte
le. terrain. Et, naturellement, les Allemands
font des objections. Ce qu'ils voudraient, avant
tout, c'est arrUer la baisse du mark. Louable
intention, mais qui ne changerait rien, pro-
visoirement du moins, à la question des 'répa-
rations. N'embrouillons donc pas les affaires
et que la commission des garanties suive sa
voie 1
R. L.
f Les Commissions
Au cours de la séance tenue hier matin par
la réunion préliminaire de la Conférence, M.
Pattijn (Hollande) a été choisi comme prési-
dent de la commission d'experts et M. Cattier
(Belgique) comme vice-président. Sir Philip
Greame a été désigné pour présider la sous-
commission des biens privés, M. Alphand celle
des dettes, M. Trezzano celle des crédits.
M. Trezzano a proposé que le président et
le vice-président de la commission constituent
avec les présidents des sous-commissions un
bureau pour l'expédition des affaires et la ré-
glementation intérieure de la Conférence. La
proposition a été adoptée.
M. Cattier a fait accepter ensuite que seul
le président de la commission non russe se
mette en relations avec le président de la com-
mission russe pour demander que celle-ci se
divise en trois sous-commissions, à l'exemple
de la commission non russe. Si les Russes
acceptent, les présidents des trois sous-com-
missions serviront d'intermédiaires entre les
Russes et sous-commissions non russes pour
des questions les concernant respectivement.
La présidence de la Conférence n'a encore
reçu aucune notification officielle de la com-
position de la délégation russe.
On signale toutefois la présence de M. Ioffe
à La Haye.
Le gouvernement des Soviets russes a de-
mandé des facilités de voyage et de sécurité
pour cinq personnes, qui composeront la délé-
gation, sans les nommer officiellement.
Les sous-commissions commenceront dès de-
main leurs travaux préliminaires. Il est pro-
bable qu'elles décideront de dresser d'abord
un questionnaire destiné aux sous-commissions
correspondantes à désigner par les Russes.
EN ATTENDANT LES RUSSES
La commission décidera par quelles voies
elle entrera en contact avec les Russes. Il est
probable à ce point de vue que les premiers
contacts se borneront à des entrevues entre
le président de la commission et le chef de
la délégation russe.
On ne sait rien ici, des dispositions dans
lesquelles les Russes aborderont les débats à
La Haye, mais on ne se dissimule pas que,
si leurs dispositions sont aussi intransigean-
tes que le représentent les nouvelles étran-
gères, la vie de la Conférence se trouvera con-
sidérablement abrégée.
REVENDICATIONS ROUMAINES
M. Diamandi, représentant de la Roumanie
à la Conférence de La Haye, a le mandat pré-
cis de n'accepter à aucun prix que les droits
de la Roumanie sur la Bessarabie, consacrés
par tous les Etats qui ont participé à la Con-
férence de Gênes, à l'exception de la Russie,
y soient remis en discussion. De plus, M. Dia-
mandi aurait la mission de tâcher d'obtenir
que le gouvernement des Soviets prenne des
engagements formels relativement à la resti-
tution intégrale des valeurs roumaines con-
fiées par la Roumanie à la Russie en 1917.
En ce qui concerne les autres questions qui
feront l'objet des débats de la Conférence de
La Haye, le représentant de la Roumanie s'ef-
forcera d'être d'accord avec les délégués de la
France et de l'Angleterre. Les mêmes instruc-
tions ont été données à ce sujet par les gou-
vernements des autres Etats de la Petite-En-
tente à leurs déléeuéa
, L' ACT U ALI T E'-- -
£
Mme Bassarabo a garde son secret
mais sa fille, Paule Jacques, l'a dénoncée
Après ce coup de théâtre, le jury acquitte Paule Jacques
et condamne liera Myrtel à vingt ans de travaux forcés
II faut rendre cette justice à Mme Bassa-
rabo qu'elle, du moins, aura joué son rôle
jusqu'au bout. Mais, sans doute, celui qu'el-
le avait imposé à sa fille était trop lourd
pour elle. Le sacrifice que sa mère lui de-
mandait était au-dessus des forces de Paule
Jacques. La peur lui a donné la volonté de
se soustraire à l'étrange pouvoir de fasci-
nation qui arrêtait le secret sur ses lèvres.
Et Paule Jacques, enfin a parlé.
Est-ce bien un secret qu'elle a révélé ?
La jeune fille, à la vérité, n'a fait que ré-
péter les aveux qu'elle avait formulés au
début de l'instruction. Mais 'c'était assez
pour ruiner d'un seul coup le système de
défense imaginé par sa mère, et de la ma-
gnifique plaidoirie de M* de Moro-Giafferri
il ne restait rien.
Peut-on dire que cet aveu renouvelé à
l'heure suprême a eu une grande influence
sur le verdict ? Paule Jacques, peut-être, y
a gagné son acquittement, mais il ne pa-
raît pas avoir beaucoup influé sur le sort
d'Héra Myrtel. En sorte que la jeune fille
n'aura pas à se reprocher d'avoir fait con-
damner sa mère.
Les aveux
M* Raymond Hubert, avocat de Paule
Jacques venait, en quelques mots, de plai-
der l'innocence de sa cliente, lorsque le
président adressa à la jeune fille la ques-
tion sacramentelle : c Accusée, avez-vous
quelque chose à ajouter pour votre dé-
fense ? >
Alors, Paule Jacques se lève, en proie à
une violente émotion, et prononce-à travers
ses sanglots :
« Je vous ai promis la vérité, je vais
vous la dire. A six heures du matin, j'ai été
réveillée par une détonation. J'ai appelé ;
on ne m'a pas répondu. Je suis allée à la
porte de la chambre de ma mère, qui était
fermée à clef. J'ai crié : « Maman, maman,
qpie se passe-t-il ? > J'ai entendu quelqu'un
qui se gargarisait dans la pièce à côté.
Puis ma mère a ouvert la porte. J'ai regar-
dé alors dans la chambre, et sur le lit j'ai
vu, se reflétant dans la glace, le corps d'un
homme. J'ai crié à ma mère : « Qu'as-tu
fait ? » Elle m'a répondu: < Il voulait me
tuer. C'était lui ou moi. > Et elle a ajouté :
c Je ne veux pas de scandale dans la mai-
son. » Sur son ordre, je suis allée au gre-
nier chercher la malle. Après, j'ai fait tout
ce qu'elle m'a dit. »
D'une voix de moins en moins distincte,
sous les regards de sa mère qui n'a cessé de
la suivre depuis le début de cette scène, la
jeune fille continue son récit. Elle avoue
avoir écrit le billet bleu attribué par sa
mère à Bassarabo. C'est elle aussi qui a si-
gné le pouvoir qui devait permettre à sa
mère de disposer des biens du ménage en
cas d'absence du mari. « Il n'y a pas d'au-
tre moyen, lui avait dit sa mère, de rentrer
en possession de l'argent qu'il t'a volé. »
Plus tard, à Saint-Lazare, tandis que
Paule-Jacques, atteinte de la fièvre typhoï-
de, était en danger de mort, sa mère lui
avait dit : « Je te jure que je suis inno-
cente ! > Et c'est pourquoi, croyant à un
secret que sa mère lui avait caché, elle était
revenue sur ses aveux. c Mais ici, ajoute-
t-elle, en entendant ma mère me dire:
« Tais-toi ! » j'ai tout compris. »
Et, parvenue à l'extrême limite de son
effort, les traits bouleversés, le corps agité
d'un long tremblement, la malheureuse
fille se laisse aller sur son banc.
Aussitôt la mère se lève. Aucune colère,
aucune amertume contre sa fille qui, plus
sûrement que le réquisitoire de l'avocat gé-
néral, va la faire condamner. Un peu plus
pâle peut-être que de coutume, mais gardant
toujours son étrange sourire, elle annonce
qu'elle va parler à son tour et faire connaî-
tre le secret qu'elle seule possède, car sa
fille ne sait rien !
A l'annonce de cette révélation, l'auditoi-
re, sceptique, fait entendre quelques rica-
nements, assez déplacés, d'ailleurs. Cet au-
ditoire, depuis le commencement du pro-
cès, s'est beaucoup accru en quantité, si-
non en qualité, et on y remarque mainte-
nant quelques-unes de ces dames empana-
chées, si soigneusement exclues jusqu'ici.
Mais Héra Myrtel ne se laisse pas démon.
ter.
Le dernier roman d'Héra Myrtel
Pour la dernière fois, peut-être, elle a
l'occasion de donner libre cours à son ima-
gination.
Alors, c'est un débordement, un flot de
paroles où il est question de Becker, de
Bassarabo, qu'elle appelle Ismaël, de la ga-
re du Nord, de Pillement et de M. Bonin.
En une inexprimable confusion, tous ces
personnages passent et repassent dans le
récit de la romancière en délire.
C'est si extravagant qu'on se demande
s'il ne s'agit pas d'une nouvelle comédie, si
Héra Myrtel n'espère point se ïaire passer
pour folle ?
En vain, Me de Moro-Giafrerrt, sentant le
mauvais effet des élucubrations de sa clien-
te prétexte un léger malaise pour obtenir
une suspension 'd'audience.
Dès la reprise, Mme Bassarabo reprend
son discours interrompu. Elle soutient que
son mari n'est pas mort, qu'il est à New-
York. Un général américain le lui a écrit.
Puis, sans transition, elle entreprend un
plaidoyer en faveur de sa fille. Quant à
elle, « vieille et flétrie », comme l'a dit
l'avocat général, elle se livre aux jurés.
A-t-elle fini ? Pas encore. Après avoir
consulté une iarge feuille de papier où,
pour l'édification des jurés, elle a consigné
une centaine de cas d'erreurs judiciaires,
elle termine par cette protestation d'inno-
PMC.» : « Ma fille a eu peur. On lui a fait
croire - qu'on n'acquittait que les aveux.
Pour moi, je n'avouerai pas ce que je n'ai
pas fait. Chez nous, les croisés, on ne bais-
se pas la tête ! C'est par un appel au di-
vin que vous allez vous préparer à votre
verdict ; aucune providence n'est ici re-
présentée. Je regrette qu'il n'y ait pas de
jury féminin. Allez consulter le cœur de
vos mères ! »
Enfin, elle s'arrêta, à bout de souffle, et
M' de Moro Giafferri put prendre la parole.
La situation pour 'lui n'était pas gale. Les
aveux de la fille détruisait tout l'effet de sa
plaidoirie de la veille et les déclarations sau-
grenues de la mère n'arrangeaient point les
choses. On ne saurait trop admirer avec quel
art l'éminent avocat sut se tirer de ce mau-
vais pas, et sa seconde plaidoirie improvisée
pourtant en des circonstances si dificiles pa-
rut à tous plus émouvante encore que la
première.
Mais que pouvait à cette heure toutes les
ressources de la plus belle éloquence?
L'opinion du jury était faite. La délibéra-
tion dura pourtant une heure, mais il est pro-
bable qu'elle porta surtout sur le dosage de
la peine.
LE VERDICT
A 4 heures les jurés revenaient avec
leur verdict: Sur les deux questions d'homi-
cide volontaire et de préméditation concer-
nant Mme Bassarabo, la réponse du jury était
affirmative. Elle était négative sur la ques-
tion de complicité visant Paule Jacques. La
mère pourtant obtenait les circonstances at-
ténuantes.
Ramenée dans le box des accusées pour
y entendre la lecture de l'arrêt d'acquitte-
ment, Paule Jacques se voyant seule joignit
les mains et pleura, en proie à une profon-
de détresse. Il fallut l'arracher de force à.
ce banc qu'elle ne voulait plus quitter.
Quel contraste dans l'attitude de la mère.
Avec un visage extasié, comme si le verdict
qui la frappait eût comblé tous ses vœux,
elle sourit aux jurés et les remercia d'avoir
acquitté sa fille. Elle ajouta pourtant une
fois encore qu'elle était innocente, et la Cour
ayant enfin rendu l'arrêt qui la condamnait
à vingt années de travaux forcés, elle serra
la main de son défenseur et sortit en sou-
riant toujours.
* ,
* *
Poursuivant jusqu'au bout l'accomplisse-
ment d'un devoir que sa cliente avait par
instant rendu si ingrat M* de Moro-Giafferri
a voulu faire signer au jury un recours en
grâce, mais cinq jurés seulement se sont
montrés favorables à une commutation de
peine en faveur d'Hera Myrtei.,
■ }.- - t ——————————
L'exploitation des étrangers
en Allemagne 1
La Gazette de Francfort pousse un cri d'à.
larme au sujet de l'exploitation éhontée dont
sont victimes en Allemagne les nationaux des
pays à change élevé. Non seulement les au-
torités consulaires allemandes font payer très
cher un simple visa, mais encore on impose
aux étrangers, dans certaines régions, parti- I
culièrement en Bavière, des taxes de séjour
absolument exorbitantes. Les factures d'hôtel
sont majorées de 200 à 500 pour cent et le
commerce de détali suit le mouvement.. Mal-
gré les avantages du change, un étranger ar-
rive à dépenser beaucoup plus que dans son
propre pays. Aussi, le nombre des étrangers
est-il beaucoup plus restreint cette année et
l'industrie hôtelière de la Haute-Bavière com-
mence à manifester les plus vives inquiétudes.
Malgré ces symptômes, on parle de par-
tout imposer de nouvelles taxes aux étran-
gers.
— ). < -.- ( ——————————.
L'empereur d'Annam
débarque à Marseille
M. Sarraut a salué le souverain
au nom du gouvernement
Marseille, 21 juin., - Le paquebot « Por-
thos » portant l'empereur d'Annam, KhaiÍ;
Dinh est arrivé à l'entrée des ports de Mar-
seille à 13 h. 50.
Le pavillon annamite Sotte au mât d'artimon
A 14 h. 45, le « Porthos », qui a arboré le
grand pavois, accoste au môle de La Pinède.
Dès que l'échelle de coupée est abaissée,
M. Albert Sarraut, ministre des Colonies,
suivi des personnages officiels, monte à bord
et gagne le grand salon du paquebot, où l'em-
pereur l'attend. Le souverain a revêtu le cos-
tume d'apparat tout de soie brodée d'or. Il a
la poitrine barrée du grand cordon jaune et
rouge du Dragon de l'Annam. Il porte la
coiffure nationale ornée de broderies d'or.
Une plaque d'or ornée de gros diamants res-
plendit sur sa poitrine. C'est l'insigne de la
majesté impériale.
Près de l'Empereur se tient son fils, le
prince Vinh Thuy, qui est âgé d'une dou-
zaine d'années, son neveu, le prince Vinh Ca,
tous deux richement vêtus de soie, et Ipin-
terprête Thaï, chef du secrétariat général. *
M. Pasquier, résident supérieur de France
en Annam, qui accompagne l'Empereur dans
son voyage, est également à son côté.
Premiers saints
Souriant, le souverain s'avance vers M.
Sarraut, les mains tendues. Aux paroles de
bienvenue du ministre, il fait répondre trè!'
aimablement par l'interprète et dit sa jolt
de se trouver en France.
Dans la suite du ministre, l'empereur aper-
çoit soudain l'ancien résident de France en
Annam, M. Charles. Il s'approche de lui et
lui donne l'accolade.
Mais voici des mandarins revêtus de ri-
ches costumes, la poitririe surchargée de dé-
corations, un surtout de mousseline jeté par-
dessus leurs vêtements. Ils s'approchent, s'in-
clinent profondément devant le souverain et
son fils auxquels ils présentent leurs hom-
mages.
Ce sont ensuite les présentations. A cha-
cune des personnalités présentes, l'empereur
souriant, fait dire une parole aimable.
Le supplice de l'interview
Avant que l'empereur, sa famille et sa ;
suite ne descendent à terre, le souverain
consent à s'entretenir un instant avec les
journalistes présents. Il a notamment ex
primé au représentant de l' c Agence Havas »
sa grande joie d'être en France. Cette mani-
festation n'est pas causée par le seul plai-
sir de visiter notre pays; elle a sa source
•
Le numéro : QumzE CENTIMES
JEUDI 22 JUIN 1922. — IT 18820
Fondateur* (1869) t
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
On aD Six mois Trois mots
SEINE & S.-ET-OIS&. 38 N 20 » 10 »
FRANCE & COLONIES.. 41 » 22 » IL »
ETRANGER 49 » 25 » 13 »
Adresser toutes les communications
au fiirpintfttin
Rédacteur en chef »
RAYMOND LANGE
Pour la Publicité, s'adresser
aux bureaux du journal.
ON S'ABONNE SANS FRAIS DANS
TOUS LES BUREAUX DE POSTE
ADMINISTRATION & REDACTION :
1. Boulevard de Strasbourg, 38 — P ARXS
Directeur : EDMOND DU MESNIL
TELEPHONES :
BÉSacilon oi aCmInIstratlon : nom 24-9 Û, 24-91-— AprtelO S- tu soir : Raquette M-3î
T R IB U NE LIBRE v
Modernisme et Humanités
II est étrange de voir la plupart des
avocats de l'Enseignement classique an-
cien plaider comme si leur client était
accusé d'un crime capital et menacé de
condamnation à mort. Est-il, en France,
un seul lettré qui avoue ou qui nourrisse
secrètement le dessein de tuer la culture
gréco-latine ? Nous, les « modernistes »,
qui apparaissons comme les ennemis de
cette culture, nous sommes, au contraire,
.$es vrais amis, ses plus utiles partisans.
Nous voulons, en effet, lui rendre un
rtriple service : ramasser en profondeur
ses forces aujourd'hui diluées en surface ;
imprégner les âmes de sa substance au
lieu de les barbouiller de ses couleurs et
enfin nous conformer à son esprit au lieu
pe nous en tenir à sa lettre.
.: Il y a plus de 100.000 élèves dans les
lycées et collèges. Personne ne conteste
qu'ils doivent tous absorber une forte do-
se de français, de sciences, de langues vi-
vantes, d'histoire et géographie. Avec la
réduction des horaires et la nécessité de
l'éducation physique, qui oserait dire
qu'ils sont tous capables de recevoir, en
plus, l'enseignement du latin et du grec ?
La généralisation de cet enseignement le
fera certainement baisser. Nous voulons,
au contraire, le relever en le réservant à
une élite.
Pour qu'une génération puisse être il-
luminée par la civilisation antique, il suf-
fit que quelques milliers d'esprits s'y
soient éclairés directement et que quel-
ques hommes supérieurs en portent le
flambeau. On ne faisait pas de grec dans
la plupart des collèges du dix-septième
siècle. Et pourtant cette grande époque
de notre littérature était toute pénétrée
d'hellénisme. Et qu'on ne vienne pas
nous dire que c'est à travers Rome qu'on
connaissait Athènes. Comme si tous ceux
de nos grands écrivains qui ne savaient
pas le grec s'étaient épris du charme de
Platon en lisant un dialogue de Cicé-
ron et de la beauté de Sophocle en li-
sant une tragédie de Sénèque!
C'est dans les traductions françaises
qu'ils avaient appris à connaître et à ai-
mer les chefs-d'œuvre grecs, Et c'est avec
des traductions françaises, et pas autre-
ment, qu'on peut donner une connais-
sance réelle et profonde de l'antiquité
aux élèves des .lycées, qu'ils fassent du
latin et du grec ou qu'ils n'en fassent
pas. Ceux qui en font, en effet, ne tradui-
sent que des morceaux détachés. « Or,
écrivait le professeur Benoist, le jeune
homme qui a été soumis dix ans à ce
régime, connaît-il les auteurs et a-t-il
étudié l' antiquité ? Pour ce qui est de
connaître les auteurs, je lui refuse nette-
ment cet avantage. Je me rappelle ce que
j'étais et je suis entré des premiers à
Normale! »
Cet avantage, Edmond About déclare
qu'on peut l'acquérir sans être latiniste.
« Supposez, dit-il, qu'un professeur ait
pour programme d'initier ses élèves au
génie des anciens. Il leur lira en vingt
mois une trentaine de chefs-d'œuvre tra-
duits du grec et du latin.Tous les élèves
écouteront avec plaisir, car la matière
est variée et intéressante ; ils verront bien
clairement qu'ils s'agit d'élever leur es-
prit au niveau de ce qu'il y a eu de plus
grand, par la connaissance générale de
J'antiquité. Là, sans effort surhumain,
toute une génération saura en deux ans
ce que nous n'avons pas appris en huit
années ! ))
- i»
Et il restera du temps pour former
lame de notre jeunesse intellectuelle au
contact des connaissances modernes. Ce
faisant, nous nous inspirerons des prin-
cipes essentiels de la culture gréco-la-
tine. N'en prennent-ils pas le contre-
pied ceux qui prétendent qu'il faut don-
ner aux jeunes gens une âme antique ?
Et lorsqu'on les pousse, ils déclarent, si
paradoxal que cela paraisse, qu'il le faut
même au point de vue scientifique.
Ce à quoi il faut veiller, c'est à ce que
cette transformation ne soit pas une dé-
viation, à ce qu'elle se fasse dans le sens
du vrai perfectionnement. En ce qui
concerne la découverte de la vérité, il
n'y a point de danger. Mais il n'en va
pas de même pour la réalisation du beau.
Là, il faut toujours entendre un diapa-
son, il faut toujours consulter une norme.
Eh bien, vous en avez une chez vous,
qui est merveilleuse — que les dieux
nous pardonnent notre hybris — c'est
nous qui l'avons réglée.
C'est votre classicisme français. Nous
en avons fait un modèle de mesure et
d'harmonie. Il est là, sous vos yeux.
N'allez pas faire perdre à vos jeunes
éphèbes sept ou huit ans de leur vie à
se faire une idée précise — ils n'y arri-
veront jamais parfaitement — du modèle
de leur modèle naturel. Ce serait con-
trais à la loi du progrès, donc à la loi
de la raison. Lorsqu'un de nos messagers
de victoire courait, à perdre haleine,
vers sa patrie, il tournait de temps en
temps la tête en arrière pour voir les
feux du dernier signal et aussi, s'il le
pouvait, quelque flamboiement des au-
tres, mais il ne s'arrêtait point pour es-
sayer de découvrir, dans les brumes loin-
taines, tout le rayonnement des pre
miers.
Hippolyte DUCOS,
Député de la Hte-Garonne.
ÉDITORIAL
En Tunisie -
• Les nouvelles qu'on nous
donne du Bey de Tunis,
sont pour -ajouter au souci
de la question tunisienne.
Car il y a bel et bien une
question tunisienne, mal
;connue du Gouvernement,
du Parlement, qui repose sur des erreuis
de bureaucratie, et sur la méconnaissan-
ce de la psychologie indigène.
On ne saurait, hélas" conserver tou-
jours un Paul Cambon, ni confier à un
Lyautey tous les grands postes à la fois.
Mais ces ministres-là sont coupables,
qui choisissent sans discernement les di-
plomates ou les hauts fonctionnaires,
chargés de représenter la France à
l'étranger, dans les colonies,, et dans les
pays de protectorat.
Notre situation matérielle et morale
en Tunisie était, jusqu'à ces temps der-
niers, excellente. -
L'élite éclairée des Tunisiens et le
Gouvernement du Bey reconnaissaient
loyalement les bienfaits de notre protec-
torat. La régence avait atteint — grâce
aux travaux d'aménagement entrepris
par nos soins — un bien-être et une
prospérité indiscutés. Une politique cor-
diale et confiante à l'égard des indigè-
nes, digne du prestige moral et du gé-
nie généreux de la France, était pour
sceller une collaboration féconde, et pour
contribuer à l'épanouissement de notre
politique musulmane.
La politique — dans le sens mauvais
du mot — est venue soudain compro-
mettre une œuvre heureusement entre-
prise.
La bande à Clemenceau - néfaste à
l'intérêt français partout où elle a porté
les mains — avait besoin « d'épices »
pour des juges dociles de la Haute-Cour.
Elle avait ses créatures à nantir, et
l'on distribua l'Algérie ei la Tunisie,
comme des pourboires, à des politiciens
incapables. Puis vinrent des ministres
de coterie, soucieux de bien placer de
« chers camarades ».
Ainsi M. Saint, dont le génie diplo-
matique était fait pour illuminer une
sous-préfecture de troisième classe, fut
chargé — -sans que ni son passé, ni sa
culture, ni ses qualités, ni sa prépara-
tion ne le désignassent — de dénouer un
échevteau délicat, où s'enchevêtrent tou-
tes les complexités et les finesses de
l'Orient.
Aujourd'hui on voudrait nous donner
à entendre que la Tunisie se porte vers
le communisme. Disons plutôt que le
communisme essaie de se porter vers la
Tunisie,, comme partout où il existe un
foyer de mécontents.
Souhaitons que M. le président du
Conseil se forme.. - avant les débats
prochains de la Chambre sur les affai-
res tunisiennes — un avis personnel sur
la situation exacte de la Régence, que
le parti pris bureaucratique comme la
frivolité des voyages officiels n'ont fait
que déformer.
Edmond DU MESNIL.
Eloge funèbre
des Baraques Vilgrain
Les -baraques Vilgrain se meurent, les bara-
ques Vilgrain sont mortes ! Demain, il n'en
sera plus aux carrefours parisiens. Et le nom
même de l'homme à la culotte rouge ne sera
plus pr loncé que pour l'associer aux machi-
nations louches qui d'onnèrent, lieu au procès
de Nancy.
La Ville avait décidé, pour le bonheur des
Parisiens et la lutte contre la vie chère, de
liquider les stocks qu'elle avait acquis à la
fin de la guerre. L'opération eût pu être heu-
reuse et pour le consommateur et pour le mar-
chand. Malheureusement, e'le fut si mal con-
duite que, définitivement, tout le monde y
perd. « L'exploitation des baraques a coûté
aux Parisiens, disait hier M. Bequet, conseil-
ler municipal et ancien membre de la Com-
mission spéciale du ravitaillement, la baga-
telle de cent à cent vingt-cinq millions ! ».
Tout cela pour faire baisser le prix de la
vie ! C'était y mettre le nrix 1
, On dit.,.
En Passant
Une heure de musique chez les maréchaux
Il y avait musique l'autre soir chez les ma-
réchaux ! Oh ! non point de grande musique,
tonitruante, officielle, ennuyeuse ; mais des
airs de bravoure, de gaieté, de panache, des
airs galants aussi. Car qui dit militaire dit gen-
tilhomme, de ces refrains que chacun jadis
fredonnait et dont certains, de par les siècles,
nous sont parvenus aussi frais et aussi popu-
laires qu'au jour même de leur création.
Dans le délicieux palais de la Légion d'hon-
neur qui est bien la plus jplie demeure offi-
cielle de Paris, les maréchaux campent actuel-
lement, ceux d'hier et même d'avant-hier, à
côté de ceux d'aujourd'hui. Entre les toiles au-
gustes qui nous portent leurs traits, près de
leurs souvenirs héroïques, de leurs habits bro-
dés, de leurs chapeaux à. plumes, de leurs épées
de gloire ou de gala, à côté de l'invraisemblable
casquette du Père Bugeaud, ils recevaient :
c'était pour une belle cause, celle de la sauve-
garde de l'Art français, à laquelle se sont voués
avec une attention dévote le duc de Trévise, le
comte d'Harcourt, le comte d'Andigné et M.
Raymond Escholier.
Ce fut un vrai défilé de nos gloires militai-
res, un défilé par la chanson. Tour à tour, nous
vîmes M. de La Palisse, le duc de Guise, Mal*
brough, Turenne, Noailles, Maurice de 8a*e,
Soubise. Fanfan la Tulipe passa le bout du
nez ;. en dodelinant du chef, l'on reprenait tout
bas les vieux refrains qui charmèrent notre
enfance : « La Tour, prends garde » et « J'ai
du bon tabac ». Le beau Dunois, une fois de
plus, fut fier et magnifique. « As-tù vu la cas-
quette » nous ramena aux jours proches d'hé-
roïsme souriant, car la Madelon de la Victoire,
aussi populaire à Londres qu'à Paris, qu'à
Bruxelles ou qu'à Rome, évoqua l'épopée glo-
rieuse et douloureuse de nos frères poilus.
Souvenirs charmants de tout un passé d'his-
toire éclatante qu'il faut féliciter ceux qui,
pour notre joie, les firent revivre, avant tous
M. Lucien de Flagny, qui sut les présenter avec
un art spirituel et distingué. Heure réconfor-
tante, surtout bien française, où à la leçon des
aïeux, l'on constata une fois de plus qu'il n'est
chez nous de si noble gloire qui ne s'agrémente
d'un sourire.
! JIM.
Aujourd hui
Le fermier moderne.
Voici une nouvelle utilisation de Vaviation
qui ne manque pas d'originalité.
Un gros fermier des environs de Sevenoaks
(comté de Kent) avait un magnifique verger
de 20 hectares qui promettait de superbes ré-
coltes. Quand unç invasion de chenilles me.
naça de dévaster toute la riche campagne.
Il eut une idée géniale, il s'adressa à une
compagnie civile d'aviation et lui 'demanda
d'arroser son verger d'une poudre insecticide
puissante.
Un aviateur, aussitôt, s'envola, plana sur le
verger à une hauteur de 15 à 20 mètres, lais-
sant tomber la bienfaisante poudre dont il
avait emporté 500 kilogrammes.
L'expérience a été un véritable succès. Les
arbres, en un rien de temps, ont été débarras-
sés des chenilles et, — point important, —
l'opération n'a duré qu'une heure et demie et
a coûté bien moins cher que toute autre mé-
thode.
Le Tapln.
Quelques impressions
de M. Vandervelde
M. VaJndervelde, qui, heureusement, n'a pas
été assassiné à Moscou, a envoyé au Journal
des Tribunaux de Bruxelles ses ipremières
impressions. 11 nous apprend que l'instruction
du procès des sociaUistes révolutionnaires a
été dirigée par la femme du communiste qui
fait fonctions d'accusateur, Mme Romorivitch.
« Ajoutons, continue M. Vandervelde, qu'en
attendant l'ouverture du procès, Trotsky,
membre du gouvernement, écrit dans la pres-
se officielle — seule autorisée — des articles
violents contre les accusés et contre les avo-
cats, qu'à plusieurs reprises KTylenko s'est
rendu dans des réunions publiques, non con-
tradictoires, pour faire voter des ordres du
jour réclamant la condamnation de ceux con-
tre qui il varequérir ; que nombre de comités
ouvriers — ou soi-disant tels — adoptent des
résolutions exigeant du tribunaJl (l'application
de la peine de mort ; que des personnes ci-
tées comme témoins à décharge viennent d'ê.
tre arrêtées ; que les défenseurs étrangers, pn
arrivant à Moscou et en cours de route, ont
été accueillis par des manifestations hostiles,
soigneusement organisées et qui risquent de
se Tenouvetter à l'audience ; que la liberté de
réunion 6t de la presse n'existant pas, cette
pression du dehors ne trouve aucun contre-
poids dans d'autres manifestations dé l'opi-
nion publique. Voilà dans quelles conditions
les socialistes révolutionnaires vont être ju-
gés. C'est, à cent vingt-cinq anIS de distance,
le procès de Danton et des Girondins qui re-
commence. »
— ) - -.- ( ——————————
La réorganisation
du Conseil d'Etat
Nous* avons dit hier que M. Louis Bart-hou,
garde des sceaux, avait fait approuver par
le conseil des ministres un projet de loi ten-
dant à modifier l'organisatiop. du Conseil
d'Etat.
Ce projet, qui a été déposé au Sénat, se
substitue à l'ancien projet qui créait de nou-
veaux postes et c'est pour répondre au désir
manifesté par le Sénat lors de la discussion
que le gouvernement a élaboré le projet ac-
tuel, qui ne crée pas de postes supplémen-
taires et est susceptible d'assurer un meilleur
rendement par une nouvelle répartition des
magistrats existants.
La section du contentieux se trouve ren-
forcée par quatre conseillers pris dans cha-
cune des sections administratives.
Rien n'est changé à la section de législa-
tion, qui reste une deuxième section adminis-
trative.
Les membres du Conseil d'Etat ne pourront
plus être délégués dans les fonctions publi-
ques que pour une durée maximum de deux
années. A l'expiration de cette période, ils
pourront rester dans l'administration, mais
devront être mis en disponibilité ; ils conser-
veront cependant le droit de rentrer au Con-
sla d'Etat lors de la première vacance qui
suivra la cessation de leurs fonctions. C'est
le cas des conseillers d'Etat chargés de mis-
sion ou délégués dans les fonctions de direc-
teur ou chef de cabinet.
D'autre part, la limite d'âge des conseillers
d'Etat est portée à 75 ans, mais par décision
du conseil des ministres, des mises à la re-
traite pourront être prononcées par anticipa-
tion.
POLI-TIQUE ETRANGERE
En attendant les Russes à La Haye
La Commissiol) des garaoties opère à Berlin
■*. a—ii .1 ■
On est sans nouvelles à La
Baye de la délégation sovié-
tique !. Bizarre. Après avoir
tant voulu affronter la discus-
1 sion internationale, les Russes
seraient-ils déjà découragés t
C'est peu probable. Il se confirme cependant
que Tchitcherine ne viendra pas en Hollande.
Est-il suspect â Moscou pour s'étre abaissé
à accepter un déjeuner du roi d'Italie f
Une atmosphère de cordialité réconfortante
règne, parait-il, à La Haye. Pas de tiraille-
ments, pas d'emballements, aucun énervement.
Pourvu que ça dure ! ,<
Mais tout cela ne changera-t-il pas dès qu'on
en sera aux questions brûlantes et dès que
seront arrivés les voyageurs moscovites f
*
**
Dans quelques jours, M. Lloyd George rece-
vra M. Schanzer. Le ministre 'des affaires
étrangères d'Italie accompagne actuellement
son souverain en Danemark. Au retour, il pren-
dra le chemin des écoliers en faisant un cro-
chet par Londres.
Londres et Rome sont déjà d'accord : c'est
surtout Rome qui est d'accord avec Londres
et qui suit docilement la politique anglaise.
Les deux ministres parleront de La Haye, na-
turellement. Ils s'efforceront de rapprocher
leurs points de vue, jusqu'alors divergents en
'ce qui concerne la question, grecque et turque.
*
**
La commission des garanties fait une tour-
née de visites à Berlin. Chargée d'organiser
le contrôle des finances allemandes, elle tâte
le. terrain. Et, naturellement, les Allemands
font des objections. Ce qu'ils voudraient, avant
tout, c'est arrUer la baisse du mark. Louable
intention, mais qui ne changerait rien, pro-
visoirement du moins, à la question des 'répa-
rations. N'embrouillons donc pas les affaires
et que la commission des garanties suive sa
voie 1
R. L.
f Les Commissions
Au cours de la séance tenue hier matin par
la réunion préliminaire de la Conférence, M.
Pattijn (Hollande) a été choisi comme prési-
dent de la commission d'experts et M. Cattier
(Belgique) comme vice-président. Sir Philip
Greame a été désigné pour présider la sous-
commission des biens privés, M. Alphand celle
des dettes, M. Trezzano celle des crédits.
M. Trezzano a proposé que le président et
le vice-président de la commission constituent
avec les présidents des sous-commissions un
bureau pour l'expédition des affaires et la ré-
glementation intérieure de la Conférence. La
proposition a été adoptée.
M. Cattier a fait accepter ensuite que seul
le président de la commission non russe se
mette en relations avec le président de la com-
mission russe pour demander que celle-ci se
divise en trois sous-commissions, à l'exemple
de la commission non russe. Si les Russes
acceptent, les présidents des trois sous-com-
missions serviront d'intermédiaires entre les
Russes et sous-commissions non russes pour
des questions les concernant respectivement.
La présidence de la Conférence n'a encore
reçu aucune notification officielle de la com-
position de la délégation russe.
On signale toutefois la présence de M. Ioffe
à La Haye.
Le gouvernement des Soviets russes a de-
mandé des facilités de voyage et de sécurité
pour cinq personnes, qui composeront la délé-
gation, sans les nommer officiellement.
Les sous-commissions commenceront dès de-
main leurs travaux préliminaires. Il est pro-
bable qu'elles décideront de dresser d'abord
un questionnaire destiné aux sous-commissions
correspondantes à désigner par les Russes.
EN ATTENDANT LES RUSSES
La commission décidera par quelles voies
elle entrera en contact avec les Russes. Il est
probable à ce point de vue que les premiers
contacts se borneront à des entrevues entre
le président de la commission et le chef de
la délégation russe.
On ne sait rien ici, des dispositions dans
lesquelles les Russes aborderont les débats à
La Haye, mais on ne se dissimule pas que,
si leurs dispositions sont aussi intransigean-
tes que le représentent les nouvelles étran-
gères, la vie de la Conférence se trouvera con-
sidérablement abrégée.
REVENDICATIONS ROUMAINES
M. Diamandi, représentant de la Roumanie
à la Conférence de La Haye, a le mandat pré-
cis de n'accepter à aucun prix que les droits
de la Roumanie sur la Bessarabie, consacrés
par tous les Etats qui ont participé à la Con-
férence de Gênes, à l'exception de la Russie,
y soient remis en discussion. De plus, M. Dia-
mandi aurait la mission de tâcher d'obtenir
que le gouvernement des Soviets prenne des
engagements formels relativement à la resti-
tution intégrale des valeurs roumaines con-
fiées par la Roumanie à la Russie en 1917.
En ce qui concerne les autres questions qui
feront l'objet des débats de la Conférence de
La Haye, le représentant de la Roumanie s'ef-
forcera d'être d'accord avec les délégués de la
France et de l'Angleterre. Les mêmes instruc-
tions ont été données à ce sujet par les gou-
vernements des autres Etats de la Petite-En-
tente à leurs déléeuéa
, L' ACT U ALI T E'-- -
£
Mme Bassarabo a garde son secret
mais sa fille, Paule Jacques, l'a dénoncée
Après ce coup de théâtre, le jury acquitte Paule Jacques
et condamne liera Myrtel à vingt ans de travaux forcés
II faut rendre cette justice à Mme Bassa-
rabo qu'elle, du moins, aura joué son rôle
jusqu'au bout. Mais, sans doute, celui qu'el-
le avait imposé à sa fille était trop lourd
pour elle. Le sacrifice que sa mère lui de-
mandait était au-dessus des forces de Paule
Jacques. La peur lui a donné la volonté de
se soustraire à l'étrange pouvoir de fasci-
nation qui arrêtait le secret sur ses lèvres.
Et Paule Jacques, enfin a parlé.
Est-ce bien un secret qu'elle a révélé ?
La jeune fille, à la vérité, n'a fait que ré-
péter les aveux qu'elle avait formulés au
début de l'instruction. Mais 'c'était assez
pour ruiner d'un seul coup le système de
défense imaginé par sa mère, et de la ma-
gnifique plaidoirie de M* de Moro-Giafferri
il ne restait rien.
Peut-on dire que cet aveu renouvelé à
l'heure suprême a eu une grande influence
sur le verdict ? Paule Jacques, peut-être, y
a gagné son acquittement, mais il ne pa-
raît pas avoir beaucoup influé sur le sort
d'Héra Myrtel. En sorte que la jeune fille
n'aura pas à se reprocher d'avoir fait con-
damner sa mère.
Les aveux
M* Raymond Hubert, avocat de Paule
Jacques venait, en quelques mots, de plai-
der l'innocence de sa cliente, lorsque le
président adressa à la jeune fille la ques-
tion sacramentelle : c Accusée, avez-vous
quelque chose à ajouter pour votre dé-
fense ? >
Alors, Paule Jacques se lève, en proie à
une violente émotion, et prononce-à travers
ses sanglots :
« Je vous ai promis la vérité, je vais
vous la dire. A six heures du matin, j'ai été
réveillée par une détonation. J'ai appelé ;
on ne m'a pas répondu. Je suis allée à la
porte de la chambre de ma mère, qui était
fermée à clef. J'ai crié : « Maman, maman,
qpie se passe-t-il ? > J'ai entendu quelqu'un
qui se gargarisait dans la pièce à côté.
Puis ma mère a ouvert la porte. J'ai regar-
dé alors dans la chambre, et sur le lit j'ai
vu, se reflétant dans la glace, le corps d'un
homme. J'ai crié à ma mère : « Qu'as-tu
fait ? » Elle m'a répondu: < Il voulait me
tuer. C'était lui ou moi. > Et elle a ajouté :
c Je ne veux pas de scandale dans la mai-
son. » Sur son ordre, je suis allée au gre-
nier chercher la malle. Après, j'ai fait tout
ce qu'elle m'a dit. »
D'une voix de moins en moins distincte,
sous les regards de sa mère qui n'a cessé de
la suivre depuis le début de cette scène, la
jeune fille continue son récit. Elle avoue
avoir écrit le billet bleu attribué par sa
mère à Bassarabo. C'est elle aussi qui a si-
gné le pouvoir qui devait permettre à sa
mère de disposer des biens du ménage en
cas d'absence du mari. « Il n'y a pas d'au-
tre moyen, lui avait dit sa mère, de rentrer
en possession de l'argent qu'il t'a volé. »
Plus tard, à Saint-Lazare, tandis que
Paule-Jacques, atteinte de la fièvre typhoï-
de, était en danger de mort, sa mère lui
avait dit : « Je te jure que je suis inno-
cente ! > Et c'est pourquoi, croyant à un
secret que sa mère lui avait caché, elle était
revenue sur ses aveux. c Mais ici, ajoute-
t-elle, en entendant ma mère me dire:
« Tais-toi ! » j'ai tout compris. »
Et, parvenue à l'extrême limite de son
effort, les traits bouleversés, le corps agité
d'un long tremblement, la malheureuse
fille se laisse aller sur son banc.
Aussitôt la mère se lève. Aucune colère,
aucune amertume contre sa fille qui, plus
sûrement que le réquisitoire de l'avocat gé-
néral, va la faire condamner. Un peu plus
pâle peut-être que de coutume, mais gardant
toujours son étrange sourire, elle annonce
qu'elle va parler à son tour et faire connaî-
tre le secret qu'elle seule possède, car sa
fille ne sait rien !
A l'annonce de cette révélation, l'auditoi-
re, sceptique, fait entendre quelques rica-
nements, assez déplacés, d'ailleurs. Cet au-
ditoire, depuis le commencement du pro-
cès, s'est beaucoup accru en quantité, si-
non en qualité, et on y remarque mainte-
nant quelques-unes de ces dames empana-
chées, si soigneusement exclues jusqu'ici.
Mais Héra Myrtel ne se laisse pas démon.
ter.
Le dernier roman d'Héra Myrtel
Pour la dernière fois, peut-être, elle a
l'occasion de donner libre cours à son ima-
gination.
Alors, c'est un débordement, un flot de
paroles où il est question de Becker, de
Bassarabo, qu'elle appelle Ismaël, de la ga-
re du Nord, de Pillement et de M. Bonin.
En une inexprimable confusion, tous ces
personnages passent et repassent dans le
récit de la romancière en délire.
C'est si extravagant qu'on se demande
s'il ne s'agit pas d'une nouvelle comédie, si
Héra Myrtel n'espère point se ïaire passer
pour folle ?
En vain, Me de Moro-Giafrerrt, sentant le
mauvais effet des élucubrations de sa clien-
te prétexte un léger malaise pour obtenir
une suspension 'd'audience.
Dès la reprise, Mme Bassarabo reprend
son discours interrompu. Elle soutient que
son mari n'est pas mort, qu'il est à New-
York. Un général américain le lui a écrit.
Puis, sans transition, elle entreprend un
plaidoyer en faveur de sa fille. Quant à
elle, « vieille et flétrie », comme l'a dit
l'avocat général, elle se livre aux jurés.
A-t-elle fini ? Pas encore. Après avoir
consulté une iarge feuille de papier où,
pour l'édification des jurés, elle a consigné
une centaine de cas d'erreurs judiciaires,
elle termine par cette protestation d'inno-
PMC.» : « Ma fille a eu peur. On lui a fait
croire - qu'on n'acquittait que les aveux.
Pour moi, je n'avouerai pas ce que je n'ai
pas fait. Chez nous, les croisés, on ne bais-
se pas la tête ! C'est par un appel au di-
vin que vous allez vous préparer à votre
verdict ; aucune providence n'est ici re-
présentée. Je regrette qu'il n'y ait pas de
jury féminin. Allez consulter le cœur de
vos mères ! »
Enfin, elle s'arrêta, à bout de souffle, et
M' de Moro Giafferri put prendre la parole.
La situation pour 'lui n'était pas gale. Les
aveux de la fille détruisait tout l'effet de sa
plaidoirie de la veille et les déclarations sau-
grenues de la mère n'arrangeaient point les
choses. On ne saurait trop admirer avec quel
art l'éminent avocat sut se tirer de ce mau-
vais pas, et sa seconde plaidoirie improvisée
pourtant en des circonstances si dificiles pa-
rut à tous plus émouvante encore que la
première.
Mais que pouvait à cette heure toutes les
ressources de la plus belle éloquence?
L'opinion du jury était faite. La délibéra-
tion dura pourtant une heure, mais il est pro-
bable qu'elle porta surtout sur le dosage de
la peine.
LE VERDICT
A 4 heures les jurés revenaient avec
leur verdict: Sur les deux questions d'homi-
cide volontaire et de préméditation concer-
nant Mme Bassarabo, la réponse du jury était
affirmative. Elle était négative sur la ques-
tion de complicité visant Paule Jacques. La
mère pourtant obtenait les circonstances at-
ténuantes.
Ramenée dans le box des accusées pour
y entendre la lecture de l'arrêt d'acquitte-
ment, Paule Jacques se voyant seule joignit
les mains et pleura, en proie à une profon-
de détresse. Il fallut l'arracher de force à.
ce banc qu'elle ne voulait plus quitter.
Quel contraste dans l'attitude de la mère.
Avec un visage extasié, comme si le verdict
qui la frappait eût comblé tous ses vœux,
elle sourit aux jurés et les remercia d'avoir
acquitté sa fille. Elle ajouta pourtant une
fois encore qu'elle était innocente, et la Cour
ayant enfin rendu l'arrêt qui la condamnait
à vingt années de travaux forcés, elle serra
la main de son défenseur et sortit en sou-
riant toujours.
* ,
* *
Poursuivant jusqu'au bout l'accomplisse-
ment d'un devoir que sa cliente avait par
instant rendu si ingrat M* de Moro-Giafferri
a voulu faire signer au jury un recours en
grâce, mais cinq jurés seulement se sont
montrés favorables à une commutation de
peine en faveur d'Hera Myrtei.,
■ }.- - t ——————————
L'exploitation des étrangers
en Allemagne 1
La Gazette de Francfort pousse un cri d'à.
larme au sujet de l'exploitation éhontée dont
sont victimes en Allemagne les nationaux des
pays à change élevé. Non seulement les au-
torités consulaires allemandes font payer très
cher un simple visa, mais encore on impose
aux étrangers, dans certaines régions, parti- I
culièrement en Bavière, des taxes de séjour
absolument exorbitantes. Les factures d'hôtel
sont majorées de 200 à 500 pour cent et le
commerce de détali suit le mouvement.. Mal-
gré les avantages du change, un étranger ar-
rive à dépenser beaucoup plus que dans son
propre pays. Aussi, le nombre des étrangers
est-il beaucoup plus restreint cette année et
l'industrie hôtelière de la Haute-Bavière com-
mence à manifester les plus vives inquiétudes.
Malgré ces symptômes, on parle de par-
tout imposer de nouvelles taxes aux étran-
gers.
— ). < -.- ( ——————————.
L'empereur d'Annam
débarque à Marseille
M. Sarraut a salué le souverain
au nom du gouvernement
Marseille, 21 juin., - Le paquebot « Por-
thos » portant l'empereur d'Annam, KhaiÍ;
Dinh est arrivé à l'entrée des ports de Mar-
seille à 13 h. 50.
Le pavillon annamite Sotte au mât d'artimon
A 14 h. 45, le « Porthos », qui a arboré le
grand pavois, accoste au môle de La Pinède.
Dès que l'échelle de coupée est abaissée,
M. Albert Sarraut, ministre des Colonies,
suivi des personnages officiels, monte à bord
et gagne le grand salon du paquebot, où l'em-
pereur l'attend. Le souverain a revêtu le cos-
tume d'apparat tout de soie brodée d'or. Il a
la poitrine barrée du grand cordon jaune et
rouge du Dragon de l'Annam. Il porte la
coiffure nationale ornée de broderies d'or.
Une plaque d'or ornée de gros diamants res-
plendit sur sa poitrine. C'est l'insigne de la
majesté impériale.
Près de l'Empereur se tient son fils, le
prince Vinh Thuy, qui est âgé d'une dou-
zaine d'années, son neveu, le prince Vinh Ca,
tous deux richement vêtus de soie, et Ipin-
terprête Thaï, chef du secrétariat général. *
M. Pasquier, résident supérieur de France
en Annam, qui accompagne l'Empereur dans
son voyage, est également à son côté.
Premiers saints
Souriant, le souverain s'avance vers M.
Sarraut, les mains tendues. Aux paroles de
bienvenue du ministre, il fait répondre trè!'
aimablement par l'interprète et dit sa jolt
de se trouver en France.
Dans la suite du ministre, l'empereur aper-
çoit soudain l'ancien résident de France en
Annam, M. Charles. Il s'approche de lui et
lui donne l'accolade.
Mais voici des mandarins revêtus de ri-
ches costumes, la poitririe surchargée de dé-
corations, un surtout de mousseline jeté par-
dessus leurs vêtements. Ils s'approchent, s'in-
clinent profondément devant le souverain et
son fils auxquels ils présentent leurs hom-
mages.
Ce sont ensuite les présentations. A cha-
cune des personnalités présentes, l'empereur
souriant, fait dire une parole aimable.
Le supplice de l'interview
Avant que l'empereur, sa famille et sa ;
suite ne descendent à terre, le souverain
consent à s'entretenir un instant avec les
journalistes présents. Il a notamment ex
primé au représentant de l' c Agence Havas »
sa grande joie d'être en France. Cette mani-
festation n'est pas causée par le seul plai-
sir de visiter notre pays; elle a sa source
•
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.47%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.47%.
- Collections numériques similaires Crisenoy Jules Étienne Gigault de Crisenoy Jules Étienne Gigault de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Crisenoy Jules Étienne Gigault de" or dc.contributor adj "Crisenoy Jules Étienne Gigault de")Camescasse Ernest Camescasse Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Camescasse Ernest" or dc.contributor adj "Camescasse Ernest") Bihourd Georges Bihourd Georges /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bihourd Georges" or dc.contributor adj "Bihourd Georges") Bourgeois Léon Bourgeois Léon /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bourgeois Léon" or dc.contributor adj "Bourgeois Léon")
- Auteurs similaires Crisenoy Jules Étienne Gigault de Crisenoy Jules Étienne Gigault de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Crisenoy Jules Étienne Gigault de" or dc.contributor adj "Crisenoy Jules Étienne Gigault de")Camescasse Ernest Camescasse Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Camescasse Ernest" or dc.contributor adj "Camescasse Ernest") Bihourd Georges Bihourd Georges /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bihourd Georges" or dc.contributor adj "Bihourd Georges") Bourgeois Léon Bourgeois Léon /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bourgeois Léon" or dc.contributor adj "Bourgeois Léon")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7553511f/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7553511f/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7553511f/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7553511f/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7553511f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7553511f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7553511f/f1.image × Aide