Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-06-10
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 juin 1922 10 juin 1922
Description : 1922/06/10 (N18808). 1922/06/10 (N18808).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7553499f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
irPRAIRIAt. AN 130. — N° 18805 Le numéro '-. QUINZE CENTIMES SAMEDI 10 JUIN 1922. — IT 18808
Fondateurs (1869) i
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIR
ABONNEMENTS
Un aD Six mois Trois mota
SEINE & S.-ET-OISE. 38 » 20 » 10 »
FRANCE & COLONIES.. 41 » 22 » 11 »
ETRANGER. 49 » 25 » 13 »
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- TRIBUNE LIBRE
Camille Pelletan
——-—— ..080.. .,,'
Camille Pelletan fut, voici plus de cinquante an-
nées, un des collaborateurs du Rappel. C'est
ce que rappelait jeudi, à la cérémonie commé-
morative de sa mort, M. Tissier, sénateur du
V aucluse, dans un magistral discours dont
nous sommes heureux de donner les principaux
ixtraits.
D une intelligence vive et précoce, Ca-
mille Pelletan s'était passionné tout jeune
pour trois hommes, trois écrivains, dont
les noms sont vénérés de tous les Répu-
blicains : Lamartine, dont le génie ora-
toire avait donné à l'éloquence politique
une magnificence et une grandeur in-
comparables ; Michelet, qui venait de ter-
miner son histoire de la France, débor-
dante d'un ardent amour de la patrie et
du peuple; Victor Hugo, le proscrit du
coup d'Etat.
A }-' œuvre poétique de Lamartine, il
avait dû, adolescent, des émotions in-
connues, et Michelet, par ses évocations
des générations passées qui semblent
sous sa plume palpiter et souffrir, l'avait
séduit au point de le décider à entrer
plus tard à l'école des Chartes. Mais son
auteur préféré, celui qui fit sur lui la
plus profonde impression en faisant ap-
paraître tout un monde poétique nouveau
emportant son rêve tantôt dans les splen-
deur de l'Orient, tantôt dans le monde
étrange du moyen âge ou tantôt encore
au milieu des créations fantastiques de
l'imagination, ce fut Victor Hugo; jus-
qu'à son dernier jour, il eut à son chevet
les livres du grand poète qu'il aimait à
relire.
Romantiqiie attardé, il s'était tout d a-
bord jeté à corps perdu dans la bataille
contre les règles pédantes du passé aussi
bien en littérature qu'en art ou en musi-
que, et il avait conservé de cette pre-
mière période de son existence, avec la
cravate flottante, la barbe et les longs
cheveux, un certain dédain des habitu-
des courantes et des contingences de
l'existence. ,'
Son admiration pour Victor Hugo le
conduisit au « Rappel », où il entrait
comme critique littéraire, sous les auspi-
ces du poète.
Hélas, bientôt éclatait la guerre de 70.
Envoyé aux armées comme reporter par
son journal, il vit de près les fautes et
l'incapacité des généraux de l'Empire et
la défaite, puis la Commune, provoquée
par l'explosion de patriotisme des Pari-
siens exaspérés, l'émeute et les répres-
sions sanglantes. Enfin, au lendemain de
nos désastres, alors que la France ago-
nisait sous la botte du vainqueur et que
la vie s'efforçait péniblement de repren-
dre dans les campagnes dévastées, dans
les maisons pillées par l'envahisseur ou
incendiées au pétrole sans aucun motif
militaire, comme en 1815, comme tout
récemment encore, il vit arriver à l'as-
semblée de Bordeaux tous les ennemis de
Gambetta et de la République, royalistes
et cléricaux, groupés dans la même
Saine.
On dirait que la fatalité veut que no-
tre malheureux pays, au lendemain de
chacune des épreuves douloureuses qui
le frappent, soit destiné à devenir mo-
mentanément la proie de ceux qui rêvent
d'arrêter le progrès et qui ne craignent
pas d'établir leur puissance sur la mi-
sère et sur les deuils de la Patrie.
Après 1919, espérons que la démo-
cratie saura se ressaisir comme elle la
fait après 70, Comme elle l'a fait après
48 et chasser ceux qui veulent la rame-
ner en arrière.
Révolté par de tels spectacles, Ca-
mille Pelletan consacra sa plume et ses
jours à la défense républicaine. Dans une
série de portraits satiriques, il clouait au
pilori de l'histoire les fantoches de l'As-
semblée de Versailles et plus tard, de-
venu n député de la 2° circonscription
d'Aix, il écrivit la Semaine de mai qui
décida Gambetta à se joindre à ceux qui
réclamaient l'amnistie refusée jusque-là.
D'un caractère, timide qu'il dissimulait
sous des dehors de brusquerie, il réser-
vait pour les siens et pour ses amis les
trésors de son cœur et le charme de son
esprit étincelant. mais il devenait intran-
sigeant dès qu'il s'agissait des idées.
Toutes les puissances qu'il jugeait hos-
tiles à la démocratie ou dangereuses
pour le pays, il les attaquait avec une té-
nacité et une passion qui ne cédait de-
vant aucune considération étrangère au
devoir républicain, au risque des désaf-
fections, des inimitiés ou des haines qui
1 ont poursuivi même après sa mort.
,: Patriote ardent, il était l'ennemi du
militarisme qu'il , considérait comme le
plus grand adversaire du véritable pa-
triotisme et ses rapports sur la guerre et
sur la marine sont restés célèbres.
Au reste, chaque étape de sa vie po-
litique est marquée par les luttes arden-
tes qu'il a menées contre la haute finan-
ce, dont les agissements constituent un
danger permanent pour les nations qui
s' abandonnent. Que les républicains, que
tous ceux qui se réclament des principes
qui lui furent chers puisent dans son
exemple les enseignements et la force
nécessaires pour continuer les véritables
traditions démocratiques qui leur ont as-
suré jusqu'ici la confiance du peuple.
Qu'ils ne se laissent - pas - entraîner par je
ne sais quel esprit nouveau qui, sous des
aspects trompeurs, les conduit tantôt à
sacrifier les droits du suffrage universel
à des expressions mathématiques, tantôt
à diminuer le nombre des représentants
de ce même suffragé, au risque de lais-
ser se constituer peu à peu une oligarchie
aux mains des puissances d'argent ou
encore, sous prétexte de décentralisation,
à éteindre la vie intellectuelle des petites
villes et des campagnes au profit des
grands centres, à la joie de nos adversai-
res, qui espèrent secrètement amener
ainsi le paysan de France à se désinté-
resser de la politique, afin de ne plus le
rencontrer barrant la route à chacune
des tentatives de réaction.
C'est là le plus bel hommage que nous..
puissions rendre à la mémoire de Ca-
mille Pelletan et le seul qu'il ait désiré
dans le fond de son cœur.
Aux heures difficiles, la France répu-
blicaine a toujours tenu à honorer ses
grands morts comme pour puiser dans
leur souvenir une nouvelle ardeur et
bientôt, dans la 2° circonscription d'Aix
qu'il a tant aimée, sur l'initiative de la
démocratie des Bouches-du-Rhône et de
ses amis du « Petit Provençal », dont il
fut le collaborateur, va être érigée, à Sa-
lon, la statue de Camille Pelletan, afin
de transmettre aux générations futures le
souvenir du grand tribun et du grand
écrivain qui n'eut d'autre ambition que
de défendre les nobles traditions léguées
par nos pères de la Révolution.
Par un hasard curieux, le département
des Bouches-du-Rhône, en même temps
qu'il s'associait officiellement à l'œuvre
du monument Pelletan, va rendre un nou-
vel hommage à l'un des plus grands ré-
volutionnaires, à Mirabeau, unissant ainsi
à travers le temps, dans un même senti-
ment de reconnaissance, deux hommes
qui, avec des tempéraments différents,
ont lutté et souffert pour la justice et
pour la liberté.
Louis TISSIER,
Sénateur de Vaucluse.
—————————— à— .+..-.<-
EDITORIAL
« Nous partons en voyage» !
Notre Ligue des Droits de
l'Homme va partir pour
Berlin.
Il s'agit de rendre sa vi-
site à la Ligue des Droits
de l'Homme allemande qui,
récenÙmenlt, vint à Paris.
Car il paraît que les Allemands ont
une Ligue des Droits de rH 07nme On
ne s'en était pas aperçu à Louvain.
Je n'en pense pas moins qu'il faut en-
courager les Boches qui s'efforcent de
balbutier les premières lettres du Droit.
A cet égard, nul ne saurait leur offrir
une image plus noble, plus sereine, plus
vénérable de la justice et de la bonté-
humaine que notre très cher et respecté
maître Ferdinand Buisson.
Si Ferdinand Buisson parvenait à ca-
téchiser les Germains, sans doute renon-
ceraient-ils à leur haïssable industrie
nationale de la guerre, de l'invasion, de
la destruction.
Je n'ai pas de conseils à donner à la
délégation de la Ligue des Droits de
l'Homme, mais je puis lui proposer un
itinéraire, que je connais trop bien.
Qu'elle gagne donc fAblenwgne par
un crochet, dans nos régions dévastées.
Un coup d'œil sur le champ d'hor-
reurs qui s'étend encore de Rozières',
Chaulnes à Albert et Arras, et nos pèle-
rins de la paix revivront en quelques
heures toutes les atrocités et les ignomi-
nies de la guerre à Vallemande.
Ce sera d'un préludeadrnirable aux
entretiens qu'auront les ligueurs franco-
allemands. Ils ne manqueront pas d'en
déduire le rappel de ce droit imprescrip-
tible de l'Homme : la réparation du pré-
judice causé ; le châtiment des crimi-
nels, auteurs du préjudice.
,. _., - Edmond DU MESNIL,.
- Les pommes 6 du voisin
Petite leçon c - - -
Tout dernière ment, non loin. des Invalides,
un soldat, aveugle de guerre, tâtonne sur le
trottoir avec sa canne et appelle un civil à
son aide.
— Pardon. suis-je devant l'Institut des bles-
sés ? C'est la seconde fois que je m'y rends et
je ne m'oriente pas encore très bien.
- Vous en êtes tout près, dit le passant.
Du reste, je vais vous mener.
L'aveugle et son guide bénévole passent la
porte. Le civil dit au concierge :
— Accompagnez donc cet homme à la sec-
tion des aveugles.
— Accompagnez-le vous-même grommelle le
cerbère. Passez la voûte. C'est au fond de la,
cour.
Le civil remplit jus-qu'au bout son rôle cha-
ritable.
Puis, revenant vers le guichetier :
- Ne pourriez-vous pas, lui demande-t-il,
témoigner plus d- obligeance aux aveugles ?
— Ils sont trop. Je n'ai pas le temps.
— C'est pourtant votre devoir de Jes aider.
J'en trouve bien le temps, moi qui suis le ma-
réchal Foch.
{Le Cri de Paris.)
"'Ç>
Repopulation polonaise
Nos professeurs de. lycée ont été cJ^arq^J^
transmettre 'à leurs élèves une aimable invi-
tation du gouvernement polonais. Nos braves
potaches sont engagés à aller passer, une bon-
ne partie des prochaines vacances en Polo-
gne. Dans un des bahuts qui avoisinent le Pan-
théon, et qui porte le nom du plus galant de
nos rois, le professeur de troisième venait d'é-
numérer les avantages de la villégiature polo-
naise.
— Là-bas, chez nos amis, expliquait-il à son
jeune auditoiref vous serez accueillis à bras
ouverts. Les meilleures familles se disputeront
l'honneur et le plaisir de vous héberger. Vous
n'aurez à payer que le voyage, et encore. avec
le change !
Un des jeunes auditeurs se pencha alors vers
son voisin, et de bouche à oreille :
— Tout ça, fit-il confidemment, tout ça, tu
ne le vois pas ? C'est pour la repopulation.
Et le petit bonhomme en culottes courtes
continua:
- La Pologne a été ravagée par les Boches
et les bolcheviks. Il faut repeupler. 'A'lorrs.,
comme on sait que nous sommes une belle
race, on nous envoie là-bas, nous, les jeunes.
« Moi, je vais dire à maman de me faire
inscrire. Pourvu qu'elle ne comprenne pas de
quoi il s'agit ! Je lui dirai que je veux ap-
prendre le polonais ! »
(Aux Ecoutes.)
-<:::>+"'=>
Pile et face
Dans la saUe des Pas-Perdus du Palais J
Justicet on aperçoit, la statue d'une corpulente,
matrone qui est censée personnifier là Loi.
De face on admire àvéc quelle décence,
quelle majesté s'étalent sur ses genoux et re-
couvrent pudiquement la cheville et les pieds
les plis de sa tunique. Mais faites le tour de-
cette opulente personne et contemplez-la de
profil.
Oh 1.
Avant de s'asseoir, — à la façon des pay-
sannes économes qui, pour ne pas l'abîmer,
relèvent leur cotte aussi haut que possible, —
la Loi a retroussé sa tunique ! Mais si outra-
geusement, avec un tel sansgêne, qu'au mé-
pris de toute bienséance, modelé à l'emporte-
piècen redondant et ostentatoire comme s'il
sortait du bain, apparaît son séant — mal-
séant.
— Précieuse indication, remarquait un jour
un ancien et futur président du Conseilt quand
il n'était alors que Me Viviani. Car, s'il nous
est interdit de violer la loi, il est toujours pos-
sible, n'est-ce pas f de -la. tourner f
(Le Canard Enchaîné.)
L*fraude déjoué^
: ou le devoir accompli
i :
IL'administration des poids et mesures,
soucieuse d'accomplir son devoir, adresse à
tous les cafetiers des avis pour les inviter à
faire vérifier leurs mesures.
Quel remue ménage dans tous les établis-
sements où l'on sert à boire ! Les garçons,
juchés sur des échelles, cherchent au fond
du drnier étage des placards, ces vieux
pots d'étain aux contenances diverses avec
lesquels ils sont présumés mesurer les li-
quides.
Cependant, aux terrasses, dans les salles,
les bçcks et les demis non jaugés montrent
ces splendides faux-cols qui font la fortu-
ne des débitants tout en réjouissant l'œil;
les verres, ballonnés extérieurement et coni-
ques intérieurement, réalisent de merveil-
leuses illusions d'optique qu'admirent le
verrier et le cafetier, tandis que le consom-
mateur les .paie en bons billets.
Dans plusieurs pays, pour éviter ces
fraudes, on exige que sur clratftie verre soit
gravée sa contenance exacte. Mais, en
Franée, l'administration se. contente de vé-
rifier les vieilles mesures d'étain et elle les
poinçonne tranquillement, le cœur joyeux
du devoir accompli.
———.——————— > e.er
L'HYDRE DE ltEaNE
C'est à 1&. yiev chère, subtilement organi-
sée par d'odieux trafiquant que donne ce
nom d' « Hydre de Lerne » notre confrère,
l'agence d'informations « Actualités ».
Quoi que promette M. Chéron, quoi que
disent certains communiqués officiels, le
coût de l'existence ne faiblit .pas, au con-
traire. Le client est tondu, par définition,
par tous les échelons d'intermédiaires. Par
une sorte d'émulation désastreuse, la Mer-
cante domine et gangrène-tout.
Les exemples cités par notre confrère
sont typiques : Les chauffeurs de taxis per-
sistent à appliquer des tarifs exorbitants,
alors que l'essence a baissé de 40 0/0. Et
la crise des boulangeries ? Et cet autre
exemple que donne « Actualités » :
« Une société 'de chaussures vient de te-
nir son assemblée générale. Sait-on à com-
bien elle a fixé le dividende de ses actions
pour l'exercice 1921 ? A 900 francs par ac-
tion de 1.000 francs ! !..Et. ce. n'est pas la
Société, souligne 1' « Homme Libre » qui,
avec le « Gaulois », 1' « Œuvre », le « Ra-
dical », le « Rappel » et quelques autres
journaux, s'efforce à mener le bon combat
contre la nouvelle hydre de Lernë. Dans la
« partie », depuis 1916, les bénéfices ont
augmenté de. 300 0/0. Ils avaient at-
teint leur maximum en 1919 - l'année où
nous avons payé, naturellement, nos sou-
liers le plus cher. On le voit, 1921 n'a pas
voulu demeurer en reste ! •
Comment vouloir alors que les petits
n'aient pas le même appétit au gain, de-
vant de tels exemples f
: p ..-
M Outrey va interpeller
à propos de la 8.1. G.
M. Outrey, député de Cochinchine, a dé-
posé hier sur le bureau de la Chambre une
demande d'interpellation au gouvernement
« sur les retards qu'il apporte : 1° à sou-
mettre à la ratification des Chambres, con-
formément aux votes exprimés par elles, les
accords et les conventions nécessaires pour
la sauvegarde des intérêts matériels et mo-
raux de la France en Extrême-Orient gra-
vement compromis par la cessation des opé-
rations de la Banque Industrielle de Chi-
ne ; 2° à déposer sur le bureau de la Cham-
bre le projet de loi soumettant au Parle-
ment la nouvelle convention avec la Banque
de l'Indochine, dont il aurait dû être saisi
depuis janvier 1920 ».
fi LA CHAMBRE, SEANCE ACADEMIQUE
M. Ferdinand Buisson soutient énergiquement
îa gratuité des trois enseignements
M. Bracke fait l'apologie du grec et du latin
&—
La séance d'hier matin fut une de ces séan-
ces que l'on ne connait guère depuis la nou-
velle législature et qui, par la sérénité des dé-
bats et l'oubli des basses préoccupations poli-
tiques, honorent une assemblée. Nos députés,
il est vrai, n'étaient guère qu'une soixantaine,
et ceci explique peut-être cela.
M. Ferdinand Buisson termina le discours
commencé la veil'le, et avec la même élévation
de langage et de pensée, il exposa cette con-
ception, que le parti républicain a recueillie
dans l'héritage de la Révolution , qui ne voit
dans les trois enseignements que les étages
d'un même édifice, et veut que leur accès soit
également gratuit. Il fut chaleureusement ap-
plaudi par les gauches, tandis que la majo-
rité restait correcte, mais froide.
Elle réserva ses admirations pour un socia-
liste utfifié, M: Bracke. Celui-ci défendit avec
un tel talent la cause du grec et du latin qu'il
mérita les hommages de M. Arago, et qu'un dé-
puté de la droite ne sachant comment témoi-
gner son enthousiasme lui cria : « Mais vous
avez des idées réactionnaires. »
-LA. SÉANCE
La Chambre reprend la discussion des in-
terpellations sur'la réforme de l'enseignement.
M. Ferdinand Buisson continue le discours
commencé la veille. Il se (propose cette fois
d'exposer sa conception de l'éducation natio-
nale.
Il part de la formule de Jaurès : « Nous ad-
mettons, a dit celui-ci, que tout enfant a un
droit préexistant sur tous les moyens de tra-
vail et de vie dont la collectivité peut dispo-
ser. »
Ce droit de l'enfant ainsi défini, personne ne
paraît le contester ; mais combien, après avoir
dit « oui » tout haut, imurmurent tout bas
« non ». Cependant si 'le christianisme a fait
luire aux yeux des hommes un idéal de paix,
en le plaçant dans un autre monde, peut-il re-
procher à la Révolution d'avoir essayé de le
réaliser ici bas ? Aussi cette idée devait se dé-
velopper, et elle a fait des progrès dans le
pays.
« Il importe d'aborder le problème de l'édu-
cation nationale dans son ensemble. Tous les
enfants de France, les pauvres comme les ri-
ches, ont le même droit. »
L'orateur en arrive maintenant au cœur
même de son sujet, et expose sa vaste et gé-
néreuse conceDtion - de l'enseisnement. -
« Que peut faire le gouvernement pour fa-
ciliter 'l'accession de tous les enfants aux plus
hauts degrés de l'enseignement ? Cette ac-
cession n'a pas pour objet, ainsi qu'on nous l'a
objecté, de faire, de tous les primaires, des
petits bacheliers, mais bien de transformer
l'enseignement primaire afin qu'il cesse d'être
une impasse.
« Les hommes de 1789 n'entendaient-ils
d'ailleurs pas que les trois enseignements se
suivissent ? Dans leur esprit, la primaire de-
vait préparer au secondaire , lequel devait se
développer dans l'enseignement, soit supé-
rieur, soit professionnel. » 1 1
L'éminent député ne considère pas que les
bourses constituent une solution du problème
posé, car il faut être riche pour les accepter.
Autrement elles tendent à déclasser l'enfant.
« L'inconvénient que je signale, s'écrie-t-il,
subsistera tant que le lycée demeurera payant.
a 'Le véritable fondement, dans 'la démocra-
tie, d'un établissement d'enseignement ne sau-
rait être la situation de fortune des parents.
(Applaudissements à l'extrme, gauche et à
gauche.)
« Au lycée comme partout, il convient de
respecter le principe démocratique de la sé-
lection par le travail et par le mérite. »
L'orateur, cependant, ne croit pas que cet
idéal puisse être réalisé immédiatement ; mais
c'est vers lui que nous devons marcher.
« Tout système d'éducation prétendue natio-
nale- qui s'arrête aux limites de l'enfance est
une dérision. (Applaudissements à l'extrême
gauche et à gauche.)
« On ne (peut pas accomplir une œuvre d'é-
ducation véritable sur le caractère et l'intelli-
gence d'un enfant de douze ans.
« Or, aujourd'hui, c'est la masse de la na-
tion qui vit sous ce régime et qui ne reçoit
pas son dû, parce que ses enfants quittent l'é-
cole trop tôt. (Applaudissements sur les rnê-
mes bancs.)
« J'ajoute que l'intérêt des particuliers n'est
pas seu'} en. jeu. La société qui met en œuvre
le dixième seulement de son trésor humain
gaspille des richesses que la nature met à sa
disposition. »
Pour sauvegarder l'école primaire
M. Buisson est ainsi amené à critiquer la
mesure envisagée par le ministre, qui tendrait
à ramener à onze ans la limite d'âge du cer-
tificat pr}maire, et, par là, provoquerait le
recul de l'enseignement primaire.
CLire la suite en deuxième page).
, :'-" POLITIQUE ETRANGERE
', f
La perplexité des banquiers
LEUR COMITÉ DISCUTE. MAIS NE DÉCIDE RIEN
—————— ——————
Les banquiers étrangers qui,
tels des médecins, se penchent
avec sollicitude sur le ma-
laise économique de la vieille
Europe, sont, dit-on fort per-
plexes.
Certains, avec une louable perspicacité,
voient le danger qu'il y aurait à mettre aux
mains de l'Allemagne l'arme inquiétante d'un
chiffre réduit de réparations. Ils flairent le
danger que l'expérience, déjà, n'a laissé que
trop prévoir, Et, sur le point de prendre une
décision, ils hésitent.
Car ils sentent bien qge, malgré toutes les
concessions qui furent faites à l'Allemagne,
celle-ci' est restée, jyar principe et par (léfini-
tion, hostile à l'idée même de n'importe quel
paiement. Même devant sa dette réduite, il est
à supposer qu'elle gardera la même attitude.
Alors, à quoi bon fournir un aliment nouveau
à son insolente {ndiffér'ence?
Reste la question de l'influence que pour-
rait avoir particulièrement aux Etats-Unis,
une suggestion des banquie'J''s" tendant à une
compensation de la dette-Glleman&ede notre
dette vis-ù-vis de. l'Amérique. M. Morgan
sera-t-il assez puissant pour faire adopter un
tel plan par les autorités américaines? Voire.
Autant qu'on puisse juger, il ne semble pas
que nous en goyons là. N'avons-nous pas eu, il
y a deux ou trois mois, lors de la Conférence
des ministres des finances, une démarche inat-
tendue de M. Boyden, délégué muet jusqu'a-
lors du gouvernement américain, qui rappe-
lait doucement, mais fermement, que son pays
ne renonçait pas du tout à sa part dans. les
frais d'occupation? Alol'S? Il faudrait que l'o-
pinion eût singulièrement évolué.
Et rien ne permet, actuellement, d'en au-
gurer.
Le mieux serait encore que les banquiers
renoncent purement et simplement à recourir
actuellement, au remède qu'ils peuvent propo-
ser. La question n'est pas mûre encore. De
trop puissantes contingences politiques inter-
viennent.
L'on annonce une solution pour mardi: il se-
rait presque à souhaiter que celle-ci soit. qu'il
n'y en a pas!
Raymond LANGE.
Les banquiers discutent
Le comité des banquiers chargé de faire-un
rapport à la commission des réparations sur
les conditions dans lesquelles pourraient être
émis un ou plusieurs emprunts extérieurs al-
lemands, dont le produit servirait au rachat
de la dette-réparations, s'est réuni, hier après-
midi, à trois heures et demie. Il continue, sous
la présidence de M. Delacroix, l'examen de la
situation créée par la décision de la commis-
sion en date du 7 juin.
Les banquiers recherchent néanmoins le
moyen de conclure un emprunt, même dans les
conditions. actuelles. Jugeant encore utile d'é-
tudier plus à fond la question, ils se sont
ajournés à mardi.
M. Delacroix, délégué belge, est optimiste
et il pense que c'est au grand emprunt qu'on
s'arrêtera.
REUNION DU COMITE DES GARANTIES
Le comité des garanties a siégé également,
hier, après-midi, sous la présidence de M.
Mauclère. Il discute la question de son trans-
port à Berlin pour l'organisation et la surveil-
lance du contrôle institué à la veille de l'é-
chéance du 31 mai.
Il est très probable que le comité des ga-
ranties partira la semaine prochaine pour Ber-
lin, où il fera un assez long séjour.
L'EMPRUNT ET LES DETTES
INTERALLIEES
Londres, 9 juin. — Parlant de la question
des réparations et de l'emprunt international,
la Westminster Gazette écrit:
« La France a adopté à nouveau une attitu-
de inébranlable et si ce n'était la possibilité
d'arriver à quelque compromis touchant les
dettes interalliées, la perspective d'arriver à
une solution à ce problème serait plus décou-
rageante que jamais.
« Nous ne croyons pas, ajoute la Westmins-
tel- Gazette, que M. Lloyd George puisse main-
tenir son refus d'envisager l'annulation de nos
créances sur nos anciens alliés.
« Lorsque le rapport du comité des ban-
quiers sera publié, nous connaîtrons probable-
ment quelle réduction des réparations rendrait
un emprunt possible.
« Si M. Lloyd George agit sagement, il of-
frira alors d'annuler une partie appropriée de
nos créances sur nos alliés.
« Un règlement final des réparations, con-
clut la Westminster Gazette, vaudrait la peine
que l'on consentit à des sacrifices, et nous
pourrions au moins renoncer à ce que, de l'a-
vis de la masse des gens réfléchis, nous n'ob-
tiendrons jamais dans n'importe quel cas ».
A BERLIN,
LES POPULISTES SE METTENT
D'ACCORD AVEC LE GOUVERNEMENT
Berlin, 8 juin. — Avant le départ de la dé-
légation allemande pour Gênes, le parti popu-
laire allemand avait conclu un compromis
avec le gouvernement. Les populistes sauvè-
rent ainsi le cabinet à la veille de l'ouverture
de la Conférence. Après la mission de M. Her-
mès à Paris, M. Wirth fut accusé par les mem-
bres du parti-populaire de n'avoir pas exacte-
ment renseigné le Reichstag sur la portée
exacte des négociations engagées à Paris. La
commission, disaient-ils, avait affirmé qu'il
n'avait pris aucun engagement concret, ce qui
fut affirmé par la note de la Commission des
réparations. En conséquence, les populistes es-
timèrent que les promesses faites par M. Her-
mès allaient complètement à rencontre de leur
programme. Jusqu'ici, ils s'étaient tenus sur
une prudente réserve; cependant, déjà, au der-
nier vote du Reichstag, ils se séparèrent du
gouvernement. Ils viennent maintenant de
préciser leur attitude. Se mettant à la remor-
que de M. Becker et de M. Stinnes, ils s'élè-
vent violemment contre l'esprit et la méthode
des pourparlers qui ont eu lieu à Paris. A leur
avis, l'Allemagne reçoit un répit trop court.
Lorsque ce délai sera expiré, la situation
n'aura qu'empiré. Le parti populaire compte,
on le sait, parmi ses membres les grands in-
dustriels de l'Allemagne, et ceux-ci pensent
que le cours du mark, en s'élevant, réduirait à
néant toute l'exportation allemande. Le parti
abandonne donc le gouvernement de M. Wirth
et passe à l'opposition. Son attitude hostile se
manifestera par le refus de soutenir le ('hi.
net dans le compromis et par l'opposition à
toute action du gouvernement, quels que
soient les résultats des pourparlers de Paris.
Le chancelier se trouve ainsi dans une situa-
tion difficile. Il compte, il est vrai, sur l'appui
des socialistes indépendants, mais ceux-ci
n'ont pas encore donné leur parole. Les pro-
chains votes du Reichstag peuvent être dé-
cisifs.
L'ALLEMAGNE VEUT FAIRE
DES AFFAIRES
Berlin, 9 juin. — Dans la Gazette de Voss,
M. Georges Bernhardt constate que les préten-
tions formulées par l'industrie allemande, au
sujet du problème des réparations sont rai-
sonnables, c'est-à-dire qu'un emprunt ne suffit
pas, mais il faut abandonner la politique des
sanctions et ouvrir à l'Allemagne les marchés
mondiaux pour lui permettre de faire concur-
rence aux autres pays. M. Bernhardt déclare
qu'une solution définitive du problème des ré-
parations se heurte actuellement à de graves
difficultés et que même si la question était ré-
glée-suivant le profet: de «il- Robert Motim^il
en résulterait pour l'Allemagne une charge an-
nuelle de 3,6 milliards de marks-or, que lAi-
lemagne ne pourrait pas supporter.
M. Bernhardt conclut: « La pause qui nous
serait accordée paraît désirable, car il est cer-
tainement beaucoup, plus sain de respirer un
peu que d'étouffer immédiatement. Le peuple
allemand doit respirer si la solution provisoire
aboutit ».
LA DERNIERE REUNION
DES BANQUIERS
Hier soir, à 19 heures, le Comité des ban.
quiers s'est réuni à nouveau à l'hôtel Aetoriâ,
pour examiner la question de l'emprunt exté-
rieur allemand.
A l'issue de cette réunion, qui prit fin à
19 h. 45, aucun communiqué oifficiel ne fut
transmis à la presse.
Cependant, nous croyons savoir que le Co-
mité des banquiers aurait décidé qu'il est im-
possible actuellement de mettre sur pied un'
tel emprunt, mais que, lors d'une réunion ulté-
rieure qui pourrait se tenir dans trois mois,
un meilleur résultat pourrait être obtenu'à
cette époque.
Ce matin, le Comité se réunira à nouveaa
pour rédiger son rapport à la Coaimission dee
réparations.
"——-————— > .- <
La crise ir landaise
LES POURPARLERS DE LONDRES
SUR L'ETAT LIBRE
Londres, 9 juin. —. M. Arthur Griffith
a eu aujourd'hui, au Colonial Office, avec
M. Winston Churchill, une entrevue qui a
duré plus d'une heure. A l'issue de cet en-
tretien, le délégué irlandais a donné à en-
tendre que des progrès satisfaisants avaient
été réalisés concernant les discussions sur
le projet amendé de Constitution irlan-
daise.
D'autre part, en quittant le Colonial Of-
fice, M. Winston Churchill s'est rendu chez
le premier ministre pour y assister à une
conférence de tous les signataires britan-
niques du traité de Downing Street. La
réunion était présidée par M. Lloyd Geor-
ge, qui -était arrivé-èt-Londres deux heures
auparavant. Outre le premier ministre et
M. Winston Churchill, y assistaient égale-
ment sir Worthington Evans, ministre de
la guerre ; lord Balfour, lord Birkenhead,
sir Hamar Greenwood, le vice-roi d'Irlande
et le lord chef de justice.
M. W. Churchill mit ses collègues au
courant de ses entrevues avec M. Griffith.
Il fut décidé que la question serait exami-
née à nouveau dès samedi. Il se peut d'ail-
leurs. qu'au cours de cette prochaine séan-
ce, qui aura lieu dans l'aprèmldl, M. Grif-
fith soit appelé en consultation par M.
Lloyd George.
————————
LE PROCÈS DU JOUR
Mme Bassarabo clame
son innocence
Mais Mlle Paule Jecques a son sec:et
Combien les belles dames avides d'émo-
tions fortes regretteront de n'avoir point été
admises aux débats du procès Bassarabo!
L'audience d'hier fut, en effet, profondément
émouvante. Du beau théâtre. Tragédie ou mé-
lodrame ? Nous ne saurions le dire encore,
n'étant point dans le secret des acteurs.
Rien n'y manquait, en tout cas, ni les cris
amers de désespoir de l'héroïne, ni les pleurs
de l'innocence injustement accusée, pas mê-
me dans la coulisse les sourds grondements
du tonnerre. La voix grave du président et
sa barbe majestueuse ajoutaient encore à
la grandeur du spectacle.
Comme on excuse, dans ces conditions, la
tentative, malheureuse du reste, de cette jeu-
ne Montmartroise, Mlle Claire Fontaine, qui
crut braver la sévère consigne en pénétrant
dans l'enceinte sous le couvert d'une robe
d'avocate! ,
Mais, arrêtée au moment où elle franchis-
sait la dernière barrière, par un brigadier au
flair particulièrement subtil, elle se vit dé-
pouillée de sa robe d'emprunt et honteuse-
ment chassée.
Ce n'est là, au demeurant, qu'un minime in-
cident qui. sans doute, n suites et Tintérôt, hier, n'était pas dans les
couloirs.
La première partie de l'audience avait été
assez calme, hormis quelques passes d'ar-
mes assez vives entre l'avocat général Man-
cel et Me de Moro-Giafferri.
Reprenant l'interrogatoire au point où il
l'avait laissé la veille, le président cherche
à établir dans quelle situation morale se
trouvaient les acteurs du drame quelques
jours avant le crime.
Paule Jacques a-t-elle dit, par exemple, en
parlant de son beau-père : « Il verra comme
on joue du revolver à Mexico > ?
La fille -est interrogée, c'est la mère qui
va répondre. nvio 1A Drécident :
Fondateurs (1869) i
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIR
ABONNEMENTS
Un aD Six mois Trois mota
SEINE & S.-ET-OISE. 38 » 20 » 10 »
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- TRIBUNE LIBRE
Camille Pelletan
——-—— ..080.. .,,'
Camille Pelletan fut, voici plus de cinquante an-
nées, un des collaborateurs du Rappel. C'est
ce que rappelait jeudi, à la cérémonie commé-
morative de sa mort, M. Tissier, sénateur du
V aucluse, dans un magistral discours dont
nous sommes heureux de donner les principaux
ixtraits.
D une intelligence vive et précoce, Ca-
mille Pelletan s'était passionné tout jeune
pour trois hommes, trois écrivains, dont
les noms sont vénérés de tous les Répu-
blicains : Lamartine, dont le génie ora-
toire avait donné à l'éloquence politique
une magnificence et une grandeur in-
comparables ; Michelet, qui venait de ter-
miner son histoire de la France, débor-
dante d'un ardent amour de la patrie et
du peuple; Victor Hugo, le proscrit du
coup d'Etat.
A }-' œuvre poétique de Lamartine, il
avait dû, adolescent, des émotions in-
connues, et Michelet, par ses évocations
des générations passées qui semblent
sous sa plume palpiter et souffrir, l'avait
séduit au point de le décider à entrer
plus tard à l'école des Chartes. Mais son
auteur préféré, celui qui fit sur lui la
plus profonde impression en faisant ap-
paraître tout un monde poétique nouveau
emportant son rêve tantôt dans les splen-
deur de l'Orient, tantôt dans le monde
étrange du moyen âge ou tantôt encore
au milieu des créations fantastiques de
l'imagination, ce fut Victor Hugo; jus-
qu'à son dernier jour, il eut à son chevet
les livres du grand poète qu'il aimait à
relire.
Romantiqiie attardé, il s'était tout d a-
bord jeté à corps perdu dans la bataille
contre les règles pédantes du passé aussi
bien en littérature qu'en art ou en musi-
que, et il avait conservé de cette pre-
mière période de son existence, avec la
cravate flottante, la barbe et les longs
cheveux, un certain dédain des habitu-
des courantes et des contingences de
l'existence. ,'
Son admiration pour Victor Hugo le
conduisit au « Rappel », où il entrait
comme critique littéraire, sous les auspi-
ces du poète.
Hélas, bientôt éclatait la guerre de 70.
Envoyé aux armées comme reporter par
son journal, il vit de près les fautes et
l'incapacité des généraux de l'Empire et
la défaite, puis la Commune, provoquée
par l'explosion de patriotisme des Pari-
siens exaspérés, l'émeute et les répres-
sions sanglantes. Enfin, au lendemain de
nos désastres, alors que la France ago-
nisait sous la botte du vainqueur et que
la vie s'efforçait péniblement de repren-
dre dans les campagnes dévastées, dans
les maisons pillées par l'envahisseur ou
incendiées au pétrole sans aucun motif
militaire, comme en 1815, comme tout
récemment encore, il vit arriver à l'as-
semblée de Bordeaux tous les ennemis de
Gambetta et de la République, royalistes
et cléricaux, groupés dans la même
Saine.
On dirait que la fatalité veut que no-
tre malheureux pays, au lendemain de
chacune des épreuves douloureuses qui
le frappent, soit destiné à devenir mo-
mentanément la proie de ceux qui rêvent
d'arrêter le progrès et qui ne craignent
pas d'établir leur puissance sur la mi-
sère et sur les deuils de la Patrie.
Après 1919, espérons que la démo-
cratie saura se ressaisir comme elle la
fait après 70, Comme elle l'a fait après
48 et chasser ceux qui veulent la rame-
ner en arrière.
Révolté par de tels spectacles, Ca-
mille Pelletan consacra sa plume et ses
jours à la défense républicaine. Dans une
série de portraits satiriques, il clouait au
pilori de l'histoire les fantoches de l'As-
semblée de Versailles et plus tard, de-
venu n député de la 2° circonscription
d'Aix, il écrivit la Semaine de mai qui
décida Gambetta à se joindre à ceux qui
réclamaient l'amnistie refusée jusque-là.
D'un caractère, timide qu'il dissimulait
sous des dehors de brusquerie, il réser-
vait pour les siens et pour ses amis les
trésors de son cœur et le charme de son
esprit étincelant. mais il devenait intran-
sigeant dès qu'il s'agissait des idées.
Toutes les puissances qu'il jugeait hos-
tiles à la démocratie ou dangereuses
pour le pays, il les attaquait avec une té-
nacité et une passion qui ne cédait de-
vant aucune considération étrangère au
devoir républicain, au risque des désaf-
fections, des inimitiés ou des haines qui
1 ont poursuivi même après sa mort.
,: Patriote ardent, il était l'ennemi du
militarisme qu'il , considérait comme le
plus grand adversaire du véritable pa-
triotisme et ses rapports sur la guerre et
sur la marine sont restés célèbres.
Au reste, chaque étape de sa vie po-
litique est marquée par les luttes arden-
tes qu'il a menées contre la haute finan-
ce, dont les agissements constituent un
danger permanent pour les nations qui
s' abandonnent. Que les républicains, que
tous ceux qui se réclament des principes
qui lui furent chers puisent dans son
exemple les enseignements et la force
nécessaires pour continuer les véritables
traditions démocratiques qui leur ont as-
suré jusqu'ici la confiance du peuple.
Qu'ils ne se laissent - pas - entraîner par je
ne sais quel esprit nouveau qui, sous des
aspects trompeurs, les conduit tantôt à
sacrifier les droits du suffrage universel
à des expressions mathématiques, tantôt
à diminuer le nombre des représentants
de ce même suffragé, au risque de lais-
ser se constituer peu à peu une oligarchie
aux mains des puissances d'argent ou
encore, sous prétexte de décentralisation,
à éteindre la vie intellectuelle des petites
villes et des campagnes au profit des
grands centres, à la joie de nos adversai-
res, qui espèrent secrètement amener
ainsi le paysan de France à se désinté-
resser de la politique, afin de ne plus le
rencontrer barrant la route à chacune
des tentatives de réaction.
C'est là le plus bel hommage que nous..
puissions rendre à la mémoire de Ca-
mille Pelletan et le seul qu'il ait désiré
dans le fond de son cœur.
Aux heures difficiles, la France répu-
blicaine a toujours tenu à honorer ses
grands morts comme pour puiser dans
leur souvenir une nouvelle ardeur et
bientôt, dans la 2° circonscription d'Aix
qu'il a tant aimée, sur l'initiative de la
démocratie des Bouches-du-Rhône et de
ses amis du « Petit Provençal », dont il
fut le collaborateur, va être érigée, à Sa-
lon, la statue de Camille Pelletan, afin
de transmettre aux générations futures le
souvenir du grand tribun et du grand
écrivain qui n'eut d'autre ambition que
de défendre les nobles traditions léguées
par nos pères de la Révolution.
Par un hasard curieux, le département
des Bouches-du-Rhône, en même temps
qu'il s'associait officiellement à l'œuvre
du monument Pelletan, va rendre un nou-
vel hommage à l'un des plus grands ré-
volutionnaires, à Mirabeau, unissant ainsi
à travers le temps, dans un même senti-
ment de reconnaissance, deux hommes
qui, avec des tempéraments différents,
ont lutté et souffert pour la justice et
pour la liberté.
Louis TISSIER,
Sénateur de Vaucluse.
—————————— à— .+..-.<-
EDITORIAL
« Nous partons en voyage» !
Notre Ligue des Droits de
l'Homme va partir pour
Berlin.
Il s'agit de rendre sa vi-
site à la Ligue des Droits
de l'Homme allemande qui,
récenÙmenlt, vint à Paris.
Car il paraît que les Allemands ont
une Ligue des Droits de rH 07nme On
ne s'en était pas aperçu à Louvain.
Je n'en pense pas moins qu'il faut en-
courager les Boches qui s'efforcent de
balbutier les premières lettres du Droit.
A cet égard, nul ne saurait leur offrir
une image plus noble, plus sereine, plus
vénérable de la justice et de la bonté-
humaine que notre très cher et respecté
maître Ferdinand Buisson.
Si Ferdinand Buisson parvenait à ca-
téchiser les Germains, sans doute renon-
ceraient-ils à leur haïssable industrie
nationale de la guerre, de l'invasion, de
la destruction.
Je n'ai pas de conseils à donner à la
délégation de la Ligue des Droits de
l'Homme, mais je puis lui proposer un
itinéraire, que je connais trop bien.
Qu'elle gagne donc fAblenwgne par
un crochet, dans nos régions dévastées.
Un coup d'œil sur le champ d'hor-
reurs qui s'étend encore de Rozières',
Chaulnes à Albert et Arras, et nos pèle-
rins de la paix revivront en quelques
heures toutes les atrocités et les ignomi-
nies de la guerre à Vallemande.
Ce sera d'un préludeadrnirable aux
entretiens qu'auront les ligueurs franco-
allemands. Ils ne manqueront pas d'en
déduire le rappel de ce droit imprescrip-
tible de l'Homme : la réparation du pré-
judice causé ; le châtiment des crimi-
nels, auteurs du préjudice.
,. _., - Edmond DU MESNIL,.
- Les pommes 6 du voisin
Petite leçon c - - -
Tout dernière ment, non loin. des Invalides,
un soldat, aveugle de guerre, tâtonne sur le
trottoir avec sa canne et appelle un civil à
son aide.
— Pardon. suis-je devant l'Institut des bles-
sés ? C'est la seconde fois que je m'y rends et
je ne m'oriente pas encore très bien.
- Vous en êtes tout près, dit le passant.
Du reste, je vais vous mener.
L'aveugle et son guide bénévole passent la
porte. Le civil dit au concierge :
— Accompagnez donc cet homme à la sec-
tion des aveugles.
— Accompagnez-le vous-même grommelle le
cerbère. Passez la voûte. C'est au fond de la,
cour.
Le civil remplit jus-qu'au bout son rôle cha-
ritable.
Puis, revenant vers le guichetier :
- Ne pourriez-vous pas, lui demande-t-il,
témoigner plus d- obligeance aux aveugles ?
— Ils sont trop. Je n'ai pas le temps.
— C'est pourtant votre devoir de Jes aider.
J'en trouve bien le temps, moi qui suis le ma-
réchal Foch.
{Le Cri de Paris.)
"'Ç>
Repopulation polonaise
Nos professeurs de. lycée ont été cJ^arq^J^
transmettre 'à leurs élèves une aimable invi-
tation du gouvernement polonais. Nos braves
potaches sont engagés à aller passer, une bon-
ne partie des prochaines vacances en Polo-
gne. Dans un des bahuts qui avoisinent le Pan-
théon, et qui porte le nom du plus galant de
nos rois, le professeur de troisième venait d'é-
numérer les avantages de la villégiature polo-
naise.
— Là-bas, chez nos amis, expliquait-il à son
jeune auditoiref vous serez accueillis à bras
ouverts. Les meilleures familles se disputeront
l'honneur et le plaisir de vous héberger. Vous
n'aurez à payer que le voyage, et encore. avec
le change !
Un des jeunes auditeurs se pencha alors vers
son voisin, et de bouche à oreille :
— Tout ça, fit-il confidemment, tout ça, tu
ne le vois pas ? C'est pour la repopulation.
Et le petit bonhomme en culottes courtes
continua:
- La Pologne a été ravagée par les Boches
et les bolcheviks. Il faut repeupler. 'A'lorrs.,
comme on sait que nous sommes une belle
race, on nous envoie là-bas, nous, les jeunes.
« Moi, je vais dire à maman de me faire
inscrire. Pourvu qu'elle ne comprenne pas de
quoi il s'agit ! Je lui dirai que je veux ap-
prendre le polonais ! »
(Aux Ecoutes.)
-<:::>+"'=>
Pile et face
Dans la saUe des Pas-Perdus du Palais J
Justicet on aperçoit, la statue d'une corpulente,
matrone qui est censée personnifier là Loi.
De face on admire àvéc quelle décence,
quelle majesté s'étalent sur ses genoux et re-
couvrent pudiquement la cheville et les pieds
les plis de sa tunique. Mais faites le tour de-
cette opulente personne et contemplez-la de
profil.
Oh 1.
Avant de s'asseoir, — à la façon des pay-
sannes économes qui, pour ne pas l'abîmer,
relèvent leur cotte aussi haut que possible, —
la Loi a retroussé sa tunique ! Mais si outra-
geusement, avec un tel sansgêne, qu'au mé-
pris de toute bienséance, modelé à l'emporte-
piècen redondant et ostentatoire comme s'il
sortait du bain, apparaît son séant — mal-
séant.
— Précieuse indication, remarquait un jour
un ancien et futur président du Conseilt quand
il n'était alors que Me Viviani. Car, s'il nous
est interdit de violer la loi, il est toujours pos-
sible, n'est-ce pas f de -la. tourner f
(Le Canard Enchaîné.)
L*fraude déjoué^
: ou le devoir accompli
i :
IL'administration des poids et mesures,
soucieuse d'accomplir son devoir, adresse à
tous les cafetiers des avis pour les inviter à
faire vérifier leurs mesures.
Quel remue ménage dans tous les établis-
sements où l'on sert à boire ! Les garçons,
juchés sur des échelles, cherchent au fond
du drnier étage des placards, ces vieux
pots d'étain aux contenances diverses avec
lesquels ils sont présumés mesurer les li-
quides.
Cependant, aux terrasses, dans les salles,
les bçcks et les demis non jaugés montrent
ces splendides faux-cols qui font la fortu-
ne des débitants tout en réjouissant l'œil;
les verres, ballonnés extérieurement et coni-
ques intérieurement, réalisent de merveil-
leuses illusions d'optique qu'admirent le
verrier et le cafetier, tandis que le consom-
mateur les .paie en bons billets.
Dans plusieurs pays, pour éviter ces
fraudes, on exige que sur clratftie verre soit
gravée sa contenance exacte. Mais, en
Franée, l'administration se. contente de vé-
rifier les vieilles mesures d'étain et elle les
poinçonne tranquillement, le cœur joyeux
du devoir accompli.
———.——————— > e.er
L'HYDRE DE ltEaNE
C'est à 1&. yiev chère, subtilement organi-
sée par d'odieux trafiquant que donne ce
nom d' « Hydre de Lerne » notre confrère,
l'agence d'informations « Actualités ».
Quoi que promette M. Chéron, quoi que
disent certains communiqués officiels, le
coût de l'existence ne faiblit .pas, au con-
traire. Le client est tondu, par définition,
par tous les échelons d'intermédiaires. Par
une sorte d'émulation désastreuse, la Mer-
cante domine et gangrène-tout.
Les exemples cités par notre confrère
sont typiques : Les chauffeurs de taxis per-
sistent à appliquer des tarifs exorbitants,
alors que l'essence a baissé de 40 0/0. Et
la crise des boulangeries ? Et cet autre
exemple que donne « Actualités » :
« Une société 'de chaussures vient de te-
nir son assemblée générale. Sait-on à com-
bien elle a fixé le dividende de ses actions
pour l'exercice 1921 ? A 900 francs par ac-
tion de 1.000 francs ! !..Et. ce. n'est pas la
Société, souligne 1' « Homme Libre » qui,
avec le « Gaulois », 1' « Œuvre », le « Ra-
dical », le « Rappel » et quelques autres
journaux, s'efforce à mener le bon combat
contre la nouvelle hydre de Lernë. Dans la
« partie », depuis 1916, les bénéfices ont
augmenté de. 300 0/0. Ils avaient at-
teint leur maximum en 1919 - l'année où
nous avons payé, naturellement, nos sou-
liers le plus cher. On le voit, 1921 n'a pas
voulu demeurer en reste ! •
Comment vouloir alors que les petits
n'aient pas le même appétit au gain, de-
vant de tels exemples f
: p ..-
M Outrey va interpeller
à propos de la 8.1. G.
M. Outrey, député de Cochinchine, a dé-
posé hier sur le bureau de la Chambre une
demande d'interpellation au gouvernement
« sur les retards qu'il apporte : 1° à sou-
mettre à la ratification des Chambres, con-
formément aux votes exprimés par elles, les
accords et les conventions nécessaires pour
la sauvegarde des intérêts matériels et mo-
raux de la France en Extrême-Orient gra-
vement compromis par la cessation des opé-
rations de la Banque Industrielle de Chi-
ne ; 2° à déposer sur le bureau de la Cham-
bre le projet de loi soumettant au Parle-
ment la nouvelle convention avec la Banque
de l'Indochine, dont il aurait dû être saisi
depuis janvier 1920 ».
fi LA CHAMBRE, SEANCE ACADEMIQUE
M. Ferdinand Buisson soutient énergiquement
îa gratuité des trois enseignements
M. Bracke fait l'apologie du grec et du latin
&—
La séance d'hier matin fut une de ces séan-
ces que l'on ne connait guère depuis la nou-
velle législature et qui, par la sérénité des dé-
bats et l'oubli des basses préoccupations poli-
tiques, honorent une assemblée. Nos députés,
il est vrai, n'étaient guère qu'une soixantaine,
et ceci explique peut-être cela.
M. Ferdinand Buisson termina le discours
commencé la veil'le, et avec la même élévation
de langage et de pensée, il exposa cette con-
ception, que le parti républicain a recueillie
dans l'héritage de la Révolution , qui ne voit
dans les trois enseignements que les étages
d'un même édifice, et veut que leur accès soit
également gratuit. Il fut chaleureusement ap-
plaudi par les gauches, tandis que la majo-
rité restait correcte, mais froide.
Elle réserva ses admirations pour un socia-
liste utfifié, M: Bracke. Celui-ci défendit avec
un tel talent la cause du grec et du latin qu'il
mérita les hommages de M. Arago, et qu'un dé-
puté de la droite ne sachant comment témoi-
gner son enthousiasme lui cria : « Mais vous
avez des idées réactionnaires. »
-LA. SÉANCE
La Chambre reprend la discussion des in-
terpellations sur'la réforme de l'enseignement.
M. Ferdinand Buisson continue le discours
commencé la veille. Il se (propose cette fois
d'exposer sa conception de l'éducation natio-
nale.
Il part de la formule de Jaurès : « Nous ad-
mettons, a dit celui-ci, que tout enfant a un
droit préexistant sur tous les moyens de tra-
vail et de vie dont la collectivité peut dispo-
ser. »
Ce droit de l'enfant ainsi défini, personne ne
paraît le contester ; mais combien, après avoir
dit « oui » tout haut, imurmurent tout bas
« non ». Cependant si 'le christianisme a fait
luire aux yeux des hommes un idéal de paix,
en le plaçant dans un autre monde, peut-il re-
procher à la Révolution d'avoir essayé de le
réaliser ici bas ? Aussi cette idée devait se dé-
velopper, et elle a fait des progrès dans le
pays.
« Il importe d'aborder le problème de l'édu-
cation nationale dans son ensemble. Tous les
enfants de France, les pauvres comme les ri-
ches, ont le même droit. »
L'orateur en arrive maintenant au cœur
même de son sujet, et expose sa vaste et gé-
néreuse conceDtion - de l'enseisnement. -
« Que peut faire le gouvernement pour fa-
ciliter 'l'accession de tous les enfants aux plus
hauts degrés de l'enseignement ? Cette ac-
cession n'a pas pour objet, ainsi qu'on nous l'a
objecté, de faire, de tous les primaires, des
petits bacheliers, mais bien de transformer
l'enseignement primaire afin qu'il cesse d'être
une impasse.
« Les hommes de 1789 n'entendaient-ils
d'ailleurs pas que les trois enseignements se
suivissent ? Dans leur esprit, la primaire de-
vait préparer au secondaire , lequel devait se
développer dans l'enseignement, soit supé-
rieur, soit professionnel. » 1 1
L'éminent député ne considère pas que les
bourses constituent une solution du problème
posé, car il faut être riche pour les accepter.
Autrement elles tendent à déclasser l'enfant.
« L'inconvénient que je signale, s'écrie-t-il,
subsistera tant que le lycée demeurera payant.
a 'Le véritable fondement, dans 'la démocra-
tie, d'un établissement d'enseignement ne sau-
rait être la situation de fortune des parents.
(Applaudissements à l'extrme, gauche et à
gauche.)
« Au lycée comme partout, il convient de
respecter le principe démocratique de la sé-
lection par le travail et par le mérite. »
L'orateur, cependant, ne croit pas que cet
idéal puisse être réalisé immédiatement ; mais
c'est vers lui que nous devons marcher.
« Tout système d'éducation prétendue natio-
nale- qui s'arrête aux limites de l'enfance est
une dérision. (Applaudissements à l'extrême
gauche et à gauche.)
« On ne (peut pas accomplir une œuvre d'é-
ducation véritable sur le caractère et l'intelli-
gence d'un enfant de douze ans.
« Or, aujourd'hui, c'est la masse de la na-
tion qui vit sous ce régime et qui ne reçoit
pas son dû, parce que ses enfants quittent l'é-
cole trop tôt. (Applaudissements sur les rnê-
mes bancs.)
« J'ajoute que l'intérêt des particuliers n'est
pas seu'} en. jeu. La société qui met en œuvre
le dixième seulement de son trésor humain
gaspille des richesses que la nature met à sa
disposition. »
Pour sauvegarder l'école primaire
M. Buisson est ainsi amené à critiquer la
mesure envisagée par le ministre, qui tendrait
à ramener à onze ans la limite d'âge du cer-
tificat pr}maire, et, par là, provoquerait le
recul de l'enseignement primaire.
CLire la suite en deuxième page).
, :'-" POLITIQUE ETRANGERE
', f
La perplexité des banquiers
LEUR COMITÉ DISCUTE. MAIS NE DÉCIDE RIEN
—————— ——————
Les banquiers étrangers qui,
tels des médecins, se penchent
avec sollicitude sur le ma-
laise économique de la vieille
Europe, sont, dit-on fort per-
plexes.
Certains, avec une louable perspicacité,
voient le danger qu'il y aurait à mettre aux
mains de l'Allemagne l'arme inquiétante d'un
chiffre réduit de réparations. Ils flairent le
danger que l'expérience, déjà, n'a laissé que
trop prévoir, Et, sur le point de prendre une
décision, ils hésitent.
Car ils sentent bien qge, malgré toutes les
concessions qui furent faites à l'Allemagne,
celle-ci' est restée, jyar principe et par (léfini-
tion, hostile à l'idée même de n'importe quel
paiement. Même devant sa dette réduite, il est
à supposer qu'elle gardera la même attitude.
Alors, à quoi bon fournir un aliment nouveau
à son insolente {ndiffér'ence?
Reste la question de l'influence que pour-
rait avoir particulièrement aux Etats-Unis,
une suggestion des banquie'J''s" tendant à une
compensation de la dette-Glleman&ede notre
dette vis-ù-vis de. l'Amérique. M. Morgan
sera-t-il assez puissant pour faire adopter un
tel plan par les autorités américaines? Voire.
Autant qu'on puisse juger, il ne semble pas
que nous en goyons là. N'avons-nous pas eu, il
y a deux ou trois mois, lors de la Conférence
des ministres des finances, une démarche inat-
tendue de M. Boyden, délégué muet jusqu'a-
lors du gouvernement américain, qui rappe-
lait doucement, mais fermement, que son pays
ne renonçait pas du tout à sa part dans. les
frais d'occupation? Alol'S? Il faudrait que l'o-
pinion eût singulièrement évolué.
Et rien ne permet, actuellement, d'en au-
gurer.
Le mieux serait encore que les banquiers
renoncent purement et simplement à recourir
actuellement, au remède qu'ils peuvent propo-
ser. La question n'est pas mûre encore. De
trop puissantes contingences politiques inter-
viennent.
L'on annonce une solution pour mardi: il se-
rait presque à souhaiter que celle-ci soit. qu'il
n'y en a pas!
Raymond LANGE.
Les banquiers discutent
Le comité des banquiers chargé de faire-un
rapport à la commission des réparations sur
les conditions dans lesquelles pourraient être
émis un ou plusieurs emprunts extérieurs al-
lemands, dont le produit servirait au rachat
de la dette-réparations, s'est réuni, hier après-
midi, à trois heures et demie. Il continue, sous
la présidence de M. Delacroix, l'examen de la
situation créée par la décision de la commis-
sion en date du 7 juin.
Les banquiers recherchent néanmoins le
moyen de conclure un emprunt, même dans les
conditions. actuelles. Jugeant encore utile d'é-
tudier plus à fond la question, ils se sont
ajournés à mardi.
M. Delacroix, délégué belge, est optimiste
et il pense que c'est au grand emprunt qu'on
s'arrêtera.
REUNION DU COMITE DES GARANTIES
Le comité des garanties a siégé également,
hier, après-midi, sous la présidence de M.
Mauclère. Il discute la question de son trans-
port à Berlin pour l'organisation et la surveil-
lance du contrôle institué à la veille de l'é-
chéance du 31 mai.
Il est très probable que le comité des ga-
ranties partira la semaine prochaine pour Ber-
lin, où il fera un assez long séjour.
L'EMPRUNT ET LES DETTES
INTERALLIEES
Londres, 9 juin. — Parlant de la question
des réparations et de l'emprunt international,
la Westminster Gazette écrit:
« La France a adopté à nouveau une attitu-
de inébranlable et si ce n'était la possibilité
d'arriver à quelque compromis touchant les
dettes interalliées, la perspective d'arriver à
une solution à ce problème serait plus décou-
rageante que jamais.
« Nous ne croyons pas, ajoute la Westmins-
tel- Gazette, que M. Lloyd George puisse main-
tenir son refus d'envisager l'annulation de nos
créances sur nos anciens alliés.
« Lorsque le rapport du comité des ban-
quiers sera publié, nous connaîtrons probable-
ment quelle réduction des réparations rendrait
un emprunt possible.
« Si M. Lloyd George agit sagement, il of-
frira alors d'annuler une partie appropriée de
nos créances sur nos alliés.
« Un règlement final des réparations, con-
clut la Westminster Gazette, vaudrait la peine
que l'on consentit à des sacrifices, et nous
pourrions au moins renoncer à ce que, de l'a-
vis de la masse des gens réfléchis, nous n'ob-
tiendrons jamais dans n'importe quel cas ».
A BERLIN,
LES POPULISTES SE METTENT
D'ACCORD AVEC LE GOUVERNEMENT
Berlin, 8 juin. — Avant le départ de la dé-
légation allemande pour Gênes, le parti popu-
laire allemand avait conclu un compromis
avec le gouvernement. Les populistes sauvè-
rent ainsi le cabinet à la veille de l'ouverture
de la Conférence. Après la mission de M. Her-
mès à Paris, M. Wirth fut accusé par les mem-
bres du parti-populaire de n'avoir pas exacte-
ment renseigné le Reichstag sur la portée
exacte des négociations engagées à Paris. La
commission, disaient-ils, avait affirmé qu'il
n'avait pris aucun engagement concret, ce qui
fut affirmé par la note de la Commission des
réparations. En conséquence, les populistes es-
timèrent que les promesses faites par M. Her-
mès allaient complètement à rencontre de leur
programme. Jusqu'ici, ils s'étaient tenus sur
une prudente réserve; cependant, déjà, au der-
nier vote du Reichstag, ils se séparèrent du
gouvernement. Ils viennent maintenant de
préciser leur attitude. Se mettant à la remor-
que de M. Becker et de M. Stinnes, ils s'élè-
vent violemment contre l'esprit et la méthode
des pourparlers qui ont eu lieu à Paris. A leur
avis, l'Allemagne reçoit un répit trop court.
Lorsque ce délai sera expiré, la situation
n'aura qu'empiré. Le parti populaire compte,
on le sait, parmi ses membres les grands in-
dustriels de l'Allemagne, et ceux-ci pensent
que le cours du mark, en s'élevant, réduirait à
néant toute l'exportation allemande. Le parti
abandonne donc le gouvernement de M. Wirth
et passe à l'opposition. Son attitude hostile se
manifestera par le refus de soutenir le ('hi.
net dans le compromis et par l'opposition à
toute action du gouvernement, quels que
soient les résultats des pourparlers de Paris.
Le chancelier se trouve ainsi dans une situa-
tion difficile. Il compte, il est vrai, sur l'appui
des socialistes indépendants, mais ceux-ci
n'ont pas encore donné leur parole. Les pro-
chains votes du Reichstag peuvent être dé-
cisifs.
L'ALLEMAGNE VEUT FAIRE
DES AFFAIRES
Berlin, 9 juin. — Dans la Gazette de Voss,
M. Georges Bernhardt constate que les préten-
tions formulées par l'industrie allemande, au
sujet du problème des réparations sont rai-
sonnables, c'est-à-dire qu'un emprunt ne suffit
pas, mais il faut abandonner la politique des
sanctions et ouvrir à l'Allemagne les marchés
mondiaux pour lui permettre de faire concur-
rence aux autres pays. M. Bernhardt déclare
qu'une solution définitive du problème des ré-
parations se heurte actuellement à de graves
difficultés et que même si la question était ré-
glée-suivant le profet: de «il- Robert Motim^il
en résulterait pour l'Allemagne une charge an-
nuelle de 3,6 milliards de marks-or, que lAi-
lemagne ne pourrait pas supporter.
M. Bernhardt conclut: « La pause qui nous
serait accordée paraît désirable, car il est cer-
tainement beaucoup, plus sain de respirer un
peu que d'étouffer immédiatement. Le peuple
allemand doit respirer si la solution provisoire
aboutit ».
LA DERNIERE REUNION
DES BANQUIERS
Hier soir, à 19 heures, le Comité des ban.
quiers s'est réuni à nouveau à l'hôtel Aetoriâ,
pour examiner la question de l'emprunt exté-
rieur allemand.
A l'issue de cette réunion, qui prit fin à
19 h. 45, aucun communiqué oifficiel ne fut
transmis à la presse.
Cependant, nous croyons savoir que le Co-
mité des banquiers aurait décidé qu'il est im-
possible actuellement de mettre sur pied un'
tel emprunt, mais que, lors d'une réunion ulté-
rieure qui pourrait se tenir dans trois mois,
un meilleur résultat pourrait être obtenu'à
cette époque.
Ce matin, le Comité se réunira à nouveaa
pour rédiger son rapport à la Coaimission dee
réparations.
"——-————— > .- <
La crise ir landaise
LES POURPARLERS DE LONDRES
SUR L'ETAT LIBRE
Londres, 9 juin. —. M. Arthur Griffith
a eu aujourd'hui, au Colonial Office, avec
M. Winston Churchill, une entrevue qui a
duré plus d'une heure. A l'issue de cet en-
tretien, le délégué irlandais a donné à en-
tendre que des progrès satisfaisants avaient
été réalisés concernant les discussions sur
le projet amendé de Constitution irlan-
daise.
D'autre part, en quittant le Colonial Of-
fice, M. Winston Churchill s'est rendu chez
le premier ministre pour y assister à une
conférence de tous les signataires britan-
niques du traité de Downing Street. La
réunion était présidée par M. Lloyd Geor-
ge, qui -était arrivé-èt-Londres deux heures
auparavant. Outre le premier ministre et
M. Winston Churchill, y assistaient égale-
ment sir Worthington Evans, ministre de
la guerre ; lord Balfour, lord Birkenhead,
sir Hamar Greenwood, le vice-roi d'Irlande
et le lord chef de justice.
M. W. Churchill mit ses collègues au
courant de ses entrevues avec M. Griffith.
Il fut décidé que la question serait exami-
née à nouveau dès samedi. Il se peut d'ail-
leurs. qu'au cours de cette prochaine séan-
ce, qui aura lieu dans l'aprèmldl, M. Grif-
fith soit appelé en consultation par M.
Lloyd George.
————————
LE PROCÈS DU JOUR
Mme Bassarabo clame
son innocence
Mais Mlle Paule Jecques a son sec:et
Combien les belles dames avides d'émo-
tions fortes regretteront de n'avoir point été
admises aux débats du procès Bassarabo!
L'audience d'hier fut, en effet, profondément
émouvante. Du beau théâtre. Tragédie ou mé-
lodrame ? Nous ne saurions le dire encore,
n'étant point dans le secret des acteurs.
Rien n'y manquait, en tout cas, ni les cris
amers de désespoir de l'héroïne, ni les pleurs
de l'innocence injustement accusée, pas mê-
me dans la coulisse les sourds grondements
du tonnerre. La voix grave du président et
sa barbe majestueuse ajoutaient encore à
la grandeur du spectacle.
Comme on excuse, dans ces conditions, la
tentative, malheureuse du reste, de cette jeu-
ne Montmartroise, Mlle Claire Fontaine, qui
crut braver la sévère consigne en pénétrant
dans l'enceinte sous le couvert d'une robe
d'avocate! ,
Mais, arrêtée au moment où elle franchis-
sait la dernière barrière, par un brigadier au
flair particulièrement subtil, elle se vit dé-
pouillée de sa robe d'emprunt et honteuse-
ment chassée.
Ce n'est là, au demeurant, qu'un minime in-
cident qui. sans doute, n
couloirs.
La première partie de l'audience avait été
assez calme, hormis quelques passes d'ar-
mes assez vives entre l'avocat général Man-
cel et Me de Moro-Giafferri.
Reprenant l'interrogatoire au point où il
l'avait laissé la veille, le président cherche
à établir dans quelle situation morale se
trouvaient les acteurs du drame quelques
jours avant le crime.
Paule Jacques a-t-elle dit, par exemple, en
parlant de son beau-père : « Il verra comme
on joue du revolver à Mexico > ?
La fille -est interrogée, c'est la mère qui
va répondre. nvio 1A Drécident :
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