7 Fructidor, An 129. — N° 1857
te numéro : QUINZE CENTIMES
Mercredi 31 août 1921. - N (' 1Û527
Fondateurs fleae) 9
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
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Un an Sis mois Trrtamote
SEINE & S.-ET-OISE. 38 n 29 » le »
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OPINIONS
Idées et politique d'Erzberger
Cet Erzberger, qui vient de périr si tragi-
quement, était-il un homme supérieur ?
L'abbé Wetterlé, qui l'a conn uau Reich-.
stag, nous dit que ce n'était pas un grand
esprit : « Complètement dépourvu de sens,
très personnel, physiquement lourd et épais,
il n'avait rien de ce qui gagne les sympa-
thies. » M. Wetterlé ne voit à louer en lui
que son travail et son application. Impres-
sion d'ancien collègue, un peu malveillante
et injuste.
Les Souvenirs d'Erzberger, qu'op ne sau-
rait trop lire et relire, car c'est jusqu'ici le
témoignage le plus instructif que nous ayons
sur la politique de l' Allemagne pendant la
guerre, ces Souvenirs si riches en faits, dé-
notent un homme de mérite, d'un mérite un
peu terne et, si je puis dire, un peu gris,
mais d'un mérite sérieux.
Il avait une qualité qui est peut-être plus
tare en Allemagne qu' ailleurs : le tact
En le plaçant à la tête de la propagande
allemande, le gouvernement impérial fit donc
un bon choix, et nous éprouvâmes souvent, à
nos dépens, l'habileté de cette propagande
dont Erzberger, dans ses Souvenirs, expose
la méthode et les résultats avec un ton de
modestie et de discrétion. Il dit l'essentiel,
sans compromettre et même sans nommer au-
cun de ses intermédiaires étrangers.
Il donne seulement à entendre qu'il avait,
dans le Grand-Orient de Rome, quelqu'un
qui le renseignait, et qui le renseignait assez
bien, même sur les choses françaises, puis-
que ce Grand-Orient italien, réconcilié avec
le Grand-Orient de Paris rUnuis la guerfë,
était en étroite et constante relation avec
les Français, ne se doutant guère qu'il avait
un germanophile dans son sein, lui qui avait
tant poussé l'Italie à intervenir.
Erzberger était un Wurtembergeois, très
allemand, très catholique, mais très souple,
passant du libéralisme au cléricalisme, puis
revenant finalement au libéralisme, un vrai
opportuniste, comme nous disons.
Très allemand, disais-je, on assure qu'il
fit, en décembre 1914, un mémoire où il re-
vendiquait pour l'Allemagne toute la Bel-
gique, la côte française jusqu'à Boulogne, les
tles normandes. Mais dès qu'il eut le senti-
ment que la victoire militaire échappait à
l'Allemagne, et il l'eut dès 1916, il travail-
la à préparer une paix de compromis, où
l'Allemagne sauvât de sa puissance tout ce
qu'il était possible d'en sauver.
Très catholique, il voulait que le pape
fût l'initiateur et l'auteur de cette paix, dans
l'intérêt de l'Allemagne, pour qui l'austro-
phile Benoît XV avait une bienveillance
particulière, et dans l'intérêt de l'Eglise, à
qui le succès d'un si grand rôle diploma-
tique rendrait du prestige. Si le pape avait
pu, par son intervention, rendre la paix du
monde, l'élan de gratitude que ce beau ré-
sultat aurait suscité chez les peuples n'eût-il
pas profité à la religion catholique ?
A un moment, Erzberger parut toucher
au but. Il dit, en effet, dans ses Souvenirs :
a Le 30 août (1917), le chancelier reçut la
copie d'une dépêche que le ministre d'An-
gleterre près du Saint-Siège avait remise
au Vatican au nom de son gouvernement et
avec l'approbation de la France. L'Alle-
magne y était invitée à faire une déclaration
nette sur son programme et sur le sort futur
de la Belgique. Cette déclaration n'avait pas
besoin d'être publiée. » En transmettant
cette pièce, le nonce à Munich insistait pour
une réponse précise sur la Belgique.
On le voit, Erzberger avait bien travaillé,
surtout si on rapproche cette démarche pon-
tificale du fait que c'est lui, Erzberger, qui,
au mois de juillet précédent, avait obtenu
du Reichstag le vote de la fameuse résolu-
tion pour une paix sans annexion ni indem-
nité.
Mais le gouvernement allemand ne voulut
pas faire la réponse demandée au sujet de
la Belgique, qu'il entendait garder comme
gage. « Ainsi, dit Erzberger, il s'est rendu
responsable de la prolongation de la guer-
re. » Et il note avec amertume que le gou-
vernement allemand préférait alors l'éven-
tuelle médiation du roi d'Espagne à celle du
Vatican. Peut-être Guillaume II. prince ar-
demment protestant, hésitait-il à donner au
pape une telle autorité morale sur son peu-
ple.
J'ai rappelé ces faits, parce qu'ils sont
peu connus en France, et qu'ils font assez
bien connaître Erzberger.
Depuis, politique réaliste, il a négocié
l' armistice, il a décidé le Reichstag à ac-
cepter le traité de Versailles, il a prêché aux
Allemands une politique de résignation au
fait acrompli, et, trop déconsidéré par les
manœuvres de ses adversaires politiques, il
n'a pu prendre lui-même le pouvoir, il a for-
mé, dirigé dans la coulisse, le cabinet du
docteur Wirth.
Il s'est rendu si redoutable aux impéria-
listes et aux bellicistes, qu'ils ont pris le
parti de l'assassiner.
J'ai quelque idée que ce meurtre leur nui-
ra, en provoquant une réaction contre leurs
idées. L'effroi et l'indignation vont peut-
être, en Allemagne, grouper les éléments de
gauche pour l'action.
A. AULARD.
ÉDITORIA L
--..--------.--.,----
Controverse stratégique
La Revue des Deux Mondes est en ce mo-
ment Je champ d'un duel entre-le maréchal foch
et te général de Castelnau. La cause de ta >ai-
conire est la défaite de Morhange, que le gé-
néral de Casieinau impute au maréchal Il och.
il est vrai que l'accusation n'esi signée que de
M. Victor Giraud ; mais il a paru à tous, et
au maréchal lui-même, quelle éiait inspirée par
ce général.
Selon cette accusation, Je maréchal Foch bé-
nit responsable de l'échec, par sa croyance
aveugle au fameux dogmet de l'offensive à
outrance- Le général de Castelnau, au conirai-
re, n'y aurait pas cru. C'est à son corps déjcn-
dent qu'il aurait pris l'offensive, et il aurait
Voulu en réduire au minimum les inconvénients
par a une défensive stratégique active. » Mais
son bouillant subordonné d'alors, qui comman-
dait le .::.ue corps, aurait pris, malgré lui, l'ini-
tiative de l'attaque. il aurait ainsi fait avorter le
plan élaboré, et provoqué la retraite générale.
Dans sa réponse, le maréchal Foch entre-
prend de se justifier en montrant certaines
inexactitudes de fait. Selon lui, c'est L'ennemi
qui aurait pris l'initiative de l'attaque. Il n'au-
rait fait que résister, avec succès d'ailleurs, et
il laisse entendre que les choses auraient tourné
autrement s'il n'avait pas reçu l'ordre de retraite,
et si les autres corps d'année s'étaient campar.
tés comme le sien.
Sens vouloir trancher le débat, il semble ce-
pendant que le générai de Castelnau se soit as-
suré le beau ; 'ë, en se mettairt du côté des le-
çons de l'experience. Il est permis de se deman-
de si M. Giraud ne joue pas un peu les prophè.
tes du passé, et si un éminent ami éiait alors
aussi pénétré qu'il le prétend de Veneur de
l'offensive à outrance. Il avait à l'étal-major un
rôle prépondérant qui se concilie mal avec le
triomphe d'une théorie qu'il curait si nettement
condamnée. Mais enfin, que ce soit après coup
ou da longue date, il s'incline devant une vé-
rité qui parait aujourd'hui évidente.
Le maréchal Foch, au contraire, ne semble
pas avoir été, ni etre encore de cet avis. Tout
en niant avoir pris l'offensive, il parle de « pré-
paratifs » qui y ressemblent fort. En outre cer-
taines phrases comme celle-ci : « Au 20" corps,
on ne bat en retraite que sur des ordres for-
mels », ont encore l'accent des Jamewes prédi-
cations d'Ardant.du Picq.
Nul ne doit oublier cependant qu'il a l'im-
périssable honneur d'avoir commandé les trou-
pas alliées au moment de la victoire. Il serait
malséant à un pektn de Vouloir lui donner ues
leçons de stratégie.
A ussï bien, il n'est presque personne qui son-
ge à porter sur nos gloires militaires une main
§acrtlègc' Lear immunité forme même un aahf
rieux contraste avec la muugmië qui s'exerce
contre les chefs politiques. Chacun se sent une
particulière compétence pour discuter les pro-
blèmes politiques las plus délicats ; mais tous
foni un acle de foi devant les opérations mili-
taires les plus simples. Est-ce respect de la
joice brutale, extension jusqu'aux civils du sen-
timent de la discipline, ou bien encore jaut-il
croira qu'on critique tes gouvernements parce
qu'ils sont incorporés dans la democraiie, Cjui
est le régime de la discussion, tandis que la
hiérarchie militaire est une survivance de (au/o.
cratie ? Pour ma part, je croirais plutôt qu'on
respecte les généraux parce qu'ils ont à leur
disposition les chamarrures, les signes extérieurs
du respect, sans compter la suprême puissance,
celle de disposer de la vie et de la mort.
Quoi qu'il en sait, l'admiration des foules
va à eux. Elle confond dans un même culte tous
les grands chefs, qu'elle met pêle-mêle dans un
naïf Panthéon, orné d'images d'Epinai.
Mais ce sont les idoles elles-mêmes qui en-
treprennent de s'en déloger. Si les augures ne
pouvaient se regarder sans rire, bien des géné-
raux ne peuvent se voir sans se mettre en colère,
soit qu'ils se disputent les roses ou se rejettent
les épines. Pendant ia guerre, c'était la contre-
ailaque de Limoges contre Chantilly. Mainte-
nant, c'est la rivalité pour la gloire.
Ces heurts auront peut-être l'avantage de fai-
re jaillir quelques étincelles de vérité. C'est cin-
si que cette polémique évoque ceux qui n'y sont
pas mêtés. Même en admettant que le général
de Castelnau exagère, on se demande comment
celui en qui il voit le responsable de Morhange
a pu devenir le vainqueur de 1918. Et tout en
lui rendant hommage, on songe à ceux qui fonl
trop oubliés, aux patients ouvriers de la réorga-
nisation et de la préparation, à Painlevé, à Pé-
tain, à bien d' autres.
On songe aussi au grand vainqueur, au grand
anonyme, le poilu, qui a fait reculer la défaite,
malgré les fautes, et rendu la victoire possi-
ble par son héroïsme. Certains demandent, à
ce propos, qu'au cas d'une guerre nouvelle, on
se montre plus ménager de sang. C'est en effet
un élémentaire devoir. La doctrine paresseuse
qui consiste à préconiser l'offensive toujours ci
quand même ne sert en réalité qu'à masquer,
sous la grandiloquence des mots, l'absence de
préparation et l'ignorance des chefs. C'est le
pire des cabotinages, celui qui plastronne avec
la bravoure d'autrui. Mais il est un devoir de
reconnaissance plus impérieux encore : c'est de
ne pas recommencer le massacre. Laissons les
stratèges discuter sur l'art d'accommoder les
troupes, et n'oublions pas que la vraie façon
de les ménager est de rester en paix.
T~Bi~!L~
En passant
Esprit, es-tu là ?
L'on chuchota, tout ce printemps, avec de
grands airs de mystère d'extraordinaires histoires
de spiritisme, d'apparitions, d'évocations. Dans
une villa discrète d'Auteuil ou de Passy, les
tables tournaient avec frénésie et les esprits fa-
vorisaient de visites quofidiennes cette retraite
singulière.
Le mouvement de curiosité fut restreint à
quelques initiés, mais n'en jut pour ceux-là que
bien plus énervé. vers deux heures du matin,
en sortant d'un quelconque dancing, de jeunes
femmes excitées s'engouffraient dans des autos
et gagnaient l'abri diabolique. Le lieu était
fréquenté par le graiin le plus blasé, le plus
sceptique, qui, là, croyait tout ce qu'on vou
lait. Et dam l'ombre propice apparaissaient
Napoléon, Néron, Charlemagne et d'autres
gens très bien ; un Américain notoire semait
un ours lui lécher les mains ; une altesse roya
le honoraire conûersait avec Ravachol ; sur
simple demande, les rideaux se soulevaient et
les bergères danwient ; la plus coquette de nos
actrices oit des /Y't au plafond et une prin.
cesse russe entendit Louise Michel donner des
coups de marteau dam un paravent de Coro-
mandel.
Etant d'un naturel curieux et aimant les bel-
les relations, j'ai voulu, moi aussi, faire la con-
naissance de Néron, de Ravachol, de l'ours
et autres gens du monde, j'ai brûlé de savoir
si, un jour, je gagnerai le gros lot et si j'aurai
une fin tragique et j'ai demandé à être présenté
à la villa. Mais voilà : les prits. me fui-il
répondu, sont très susceptibles et, paraît-il, n'ai-
ment pas les journalistes (ce en quoi ils se mon-
tent ingrats, car Néron, Napoléon and Co doi-
vent beaucoup à notre corporation) ; ils n ai-
ment que les vieilles dames crédules ou les
jeunes qui ont la foi, et encore seulement cel -
les à qui leur fortune permet de faire réparer
la machine à peser la pression que font les fan-
tômes quand ils daignent venir : et c'est là,
cous le devinez, un appareil extrêmement sen-
sible, compliqué, et, naturellement coûteux.
L'instrument étant très fragile, il faut le répa-
rer à chaque visite. Et ça coûte chaque fois
3.000 francs.
Et j'ai compris pourquoi les esprits n'aiment
pas les journalistes : ceux-ci ne sont pas assez
riches et, sans douté, pas assez crédules.
Raymond LANGE. ¡,¡
Économies budgétaires
DANS LA MARINE
La commission des finanoes de la Cham-
bre a abordé hier l'examen du budget de
la marine.
Elle a décidé, notamment, de ramener lee
effectifs de l'administration centrale au
chiffre de 1914.
En vue d:enrayer les demandes de cré-
dits supplémentaires, la commission a
adopté des mesures ayant pour objet de
rendre plus efficace le oontrôle des dé-
penses engagées par les divers ministères.
Le roi Alexandre de Serbie
est hors de danger
Dernier bulletin de santé du roi Alexan-
dre de Serbie :
« L'état de Sa Majesté le roi Alexandre
étant maintenant tout à fait satisfaisant, il
ne sera plus communiqué de bulletin de
santé.
« Paris, le 30 août 1921.
K Signé : processeur Bernard Cuneo. doc-
teur Bandelae de Pariente. »
Le Gouvernement
contre la vie chère
LES MEUNIERS D'ABORD
Les récentes réclamations formulées con-
tre les prix de la minoterie, et dont la plus
curieuse fut, à coup sûr, la circulaire du
maire de Nérac à ses administrés, circu-
laire que nous avons publiée en son temps,
n'auront pas été chose vaine. M. Lefebvre
du Prey. ministre de l'agricuture, est au-
jourd'hui décidé à agir, et à agir sévère-
ment.
Déjà, il y a huit jours, M. Lefebvre du
Prey avait écrit au président de l'Associa-
tion de la meunerie française, pour « appe-
ler son attention sur l'intérêt urgent qui
s'attache à ce que la fixation du corps de&
farines et des sons soit mise en concordan-
ce avec celui du blé ».
Depuis huit jours, M. Lefebvre du Prey
n'a reçu aucune réponse. Mais, par contre,
le prix du blé a monté considérabement :
le blé qui valait, en effet, 60 et 63 francs
à la culture est brusquement monté à 72 et
75 francs.
M. Lefebvre du Prey va signaler ces
faits à M. Bonnevay, ministre de la justice.
NOUVELLE PROTESTATION
L'amicale des maires du canton de Mu-
ret (Haute-Garonne), a protesté énergique-
ment auprès du préfet contre les prix ac-
tuels des farines pratiqués par le syndicat
de la meunerie du département.
« Si les prix des farines, a dit l'amicale,
étaient en concordance avec le prix du blé,
le pain pourrait être livré à 95 centimes ou
un francs le kilo au plus, et si la population
en souffre, les boulangers ne sauraient en
être rendus responsables, »
«
L'assassinat du commandant
de Montai ègre
LE MEURTRIER EST CONDAMNÉ
A CINQ ANS DE TRAVAUX FORCES
Berlin, 30 août. — On mande de Breslau
à la Gazette de Voss que le conseil de guer-
re interallié a condamné le meurtrier du
commandant Montalègre, Ochko, à 5 ans
de travaux forcés.
L'autopsie a démontré que le comman-
dant Montalègre avait été irappé par une
balle de 8 m/m.
Le conseil de guerre s'est inspiré dans
son jugement de ce que l'accusé avait voulu
gagner une récompense promise à qui tue-
rait un officier français. Il importe peu que
cette récompense ait été promise ou non ;
l'accusé a pensé qu'elle l'était. Le conseil
de guerre a répondu négativement à la
question de meurtre avec préméditation et
affirmativement à celle d'homicide.
Le champion Boillot
victjme d'un accident de course
Spa, 30 août. — Dans la course de côte
de Malchamps, la voiture pilotée par Boil-
Lot a capote. M. Eycquem, qui l'accompa-
gnait, a été carbonisé.
L'automobile montait une côte à une vi-
tesse de plus de 100 kilomètres à 1 heure,
lorsque, au premier virage, la voiture dé-
rapa et alla se jeter contre un arbre.
àl. Eycquem fut tué sur le coup. Boillot
eut la mâchoire fracassée. On espère tou-
tefois pouvoir le sauver.
La course a été suspendue.
tn*"' -
Le prince héritier de Perse
à Paris
Le prince héritier de Perse, actuellement
à Constantinople, quittera la Turquie dans
les derniers jours de cette semaine pour
se rendre à Paris.
LA POLITIQUE ETRANGERE
Le Conseil de la Société des Nations au travail
-----,-----' ---_--.--_--------
Ainsi qu'on pouvait le prévoir, le Conseil c:e
la Société des nations a accepté la mission Je
fixer le sort cie la Haute-Silésie.
Le rapport succinct, précis du vicomte lshii
est un simple exposé oojectif de la question.
Volontairement, le représentant du Japon s est
abstenu de la moindre observation personnelle;
et c'est pourquoi il ne s'est pas livré à une
étude approfondie qui, fatalement, aurait sug-
géré au Conseil des directives que le rappor-
teur ne voulait même pas indiquer.
Le vicomte Ishii a tenu à préciser la portée
de la décision qu'allait prencre le Conseil de
la Société des nations : c'était aussi en mar-
quer l'importance. En principe, c'est un sinir
pie avis qui est demandé aux arbitres de Ge-
nève. Mais cet avis prend une valeur singuliè-
re ou fait que les Alliés se sont en quelque sorte
engagés publiquement à s'incliner devant la
solution prise.
Une grave question se pose qui, vraisembla-
blement, sera, dès les premières entrevues, l' ob-
jet de discussions. Entendra-t-on les Allemands
et les Polonais ou se passera-t-on de leur opi-
nion ?
Les partisans de la convocation des deux ad-
versaires se servent du précédent de l'affaire de
Vilna. A cette occasion, en effet, Polonais et
Lithuaniens avaient été admis à exposer leurs
points de vue personnels. Il y avait nettement
conflit ouvert entre deux puissances.
Tandis que dans le cas actuel, — et c'est
ce que répondent ceux qui veulent voir au Con-
seil de la Société des nations conserver son uni-
que jugement personnel - il n'y a nulle lutte
ouverte. Il s'agit de tracer une frontière. Celle-
ci peut, certes, être plus ou moins favorable à
l'un ou l' autre des intéressés. Mais le Traité
de Versailles n'a pas mis aux prises, face à
face, deux puissances concurrentes. Berlin et
Varsovie n'ont pas eu à clsr-uter de la limite
de leurs territoires : Seul, le Conseil suprême
a été ctayéjar le. T da r.-tlw A.c.I.:..
et c'est lui, encore, qui, après l'avis de Genè-
ve, aura à la consacrer et à la faire exécuter.
Les gouvernements d'Allemagne ou de Po-
logne n ont donc pas directement à intervenir
de droit dans l'examen de la question. C'est à
cette idée que se ralliera, selon toute vraisea»-
blance, l'assemblée de Genève, quitte à con-
sulter, s'il y a lieu, à titre simplement docu-
mentaire, les deux Etats intéressés.
Le plus gros travail de Genève se fera, sem-
ble-t-ii, en conversations privées. Les délé-
gués ne sont pas nombreux : ils se connaissent
tous depuis longtemps, ayant collaboré à met-
tre sur pied la Société des nations. Entre eux,
règne un esprit de haute cordialité qui ne con-
tribuera pas peu à obtenir une solution équi-
table.
L'on évi tera en tous cas cet énervement ic-
grettable qui nuisit si fâcheusement à l'atmos-
phère de la dernière réunion du Conseil suprê-
me- L'on en était arrivé, alors, à considérer
dans les chancelleries et dans le monde entier
qù' une sorte de match Uoyd George-Briand se
disputait. Avouons que c'était peu favorable à
la discussion.
L'état d'esprit manifesté dès la prise de
contact par le rapport impartial du vicomte
mbii est, au contraire, du meilleur augure.
C'est, en effet, en juges que se réunissent les
délégués de Genève, en juges indépendants et
qui ne devraient même pas être les porte-parole
de telle nation qu'ils représentent. Ils ont à
examiner un procès, à prendre position cf arbi-
tres : ils ne doivent, — ils ne devraient pas,
du moins, — être les simples interprètes fidèles
d' une politique ou d'une tendance. Y arrive-
ront-ils ? Certes, ç 'est là un délicat problème
psychologique.
Mais si le monde avait conscience d'une relie
mentalité, régnant à Genève, quel lustre n'en
jaillirait pas sur la Société des nations dès main-
tenant et pour tous les ptoMamet cm'çilo aura
à fwammer dom
L'ALLEMAGNE jRA ITERA.
Les accords financiers de Paris
La commission des finances de la Cham-
bre pose des questions et voudrait dicter
ses réponses à M. Briand qui entend réser-
ver les droits du gouvernement.
Nous avons indiqué hier que la commis-
sion des finances s'était inquiétée des con-
séquences budgétaires des accords du 13
aout et avait décidé d'entendre d'urgence le
président du conseil dans l'intention évi-
dente d'appeler son attention, avant le con-
seil qui doit décider, sur la portée desdits
accords.
Réunie à nouveau hier, la commission a
approuvé le texte, rédigé par M. de Lastey-
rie, des questions qu'elle désire poser à
M. Briand,mis aussitôt en possession du do-
cument. Ce questionnaire porte sw tous les
accords concernant les réparations, mais
particulièrement sur ceux du 13 août. Il a
l'intérêt de faire mieux apercevoir les diffi-
cultés pendantes entres les alliés et oui ne
paraissent pas toutes résolues. Voici ce
texte :
FRAIS D'OCCUPATION. - Quel est le mon.
tant total des irais d'occupation?
Comment ont-ils été répartis t
Les frais d'occupation postérieurs au 1er mai
1921 ont-ils été calculés sur les mêmes bases
que Les Irais antérieurs à cette date ?
Quels sont les irwis de mobilisation de la
classe 19 ?
Ont-ils été compris dans les tmis d'occupation;
et dans quelle proportion les Alliés en ont-ils
fait l'avance ?
VALEUR DES BATEAUX ALLEMANDS. —
N'y a-t-il pas une protestation des Etats-Unis
contre l'estimation de la valeur des bateaux alle-
mands cédés à l'Angleterre ?
Si elle existe, quelle suite a été donnée à cette
protestation ?
CHARBONS. — Antérieurement à ia confé-
rence du 13 août, la France n'a-t-elle pas obtenu
L'adhésion allemande pour la livraison au prix
de l'intérieur. en échange d'une diminution
importante qui aurait été consentie sur les li-
vraisons de bétail ?
A quelle somme se monte le prix de cette
concession ?
L'Allemagne n'art-elle pas établi un impôt in-
férieur sur les charbons ?
VALEUR DES MINES DE LA SARRE. — L'ar-
rangement financier du 13 août, qui stipule que
la valeur des mines de la Sarre doit être inscrite
au compte des frais d'occupation, parait en con-
tradiction avec l'article 243 du traité qui inscrit
La, valeur de ces mines au compte exclusif des
réparations. Pour quelles raisons et en échange
de quelles concessions la France a-t-elle con-
senti à abandonner les droits qu'elle tient du
traité ?
VERSEMENTS EN NATURE. — Chacun des
Etais alliés garde-t-il la jouissance entière des
versements en nature qui seront faitè après le
1- moi 1901 ?
La France ne devra-t-eUe pas reverser à là
Belgique en raison de la priorité belge ?
PRIORITE BELGE. — N'y a-t-il pas une eontre-
partie aux avantages consentis à la Belgique ?
LA DETTE DE L'ALLEMAGNE. — La Com-
mission des réparations a fixé à 132 milliards
la dette de l'Allemagne, sur laquelle la France
a 52 0/0.
N'y a-t-il pas une protestation de l'Italie ?
La somme de 132 milliards représente-t-elle
la dette de l'Allemagne seule ?
SANCTIONS ECONOMIQUES. - Lorsque les
sanctions économiques seront levées, 11,4aema.
gne niaintiendra-t-etle les droits de douane dans
tes pays rhénans ?
LA RATIFICATION DES ACCORDS. — Dans
le cas où le gouvernement donnerait son appro-
bation aux accords financiers, sous quelle forme
et à quelle date les soumettra-t-ii à la ratifica-
tion du Parlement ?
LES VERSEMENTS ALLEMANDS. - Quels
sont les versements que le gouvernement compte
recevoir de l'AUemagne d'ici au 31 ddetmèr®
1921 et du 1er janvier au 31 décembre 1921
LES DEPENSES
POUR LA POLOGNE
Ajoutons enfin que M. Vincent Auriol
avait proposé à la commission ce poser éga-
lement au président du conseil la question
suivante :
« Les munitions envoyées à la Pologne ont
été commandées par le gouvernement fran-
çais. Qui les paie? Si c'est la France, à
quel chapitre ces dépenses doivent-elles figu-
rer ?
« Comment la gouvernement compte-il
rentrer dans ses avances. — s'il a fait des
avances à la Pologne — étant donné le cours
actuel du mark polonais ? »
Mais la, commission a estimé que cette
question n'ayant aucun rapport avec les ac-
cords financiers, ne pouvait être ajoutée au
questionnaire que nous donnons ci-dessus.
M. Auriol, en conséquence, a décidé c'e la
poser lui-même à M. Briand, au cours de
l'audition du président du conseil.
M. Briand ne se rendra
devant la Commission
qu'après le Conseil de vendredi
Nous disons plus haut que la commis-
sion des finances a fait remettre, dès hier
soir, à ia présidence du Conseil le que&-
tionnaire qu'elle avait dressé.
Mais M. Briajid ne rentrant à Paris que
jeudi soir, vraisemblablement, il payait
donc certain qu'il ne pourra pas être en-
tendu .par la commission avant vendredi —
ainsi que celle-ci en avait exprimé le désir.
Au surpl us, on ne cache pas à la prési-
dence du Conseil que M. Briand entend
d'abord régler la. question des acoords fi-
nanciers en Conseil des ministres et réser-
ver les droite du gouvernement.
Si ee8 accords sont r. leAi parties
les plus importantes questionnaire
restent en eff4t saris objet.
Mais, si M. Doumer ne peut faire rati-
fier par la majorité du Conseil des ac-
oords qui paraissent méconnaître les droita
de la France, sa situation semble délieate.
Qu'en résultera-t-il ?
AU SECOURS DE LA RUSSIE AFFAMÉE
La Commission internationale d'aide à ia Russie
, -¡'¡.
s est réunie hier
M. Leredu, ministre de l'hygiène expose ses buts et ses moyens
IN06 lecteurs savent que, dans sa seause
du 13 août ie Conseil suprême a pris, sur
l'initiative du gouvernement frauçais, la
résolution de oonetituer une commission
de secours aux populations affameee de
la Russie. Cette commission qui comprend
trois délégués de chacune des puissances
représentées au Conseil, s'est reunie pour
ia première fois hier après-midi, a trois
neures, au ministere d^s aiiaires étrangè-
res, sous ia présidence de M. Leredu, mi-
nistre de l'hygiène et de l'assistance so-
ciales.
Voici, au reste, la composition de la
commission internationale :
Délegués français. - MM. Joseph Nou-
lens, sénateur, ancien ambassadeur ao
France en Ku&sie; le géneral eati, pr,éel-
dent du oomité centrai de la Croix-Rouge
française; Vaul Giraud, président de la
chambre de commerce française de Mos-
cou.
Délégués b/'itann-i^ues. - Sir Philip
Greame, sous-secrétaire dEtat parlemen-
taire au BOd.rd of trade; sir John Hecok,
du service des Indes; M. Wardrop, con-
sul d'Angleterre à Strasbourg.
Délégués italiens. — MM. Turatti, dé-
puté; Cesaro, député; M. Firaoio, séna-
teur.
Délégués belges. — MM Delcroix, minis-
tre diktat; Charlier, consul de Belgique à
Petrograd; Willmeure, secrétaire général
du comité de défense des intérêts belges en
Russie.
Délégués japonais (au titre provisoire).
— MM. Matsieda, conseiller d'ambassade;
S. Uyeda, délégué du ministère des affai-
res étrangères du Japon en Lettonie.
Délégué américain. — M. Wa.lter Brown.
CE QUE PENSE M. WALTER BROWN
La présence de M. Walter Brown au
sein de la commission de secours est une
aide inestimable apportée aux délégués
qui y siegent. C'est, en effet, M. Walter
Brown qui, au nom du comité Jioover, a
signé avec M. Litvinof une convention ré-
glant ia distribution des secours Il revient
de Riga; il a vu là-bas dans quelle misère
se débattait la Russie. Et c est cette mi-
sera qu'il a décrite aux représentante de
la presse :
« Vous le savez, dit-il tout d'abord, le
but poursuivi par le comité Hoover est
strictement limité à l'aide aux enfants et
aux vieillards. Cette aide comporte nour-
riture, vêtements et médicaments. Déjà,
des bateaux chargés de vivres, de conserves
sont arrivés à Riga et à Petrograd, et je
pense que nous pourrons assurer le ravi-
taillement d'un million d'enfants et de ma-
lades pendant toute la durée de l'hiver.
CI N allez point croire, après cela., que
notre tâche soit facile. Son immensité
même rend extrêmement diffiole son
aboutissement. Sajis doute, l'article 26 du
traité que je viens de signer avec M. Lit-
vinof porte-t-il que les denrées et les médi-
caments devront surtout être distribués
dans la région du Volga. Mais la zone de
la disette ne vient-elle pas précisément
a etre elargie ? Des territoires s étendant au
nord du Transsibérien, jusqu'à l'lschim,
d une superficie presque egaie aux deux
tiers de la Russie d'Europe, moins peuplés,
mais dont les grands centres mêmes sont
quaâi inaccessibles, ne viennent-ils pas
d'être diéolares affamés ? Et comme les
ports prevus par notre traité, sont tous
situes dans la Baltique et sur la mer Blan-
che, les convois seront extrêmement longs,
si Lon tient compte surtout de l'état dé-
plorable des transports en Russie sovié-
tique.
» Mais là enoore nous avons confiance :
l'année derniere, pendant l offenseive con-
tre la Pologne, les soviets ont transporté
près d'un million de soldats et leur ravi-
tailiement. Nos convois demandent un ef-
fort beaucoup moins considérable et pour-
ront, je l'espère, parvenir jusqu'à la région
du Volga, où seront surtout concentrés nos
eftorts.
« Lt puis la encore il ne faut pas s'exa-
gérer le mal. Les bolcheviks s'efforcent de
maintenir en exploitation les lignes réunis-
sant Moscou à Petrograd, Riga, Smolensk,
Odessa, Sébastopol, riostof et Bakou, Sa-
ma.ra, Kazaii et la Sibérie, Nijni-Novgo-
rod, Vologda et Arkhangelsk.
« Sans doute, le fonctionnement de la
plupart de ces lignes est-il loin d'être nor-
mal. Mais elles fonctionnent. De Moscou
à Pétrograd montent et desoendent trois
trains par jour, deux trains de Moscou à
Riga. Les autres lignes sont moine favo-
risees. Mais nous viendrons à bout de tou-
tes ces difficultés. »
L'AVIS DU Dr. NANSEN
Le Dr. Nn vient, lui aussi, de con-
clure un accord avec les soviets, sur lea
mêmes bases que l'accord Brown-Litvinof
dont nous parlons plus haut. Il a traite
là-bas avec Tchitcherine, Krassine et .b.
meneff au nom de la conférence interna-
tionale de Genève pour les secours à ia
Russie.
A un de nos confrères venu l'interviewer
à Riga, d'où il vient de rentrer, le Dr.
Nansen a confirmé l'étendue du désastre
et le désir des soviets d'obtenir l'aide u*
l'étranger. Il pense que seule une organi-
sation internationale disposant de vastet
crédits et passant par l'intermédiaire du
gouvernement actuel pourrait efficacement
venir au secours des affamés, et il va par,,
tir pour Paris et Londres afin d'y expli-
quer son point de vue
LA CONFERENCE
LA SEANCE INAUGURALE
La commission de secours à la Russie
s'est réunie cet après-midi, à trois heures,
a.u ministère des affaires étrangères, sous
la présidence de M. Leredu, ministre de
l'hygiène et de l'assistance sociaJee.
On sait qu'aux termes même du mandat
qui lui a été confié, la commission doit
utiliser toutes lee bonnes volontés, fit Ad&-
te numéro : QUINZE CENTIMES
Mercredi 31 août 1921. - N (' 1Û527
Fondateurs fleae) 9
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Un an Sis mois Trrtamote
SEINE & S.-ET-OISE. 38 n 29 » le »
FRANCE & CoLONIES.. 41 » 22 » il »
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RAYMOND LANGE
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OPINIONS
Idées et politique d'Erzberger
Cet Erzberger, qui vient de périr si tragi-
quement, était-il un homme supérieur ?
L'abbé Wetterlé, qui l'a conn uau Reich-.
stag, nous dit que ce n'était pas un grand
esprit : « Complètement dépourvu de sens,
très personnel, physiquement lourd et épais,
il n'avait rien de ce qui gagne les sympa-
thies. » M. Wetterlé ne voit à louer en lui
que son travail et son application. Impres-
sion d'ancien collègue, un peu malveillante
et injuste.
Les Souvenirs d'Erzberger, qu'op ne sau-
rait trop lire et relire, car c'est jusqu'ici le
témoignage le plus instructif que nous ayons
sur la politique de l' Allemagne pendant la
guerre, ces Souvenirs si riches en faits, dé-
notent un homme de mérite, d'un mérite un
peu terne et, si je puis dire, un peu gris,
mais d'un mérite sérieux.
Il avait une qualité qui est peut-être plus
tare en Allemagne qu' ailleurs : le tact
En le plaçant à la tête de la propagande
allemande, le gouvernement impérial fit donc
un bon choix, et nous éprouvâmes souvent, à
nos dépens, l'habileté de cette propagande
dont Erzberger, dans ses Souvenirs, expose
la méthode et les résultats avec un ton de
modestie et de discrétion. Il dit l'essentiel,
sans compromettre et même sans nommer au-
cun de ses intermédiaires étrangers.
Il donne seulement à entendre qu'il avait,
dans le Grand-Orient de Rome, quelqu'un
qui le renseignait, et qui le renseignait assez
bien, même sur les choses françaises, puis-
que ce Grand-Orient italien, réconcilié avec
le Grand-Orient de Paris rUnuis la guerfë,
était en étroite et constante relation avec
les Français, ne se doutant guère qu'il avait
un germanophile dans son sein, lui qui avait
tant poussé l'Italie à intervenir.
Erzberger était un Wurtembergeois, très
allemand, très catholique, mais très souple,
passant du libéralisme au cléricalisme, puis
revenant finalement au libéralisme, un vrai
opportuniste, comme nous disons.
Très allemand, disais-je, on assure qu'il
fit, en décembre 1914, un mémoire où il re-
vendiquait pour l'Allemagne toute la Bel-
gique, la côte française jusqu'à Boulogne, les
tles normandes. Mais dès qu'il eut le senti-
ment que la victoire militaire échappait à
l'Allemagne, et il l'eut dès 1916, il travail-
la à préparer une paix de compromis, où
l'Allemagne sauvât de sa puissance tout ce
qu'il était possible d'en sauver.
Très catholique, il voulait que le pape
fût l'initiateur et l'auteur de cette paix, dans
l'intérêt de l'Allemagne, pour qui l'austro-
phile Benoît XV avait une bienveillance
particulière, et dans l'intérêt de l'Eglise, à
qui le succès d'un si grand rôle diploma-
tique rendrait du prestige. Si le pape avait
pu, par son intervention, rendre la paix du
monde, l'élan de gratitude que ce beau ré-
sultat aurait suscité chez les peuples n'eût-il
pas profité à la religion catholique ?
A un moment, Erzberger parut toucher
au but. Il dit, en effet, dans ses Souvenirs :
a Le 30 août (1917), le chancelier reçut la
copie d'une dépêche que le ministre d'An-
gleterre près du Saint-Siège avait remise
au Vatican au nom de son gouvernement et
avec l'approbation de la France. L'Alle-
magne y était invitée à faire une déclaration
nette sur son programme et sur le sort futur
de la Belgique. Cette déclaration n'avait pas
besoin d'être publiée. » En transmettant
cette pièce, le nonce à Munich insistait pour
une réponse précise sur la Belgique.
On le voit, Erzberger avait bien travaillé,
surtout si on rapproche cette démarche pon-
tificale du fait que c'est lui, Erzberger, qui,
au mois de juillet précédent, avait obtenu
du Reichstag le vote de la fameuse résolu-
tion pour une paix sans annexion ni indem-
nité.
Mais le gouvernement allemand ne voulut
pas faire la réponse demandée au sujet de
la Belgique, qu'il entendait garder comme
gage. « Ainsi, dit Erzberger, il s'est rendu
responsable de la prolongation de la guer-
re. » Et il note avec amertume que le gou-
vernement allemand préférait alors l'éven-
tuelle médiation du roi d'Espagne à celle du
Vatican. Peut-être Guillaume II. prince ar-
demment protestant, hésitait-il à donner au
pape une telle autorité morale sur son peu-
ple.
J'ai rappelé ces faits, parce qu'ils sont
peu connus en France, et qu'ils font assez
bien connaître Erzberger.
Depuis, politique réaliste, il a négocié
l' armistice, il a décidé le Reichstag à ac-
cepter le traité de Versailles, il a prêché aux
Allemands une politique de résignation au
fait acrompli, et, trop déconsidéré par les
manœuvres de ses adversaires politiques, il
n'a pu prendre lui-même le pouvoir, il a for-
mé, dirigé dans la coulisse, le cabinet du
docteur Wirth.
Il s'est rendu si redoutable aux impéria-
listes et aux bellicistes, qu'ils ont pris le
parti de l'assassiner.
J'ai quelque idée que ce meurtre leur nui-
ra, en provoquant une réaction contre leurs
idées. L'effroi et l'indignation vont peut-
être, en Allemagne, grouper les éléments de
gauche pour l'action.
A. AULARD.
ÉDITORIA L
--..--------.--.,----
Controverse stratégique
La Revue des Deux Mondes est en ce mo-
ment Je champ d'un duel entre-le maréchal foch
et te général de Castelnau. La cause de ta >ai-
conire est la défaite de Morhange, que le gé-
néral de Casieinau impute au maréchal Il och.
il est vrai que l'accusation n'esi signée que de
M. Victor Giraud ; mais il a paru à tous, et
au maréchal lui-même, quelle éiait inspirée par
ce général.
Selon cette accusation, Je maréchal Foch bé-
nit responsable de l'échec, par sa croyance
aveugle au fameux dogmet de l'offensive à
outrance- Le général de Castelnau, au conirai-
re, n'y aurait pas cru. C'est à son corps déjcn-
dent qu'il aurait pris l'offensive, et il aurait
Voulu en réduire au minimum les inconvénients
par a une défensive stratégique active. » Mais
son bouillant subordonné d'alors, qui comman-
dait le .::.ue corps, aurait pris, malgré lui, l'ini-
tiative de l'attaque. il aurait ainsi fait avorter le
plan élaboré, et provoqué la retraite générale.
Dans sa réponse, le maréchal Foch entre-
prend de se justifier en montrant certaines
inexactitudes de fait. Selon lui, c'est L'ennemi
qui aurait pris l'initiative de l'attaque. Il n'au-
rait fait que résister, avec succès d'ailleurs, et
il laisse entendre que les choses auraient tourné
autrement s'il n'avait pas reçu l'ordre de retraite,
et si les autres corps d'année s'étaient campar.
tés comme le sien.
Sens vouloir trancher le débat, il semble ce-
pendant que le générai de Castelnau se soit as-
suré le beau ; 'ë, en se mettairt du côté des le-
çons de l'experience. Il est permis de se deman-
de si M. Giraud ne joue pas un peu les prophè.
tes du passé, et si un éminent ami éiait alors
aussi pénétré qu'il le prétend de Veneur de
l'offensive à outrance. Il avait à l'étal-major un
rôle prépondérant qui se concilie mal avec le
triomphe d'une théorie qu'il curait si nettement
condamnée. Mais enfin, que ce soit après coup
ou da longue date, il s'incline devant une vé-
rité qui parait aujourd'hui évidente.
Le maréchal Foch, au contraire, ne semble
pas avoir été, ni etre encore de cet avis. Tout
en niant avoir pris l'offensive, il parle de « pré-
paratifs » qui y ressemblent fort. En outre cer-
taines phrases comme celle-ci : « Au 20" corps,
on ne bat en retraite que sur des ordres for-
mels », ont encore l'accent des Jamewes prédi-
cations d'Ardant.du Picq.
Nul ne doit oublier cependant qu'il a l'im-
périssable honneur d'avoir commandé les trou-
pas alliées au moment de la victoire. Il serait
malséant à un pektn de Vouloir lui donner ues
leçons de stratégie.
A ussï bien, il n'est presque personne qui son-
ge à porter sur nos gloires militaires une main
§acrtlègc' Lear immunité forme même un aahf
rieux contraste avec la muugmië qui s'exerce
contre les chefs politiques. Chacun se sent une
particulière compétence pour discuter les pro-
blèmes politiques las plus délicats ; mais tous
foni un acle de foi devant les opérations mili-
taires les plus simples. Est-ce respect de la
joice brutale, extension jusqu'aux civils du sen-
timent de la discipline, ou bien encore jaut-il
croira qu'on critique tes gouvernements parce
qu'ils sont incorporés dans la democraiie, Cjui
est le régime de la discussion, tandis que la
hiérarchie militaire est une survivance de (au/o.
cratie ? Pour ma part, je croirais plutôt qu'on
respecte les généraux parce qu'ils ont à leur
disposition les chamarrures, les signes extérieurs
du respect, sans compter la suprême puissance,
celle de disposer de la vie et de la mort.
Quoi qu'il en sait, l'admiration des foules
va à eux. Elle confond dans un même culte tous
les grands chefs, qu'elle met pêle-mêle dans un
naïf Panthéon, orné d'images d'Epinai.
Mais ce sont les idoles elles-mêmes qui en-
treprennent de s'en déloger. Si les augures ne
pouvaient se regarder sans rire, bien des géné-
raux ne peuvent se voir sans se mettre en colère,
soit qu'ils se disputent les roses ou se rejettent
les épines. Pendant ia guerre, c'était la contre-
ailaque de Limoges contre Chantilly. Mainte-
nant, c'est la rivalité pour la gloire.
Ces heurts auront peut-être l'avantage de fai-
re jaillir quelques étincelles de vérité. C'est cin-
si que cette polémique évoque ceux qui n'y sont
pas mêtés. Même en admettant que le général
de Castelnau exagère, on se demande comment
celui en qui il voit le responsable de Morhange
a pu devenir le vainqueur de 1918. Et tout en
lui rendant hommage, on songe à ceux qui fonl
trop oubliés, aux patients ouvriers de la réorga-
nisation et de la préparation, à Painlevé, à Pé-
tain, à bien d' autres.
On songe aussi au grand vainqueur, au grand
anonyme, le poilu, qui a fait reculer la défaite,
malgré les fautes, et rendu la victoire possi-
ble par son héroïsme. Certains demandent, à
ce propos, qu'au cas d'une guerre nouvelle, on
se montre plus ménager de sang. C'est en effet
un élémentaire devoir. La doctrine paresseuse
qui consiste à préconiser l'offensive toujours ci
quand même ne sert en réalité qu'à masquer,
sous la grandiloquence des mots, l'absence de
préparation et l'ignorance des chefs. C'est le
pire des cabotinages, celui qui plastronne avec
la bravoure d'autrui. Mais il est un devoir de
reconnaissance plus impérieux encore : c'est de
ne pas recommencer le massacre. Laissons les
stratèges discuter sur l'art d'accommoder les
troupes, et n'oublions pas que la vraie façon
de les ménager est de rester en paix.
T~Bi~!L~
En passant
Esprit, es-tu là ?
L'on chuchota, tout ce printemps, avec de
grands airs de mystère d'extraordinaires histoires
de spiritisme, d'apparitions, d'évocations. Dans
une villa discrète d'Auteuil ou de Passy, les
tables tournaient avec frénésie et les esprits fa-
vorisaient de visites quofidiennes cette retraite
singulière.
Le mouvement de curiosité fut restreint à
quelques initiés, mais n'en jut pour ceux-là que
bien plus énervé. vers deux heures du matin,
en sortant d'un quelconque dancing, de jeunes
femmes excitées s'engouffraient dans des autos
et gagnaient l'abri diabolique. Le lieu était
fréquenté par le graiin le plus blasé, le plus
sceptique, qui, là, croyait tout ce qu'on vou
lait. Et dam l'ombre propice apparaissaient
Napoléon, Néron, Charlemagne et d'autres
gens très bien ; un Américain notoire semait
un ours lui lécher les mains ; une altesse roya
le honoraire conûersait avec Ravachol ; sur
simple demande, les rideaux se soulevaient et
les bergères danwient ; la plus coquette de nos
actrices oit des /Y't au plafond et une prin.
cesse russe entendit Louise Michel donner des
coups de marteau dam un paravent de Coro-
mandel.
Etant d'un naturel curieux et aimant les bel-
les relations, j'ai voulu, moi aussi, faire la con-
naissance de Néron, de Ravachol, de l'ours
et autres gens du monde, j'ai brûlé de savoir
si, un jour, je gagnerai le gros lot et si j'aurai
une fin tragique et j'ai demandé à être présenté
à la villa. Mais voilà : les prits. me fui-il
répondu, sont très susceptibles et, paraît-il, n'ai-
ment pas les journalistes (ce en quoi ils se mon-
tent ingrats, car Néron, Napoléon and Co doi-
vent beaucoup à notre corporation) ; ils n ai-
ment que les vieilles dames crédules ou les
jeunes qui ont la foi, et encore seulement cel -
les à qui leur fortune permet de faire réparer
la machine à peser la pression que font les fan-
tômes quand ils daignent venir : et c'est là,
cous le devinez, un appareil extrêmement sen-
sible, compliqué, et, naturellement coûteux.
L'instrument étant très fragile, il faut le répa-
rer à chaque visite. Et ça coûte chaque fois
3.000 francs.
Et j'ai compris pourquoi les esprits n'aiment
pas les journalistes : ceux-ci ne sont pas assez
riches et, sans douté, pas assez crédules.
Raymond LANGE. ¡,¡
Économies budgétaires
DANS LA MARINE
La commission des finanoes de la Cham-
bre a abordé hier l'examen du budget de
la marine.
Elle a décidé, notamment, de ramener lee
effectifs de l'administration centrale au
chiffre de 1914.
En vue d:enrayer les demandes de cré-
dits supplémentaires, la commission a
adopté des mesures ayant pour objet de
rendre plus efficace le oontrôle des dé-
penses engagées par les divers ministères.
Le roi Alexandre de Serbie
est hors de danger
Dernier bulletin de santé du roi Alexan-
dre de Serbie :
« L'état de Sa Majesté le roi Alexandre
étant maintenant tout à fait satisfaisant, il
ne sera plus communiqué de bulletin de
santé.
« Paris, le 30 août 1921.
K Signé : processeur Bernard Cuneo. doc-
teur Bandelae de Pariente. »
Le Gouvernement
contre la vie chère
LES MEUNIERS D'ABORD
Les récentes réclamations formulées con-
tre les prix de la minoterie, et dont la plus
curieuse fut, à coup sûr, la circulaire du
maire de Nérac à ses administrés, circu-
laire que nous avons publiée en son temps,
n'auront pas été chose vaine. M. Lefebvre
du Prey. ministre de l'agricuture, est au-
jourd'hui décidé à agir, et à agir sévère-
ment.
Déjà, il y a huit jours, M. Lefebvre du
Prey avait écrit au président de l'Associa-
tion de la meunerie française, pour « appe-
ler son attention sur l'intérêt urgent qui
s'attache à ce que la fixation du corps de&
farines et des sons soit mise en concordan-
ce avec celui du blé ».
Depuis huit jours, M. Lefebvre du Prey
n'a reçu aucune réponse. Mais, par contre,
le prix du blé a monté considérabement :
le blé qui valait, en effet, 60 et 63 francs
à la culture est brusquement monté à 72 et
75 francs.
M. Lefebvre du Prey va signaler ces
faits à M. Bonnevay, ministre de la justice.
NOUVELLE PROTESTATION
L'amicale des maires du canton de Mu-
ret (Haute-Garonne), a protesté énergique-
ment auprès du préfet contre les prix ac-
tuels des farines pratiqués par le syndicat
de la meunerie du département.
« Si les prix des farines, a dit l'amicale,
étaient en concordance avec le prix du blé,
le pain pourrait être livré à 95 centimes ou
un francs le kilo au plus, et si la population
en souffre, les boulangers ne sauraient en
être rendus responsables, »
«
L'assassinat du commandant
de Montai ègre
LE MEURTRIER EST CONDAMNÉ
A CINQ ANS DE TRAVAUX FORCES
Berlin, 30 août. — On mande de Breslau
à la Gazette de Voss que le conseil de guer-
re interallié a condamné le meurtrier du
commandant Montalègre, Ochko, à 5 ans
de travaux forcés.
L'autopsie a démontré que le comman-
dant Montalègre avait été irappé par une
balle de 8 m/m.
Le conseil de guerre s'est inspiré dans
son jugement de ce que l'accusé avait voulu
gagner une récompense promise à qui tue-
rait un officier français. Il importe peu que
cette récompense ait été promise ou non ;
l'accusé a pensé qu'elle l'était. Le conseil
de guerre a répondu négativement à la
question de meurtre avec préméditation et
affirmativement à celle d'homicide.
Le champion Boillot
victjme d'un accident de course
Spa, 30 août. — Dans la course de côte
de Malchamps, la voiture pilotée par Boil-
Lot a capote. M. Eycquem, qui l'accompa-
gnait, a été carbonisé.
L'automobile montait une côte à une vi-
tesse de plus de 100 kilomètres à 1 heure,
lorsque, au premier virage, la voiture dé-
rapa et alla se jeter contre un arbre.
àl. Eycquem fut tué sur le coup. Boillot
eut la mâchoire fracassée. On espère tou-
tefois pouvoir le sauver.
La course a été suspendue.
tn*"' -
Le prince héritier de Perse
à Paris
Le prince héritier de Perse, actuellement
à Constantinople, quittera la Turquie dans
les derniers jours de cette semaine pour
se rendre à Paris.
LA POLITIQUE ETRANGERE
Le Conseil de la Société des Nations au travail
-----,-----' ---_--.--_--------
Ainsi qu'on pouvait le prévoir, le Conseil c:e
la Société des nations a accepté la mission Je
fixer le sort cie la Haute-Silésie.
Le rapport succinct, précis du vicomte lshii
est un simple exposé oojectif de la question.
Volontairement, le représentant du Japon s est
abstenu de la moindre observation personnelle;
et c'est pourquoi il ne s'est pas livré à une
étude approfondie qui, fatalement, aurait sug-
géré au Conseil des directives que le rappor-
teur ne voulait même pas indiquer.
Le vicomte Ishii a tenu à préciser la portée
de la décision qu'allait prencre le Conseil de
la Société des nations : c'était aussi en mar-
quer l'importance. En principe, c'est un sinir
pie avis qui est demandé aux arbitres de Ge-
nève. Mais cet avis prend une valeur singuliè-
re ou fait que les Alliés se sont en quelque sorte
engagés publiquement à s'incliner devant la
solution prise.
Une grave question se pose qui, vraisembla-
blement, sera, dès les premières entrevues, l' ob-
jet de discussions. Entendra-t-on les Allemands
et les Polonais ou se passera-t-on de leur opi-
nion ?
Les partisans de la convocation des deux ad-
versaires se servent du précédent de l'affaire de
Vilna. A cette occasion, en effet, Polonais et
Lithuaniens avaient été admis à exposer leurs
points de vue personnels. Il y avait nettement
conflit ouvert entre deux puissances.
Tandis que dans le cas actuel, — et c'est
ce que répondent ceux qui veulent voir au Con-
seil de la Société des nations conserver son uni-
que jugement personnel - il n'y a nulle lutte
ouverte. Il s'agit de tracer une frontière. Celle-
ci peut, certes, être plus ou moins favorable à
l'un ou l' autre des intéressés. Mais le Traité
de Versailles n'a pas mis aux prises, face à
face, deux puissances concurrentes. Berlin et
Varsovie n'ont pas eu à clsr-uter de la limite
de leurs territoires : Seul, le Conseil suprême
a été ctayéjar le. T da r.-tlw A.c.I.:..
et c'est lui, encore, qui, après l'avis de Genè-
ve, aura à la consacrer et à la faire exécuter.
Les gouvernements d'Allemagne ou de Po-
logne n ont donc pas directement à intervenir
de droit dans l'examen de la question. C'est à
cette idée que se ralliera, selon toute vraisea»-
blance, l'assemblée de Genève, quitte à con-
sulter, s'il y a lieu, à titre simplement docu-
mentaire, les deux Etats intéressés.
Le plus gros travail de Genève se fera, sem-
ble-t-ii, en conversations privées. Les délé-
gués ne sont pas nombreux : ils se connaissent
tous depuis longtemps, ayant collaboré à met-
tre sur pied la Société des nations. Entre eux,
règne un esprit de haute cordialité qui ne con-
tribuera pas peu à obtenir une solution équi-
table.
L'on évi tera en tous cas cet énervement ic-
grettable qui nuisit si fâcheusement à l'atmos-
phère de la dernière réunion du Conseil suprê-
me- L'on en était arrivé, alors, à considérer
dans les chancelleries et dans le monde entier
qù' une sorte de match Uoyd George-Briand se
disputait. Avouons que c'était peu favorable à
la discussion.
L'état d'esprit manifesté dès la prise de
contact par le rapport impartial du vicomte
mbii est, au contraire, du meilleur augure.
C'est, en effet, en juges que se réunissent les
délégués de Genève, en juges indépendants et
qui ne devraient même pas être les porte-parole
de telle nation qu'ils représentent. Ils ont à
examiner un procès, à prendre position cf arbi-
tres : ils ne doivent, — ils ne devraient pas,
du moins, — être les simples interprètes fidèles
d' une politique ou d'une tendance. Y arrive-
ront-ils ? Certes, ç 'est là un délicat problème
psychologique.
Mais si le monde avait conscience d'une relie
mentalité, régnant à Genève, quel lustre n'en
jaillirait pas sur la Société des nations dès main-
tenant et pour tous les ptoMamet cm'çilo aura
à fwammer dom
L'ALLEMAGNE jRA ITERA.
Les accords financiers de Paris
La commission des finances de la Cham-
bre pose des questions et voudrait dicter
ses réponses à M. Briand qui entend réser-
ver les droits du gouvernement.
Nous avons indiqué hier que la commis-
sion des finances s'était inquiétée des con-
séquences budgétaires des accords du 13
aout et avait décidé d'entendre d'urgence le
président du conseil dans l'intention évi-
dente d'appeler son attention, avant le con-
seil qui doit décider, sur la portée desdits
accords.
Réunie à nouveau hier, la commission a
approuvé le texte, rédigé par M. de Lastey-
rie, des questions qu'elle désire poser à
M. Briand,mis aussitôt en possession du do-
cument. Ce questionnaire porte sw tous les
accords concernant les réparations, mais
particulièrement sur ceux du 13 août. Il a
l'intérêt de faire mieux apercevoir les diffi-
cultés pendantes entres les alliés et oui ne
paraissent pas toutes résolues. Voici ce
texte :
FRAIS D'OCCUPATION. - Quel est le mon.
tant total des irais d'occupation?
Comment ont-ils été répartis t
Les frais d'occupation postérieurs au 1er mai
1921 ont-ils été calculés sur les mêmes bases
que Les Irais antérieurs à cette date ?
Quels sont les irwis de mobilisation de la
classe 19 ?
Ont-ils été compris dans les tmis d'occupation;
et dans quelle proportion les Alliés en ont-ils
fait l'avance ?
VALEUR DES BATEAUX ALLEMANDS. —
N'y a-t-il pas une protestation des Etats-Unis
contre l'estimation de la valeur des bateaux alle-
mands cédés à l'Angleterre ?
Si elle existe, quelle suite a été donnée à cette
protestation ?
CHARBONS. — Antérieurement à ia confé-
rence du 13 août, la France n'a-t-elle pas obtenu
L'adhésion allemande pour la livraison au prix
de l'intérieur. en échange d'une diminution
importante qui aurait été consentie sur les li-
vraisons de bétail ?
A quelle somme se monte le prix de cette
concession ?
L'Allemagne n'art-elle pas établi un impôt in-
férieur sur les charbons ?
VALEUR DES MINES DE LA SARRE. — L'ar-
rangement financier du 13 août, qui stipule que
la valeur des mines de la Sarre doit être inscrite
au compte des frais d'occupation, parait en con-
tradiction avec l'article 243 du traité qui inscrit
La, valeur de ces mines au compte exclusif des
réparations. Pour quelles raisons et en échange
de quelles concessions la France a-t-elle con-
senti à abandonner les droits qu'elle tient du
traité ?
VERSEMENTS EN NATURE. — Chacun des
Etais alliés garde-t-il la jouissance entière des
versements en nature qui seront faitè après le
1- moi 1901 ?
La France ne devra-t-eUe pas reverser à là
Belgique en raison de la priorité belge ?
PRIORITE BELGE. — N'y a-t-il pas une eontre-
partie aux avantages consentis à la Belgique ?
LA DETTE DE L'ALLEMAGNE. — La Com-
mission des réparations a fixé à 132 milliards
la dette de l'Allemagne, sur laquelle la France
a 52 0/0.
N'y a-t-il pas une protestation de l'Italie ?
La somme de 132 milliards représente-t-elle
la dette de l'Allemagne seule ?
SANCTIONS ECONOMIQUES. - Lorsque les
sanctions économiques seront levées, 11,4aema.
gne niaintiendra-t-etle les droits de douane dans
tes pays rhénans ?
LA RATIFICATION DES ACCORDS. — Dans
le cas où le gouvernement donnerait son appro-
bation aux accords financiers, sous quelle forme
et à quelle date les soumettra-t-ii à la ratifica-
tion du Parlement ?
LES VERSEMENTS ALLEMANDS. - Quels
sont les versements que le gouvernement compte
recevoir de l'AUemagne d'ici au 31 ddetmèr®
1921 et du 1er janvier au 31 décembre 1921
LES DEPENSES
POUR LA POLOGNE
Ajoutons enfin que M. Vincent Auriol
avait proposé à la commission ce poser éga-
lement au président du conseil la question
suivante :
« Les munitions envoyées à la Pologne ont
été commandées par le gouvernement fran-
çais. Qui les paie? Si c'est la France, à
quel chapitre ces dépenses doivent-elles figu-
rer ?
« Comment la gouvernement compte-il
rentrer dans ses avances. — s'il a fait des
avances à la Pologne — étant donné le cours
actuel du mark polonais ? »
Mais la, commission a estimé que cette
question n'ayant aucun rapport avec les ac-
cords financiers, ne pouvait être ajoutée au
questionnaire que nous donnons ci-dessus.
M. Auriol, en conséquence, a décidé c'e la
poser lui-même à M. Briand, au cours de
l'audition du président du conseil.
M. Briand ne se rendra
devant la Commission
qu'après le Conseil de vendredi
Nous disons plus haut que la commis-
sion des finances a fait remettre, dès hier
soir, à ia présidence du Conseil le que&-
tionnaire qu'elle avait dressé.
Mais M. Briajid ne rentrant à Paris que
jeudi soir, vraisemblablement, il payait
donc certain qu'il ne pourra pas être en-
tendu .par la commission avant vendredi —
ainsi que celle-ci en avait exprimé le désir.
Au surpl us, on ne cache pas à la prési-
dence du Conseil que M. Briand entend
d'abord régler la. question des acoords fi-
nanciers en Conseil des ministres et réser-
ver les droite du gouvernement.
Si ee8 accords sont r. leAi parties
les plus importantes questionnaire
restent en eff4t saris objet.
Mais, si M. Doumer ne peut faire rati-
fier par la majorité du Conseil des ac-
oords qui paraissent méconnaître les droita
de la France, sa situation semble délieate.
Qu'en résultera-t-il ?
AU SECOURS DE LA RUSSIE AFFAMÉE
La Commission internationale d'aide à ia Russie
, -¡'¡.
s est réunie hier
M. Leredu, ministre de l'hygiène expose ses buts et ses moyens
IN06 lecteurs savent que, dans sa seause
du 13 août ie Conseil suprême a pris, sur
l'initiative du gouvernement frauçais, la
résolution de oonetituer une commission
de secours aux populations affameee de
la Russie. Cette commission qui comprend
trois délégués de chacune des puissances
représentées au Conseil, s'est reunie pour
ia première fois hier après-midi, a trois
neures, au ministere d^s aiiaires étrangè-
res, sous ia présidence de M. Leredu, mi-
nistre de l'hygiène et de l'assistance so-
ciales.
Voici, au reste, la composition de la
commission internationale :
Délegués français. - MM. Joseph Nou-
lens, sénateur, ancien ambassadeur ao
France en Ku&sie; le géneral eati, pr,éel-
dent du oomité centrai de la Croix-Rouge
française; Vaul Giraud, président de la
chambre de commerce française de Mos-
cou.
Délégués b/'itann-i^ues. - Sir Philip
Greame, sous-secrétaire dEtat parlemen-
taire au BOd.rd of trade; sir John Hecok,
du service des Indes; M. Wardrop, con-
sul d'Angleterre à Strasbourg.
Délégués italiens. — MM. Turatti, dé-
puté; Cesaro, député; M. Firaoio, séna-
teur.
Délégués belges. — MM Delcroix, minis-
tre diktat; Charlier, consul de Belgique à
Petrograd; Willmeure, secrétaire général
du comité de défense des intérêts belges en
Russie.
Délégués japonais (au titre provisoire).
— MM. Matsieda, conseiller d'ambassade;
S. Uyeda, délégué du ministère des affai-
res étrangères du Japon en Lettonie.
Délégué américain. — M. Wa.lter Brown.
CE QUE PENSE M. WALTER BROWN
La présence de M. Walter Brown au
sein de la commission de secours est une
aide inestimable apportée aux délégués
qui y siegent. C'est, en effet, M. Walter
Brown qui, au nom du comité Jioover, a
signé avec M. Litvinof une convention ré-
glant ia distribution des secours Il revient
de Riga; il a vu là-bas dans quelle misère
se débattait la Russie. Et c est cette mi-
sera qu'il a décrite aux représentante de
la presse :
« Vous le savez, dit-il tout d'abord, le
but poursuivi par le comité Hoover est
strictement limité à l'aide aux enfants et
aux vieillards. Cette aide comporte nour-
riture, vêtements et médicaments. Déjà,
des bateaux chargés de vivres, de conserves
sont arrivés à Riga et à Petrograd, et je
pense que nous pourrons assurer le ravi-
taillement d'un million d'enfants et de ma-
lades pendant toute la durée de l'hiver.
CI N allez point croire, après cela., que
notre tâche soit facile. Son immensité
même rend extrêmement diffiole son
aboutissement. Sajis doute, l'article 26 du
traité que je viens de signer avec M. Lit-
vinof porte-t-il que les denrées et les médi-
caments devront surtout être distribués
dans la région du Volga. Mais la zone de
la disette ne vient-elle pas précisément
a etre elargie ? Des territoires s étendant au
nord du Transsibérien, jusqu'à l'lschim,
d une superficie presque egaie aux deux
tiers de la Russie d'Europe, moins peuplés,
mais dont les grands centres mêmes sont
quaâi inaccessibles, ne viennent-ils pas
d'être diéolares affamés ? Et comme les
ports prevus par notre traité, sont tous
situes dans la Baltique et sur la mer Blan-
che, les convois seront extrêmement longs,
si Lon tient compte surtout de l'état dé-
plorable des transports en Russie sovié-
tique.
» Mais là enoore nous avons confiance :
l'année derniere, pendant l offenseive con-
tre la Pologne, les soviets ont transporté
près d'un million de soldats et leur ravi-
tailiement. Nos convois demandent un ef-
fort beaucoup moins considérable et pour-
ront, je l'espère, parvenir jusqu'à la région
du Volga, où seront surtout concentrés nos
eftorts.
« Lt puis la encore il ne faut pas s'exa-
gérer le mal. Les bolcheviks s'efforcent de
maintenir en exploitation les lignes réunis-
sant Moscou à Petrograd, Riga, Smolensk,
Odessa, Sébastopol, riostof et Bakou, Sa-
ma.ra, Kazaii et la Sibérie, Nijni-Novgo-
rod, Vologda et Arkhangelsk.
« Sans doute, le fonctionnement de la
plupart de ces lignes est-il loin d'être nor-
mal. Mais elles fonctionnent. De Moscou
à Pétrograd montent et desoendent trois
trains par jour, deux trains de Moscou à
Riga. Les autres lignes sont moine favo-
risees. Mais nous viendrons à bout de tou-
tes ces difficultés. »
L'AVIS DU Dr. NANSEN
Le Dr. Nn vient, lui aussi, de con-
clure un accord avec les soviets, sur lea
mêmes bases que l'accord Brown-Litvinof
dont nous parlons plus haut. Il a traite
là-bas avec Tchitcherine, Krassine et .b.
meneff au nom de la conférence interna-
tionale de Genève pour les secours à ia
Russie.
A un de nos confrères venu l'interviewer
à Riga, d'où il vient de rentrer, le Dr.
Nansen a confirmé l'étendue du désastre
et le désir des soviets d'obtenir l'aide u*
l'étranger. Il pense que seule une organi-
sation internationale disposant de vastet
crédits et passant par l'intermédiaire du
gouvernement actuel pourrait efficacement
venir au secours des affamés, et il va par,,
tir pour Paris et Londres afin d'y expli-
quer son point de vue
LA CONFERENCE
LA SEANCE INAUGURALE
La commission de secours à la Russie
s'est réunie cet après-midi, à trois heures,
a.u ministère des affaires étrangères, sous
la présidence de M. Leredu, ministre de
l'hygiène et de l'assistance sociaJee.
On sait qu'aux termes même du mandat
qui lui a été confié, la commission doit
utiliser toutes lee bonnes volontés, fit Ad&-
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