Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-06-06
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 juin 1922 06 juin 1922
Description : 1922/06/06 (N18804). 1922/06/06 (N18804).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
1 -
17 PRAIRIAL. AN 130. — T 18804 le numéro 1 QtrmzE CENTIMES MARDI 6 JUIN 1922. — N" 18S04
Fondateurs (1869) t
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Un aD Six mois Trois moia
SEINE & S.-ET-OISE. 38 » 20 » 10 »
FRANCE & COLONIES.. 41 S 22 D 11 »
ETRANGER 49 » 25 » 13 »
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RAYMOND LANGE
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TRI B il NE LIBRE
r
-LE JÉSUITE SPORTIF
——o®o~ » « ———————
Sous la haute direction de l' « Action
Populaire» et de l' « A. C. J. F. » pour
les hommes,- de l' « Ecole normale so-
ciale » et de la « Ligue patriotique des
Françaises » pour les femmes, se pour-
suit, nous l'avons vu, une vaste campa-
gne de recrutement jésuite dans les mi-
lieux populaires. Elle s'attaque d'abord
aux enfants et aux adolescents, soldats
de demain, électeurs d'après-demain.
De nos jours, tous les gosses sont des
« sportifs ». A leur passion, éminemment
louable, pour les jeux de plein air, s'a-
joute l'attrait immémorial de l'uniforme
et le besoin de se créer des camarades.
D'où cette prodigieuse floraison de so-
ciétés. Excellent filon à exploiter! La
Compagnie de Jésus, qui s'est toujours
piquée de se moderniser, a favorisé l'ap-
parition d?un type assez curieux, le jé-
suite sportif,
*
sfc sfc
La société de gymnastique est l'élé-
ment essentiel du patronage, c'est-à-
dire du groupe d'enfants et de jeunes
gens hébergés, distraits et catéchisés,
jeudis et dimanches, dans toutes les
communes de France et dans tous les
quartiers de Paris, par un clerc régulier
ou séculier, assisté de quelques laïques
de bonne volonté. Leur mot d'ordre, d'a-
près l' « Action Populaire », est le sui-
vant : « Groupons le grand nombre par
la gymnastique et, à côté, dans le cercle
d'études, préparons l'élite sur laquelle
nous nous appuierons. »
Or, s'il est incontestable que les jésui-
tes n'ont pas la haute main sur chacun
des innombrables patronages de France,
il est non moins certain qu'ils « contrô-
lent la « Fédération gymnastique et
sportive des patronages de France » (F.
G.S.P.F.), autour de laquelle s'étaient
groupées; dès 1912, 1,250 sociétés re-
présentant autant de patronages. Il im-
porte, en effet, que ces gymnastes, pour
pouvoir sortir en armes ou participer à
des concours, se constituent en autant
d'associations déclarées, alors que les
patronages peuvent, à la rigueur, se pas-
ser de cette formalité.
La Fédération en question, présidée
par le docteur Michaux, compte déjà
vingt-quatre années d'existence. Elle a
un organe officiel : (( les Jeunes », un
secrétariat central (5, place Saint- Tho-
mas-d'Aquin) ; elle comporte 'des unions
régionales et départementales. C'est l'u-
nion régionale de la Seine qui a fait dé-
filer, l'autre jour, devant la statue de
Jeanne d'Arc ses 72 groupements. On
peut évaluer à 200.000 le nombre des
membres de la F.G.S.P.F.
III
**
Faire partie d'une société de gymnas-
tique choque certains délicats. C'est po-
pulaire, tapageur et un peu vieillot. Le
dernier cri, pour un gosse « dans le
train », c'est le « scoutisme ». Vous savez
bien, les Boy-Scouts, avec leurs grands
drapeaux, leurs grands bâtons et leur
dégaîne à la William Hart ! Ça, c'est chic
et moderne!
C'est d'ailleurs fort utile aussi, et Pieu
toc garde de critiquer une institution et
des procédés excellents en tous points!
Me3 fils seront « scouts » ! Mais je doute
qu'ils fassent partie de l'Association con-
nue sous le nom de « Scouts de France »
et qui eit une jésuitière modèle.
L'histoire de sa fondation est carac-
téristique des procédés jésuites; mais
il faudrait trop d'espace pour l'exposer
au long. En deux mots, les jésuites ont
fondé, en 1920, cette société pour con-
currencer le scoutisme neutre (Eclaireurs
de France, Eclaireurs Français), ou pro-
testants (Eclaireurs Unionistes), mais
aussi et surtout pour étouffer, accaparer,
assimiler les groupements « catholiques
indépendants ». En 1913, l' « Action
populaire » interdisait à ses affiliés l'a-
dhésion aux sociétés de Boy-Scouts. La
1922, elle la recommande chaudement.
C'est que dans l'intervalle se sont créés,
à son instigation, les « Scouts de Fran-
ce ». Quant aux rares groupes d'éclai-
reurs catholiciues qui ont réussi à garder
leur indépendance, elle les passe dédai-
gneusement sous silence. Ce sont concur-
rents qui ne comptent plus!
Le président-fondateur des « Scouts
de France » fut le général de Maùd'huy,
élève modèle des bons Pères. Le secrétai-
re général est l'abbé (jésuite) Sévin, qui
signe simplement « Jacques Sévin » ses
b:,)c:,.-es de propagande. L'aumônier
général est l'abbé Cornette, que je soup-
çonne fort « d'en être un autre ». Dans
le Conseil Protecteur figurent les noms
significatifs (du R. P. de Grandmaison,
de MM. René Bazin, de Lamarzelle, du
chanoine Bochin, du président de l'A.
C.J.F. et de la Fédération des patrona-
ges.
Marque de fabrique : là « Prière du
Scout », que tout aspirant doit savoir par
cœur, est signée. St-Ignace de Loyola.
Ces gosses reçoivent une éducation
d' « éclaireurs », c'est entendu ! Mais
surtout celle d'un futur jésuite : on leur
apprend, outre l'art de nouer les ficelles,
l'histoire de France, et même la politi-
que contemporaine. Exemples :
— La « Marseillaise », hymne natio-
nal, ne comporte plus que trois couplets.
Ceux relatifs « à la royauté et aux enva-
hisseurs d'alors. ont perdu toute actua-
lité ». Le scout n'a plus à les connaître.
Pour un peu, on l'inviterait à les oublier
s'il les sait!
— L'histoire de la IIIe République,
depuis î 870 jusqu'à 1914, se résume
ainsi : « A l'intérieur, persécution reli-
gieuses violentes. Lois contre les écoles
catholiques, expulsion des religieux, rup-
ture du concordat, inventaires (1906).
Développement des lois sociales rendues
nécessaires par la grande industrie. A
l'extérieur, grande expansion coloniale :
Tonkin, Madagascar, Maroc. » Un point,
c'est tout! Un bon scout, nous dit-on
ailleurs, doit (( comprendre » la France!
— Et cette perle ! dans -une allocution
familière, que Notre Seigneur est censé
adresser au néophyte, l'interprète jésuite
ne craint pas de prêter à Dieu lui-même
cette erreur historique : « Pense à tous
les chrétiens qui n'ont pas le bonheur
d'être les fils du « Royaume » Très-
Chrétien. »
Dieu a certes le droit de se tromper,
mais le R. P. Sévin n'ignore pourtant pas
que la France est une République!
Maurice CHARNY.
.-.s-cr; ..--
ÉDITORIAL
Nœuds d'Alsace
et Bonnets Lorrains
Il y a quinze jours, les
larges nœuds de taffetas
noir des jolies Alsaciennes
frémissaient d'allégresse
pour saluer le président du
Conseil. lIier, c'était le bon-
net lorrain qui avait mis
'à sa coiffe une cocarde tricolore.
Metz, après Strasbourg, vient à nou-
veau de proclamer au monde son indé-
fectible attachement à la France.
L'on a pu médire des visites officiel--
les que font, dominica.lem.ent, en nos
provinces, nos mirtistreset sous-minis-
tres. L'on ne saurait les critiquer, lors-
qu'elles permettent à un peuple joyeux
de crier l'amour de sa patrie et de ré-
pondre ainsi aux allégations menson-
gères de ses maîtres d'hier.
Quoi qu'en disent les Allemands, quoi
qu'en répètent certains mauvais Fran-
çais, l'Alsace et la Lorraine ne renient
rien de l'élan enthousiaste qui, voici
plus de trois ans, les jetaient dans les
bras de la France. Les deux provinces
sont, à la réflexion, ce qu'eiles étaient
dans le paroxysme de joie qu'elles vé-
curent en 1918.
Certes," à l'habitude, s'émoussent les
grandes passions et s'apaisent les beaux
emballements. Comme les profondes
douleurs, les vrais bonheurs ne sau-
raient se manifester en échos infinis.
Même il y eut, parfois, là-bas, des frois-
sements, des mouvements de mauvaise
hnmeur. Tels services, qui, sous la fé-
rule germanique, fonctionnaient au
doigt et à tœil, peuvent parfois grincer
dans leurs rouages; en Lorraine, on est
plus froid, on est volontiers frondeur en
Alsace. Pour des vétilles, il arrive qu'on
s'énerve.
Mais il reste au cœur le sillon profon-
dément creusé de la radieuse délivran-
ce: au-dessus des petits malentendus
passagers, s'impose l'ineffable bonheur
de respirer librement, de parler haut et
/"uuc,sans craindre Vespion aux aguets;
d'être soi largement, sans ombre, sans
arrière-pensée.
Voilà ce que savent bien les Alsaciens
et les Lorrains. Ils ont vécu sous deux
ciels: ils ont choisi. Et ce sont eux qui,
aux beaux soirs d'été, près de la vigne
en fleurs et du houblon roux, chantent
avec le vieil Emile Erckmatut, dont il y
a quelques jours on fêtait le centenaire,
le joyeux refrain du terroir:
On changera plutôt le cœur de place
Que de changer la vieille Alsace.
Raymond LANGE.
On dit. -
r„
En Passant
Drame conjugal
M. Paul Bourget, dans son beau livre Un Di-
vorce, n'a pas prévu le dénouement tragique
imaginé par les époux Zimmerman, de Munich.
Ce ménage désuni avait obtenu le divorce et
comme chacun avait des torts, le juge, digne
descendant de Salomon, confia l'un des deux ju-
meaux au père, l'autre à la mère.
Le jugement à peine prononcé, les époux di-
vorcés se querellèrent.
Le père n'acceptait pas de confier sa fille à
la mère et celle-ci ne voulait pas se séparer de
son enfant.
Farouches en leur haine et leur désespoir, ils
convinrent qu'ils feraient tous ensemble une
promenade sur le lac de Constance et que là ils
se mettraient d'accord.
Leurs amis ne soupçonnèrent pas ce que le
mot d'accord signifiait dans la bouche de ce
père et de cette mère incapables de se séparer,
l'un et l'autre, de leurs enfants et ne pouvant
absolument pas reprendre la vie commune.
Ils partirent avec les deux petits, si gais à
l'idée de se promener en bateau.
Ils montèrent dans une barque, glissèrent si-
lencieusement sur le lac et ne revinrent plus.
On retrouva, le lendemain, les cadavres des
enfants liés ensemble et les deux corps de leurs
parents.
Que la fin tragique des époux Zimmerman
et des deux petits innocents fasse un peu réflé-
chir les jeunes gens qui parlent en riant des
facilités du divorce et se marient avec la ferme
intention de divorcer « si ça ne va pas ».
Certes, tant qu'il n'y a pas d'enfants, c'est
encore la meilleure solution, à condition
qu'ayant reconnu leur erreur les jeunes divor-
cés, rendus sages, par cette première expérien-
ce, ne cherchent pas à battre un record, ce qui,
paraît-il, est très moderne.
Mais s'il y a des enfants, la question devient
terriblement grave et angoissante. On est res-
ponsable du bonheur de l'être que l'on a créé.
Lorsqu'il n'y a qu'incompatibilité d'humeur,
il faut sacrifier sans hésiter sa quiétude, la
paix égoïste à laquelle chacun aspire, à l'affec-
tion et à la tendresse que l'on doit à l'enfant,
et qui lui est nécessaire pour vivre comme le
lait au nourrisson.
Si les deux époux se mettent d'accord sur ce
point — et rien que sur celui-là, — la vie les
rapprochera au moins, sur le front de l'enfant
si elle s'obstine à les séparer dans tous les au-
tres moments, et ils auront encore de belles
heures.
Et je songe aux pauvres petits des époux
Zimmerman. Quels tristes, quels navrants sou-
venirs d'enfance, 'ils ont dû emporter dans le lac
de Constance.
Ch. RABETT.
Aujourd'hui
La manière.
Le public semble prendre un malin plaisir
à maltraiter les rideaux et les stores de wa-
gons de chemins de fer et de tramways, sans
penser qu'il aura lui-même à souffrir de cet
état de chose.
La Compagnie des chemins de fer du Bois
de Boulogne, les. tramways électriques qui
font le service entre la Porte Maillot et le
Val d'Or, a eu l'heureuse idée de faire affi-
cher, sur les stores de ses voitures, un petit
avis d'une forme si gracieuse qu'il est impos-
sible de lui résister :
« Ne me bmtalisez pas
Et je vous abriterai bien. »
Comment ne pas traiter avec une infinie
idouceur de,s stores qui vous adressent une
prière aussi délicatement ?
En tout, il y a la manière.
+-<::>
le Flibustier.
Ce qui est né dans l'imàgination d'un écri-
vain devient souvent du règne de la réalité
par la suite.
C'est ainsi que le sujet du Flibustier, de
Jean Richepin, est à peu près l'histoire d'un
soldat viennois, qui, blessé en 1915, fut porté
parmi les morts et rentra ces jours-ci de Rus-
sie après sept ans d'absence.
Sa femme, se croyant veuve, se remaria il
y a deux ans.
Aujourd'hui, « le revenant » ne tient pas
à reprendre la vie conjugale, il s'est épris
d'une autre femme et sa femme est heureuse
avec son nouveau mari.
Ils ne demandent qu'à vivre chacun leur
vie, mais la loi est formelle touchant le cri-
me de bigamie : les deux époux doivent re-
prendre la vie commune.
La loi va donc les obliger à avoir chacun
des liens illégitimes.
Curieux cas !
Le Tapin.
M. Nitti contre la France
Nous n'avons jamais eu grande illusion
sur les sympathies que pouvait avoir pour
notre pays l'ancien président du Conseil
italien, M. Nitti. Nous n'ignorions pas que,
peu de mois après l'armistice, il n'avait
pas hésité à prodiguer ses sourires à l'Alle-
magne et à favoriser l'expansion commer-
ciale germanique en Italie. Ce fut même
au point que certains Italiens s'inquié-
tèrent et trouvèrent que la kamelote dont
était inondé leur pays faisait le plus grand
tort à leur propre prospérité économique.
Mais M. Nitti n'avait jamais, comme
aujourd'hui, donné libre cours à sa fran-
cophobie. Dans un article qui serait infâme
s'il n'était profondément ridicule et attris-
tant, l'ancien président du Conseil p:lrt
en guerre contre. les Français qui voya-
gent en Italie.
« Les touristes français qui voyagent
en Italie, dit-il, sont des agent5. de propa-
gande de guerre civile. Aussi le gouver-
nement italien doit-il exercer des mesuras
de surveillance contre dé tels touristes. »
C'est tout bonnement risible. Nos com-
patriotes qui aiment l'Italie pour la splen-
deur de ses musées, ses ciels d'un bleu
limpide, sa campagne sereine et grave, aux
longues rangées de cyprès mélancoliques,
ne sont cependant pas si mal accueillis
iar. la population à laquelle ils portent
leur argent !
Nous n'ignorons pas qu'on ne nous ahnc
"pa» de c<*d> du JAiiyaà1: Mrtfyss geut-
il que soit à ce point oubliés :,a fraternité
d'armes d'il y a quatre années ?
M. Nitti fait tout pour revenir au pou-
voir.
S'il y parvient, ce sera rendre un bien
mauvais service à l'amitié franco-italienne.
—————————— ) (
Le mémorandum français
et l'opinion étraagère
EN ANGLETERRE PLUS DE CRITIQUES
QUE D'ELOGES
Le « Times » parlant des conditions du mé-
morandum de M. Poincaré dit notamment que
ce memorandum expose à nouveau ce que
le bon sens doit considérer comme une pro-
position irréfutable et qu'à moins que le
gouvernement des Soviets ne retire son fa-
meux memorandum du 11 mai, la Conférence
de La Haye, pas plus que celle de Gênes, ne
peut aboutir à un accord constructif quel-
conque avec les Bolchevistes.
Dans son éditorial, portant le titre « La
France soutient le Droit », le « Morning
Post » écrit : « Dans son mémorandum, com-
me dans son récent discours à la Chambre.
M. Poincaré affirme à nouveau le point de
vue de la France et celui-ci est absolument
..raisonnable,. juste et. honorable ».
Quant à la «Westminster Gazette », elle
dit que M. Poincaré « jette un nouveau défi
à i'Eurbpe ».
Le «Daily Chronicle » écrit :
« Le mémoire de M. Poincaré sur la Con-
férence de La Haye désappointe ceux qui
avaient espéré que la France, ayant fait de
son mieux pour faire échouer une conféren-
ce, celle de Gênes, serait satisfaite et n'es-
saierait pas immédiatement d'en faire échouer
une autre. »
« M. Poincaré a déjà la substance du re-
trait de la note russe du 9 mai. Pourquoi ne
s'en contente-t-il pas ? Il est comme un maî-
tre d'école qui exige qu'un de ses élèves lui
donne une excuse écrite.
« Si la France. ne veut pas donner à la
nouvelle conférence une chance d'aboutir,
il serait préférable pour elle qu'elle refusât
d'y prendre part, et les autres nations déci-
ieraient alors, soit d'abandonner la confé-
férence soit de la tenir tout de même. »
EN AMERIQUE ON APPROUVE
New-York, 5 juin. — Dans un éditorial, le
Times approuve sans réserve la note de M.
Poincaré proposant' de notifier aux Soviets
les conditions de La Haye. Il souligne la con-
formité absolue de la politique française avec
la politique américaine envers la Russie, re-
fusant de négocier avec les Soviets aussi long-*
temps qu'ils n'abandonneront pas les préten-
tions contenues dans leur note de Gênes du
11 mai et il conclut en disant que la voie du
rétablissement économique en Russie est le
complet renversement de la politique de Gê-
nes.
EN DEUXIEME PAGE :
Le Congrès des fonctionnaires
et le Congrès du Parti Socialiste
L'INDEMNITÉ IDE VIE CHÈRE
—————————— @
Les 720 francs sont aujourfhui insuffisants
i = 0 og>-
Le Temps ayant publié une lettre d'un da
ses abonnés contre le maintien des 720 francs
aux fonctionnaires et contre le système d'ia-
demnité mobile préconisé par le Cartel des
servïces publics, M. Combes, secrétaire du
Cartel, répond :
« L'indemnité de cherté de vie intéressant
les travailleurs des services publics de toute
la France, iLva de soi que toute modification
de cette indemnité doit être basée sur les va-
riations de l'indice du coût do la vie, non pas
à Paris ni dans une région déterminée, ma-is
dans l'ensemble du pays.
« Le Cartel avait conasidéré à cet effet l'in-
dice général des 13 denrées essentielles. Votre
correspondant estimant sans doute cet indice
trop favorable pour nous, préfère se référer à
l'indice de la dépense d'une famille ouvrière
de 4 nersonnes.
« Tout en faisant nos réserves, suivons-le
sur ce terrain, d'après les chiffres donnés par
la statistique générale de la France. ,
« Pour Paris et .pour le premier trimestre
1922, cet indice est bien 2,91. Mais la dernière
statistique générale d'avril 1922 publie, pa-
ges 28l0 et 281, les valeurs du même indice
dans les 20 régions de la France. La moyenne
est 3,14. C'est le seul chiffre à retenir dans le
système de votre correspondant.
L'AUGMENTATION DES LOYERS
« Toujours dans le même système, nous de-
vons. remarquer que, pour l'évaluation des dé-
penses de la fami'lle ouvrière de 4 personnes,
le loyer, pour le premier trimestre 1922, n'est
affecté que du coefficient 1,40. 1
« Or, depuis le Pr avril 1922, la loi sur les
loyers joue pleinement ot le résultat est dèts-
maintenant, aussi bien à Paris qu'en provin.
ce, une augmentation sensible de ce coeffi-
cient.
« D'où une augmentation générale de l'in-
dice du coût de la vie qui passe ainsi bien
au delà du chiffre de 3,14, dans le système mê-
me de votre correspondant.
LE TRAITEMENT DE BASE
« Il faut qu'actuellement un cheminot ga-
gne annuellement 3,800 francs de traitement
fixe, plus 120 francs de vie chère, ce qui fait
un total de 4,520 francs. Et il faut ensuite se
demander si cette somme correspond à l'aug-
mentation de l'indice du coût de la vie.
« Manifestement, non. Ella est bien en des
scus de ce qu'elle devrait être pour maintenir
à un salaire de 5 francs par jour le pouvoir
d'achat qu'i'l avait avant la guerre.
« En restant dans le système de votre cor.
respondant, en ne tenant pas compte de l'aug-
mentation des loyers depuis avril et en rete-
nant simplement l'indice 3,14 que nous avons
établi précédemment comme un minimum, il
ressort qu'un traitement de base de 1.800 fr.
par an devrait être porté aujourd'hui à ">,652
francs. Or, il n'est que de 4,520 francs, indem-
nité de vie chère comprise.
« Les 720 francs sont donc insuffisants, et
voilà pourquoi' les travailleurs des services
publics, par l'organe du Cartel, demandent
aujourd'hui lu création d'une indemnité mo-
bile destinée à maintenir aux' traitements et
salaires leur pouvoir d'achat, à travers toutes
lea variations et les vicissitudes que le coût
de l'existence est appelé à subir encore pen-
dant une période dont il n'est au pouvoir de
personne de déterminer' la durée. » .,.
L'ACTUALITE
- ■ t
Le monument du « Poilu libérateur »
remplace à Metz la statue de Guillaume Ier
-<®og>
M. Poincaré glorifie le « soldat de toute la France qui veille
sur nos droits et sur l'indépendance de nos foyers »
———————— © ————————
M. Poincaré a présidé, hier, à Metz, l'inau-
guration de la statue du « Poilu libérateur ».
Cette statue a remplacé, sur la plus belle
promenade de Metz, à l'extrémité de l'espla-
nade qui domine la vallée de la Moselle, la
statue équestre de Guillaume Fr, que les Mes-
sins ont jetée à terre, le 17 novembre 1918,
deux jours avant l'entrée des troupes fran-
çaises. Le soldat de France se dresse debout,
dans une attitude calme de vainqueur ; au.
bas du socle, une statue représente la Lor-
raine, délivrée de ses fers. L'aigle allemand
gît à ses pieds. Sur le piédestal, en marbre
jaune, on lit cette inscription : « Au Poilu
libérateur, le Souvenir français de la Mo-
selle, 1918. »
A 8 h. 10, tandis que le canon tonne et que
la voix de la Mutte se fait entendre, M. Poin-
caré arrive sur la place où doit avoir lieu
la revue des troupes de la garnison. Le ma-
réchal Joffre, en petite tenue de maréchal,
képi, dolman noir, culotte rouge, et le mai-é-
chal Foch. en petite tenue bleue horizon,
décorés tous deux de la même médaille mili-
taire et de la croix de guerre, viennent sa-
luer le président du Conseil, tandis que les
musiques jouent la Marseillaise. Les deux
maréchaux font le tour de la place et passent
la revue des troupes.
La revue terminée, tous les personnages
officiels gagnent à pied, par l'allée des Ma-
ronniers, la tribune dressée devant le mo-
nument du poilu.
Le cadre est magnifique. Le mont Saint-
Quentin forme le fond du décor. Les esca-
drilles circulent dans le ciel d'un bleu lim-'
pide. Une foule innombrable est massée au
pied de la terrasse sur laquelle est érigé le
monument. Elle ne cesse de crier : « Vive
Poincaré, vive Foch, vive Joffre, vivent les
Poilus, vive la France, vive la République. »
Le voile qui recouvre le monument du
« Poilu libérateur », œuvre du statuaire Han-
naux, tombe au milieu des bravos de l'as-
sistance. Puis M. Jean, député, délégué du
Souvenir français ; M. Jung, représentant de
la municipalité ; le docteur François, dé-
puté et engagé volontaire ; M. Goettmann,
qui porte l'uniforme de chasseur à pied et
s'exprime au nom des combattants de la Mo-
selle, prennent la parole. Les délégués amé-
ricains déposent des palmes au pied du mo-
nument. Enfin, le président du Conseil se
lè.ve, salué par une longue acclamation.
Discours de M. Poincaré
C'est dans une atmosphère d'émotion in-
tense que les Lorrains écoutent le discours
de leur éminent compatriote.
« Ce soldat que vous avez voulu honorer,
déclare le président du Conseil, il ne porte
pas plus de nom que celui qui repose à Pa-
ris sous la voûte de l'Arc de Triomphe. L'un
et l'autre sont la personification idéale de
plusieurs millions de Français. Pendant des
siècles, l'humanité a surtout cherché à cé-
lébrer, dans les grands événements dont elle
était le témoin, l'action individuelle des hom-
mes que la fortune avait mis au premier
plan et qui étaient par suite appelés, tantôt
à concentrer tous les rayons de la gloire,
tantôt à subir toutes les responsabilités. C'est
ainsi que, dans chaque période un peu mou-
vementée de l'histoire, il est apparu de ces
personnages représentatifs, dont Emerson a
vanté l'influence bienfaisante et à qui l'ima-
gination de leurs contemporains a le plus
souvent prêté un supplément de vertus. Mais,
si la légende peut avoir collaboré à la re-
nommée de quelques grands hommes, elle
n'a rien eu à inventer pour l'illustration de
ce soldat anonyme. Il ne représente pas un
être exceptionnel et privilégié ; il représente
la multitude des jeunes combattants qui ont
sauvé la France et libéré les provinces cap-
tives ; il n'est pas l'image d'un seul vivant
ou d'un seul mort' ; il est le portrait de tout
un peuple éternel. Est-il bourgeois, ouvrier,
paysan ? Est-il né dans notre Lorraine ou en
Bretagne, ou au pied des Pyrénées ? Aucun
de nous ne le sait. Mais qu'importe ? Il est
le poilu, c'est-à-dire celui qui a condensé en
lui, à l'heure voulue, toutes les qualités de
la race et à qui sa crânerie et sa ténacité
ont valu l'admiration de l'univers. »
Et voici la fière péroraison, lancée d'une
voix énergique :
« Chefs et soldats ont combattu, Messieurs,
pour la justice et pour votre liberté, et au-
jourd'hui que leur tâche est achevée, ils n'ont
d'autre ambition que de ne pas la laisser dé-
truire. Ce poilu qui est là devant nous dans
une si belle attitude militaire, il ne menace
personne ; il ne symbolise ni l'esprit d'agres-
sion, ni l'idée de conquête ; il veille simple-
ment sur nos droits et sur l'indépendance
de nos foyers. Sentinelle de la France, ce
n'est pas lui qui rouvrira jamais le feu. Mais
que personne n'attende de lui un désaveu
des traités dont il a si péniblement obtenu
la signature. Il festc prôt à les défendre et
à les faire respecter. »
Une manifestation grandiose salue ces der-
nières parole. Les hommes brandissent leurs
chapeaux. Les femmes applaudissent. Le cri
de « Vive la France ! » poussé par tous les
assistants, termine la cérémonie d'inaugu-
ration.
Le président du Conseil- assistf., ensuite au
défilé des troupes, des sociétés de la Jeu-
nesse sportive lorraine, des Vétérans de la
guerre dé 1870, des combattants de la grande
guerre, des sociétés des colonies polonaises et
luxembourgeoises, et c.
L'Allemagne connaissait
mal le cœur des Lorrains.
A midi, M. Poincaré s'est rendu, avec les
maréchaux, au cercle militaire, où, dans la
salle d'armes, un banquet démocratique de
800 couverts était donné en son honneur. -
Des discours y ont été prononcés par M.
François, député; le général Hirschauer, sé-
nateur, et M. Alapetite, commissaire géné'
ral. M. Poincaré a pris ensuite .la parole. Il
s'est exprimé en ces termes :
« Il y a huit jours, j'avais la profonde émo-
tion de voir groupés autour de moi, à Pa-
ris, quatre-vingt-seize maires de la Lorraine
libérée. Aujourd'hui, je me retrouve, pour
la quatrième fois depuis l'armistice, au. mi-
lieu des populations messines, et plus se
multiplie ces visites mutuelles, plus se for-
tifient, n'est-il pas vrai, les sentiments qui
nous lient ?
« Non, l'Allemagne a beau dire, l'Allema-
gne a beau faire ; rien n'est changé dans
nos cœurs et, à chacune de nos rencontres,
si fréquentes qu'elles puissent devenir, nous
revivons en pensée cette magnifique journée
du 8 décembre 1918, où après 48 ans de
séparation, nous nous sommes instantané-
ment sentis à l'unisson.
« Ah ! Messieurs, quelle crainte n'éprou-
vais-je pas, ce matin-là, de ne représenter
que bien insuffisamment la France auprès
de vous, lorsque je suis arrivé à la gare de
Metz, avec les présidents des Chambres, avec
les membres du gouvernement de la Répu-
blique, avec d'innombrables sénateurs et dé-
putés, et, lorsqu'au premier pas que j'ai fait
sur votre sol, j'ai été reçu par le maréchal
Foch -et par les commandants en chef des
armées alliées !
« Depuis de longues années, et malgré un
voisinage qui m'aurait permis d'être souvent
votre hôte, je m'étais interdit de revoir Metz.
Votre ville m'était trop chère : je n'avais pas
le courage de revenir à elle, en spectateur
impuissant et muet de sa captivité. Devant
des fils de cette Lorraine, qui est notre mère
commune, j'avais donc, malgré tout, l'ap
préhension d'un peu d'inconnu. Comme un
frère qui retrouve un frère après un demi-
siècle d'absence, je me disais tout bas :
« Que s'est-il passé ? Sommes-nous encore
les mêmes ? Nous reconnaîtrons-nous ? Et
nous comprendrons-nous demain comme au-
trefois ? »
« Jai été tout de suite rassuré. Dès que
je suis descendu sur la place de la gare, j'ai
trouvé devant moi un peuple frémissant et
enthousiaste, qui, après tant d'années de
contrainte, laissait librement déborder leur
joie et saluait d'acclamations frénétiques le
retour de la France.
« Vous vous le rappelez, Messieurs, sur,
tout le parcours du cortège, ce ne fut, comme
aujourd'hui, dans la foule amassée, qu'un
long cri de reconnaissance et d'amour ; et
lorsque, bientôt après, sur l'Esplanade, j'ai. -
remis au maréchal Pétain, devant la repré-
sentation nationale, le bâton de velours bleu
étoilé d'or, et que, 'lancé par des milliers de
poitrines humaines, s'est élevé tout à coup
le chant de la Marseillaise, j'ai-SîT la certi-
tude que la douloureuse histoire de la domi-
nation étrangère était irrévocablement abolie
« Cette conviction s'est encore mieux af
fermie quelques heures plus tard, lorsque
j'ai été reçu dans votre Maison communale
et que j'ai pu, de tout mon cœur, répéter à
la ville de Metz que jamais nous ne l'avions
oubliée, que jamais nous n'avions cessé de
penser à elle et que son mauvais rêve était
évanoui.
« Excusez-moi, Messieurs, de m'attarder
au milieu de ces souvenirs. Ils sont devenus
les meilleurs compagnons de ma vie. Mais
comme l'Allemagne vous connaissait mal,
mes chers compatriotes et amis ! Elle s'était
follement imaginé qu'elle pouvait morceler
la Lorraine et détruire par la violence un
édifice cimenté par la volonté des hommes,
avec la collaboration du temps et de la na-
ture. Elle s'était flattée d'étouffer la voix de
vos consciences et de vous écraser sous le
poids d'une lourde discipline mécanique. Quel
absurde défi à la liberté morale ! Quelle
aveugle ignorance de votre droiture et de
votre ténacité ! Vous étiez incapables de flé-
chissement et de désespoir. Vous avez pa-
tienté, vous n'avez pas cédé ; tels vous étiez.
tels vous êtes restés, et aujourd'hui, voici
notre antique famille rassemblée sous le mê-
me toit. »
)
L'aide américaine à la Russie
On annonce que les services médicaux de
l'armée américaine du Rhin viennent de met-
tre à la disposition de la Russie toutes leurs
provisions pharmaceutiques, se montant à
370.000 dollars.
—r } - -. — t ——————————
A CLERMONT-FERRAND
Les anciens combattants
réclament
l'institution d'une retraite
- "V. - ---.
Ils demandent aussi la refonte (lu Code
* de justice militaire
Le Congrès de l'Union fédérale des mu-
tilés et anciens combattants, réuni à Cler-
mont-Ferrand, a poursuivi, hier, ses travaux.
Il a émis les vœux suivants : .1° en ce qui
concerne l'application de l'article 64 de la
loi du 31 mars 1919, le Congrès invite ins-
tamment le Sénat à voter le plus rapidement
possible le texta du gouvernement, déjà voté
par la Chambre et invite les pouvoirs pu-
blics à assurer les soins dus aux anciens
combattants qui, sans avoir 10 0/0 d'invali-
dité, portent sur le corps des traces de. guer-
re ; 2° le Congrès demande l'institution
d'une retraite du combattant à la constitu-
tion de laquelle le combattant participerait.
Cette retraite, qui n'a rien de commun avec
le projet de rente du combattant, repoussé
par le Congrès devrait être instituée par une'
loi spéciale, distincte de la loi sur les assu-
rances sociales ; 3° le Congrès' autorise l'U-
nion fédérale à entrer en relations avec la
Fédération interalliée, on spécifiant que, en
tout cas, l'Union restera présente au bureau
international du travail.
La réforme militaire
Le Congrès a, en outre, émis les vœux sui-
vants :
1° En temps de guerre, la justice aux ar-
mées, tant pour l'instruction que pour le
jugement des délits, sera confiée uniquement
17 PRAIRIAL. AN 130. — T 18804 le numéro 1 QtrmzE CENTIMES MARDI 6 JUIN 1922. — N" 18S04
Fondateurs (1869) t
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
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TELEPHONES :
Rédaction et aMMstratlon : Nord 24-90.24-31---Auras 10i. il soir : Rmmtteswî
TRI B il NE LIBRE
r
-LE JÉSUITE SPORTIF
——o®o~ » « ———————
Sous la haute direction de l' « Action
Populaire» et de l' « A. C. J. F. » pour
les hommes,- de l' « Ecole normale so-
ciale » et de la « Ligue patriotique des
Françaises » pour les femmes, se pour-
suit, nous l'avons vu, une vaste campa-
gne de recrutement jésuite dans les mi-
lieux populaires. Elle s'attaque d'abord
aux enfants et aux adolescents, soldats
de demain, électeurs d'après-demain.
De nos jours, tous les gosses sont des
« sportifs ». A leur passion, éminemment
louable, pour les jeux de plein air, s'a-
joute l'attrait immémorial de l'uniforme
et le besoin de se créer des camarades.
D'où cette prodigieuse floraison de so-
ciétés. Excellent filon à exploiter! La
Compagnie de Jésus, qui s'est toujours
piquée de se moderniser, a favorisé l'ap-
parition d?un type assez curieux, le jé-
suite sportif,
*
sfc sfc
La société de gymnastique est l'élé-
ment essentiel du patronage, c'est-à-
dire du groupe d'enfants et de jeunes
gens hébergés, distraits et catéchisés,
jeudis et dimanches, dans toutes les
communes de France et dans tous les
quartiers de Paris, par un clerc régulier
ou séculier, assisté de quelques laïques
de bonne volonté. Leur mot d'ordre, d'a-
près l' « Action Populaire », est le sui-
vant : « Groupons le grand nombre par
la gymnastique et, à côté, dans le cercle
d'études, préparons l'élite sur laquelle
nous nous appuierons. »
Or, s'il est incontestable que les jésui-
tes n'ont pas la haute main sur chacun
des innombrables patronages de France,
il est non moins certain qu'ils « contrô-
lent la « Fédération gymnastique et
sportive des patronages de France » (F.
G.S.P.F.), autour de laquelle s'étaient
groupées; dès 1912, 1,250 sociétés re-
présentant autant de patronages. Il im-
porte, en effet, que ces gymnastes, pour
pouvoir sortir en armes ou participer à
des concours, se constituent en autant
d'associations déclarées, alors que les
patronages peuvent, à la rigueur, se pas-
ser de cette formalité.
La Fédération en question, présidée
par le docteur Michaux, compte déjà
vingt-quatre années d'existence. Elle a
un organe officiel : (( les Jeunes », un
secrétariat central (5, place Saint- Tho-
mas-d'Aquin) ; elle comporte 'des unions
régionales et départementales. C'est l'u-
nion régionale de la Seine qui a fait dé-
filer, l'autre jour, devant la statue de
Jeanne d'Arc ses 72 groupements. On
peut évaluer à 200.000 le nombre des
membres de la F.G.S.P.F.
III
**
Faire partie d'une société de gymnas-
tique choque certains délicats. C'est po-
pulaire, tapageur et un peu vieillot. Le
dernier cri, pour un gosse « dans le
train », c'est le « scoutisme ». Vous savez
bien, les Boy-Scouts, avec leurs grands
drapeaux, leurs grands bâtons et leur
dégaîne à la William Hart ! Ça, c'est chic
et moderne!
C'est d'ailleurs fort utile aussi, et Pieu
toc garde de critiquer une institution et
des procédés excellents en tous points!
Me3 fils seront « scouts » ! Mais je doute
qu'ils fassent partie de l'Association con-
nue sous le nom de « Scouts de France »
et qui eit une jésuitière modèle.
L'histoire de sa fondation est carac-
téristique des procédés jésuites; mais
il faudrait trop d'espace pour l'exposer
au long. En deux mots, les jésuites ont
fondé, en 1920, cette société pour con-
currencer le scoutisme neutre (Eclaireurs
de France, Eclaireurs Français), ou pro-
testants (Eclaireurs Unionistes), mais
aussi et surtout pour étouffer, accaparer,
assimiler les groupements « catholiques
indépendants ». En 1913, l' « Action
populaire » interdisait à ses affiliés l'a-
dhésion aux sociétés de Boy-Scouts. La
1922, elle la recommande chaudement.
C'est que dans l'intervalle se sont créés,
à son instigation, les « Scouts de Fran-
ce ». Quant aux rares groupes d'éclai-
reurs catholiciues qui ont réussi à garder
leur indépendance, elle les passe dédai-
gneusement sous silence. Ce sont concur-
rents qui ne comptent plus!
Le président-fondateur des « Scouts
de France » fut le général de Maùd'huy,
élève modèle des bons Pères. Le secrétai-
re général est l'abbé (jésuite) Sévin, qui
signe simplement « Jacques Sévin » ses
b:,)c:,.-es de propagande. L'aumônier
général est l'abbé Cornette, que je soup-
çonne fort « d'en être un autre ». Dans
le Conseil Protecteur figurent les noms
significatifs (du R. P. de Grandmaison,
de MM. René Bazin, de Lamarzelle, du
chanoine Bochin, du président de l'A.
C.J.F. et de la Fédération des patrona-
ges.
Marque de fabrique : là « Prière du
Scout », que tout aspirant doit savoir par
cœur, est signée. St-Ignace de Loyola.
Ces gosses reçoivent une éducation
d' « éclaireurs », c'est entendu ! Mais
surtout celle d'un futur jésuite : on leur
apprend, outre l'art de nouer les ficelles,
l'histoire de France, et même la politi-
que contemporaine. Exemples :
— La « Marseillaise », hymne natio-
nal, ne comporte plus que trois couplets.
Ceux relatifs « à la royauté et aux enva-
hisseurs d'alors. ont perdu toute actua-
lité ». Le scout n'a plus à les connaître.
Pour un peu, on l'inviterait à les oublier
s'il les sait!
— L'histoire de la IIIe République,
depuis î 870 jusqu'à 1914, se résume
ainsi : « A l'intérieur, persécution reli-
gieuses violentes. Lois contre les écoles
catholiques, expulsion des religieux, rup-
ture du concordat, inventaires (1906).
Développement des lois sociales rendues
nécessaires par la grande industrie. A
l'extérieur, grande expansion coloniale :
Tonkin, Madagascar, Maroc. » Un point,
c'est tout! Un bon scout, nous dit-on
ailleurs, doit (( comprendre » la France!
— Et cette perle ! dans -une allocution
familière, que Notre Seigneur est censé
adresser au néophyte, l'interprète jésuite
ne craint pas de prêter à Dieu lui-même
cette erreur historique : « Pense à tous
les chrétiens qui n'ont pas le bonheur
d'être les fils du « Royaume » Très-
Chrétien. »
Dieu a certes le droit de se tromper,
mais le R. P. Sévin n'ignore pourtant pas
que la France est une République!
Maurice CHARNY.
.-.s-cr; ..--
ÉDITORIAL
Nœuds d'Alsace
et Bonnets Lorrains
Il y a quinze jours, les
larges nœuds de taffetas
noir des jolies Alsaciennes
frémissaient d'allégresse
pour saluer le président du
Conseil. lIier, c'était le bon-
net lorrain qui avait mis
'à sa coiffe une cocarde tricolore.
Metz, après Strasbourg, vient à nou-
veau de proclamer au monde son indé-
fectible attachement à la France.
L'on a pu médire des visites officiel--
les que font, dominica.lem.ent, en nos
provinces, nos mirtistreset sous-minis-
tres. L'on ne saurait les critiquer, lors-
qu'elles permettent à un peuple joyeux
de crier l'amour de sa patrie et de ré-
pondre ainsi aux allégations menson-
gères de ses maîtres d'hier.
Quoi qu'en disent les Allemands, quoi
qu'en répètent certains mauvais Fran-
çais, l'Alsace et la Lorraine ne renient
rien de l'élan enthousiaste qui, voici
plus de trois ans, les jetaient dans les
bras de la France. Les deux provinces
sont, à la réflexion, ce qu'eiles étaient
dans le paroxysme de joie qu'elles vé-
curent en 1918.
Certes," à l'habitude, s'émoussent les
grandes passions et s'apaisent les beaux
emballements. Comme les profondes
douleurs, les vrais bonheurs ne sau-
raient se manifester en échos infinis.
Même il y eut, parfois, là-bas, des frois-
sements, des mouvements de mauvaise
hnmeur. Tels services, qui, sous la fé-
rule germanique, fonctionnaient au
doigt et à tœil, peuvent parfois grincer
dans leurs rouages; en Lorraine, on est
plus froid, on est volontiers frondeur en
Alsace. Pour des vétilles, il arrive qu'on
s'énerve.
Mais il reste au cœur le sillon profon-
dément creusé de la radieuse délivran-
ce: au-dessus des petits malentendus
passagers, s'impose l'ineffable bonheur
de respirer librement, de parler haut et
/"uuc,sans craindre Vespion aux aguets;
d'être soi largement, sans ombre, sans
arrière-pensée.
Voilà ce que savent bien les Alsaciens
et les Lorrains. Ils ont vécu sous deux
ciels: ils ont choisi. Et ce sont eux qui,
aux beaux soirs d'été, près de la vigne
en fleurs et du houblon roux, chantent
avec le vieil Emile Erckmatut, dont il y
a quelques jours on fêtait le centenaire,
le joyeux refrain du terroir:
On changera plutôt le cœur de place
Que de changer la vieille Alsace.
Raymond LANGE.
On dit. -
r„
En Passant
Drame conjugal
M. Paul Bourget, dans son beau livre Un Di-
vorce, n'a pas prévu le dénouement tragique
imaginé par les époux Zimmerman, de Munich.
Ce ménage désuni avait obtenu le divorce et
comme chacun avait des torts, le juge, digne
descendant de Salomon, confia l'un des deux ju-
meaux au père, l'autre à la mère.
Le jugement à peine prononcé, les époux di-
vorcés se querellèrent.
Le père n'acceptait pas de confier sa fille à
la mère et celle-ci ne voulait pas se séparer de
son enfant.
Farouches en leur haine et leur désespoir, ils
convinrent qu'ils feraient tous ensemble une
promenade sur le lac de Constance et que là ils
se mettraient d'accord.
Leurs amis ne soupçonnèrent pas ce que le
mot d'accord signifiait dans la bouche de ce
père et de cette mère incapables de se séparer,
l'un et l'autre, de leurs enfants et ne pouvant
absolument pas reprendre la vie commune.
Ils partirent avec les deux petits, si gais à
l'idée de se promener en bateau.
Ils montèrent dans une barque, glissèrent si-
lencieusement sur le lac et ne revinrent plus.
On retrouva, le lendemain, les cadavres des
enfants liés ensemble et les deux corps de leurs
parents.
Que la fin tragique des époux Zimmerman
et des deux petits innocents fasse un peu réflé-
chir les jeunes gens qui parlent en riant des
facilités du divorce et se marient avec la ferme
intention de divorcer « si ça ne va pas ».
Certes, tant qu'il n'y a pas d'enfants, c'est
encore la meilleure solution, à condition
qu'ayant reconnu leur erreur les jeunes divor-
cés, rendus sages, par cette première expérien-
ce, ne cherchent pas à battre un record, ce qui,
paraît-il, est très moderne.
Mais s'il y a des enfants, la question devient
terriblement grave et angoissante. On est res-
ponsable du bonheur de l'être que l'on a créé.
Lorsqu'il n'y a qu'incompatibilité d'humeur,
il faut sacrifier sans hésiter sa quiétude, la
paix égoïste à laquelle chacun aspire, à l'affec-
tion et à la tendresse que l'on doit à l'enfant,
et qui lui est nécessaire pour vivre comme le
lait au nourrisson.
Si les deux époux se mettent d'accord sur ce
point — et rien que sur celui-là, — la vie les
rapprochera au moins, sur le front de l'enfant
si elle s'obstine à les séparer dans tous les au-
tres moments, et ils auront encore de belles
heures.
Et je songe aux pauvres petits des époux
Zimmerman. Quels tristes, quels navrants sou-
venirs d'enfance, 'ils ont dû emporter dans le lac
de Constance.
Ch. RABETT.
Aujourd'hui
La manière.
Le public semble prendre un malin plaisir
à maltraiter les rideaux et les stores de wa-
gons de chemins de fer et de tramways, sans
penser qu'il aura lui-même à souffrir de cet
état de chose.
La Compagnie des chemins de fer du Bois
de Boulogne, les. tramways électriques qui
font le service entre la Porte Maillot et le
Val d'Or, a eu l'heureuse idée de faire affi-
cher, sur les stores de ses voitures, un petit
avis d'une forme si gracieuse qu'il est impos-
sible de lui résister :
« Ne me bmtalisez pas
Et je vous abriterai bien. »
Comment ne pas traiter avec une infinie
idouceur de,s stores qui vous adressent une
prière aussi délicatement ?
En tout, il y a la manière.
+-<::>
le Flibustier.
Ce qui est né dans l'imàgination d'un écri-
vain devient souvent du règne de la réalité
par la suite.
C'est ainsi que le sujet du Flibustier, de
Jean Richepin, est à peu près l'histoire d'un
soldat viennois, qui, blessé en 1915, fut porté
parmi les morts et rentra ces jours-ci de Rus-
sie après sept ans d'absence.
Sa femme, se croyant veuve, se remaria il
y a deux ans.
Aujourd'hui, « le revenant » ne tient pas
à reprendre la vie conjugale, il s'est épris
d'une autre femme et sa femme est heureuse
avec son nouveau mari.
Ils ne demandent qu'à vivre chacun leur
vie, mais la loi est formelle touchant le cri-
me de bigamie : les deux époux doivent re-
prendre la vie commune.
La loi va donc les obliger à avoir chacun
des liens illégitimes.
Curieux cas !
Le Tapin.
M. Nitti contre la France
Nous n'avons jamais eu grande illusion
sur les sympathies que pouvait avoir pour
notre pays l'ancien président du Conseil
italien, M. Nitti. Nous n'ignorions pas que,
peu de mois après l'armistice, il n'avait
pas hésité à prodiguer ses sourires à l'Alle-
magne et à favoriser l'expansion commer-
ciale germanique en Italie. Ce fut même
au point que certains Italiens s'inquié-
tèrent et trouvèrent que la kamelote dont
était inondé leur pays faisait le plus grand
tort à leur propre prospérité économique.
Mais M. Nitti n'avait jamais, comme
aujourd'hui, donné libre cours à sa fran-
cophobie. Dans un article qui serait infâme
s'il n'était profondément ridicule et attris-
tant, l'ancien président du Conseil p:lrt
en guerre contre. les Français qui voya-
gent en Italie.
« Les touristes français qui voyagent
en Italie, dit-il, sont des agent5. de propa-
gande de guerre civile. Aussi le gouver-
nement italien doit-il exercer des mesuras
de surveillance contre dé tels touristes. »
C'est tout bonnement risible. Nos com-
patriotes qui aiment l'Italie pour la splen-
deur de ses musées, ses ciels d'un bleu
limpide, sa campagne sereine et grave, aux
longues rangées de cyprès mélancoliques,
ne sont cependant pas si mal accueillis
iar. la population à laquelle ils portent
leur argent !
Nous n'ignorons pas qu'on ne nous ahnc
"pa» de c<*d> du JAiiyaà1: Mrtfyss geut-
il que soit à ce point oubliés :,a fraternité
d'armes d'il y a quatre années ?
M. Nitti fait tout pour revenir au pou-
voir.
S'il y parvient, ce sera rendre un bien
mauvais service à l'amitié franco-italienne.
—————————— ) (
Le mémorandum français
et l'opinion étraagère
EN ANGLETERRE PLUS DE CRITIQUES
QUE D'ELOGES
Le « Times » parlant des conditions du mé-
morandum de M. Poincaré dit notamment que
ce memorandum expose à nouveau ce que
le bon sens doit considérer comme une pro-
position irréfutable et qu'à moins que le
gouvernement des Soviets ne retire son fa-
meux memorandum du 11 mai, la Conférence
de La Haye, pas plus que celle de Gênes, ne
peut aboutir à un accord constructif quel-
conque avec les Bolchevistes.
Dans son éditorial, portant le titre « La
France soutient le Droit », le « Morning
Post » écrit : « Dans son mémorandum, com-
me dans son récent discours à la Chambre.
M. Poincaré affirme à nouveau le point de
vue de la France et celui-ci est absolument
..raisonnable,. juste et. honorable ».
Quant à la «Westminster Gazette », elle
dit que M. Poincaré « jette un nouveau défi
à i'Eurbpe ».
Le «Daily Chronicle » écrit :
« Le mémoire de M. Poincaré sur la Con-
férence de La Haye désappointe ceux qui
avaient espéré que la France, ayant fait de
son mieux pour faire échouer une conféren-
ce, celle de Gênes, serait satisfaite et n'es-
saierait pas immédiatement d'en faire échouer
une autre. »
« M. Poincaré a déjà la substance du re-
trait de la note russe du 9 mai. Pourquoi ne
s'en contente-t-il pas ? Il est comme un maî-
tre d'école qui exige qu'un de ses élèves lui
donne une excuse écrite.
« Si la France. ne veut pas donner à la
nouvelle conférence une chance d'aboutir,
il serait préférable pour elle qu'elle refusât
d'y prendre part, et les autres nations déci-
ieraient alors, soit d'abandonner la confé-
férence soit de la tenir tout de même. »
EN AMERIQUE ON APPROUVE
New-York, 5 juin. — Dans un éditorial, le
Times approuve sans réserve la note de M.
Poincaré proposant' de notifier aux Soviets
les conditions de La Haye. Il souligne la con-
formité absolue de la politique française avec
la politique américaine envers la Russie, re-
fusant de négocier avec les Soviets aussi long-*
temps qu'ils n'abandonneront pas les préten-
tions contenues dans leur note de Gênes du
11 mai et il conclut en disant que la voie du
rétablissement économique en Russie est le
complet renversement de la politique de Gê-
nes.
EN DEUXIEME PAGE :
Le Congrès des fonctionnaires
et le Congrès du Parti Socialiste
L'INDEMNITÉ IDE VIE CHÈRE
—————————— @
Les 720 francs sont aujourfhui insuffisants
i = 0 og>-
Le Temps ayant publié une lettre d'un da
ses abonnés contre le maintien des 720 francs
aux fonctionnaires et contre le système d'ia-
demnité mobile préconisé par le Cartel des
servïces publics, M. Combes, secrétaire du
Cartel, répond :
« L'indemnité de cherté de vie intéressant
les travailleurs des services publics de toute
la France, iLva de soi que toute modification
de cette indemnité doit être basée sur les va-
riations de l'indice du coût do la vie, non pas
à Paris ni dans une région déterminée, ma-is
dans l'ensemble du pays.
« Le Cartel avait conasidéré à cet effet l'in-
dice général des 13 denrées essentielles. Votre
correspondant estimant sans doute cet indice
trop favorable pour nous, préfère se référer à
l'indice de la dépense d'une famille ouvrière
de 4 nersonnes.
« Tout en faisant nos réserves, suivons-le
sur ce terrain, d'après les chiffres donnés par
la statistique générale de la France. ,
« Pour Paris et .pour le premier trimestre
1922, cet indice est bien 2,91. Mais la dernière
statistique générale d'avril 1922 publie, pa-
ges 28l0 et 281, les valeurs du même indice
dans les 20 régions de la France. La moyenne
est 3,14. C'est le seul chiffre à retenir dans le
système de votre correspondant.
L'AUGMENTATION DES LOYERS
« Toujours dans le même système, nous de-
vons. remarquer que, pour l'évaluation des dé-
penses de la fami'lle ouvrière de 4 personnes,
le loyer, pour le premier trimestre 1922, n'est
affecté que du coefficient 1,40. 1
« Or, depuis le Pr avril 1922, la loi sur les
loyers joue pleinement ot le résultat est dèts-
maintenant, aussi bien à Paris qu'en provin.
ce, une augmentation sensible de ce coeffi-
cient.
« D'où une augmentation générale de l'in-
dice du coût de la vie qui passe ainsi bien
au delà du chiffre de 3,14, dans le système mê-
me de votre correspondant.
LE TRAITEMENT DE BASE
« Il faut qu'actuellement un cheminot ga-
gne annuellement 3,800 francs de traitement
fixe, plus 120 francs de vie chère, ce qui fait
un total de 4,520 francs. Et il faut ensuite se
demander si cette somme correspond à l'aug-
mentation de l'indice du coût de la vie.
« Manifestement, non. Ella est bien en des
scus de ce qu'elle devrait être pour maintenir
à un salaire de 5 francs par jour le pouvoir
d'achat qu'i'l avait avant la guerre.
« En restant dans le système de votre cor.
respondant, en ne tenant pas compte de l'aug-
mentation des loyers depuis avril et en rete-
nant simplement l'indice 3,14 que nous avons
établi précédemment comme un minimum, il
ressort qu'un traitement de base de 1.800 fr.
par an devrait être porté aujourd'hui à ">,652
francs. Or, il n'est que de 4,520 francs, indem-
nité de vie chère comprise.
« Les 720 francs sont donc insuffisants, et
voilà pourquoi' les travailleurs des services
publics, par l'organe du Cartel, demandent
aujourd'hui lu création d'une indemnité mo-
bile destinée à maintenir aux' traitements et
salaires leur pouvoir d'achat, à travers toutes
lea variations et les vicissitudes que le coût
de l'existence est appelé à subir encore pen-
dant une période dont il n'est au pouvoir de
personne de déterminer' la durée. » .,.
L'ACTUALITE
- ■ t
Le monument du « Poilu libérateur »
remplace à Metz la statue de Guillaume Ier
-<®og>
M. Poincaré glorifie le « soldat de toute la France qui veille
sur nos droits et sur l'indépendance de nos foyers »
———————— © ————————
M. Poincaré a présidé, hier, à Metz, l'inau-
guration de la statue du « Poilu libérateur ».
Cette statue a remplacé, sur la plus belle
promenade de Metz, à l'extrémité de l'espla-
nade qui domine la vallée de la Moselle, la
statue équestre de Guillaume Fr, que les Mes-
sins ont jetée à terre, le 17 novembre 1918,
deux jours avant l'entrée des troupes fran-
çaises. Le soldat de France se dresse debout,
dans une attitude calme de vainqueur ; au.
bas du socle, une statue représente la Lor-
raine, délivrée de ses fers. L'aigle allemand
gît à ses pieds. Sur le piédestal, en marbre
jaune, on lit cette inscription : « Au Poilu
libérateur, le Souvenir français de la Mo-
selle, 1918. »
A 8 h. 10, tandis que le canon tonne et que
la voix de la Mutte se fait entendre, M. Poin-
caré arrive sur la place où doit avoir lieu
la revue des troupes de la garnison. Le ma-
réchal Joffre, en petite tenue de maréchal,
képi, dolman noir, culotte rouge, et le mai-é-
chal Foch. en petite tenue bleue horizon,
décorés tous deux de la même médaille mili-
taire et de la croix de guerre, viennent sa-
luer le président du Conseil, tandis que les
musiques jouent la Marseillaise. Les deux
maréchaux font le tour de la place et passent
la revue des troupes.
La revue terminée, tous les personnages
officiels gagnent à pied, par l'allée des Ma-
ronniers, la tribune dressée devant le mo-
nument du poilu.
Le cadre est magnifique. Le mont Saint-
Quentin forme le fond du décor. Les esca-
drilles circulent dans le ciel d'un bleu lim-'
pide. Une foule innombrable est massée au
pied de la terrasse sur laquelle est érigé le
monument. Elle ne cesse de crier : « Vive
Poincaré, vive Foch, vive Joffre, vivent les
Poilus, vive la France, vive la République. »
Le voile qui recouvre le monument du
« Poilu libérateur », œuvre du statuaire Han-
naux, tombe au milieu des bravos de l'as-
sistance. Puis M. Jean, député, délégué du
Souvenir français ; M. Jung, représentant de
la municipalité ; le docteur François, dé-
puté et engagé volontaire ; M. Goettmann,
qui porte l'uniforme de chasseur à pied et
s'exprime au nom des combattants de la Mo-
selle, prennent la parole. Les délégués amé-
ricains déposent des palmes au pied du mo-
nument. Enfin, le président du Conseil se
lè.ve, salué par une longue acclamation.
Discours de M. Poincaré
C'est dans une atmosphère d'émotion in-
tense que les Lorrains écoutent le discours
de leur éminent compatriote.
« Ce soldat que vous avez voulu honorer,
déclare le président du Conseil, il ne porte
pas plus de nom que celui qui repose à Pa-
ris sous la voûte de l'Arc de Triomphe. L'un
et l'autre sont la personification idéale de
plusieurs millions de Français. Pendant des
siècles, l'humanité a surtout cherché à cé-
lébrer, dans les grands événements dont elle
était le témoin, l'action individuelle des hom-
mes que la fortune avait mis au premier
plan et qui étaient par suite appelés, tantôt
à concentrer tous les rayons de la gloire,
tantôt à subir toutes les responsabilités. C'est
ainsi que, dans chaque période un peu mou-
vementée de l'histoire, il est apparu de ces
personnages représentatifs, dont Emerson a
vanté l'influence bienfaisante et à qui l'ima-
gination de leurs contemporains a le plus
souvent prêté un supplément de vertus. Mais,
si la légende peut avoir collaboré à la re-
nommée de quelques grands hommes, elle
n'a rien eu à inventer pour l'illustration de
ce soldat anonyme. Il ne représente pas un
être exceptionnel et privilégié ; il représente
la multitude des jeunes combattants qui ont
sauvé la France et libéré les provinces cap-
tives ; il n'est pas l'image d'un seul vivant
ou d'un seul mort' ; il est le portrait de tout
un peuple éternel. Est-il bourgeois, ouvrier,
paysan ? Est-il né dans notre Lorraine ou en
Bretagne, ou au pied des Pyrénées ? Aucun
de nous ne le sait. Mais qu'importe ? Il est
le poilu, c'est-à-dire celui qui a condensé en
lui, à l'heure voulue, toutes les qualités de
la race et à qui sa crânerie et sa ténacité
ont valu l'admiration de l'univers. »
Et voici la fière péroraison, lancée d'une
voix énergique :
« Chefs et soldats ont combattu, Messieurs,
pour la justice et pour votre liberté, et au-
jourd'hui que leur tâche est achevée, ils n'ont
d'autre ambition que de ne pas la laisser dé-
truire. Ce poilu qui est là devant nous dans
une si belle attitude militaire, il ne menace
personne ; il ne symbolise ni l'esprit d'agres-
sion, ni l'idée de conquête ; il veille simple-
ment sur nos droits et sur l'indépendance
de nos foyers. Sentinelle de la France, ce
n'est pas lui qui rouvrira jamais le feu. Mais
que personne n'attende de lui un désaveu
des traités dont il a si péniblement obtenu
la signature. Il festc prôt à les défendre et
à les faire respecter. »
Une manifestation grandiose salue ces der-
nières parole. Les hommes brandissent leurs
chapeaux. Les femmes applaudissent. Le cri
de « Vive la France ! » poussé par tous les
assistants, termine la cérémonie d'inaugu-
ration.
Le président du Conseil- assistf., ensuite au
défilé des troupes, des sociétés de la Jeu-
nesse sportive lorraine, des Vétérans de la
guerre dé 1870, des combattants de la grande
guerre, des sociétés des colonies polonaises et
luxembourgeoises, et c.
L'Allemagne connaissait
mal le cœur des Lorrains.
A midi, M. Poincaré s'est rendu, avec les
maréchaux, au cercle militaire, où, dans la
salle d'armes, un banquet démocratique de
800 couverts était donné en son honneur. -
Des discours y ont été prononcés par M.
François, député; le général Hirschauer, sé-
nateur, et M. Alapetite, commissaire géné'
ral. M. Poincaré a pris ensuite .la parole. Il
s'est exprimé en ces termes :
« Il y a huit jours, j'avais la profonde émo-
tion de voir groupés autour de moi, à Pa-
ris, quatre-vingt-seize maires de la Lorraine
libérée. Aujourd'hui, je me retrouve, pour
la quatrième fois depuis l'armistice, au. mi-
lieu des populations messines, et plus se
multiplie ces visites mutuelles, plus se for-
tifient, n'est-il pas vrai, les sentiments qui
nous lient ?
« Non, l'Allemagne a beau dire, l'Allema-
gne a beau faire ; rien n'est changé dans
nos cœurs et, à chacune de nos rencontres,
si fréquentes qu'elles puissent devenir, nous
revivons en pensée cette magnifique journée
du 8 décembre 1918, où après 48 ans de
séparation, nous nous sommes instantané-
ment sentis à l'unisson.
« Ah ! Messieurs, quelle crainte n'éprou-
vais-je pas, ce matin-là, de ne représenter
que bien insuffisamment la France auprès
de vous, lorsque je suis arrivé à la gare de
Metz, avec les présidents des Chambres, avec
les membres du gouvernement de la Répu-
blique, avec d'innombrables sénateurs et dé-
putés, et, lorsqu'au premier pas que j'ai fait
sur votre sol, j'ai été reçu par le maréchal
Foch -et par les commandants en chef des
armées alliées !
« Depuis de longues années, et malgré un
voisinage qui m'aurait permis d'être souvent
votre hôte, je m'étais interdit de revoir Metz.
Votre ville m'était trop chère : je n'avais pas
le courage de revenir à elle, en spectateur
impuissant et muet de sa captivité. Devant
des fils de cette Lorraine, qui est notre mère
commune, j'avais donc, malgré tout, l'ap
préhension d'un peu d'inconnu. Comme un
frère qui retrouve un frère après un demi-
siècle d'absence, je me disais tout bas :
« Que s'est-il passé ? Sommes-nous encore
les mêmes ? Nous reconnaîtrons-nous ? Et
nous comprendrons-nous demain comme au-
trefois ? »
« Jai été tout de suite rassuré. Dès que
je suis descendu sur la place de la gare, j'ai
trouvé devant moi un peuple frémissant et
enthousiaste, qui, après tant d'années de
contrainte, laissait librement déborder leur
joie et saluait d'acclamations frénétiques le
retour de la France.
« Vous vous le rappelez, Messieurs, sur,
tout le parcours du cortège, ce ne fut, comme
aujourd'hui, dans la foule amassée, qu'un
long cri de reconnaissance et d'amour ; et
lorsque, bientôt après, sur l'Esplanade, j'ai. -
remis au maréchal Pétain, devant la repré-
sentation nationale, le bâton de velours bleu
étoilé d'or, et que, 'lancé par des milliers de
poitrines humaines, s'est élevé tout à coup
le chant de la Marseillaise, j'ai-SîT la certi-
tude que la douloureuse histoire de la domi-
nation étrangère était irrévocablement abolie
« Cette conviction s'est encore mieux af
fermie quelques heures plus tard, lorsque
j'ai été reçu dans votre Maison communale
et que j'ai pu, de tout mon cœur, répéter à
la ville de Metz que jamais nous ne l'avions
oubliée, que jamais nous n'avions cessé de
penser à elle et que son mauvais rêve était
évanoui.
« Excusez-moi, Messieurs, de m'attarder
au milieu de ces souvenirs. Ils sont devenus
les meilleurs compagnons de ma vie. Mais
comme l'Allemagne vous connaissait mal,
mes chers compatriotes et amis ! Elle s'était
follement imaginé qu'elle pouvait morceler
la Lorraine et détruire par la violence un
édifice cimenté par la volonté des hommes,
avec la collaboration du temps et de la na-
ture. Elle s'était flattée d'étouffer la voix de
vos consciences et de vous écraser sous le
poids d'une lourde discipline mécanique. Quel
absurde défi à la liberté morale ! Quelle
aveugle ignorance de votre droiture et de
votre ténacité ! Vous étiez incapables de flé-
chissement et de désespoir. Vous avez pa-
tienté, vous n'avez pas cédé ; tels vous étiez.
tels vous êtes restés, et aujourd'hui, voici
notre antique famille rassemblée sous le mê-
me toit. »
)
L'aide américaine à la Russie
On annonce que les services médicaux de
l'armée américaine du Rhin viennent de met-
tre à la disposition de la Russie toutes leurs
provisions pharmaceutiques, se montant à
370.000 dollars.
—r } - -. — t ——————————
A CLERMONT-FERRAND
Les anciens combattants
réclament
l'institution d'une retraite
- "V. - ---.
Ils demandent aussi la refonte (lu Code
* de justice militaire
Le Congrès de l'Union fédérale des mu-
tilés et anciens combattants, réuni à Cler-
mont-Ferrand, a poursuivi, hier, ses travaux.
Il a émis les vœux suivants : .1° en ce qui
concerne l'application de l'article 64 de la
loi du 31 mars 1919, le Congrès invite ins-
tamment le Sénat à voter le plus rapidement
possible le texta du gouvernement, déjà voté
par la Chambre et invite les pouvoirs pu-
blics à assurer les soins dus aux anciens
combattants qui, sans avoir 10 0/0 d'invali-
dité, portent sur le corps des traces de. guer-
re ; 2° le Congrès demande l'institution
d'une retraite du combattant à la constitu-
tion de laquelle le combattant participerait.
Cette retraite, qui n'a rien de commun avec
le projet de rente du combattant, repoussé
par le Congrès devrait être instituée par une'
loi spéciale, distincte de la loi sur les assu-
rances sociales ; 3° le Congrès' autorise l'U-
nion fédérale à entrer en relations avec la
Fédération interalliée, on spécifiant que, en
tout cas, l'Union restera présente au bureau
international du travail.
La réforme militaire
Le Congrès a, en outre, émis les vœux sui-
vants :
1° En temps de guerre, la justice aux ar-
mées, tant pour l'instruction que pour le
jugement des délits, sera confiée uniquement
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