Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-01-13
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1922 13 janvier 1922
Description : 1922/01/13 (N18661). 1922/01/13 (N18661).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
23 Nivôse, An 130.- N° 18861 ue numéro : Quinze tmn fumas Vendredi 13 janvier IUZZ. - NO igui
Fondateurs (1869) i
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Un an Six mois Trcîsmoia
SEINE & S.-ET-OISE. 38 t, 20 » 10 »
FRANCE & COLONIES.. 41 » 22 » 11 »
ETRANGER. 49 » 25 n 13 »
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TRIBUNE LIBRE
UNE MANIFESTATION
Qo
Dans le tumulte des
grands événements, quel
incident insignifiant, sem-
ble-t-il, que la démission
de deux ou trois cents ins-
tituteurs, membres élus des
Conseils départementaux !
Qui sait, cependant, si ce
ne sera pas le point oe départ a un
régime nouveau dans les relations de
l'Etat avec ses employés ?
Cette manifestation — en laissant de
côté les points secondaires - présente
deux réclamations essentielles. D'abord,
la modification de la loi en vigueur :
c'est la question de forme. Ensuite, et
d'une manière générale, un statut nou-
veau fluant aux droits et aux devoirs
des fonctionnaires publics : c'est la
question de fond.
Sur la première, il nous semble diffi-
nile d'opposer une fin 'de non recevoir
aux représentants des instituteurs.
Il y a une quarantaine d'années,Jules
Ferry et Paul Bert ont fait voter une
toi qui arrachait les instituteurs au ser-
vage. Jusque-là, ils pouvaient être
révoqués par le préfet, sans débat,
sans défense et sans appel. Par une
innovation, si juste que personne ne
s'avisa de la combattre, la République
décidait qu'ils ne pourraient plus être
l'évoqués que sur la proposition de
l'inspecteur d'académie et après avis
motivé du Conseil départemental où ils
pourront, Icomparaître et se défendre.
Quatre des leurs font partie du Conseil.
Incontestable progrès. Mais quarante
ans de pratique ont fait ressortir les
lacunes de cette loi. On s'en était bien
aperçu dès l'abord, mais, somme toute,
c'était un tel pas en avant qu'on crut
pouvoir s'en contenter. La loi donnait,
(111 fait, des garanties qui, pour long-
temps. pouvaient suffire. Les institu-
teurs estiment qu'elles ne suffisent plus.
Ils demandent purement et simplement
celles qui sont assurées par d'autres lois
au personnel de l'enseignement secon-
daire.
Que l'instituteur traduit devant le
Conseil départemental soit traité com-
me le professeur de lycée traduit devant
le Conseil académique, c'est-à-dire que
le Conseil prononce un jugement en
bonne et due forme. Pourquoi y substi-
tuer, quand il s'agit de l'instituteur,
cette chose singulèrement équivoque
qu'est un « avis motivé » ? -
Mais, d'abord, cet avis offre une ano-
malie qui suffirait à le vicier. Contrai-
rement à toutes les règles du droit, le
membre du Conseil qui joue le rôle d'ac-
cusateur, celui qui a présenté le rapport
et. requis d'avance la révocation, rede-
vient ensuite juge, et c'est souvent, vu
le petit nombre des participants, sa voix
toute seule qui décide de la condamna-
tion. N'insistons pas : une telle disposi-
tion n'est pas défendable.
Et si, ensuite, par impossible, il
arrive que le Conseil départemental
refuse de condamner l'inculpé, le préfet
et le ministre peuvent passer outre et
prononcer quand même une révocation
contre laquelle le Conseil a protesté
d'avance.
Nous voyons ici, une fois de plus, la
logique, c'est-à-dire tout simplement le
bon sens reprendre ses droits. Ou il y a
un tribunal, ou il n'y en a pas. Pas de
demi-mesure, pas de faux semblant de
justice là où l'autorité se réserve le
dernier mot.
Mais nous voilà arrivés à la question
de fond. Est-il possible de désarmer
ainsi le pouvoir central ?
Le Conseil départemental de la Seine
avait refusé d'émettre un avis favorable
à la révocation d'une institutrice qui
avait 26 ans de services irréprochables
et que personne n'accusait d'avoir, dans
sa classe, commis un manquement quel-
conque. Le ministre — après une lon-
gue hésitation, qui l'honore — se décida
à confirmer la révocation prononcée par
le préfet.
Pour que la question fût bien claire
et parfaitement catégorique, l'institu-
trice révoquée non seulement n'a voulu
niier ni atténuer ses déclarations
politiques, mais elle les a publiquement
réitérées et amplifiées après sa révoca-
tion. Elle soutient qu'en dehors de sa
classe, le fonctionnaire est et reste un
citoyen, peut en exercer tous les droits,
parler, écrire, signer des ordres du jour,
défendre des candidatures, le tout sans
avoir à demander 'agrément de ses
chefs.
Voilà la question posée et bien posée.
En dehors de ses fonctions, un fonc-
tionnaire est-il un citoyen comme les
au tres ?
Qu'il y ait là un point délicat et un
problème épineux, nous ne saurions le
méconnaître. Mais, là comme partout,
il faut renoncer aux solutions bâtardes
qui, étant faites de contradictions,
finissent toujours par s'écrouler. Il faut
prendre un parti : celui de la justice.
Pour tous les services publics, nous
estimons qu'il devra être institué, com-
me c'est déjà fait pour l'Université, des
tribunaux disciplinaires qui statueront
définitivement. — Sur quoi ? — Sur les
actes du fonctionnaire dans l'exercice
de ses fonctions.
Pour le membre du corps enseignant,
toute violation de la neutralité qu'il
s'est engagé à observer, toute propa-
gande pour ou contre une doctrine, une
institution politique, sociale ou reli-
gieuse, relève du tribunal universitaire
constitué par la loi.
Faut-il ajouter, pour prévenir toute
diversion, que, même en Idehors de sa
classe, J'éducateur se doit à lui-même
et doit à ses fonctions, de garder tou-
jours sa dignité, d'éviter les actes, les
propos, les gestes qui la lui feraient
perdre ? Violences, grossièretés, injures
ne lui sont pas plus permises que l'état
d'ivresse ou d'inconduite notoire.
Mais les attributions du tribunal uni-
versitaire ne vont pas plus loin. Les
opinions ne peuvent donner lieu ni à
délit ni à poursuites. La liberté de pen-
sée et de conscience est à ce prix : nous
la devons, pleine et entière, au profes-
seur catholique comme au libre penseur,
au communiste comme au radical. Au-
cune loi n'a permis de dire que, pour
servir l'Etat, on devrait abdiquer tout
ou partie des droits de l'homme.
Ferdinand BUISSON.
7 Député de la Seine.
EDITORIAL
La main passe
- Af. Aristide Briand a
tiré soudain sa révérence
à une majorité encore dis-
posée à le suivre.
Au vrai, son coup de
chapeau s'adresse à d'au-
tres. Revenant de Cannes,
il a jugé trop frais les courants d'air
de l'Elysée, et il n'a pas résisté au dé-
goût. des vers rongeurs du maroquin.
M. Aristide Briand a eu un tort, en
accédant au pouvoir : c'est de ne pas
taire hardiment Vinventaire public de
la succession qu'il recueillait. ;
J'ai réclamé, en son temps, cette for-
malité élémentaire qui s'impose à. tout
syndic de faillite avisé. Peine perdue,
puisque c'était le bon sens. Cependant,
reconnaissez qu'en entrant dans une
boutique à Clemenceau, après Spa et
Ostende, on ne saurait prendre trop de
précautions. L'instrument faussé, ébr-
ché de Versailles, que le maréchal Foch
destine au musée de la Haute-Cour,
rendait tout travail malaisé, si ce n'est
impossible.
L'indolente mansuétude de M. 54ris.
tide Briand a permis aux auteurs mêmes
de la malfaçon de s'ériger en censeurs,
puis de contrarier tous les efforts obsti-
nément tentés pour éteindre l'incendie
qu'ils ont allumé.
Quoi qu'il en soit, nous voici. à
l'égard des puissances étranqères, dans
une attitude malséante, peu digne de la
tradition française.
Elles sont nos invitées à Cannes, et
voici le maître de la maison qui quitte
la table à la suite d'une querelle do-
mestique.
Tout ceci n'est pas pour donner à la
diplomatie publique — ainsi entendue
•— le prestige et l'autorité morale que
les peuples sont en droit d'attendre des
hauts mandataires de la paix. ;
Cependant que M. Lloyd George pour-
suivra sa partie de golf solitaire, les
yeux seront, en France, tournés vers
l'Elysée.
Souhaitons qu'une claire- vision de
l'intérêt démocratique de la France il-
lumine les bésicles et que les flonflons
de Ba-ta-clan ne couvrent plus les véri-
tables accents du pays.
Nous sommes allés à Rome par Cam
nos sa, ne revenons pas de Cannes par
la route de-Versailles.
'-- EDMOND DU MESNIL. -
On dit.
1..
En Passant
L'esprit de contradiction
, Les journaux américains nous rapportent
que le dernier Christmas fut fêté de telle
façon qu'au lendemain du réveillon, jamais
les prisons des Etats-Unis ne furent plus
encombrées. Oh 1 les coupables n'étaient pas
de sérieux gibiers de potence ! C'étaient sim-
plement des pochards. Au cours du souper
traditionnel, entre la dinde sacro-sainte et
le cake rituel, les hommes avaient roulé' sous
les tables et les femmes chantaient à tue-tête,
au point que la police dut faire quelques vi-
sites indiscrètes.
Et nous sommes en un pays cc sec » !
Qu'eût-ce été si l'Amérique était « humide n ?
Eh bien. au risque de sembler paradoxal,
je crois que si l'alcool n'était pas interdit ri-
goureusement au pays des Sammies, l'on
n'aurait eu aucune des scènes dignes de trou-
bler moralistes et tempérants.
La foule n'aime vraiment que ce qui lui
est défendu. Et une prohibition quelconque
décuple pour elle l'attrait du fruit interdit.
Rien ne l'excite comme de se gausser de
l'autorité, lui faire des niches et rire à sa
babe. Elle adore jouer avec le feu ; sa cu-
riosité en est énervée ; au fumées du whisky
ou du gin, bus dans une tasse à thé et servis
en cachette, se joint le piment du petit dan-
ger couru, la joie entrevue d'une victoire sui
le gendarme et d'une blague faite à la Loi.
Et voilà pourquoi les Américains, qui ja-
dis n'étaient ni plus ni moins sobres que qui-
conque sont devenus des amants de. la dive
bouteille. Et voilà pourquoi aussi, pour que
tout rentre dans l'ordre, le Sénat américain
n'aurait qu'à autoriser toutes les boissons ca-
piteuses, et, sitôt après, nul n'en aurait plus
envie.
JlM.
Autrefois
Une vieille coutume perdue
Il était d'usage sous Louis XVI de donner
au Ministre des Affaires étrangères à sa
sortie du Ministère et aux ambassadeurs
après leur ambassade une tapisserie des Go.
belins.
!.' Cet usage se perdit à la Révolution, il
serait paraît-il question de le rétablir pour
les ambassadeurs à leur retraite. K
Aujourd'hui
Le Manuel du chauffeur
La bonne volonté de M. Leullier est indé-
niable. Il vient de doter le chauffeur d'un
manuel.
Tout est prévu dans le « Manuel du par-
fait chauffeur », il y est même question de
respecter le pauvre piéton !
Seulement le chauffeur aura-t-il la cu-
riosité de lire cet opuscule ?
Et, s'il le lit, aura-t-il la bonté de bien
vouloir suivre les préceptes de notre sym.
pathique préfet de police ?
N'II aurait-il pas lieu de créer une briga-
de d'inspecteurs chargés d'interroger tes
chaulfeurs, de leur poser des « colles » ?.
On pourrait essayer.
Déjà !
Dans une commune de banlieue. on a pu
relever sur le registre d'état civil, cette dé-
claration originale suivant le nom et le
prénom d'un enfant nouveau-né :
« Sans profession, célibataire. n
L'employé [on s'en doutail), a avoué
avoir inconsciemment commis celle er-
reur. qui n'en était pas une !
LE TAPIN.
Monseigneur s'en va-t-en guerre
M. Gouraud, évêque de Vannes" n'est
pas un prélat Régence. Lodn de là. Ses dis-
cours de réception manquent de cette ur-
banité qui est ia première marque du sa-
soir-vivre. De plus, cette Eminence en
délire, dont la soutane violette doit par-
fois tourner au rouge vif, a une bien cu.
rieuse manière de professer cette « union
sacrée » dont lui et ses pareils ont déjà
tiré tant de ténéfices.
M. 'Gouraud bouffe du laïque à pleine
bouche. La rage le dfévore ett il écume lit-
tiéralement :
« La pacification religieuse n'existe pas chez
nous où la iutte reprend. Ainsi, l'année qui s'a
chève a vu se consommer la spoliation délinitive
du Petit Séminaire de Pkennel. Quel empres-
sement il vendre les immeubles religieux malgré
les espoirs de récupérations que pouvait donner
la reprise des relations avec le Vatican. Il
Tiens, tiens, voilà le bout de l'oreille.
Mauvaise conseillère que la colère, Mon-
seigneur ! Elle égare les esprits, mémo
ceux des oints de. Dieu. Vous espériez donc
que la reprise des relations avec le Vati-
can allait conduire à une abrogation caté-
gorique des lois de séparation ? A vrai
dire, nous nous en étions doutés, mais com-
me nous vous sommes obligés de le tenir
de votre sainte bouche.
Mais ce n'est pas une admonestation
seulement que M. Gouraud inflige aux in-
fâmes gouvernants. C'est une participa-
tion aux affaires publiques ciu'il réclame,
et en auel termes : -
Nous ne pouvons pas admettre qu'on refuse
aux catholiques les faveurs d exception accor
dées aux amrcs. Les événements qui se sont
passés en F:'a,nçe nous ,y donnent droit. Une
autorité forte doit toujours tenir compte du
droit, et ne. pas admettre pour ébranler la foi
de nos populations chrétiennes la formule qu'il
y a des lois intagibles. Du moment que toute
loi peut être changée, il n'en est aucune d'in-
tangible. C'est par de telles assertions, sans
cesse répétées qu'on arrive à tromper le peuple.
Nous ne mouvons te. laisser passer. Nous ré-
clamons de nos ennemis la clarté et la fran-
chise. Point n'est besoin de faire de la politique
pour cela. Nous sommes soumis au gouverne-
ment '■tie 1a France s'est donné, mais nous
avons le d"oit de lui signaler les parties défec-
tueuses sur la législation et d'en demander des
modifications.
Comme appel à l'union sacrée, eh bien !
c'est tapé. On peut dire que M. Gouraud a
le sens de l'opportunisme à rebours. Mais
s'il croit que c'est arrivé, il se trompe. Il
y a encore ces laïques en France capables
de anir autre chose 'que le bougeoir de
Monseigneur !
LE COMTE SFORZA
qui remplacerait M. Martino
à l'ambassade d'Italie à Londres
Le comte Sforza
LA CONFÉRENCE DE CANNES
M. Rathenau entendu par le Conseil Suprême
M. Loucheur et les délégués français rentrent à Paris
La Conférence se terminera aujourd'hui
Cannes. 12 janvier. — Le Conseil Suprê-
me s'est réuni ce malin à 11 heures 1/«j
pour entendre ta rapport verbal ce la Com-
mission des réparations relativement à son
audition de la délégation allemande liiei
soir.
M. Rathenau a renouvelé devant le Con-
seil Suprême les déclarations qu'il avait
faites hier à la Commission des répara-
Lions au S'iiljet; des difficultés éprouvées
par le gouvernement allemand pour faire
face à ses engagements en ce qui concerne
les réparations.
Son long exposé technique a porté c'a-
bord sur les matières premières, puis sur
la nécessité pour l'Allemagne d'accroître de
façon très importante ses exportations de
façon à sia procurer des" revenus en devi-
5e8 étrangères lesquelles font actuellement
défaut.
D'autre part,-a déclaré M. Rathenau, les
importations sont indispensables pour per-
mettre au commerce et, à .l'industrie aile-
mande de travailler et ne devraient pas
être inférieure à 5 ou 6 milliards de marks
i>r.
Or les exportations atteignent de trois
milliards et demi 4 -i milliards de marks
or. Il y a donc un déficit grave qui so
trouve encore accru eu fait que) ie Reich
doit faire maintenant des paiements aux
puissances alliées pour les réparations,
M. Rathenau a affirmé que le budget al-
lemand propre est en équilibre sur 83 mil-
liards de marks papier, mais les différen-
tes charges pour les réparations représen-
tent 135 milliards, pour l'année 1922.
Il n'y a eu à aucun moment discussion.
M. LOUCHEUR APPREND
LA DEMISSION DU CABINET
Cannes, 12 janvier. - M. Loucheur a ap-
pris la démission du cabinet ce soir, vers
cinq heures, au cours de la séance du Con-
seil suprême. -
Il est rentré aussitôt à l'hôtel, après
avoir prévenu les chefs des délégations al-
liées de la nécessité où il se trouvait, par
suite de la retraite du président du Conseil
de quitter Cannes dès ce soir.
M. Lloyd George a insisté pour qu'il con-
sentit à rester jusqu'à la fin de l'audition
des délégués allemands, mais M. Loucheur
a persisté dans sa résolution. Il quittera
Cannes ce soir à 7 h. 10.
Le Conseil suprême qui s'est adjoint les
membres de la commission des Répara-
tions, va continuer ce soir à entendre les
représentants allemands après le départ de
M. Loucheur, Aucune décision ne sera na-
turellement prise en l'absence des représen-
tants de la France. Ce n'est que lorsque
le nouveau cabinet sera constituer qu'il
pourra' être question de la convocation
d'un nouveau Conseil suprême,
Une partie de la délégation française quit-
te Cannes, ce soir, avec IM. Loucheur. Le
dernier échelon partira demain soir ven-
dredi.
M. Lloyd George quittera Cannes diman-
che.
DEPART DE M. LOUCHEUR
Cannes, 12 janvier. — Le Conseil suprême
nistre des Régions libérées accompagné du
Mme et Mlle Loucheur, a quitté Cannes ce
soir,, à. 19 h. 25. Il a été salué, sur le quai
de la ga.t'c par M. Armand Bernard, préfet
des Alpes-Maritimes.
LA DERNIERE SEANCE
Cannes, 12 jenvicr. — Le Conseil suprême
se réunira demain matin, à 11 heures. Les
membres de la Commission des Réparations
n'assisteront pas à la séance. La déléga-
tion allemande n'y sera pas entendue.
Il est vraisemblable qu'au cours de cette
séance, le Conseil suprême décidera de dore
sa session.
L'ACTUALITÉ
Le Cabinet Briand démissionnaire
Bien qu'ayant la partie gagnée à la Chambre et au Conseil des
ministres, M. Aristide Briand abandonne volontairement le pouvoir
M. Poincaré est chargé par le président de la République
de former le nouveau cabinet
+
M. Briand abandonne le pouvoir, bien
qu'ayant la partie gagnée. Le matin, au
Conseil des ministres, il avait mis ses col-
lègues au courant de son action à la Confé-
rence de Cannes. Il avait répondu victorieu-
sement aux objections faites par quelques-uns
des membres de son cabinet et la réunion
avait pris fin dans une atmosphère de con-
fiance que reflète le communiqué officiel
transmis à la presse.
Quelques heures plus tard, M. Briand se
présentait à la Chambre. Sans attendre qu'on
l'interpellât le Président du Conseil prit la
parole. Il fut clair et précis. Il dit ce qu'il
avait fait et ce qu'il comptait faire encore.
Hostile au début, l'assemblée, à mesure que
l'orateur développait ses arguments, lui de-
venait de plus en plus sympathique, si bien
que lorsque M. Briand fit le geste de quitter
la tribune devant l'obstruction de ses adver-
saires systématiques, les applaudissements
répétés de la gauche et du centre l'y re-
tinrent.
Et le Président du Conseil put terminer
son discours avec l'impression, — exacte,
d'ailleurs — qu'il avait gagné à sa cause
la majorité de l'assemblée.
D'autres se fussent contentés de ce succès.
M. Briand préféra se souvenir des incidents
qui l'avaient obligé à rentrer brusquement à
Paris, et il dit en substance : « Je n'ai pas
le droit d'aller au combat, sans avoir la cer-
titude qu'il ne me viendra pas des balles
d'ailleurs. En recevoir d'autres pays, c'est
normal, mais du sien, jamais ».
C'était l'annonce de la démission que le
Président du Conseil ne tarda pas à expri-
mer d'une façon plus claire quand, après
avoir répété une dernière fois qu'il n'avait
négligé les intérêts de la France à Cannes
il ajouta :
« Ce que j'ai fait, je suis venu vous le
dire. Voilà le point où j'en étais quand je
suis parti. Eh ! bien, d'autres feront mieux !»
Sur ces mots, M. Briand descendit de la
tribune, puis quitta la salle des séances suivi
des membres du gouvernement. De l'extrême-
gauche au centre, des applaudissements par-
tirent à l'adresse du Président du Conseil
démissionnaire.
Passons maintenant au détail de cette jour-
née historique.
Le dernier jour du Cabinet
Parti de Cannes, mercredi à 11 heures, M.
Briand est arrivé à la gare de Lyon, hier
matin, à 9 heures 6. Il était accompagné de
M. Peycelbn et du docteur Chatin.
Le président du Conseil s'est rendu di-
rectement au quai d'Orsay et de la à l'Ely-
sée, où il a eu, en ouvrant la séance du
Conseil des ministres, un entretien avec
M. Millerand. Après cette entrevue qui a
duré une heure, le chef du gouvernement
est retourné au ministère des affaires étran-
gères où il'a reçu M. Guist'hau.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Commencé à 11 heures, le Conseil des
ministres s'est prolongé jusqu'à 13 heures.
A l'issue de la réunion, la note sui-
vante a été communiquée :
« M. Aristide Briand, président du Conseil,
a fait à ses collègues l'exposé de l'état des
négociations de Cannes. Dans sa délibéra-
tion, le conseil s'est mis en accord com-
plet et unanime avec le président du con-
seil. »
En sortant de l'Elysée, M. Aristide Briand
a fait aux journalistes cette brève décla-
ration :
« Je viens, a-t-il dit, de mettre mes col-
lègues au courant, non pas de ce qui s'est
dit, mais de ce qui s'est réellement fait jus-
qu'à présent, à la conférence de Cannes.
Je vais aller cet après-midi à la Chambre,
car je veux avoir avec elle au moins une
dernière rencontre. »
La séance de la Chambre
Tous les députés sont présents. Les tri-
bunes regorgent de monde.
M. Raoul Péret, qui préside, prend la pa-
role pour remercier la Chambre du nou-
veau témoignage de confiance dont il a été
l'objet. 11 expose les résultats obtenus au
cours de la dernière. session et rappelle
le vote du budget avant le 31 décembre,
ce qui a évité lc récours; aux douzièmes
provisoires :
Nous aurons, d'uilleurs, dit-il, à perfectionner
encore nos méthodes. Il est indispensable que
le rôle des commissions s'aflirme et se précise,
qu'une rigoureuse préparation des textes abrège
le plus possible la discussion publique : l'impro-
visation d'un discours est souvent: chose heurcu.
, celle d'un texte de loi a presque toujours
du fâcheuses conséquences. (Applaudissements).
Aussi bien la parole elle-même doit savoir se bor-
ner (Vifs applaudissements sur tous les bancs),
et j'entends dire qu'il sera peut-être nécessaire
que l'éloquence, à son tour, subisse quelques res-
trictions. Nul doute qu'il ne s'agisse là de res-
trictions volontaires ,-
Puis M. Raoul Péret passe aux problè-
mes qui préoccupent tous les esprits :
Ne va-t-on pas jusqu'à dénaturer les intentions
de la France, à la représenter comme une nation
belliqueuse, gonflée d'orgueil, avide de domina-
tion ? Cela, nous ne l'acceptons pas. (Vifs applau-
dissements sur les mêmes bancs.) Il n'ect pas de
pays qui soit plus intéressé que le nôtre à la
paix du inonde (Applaudissements), plus réso-
lument déterminé à la maintenir ; depuis sa vic-
toire, il lui a consenti trop de douloureux sacri-
fices (Très bien ! Très bien ! à droite et au cen-
trc<,. pour que personne ait le droit de mettre
eu. parole en doute. (Applaudissments).
Que n'a-t-il pas fait,avant 1U14, pour empêcher
qu'elle ne fut troublée ? L'impérialisme, l'esprit
d-j conquête, le militarisme étaient ailleurs (Ap-
plaudissemnts) ; nous ne sommes pas bien cer-
tains qu'ils n'y soient point encore. (Vifs applau-
dissements à droite, au centre eL a gauche). Mais
entre une attitude de provocation et une sorte
d'abdication contre laquelle se révolterait la
conscience nationale, il y a place pour une exac-
te appréciation de nos intérêts vitaux, pour des
mesures propres à prévenir un nouveau coup de
force (Applaudissements.)
Calme et maîtresse d'elle-même, ainsi qu'elle
l'est resiée en des jours autrement irajnques,
donnant à tous un magnifique exemple de mo-
dération et do tenue morale, que demande donc
la France ? Elle attend les dédommagements lé-
gitimes ; elle exige qu'on lui garantisse sa plei-
ne sécurité ; rien de plus, rien de moins. (Vifs
applaudissements répétés à droite, au centre -et
à gauche.)
On ne fonde pas une paix durable sur l'iniqui-
té (Applaudissements) en rejetant le fardeau
écrasant de la guerre sur les pays qui en ont été
les victimes, pour en décharger celui oui, pour
des fins criminelles. l'a déchaînée. (Vifs applau-
dissements sur les mêmes bancs.)
Et le président de la Chambre conclut
en ces termes ;
Aux gouvernements, aux représentants de la
nation de faire entendre, partout où il convien-
dra. la grande voix de la France victorieuse et de
proclamer qu'elle n'a jamais voulu que la paix
réparatrice dans la sécurité, l'indépendance et
l'honneur. (Vifs applaudissements prolongés à
droite, au centre et à gauche. — Sur ces bancs
les députés se lèvent.)
De toute parts, on réclame l'affichage
mais, aux termes du règlement, toute de-
mande d'affichage doit être déposée par
écrit et seulement au début de la séance
qui suit l'insertion du discours au compte
rendu « in extenso ». -
DISCOURS DE M. BRIAND
M. Briand monte à la tribune. Un silence
profond s'établit.
M. Aristide Briand. — Messieurs, au moment
où je monte à celte tribune, jt ne suis pas sur
que, dans l'intérêt de la France, je ne devrais
pas être ailleurs qu'ici. (Très bien 1 très bien !
a gauche et à l'extrême-gauche. - Mouvements
divers.-
Si je suis venu, malgré la conférence à raquefle
je participais, c'est que j'ai considéré qu'il était
de mon devoir de dissiper certaines inquiétudes
et de dire aux représentants du pays et au pays
lui-même la vérité sur des négociations déna-
turées et défigurées par des informations tendan-
cieuse ou mensongères.
Je le dois, afin que la conférence que nous
tenons avec nos alliés dans notre pays puisse
évoluer dans une atmosphère plus sereine et
plus saine. Depuis que je suir. dans cette confé-
rence, sur tous lçs nombreux sujets qui ont été
abordés, des nouvelles ont été répandues qui,
toutes, ont apporté à l'opinion publique des reiii-
seignements inexacts.
àur l'ordre du jour de la conférence en ré-
ponse à M. Klotz, ici même et à M. Ribot, dans
l'autre Assemblée, j'avais donne les explications
les plus nettes et les plus étendues. Je vais
vous dire les points où nous en sommes arrivés.
La situation est entière, et il ne dépend que
de vous qu'elle reste en l'état. Le .gouvernement
ne vous met pas en face du fait accompli. Je
vous apporte des explications dans des conditions
ou bien peu de gouvernements se sont expliquas
devant la Chambre (Applaudissements à gauche
et sur quelques bancs au centre.), c'est-à-dire,
alors même qu'une conférence est en plein cours
de ses travaux
Que ce soit pour faciliter des transactions et
des résultats, je n'oserai pas aller jusqu'à J'nffir.
mer : mais que ce soil un«e nécessité dans l'état
présent de l'opinion, c'est une réalité dont j'avais
le devoir de tenir compte. J'en ai tenu compte, et
c'est pourquoi je suis, & cette heure, au milieu
de vous.
LA CONFERENCE DE CANNES
M. Briand passe ensuite aux problèmes
qui devaient s'agiter à Cannes. Parlant du
projet de la Conférence économique, il dit ;
Qu'une telle réunion présente des incomvô
nients et des dangers, qui peut en doulei ? C'est
là, d'ailleurs, ce que j'ai naguère reconnu en
répondant à M. Wbot. qui avait, envisagé ces
inconvénients et ces dangers, mais qui. tout de
même m'a dit : Il faut y aller. Moi aussi, j'avais
mesuré ces dangers, et j'ai pensé qu'on ne
pouvait pas les affronter sans prendre des ga-
ranties.
Il est parfaitement décidé qu'à l'ordre du
jour de cette confé-ence le problème 4ïes répa-
rations ne sera évoqué ni de près l'ii de loiu
que les traités ignés. dont le traidé ile Ver
sailles, ne feront l'objet d'aucune discussion :
que toutes les garanties qui s'y Souvent inscrites
pour la France seront ho-s de débat. Cefa est
décidé, arrêté : il n'y a pas à revenir sur ce
point. ,-
Si une telle assemblée, ayant à envisager tant
de problèmes, à engager tant d'intértts pour
l'avenir, a installer de tels marchés, prenait ge.11
dispositions sans que la France ait pris tes )en
nes peur être assise autour de 1/t table de la
conférence, si un plénipotenliaire français l'avait
mise en présence d'une telle situation, quella
responsabilité serait la sienne 7 (Applaudis-
sements à gauche). - -
M. Le Provost de Launay. — EUe n'aurait paa
lieu si la France n'y allait pas.
M. Léon Daudet — Il y a les ambassadeurs.
M. Briand répliquia en insisiant sur la né-
cessité pour la France de se rendre à cette
Conférence. ;
LES REPARATIONS
M. Briand. — Un deuxième problème est celui
des réparations. A mon départ de Cannes, on
ne l'avait pas encore aoordé. L'Allemagne-a de-
mandé un incratorium. et a dit : Sur les étata
le payement de 1D22. je demande un délai et
une réduction.
La Commission des réparations est saisie do
l'affaire. Elle a le droit, à la majorité, d'accorder
tes délais et réductions.
M. L.-L. Klotz. — Je demende la parole.
M. le président da conseil. — Dans cette
commission, la France n'i pas la majorité. Elle
ne peut imposer sa volonté. Si elle avait cette
majorité, l'idée du moratorium, évidemment,
ne serait même pas envisagée, mais la majorité
pour le moratorium est certaine. (Mouvements
prolongés).
il y a dis-je, une majorité qui considère qu'il
faut modifier dans des conditions x l'état des
payements. (Exclamations). Croyez-moi, votre
intérêt est de m écouter. Vous le pouvee d'au*
tant plus que la Question de Gouvernement na
Fondateurs (1869) i
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Un an Six mois Trcîsmoia
SEINE & S.-ET-OISE. 38 t, 20 » 10 »
FRANCE & COLONIES.. 41 » 22 » 11 »
ETRANGER. 49 » 25 n 13 »
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TRIBUNE LIBRE
UNE MANIFESTATION
Qo
Dans le tumulte des
grands événements, quel
incident insignifiant, sem-
ble-t-il, que la démission
de deux ou trois cents ins-
tituteurs, membres élus des
Conseils départementaux !
Qui sait, cependant, si ce
ne sera pas le point oe départ a un
régime nouveau dans les relations de
l'Etat avec ses employés ?
Cette manifestation — en laissant de
côté les points secondaires - présente
deux réclamations essentielles. D'abord,
la modification de la loi en vigueur :
c'est la question de forme. Ensuite, et
d'une manière générale, un statut nou-
veau fluant aux droits et aux devoirs
des fonctionnaires publics : c'est la
question de fond.
Sur la première, il nous semble diffi-
nile d'opposer une fin 'de non recevoir
aux représentants des instituteurs.
Il y a une quarantaine d'années,Jules
Ferry et Paul Bert ont fait voter une
toi qui arrachait les instituteurs au ser-
vage. Jusque-là, ils pouvaient être
révoqués par le préfet, sans débat,
sans défense et sans appel. Par une
innovation, si juste que personne ne
s'avisa de la combattre, la République
décidait qu'ils ne pourraient plus être
l'évoqués que sur la proposition de
l'inspecteur d'académie et après avis
motivé du Conseil départemental où ils
pourront, Icomparaître et se défendre.
Quatre des leurs font partie du Conseil.
Incontestable progrès. Mais quarante
ans de pratique ont fait ressortir les
lacunes de cette loi. On s'en était bien
aperçu dès l'abord, mais, somme toute,
c'était un tel pas en avant qu'on crut
pouvoir s'en contenter. La loi donnait,
(111 fait, des garanties qui, pour long-
temps. pouvaient suffire. Les institu-
teurs estiment qu'elles ne suffisent plus.
Ils demandent purement et simplement
celles qui sont assurées par d'autres lois
au personnel de l'enseignement secon-
daire.
Que l'instituteur traduit devant le
Conseil départemental soit traité com-
me le professeur de lycée traduit devant
le Conseil académique, c'est-à-dire que
le Conseil prononce un jugement en
bonne et due forme. Pourquoi y substi-
tuer, quand il s'agit de l'instituteur,
cette chose singulèrement équivoque
qu'est un « avis motivé » ? -
Mais, d'abord, cet avis offre une ano-
malie qui suffirait à le vicier. Contrai-
rement à toutes les règles du droit, le
membre du Conseil qui joue le rôle d'ac-
cusateur, celui qui a présenté le rapport
et. requis d'avance la révocation, rede-
vient ensuite juge, et c'est souvent, vu
le petit nombre des participants, sa voix
toute seule qui décide de la condamna-
tion. N'insistons pas : une telle disposi-
tion n'est pas défendable.
Et si, ensuite, par impossible, il
arrive que le Conseil départemental
refuse de condamner l'inculpé, le préfet
et le ministre peuvent passer outre et
prononcer quand même une révocation
contre laquelle le Conseil a protesté
d'avance.
Nous voyons ici, une fois de plus, la
logique, c'est-à-dire tout simplement le
bon sens reprendre ses droits. Ou il y a
un tribunal, ou il n'y en a pas. Pas de
demi-mesure, pas de faux semblant de
justice là où l'autorité se réserve le
dernier mot.
Mais nous voilà arrivés à la question
de fond. Est-il possible de désarmer
ainsi le pouvoir central ?
Le Conseil départemental de la Seine
avait refusé d'émettre un avis favorable
à la révocation d'une institutrice qui
avait 26 ans de services irréprochables
et que personne n'accusait d'avoir, dans
sa classe, commis un manquement quel-
conque. Le ministre — après une lon-
gue hésitation, qui l'honore — se décida
à confirmer la révocation prononcée par
le préfet.
Pour que la question fût bien claire
et parfaitement catégorique, l'institu-
trice révoquée non seulement n'a voulu
niier ni atténuer ses déclarations
politiques, mais elle les a publiquement
réitérées et amplifiées après sa révoca-
tion. Elle soutient qu'en dehors de sa
classe, le fonctionnaire est et reste un
citoyen, peut en exercer tous les droits,
parler, écrire, signer des ordres du jour,
défendre des candidatures, le tout sans
avoir à demander 'agrément de ses
chefs.
Voilà la question posée et bien posée.
En dehors de ses fonctions, un fonc-
tionnaire est-il un citoyen comme les
au tres ?
Qu'il y ait là un point délicat et un
problème épineux, nous ne saurions le
méconnaître. Mais, là comme partout,
il faut renoncer aux solutions bâtardes
qui, étant faites de contradictions,
finissent toujours par s'écrouler. Il faut
prendre un parti : celui de la justice.
Pour tous les services publics, nous
estimons qu'il devra être institué, com-
me c'est déjà fait pour l'Université, des
tribunaux disciplinaires qui statueront
définitivement. — Sur quoi ? — Sur les
actes du fonctionnaire dans l'exercice
de ses fonctions.
Pour le membre du corps enseignant,
toute violation de la neutralité qu'il
s'est engagé à observer, toute propa-
gande pour ou contre une doctrine, une
institution politique, sociale ou reli-
gieuse, relève du tribunal universitaire
constitué par la loi.
Faut-il ajouter, pour prévenir toute
diversion, que, même en Idehors de sa
classe, J'éducateur se doit à lui-même
et doit à ses fonctions, de garder tou-
jours sa dignité, d'éviter les actes, les
propos, les gestes qui la lui feraient
perdre ? Violences, grossièretés, injures
ne lui sont pas plus permises que l'état
d'ivresse ou d'inconduite notoire.
Mais les attributions du tribunal uni-
versitaire ne vont pas plus loin. Les
opinions ne peuvent donner lieu ni à
délit ni à poursuites. La liberté de pen-
sée et de conscience est à ce prix : nous
la devons, pleine et entière, au profes-
seur catholique comme au libre penseur,
au communiste comme au radical. Au-
cune loi n'a permis de dire que, pour
servir l'Etat, on devrait abdiquer tout
ou partie des droits de l'homme.
Ferdinand BUISSON.
7 Député de la Seine.
EDITORIAL
La main passe
- Af. Aristide Briand a
tiré soudain sa révérence
à une majorité encore dis-
posée à le suivre.
Au vrai, son coup de
chapeau s'adresse à d'au-
tres. Revenant de Cannes,
il a jugé trop frais les courants d'air
de l'Elysée, et il n'a pas résisté au dé-
goût. des vers rongeurs du maroquin.
M. Aristide Briand a eu un tort, en
accédant au pouvoir : c'est de ne pas
taire hardiment Vinventaire public de
la succession qu'il recueillait. ;
J'ai réclamé, en son temps, cette for-
malité élémentaire qui s'impose à. tout
syndic de faillite avisé. Peine perdue,
puisque c'était le bon sens. Cependant,
reconnaissez qu'en entrant dans une
boutique à Clemenceau, après Spa et
Ostende, on ne saurait prendre trop de
précautions. L'instrument faussé, ébr-
ché de Versailles, que le maréchal Foch
destine au musée de la Haute-Cour,
rendait tout travail malaisé, si ce n'est
impossible.
L'indolente mansuétude de M. 54ris.
tide Briand a permis aux auteurs mêmes
de la malfaçon de s'ériger en censeurs,
puis de contrarier tous les efforts obsti-
nément tentés pour éteindre l'incendie
qu'ils ont allumé.
Quoi qu'il en soit, nous voici. à
l'égard des puissances étranqères, dans
une attitude malséante, peu digne de la
tradition française.
Elles sont nos invitées à Cannes, et
voici le maître de la maison qui quitte
la table à la suite d'une querelle do-
mestique.
Tout ceci n'est pas pour donner à la
diplomatie publique — ainsi entendue
•— le prestige et l'autorité morale que
les peuples sont en droit d'attendre des
hauts mandataires de la paix. ;
Cependant que M. Lloyd George pour-
suivra sa partie de golf solitaire, les
yeux seront, en France, tournés vers
l'Elysée.
Souhaitons qu'une claire- vision de
l'intérêt démocratique de la France il-
lumine les bésicles et que les flonflons
de Ba-ta-clan ne couvrent plus les véri-
tables accents du pays.
Nous sommes allés à Rome par Cam
nos sa, ne revenons pas de Cannes par
la route de-Versailles.
'-- EDMOND DU MESNIL. -
On dit.
1..
En Passant
L'esprit de contradiction
, Les journaux américains nous rapportent
que le dernier Christmas fut fêté de telle
façon qu'au lendemain du réveillon, jamais
les prisons des Etats-Unis ne furent plus
encombrées. Oh 1 les coupables n'étaient pas
de sérieux gibiers de potence ! C'étaient sim-
plement des pochards. Au cours du souper
traditionnel, entre la dinde sacro-sainte et
le cake rituel, les hommes avaient roulé' sous
les tables et les femmes chantaient à tue-tête,
au point que la police dut faire quelques vi-
sites indiscrètes.
Et nous sommes en un pays cc sec » !
Qu'eût-ce été si l'Amérique était « humide n ?
Eh bien. au risque de sembler paradoxal,
je crois que si l'alcool n'était pas interdit ri-
goureusement au pays des Sammies, l'on
n'aurait eu aucune des scènes dignes de trou-
bler moralistes et tempérants.
La foule n'aime vraiment que ce qui lui
est défendu. Et une prohibition quelconque
décuple pour elle l'attrait du fruit interdit.
Rien ne l'excite comme de se gausser de
l'autorité, lui faire des niches et rire à sa
babe. Elle adore jouer avec le feu ; sa cu-
riosité en est énervée ; au fumées du whisky
ou du gin, bus dans une tasse à thé et servis
en cachette, se joint le piment du petit dan-
ger couru, la joie entrevue d'une victoire sui
le gendarme et d'une blague faite à la Loi.
Et voilà pourquoi les Américains, qui ja-
dis n'étaient ni plus ni moins sobres que qui-
conque sont devenus des amants de. la dive
bouteille. Et voilà pourquoi aussi, pour que
tout rentre dans l'ordre, le Sénat américain
n'aurait qu'à autoriser toutes les boissons ca-
piteuses, et, sitôt après, nul n'en aurait plus
envie.
JlM.
Autrefois
Une vieille coutume perdue
Il était d'usage sous Louis XVI de donner
au Ministre des Affaires étrangères à sa
sortie du Ministère et aux ambassadeurs
après leur ambassade une tapisserie des Go.
belins.
!.' Cet usage se perdit à la Révolution, il
serait paraît-il question de le rétablir pour
les ambassadeurs à leur retraite. K
Aujourd'hui
Le Manuel du chauffeur
La bonne volonté de M. Leullier est indé-
niable. Il vient de doter le chauffeur d'un
manuel.
Tout est prévu dans le « Manuel du par-
fait chauffeur », il y est même question de
respecter le pauvre piéton !
Seulement le chauffeur aura-t-il la cu-
riosité de lire cet opuscule ?
Et, s'il le lit, aura-t-il la bonté de bien
vouloir suivre les préceptes de notre sym.
pathique préfet de police ?
N'II aurait-il pas lieu de créer une briga-
de d'inspecteurs chargés d'interroger tes
chaulfeurs, de leur poser des « colles » ?.
On pourrait essayer.
Déjà !
Dans une commune de banlieue. on a pu
relever sur le registre d'état civil, cette dé-
claration originale suivant le nom et le
prénom d'un enfant nouveau-né :
« Sans profession, célibataire. n
L'employé [on s'en doutail), a avoué
avoir inconsciemment commis celle er-
reur. qui n'en était pas une !
LE TAPIN.
Monseigneur s'en va-t-en guerre
M. Gouraud, évêque de Vannes" n'est
pas un prélat Régence. Lodn de là. Ses dis-
cours de réception manquent de cette ur-
banité qui est ia première marque du sa-
soir-vivre. De plus, cette Eminence en
délire, dont la soutane violette doit par-
fois tourner au rouge vif, a une bien cu.
rieuse manière de professer cette « union
sacrée » dont lui et ses pareils ont déjà
tiré tant de ténéfices.
M. 'Gouraud bouffe du laïque à pleine
bouche. La rage le dfévore ett il écume lit-
tiéralement :
« La pacification religieuse n'existe pas chez
nous où la iutte reprend. Ainsi, l'année qui s'a
chève a vu se consommer la spoliation délinitive
du Petit Séminaire de Pkennel. Quel empres-
sement il vendre les immeubles religieux malgré
les espoirs de récupérations que pouvait donner
la reprise des relations avec le Vatican. Il
Tiens, tiens, voilà le bout de l'oreille.
Mauvaise conseillère que la colère, Mon-
seigneur ! Elle égare les esprits, mémo
ceux des oints de. Dieu. Vous espériez donc
que la reprise des relations avec le Vati-
can allait conduire à une abrogation caté-
gorique des lois de séparation ? A vrai
dire, nous nous en étions doutés, mais com-
me nous vous sommes obligés de le tenir
de votre sainte bouche.
Mais ce n'est pas une admonestation
seulement que M. Gouraud inflige aux in-
fâmes gouvernants. C'est une participa-
tion aux affaires publiques ciu'il réclame,
et en auel termes : -
Nous ne pouvons pas admettre qu'on refuse
aux catholiques les faveurs d exception accor
dées aux amrcs. Les événements qui se sont
passés en F:'a,nçe nous ,y donnent droit. Une
autorité forte doit toujours tenir compte du
droit, et ne. pas admettre pour ébranler la foi
de nos populations chrétiennes la formule qu'il
y a des lois intagibles. Du moment que toute
loi peut être changée, il n'en est aucune d'in-
tangible. C'est par de telles assertions, sans
cesse répétées qu'on arrive à tromper le peuple.
Nous ne mouvons te. laisser passer. Nous ré-
clamons de nos ennemis la clarté et la fran-
chise. Point n'est besoin de faire de la politique
pour cela. Nous sommes soumis au gouverne-
ment '■tie 1a France s'est donné, mais nous
avons le d"oit de lui signaler les parties défec-
tueuses sur la législation et d'en demander des
modifications.
Comme appel à l'union sacrée, eh bien !
c'est tapé. On peut dire que M. Gouraud a
le sens de l'opportunisme à rebours. Mais
s'il croit que c'est arrivé, il se trompe. Il
y a encore ces laïques en France capables
de anir autre chose 'que le bougeoir de
Monseigneur !
LE COMTE SFORZA
qui remplacerait M. Martino
à l'ambassade d'Italie à Londres
Le comte Sforza
LA CONFÉRENCE DE CANNES
M. Rathenau entendu par le Conseil Suprême
M. Loucheur et les délégués français rentrent à Paris
La Conférence se terminera aujourd'hui
Cannes. 12 janvier. — Le Conseil Suprê-
me s'est réuni ce malin à 11 heures 1/«j
pour entendre ta rapport verbal ce la Com-
mission des réparations relativement à son
audition de la délégation allemande liiei
soir.
M. Rathenau a renouvelé devant le Con-
seil Suprême les déclarations qu'il avait
faites hier à la Commission des répara-
Lions au S'iiljet; des difficultés éprouvées
par le gouvernement allemand pour faire
face à ses engagements en ce qui concerne
les réparations.
Son long exposé technique a porté c'a-
bord sur les matières premières, puis sur
la nécessité pour l'Allemagne d'accroître de
façon très importante ses exportations de
façon à sia procurer des" revenus en devi-
5e8 étrangères lesquelles font actuellement
défaut.
D'autre part,-a déclaré M. Rathenau, les
importations sont indispensables pour per-
mettre au commerce et, à .l'industrie aile-
mande de travailler et ne devraient pas
être inférieure à 5 ou 6 milliards de marks
i>r.
Or les exportations atteignent de trois
milliards et demi 4 -i milliards de marks
or. Il y a donc un déficit grave qui so
trouve encore accru eu fait que) ie Reich
doit faire maintenant des paiements aux
puissances alliées pour les réparations,
M. Rathenau a affirmé que le budget al-
lemand propre est en équilibre sur 83 mil-
liards de marks papier, mais les différen-
tes charges pour les réparations représen-
tent 135 milliards, pour l'année 1922.
Il n'y a eu à aucun moment discussion.
M. LOUCHEUR APPREND
LA DEMISSION DU CABINET
Cannes, 12 janvier. - M. Loucheur a ap-
pris la démission du cabinet ce soir, vers
cinq heures, au cours de la séance du Con-
seil suprême. -
Il est rentré aussitôt à l'hôtel, après
avoir prévenu les chefs des délégations al-
liées de la nécessité où il se trouvait, par
suite de la retraite du président du Conseil
de quitter Cannes dès ce soir.
M. Lloyd George a insisté pour qu'il con-
sentit à rester jusqu'à la fin de l'audition
des délégués allemands, mais M. Loucheur
a persisté dans sa résolution. Il quittera
Cannes ce soir à 7 h. 10.
Le Conseil suprême qui s'est adjoint les
membres de la commission des Répara-
tions, va continuer ce soir à entendre les
représentants allemands après le départ de
M. Loucheur, Aucune décision ne sera na-
turellement prise en l'absence des représen-
tants de la France. Ce n'est que lorsque
le nouveau cabinet sera constituer qu'il
pourra' être question de la convocation
d'un nouveau Conseil suprême,
Une partie de la délégation française quit-
te Cannes, ce soir, avec IM. Loucheur. Le
dernier échelon partira demain soir ven-
dredi.
M. Lloyd George quittera Cannes diman-
che.
DEPART DE M. LOUCHEUR
Cannes, 12 janvier. — Le Conseil suprême
nistre des Régions libérées accompagné du
Mme et Mlle Loucheur, a quitté Cannes ce
soir,, à. 19 h. 25. Il a été salué, sur le quai
de la ga.t'c par M. Armand Bernard, préfet
des Alpes-Maritimes.
LA DERNIERE SEANCE
Cannes, 12 jenvicr. — Le Conseil suprême
se réunira demain matin, à 11 heures. Les
membres de la Commission des Réparations
n'assisteront pas à la séance. La déléga-
tion allemande n'y sera pas entendue.
Il est vraisemblable qu'au cours de cette
séance, le Conseil suprême décidera de dore
sa session.
L'ACTUALITÉ
Le Cabinet Briand démissionnaire
Bien qu'ayant la partie gagnée à la Chambre et au Conseil des
ministres, M. Aristide Briand abandonne volontairement le pouvoir
M. Poincaré est chargé par le président de la République
de former le nouveau cabinet
+
M. Briand abandonne le pouvoir, bien
qu'ayant la partie gagnée. Le matin, au
Conseil des ministres, il avait mis ses col-
lègues au courant de son action à la Confé-
rence de Cannes. Il avait répondu victorieu-
sement aux objections faites par quelques-uns
des membres de son cabinet et la réunion
avait pris fin dans une atmosphère de con-
fiance que reflète le communiqué officiel
transmis à la presse.
Quelques heures plus tard, M. Briand se
présentait à la Chambre. Sans attendre qu'on
l'interpellât le Président du Conseil prit la
parole. Il fut clair et précis. Il dit ce qu'il
avait fait et ce qu'il comptait faire encore.
Hostile au début, l'assemblée, à mesure que
l'orateur développait ses arguments, lui de-
venait de plus en plus sympathique, si bien
que lorsque M. Briand fit le geste de quitter
la tribune devant l'obstruction de ses adver-
saires systématiques, les applaudissements
répétés de la gauche et du centre l'y re-
tinrent.
Et le Président du Conseil put terminer
son discours avec l'impression, — exacte,
d'ailleurs — qu'il avait gagné à sa cause
la majorité de l'assemblée.
D'autres se fussent contentés de ce succès.
M. Briand préféra se souvenir des incidents
qui l'avaient obligé à rentrer brusquement à
Paris, et il dit en substance : « Je n'ai pas
le droit d'aller au combat, sans avoir la cer-
titude qu'il ne me viendra pas des balles
d'ailleurs. En recevoir d'autres pays, c'est
normal, mais du sien, jamais ».
C'était l'annonce de la démission que le
Président du Conseil ne tarda pas à expri-
mer d'une façon plus claire quand, après
avoir répété une dernière fois qu'il n'avait
négligé les intérêts de la France à Cannes
il ajouta :
« Ce que j'ai fait, je suis venu vous le
dire. Voilà le point où j'en étais quand je
suis parti. Eh ! bien, d'autres feront mieux !»
Sur ces mots, M. Briand descendit de la
tribune, puis quitta la salle des séances suivi
des membres du gouvernement. De l'extrême-
gauche au centre, des applaudissements par-
tirent à l'adresse du Président du Conseil
démissionnaire.
Passons maintenant au détail de cette jour-
née historique.
Le dernier jour du Cabinet
Parti de Cannes, mercredi à 11 heures, M.
Briand est arrivé à la gare de Lyon, hier
matin, à 9 heures 6. Il était accompagné de
M. Peycelbn et du docteur Chatin.
Le président du Conseil s'est rendu di-
rectement au quai d'Orsay et de la à l'Ely-
sée, où il a eu, en ouvrant la séance du
Conseil des ministres, un entretien avec
M. Millerand. Après cette entrevue qui a
duré une heure, le chef du gouvernement
est retourné au ministère des affaires étran-
gères où il'a reçu M. Guist'hau.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Commencé à 11 heures, le Conseil des
ministres s'est prolongé jusqu'à 13 heures.
A l'issue de la réunion, la note sui-
vante a été communiquée :
« M. Aristide Briand, président du Conseil,
a fait à ses collègues l'exposé de l'état des
négociations de Cannes. Dans sa délibéra-
tion, le conseil s'est mis en accord com-
plet et unanime avec le président du con-
seil. »
En sortant de l'Elysée, M. Aristide Briand
a fait aux journalistes cette brève décla-
ration :
« Je viens, a-t-il dit, de mettre mes col-
lègues au courant, non pas de ce qui s'est
dit, mais de ce qui s'est réellement fait jus-
qu'à présent, à la conférence de Cannes.
Je vais aller cet après-midi à la Chambre,
car je veux avoir avec elle au moins une
dernière rencontre. »
La séance de la Chambre
Tous les députés sont présents. Les tri-
bunes regorgent de monde.
M. Raoul Péret, qui préside, prend la pa-
role pour remercier la Chambre du nou-
veau témoignage de confiance dont il a été
l'objet. 11 expose les résultats obtenus au
cours de la dernière. session et rappelle
le vote du budget avant le 31 décembre,
ce qui a évité lc récours; aux douzièmes
provisoires :
Nous aurons, d'uilleurs, dit-il, à perfectionner
encore nos méthodes. Il est indispensable que
le rôle des commissions s'aflirme et se précise,
qu'une rigoureuse préparation des textes abrège
le plus possible la discussion publique : l'impro-
visation d'un discours est souvent: chose heurcu.
, celle d'un texte de loi a presque toujours
du fâcheuses conséquences. (Applaudissements).
Aussi bien la parole elle-même doit savoir se bor-
ner (Vifs applaudissements sur tous les bancs),
et j'entends dire qu'il sera peut-être nécessaire
que l'éloquence, à son tour, subisse quelques res-
trictions. Nul doute qu'il ne s'agisse là de res-
trictions volontaires ,-
Puis M. Raoul Péret passe aux problè-
mes qui préoccupent tous les esprits :
Ne va-t-on pas jusqu'à dénaturer les intentions
de la France, à la représenter comme une nation
belliqueuse, gonflée d'orgueil, avide de domina-
tion ? Cela, nous ne l'acceptons pas. (Vifs applau-
dissements sur les mêmes bancs.) Il n'ect pas de
pays qui soit plus intéressé que le nôtre à la
paix du inonde (Applaudissements), plus réso-
lument déterminé à la maintenir ; depuis sa vic-
toire, il lui a consenti trop de douloureux sacri-
fices (Très bien ! Très bien ! à droite et au cen-
trc<,. pour que personne ait le droit de mettre
eu. parole en doute. (Applaudissments).
Que n'a-t-il pas fait,avant 1U14, pour empêcher
qu'elle ne fut troublée ? L'impérialisme, l'esprit
d-j conquête, le militarisme étaient ailleurs (Ap-
plaudissemnts) ; nous ne sommes pas bien cer-
tains qu'ils n'y soient point encore. (Vifs applau-
dissements à droite, au centre eL a gauche). Mais
entre une attitude de provocation et une sorte
d'abdication contre laquelle se révolterait la
conscience nationale, il y a place pour une exac-
te appréciation de nos intérêts vitaux, pour des
mesures propres à prévenir un nouveau coup de
force (Applaudissements.)
Calme et maîtresse d'elle-même, ainsi qu'elle
l'est resiée en des jours autrement irajnques,
donnant à tous un magnifique exemple de mo-
dération et do tenue morale, que demande donc
la France ? Elle attend les dédommagements lé-
gitimes ; elle exige qu'on lui garantisse sa plei-
ne sécurité ; rien de plus, rien de moins. (Vifs
applaudissements répétés à droite, au centre -et
à gauche.)
On ne fonde pas une paix durable sur l'iniqui-
té (Applaudissements) en rejetant le fardeau
écrasant de la guerre sur les pays qui en ont été
les victimes, pour en décharger celui oui, pour
des fins criminelles. l'a déchaînée. (Vifs applau-
dissements sur les mêmes bancs.)
Et le président de la Chambre conclut
en ces termes ;
Aux gouvernements, aux représentants de la
nation de faire entendre, partout où il convien-
dra. la grande voix de la France victorieuse et de
proclamer qu'elle n'a jamais voulu que la paix
réparatrice dans la sécurité, l'indépendance et
l'honneur. (Vifs applaudissements prolongés à
droite, au centre et à gauche. — Sur ces bancs
les députés se lèvent.)
De toute parts, on réclame l'affichage
mais, aux termes du règlement, toute de-
mande d'affichage doit être déposée par
écrit et seulement au début de la séance
qui suit l'insertion du discours au compte
rendu « in extenso ». -
DISCOURS DE M. BRIAND
M. Briand monte à la tribune. Un silence
profond s'établit.
M. Aristide Briand. — Messieurs, au moment
où je monte à celte tribune, jt ne suis pas sur
que, dans l'intérêt de la France, je ne devrais
pas être ailleurs qu'ici. (Très bien 1 très bien !
a gauche et à l'extrême-gauche. - Mouvements
divers.-
Si je suis venu, malgré la conférence à raquefle
je participais, c'est que j'ai considéré qu'il était
de mon devoir de dissiper certaines inquiétudes
et de dire aux représentants du pays et au pays
lui-même la vérité sur des négociations déna-
turées et défigurées par des informations tendan-
cieuse ou mensongères.
Je le dois, afin que la conférence que nous
tenons avec nos alliés dans notre pays puisse
évoluer dans une atmosphère plus sereine et
plus saine. Depuis que je suir. dans cette confé-
rence, sur tous lçs nombreux sujets qui ont été
abordés, des nouvelles ont été répandues qui,
toutes, ont apporté à l'opinion publique des reiii-
seignements inexacts.
àur l'ordre du jour de la conférence en ré-
ponse à M. Klotz, ici même et à M. Ribot, dans
l'autre Assemblée, j'avais donne les explications
les plus nettes et les plus étendues. Je vais
vous dire les points où nous en sommes arrivés.
La situation est entière, et il ne dépend que
de vous qu'elle reste en l'état. Le .gouvernement
ne vous met pas en face du fait accompli. Je
vous apporte des explications dans des conditions
ou bien peu de gouvernements se sont expliquas
devant la Chambre (Applaudissements à gauche
et sur quelques bancs au centre.), c'est-à-dire,
alors même qu'une conférence est en plein cours
de ses travaux
Que ce soit pour faciliter des transactions et
des résultats, je n'oserai pas aller jusqu'à J'nffir.
mer : mais que ce soil un«e nécessité dans l'état
présent de l'opinion, c'est une réalité dont j'avais
le devoir de tenir compte. J'en ai tenu compte, et
c'est pourquoi je suis, & cette heure, au milieu
de vous.
LA CONFERENCE DE CANNES
M. Briand passe ensuite aux problèmes
qui devaient s'agiter à Cannes. Parlant du
projet de la Conférence économique, il dit ;
Qu'une telle réunion présente des incomvô
nients et des dangers, qui peut en doulei ? C'est
là, d'ailleurs, ce que j'ai naguère reconnu en
répondant à M. Wbot. qui avait, envisagé ces
inconvénients et ces dangers, mais qui. tout de
même m'a dit : Il faut y aller. Moi aussi, j'avais
mesuré ces dangers, et j'ai pensé qu'on ne
pouvait pas les affronter sans prendre des ga-
ranties.
Il est parfaitement décidé qu'à l'ordre du
jour de cette confé-ence le problème 4ïes répa-
rations ne sera évoqué ni de près l'ii de loiu
que les traités ignés. dont le traidé ile Ver
sailles, ne feront l'objet d'aucune discussion :
que toutes les garanties qui s'y Souvent inscrites
pour la France seront ho-s de débat. Cefa est
décidé, arrêté : il n'y a pas à revenir sur ce
point. ,-
Si une telle assemblée, ayant à envisager tant
de problèmes, à engager tant d'intértts pour
l'avenir, a installer de tels marchés, prenait ge.11
dispositions sans que la France ait pris tes )en
nes peur être assise autour de 1/t table de la
conférence, si un plénipotenliaire français l'avait
mise en présence d'une telle situation, quella
responsabilité serait la sienne 7 (Applaudis-
sements à gauche). - -
M. Le Provost de Launay. — EUe n'aurait paa
lieu si la France n'y allait pas.
M. Léon Daudet — Il y a les ambassadeurs.
M. Briand répliquia en insisiant sur la né-
cessité pour la France de se rendre à cette
Conférence. ;
LES REPARATIONS
M. Briand. — Un deuxième problème est celui
des réparations. A mon départ de Cannes, on
ne l'avait pas encore aoordé. L'Allemagne-a de-
mandé un incratorium. et a dit : Sur les étata
le payement de 1D22. je demande un délai et
une réduction.
La Commission des réparations est saisie do
l'affaire. Elle a le droit, à la majorité, d'accorder
tes délais et réductions.
M. L.-L. Klotz. — Je demende la parole.
M. le président da conseil. — Dans cette
commission, la France n'i pas la majorité. Elle
ne peut imposer sa volonté. Si elle avait cette
majorité, l'idée du moratorium, évidemment,
ne serait même pas envisagée, mais la majorité
pour le moratorium est certaine. (Mouvements
prolongés).
il y a dis-je, une majorité qui considère qu'il
faut modifier dans des conditions x l'état des
payements. (Exclamations). Croyez-moi, votre
intérêt est de m écouter. Vous le pouvee d'au*
tant plus que la Question de Gouvernement na
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