Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1921-09-28
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 septembre 1921 28 septembre 1921
Description : 1921/09/28 (N18555). 1921/09/28 (N18555).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/02/2013
"7 Vendémiaire, An 130. — N° 18SW&'
Le numéro : QUINZE CENTIMES
Mercredi 28 Septembre 1921. — N° 18555.
randatoups (1809) »
* VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIB
ABONNEMENTS
Un an Six mois "ola
SEINE & S.-ET-OISE. 38 » 20 » 18 »
FRANCE & CoLONIE8.. 41 » 22 » il »
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RAYMOND LANGE
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OPINIONS
La continuité de la politique anglaise
M. Joseph Caillaux a été condamné par la
Haute-Cour. Comme le dernier des apaches,
il est interdit de séjour- Il a dans sa poche la
liste des villes où il lui est interdit d'entrer.
S'il vient à Paris, il est en rupture de ban. Se
scavient-on de son crime? Le ministre de l'im-
pôt sur le revenu aurait, en cours de guerre,
compromis les alliances ds scn pays. Il avait
cntre l'Angleterre un parti-pris d'hostilité, ce
qui m'étonnerait fort. Un propos, qu'en revan-
che il est très capable d'avoir tenu, courait de
bouche en bouche : « Je ne veux pas que la
France devienne la vassale d'es Anglo-Saxons.»
Si le Bloc naticnal avait le moindre esprit
de justice, M. Joseph Caillaux serait d' ores
et déjà réhabilité. Toute la presse nationaliste
commente le propos qu'on lui prête. Elle n'a
pour M. Lloyd George que paroles amères.
De complicité avec les Etats-Unis, il a limité
à quinze années l'occupation de la rive gauche
du Rhin. Sans son opposition, nous serions ins-
tallés dans le bassin de la Ruhr. Nous aurions
coeilli tous les fruits de la victoire. S..politi-
que - et la notre — a détourné sur nous la
haine, que l'Allemagne, à l'heure de l'armis-
tice, portait à l'Angleterre. Nous sommes re-
devenus l'ennemi héréditaire. Encore un peu
de temps et notre alliée d'hiér, la grandie alliée,
sans laquelle nous aurions infailliblement suc-
combé, ne sera plus que la perfide Albion.
Rien ne me paraît plus injuste que cette ac-
cusation de perfidie- La politique de l'Angle-
terre n'a rien d'obscur ni de mystérieux. Elle
est séculaire, traditionnelle. Elle a cette ori-
ginalité d'être toujours conduite avec le con-
cours et dans l'enthousiasme de ceux qui, plus
tard, la dénoncent et s'en indignent. L'Angle-
terre tient à rester isolée de l'Europe continen-
tale. Même aujourd'hui, quand de Calais on
peut bombarder Londres, elle se refuse au per-
cement du tunnel sous la manche. Son empire
est ailleurs. Avec un continent uni et fort elle
serait ramenée à ses proportions véritables. Elle
a besoin d'avoir en face d'elle une Europe di-
visée. Sa politique n'a rien de sentimental, elle
la porte tour à tour d' un camp dans l' autre,
elle consiste à maintenir entre les puissances in
équilibre qui ne permette à aucune d'imposer
aux autres son hégémonie. Livrée à elle-même,
elle rie pourrait détruire un grand état militaire.
Mais elle trouve touj ours les alliés dont elle a
besoin. L'ambition des uns, la crainîê èt la ja-
Icusie des autres, la bêtise de tous, travail lent
pour elle.
Quand Napoléon, dans son délire, prétend
asservir l'Europe, elle se dresse contre lui. Elle
appuie de ses subsides les coalitions toujours
re'crmées. Au plus prodigieux génie militaire
elle cppose la patience et l'obstination, Wel-
lington. Quinze années durant elle soutient la
grande lutte où son ennemi s'épuise. Le drame
finit à Sainte-Hélène- En 1853, la Russie me-
nace Constantinople, qu'elle se réserve. Sous
le prétexte d'une querelle de moines orthodoxes
et de moines latins, qui se disputent les Saints
lieux, elle entraîne Napoléon dans son jeu.
Deux cent mille Français meurent du typhus,
du choléra, ou tombent sous la mitraille, dans
les marais de la Dobroudja et dans la pres-
qu'île de Crimée. En 1870, c'est la France
qu'elle abandonne à la Prusse; en 1914, elle
est à nos côtés. Guillaume a prononcé la pa-
role imprudente : « Notre avenir est sur la
mer ». L'empire germanique a créé une flotte,
fondé d'es colonies; il fait au commerce britan-
nique une concurrence redoutable, surtout il a
vassalisé la Turquie, et de Constantinople à
Bagdad et au golfe Persique il établit sa su-
prématie. Avec l'aide da la France et de la
Russie, l'Allemagne est abattue. Aujourd'hui
l'Angleterre tient Constantinople. Elle offrira
à nos diplomates une compensation, une nou-
velle Cilicie, des coups à recevoir, une armée
turque à contenir.
1 Est-ce à dire qu'il faille se séparer de l' An-
gleterre, réchauffer les vieilles rancunes et les
vieilles haines. Défions-nous d'une politique
qui, dans vingt ou trente ans, nous laisserait
avec l'indifférence ou l'hostilité du monde, en
face d'une Allemagne exaspérée.
L' Angleterre joue son jeu et je ne saurais
l'en blâmer. Si nous jouions le nôtre? Elle ie
trompe que ceux qui veulent être trompés. Tout
-stni àffest xle faire faire sa politique tour à tout
par une des grandes puissances, qu'inquiète
l'ambiticn d'un Etat voisin. Sa force est dans
la rivalité des Etats du Continent. Il faut sa-
voir ce qu'on veut. Il y a une logique des cho-
ses. Le nationalisme, qui oppose les peuples,
entretient leur défiance, est le complice ou la
dupe, au choix de l'Angleterre. Gardons i' a-
mitié d'un grand peuple qui nous est précieuse.
Abstenons-nous de toute intention mauvaise à
son égard. Mais ne nous entêtons pas dans les
erreurs qui font de nous son instrument.
Ce n'est pas une politique négative, une poli-
tique d'hostilité qui résoudra le problème. Les
Alliés, d' contre nous, sont prêts. Une feuille réaction-
naire allemande écrivait récemment : « Nous
nous allierons avec la Grande-Bretagne, qui
est lasse de la France; elle nous donnera des
armes et nous nous chargerons du reste. » C'est
l'éternelle histoire qui recommence.
Je ne vois qu'un moyen de déjouer la politi-
que anglaise, dont il faut admirer la sagesse et
la continuité, c'est de faire l' Europe. Ayons
l'intelligence du mal que nous nous faisons de-
puis des siècles, au bénéfice de ceux qui pro-
fitent de nos désorètes. Créons un esprit eu-
ropéen. L'entrépriser à cetté heure paraît chi-
mérique. Quel Dieu fera sortir l'ordre du chaos
que la guerre a laissé derrière elle? N'accom-
plissons du moins aucun acte irréparable qui
perpétue et fixe la haine. Au lieu de nous ré-
jouir de tout ce qui diminue l'autorité de la So-
ciété des Nations, faisons tout pour l'universa-
liser, pour lui conquérir l'adhésion et la con-
fiance des peuples, pour lui donner la force de
prévenir les conflits. Commençons.
Si le raisonnable par une logique spéciale
devient en politique l'absurde, si la Société des
Nations est une pure chimère, ayons la bonne
foi d'accepter les faits dans leurs conséquences.
L'Angleterre ne se sert pas seulement de la ti-
valité des grandes puissances pour son propre
intérêt et pour sa propre grandeur; elle peut se
glorifier à juste titre d'être l' arbitre de l'Euro-
pe et d'y maintenir la liberté, en abattant d'âge
en âge l'Etat qui prétend à l'hégémonie con-
tinentale.
Gabriel SEAILLES.
ÉDITORIAL
Ceux qui ne comprendront jamais
Le Temps accuse les partisans du Bloc
des Gauches de n'avoir pas'encore compris
les leçons de la guerre. Je constate, pour
TM part, que les conservateurs de toute taille
st de tout poil, ceux du Bloc Républicain
National, comme ceux de l'Action Fran-
çaiee, n'ont encore rien compris à l'histoire
des cinquante dernières années.
Et je suis bien tranquille ! ils n'y com-
prendront jamais rien !
En 1870, M. Thiers rêvait d'une Répu-
blique conservatrice ; en 1921, nous rêvons
d'une République démocratique. Nous ne
l'avons pas encore ; mais nous en sommes
moins éloignés, et nos petits-fils la verront.
Cette évolution continue, cette lente as-
cension qui amène peu à peu les couches
profondes du prolétariat à la surface de la
vie politique, n'est guère plus sensible que
l'exhaussement progressif des continents.
Pourtant, le peuple s'élève; sa poussée fait
croquer déjà la mince croûte de bourgeoisie
qui l'enserre.
Les hommes « d'ordre et de bon sens »
auxquels s'adresse la presse réactionnaire
sont trop occupés de leurs petites affaires
pour réfléchir sur ce qui se passe dans les
o basses classes »: Tout au plus savent-ils
s'indigner devant les excès du communisme
et o!-,p!audir. à la répression. Tour à tour
béatement confiants et férocement apeurés,
ils aiment qui les flatte ou qui les rassure.
Dans les propos de leurs porte parole atti-
trés se reflète tour à tour le sourire satisfait
de Pangloss ou la trogne patibulaire de Vi-
docq.
Ceux-là ne comprendront jamais que lors-
que nous crions « Guide à gauche », cela
signifie : « Place au peuple ! »
Place au peuple, dont les aspirations les
plus profondes ont été jusqu'ici étouffées
par les froids calculs d'une minorité de gens
'bien pensants, bien pourvus, bien armés 1
Au peuple ,qui veut la liberté, la justice etr
ce qu'on lui a toujours refusé jusqu'ici, la
souveraineté ! Au peuple, qui chaque jour
prend Dlus fortement et plus clairement
conscience de ses droits et formule en ter-
mes de plus en plus précis sa volonté jus-
qu'ici trop confuse 1
C'est pourquoi le problème du Bloc des
Gauches n'est pas simplement une question
de tactique électorale et ne se résoud pas en
additionnant des voix ni en juxtaposant des
fragments de programmes. Il faut le poser
sous sa forme générale, que voici :
Nous nous sentons, nous, radicaux-socia-
listes, plus à l'aise pour discuter avec des
partis politiques « populaires » qu'avec des
coteries dont le but plus ou moins avoué,
est de tenir le peuple en tutelle. Sans doute
nous différons d'avis avec les socialistes sur
la façon dont le peuple devrait employer
la souveraineté que nous lui reconnaissons
également; mais nous sommes d'accord pour
lui laisser le libre choix de sa destinée.
C'est pourquoi notre alliance est profondé-
ment logique., Elle est fondée non pas sur
la communauté de quelques projets éphémè-
res, mais sur la conscience d'une nécessité
supérieure à toutes les doctrines politiques.
Quand nous aurons renversé le Bloc Na-
tional et le système de défiance, de menson-
ge et d'oppression "qu'il fait peser sur la
France, le pays dira s'il préfère notre pru-
dence à la hardiesse de nos camarades so-
cialistes. Mais, pour le moment, la question
n'est pas là.
Le scrutin du 16 novembre est un acci-
dent dans l'évolution normale de la démo-
cratie. La formation du Bloc des Gauches
est destinée à réparer cet accident. Après
quoi. la route est longue et nous ne som-
mes pas les derniers qui y entreront !
MAURICE CHARNY.
La réponse de Tchitchérine
* à la note polonaise ,
Un radiotélégramme de Moscou, du 27
septembre, annonce que Tchitchérine a. ré-
pondu à la note polonaise et qu'il demande
au gouvenjament polonais un délai de quel-
ques jours pour exécuter les obligations ré-
ëultâat du traite
En passant
Inspectrice des Harems"
Mme VacarCsco, la vénérée poétesse et
conférencière des Annales, a prononcé un
bien beau discouTs, devant une des sections
de la Société des nations.
Elle évoqua, avec une $obre horreur, la
traite des blanches chez tes Turcs et « ces
razzias de pures jeunes filles traquées et
enlevées par les pourvoyeurs des harems
de Constantinople M.
Brr !. C'était tout bonnement terrifiant.
On se serait cru à Los Angelès, où sévit
ce Kara-Gheu: de Fatty.,
Justement émue, ta grave assemblée vota
à l'unanimité renvoi d'un commissaire à
Constantinople.
Et nous voici flanti, d'un inspecteur, ou
d'un contrôleur, ou d'un vérificateur des
harems.
Ou plutôt d'une vérificatrice, car cet em-
ploi spécial revien't de droit à Mme Vaca-
resco.
Il n'y a, dans tout cela, qu'un pelit
malheur : c'est que, depuis belle lurette,
il n'y a plus de harems en Turquie.
Mme Vacaresco a été certainement In-
tluenc r*ir l'A lecture des Mille ;' n M
Nuits, de Candide, du Sopha, ou des Mé-
moires turcs, de Godart d'A.ucourl.
Mais le plus récent de ces ouvrages li-
bertins a paru voici plus d'un siècle.
Et, depuis lors,' le progrès a marché en
Turquie, et le harem n'y est plus qu'un sou-
venir archéologique.
Le harem oriental, nul ne l'ignore, se dis-
tingue des harems occidentaux en ce que le
premier est une institution privée, réservée
à un seul bénéficiaire, alors que les .,;c-
conds, depuis Sainl-Louis, sont une insti-
tution publique.
Aux temps anciens de F histoire turque,
les grands seigneurs, gouverneurs, ami-
raux, pachas à trois queues, avaient, par-
fois, un harem.
Aujourd'hui, le sultan seul, d'après la
Constitution, est contraint d'entretenir cet
accessoire domestique.
Mme Vacaresco ne trouvera donc point
de harems en Turquie. La poétesse en sera
pour son éloquence, la Société des nations
pour ses frais.
Et le commissaire pourra toujours pro-
fiter de son voyage pour féliciter ces bons
Turcs d'a.voir compris que, de nos jours,
une seule femme suffit — et. largement —
au bonheur d'un infortuné mortel. — FLIP.
Le Voyage de M. triaed'
Le programme du prochain voyage du
président du conseil est arrêté.
M. Aristide Briand quittera Paris le
8 octobre, à 7 h. 51 du matin, &ar la gare
d'Orsay, pour se rendre 'à Nantes, où il
sera, le soir, l'hôte de M. Bouju, préfet
de la Loire-Inférieure
Un train spécial mènera, le lendemain
matin, à 11 heures, le président du conseil
à Saint-N azaire. Après avoir passé en re-
vue les diverses sociétés locales eur la
place de la Gare, M. Briand gagnera di-
rectement le quai EugènePereire, cii, à
midi, aura lieu, dans le grand hall de la
Compagnie générale transatlantique, le
banquet au cours duquel le président du
conseil prononcera le discours politique
annoncé. M. Lacour, maire de Saint-Na-
zaire, et un parlementaire du département,
vraisemblablement M. Sébille, prendront
également la parole.
Le soir, aura lieu un banquet intime à
Saint-Nazaire. M. Briand sera de retour
à Paris dans la journée de lundi.
Le maréchal Lyautey
au Conseil des Ministres
Les ministres tiendront un onseil ce
matin, à l'Elysée. Ils examineront diver-
ses questions relatives au Maroc et no-
tamment la répercussion que pourraient
avoir les troubles en territoire espagnol
sur notre possession. Le maréchal Lyau-
tey sera entendu.
UNS INTERVIEW
DU GÉNÉRA GERARD
Dans l'action,
Pour la Démocratie,
Pour la Paix!
Le général Gérard, l'ancien chef de la 8e
armée, vient d'être appelé par le Convent ma-
çonnique à la présiàence du Conseil de l'Or-
dre. 11 pourra donner, dans ce poste d' hon-
neur, toute la mesure des qualités d'organisa-
teur et d'administrateur qu'il déploya comme
chef d'état-major de Gallieni, lors de la pa-
cification de Madagascar, et comme chef du
corps d'occupation de Lorraine.
Le général, à qui nous apportons nos félici-
tations, a bien voulu nous faire les déclara-
tions suivantes :
— Le Convent, en m' appelant = malgré
mon désir de repos — à la tête du Grand' Con-
seil de l'Ordre, a signifié sa volonté d'action
et d'organisation. On a fait appel à moi, m'ont
dit mes amis, parce qu'on connaissait mon ca-
ractère énergique, ma méthode de travail, mon
dévouement à la cause républicaine-
« Tant que j'ai appartenu à l' armée, je n'ai
jamais fait de politique, mais je n'ai jamais,
non plus dissimulé mes opinions. Aujourd'hui,
je considère comme un devoir — que j' accom-
plirai en militant et en bon citoyen — de tra-
vailler de toute notre énergie à la réorganisa-
tion des forces démocratiques et à l'œuvre de
paix et de progrès social.
« Tout en conservant à la Maçonnerie son
caractère philosophique et moral qui en fait
une haute école de justice et de vérité; en forti-
fiant les sentiments de solidarité et de toléran-
ce qui sont son honneur — car nous respec-
tons toutes les Opinions sincères, mais nous
exigerons le respect des nôtres — nous enten-
cons désormais collaborer plus activement à
l'œuvre nécessaire d'éducation civique et de
propagande républicaine suspendue par la guer-
re et par les préoccupations immédiates de l'a-
près-guerre.
« Nous agirons publiquement, au grand jour,
en pleine lumière. car nou n'avons nul besoin
de nous envelopper du mystère des ténèbres ;
nous sommes d'honnêtes gens, fiers de nos opi-
nions, conscients de notre force morale et qui
n'avons rien à cacher.
« Sans sortir de leur rôle, de leur mission,
lefrncs-maons ont le devoir dressayer, à la
faveur de la consultation électorale, de répan-
dre leurs idées, de propager leur vieil idéal Jé-
mocratique, d'éclaifar l'opinidn publique çn I^i
montrant les défenseurs de la liberté, de la
justice et de la vérité, et aussi en dévoilant Jœ
ennemis plus ou moins avoués des principes dé-
mocratiques qui nous sont chers. Il ne nous sera
OU45 trop facile de dresser le bilan des fautes
de cette Chambre, qui a prouvé que l'intérêt
de la France se confond avec celui de la Ré-
publique, en pratiquant, hélas ! pouf notre
malheur, la politique des intérêts privés et de
l'égoïsme corporatif.
<( Ceux qui, comme nous, ont fait la guerre,
et conquis la' victoire, travailleront du même
cœur à la grande œuvre de la Paix. J'appar-
tiens à la Fédération des associations pour la
Société des Nations, où j'ai l'honneur de col-
laborer avec les plus hautes intelligences de la
démocratie française. Au nom de la Maçonne-
rie, avec l' autorité que me confère son man-
dat, je collaborerai plus activement encore à
la mise en œuvre de la,noble pensée du Pré-
sident Wilson. mais avec la foi. qui lui a
manqué, dans la Paix juste et durable, la paix
non des gouvernements, mais des peuples.
« Sans plus tarder, mes amis et moi, nous
allons nous mettre à la tâche, à laquelle je
consacrerai tout mon temps, toutes mes for-
ces, toute ma volonté. »
, Et le général parle posément, avec netteté,
avec autorité.
C'est un chef.
A. L.
LA POLITIQUE ETRANGERE
i
Le voyage de M. Loucheur
dans la Meuse et les Vosges
Le Manchester Guardian vient de dénoncer
la pression que, par l'intermédiaire de notre mi-
nistre à Varsovie, M. de Panafieu, le gouver-
nement français aurait exercé sur la Pologne
pour décider le maréchal Pitsudski à recom-
mencer la guerre contre les Soviets. Le quai
d'Orsay a opposé à ces affirmations un abso-
lu démenté, mais cependant M. Marcel Cachin
a, il y a deux jours, adressé une lettre au
Président du Conseil pour lui demandier de
publier tous les documents qui' au début de
septembre ont été échangés entre Paris et Var-
sovie. En cas de rerus, le député communis-
te interpellera M. Briand.
Il semble bien que le Président du Conseil
n'aura pas grand'peine à répondre à M, Ca-
chin- Le 14 septembre, M. Filippowicz: mi-
nistre polonais à Moscou est venu lire à M.
Litwinof une note verbale demandant au gou-
vernement russe l'exécution avant le 1er octo-
bre de certaines clauses du traité de Riga, de-
meurées jusqu'ici inappliquées. Mais cette
note n'avait, à aucun degré, le caractère d'un
ultimatum, ainsi que l'avaient d'abord préten-
du quelques dépêches lancées par les émigrés
russes de Berlin. Quant à la France, il est pos-
sible qu' elle ait connu à l'avance et qu'elle ait
approuvé la démarche polonaise; mais sans mê-
me envisager d'autre point de vue, nous ne
sommes pas assez fous pour aller, à la veille
de l'hiver, quand à l' ouest la question de
la Haute-Silésie demeure encore sans solution,
lancer, à l'Est, la Pologne dans une nou-
velle aventure, oubliant ainsi que notre alliée
passe à l'intérieur par une crise des plus gra-
ves.
Après la démission de M. Witos, le ncur
veau cabinet que vient de constituer M. Pour-
kctfwsid. secteur de rEMic polyteçhnigue se
trouve, en effet, en présence d'une situation
presque tragique. Le mark polonais qui, il y a
six mois, valait encore 0 fr. 10 est tombé au-
jourd'hui à beaucoup moins d'un centime. Dans
ces conditions, les homgctes au pouvoir, queis
qu'ils soient, quelles que soient leurs aspira-
tions, seraient incapables de faire la guerre,
même s'ils en avaient le désir, et chez nous la
Chambre du Bloc National, en l'état de nos
finances, hésiterait sans doute avant de fournir
à la Pologne les ressources matérielles néces-
saires à une opération de ce genre.
Le Manchester Guardian se trompe d'ail-
leurs gravement sur l'état de l'opinion fran-
çaise en ce qui concerne nos rapports avec les
Soviets.
Avant-hier un de nos confrères qui, certes,
n'a rien d' un bolchevick. M. Raymond Re-
couly, dans un article de la Liberté, exprimait
bien nettement le regret que la France républi-
caine et démocratique fût à peu près la seule
en Europe à s'enfermer vis-à-vis du gouverne-
ment actuel de la Russie dans une politique de
pure négation. » M. Recouly n '1:'JSt certes pas
seul de son avis et les temps des subventions
au général Wrangel sont heureusement bien
passés.
La Pologne d'ailleurs a bien autre chose à
faire qu'à recommencer la guerre contre un pays
qui ne la menace plus. Elle doit sortir de son
marasme économique. s' organiser, devenir enfin
un Etat. C'est une tâche assez lourde pour que
les dirigeants de Varsovie n'éprouvent pas le
besoin d'autres complications'
A la Présidence du Conseil
Le président du Conseil a reçu, hier. l'am-
bassadeur d'Allemagne et l'ambassadeur
d'Italie
Notre collaborateur el ami Raymond Lange,
quf se trouve actuellement à Venise, nous
adresse, sur les incidents déplorables qui ont
marqué la présence de la Mission Françaiso,
un récit vivant et coloré, qui prend tout l'in-
térêt des choses vues par un témoin clairvoyant
et impartial.
Venise, 24 septembre 1921.
Venise vient de se couvrir de honte en lais-
sant réserver par sa population, à la mission
militaire française qu' elle avait invitée à cé-
lébrer les morts dés deux armées, le plus ou-.
trageant des accuejls.
Ces mots qui semblent violents, je ne les
écris qu'avec un regret profond, fait de toute
notre sympathie pour le pays que nous appelons
notre sœur latine. Mais ils sont la juste, im-
partiale et nécessaire expression de l'indignation
des Français présents ici qui ont entendu hier
soir, accueilli par une bordée de sifflets, un
drapeau de France, un maréchal de France, un
ambassadeur de France.
Alôrs que la presse et ropinioo de chez
nous sont, je crois pouvoir le déclarer, unanimes
dans leur sympathie pour l'Italie, il y a, dans
certains éléments de la population italienne, un
mouvement anti-français extrêmement marqué,
qu'il est de notre devoir national de signaler.
Le scandale qui vient de se produire est am-
plement caractéristique. A l'occasion de la po-
se de la première pierre d'un monument aux
morts franco-italiens du Moîvt Tomba, une mis-
sion militaire française, dirigée par le maréchal
Fayolle, est venue, avec le drapeau d'un de
nos régIments, s incliner devant les tombes des
morts. Cette haute raison de piété interalliée
n a pas suffi à désarmer certaines haines. Hier
soir, à Venise, un drapeau français, troué par
la mitraille, un drapeau français noirci par cinq
années de luttes et de victoires' a été hué à
son arrivée; un maréchal de France, invité de
l'Italie, en voyage officiel, a été accueilli ce
la "façon la plus blessante.
Lorsque, débouchant du Grand Canal, tout
embrasé de feux de Bengale, par une de ces
nuits idéales et tragiques à la fois, comme seu-
lement en connaît Venise, le cortège français
débarqua sur la Piazzetta, les sons d'une Mar-
seillaise furent presque couverts par ceux des
: sifflets à roulette.
« Manifestation organisée par des gamins
sife-patriotàrds n, me disent de tous cotés mes
amis vénitiens, avec des condoléances dans la
voix. Je ne le nie pas. Les fascistes qui ont de
douze à dix-huit ans en général, qui croient
avoir, il y a un an, sauvé l'Italie d'un immi.
nent bolchevisme, ont l'exaltation d'une jeu-
nesse débordante, ais ce n'empêche qu'ils ont
trouvé des échos dans la population de Venise,
que les indifférents qui ne disent rien du tout
ne s opposent en tous cas pas à de si discour-
toises manifestations.
Déjà certains confrères de la presse ita-
lienne avaient témoigné d' une froideur et même
d'une hostilité pénibles.
Ainsi que le déclarait, il y a un instant, le
maréchal Fayolle, la réception officielle a été
empreinte de la plus parfaite cordialité. Le
généralissime Diaz a fait de vains efforts pour
calmer la meute déchaînée. Mais rien n'y a fait.
Je traversais, tout à l'heure encore, avec notre
ambassadeur à Rome, M. Barrère, la place
Saint-Marc, lorsque de nouveaux sifflets T.O'J!
accueillirent. M. Barrère s'arrêta et, faisant
front à la foule, défia quiconque de l'insulter
en face. Personne, naturellement, n'a répondu.
Les coupables sont, certes, les jeunes fascis-
tes irréfléchis. Mais plus coupable encore est
la foule qui reste narquoise et ne proteste pas
et dont on sent la sourde animosité.
Depuis trois semaines que je suis en Italie,
j'avais bien observé une antipathie manifeste.
Je n'aurais jamais cru qu'elle pût atteindre uu
tel degré. Quelles sont les raisons d'un tel étal
d'esprit? Les uns disent en souriant: « Que-
relle d' amoureux. » D'autres, en fronçant les
sourcils, répondent : (c Fiume ». Nous verrons,
dans un prochain article, les fragiles reproch es
qu'on nous peut adresser.
Quelques faits pour terminer : Pas un cira,
peau français aux fenêtres de Venise; quel.
ques drapeaux italiens aux monuments officiels.
et encore! L'on m'aftirme que lorsqu'il ;w
question d' arborer nos couleurs à un des splen-
dides et célèbres piliers que surmonté, sur la
Place Saint-Marc, le lion héraldique ce la R&
publique vénitienne, la municipalité fut avertie
que si elle donnait suite à son projet, noscou.
leurs seraient descendues et brûlées en place
publique- Le piquet d'honneur qui accompa-
gne notre drapeau a été logé dans une caserne
lointaine. Nos officiers ont été poliment priés,
dans leur propre intérêt, de ne pas se montrer
dans les rues individuellement. Mes amis véni..
tiens m' exhortent à ne pas parler français dans
la foule. J'ai refusé, bien entendu. Je ne peux
Dourtant cas Daller boche.
En traversant tout à l'heure le hall de l'Hô-
tel Danieli, si souvent évoqué par Mme de
Noailles, par Henri de Régnier, par Abel
Hermant, j'ai vu, effondré dans un fauteuil, le
préfet de Venise; j'ai vu' affolé et énervé, le
général Albrizzi, qui commanda les troupes
italiennes en France; j'ai vu, navrés, désolés,
des messieurs en redingote, qui se rendent
compte qu'inviter des étrangers alliés pour les
insulter est une lamentable et scandaleuse er-
reur. Mais personne n'a fait vraiment effort
pour empêcher de telles manifestations, qui ont
la tacite approbation du peuple.
Les fascistèt ont été en réalité maîtres de la
ville au cours de ces Honteuses journées. Un
concert qui "devait avoir lieu en l'honneur de
la Mission française, sur la Place Saint-Marc,
a d'û être décommandé, les fascistes ayant Ul-
vahi la place pour empêcher la fête d'avoir lieu.
M. Barrère n'a pas caché son indignation aux
autorités. Celles-ci sont navrées, infiniment cor-
rectes, mais visiblement surprises et dépasséet
par les incidents.
Les Français qui ont assisté à ce spectacle la-
mentable. espèrent bien que le Gouvernement
italien, la presse et l'immense majorité du peu-
ple italien désavoueront hautement des inc*
dents qui sont une offense à la fraternité d'â-
mes de deux nations alliées et qui se croyaient
sœurs.
RAYMOND LANGE..
COMMISSION DES RÉPARATIONS
La discussion
des accords de Wiesbaden
est ajournée
On s'attendait à ce Que la Commission
des réparations discutât hier matin les ac-
cords élabores à Wiesbaden par MM. Lou-
cheur et Rathenau. Il n'en a rien été et
la Commission a ajourné cette discussion
jusqu'au mome-nt où la nouvelle e4revue
Loucheur-Rathenau aura eu lieu et où les
quelques points encore en litige auront été
réglés, w
On espère en outre que ce délai permet-
tra une mige au point <*e ces accords sus-
ceptibles de désarmer j'hostilité manifestée
à leur égard par certains de nos alliés. On
sajt en elfe t. que l'Angleterre s'oppose à
certaines clauses des conventions Loucheur-
Rathenau et que 1a. Belgique a fait des ré-
serves à leur sujet. Seule, l'Italie, qui a
passé par a.illeurs des srranflements avec
l'Allemagne, demeure disposée à ratifier
sans discussion les accords de Wiesbaden.
A l'issue de la séance d'hier, ia note sui-
vante a été publiée :
« La commission des réparations a fai!
connaître au gouvernement hongrois que
tout contrat concernant un actif de la
Hongrie et comportant. une mesure de
disposition qui, de l'avis de la commis-
sion des réparations, serait de nature à
affecter la capacité de ia Hongrie de faire
face à son obligation de réparer, ne sera
reconnu par la commission des réparations
*
qu'autant qu'il aura été soumis à la com-
mission des réparations et approuvé par
elle. »
u Ils ont tous les droits.
Un mutilé de guerre et ses sept enfants
jetés à la rue
Belle illustration pour le Congrès de la
Natalité :
Un blessé de guerre, trépané, père de-
'sept enfants — et 4a mère en attend lUi
huitièm - couche depuis quelques jours
dehors, avec toute sa famille, au viMage
de CIauconnier, près de Meaux. -
Après les incidents de Virollay, il y au-
rait gros à dire sur ce nouveau scandale.
Nous trouvons qu'il est suffisamment élo-
quent de l'insérer.
« Ils ont tous les droits », chantaient en
chœur, des rives de la Garonne à celles
de la Seine, les choreutes du Bloc National.
En fait de droit, ceux qui n'ont pas su
se faire, à temps, mercantis, ont celui de
coucher dehors et de mourir de faim.
Il est vrai que notre garde des sceaux
prépaie une nouvelle loi sur; les loyers !.-.'
LES JEUNESSES S'ÉVEILLENT
Il faut, en 1922, "unifier"
l'action des jeunes gremiss
républicains
Notre enquête sur les tendances dj la
jeunesse avait dégagé deux faits essentiels
et nullement contradictoires d'ailleurs.
D'une part, les jeunesses dites, sommai-
rement, de droite, pour la commodité de
la discussion, semblaient posséder des ef-
fectifs nombreux, maniables, nantis d un
programme précis, groupés dans des orga-
nisations solides.
D'autre part, les jeunesses dites de gau-
che étaient, si l'on peut dire, dans un état
de concentration moléculaire moins agglo-
méré, plus nébuleux. Imposantes, en tant
qup tendances virtuelles, elles s'émiettaient
et fondaient des qu n a agissait de cons-
tituer un tableau déffectifs réels.
Nous avons eu la franchise de le dire,
de l'écrire. Nos adversaires eux-mêmes
ont dû rendre hommage à la loyauté avec
laquelle nous apportions dans Je débat
toutes les pièces de notre dossier.
La franchist-, au demeurant, n est pa&
une quajite professionnelle dont il iaille
tirer gloire. C'est la condition élémentaire
polémique entre gens soucieux,
malgré leurs tendances ennemies, de dé-
couvrir la saine vérité.
Mais cette fianchise même et cette (dé-
ception discrète qu'elle suscita t,n maints
esprits furent des éléments très certains du
risorgimento actuel.
A travers toutes ces consciences 'Juvéni
les, couvait on ne sait quelle fervente in-
quiétude d'action, à qui il ne manquait
qu'une occasion, une « cristallisation »,
pour se traduire en actes.
De nombreux jeunes gens, un peu par-
tout où pénétraient soit notre journal,
soit les controverses que son initiative sus.,
citait dans La presse quotidienne et dans
les revues, des jeunes constataient qu'eux
aussi, sans l'avoir proclamé nettement en-
core, étaient e de gauche H.
Et, obscurément, le besoin naissait en
eux de traduire par un lien social, pragma-
tique, ce lien spirituel qui les unissait.
Nous avons borné notre ambition, notre
rôle à aider ces tendances à prendre forme.
C'est dans cet esprit, qu'après !a lettre
de l'étudiant lyonnais publiée l'autre jour,
nous donnerons demain une réponse de
M. Jean Luchaire, qui est un veritablo
programme pour l'année qui vient.— P. B.
LIRE EN 2° PAGE :
— A qui les potasses d'Alsace ?
— Les vraies causes du marasme écono-
miaue.
Le numéro : QUINZE CENTIMES
Mercredi 28 Septembre 1921. — N° 18555.
randatoups (1809) »
* VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIB
ABONNEMENTS
Un an Six mois "ola
SEINE & S.-ET-OISE. 38 » 20 » 18 »
FRANCE & CoLONIE8.. 41 » 22 » il »
ETRANGER 49 » 25 » 13 la
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Rédacteur en chef9
RAYMOND LANGE
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Directeur : EDMOND DU MESNIL
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OPINIONS
La continuité de la politique anglaise
M. Joseph Caillaux a été condamné par la
Haute-Cour. Comme le dernier des apaches,
il est interdit de séjour- Il a dans sa poche la
liste des villes où il lui est interdit d'entrer.
S'il vient à Paris, il est en rupture de ban. Se
scavient-on de son crime? Le ministre de l'im-
pôt sur le revenu aurait, en cours de guerre,
compromis les alliances ds scn pays. Il avait
cntre l'Angleterre un parti-pris d'hostilité, ce
qui m'étonnerait fort. Un propos, qu'en revan-
che il est très capable d'avoir tenu, courait de
bouche en bouche : « Je ne veux pas que la
France devienne la vassale d'es Anglo-Saxons.»
Si le Bloc naticnal avait le moindre esprit
de justice, M. Joseph Caillaux serait d' ores
et déjà réhabilité. Toute la presse nationaliste
commente le propos qu'on lui prête. Elle n'a
pour M. Lloyd George que paroles amères.
De complicité avec les Etats-Unis, il a limité
à quinze années l'occupation de la rive gauche
du Rhin. Sans son opposition, nous serions ins-
tallés dans le bassin de la Ruhr. Nous aurions
coeilli tous les fruits de la victoire. S..politi-
que - et la notre — a détourné sur nous la
haine, que l'Allemagne, à l'heure de l'armis-
tice, portait à l'Angleterre. Nous sommes re-
devenus l'ennemi héréditaire. Encore un peu
de temps et notre alliée d'hiér, la grandie alliée,
sans laquelle nous aurions infailliblement suc-
combé, ne sera plus que la perfide Albion.
Rien ne me paraît plus injuste que cette ac-
cusation de perfidie- La politique de l'Angle-
terre n'a rien d'obscur ni de mystérieux. Elle
est séculaire, traditionnelle. Elle a cette ori-
ginalité d'être toujours conduite avec le con-
cours et dans l'enthousiasme de ceux qui, plus
tard, la dénoncent et s'en indignent. L'Angle-
terre tient à rester isolée de l'Europe continen-
tale. Même aujourd'hui, quand de Calais on
peut bombarder Londres, elle se refuse au per-
cement du tunnel sous la manche. Son empire
est ailleurs. Avec un continent uni et fort elle
serait ramenée à ses proportions véritables. Elle
a besoin d'avoir en face d'elle une Europe di-
visée. Sa politique n'a rien de sentimental, elle
la porte tour à tour d' un camp dans l' autre,
elle consiste à maintenir entre les puissances in
équilibre qui ne permette à aucune d'imposer
aux autres son hégémonie. Livrée à elle-même,
elle rie pourrait détruire un grand état militaire.
Mais elle trouve touj ours les alliés dont elle a
besoin. L'ambition des uns, la crainîê èt la ja-
Icusie des autres, la bêtise de tous, travail lent
pour elle.
Quand Napoléon, dans son délire, prétend
asservir l'Europe, elle se dresse contre lui. Elle
appuie de ses subsides les coalitions toujours
re'crmées. Au plus prodigieux génie militaire
elle cppose la patience et l'obstination, Wel-
lington. Quinze années durant elle soutient la
grande lutte où son ennemi s'épuise. Le drame
finit à Sainte-Hélène- En 1853, la Russie me-
nace Constantinople, qu'elle se réserve. Sous
le prétexte d'une querelle de moines orthodoxes
et de moines latins, qui se disputent les Saints
lieux, elle entraîne Napoléon dans son jeu.
Deux cent mille Français meurent du typhus,
du choléra, ou tombent sous la mitraille, dans
les marais de la Dobroudja et dans la pres-
qu'île de Crimée. En 1870, c'est la France
qu'elle abandonne à la Prusse; en 1914, elle
est à nos côtés. Guillaume a prononcé la pa-
role imprudente : « Notre avenir est sur la
mer ». L'empire germanique a créé une flotte,
fondé d'es colonies; il fait au commerce britan-
nique une concurrence redoutable, surtout il a
vassalisé la Turquie, et de Constantinople à
Bagdad et au golfe Persique il établit sa su-
prématie. Avec l'aide da la France et de la
Russie, l'Allemagne est abattue. Aujourd'hui
l'Angleterre tient Constantinople. Elle offrira
à nos diplomates une compensation, une nou-
velle Cilicie, des coups à recevoir, une armée
turque à contenir.
1 Est-ce à dire qu'il faille se séparer de l' An-
gleterre, réchauffer les vieilles rancunes et les
vieilles haines. Défions-nous d'une politique
qui, dans vingt ou trente ans, nous laisserait
avec l'indifférence ou l'hostilité du monde, en
face d'une Allemagne exaspérée.
L' Angleterre joue son jeu et je ne saurais
l'en blâmer. Si nous jouions le nôtre? Elle ie
trompe que ceux qui veulent être trompés. Tout
-stni àffest xle faire faire sa politique tour à tout
par une des grandes puissances, qu'inquiète
l'ambiticn d'un Etat voisin. Sa force est dans
la rivalité des Etats du Continent. Il faut sa-
voir ce qu'on veut. Il y a une logique des cho-
ses. Le nationalisme, qui oppose les peuples,
entretient leur défiance, est le complice ou la
dupe, au choix de l'Angleterre. Gardons i' a-
mitié d'un grand peuple qui nous est précieuse.
Abstenons-nous de toute intention mauvaise à
son égard. Mais ne nous entêtons pas dans les
erreurs qui font de nous son instrument.
Ce n'est pas une politique négative, une poli-
tique d'hostilité qui résoudra le problème. Les
Alliés, d'
naire allemande écrivait récemment : « Nous
nous allierons avec la Grande-Bretagne, qui
est lasse de la France; elle nous donnera des
armes et nous nous chargerons du reste. » C'est
l'éternelle histoire qui recommence.
Je ne vois qu'un moyen de déjouer la politi-
que anglaise, dont il faut admirer la sagesse et
la continuité, c'est de faire l' Europe. Ayons
l'intelligence du mal que nous nous faisons de-
puis des siècles, au bénéfice de ceux qui pro-
fitent de nos désorètes. Créons un esprit eu-
ropéen. L'entrépriser à cetté heure paraît chi-
mérique. Quel Dieu fera sortir l'ordre du chaos
que la guerre a laissé derrière elle? N'accom-
plissons du moins aucun acte irréparable qui
perpétue et fixe la haine. Au lieu de nous ré-
jouir de tout ce qui diminue l'autorité de la So-
ciété des Nations, faisons tout pour l'universa-
liser, pour lui conquérir l'adhésion et la con-
fiance des peuples, pour lui donner la force de
prévenir les conflits. Commençons.
Si le raisonnable par une logique spéciale
devient en politique l'absurde, si la Société des
Nations est une pure chimère, ayons la bonne
foi d'accepter les faits dans leurs conséquences.
L'Angleterre ne se sert pas seulement de la ti-
valité des grandes puissances pour son propre
intérêt et pour sa propre grandeur; elle peut se
glorifier à juste titre d'être l' arbitre de l'Euro-
pe et d'y maintenir la liberté, en abattant d'âge
en âge l'Etat qui prétend à l'hégémonie con-
tinentale.
Gabriel SEAILLES.
ÉDITORIAL
Ceux qui ne comprendront jamais
Le Temps accuse les partisans du Bloc
des Gauches de n'avoir pas'encore compris
les leçons de la guerre. Je constate, pour
TM part, que les conservateurs de toute taille
st de tout poil, ceux du Bloc Républicain
National, comme ceux de l'Action Fran-
çaiee, n'ont encore rien compris à l'histoire
des cinquante dernières années.
Et je suis bien tranquille ! ils n'y com-
prendront jamais rien !
En 1870, M. Thiers rêvait d'une Répu-
blique conservatrice ; en 1921, nous rêvons
d'une République démocratique. Nous ne
l'avons pas encore ; mais nous en sommes
moins éloignés, et nos petits-fils la verront.
Cette évolution continue, cette lente as-
cension qui amène peu à peu les couches
profondes du prolétariat à la surface de la
vie politique, n'est guère plus sensible que
l'exhaussement progressif des continents.
Pourtant, le peuple s'élève; sa poussée fait
croquer déjà la mince croûte de bourgeoisie
qui l'enserre.
Les hommes « d'ordre et de bon sens »
auxquels s'adresse la presse réactionnaire
sont trop occupés de leurs petites affaires
pour réfléchir sur ce qui se passe dans les
o basses classes »: Tout au plus savent-ils
s'indigner devant les excès du communisme
et o!-,p!audir. à la répression. Tour à tour
béatement confiants et férocement apeurés,
ils aiment qui les flatte ou qui les rassure.
Dans les propos de leurs porte parole atti-
trés se reflète tour à tour le sourire satisfait
de Pangloss ou la trogne patibulaire de Vi-
docq.
Ceux-là ne comprendront jamais que lors-
que nous crions « Guide à gauche », cela
signifie : « Place au peuple ! »
Place au peuple, dont les aspirations les
plus profondes ont été jusqu'ici étouffées
par les froids calculs d'une minorité de gens
'bien pensants, bien pourvus, bien armés 1
Au peuple ,qui veut la liberté, la justice etr
ce qu'on lui a toujours refusé jusqu'ici, la
souveraineté ! Au peuple, qui chaque jour
prend Dlus fortement et plus clairement
conscience de ses droits et formule en ter-
mes de plus en plus précis sa volonté jus-
qu'ici trop confuse 1
C'est pourquoi le problème du Bloc des
Gauches n'est pas simplement une question
de tactique électorale et ne se résoud pas en
additionnant des voix ni en juxtaposant des
fragments de programmes. Il faut le poser
sous sa forme générale, que voici :
Nous nous sentons, nous, radicaux-socia-
listes, plus à l'aise pour discuter avec des
partis politiques « populaires » qu'avec des
coteries dont le but plus ou moins avoué,
est de tenir le peuple en tutelle. Sans doute
nous différons d'avis avec les socialistes sur
la façon dont le peuple devrait employer
la souveraineté que nous lui reconnaissons
également; mais nous sommes d'accord pour
lui laisser le libre choix de sa destinée.
C'est pourquoi notre alliance est profondé-
ment logique., Elle est fondée non pas sur
la communauté de quelques projets éphémè-
res, mais sur la conscience d'une nécessité
supérieure à toutes les doctrines politiques.
Quand nous aurons renversé le Bloc Na-
tional et le système de défiance, de menson-
ge et d'oppression "qu'il fait peser sur la
France, le pays dira s'il préfère notre pru-
dence à la hardiesse de nos camarades so-
cialistes. Mais, pour le moment, la question
n'est pas là.
Le scrutin du 16 novembre est un acci-
dent dans l'évolution normale de la démo-
cratie. La formation du Bloc des Gauches
est destinée à réparer cet accident. Après
quoi. la route est longue et nous ne som-
mes pas les derniers qui y entreront !
MAURICE CHARNY.
La réponse de Tchitchérine
* à la note polonaise ,
Un radiotélégramme de Moscou, du 27
septembre, annonce que Tchitchérine a. ré-
pondu à la note polonaise et qu'il demande
au gouvenjament polonais un délai de quel-
ques jours pour exécuter les obligations ré-
ëultâat du traite
En passant
Inspectrice des Harems"
Mme VacarCsco, la vénérée poétesse et
conférencière des Annales, a prononcé un
bien beau discouTs, devant une des sections
de la Société des nations.
Elle évoqua, avec une $obre horreur, la
traite des blanches chez tes Turcs et « ces
razzias de pures jeunes filles traquées et
enlevées par les pourvoyeurs des harems
de Constantinople M.
Brr !. C'était tout bonnement terrifiant.
On se serait cru à Los Angelès, où sévit
ce Kara-Gheu: de Fatty.,
Justement émue, ta grave assemblée vota
à l'unanimité renvoi d'un commissaire à
Constantinople.
Et nous voici flanti, d'un inspecteur, ou
d'un contrôleur, ou d'un vérificateur des
harems.
Ou plutôt d'une vérificatrice, car cet em-
ploi spécial revien't de droit à Mme Vaca-
resco.
Il n'y a, dans tout cela, qu'un pelit
malheur : c'est que, depuis belle lurette,
il n'y a plus de harems en Turquie.
Mme Vacaresco a été certainement In-
tluenc r*ir l'A lecture des Mille ;' n M
Nuits, de Candide, du Sopha, ou des Mé-
moires turcs, de Godart d'A.ucourl.
Mais le plus récent de ces ouvrages li-
bertins a paru voici plus d'un siècle.
Et, depuis lors,' le progrès a marché en
Turquie, et le harem n'y est plus qu'un sou-
venir archéologique.
Le harem oriental, nul ne l'ignore, se dis-
tingue des harems occidentaux en ce que le
premier est une institution privée, réservée
à un seul bénéficiaire, alors que les .,;c-
conds, depuis Sainl-Louis, sont une insti-
tution publique.
Aux temps anciens de F histoire turque,
les grands seigneurs, gouverneurs, ami-
raux, pachas à trois queues, avaient, par-
fois, un harem.
Aujourd'hui, le sultan seul, d'après la
Constitution, est contraint d'entretenir cet
accessoire domestique.
Mme Vacaresco ne trouvera donc point
de harems en Turquie. La poétesse en sera
pour son éloquence, la Société des nations
pour ses frais.
Et le commissaire pourra toujours pro-
fiter de son voyage pour féliciter ces bons
Turcs d'a.voir compris que, de nos jours,
une seule femme suffit — et. largement —
au bonheur d'un infortuné mortel. — FLIP.
Le Voyage de M. triaed'
Le programme du prochain voyage du
président du conseil est arrêté.
M. Aristide Briand quittera Paris le
8 octobre, à 7 h. 51 du matin, &ar la gare
d'Orsay, pour se rendre 'à Nantes, où il
sera, le soir, l'hôte de M. Bouju, préfet
de la Loire-Inférieure
Un train spécial mènera, le lendemain
matin, à 11 heures, le président du conseil
à Saint-N azaire. Après avoir passé en re-
vue les diverses sociétés locales eur la
place de la Gare, M. Briand gagnera di-
rectement le quai EugènePereire, cii, à
midi, aura lieu, dans le grand hall de la
Compagnie générale transatlantique, le
banquet au cours duquel le président du
conseil prononcera le discours politique
annoncé. M. Lacour, maire de Saint-Na-
zaire, et un parlementaire du département,
vraisemblablement M. Sébille, prendront
également la parole.
Le soir, aura lieu un banquet intime à
Saint-Nazaire. M. Briand sera de retour
à Paris dans la journée de lundi.
Le maréchal Lyautey
au Conseil des Ministres
Les ministres tiendront un onseil ce
matin, à l'Elysée. Ils examineront diver-
ses questions relatives au Maroc et no-
tamment la répercussion que pourraient
avoir les troubles en territoire espagnol
sur notre possession. Le maréchal Lyau-
tey sera entendu.
UNS INTERVIEW
DU GÉNÉRA GERARD
Dans l'action,
Pour la Démocratie,
Pour la Paix!
Le général Gérard, l'ancien chef de la 8e
armée, vient d'être appelé par le Convent ma-
çonnique à la présiàence du Conseil de l'Or-
dre. 11 pourra donner, dans ce poste d' hon-
neur, toute la mesure des qualités d'organisa-
teur et d'administrateur qu'il déploya comme
chef d'état-major de Gallieni, lors de la pa-
cification de Madagascar, et comme chef du
corps d'occupation de Lorraine.
Le général, à qui nous apportons nos félici-
tations, a bien voulu nous faire les déclara-
tions suivantes :
— Le Convent, en m' appelant = malgré
mon désir de repos — à la tête du Grand' Con-
seil de l'Ordre, a signifié sa volonté d'action
et d'organisation. On a fait appel à moi, m'ont
dit mes amis, parce qu'on connaissait mon ca-
ractère énergique, ma méthode de travail, mon
dévouement à la cause républicaine-
« Tant que j'ai appartenu à l' armée, je n'ai
jamais fait de politique, mais je n'ai jamais,
non plus dissimulé mes opinions. Aujourd'hui,
je considère comme un devoir — que j' accom-
plirai en militant et en bon citoyen — de tra-
vailler de toute notre énergie à la réorganisa-
tion des forces démocratiques et à l'œuvre de
paix et de progrès social.
« Tout en conservant à la Maçonnerie son
caractère philosophique et moral qui en fait
une haute école de justice et de vérité; en forti-
fiant les sentiments de solidarité et de toléran-
ce qui sont son honneur — car nous respec-
tons toutes les Opinions sincères, mais nous
exigerons le respect des nôtres — nous enten-
cons désormais collaborer plus activement à
l'œuvre nécessaire d'éducation civique et de
propagande républicaine suspendue par la guer-
re et par les préoccupations immédiates de l'a-
près-guerre.
« Nous agirons publiquement, au grand jour,
en pleine lumière. car nou n'avons nul besoin
de nous envelopper du mystère des ténèbres ;
nous sommes d'honnêtes gens, fiers de nos opi-
nions, conscients de notre force morale et qui
n'avons rien à cacher.
« Sans sortir de leur rôle, de leur mission,
lefrncs-maons ont le devoir dressayer, à la
faveur de la consultation électorale, de répan-
dre leurs idées, de propager leur vieil idéal Jé-
mocratique, d'éclaifar l'opinidn publique çn I^i
montrant les défenseurs de la liberté, de la
justice et de la vérité, et aussi en dévoilant Jœ
ennemis plus ou moins avoués des principes dé-
mocratiques qui nous sont chers. Il ne nous sera
OU45 trop facile de dresser le bilan des fautes
de cette Chambre, qui a prouvé que l'intérêt
de la France se confond avec celui de la Ré-
publique, en pratiquant, hélas ! pouf notre
malheur, la politique des intérêts privés et de
l'égoïsme corporatif.
<( Ceux qui, comme nous, ont fait la guerre,
et conquis la' victoire, travailleront du même
cœur à la grande œuvre de la Paix. J'appar-
tiens à la Fédération des associations pour la
Société des Nations, où j'ai l'honneur de col-
laborer avec les plus hautes intelligences de la
démocratie française. Au nom de la Maçonne-
rie, avec l' autorité que me confère son man-
dat, je collaborerai plus activement encore à
la mise en œuvre de la,noble pensée du Pré-
sident Wilson. mais avec la foi. qui lui a
manqué, dans la Paix juste et durable, la paix
non des gouvernements, mais des peuples.
« Sans plus tarder, mes amis et moi, nous
allons nous mettre à la tâche, à laquelle je
consacrerai tout mon temps, toutes mes for-
ces, toute ma volonté. »
, Et le général parle posément, avec netteté,
avec autorité.
C'est un chef.
A. L.
LA POLITIQUE ETRANGERE
i
Le voyage de M. Loucheur
dans la Meuse et les Vosges
Le Manchester Guardian vient de dénoncer
la pression que, par l'intermédiaire de notre mi-
nistre à Varsovie, M. de Panafieu, le gouver-
nement français aurait exercé sur la Pologne
pour décider le maréchal Pitsudski à recom-
mencer la guerre contre les Soviets. Le quai
d'Orsay a opposé à ces affirmations un abso-
lu démenté, mais cependant M. Marcel Cachin
a, il y a deux jours, adressé une lettre au
Président du Conseil pour lui demandier de
publier tous les documents qui' au début de
septembre ont été échangés entre Paris et Var-
sovie. En cas de rerus, le député communis-
te interpellera M. Briand.
Il semble bien que le Président du Conseil
n'aura pas grand'peine à répondre à M, Ca-
chin- Le 14 septembre, M. Filippowicz: mi-
nistre polonais à Moscou est venu lire à M.
Litwinof une note verbale demandant au gou-
vernement russe l'exécution avant le 1er octo-
bre de certaines clauses du traité de Riga, de-
meurées jusqu'ici inappliquées. Mais cette
note n'avait, à aucun degré, le caractère d'un
ultimatum, ainsi que l'avaient d'abord préten-
du quelques dépêches lancées par les émigrés
russes de Berlin. Quant à la France, il est pos-
sible qu' elle ait connu à l'avance et qu'elle ait
approuvé la démarche polonaise; mais sans mê-
me envisager d'autre point de vue, nous ne
sommes pas assez fous pour aller, à la veille
de l'hiver, quand à l' ouest la question de
la Haute-Silésie demeure encore sans solution,
lancer, à l'Est, la Pologne dans une nou-
velle aventure, oubliant ainsi que notre alliée
passe à l'intérieur par une crise des plus gra-
ves.
Après la démission de M. Witos, le ncur
veau cabinet que vient de constituer M. Pour-
kctfwsid. secteur de rEMic polyteçhnigue se
trouve, en effet, en présence d'une situation
presque tragique. Le mark polonais qui, il y a
six mois, valait encore 0 fr. 10 est tombé au-
jourd'hui à beaucoup moins d'un centime. Dans
ces conditions, les homgctes au pouvoir, queis
qu'ils soient, quelles que soient leurs aspira-
tions, seraient incapables de faire la guerre,
même s'ils en avaient le désir, et chez nous la
Chambre du Bloc National, en l'état de nos
finances, hésiterait sans doute avant de fournir
à la Pologne les ressources matérielles néces-
saires à une opération de ce genre.
Le Manchester Guardian se trompe d'ail-
leurs gravement sur l'état de l'opinion fran-
çaise en ce qui concerne nos rapports avec les
Soviets.
Avant-hier un de nos confrères qui, certes,
n'a rien d' un bolchevick. M. Raymond Re-
couly, dans un article de la Liberté, exprimait
bien nettement le regret que la France républi-
caine et démocratique fût à peu près la seule
en Europe à s'enfermer vis-à-vis du gouverne-
ment actuel de la Russie dans une politique de
pure négation. » M. Recouly n '1:'JSt certes pas
seul de son avis et les temps des subventions
au général Wrangel sont heureusement bien
passés.
La Pologne d'ailleurs a bien autre chose à
faire qu'à recommencer la guerre contre un pays
qui ne la menace plus. Elle doit sortir de son
marasme économique. s' organiser, devenir enfin
un Etat. C'est une tâche assez lourde pour que
les dirigeants de Varsovie n'éprouvent pas le
besoin d'autres complications'
A la Présidence du Conseil
Le président du Conseil a reçu, hier. l'am-
bassadeur d'Allemagne et l'ambassadeur
d'Italie
Notre collaborateur el ami Raymond Lange,
quf se trouve actuellement à Venise, nous
adresse, sur les incidents déplorables qui ont
marqué la présence de la Mission Françaiso,
un récit vivant et coloré, qui prend tout l'in-
térêt des choses vues par un témoin clairvoyant
et impartial.
Venise, 24 septembre 1921.
Venise vient de se couvrir de honte en lais-
sant réserver par sa population, à la mission
militaire française qu' elle avait invitée à cé-
lébrer les morts dés deux armées, le plus ou-.
trageant des accuejls.
Ces mots qui semblent violents, je ne les
écris qu'avec un regret profond, fait de toute
notre sympathie pour le pays que nous appelons
notre sœur latine. Mais ils sont la juste, im-
partiale et nécessaire expression de l'indignation
des Français présents ici qui ont entendu hier
soir, accueilli par une bordée de sifflets, un
drapeau de France, un maréchal de France, un
ambassadeur de France.
Alôrs que la presse et ropinioo de chez
nous sont, je crois pouvoir le déclarer, unanimes
dans leur sympathie pour l'Italie, il y a, dans
certains éléments de la population italienne, un
mouvement anti-français extrêmement marqué,
qu'il est de notre devoir national de signaler.
Le scandale qui vient de se produire est am-
plement caractéristique. A l'occasion de la po-
se de la première pierre d'un monument aux
morts franco-italiens du Moîvt Tomba, une mis-
sion militaire française, dirigée par le maréchal
Fayolle, est venue, avec le drapeau d'un de
nos régIments, s incliner devant les tombes des
morts. Cette haute raison de piété interalliée
n a pas suffi à désarmer certaines haines. Hier
soir, à Venise, un drapeau français, troué par
la mitraille, un drapeau français noirci par cinq
années de luttes et de victoires' a été hué à
son arrivée; un maréchal de France, invité de
l'Italie, en voyage officiel, a été accueilli ce
la "façon la plus blessante.
Lorsque, débouchant du Grand Canal, tout
embrasé de feux de Bengale, par une de ces
nuits idéales et tragiques à la fois, comme seu-
lement en connaît Venise, le cortège français
débarqua sur la Piazzetta, les sons d'une Mar-
seillaise furent presque couverts par ceux des
: sifflets à roulette.
« Manifestation organisée par des gamins
sife-patriotàrds n, me disent de tous cotés mes
amis vénitiens, avec des condoléances dans la
voix. Je ne le nie pas. Les fascistes qui ont de
douze à dix-huit ans en général, qui croient
avoir, il y a un an, sauvé l'Italie d'un immi.
nent bolchevisme, ont l'exaltation d'une jeu-
nesse débordante, ais ce n'empêche qu'ils ont
trouvé des échos dans la population de Venise,
que les indifférents qui ne disent rien du tout
ne s opposent en tous cas pas à de si discour-
toises manifestations.
Déjà certains confrères de la presse ita-
lienne avaient témoigné d' une froideur et même
d'une hostilité pénibles.
Ainsi que le déclarait, il y a un instant, le
maréchal Fayolle, la réception officielle a été
empreinte de la plus parfaite cordialité. Le
généralissime Diaz a fait de vains efforts pour
calmer la meute déchaînée. Mais rien n'y a fait.
Je traversais, tout à l'heure encore, avec notre
ambassadeur à Rome, M. Barrère, la place
Saint-Marc, lorsque de nouveaux sifflets T.O'J!
accueillirent. M. Barrère s'arrêta et, faisant
front à la foule, défia quiconque de l'insulter
en face. Personne, naturellement, n'a répondu.
Les coupables sont, certes, les jeunes fascis-
tes irréfléchis. Mais plus coupable encore est
la foule qui reste narquoise et ne proteste pas
et dont on sent la sourde animosité.
Depuis trois semaines que je suis en Italie,
j'avais bien observé une antipathie manifeste.
Je n'aurais jamais cru qu'elle pût atteindre uu
tel degré. Quelles sont les raisons d'un tel étal
d'esprit? Les uns disent en souriant: « Que-
relle d' amoureux. » D'autres, en fronçant les
sourcils, répondent : (c Fiume ». Nous verrons,
dans un prochain article, les fragiles reproch es
qu'on nous peut adresser.
Quelques faits pour terminer : Pas un cira,
peau français aux fenêtres de Venise; quel.
ques drapeaux italiens aux monuments officiels.
et encore! L'on m'aftirme que lorsqu'il ;w
question d' arborer nos couleurs à un des splen-
dides et célèbres piliers que surmonté, sur la
Place Saint-Marc, le lion héraldique ce la R&
publique vénitienne, la municipalité fut avertie
que si elle donnait suite à son projet, noscou.
leurs seraient descendues et brûlées en place
publique- Le piquet d'honneur qui accompa-
gne notre drapeau a été logé dans une caserne
lointaine. Nos officiers ont été poliment priés,
dans leur propre intérêt, de ne pas se montrer
dans les rues individuellement. Mes amis véni..
tiens m' exhortent à ne pas parler français dans
la foule. J'ai refusé, bien entendu. Je ne peux
Dourtant cas Daller boche.
En traversant tout à l'heure le hall de l'Hô-
tel Danieli, si souvent évoqué par Mme de
Noailles, par Henri de Régnier, par Abel
Hermant, j'ai vu, effondré dans un fauteuil, le
préfet de Venise; j'ai vu' affolé et énervé, le
général Albrizzi, qui commanda les troupes
italiennes en France; j'ai vu, navrés, désolés,
des messieurs en redingote, qui se rendent
compte qu'inviter des étrangers alliés pour les
insulter est une lamentable et scandaleuse er-
reur. Mais personne n'a fait vraiment effort
pour empêcher de telles manifestations, qui ont
la tacite approbation du peuple.
Les fascistèt ont été en réalité maîtres de la
ville au cours de ces Honteuses journées. Un
concert qui "devait avoir lieu en l'honneur de
la Mission française, sur la Place Saint-Marc,
a d'û être décommandé, les fascistes ayant Ul-
vahi la place pour empêcher la fête d'avoir lieu.
M. Barrère n'a pas caché son indignation aux
autorités. Celles-ci sont navrées, infiniment cor-
rectes, mais visiblement surprises et dépasséet
par les incidents.
Les Français qui ont assisté à ce spectacle la-
mentable. espèrent bien que le Gouvernement
italien, la presse et l'immense majorité du peu-
ple italien désavoueront hautement des inc*
dents qui sont une offense à la fraternité d'â-
mes de deux nations alliées et qui se croyaient
sœurs.
RAYMOND LANGE..
COMMISSION DES RÉPARATIONS
La discussion
des accords de Wiesbaden
est ajournée
On s'attendait à ce Que la Commission
des réparations discutât hier matin les ac-
cords élabores à Wiesbaden par MM. Lou-
cheur et Rathenau. Il n'en a rien été et
la Commission a ajourné cette discussion
jusqu'au mome-nt où la nouvelle e4revue
Loucheur-Rathenau aura eu lieu et où les
quelques points encore en litige auront été
réglés, w
On espère en outre que ce délai permet-
tra une mige au point <*e ces accords sus-
ceptibles de désarmer j'hostilité manifestée
à leur égard par certains de nos alliés. On
sajt en elfe t. que l'Angleterre s'oppose à
certaines clauses des conventions Loucheur-
Rathenau et que 1a. Belgique a fait des ré-
serves à leur sujet. Seule, l'Italie, qui a
passé par a.illeurs des srranflements avec
l'Allemagne, demeure disposée à ratifier
sans discussion les accords de Wiesbaden.
A l'issue de la séance d'hier, ia note sui-
vante a été publiée :
« La commission des réparations a fai!
connaître au gouvernement hongrois que
tout contrat concernant un actif de la
Hongrie et comportant. une mesure de
disposition qui, de l'avis de la commis-
sion des réparations, serait de nature à
affecter la capacité de ia Hongrie de faire
face à son obligation de réparer, ne sera
reconnu par la commission des réparations
*
qu'autant qu'il aura été soumis à la com-
mission des réparations et approuvé par
elle. »
u Ils ont tous les droits.
Un mutilé de guerre et ses sept enfants
jetés à la rue
Belle illustration pour le Congrès de la
Natalité :
Un blessé de guerre, trépané, père de-
'sept enfants — et 4a mère en attend lUi
huitièm - couche depuis quelques jours
dehors, avec toute sa famille, au viMage
de CIauconnier, près de Meaux. -
Après les incidents de Virollay, il y au-
rait gros à dire sur ce nouveau scandale.
Nous trouvons qu'il est suffisamment élo-
quent de l'insérer.
« Ils ont tous les droits », chantaient en
chœur, des rives de la Garonne à celles
de la Seine, les choreutes du Bloc National.
En fait de droit, ceux qui n'ont pas su
se faire, à temps, mercantis, ont celui de
coucher dehors et de mourir de faim.
Il est vrai que notre garde des sceaux
prépaie une nouvelle loi sur; les loyers !.-.'
LES JEUNESSES S'ÉVEILLENT
Il faut, en 1922, "unifier"
l'action des jeunes gremiss
républicains
Notre enquête sur les tendances dj la
jeunesse avait dégagé deux faits essentiels
et nullement contradictoires d'ailleurs.
D'une part, les jeunesses dites, sommai-
rement, de droite, pour la commodité de
la discussion, semblaient posséder des ef-
fectifs nombreux, maniables, nantis d un
programme précis, groupés dans des orga-
nisations solides.
D'autre part, les jeunesses dites de gau-
che étaient, si l'on peut dire, dans un état
de concentration moléculaire moins agglo-
méré, plus nébuleux. Imposantes, en tant
qup tendances virtuelles, elles s'émiettaient
et fondaient des qu n a agissait de cons-
tituer un tableau déffectifs réels.
Nous avons eu la franchise de le dire,
de l'écrire. Nos adversaires eux-mêmes
ont dû rendre hommage à la loyauté avec
laquelle nous apportions dans Je débat
toutes les pièces de notre dossier.
La franchist-, au demeurant, n est pa&
une quajite professionnelle dont il iaille
tirer gloire. C'est la condition élémentaire
polémique entre gens soucieux,
malgré leurs tendances ennemies, de dé-
couvrir la saine vérité.
Mais cette fianchise même et cette (dé-
ception discrète qu'elle suscita t,n maints
esprits furent des éléments très certains du
risorgimento actuel.
A travers toutes ces consciences 'Juvéni
les, couvait on ne sait quelle fervente in-
quiétude d'action, à qui il ne manquait
qu'une occasion, une « cristallisation »,
pour se traduire en actes.
De nombreux jeunes gens, un peu par-
tout où pénétraient soit notre journal,
soit les controverses que son initiative sus.,
citait dans La presse quotidienne et dans
les revues, des jeunes constataient qu'eux
aussi, sans l'avoir proclamé nettement en-
core, étaient e de gauche H.
Et, obscurément, le besoin naissait en
eux de traduire par un lien social, pragma-
tique, ce lien spirituel qui les unissait.
Nous avons borné notre ambition, notre
rôle à aider ces tendances à prendre forme.
C'est dans cet esprit, qu'après !a lettre
de l'étudiant lyonnais publiée l'autre jour,
nous donnerons demain une réponse de
M. Jean Luchaire, qui est un veritablo
programme pour l'année qui vient.— P. B.
LIRE EN 2° PAGE :
— A qui les potasses d'Alsace ?
— Les vraies causes du marasme écono-
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