Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1921-02-05
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 février 1921 05 février 1921
Description : 1921/02/05 (N18319). 1921/02/05 (N18319).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
16 PLUVIOSE, AN 129. — N° 18.319.
Le numéro : QUINZE CENTIMES
SAMEDI 5 FEVRIER 1921. — No 18.319
Fondateurs (1869) :
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Un an Six mois Trois mois
SEINE & S.-ET-OISE. 38 » 20 » 10 »
FRANCE & COLONIES.. 41 » 22 » 11 »
ETRANGER 49 » 25 » 13 »
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au directeur.
"JWI/o.:, a".c' '1-.. II" ,,,. '.4"m '-la T - i «• •
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LEON ARCHIMBAUD
DEPUTE
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TRIBUNE LIBRE
a'a
Des précisions et non des théories!
———————— ).- ( —————— =—
Le débat d'hier ne nous
a pas apporté sur la con-
férence de Paris de bien
grandes clartés. Nous eus-
sions souhaité entendre dis-
cuter les textes eux-mêms,
si évidemment incomplets,
afin de permettre d établir la liste des
questions qui -devront être soumises à
la réunion de Londres et de donner aux
négociateurs certaines directions. Mais,
en dehors de la brillante intervention
de M. Vincent Auriol, nous avons assisté
à un nouveau duel entre M. Briand
et M. Tardieu pour ou contre le traité.
®> » ®>
Poursuivant sa discussion de la
veille, et désifeux de ne pas s'en tenir
à des critiques, M Tardieu propose ses
suggestions personnelles. Pour lui, la
thèse qui a triomphé lors des discus-
sions de Paris est celle de M. Keynes ;
pour lui, le traité avait déjà, même par
une molle application, provoqué des
versements importants. Etait-ce l'ins-
tant d'y renoncer ? Fallait-il procéder
..ainsi au moment même où lçs experts
déclarant que l'Allemagne peut faire
face aux obligations du traité ?
M. Tardieu ClÎt voulu voir les Alliés
tirer parti des textes du traité pour
obliger l'Etat allemand à imposer aux
contribuables les charges nécessaires ;
il leur demande de ne pas renoncer au
gage général que le texte nous donne
sur l'ensemble de la production alle-
mande. La commission des réparations
eût dû prendre en main 4e contrôle du
budget, du commerce, de l'exportation,
du crédit allemand, organiser un régi-
me ordonné de livraisons en nature, de
façon à provoquer des importations qui
n'eussent pas fait tort à l'industrie na-
tionale. Il y. a eu là, dans le discours
de M. Tardieu, une partie vraiment
excellente, d'une analyse tout à fait
nerveuse et précise. Et il n'a pas été
moins vigoureux dans sa conclusion
lorsqu'il nous a montré que la confé-
rence avait pour résultat final de nous
faire accepter ce que, jusque là, nous
avions, malgré la sommation des Alle-
mands, refusé.
En résumé, pour l'interpellateur, l'ac-
cord de Paris, conclu trop vite, ne nous
apporte aucun avantage et nous impose
de lourds sacrifices. La 'modération de
la forme n'a pu faire illusion sur la
vivacité agressive de la dialectique ;
M. Briand ne s'y est pas trompé, en
s attardant à l'excès sur les formules
de réplique. Avec des duretés de forme
excessives, M. Briand a répandu que les
conseils de M. Tardieu eussent été plus
efficaces au moment de la discussion
des textes de Versailles et. qu'au demeu-
rant, les accords de Paris avaient sur-
tout le caractère de pourparlers.
« ®
Nous ne consentirons pas à dire que
le traité de Versailles n'est pas Vivant;
nous croyons que M. le président du
conseil a commis une imprudence en
prononçant cette formule que recueille-
ra, sans doute, l'Allemagne attentive.
Nous ne croyons pas non plus que l'on
puisse, comme l'a fait M. Briand, met-
tre en avant, même en se fondant sur
l'autorité des experts, des chiffres
comme ceux qu'il nous a donnés sur le
revenu produit par le 12 sur les ex-
portations dans les dernières années
d'application de l'accord. D'ici là, le
roi, l'âne ou moi. si l'Allemagne est
aussi riche dans quinze ans que le pré-
voient les experts de M. Briand, elle
POURRA payer. Mais cette richesse
supposera une puissance telle quelle
tic VOUDRA pas payer.
Que vont devenir ces annuités que dé-
termine l'accord de Paris ? Voilà, pour
nous, la question essentielle. La confé-
rence de Paris vaut mieux que la dé-
fense qui nous en a été présentée paï
M. Briand. Elle a déçu le gouvernement
allemand. Pourquoi ? Parce qu'elle
substitue au principe des paiements en
nature, sur lequel M. Scydoux et M.
Bergmann s'étaient presque mis f!'ac.
cord à Bruxelles, le principe tout nou.
veau de la taxe sur les exportations,
du contrôle sur le crédit et sur les doua-
nes. Le gouvernement allemand va pré-
senter à Londres des contre-proposi-
tions. C'est donc qu'il faut tenir ferme
sur l'accord de Paris. Au point où nous
en sommes (déjà !), notre principale, je
n'ose dire : nolre seule garantie, c'est
l'accord des Alliés. Sachons choisir et
préférer cela. Discutons dans les limites
de l'accord mais jusqu'à l'extrême limi-
te où se produirait, sinon une rupture,
du moins une interruption que nous re-
doutons plus que tout. Idéaliste, ce
dont je ne le blâme pas. M. Auriol croit
à la solution du formidable problème
par la solidarité internationale. Hélas 1
quand je vois les syndicats allemands
manœuvrer cette idée contre nous, je la
crois à la lois suspecte et fragile. Un
'i
jour viendra, s'il vient ; il n'est pas
venu.
Plus réaliste, nous nous bornerons à
demander qu'au lieu de nous battre en-
core pour ou centre le traité, nous nous
mettions d'accord pour tirer de la confé-
rence de Paris le maximum d'avanta-
ges. Moins de théories ; plus de discus-
sions pratiques sur la mobilisation 'de
la créance ou les dettes interalliées.
Quant à ce qui se passera entre la quin-
zième et la quarante-deuxième année,
vous n'en savez rien. Moi non plus.
Mais je pense qu'à ce moment notre
créance, quelle qu'art soit la forme, vau-
dra ce que vaudra j'état intérieur de
la France ; elle sera recouvrée dans la
mesure où sera maintenue l'Entente de
1918.
EDOUARD HERRIOT.
Député, maire de Lyon.
EDITORIAL -
tlors-d yoeuvrel"
C'est Herriot qui vous
parle de la séance de la
Chambre.
Quelle aubaine pour
tous. et pour moi.
Je pourrai donc aujour-
d'hui faire l'école buissonnière, faire
fi du traité de Versailles et de la Con-
férence de Paris, et des cotups de dents
de M. Tardieu, et des coups de grifles de
M. Briand, et des discours, des discours,
des discours, qui sont toujours les mê-
mes.
Tiens ! un « schapska » qui passe.
Suivons-le. En attendant Mardi gras,
c'esl Vendredi maigre, jour des Polo-
nais.
Ces vieux amis polonais, comme je
les ai aimés dans la Bibliothèque rose
de la comtesse de Ségur, née Rostop-
chine !
Adorable simplicité de ces temps déli-
cieux, où les anciens arias finissaient
par des danses nouvelles : polka, ma-
zurka, redow a, et cætera.
Je vois encore une lithographie qui
charma mon enfance. Dans un bal lJ1.l-
blic., un danseur fait V a.hri ration de
Vassistance par ses entrechats incomms.
Tout gourd, le garde municipal de ser-
dée. s'approche et le danseur de lui dé-
cocher. dans une pirouette :
Municipal, arrière !
Je danse la polka ;
C'est un danse étrangère :
Guizot doit aimer ça !
Ce. danseur, évidemment, était le
« blocard-nalional » de l'époque, qui
considérait déjà Guizot avec l'œil de
Léon Daudet.
Aujourd'hui nos bons amis polonais
n'improvisent plus de danses, mais des
généraux. C'est moins gai, et pour pré-
parer d'autres quadrilles.
Aussi j'ai appris sans plaisir que pour
distraire le général Sosnkowski — si
vous me permettez de m'exprimer ainsi
— ministre de la guerre de Pologne,
notre Protocole imbécile t'avait conduit-
voir des tanks et des auto-canons dans
les usines Renault.
Sans doute il faut savoir gré aux of-
ficiers généraux qui attendent la paix
pour voir de près des machines de
guerre. N'empêche qu'il ne faut pas
abuser de ces visites qui tournent tou-
jours mal pour la paume humanité.
Déjà, avant 1914, on nous fit. cette
mauvaise plaisanterie de conduire les
empereurs, les rois, les princes de Bul-
garie et d'ailleurs dans les usines du
Creusot. i
Ça leur donna l'idée d'acheter des ca-
nons te incomparables » et finalement de
jouer avec, contre nous.
Nos anciens alliés les Russes ont ainsi
de beaux obus français qu'ils envoient
— pour dire comme le camarade poilu
— sur « le coin de la barbaque » des Po-
lonais ; et nos nouveaux alliès polonais
ont de non moins beaux obus. français
pour répondre aux gracieusetés des
Russes.
De cette façon nous ne mécontentons
personne. Chacun en prend pour son
compte, el les métallurgistes font le
leur.
Tout de même vous verrez que nous
finirons par regretter les temps roman-
tiques où nos chers amis polonais « bu-
vaient des canons » plutôt que de les
ti>e"
EDMOND OU MÊSfriL.
(lÎ Lire le Rappel des 2, 3 et 4 février 1021.
On dit.
Aujourd'hui
Doux pays
L'école en Russie : dédié à MM. Fros-
sard et Cachin.
Le journal bolcheviste Pravda publie,
dans son numéro 6" le résultat de l'enquête
faite dans une école modèle (ancien Insti-
tut Elisabeth) :
Depuis un an, l'école a. reçu 167 millions
de roubles ; comment cet argent a été dé.
pensé, nul ne le sait. La comptabilité
n'existe pas. L'administrateur de l'infirmerie
ne la visite jamais plus d'une fois pur se-
maine. Il en résulte que sur vingt enfants
que la commission d'enquête a c;l;amm¿s,'
tous étaient pouilleux ; six avaient la gale
et un la syphilis, à l'état secondairc. Les
bains à l'infirmerie sont interdits. Les vitres
sont cussées, les murs couverts de toiles
d'araignées, les planchers ne sont jamais
lavés. les chaudrons à la cuisine sont pleins
de vert-de-gris et de rouille. Faute de cuil-
lères, les enfants sont obligés de mettre en-
semble 1a soupe et la bouillie et de les pren-
dre à même l'assiette. Le linge dans les la-
voirs est lavé sans savon deux lois par
mois. Dans le linge blanchi, on trouve des
poux et des lentes, Certains matelas sont
pourris, car les toiles cirées font défaut et
beaucoup d'enfants souffrent d'incontinence
d'urine.
Et il s'agit là d'une école modèle. Qu'on
fuge de celles qui ne le sont pas !
Abats et abri
Nos lecteurs seront certainement heureux
d'apprendre que, par une décision récente
du conseil municipal, le droit d'abri perçu
dans les marchés a subi d'importantes mo-
difications.
C'est ainsi que /e droit d'abri sur les
huîtres sera calculé à l'avenir au poids et
non à la centaine.
Le droit d'abri sur l'abat complet de veau
est supprimé.
Le droit, d'abri sur la fressure de veau
comprenant le mou, le foie et le ris est fixé
à 0 fr. 55.
A la liste des abats divers de la triperie
assujettis à un droit d'abri à la pièce sont
ajoutés les rognons de porc, qui seront
frappés d'un droit de 0 fr. 20 par lot de six
rognons..
Que l'on vienne nier, après cela, que nos
édiles Mt' s occupent pas de nos intérêts.
Médailles malgaches
Nos indigènes (k Madagascar sont très
sensibles aux distinctions honorifiques.
Dans la. colonie, une médaille du mérita
a été créée, il y a quelques années, pour
ceux qui, se montraient •particulièrement
dignes d'être honorés.
Afin d'exciter le z-èle des travailleurs in*
digènes, le gouverneur général, vient d'ins-
tituer des médailles dlLi travail de pre-
mière classe (a'T'(lf'nl) et d( deuxième elas-
se (bronze) en faveur de ceux qui auront
tuwvi pendant, un grand, nombre d'années,
chez un même employeur. Ces médailles sâ
porteront sur la poitrine, suspendues à un
ruban rouge lisér de jaune.
Il n'est pas douteux que le désir de les
obtenir n'incite les ouvriers et employés
malgaches à rester plusieurs années chez
les mêmes patrons.
Il n'il a- pas, d'ailleurs, que. les nègres
qui aiment les décorations. Demandes plU.
tôt aux. lfl/cI'IUe vingt mille qnémandC'lU's
de palmes académiques dont les dossiers
dorment dans les cartons de M. Léon lié*
rard.
Le Tapin.
Pour faire plaisir à Saint-François
C'est en invoquant saint l/rynyois que le
pape vient de jeter l'anatJième contre l'im-
piudicité de la toilette féminine. ,
A l'occasion du septième centenaire du
tiers ordre franciscain, le pape sévit contre
deux maux, les plus granus de l'époque ac-
tuelle : l'insatiable avidité .de posséder et la
6oit jamais satisfaite d'e plaisir.
De là naissent les luttes continuelles -en-
tre riches et pauvres ; de là jaillit aussi l'im-
pudeur des décolletés outranciers.
D'accord, quant au principe et à la phi-
losophie des préceptes du Saint-Siège. Une
fois n'est pas coutume !
Mais le Vatican est-il donc si peu psycho-
logue de s'imaginer que c'est en invoquant
saint François qu'il convertira les belles
pécheresses ?
Entre le sage qui fit profession d'humilité
et de pauvreté et le galbe d'un mollet bien
cambré, il est à craindre qu'elles hésitent.
Ce n'est pas avec des évocations, même
bien intentionnées, qu'on peut, de nos jours,
convaincre les faibles mortels !
♦ »IM» » ■ ■
La main de l'Allemagne
à l'origine du bolchevisme
Dans la Gazette de Lausanne, M. Mau-
rice Muret rappelle une série de laits que
nous avons trop tendance à oublier : c'est
l'Allemagne qui, au cours de la guerre,
pour annihiler le: soutien que nous appor-
tait alors la Russie monarchiste, mit tout
en œuvre pour créer la puissance bolelic-
viste
« Guillaume II, 'dit M. Maurice Muret,
a servi de parrain à Lénine, la chose est
désormais prouvée. Le socialiste allemand
Bernstein l'a déclaré après le général alle-
mand Hotmann. Il est avéré que le gouver-
nement de Guillaume a remis à Lénine
pour organiser, si l'on peut dire, le ù>olohe-
visme-nihiliste,cinquante millions de marks-
or. C'est donc le kaisérisme qui a donné au
monde le bolchevisme. Cette horreur-ci est
née do cette horreur. -
Et comme l'arme est à doubi tranchant,
les Boches invoquent aujourd'hui auprès
des Alliés les dangers de la révolution russe
pour conserver, malgré le tuaité de Versail-
les. une armée nombreuse et une police
puissante.
Preuv-c nouvelle de leur mauvaise foi
qu'il n'est pas inutile de rappeler.
Un journal de Brcslau, le Volkswacht,
rappelait d'ailleurs, il y a quelques jours,
qu'il n'y a plus de doute à avoir sur les
millions touchés par Lénine. Dans le train
plombé qui les transporta en Russie se
trouvaient non seulement le dictateur russe,
mais aussi le fameux Radek.
Or, ce dernier était alors déserteur au-
trichien et, d'après les lois en vigueur, de-
vait être dirigé vers l'Autriche. Le gouver-
nement allemand, lui faisant prendre quand
môme le chemin de la Russie, savait 3)'ien
ce qu'il faisait..
Le Volkswacht conseille aux prolétaires
de penser à la part qu'a prise l'état-major
allemand dans le développement bolehevis-
te russe et termine ainsi l'article : « Sans
Ludendorff, il n'y aurait pas de Lénine. »
Si les Allemands doivent y penser, que de
raisons pour nous-mêmes de nous en sou-
venir
LA QUESTION POLONAISE
L'armée polonaise : le commandement — les
états-majors - le favoritisme et l'embusquage.
Dans le tableau que nous avons brossé
de la situation matérielle et morale de
l'armée polonaise, nous avons montré que
c'est à l'imperfection des cadres que sont
dus les principaux défauts de l'organisa-
tion militaire.
Ces inconvénients sont accentués encore
par l'existence d'états-majors trop nom-
breux et la plupart du temps inutiles :
En juillet dernier, un officier polonais
me confiait que la Pologne avait, en chiffre
rond, 26.000 officiers dont 20.000 dans les
ministères, les états-majors et les grands
services ; 4.000 dans les services des corps
de troupe et iUXK) exerçant réellement un
commandement d'unité.
Aux heures graves d'août, alors que les
soldats sans cadres fuyaient, le D. O. G.
(état-major de région territoriale) de Var-
sovie comptait 330 officiers, celui de Posen
285, celui de Graudenz 215, etc. Tous ces
officiers, désœuvrés, flânaient dans les
rues, les cafés, les confiseries. Le 11 août,
à 1 h. 30 de l'après-midi, à Varsovie, me
rendant de l'hôte.] où je logeais aux bu-
reaux de l'état-major du gouverneur, j'ai
compté, sur un parcours d'environ 1.500
mètres, 131 officiers, dont 8 généraux et
71 officiers d'état-major, se promenant dans
la ville. A ce moment les Russes étaient
à 30 kilomètres de Varsovie, dont la prise
semblait inévitable.
Outre les états-majors pléthoriques, il y
avait aussi d'innombrables « embusqués l'.
Les embusqués
A Posen, le major B kû est agent de
liaison entre l'état-major Haller et 1 élat-
mujor Dowbor. bien que ces états-majors
soient supprimés depuis six mois.
A Graudenz, le général Pr ski, en ciij.
grttce et. sans emploi, dispose d'un aide de
camp, âgé de 2S ans, dont les fondions
consistent à accompagner son général dans
ses promenades quotidiennes. Sous-lieute-
nant au mois de murs. cet officier était ca-
pitaine' en octobre, sans avoir quitté Grau-
dcnz.
Limogé, le général n..a. revient résider
à Graudenz, où il se livre à une propagande
antifrançaise effrénée. Pendant six semai-
nes il roule en automobile, flanqué de deux
aides de camp.
, Toujours fi Graudenz, le lieutenanf-colo-
nel B.a , chargé de la revente des juments
pleines, a six adjoints ; personnellement,
Il reste parfois 15 jours sans sortir de son
hôtel.
Bien entendu, l'officier d'état-major ne
doit pas être versé dans la troupe. Il ne.
se passe pas de jours sans que l'ancien
chef d'état-major du général Haller, le co-
lonel M ki, ne se plaigne de l'injustice
que l'on a commise à son endroit en le
nommant au commandement d'un régi-
ment de cavalerie. II a 34 ans.
Formalisme inutile
L'ignorance, la puérilité et l'orgueil de
(ces officiers d'état-major déconcertent ;
tout le service d'état-major consiste pour
eux en un travail de chancellerie compli-
qué à plaisir.
J'ai eu, à plusieurs reprises, à me faira
signer des laissez-passer pour circuler au-
tour de Varsovie. Il me fallait présenter
le document à un aide de camp du chef
d'état-major qui, après de nombreuses ques-
tions, le paraphait et le passait, dans la
pièce voisine, à un deuxième aide de camp
qui l'enregistrait sur un cahier ad hoc ;
j'étais alors introduit près du chef d'E.-M.
qui, après long et mûr examen, signait ;
de là, je passais chez un troisième-aide de
camp pour nouveau paraphe, chez un qua-
trième pour nouvel enregistrement. Finale-
ment un cinquième officier apposait le ca-
chet. Ce cérémonial exigeait chaque fois
3/i d'heure. Plusieurs laissez-passer furent
renvoyés parce qu'ils n'indiquaient pas le
culte du titulaire ; mon laissez-passer Jt..
sonnel me fut retourné une fois non signé,
car j'avais omis de mentionner que j'étais
marié.
Pareille puérilité se manifeste en tout, rn
Aiéine temps que l'absence de toute con-
naissance militaire. Je pnsse sous silence
les résistances que dut vaincre le général
Wcygand pour imposer son plan de ma-
nœuvre. J'espère quo 1a, vérité est enlin
connue sur ce point. Lorsqu'on entreprit la
mise en détende de Varsovie, les officiers
français eurent toutes les peines du monde
à faire comprendre aux Polonais qu'il fal-
lait, pour l'organisation en secteurs; tenir
compte des lignes et des formes du sol,
des moyens de '■iwiiniunientjon. rondes
existants, etc.
(La suite èn deuxième page),
v AU CHAMBRE
———— ?-
Répondant à M. André Tardieu
le Président du Conseil expose
les avantages de l'accord de Paris
————————— )- le-et» < —————————
AUX APPLAUDISSEMENTS DE LA CHAMBRE, IL
CRITIQUE LA MÉTHODE DES NÉGOCIATEURS DU TRAITÉ DE
VERSAILLES ET LES RESULTATS QU'ILS ONT OBTENUS
f »wl
Ce fut, hier, une grande
et belle séance. Les dépu-
tés se trouvaient au grand
complet sur leurs bancs.
Quant aux galeries du pu-
blic, elles étaient encore
plus combles que la veille.
Et personne n'eut de dé-
ception, car nous avons
assisté à un superbe duel
entre M. Briand et M.
Tardieu, duel qui ne se termina pas, je
dois le dire, à l'avantage de 4e dernier.
Je passe sur les broutilles du début de la
séance, et j'arrive tout de suite au fait
capital,, la suite de la discussion des inter-
pellations sur la politique extérieure et les
résultats de la Conférence de Paris.
M. Tardieu monte à la tribune et, fout
d'abord, résume son discours de la veille. Il
débute ainsi : -
M. André Tardieu. — Je me suis efforcé de
démontrer hier que l'accord de Faris avait
porté une triple atteinte au traité. 11 en change
les principes, en supprimant les catégories, les
moyens, en substituant les gouvernements à la
commission des réparations dans la fixation du
chiffre des indemnités, et les chiffres m«Vmes,
puisqu'il ramène notre créance de 201 à 71 mil-
liards. Ce chiffre., que des calculs plus serrés
réduisent encore, je veux m'y tenir, car il suf-
fit à étaycr ma démonstration.
Jai dit également que je ne trouvais, dans
l'accord de Paris, ni facilités de mobilisation de
la créance justifiant la réduction de cette créan-
ce, ni satisfaction d'aucune sorte, relativement,
par exemple, au pourcentage ou à un emprunt
international qui pourrait alléger notre trésore-
rie. J'ai ajouté, enfin, que l'accord était suscep-
tible d'inlluer fâcheusement, par répercussion,
sur nos garanties de sécurité.
Rompant avec les habitudes des interpel-
lateurs, il ne veut pas s'en tenir aux criti-
ques et il va formuler fi son tour ses sug-
gestions. Il n'a d'autre souci que d'amélio-
rer, dans la mesure du possible, des clau-
ses qui peuvent influer gravement sur l'a-
venir de notre pays.
Nous avons réglé, dit-il, tous nos actes sur
cette idée que les clauses financières du traité
ne sont pas exécutables. C'était la thèse alle-
mande de M. de Brokdorf-Rantzau, ce fut celte
de M. Keynes, ce fut aussi celle de certains écri-
vains français.
Que vaut cette thèse ?
M. Tardieu examine les clauses du traita
de Versailles en s'efforçant de démontrer
qu'il n'est, en aucune façon, inexécutable
mais il se demande si l'on a bien fait ce
qu'il fallait pour en assurer l'exécution, et,
sur ce point, il ne peut répondre par l'af-
firmative. On n'a pas su faire fonctionner
la commission des réparations. On aurait
dû l'installer, dès le début, à Berlin, pour
y contrôler le budget allemand. Or, elle n'y
réside que depuis six semaines. En appli-
quant le traité, les Alliés auraient pu, de-
puis un an, dégager les éléments d'une an-
nuité Allemande. Et l'orateur donne une
esquisse d'un programme qu'on aurait dû
présenter à nos alliés.
Mais, depuis une dizaine de mois, il faut
bien le: dire, il y a entre nous et l'Angle-
terre un malentendu regrettable.
M. Tardieu. — Depuis un an, nous ne nous
comprenons plus, parce que dans les négocia-
tions les Anglais n'ont pas l'impression de l'état
d'esprit qui règne dans notre pays et dans notre
Parlement.
Nous. Parlement, nous voulons l'exécution des
conditions imposées dans le traité, et depuis un
an, des conférences multiples se sont succédé
où il n'a été question que de modifier le traité.
Il eut fallu que le chef du gouvernement fran-
çais déclarât nettement que dans la modilication
du traité le Parlement ne le suivra plus. (Appl.
sur div. D.).
Aujourd'hui, quel paradoxe ! Ce sont les gens
de Berlin qui nous accusent de violer le traité,
de Versailles.
Si on avait donné aux Anglais l'impression de
l'état d'esprit reel du Parlement français, nous
ne serions pus dans cette situation.
Et M. Tardieu déclare qu'il eût préféré,
qu'on ne se pressât pas de conclure aussi
vite. Il eût mieux valu que les plénipoten-
tiaires quittassent, Paris sans conclure. La
Chambre semble surprise de cette sugges-
tion, mais M. Tardieu poursuit et demande
que l'accord de Paris conclu trop vite, se.
ion lui. soit repris et remanié.
Quels sont ces hommes?
Il y aura peut-être des difficultés, dit M
Tardieu. mais la vie est faite de difficultés.
Ce n'est pas en reculant qu'on le résout.
M. Tardieu va conclure, mais il prononce
une phrase qui éveille les susceptibilités de
M. Briand, et ce court dialogue s'institue :
M. Tardieu. — Rappelez-vous combien de fois,
pendant la guerre, des hommes, que je ne sus-
pecte pas, ont cru qu'il valait mieux ne pas
continuer, éviter les difficultés. Nous avons con
tinué..
M. le président du conseil. — Quels hommes
M. André Tardieu.. — Et nous avons quand
même eu la victoire.
M. le président du conseil. — Quels hommes 1
M. André Tardieu. — Beaucoup.
M. le président du conseil. - Entre autres)
Citez
M. André Tardieu. — Je crois n'avoir tien dit.
M. le président du conseil. - C'est pire !
(Mouvement.).
M. André Tardieu. — Je n'avais pas. dans
l'esprit la pensée Que je vois dans le vôtre. Mais
je lie révèle rien en disant qu'en 1917 vous avez
cru à des possibilités de' paix auxquelles, pouï
ma part, je ne croyais pas.
M. le président du conseil. — Oui ! (Applau-
dissements à l'extrême gauche.).
M. Charles Baron. — Si on l'avait suivi, il y
aurait en France moins de mères à pleurer !
M. André Tardieu. — Je n'ai, en tout cas, fait
àuctme insinuation.
M. le président du conseil. — Oui, comme ça,
c'est net ! Vous me permettez de vous répondre,
tandis que certaines choses dites d'une certaine
manière et interprêtées de certaines autres peu-
vent avoir d'autres conséquences. (Applaudisse-
ments et rires.)
M. André Tardieu. — Nous pouvons être en
désaccord sur des questions politiques, mais vous
ne pouvez pas faire que j'aie dit des choses que
je n'ai pas dites. L'insinuation n'est pas mon
genre.
M. le président du conseil. — Je vous ai aidé !
Il est impossible de décrire le ton de su-
prême ironie sur lequel M. Briand mur-
mure ces mots qui soulèvent les rires de
toute l'assemblée et M. Tardieu conclut :
M. André Tardieu. — Nous pouvons ratifier ce
soir l'accord de Paris, comme nous avons, en
juillet, approuvé celui de Spa. Mais, élus de la
nation, nous avons de lourdes responsabilités,
et il. faut en faire le compte.
Si dans vingt ans la France se retrouve obé-
rée en face d'une Allemagne intacte, repartant
à la conquête des marchés, et à la réalisation de
ses ambitions, notre responsabilité sera lourde.
M. Ybarnégaray. — La vôtre, monsieur Tar-
dieur ! (Mouvements divers.)
M. André Tardieu. — Dans la mesure où l'in-
terrupteur juge le traité de Versailles insuffi-
sant, je compte sur lui pour repousser un ac-
cord qui mutile ce traité. (Très bien ! très bien 1
au centre.)
Voulons-nous continuer à. suivre une politique
que j'ai uéclaré, aux applaudissements de la ma.
jorité. être une politique de marchandages —
celle de 1920 — ou voulons-nous donner au gou-
vernement des moyens d'action pour reprendre
et continuer des pourparlers qui, n'étant pas
ratifiés, né sont pas définitifs ?
Le problème est posé. A vous d'en décider.
Cette décision, je l'attends. (Applaudissements
au centre et sur divers bancs à gauche et à
droite.)
M. Tardieu a fini. A droite, sur quelques
bancs au centre, on applaudit tandis que
sur tous les bancs des gauches on reste de
glace.
Le discours de M. Briand
Il MA ROUTE CONDUIT A UNE IMPASSE ? OU L'AUTRE CONDUIT-
ELLE LA FRANCE ? QU'ON ME LE DISE, QU'ON APPORTE ICI UN
PROGRAMME. » x
Mais M. Briand demande la parole. Le
voilà à la tribune. La tête haute, le geste
sobre, mais la voix singulièrement forte et
mordante, tout de suite le président du con-
seil croise le fer contre M. Tardieu qu.'il
boutonne copieusement. Toute la Chambre
l'écoute avec une intense attention, et il
commence :
M. le président du conseil. — La Chambre me
permettra de fuire entre les diverses interpeI-
lations un sort particulier à celle de l'hono-
l'wblle M. Tardieu. Ella va au plus profond de
nos préoccupations ; elle porte sur l'accord do
Paris en ce qu'il règle les conditions de la réa-
lisation des réparations.
Je dois avouer ma naïveté. (Exclamations et
rires).
Une voix au centre. — Bien connue ! (On rit).
M. le président du conseil. — A l'annonce de
l'interpe'Haiion|dtrouvement. de joie. « M. Tardieu, me suis-je
dit, a été un des principaux artisans du traité
de Versailles, il en connait toutes les qualités,
et aussi tons les défauts, ies. Il sait à travers quelles difficultés les né-
gociations ont été conduites. 11 sera par con-
séquent indulgent pour iUlll hommè qui, ayant
à appliquer ce traité dans des conditions ùHli-
elles, l'a fait au mieux des intérêts du pays 1>.
.!\lilis voilà.! Je n'ai pas pensé que M. Tar-
dieu avait dépensé, au service de son æu,-re,
toute son indulgence et qu'il n'en restait plus
•pOiUr moi ! (Aipp!audis«e»iieii:l et rires).
A la tribune, hier et aujourd'hui, je n'ai plus
trouvé en lui qu'une force de critique, et,
quand M. Tardieu critique, il le fait avec son
caractère et son tempérament avec la manière
péremptoire qui admet a peine la discussion :
il pose des prémisses avec une rigueur catégo-
rique, établit des bases qu'il déclare lui-même
solides inébranlables, et quand il leur a donné
cette solidité, il construit vers le ciel un Q-
gniflque monument de critique.
Revenons à ces bases, et voyons si elles sont
aussi solides qu'il l'affirme,
Il a dit hier qu'il apportait sa part de collai
boration au gouvernement.
11 voudra bien admettre que je puis me dis.
penser de lui en savoir beaucoup de gré ; la
manière dont il a collaboré à laciliter m LaclHI
n'est pas de celles qui doivent lui attirer de ma
part une très grande reconnaissance. (On rit).
Je me rappelle la période dans laquelle M. *'
Tardieu était au gouvernement, la longue pé-
riode pendant laquelle il est resté en tête à fêta
avec nos alliés. C'était la meilleure ; nous cor*
tions de la guerre, victorieux, liers de nos <~"
crifices d'argent et de sang, les Alliés procla-
IIl/Üentqlle nous avions été la frontière de la
liberté, la France avait tout son rayonnement,
toute sa force. On pouvait alors obtenir beau'
coup de nos alliés. M. Tardieu avadt alors en
mains la cause de la France.
Le règlement des dettes n'était-il pas plus
facile alors qu'aujourd'hui ? f
Pour les pourcentages, les priorités, les privi-
lèges, n'était-il pas plus aisé de faire valoir non
droits qu'aujourd'hui ?
Le gouvernement avait alors en mains les ré-
sultats de la conférence économique réunie par
mes soins à Paris ; en tête, signée de tous les
alliés, y figurait une proclamation de solida-
rité et de privilège au profit des pays dévastés-
Qu estrelle devenue ?
Des difficultés sont nées avec les alliés,
la guerre faisait l'action commune, mais au
fur et à mesure que s'éloignait la guerre*
des intérêts divergents se sont faits jour, et
il était nécessaire de regrouper les intéréts
communs pour obtenir des résultats.
Hier, confiance absolue
Aujourd'hui, on peut discuter
Mais M. Tardieu s'est plaint de l'igno.
rance prétendue dans laquelle le gouverne-
Le numéro : QUINZE CENTIMES
SAMEDI 5 FEVRIER 1921. — No 18.319
Fondateurs (1869) :
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
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Un an Six mois Trois mois
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LEON ARCHIMBAUD
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Directeur: EDMOND DU MESNIL
TELEPHONES:
Rédaction et administration : Nord 24-90,24-91. — Après 10 i. fin soir : Gutenberg 00-70
TRIBUNE LIBRE
a'a
Des précisions et non des théories!
———————— ).- ( —————— =—
Le débat d'hier ne nous
a pas apporté sur la con-
férence de Paris de bien
grandes clartés. Nous eus-
sions souhaité entendre dis-
cuter les textes eux-mêms,
si évidemment incomplets,
afin de permettre d établir la liste des
questions qui -devront être soumises à
la réunion de Londres et de donner aux
négociateurs certaines directions. Mais,
en dehors de la brillante intervention
de M. Vincent Auriol, nous avons assisté
à un nouveau duel entre M. Briand
et M. Tardieu pour ou contre le traité.
®> » ®>
Poursuivant sa discussion de la
veille, et désifeux de ne pas s'en tenir
à des critiques, M Tardieu propose ses
suggestions personnelles. Pour lui, la
thèse qui a triomphé lors des discus-
sions de Paris est celle de M. Keynes ;
pour lui, le traité avait déjà, même par
une molle application, provoqué des
versements importants. Etait-ce l'ins-
tant d'y renoncer ? Fallait-il procéder
..ainsi au moment même où lçs experts
déclarant que l'Allemagne peut faire
face aux obligations du traité ?
M. Tardieu ClÎt voulu voir les Alliés
tirer parti des textes du traité pour
obliger l'Etat allemand à imposer aux
contribuables les charges nécessaires ;
il leur demande de ne pas renoncer au
gage général que le texte nous donne
sur l'ensemble de la production alle-
mande. La commission des réparations
eût dû prendre en main 4e contrôle du
budget, du commerce, de l'exportation,
du crédit allemand, organiser un régi-
me ordonné de livraisons en nature, de
façon à provoquer des importations qui
n'eussent pas fait tort à l'industrie na-
tionale. Il y. a eu là, dans le discours
de M. Tardieu, une partie vraiment
excellente, d'une analyse tout à fait
nerveuse et précise. Et il n'a pas été
moins vigoureux dans sa conclusion
lorsqu'il nous a montré que la confé-
rence avait pour résultat final de nous
faire accepter ce que, jusque là, nous
avions, malgré la sommation des Alle-
mands, refusé.
En résumé, pour l'interpellateur, l'ac-
cord de Paris, conclu trop vite, ne nous
apporte aucun avantage et nous impose
de lourds sacrifices. La 'modération de
la forme n'a pu faire illusion sur la
vivacité agressive de la dialectique ;
M. Briand ne s'y est pas trompé, en
s attardant à l'excès sur les formules
de réplique. Avec des duretés de forme
excessives, M. Briand a répandu que les
conseils de M. Tardieu eussent été plus
efficaces au moment de la discussion
des textes de Versailles et. qu'au demeu-
rant, les accords de Paris avaient sur-
tout le caractère de pourparlers.
« ®
Nous ne consentirons pas à dire que
le traité de Versailles n'est pas Vivant;
nous croyons que M. le président du
conseil a commis une imprudence en
prononçant cette formule que recueille-
ra, sans doute, l'Allemagne attentive.
Nous ne croyons pas non plus que l'on
puisse, comme l'a fait M. Briand, met-
tre en avant, même en se fondant sur
l'autorité des experts, des chiffres
comme ceux qu'il nous a donnés sur le
revenu produit par le 12 sur les ex-
portations dans les dernières années
d'application de l'accord. D'ici là, le
roi, l'âne ou moi. si l'Allemagne est
aussi riche dans quinze ans que le pré-
voient les experts de M. Briand, elle
POURRA payer. Mais cette richesse
supposera une puissance telle quelle
tic VOUDRA pas payer.
Que vont devenir ces annuités que dé-
termine l'accord de Paris ? Voilà, pour
nous, la question essentielle. La confé-
rence de Paris vaut mieux que la dé-
fense qui nous en a été présentée paï
M. Briand. Elle a déçu le gouvernement
allemand. Pourquoi ? Parce qu'elle
substitue au principe des paiements en
nature, sur lequel M. Scydoux et M.
Bergmann s'étaient presque mis f!'ac.
cord à Bruxelles, le principe tout nou.
veau de la taxe sur les exportations,
du contrôle sur le crédit et sur les doua-
nes. Le gouvernement allemand va pré-
senter à Londres des contre-proposi-
tions. C'est donc qu'il faut tenir ferme
sur l'accord de Paris. Au point où nous
en sommes (déjà !), notre principale, je
n'ose dire : nolre seule garantie, c'est
l'accord des Alliés. Sachons choisir et
préférer cela. Discutons dans les limites
de l'accord mais jusqu'à l'extrême limi-
te où se produirait, sinon une rupture,
du moins une interruption que nous re-
doutons plus que tout. Idéaliste, ce
dont je ne le blâme pas. M. Auriol croit
à la solution du formidable problème
par la solidarité internationale. Hélas 1
quand je vois les syndicats allemands
manœuvrer cette idée contre nous, je la
crois à la lois suspecte et fragile. Un
'i
jour viendra, s'il vient ; il n'est pas
venu.
Plus réaliste, nous nous bornerons à
demander qu'au lieu de nous battre en-
core pour ou centre le traité, nous nous
mettions d'accord pour tirer de la confé-
rence de Paris le maximum d'avanta-
ges. Moins de théories ; plus de discus-
sions pratiques sur la mobilisation 'de
la créance ou les dettes interalliées.
Quant à ce qui se passera entre la quin-
zième et la quarante-deuxième année,
vous n'en savez rien. Moi non plus.
Mais je pense qu'à ce moment notre
créance, quelle qu'art soit la forme, vau-
dra ce que vaudra j'état intérieur de
la France ; elle sera recouvrée dans la
mesure où sera maintenue l'Entente de
1918.
EDOUARD HERRIOT.
Député, maire de Lyon.
EDITORIAL -
tlors-d yoeuvrel"
C'est Herriot qui vous
parle de la séance de la
Chambre.
Quelle aubaine pour
tous. et pour moi.
Je pourrai donc aujour-
d'hui faire l'école buissonnière, faire
fi du traité de Versailles et de la Con-
férence de Paris, et des cotups de dents
de M. Tardieu, et des coups de grifles de
M. Briand, et des discours, des discours,
des discours, qui sont toujours les mê-
mes.
Tiens ! un « schapska » qui passe.
Suivons-le. En attendant Mardi gras,
c'esl Vendredi maigre, jour des Polo-
nais.
Ces vieux amis polonais, comme je
les ai aimés dans la Bibliothèque rose
de la comtesse de Ségur, née Rostop-
chine !
Adorable simplicité de ces temps déli-
cieux, où les anciens arias finissaient
par des danses nouvelles : polka, ma-
zurka, redow a, et cætera.
Je vois encore une lithographie qui
charma mon enfance. Dans un bal lJ1.l-
blic., un danseur fait V a.hri ration de
Vassistance par ses entrechats incomms.
Tout gourd, le garde municipal de ser-
dée. s'approche et le danseur de lui dé-
cocher. dans une pirouette :
Municipal, arrière !
Je danse la polka ;
C'est un danse étrangère :
Guizot doit aimer ça !
Ce. danseur, évidemment, était le
« blocard-nalional » de l'époque, qui
considérait déjà Guizot avec l'œil de
Léon Daudet.
Aujourd'hui nos bons amis polonais
n'improvisent plus de danses, mais des
généraux. C'est moins gai, et pour pré-
parer d'autres quadrilles.
Aussi j'ai appris sans plaisir que pour
distraire le général Sosnkowski — si
vous me permettez de m'exprimer ainsi
— ministre de la guerre de Pologne,
notre Protocole imbécile t'avait conduit-
voir des tanks et des auto-canons dans
les usines Renault.
Sans doute il faut savoir gré aux of-
ficiers généraux qui attendent la paix
pour voir de près des machines de
guerre. N'empêche qu'il ne faut pas
abuser de ces visites qui tournent tou-
jours mal pour la paume humanité.
Déjà, avant 1914, on nous fit. cette
mauvaise plaisanterie de conduire les
empereurs, les rois, les princes de Bul-
garie et d'ailleurs dans les usines du
Creusot. i
Ça leur donna l'idée d'acheter des ca-
nons te incomparables » et finalement de
jouer avec, contre nous.
Nos anciens alliés les Russes ont ainsi
de beaux obus français qu'ils envoient
— pour dire comme le camarade poilu
— sur « le coin de la barbaque » des Po-
lonais ; et nos nouveaux alliès polonais
ont de non moins beaux obus. français
pour répondre aux gracieusetés des
Russes.
De cette façon nous ne mécontentons
personne. Chacun en prend pour son
compte, el les métallurgistes font le
leur.
Tout de même vous verrez que nous
finirons par regretter les temps roman-
tiques où nos chers amis polonais « bu-
vaient des canons » plutôt que de les
ti>e"
EDMOND OU MÊSfriL.
(lÎ Lire le Rappel des 2, 3 et 4 février 1021.
On dit.
Aujourd'hui
Doux pays
L'école en Russie : dédié à MM. Fros-
sard et Cachin.
Le journal bolcheviste Pravda publie,
dans son numéro 6" le résultat de l'enquête
faite dans une école modèle (ancien Insti-
tut Elisabeth) :
Depuis un an, l'école a. reçu 167 millions
de roubles ; comment cet argent a été dé.
pensé, nul ne le sait. La comptabilité
n'existe pas. L'administrateur de l'infirmerie
ne la visite jamais plus d'une fois pur se-
maine. Il en résulte que sur vingt enfants
que la commission d'enquête a c;l;amm¿s,'
tous étaient pouilleux ; six avaient la gale
et un la syphilis, à l'état secondairc. Les
bains à l'infirmerie sont interdits. Les vitres
sont cussées, les murs couverts de toiles
d'araignées, les planchers ne sont jamais
lavés. les chaudrons à la cuisine sont pleins
de vert-de-gris et de rouille. Faute de cuil-
lères, les enfants sont obligés de mettre en-
semble 1a soupe et la bouillie et de les pren-
dre à même l'assiette. Le linge dans les la-
voirs est lavé sans savon deux lois par
mois. Dans le linge blanchi, on trouve des
poux et des lentes, Certains matelas sont
pourris, car les toiles cirées font défaut et
beaucoup d'enfants souffrent d'incontinence
d'urine.
Et il s'agit là d'une école modèle. Qu'on
fuge de celles qui ne le sont pas !
Abats et abri
Nos lecteurs seront certainement heureux
d'apprendre que, par une décision récente
du conseil municipal, le droit d'abri perçu
dans les marchés a subi d'importantes mo-
difications.
C'est ainsi que /e droit d'abri sur les
huîtres sera calculé à l'avenir au poids et
non à la centaine.
Le droit d'abri sur l'abat complet de veau
est supprimé.
Le droit, d'abri sur la fressure de veau
comprenant le mou, le foie et le ris est fixé
à 0 fr. 55.
A la liste des abats divers de la triperie
assujettis à un droit d'abri à la pièce sont
ajoutés les rognons de porc, qui seront
frappés d'un droit de 0 fr. 20 par lot de six
rognons..
Que l'on vienne nier, après cela, que nos
édiles Mt' s occupent pas de nos intérêts.
Médailles malgaches
Nos indigènes (k Madagascar sont très
sensibles aux distinctions honorifiques.
Dans la. colonie, une médaille du mérita
a été créée, il y a quelques années, pour
ceux qui, se montraient •particulièrement
dignes d'être honorés.
Afin d'exciter le z-èle des travailleurs in*
digènes, le gouverneur général, vient d'ins-
tituer des médailles dlLi travail de pre-
mière classe (a'T'(lf'nl) et d( deuxième elas-
se (bronze) en faveur de ceux qui auront
tuwvi pendant, un grand, nombre d'années,
chez un même employeur. Ces médailles sâ
porteront sur la poitrine, suspendues à un
ruban rouge lisér de jaune.
Il n'est pas douteux que le désir de les
obtenir n'incite les ouvriers et employés
malgaches à rester plusieurs années chez
les mêmes patrons.
Il n'il a- pas, d'ailleurs, que. les nègres
qui aiment les décorations. Demandes plU.
tôt aux. lfl/cI'IUe vingt mille qnémandC'lU's
de palmes académiques dont les dossiers
dorment dans les cartons de M. Léon lié*
rard.
Le Tapin.
Pour faire plaisir à Saint-François
C'est en invoquant saint l/rynyois que le
pape vient de jeter l'anatJième contre l'im-
piudicité de la toilette féminine. ,
A l'occasion du septième centenaire du
tiers ordre franciscain, le pape sévit contre
deux maux, les plus granus de l'époque ac-
tuelle : l'insatiable avidité .de posséder et la
6oit jamais satisfaite d'e plaisir.
De là naissent les luttes continuelles -en-
tre riches et pauvres ; de là jaillit aussi l'im-
pudeur des décolletés outranciers.
D'accord, quant au principe et à la phi-
losophie des préceptes du Saint-Siège. Une
fois n'est pas coutume !
Mais le Vatican est-il donc si peu psycho-
logue de s'imaginer que c'est en invoquant
saint François qu'il convertira les belles
pécheresses ?
Entre le sage qui fit profession d'humilité
et de pauvreté et le galbe d'un mollet bien
cambré, il est à craindre qu'elles hésitent.
Ce n'est pas avec des évocations, même
bien intentionnées, qu'on peut, de nos jours,
convaincre les faibles mortels !
♦ »IM» » ■ ■
La main de l'Allemagne
à l'origine du bolchevisme
Dans la Gazette de Lausanne, M. Mau-
rice Muret rappelle une série de laits que
nous avons trop tendance à oublier : c'est
l'Allemagne qui, au cours de la guerre,
pour annihiler le: soutien que nous appor-
tait alors la Russie monarchiste, mit tout
en œuvre pour créer la puissance bolelic-
viste
« Guillaume II, 'dit M. Maurice Muret,
a servi de parrain à Lénine, la chose est
désormais prouvée. Le socialiste allemand
Bernstein l'a déclaré après le général alle-
mand Hotmann. Il est avéré que le gouver-
nement de Guillaume a remis à Lénine
pour organiser, si l'on peut dire, le ù>olohe-
visme-nihiliste,cinquante millions de marks-
or. C'est donc le kaisérisme qui a donné au
monde le bolchevisme. Cette horreur-ci est
née do cette horreur. -
Et comme l'arme est à doubi tranchant,
les Boches invoquent aujourd'hui auprès
des Alliés les dangers de la révolution russe
pour conserver, malgré le tuaité de Versail-
les. une armée nombreuse et une police
puissante.
Preuv-c nouvelle de leur mauvaise foi
qu'il n'est pas inutile de rappeler.
Un journal de Brcslau, le Volkswacht,
rappelait d'ailleurs, il y a quelques jours,
qu'il n'y a plus de doute à avoir sur les
millions touchés par Lénine. Dans le train
plombé qui les transporta en Russie se
trouvaient non seulement le dictateur russe,
mais aussi le fameux Radek.
Or, ce dernier était alors déserteur au-
trichien et, d'après les lois en vigueur, de-
vait être dirigé vers l'Autriche. Le gouver-
nement allemand, lui faisant prendre quand
môme le chemin de la Russie, savait 3)'ien
ce qu'il faisait..
Le Volkswacht conseille aux prolétaires
de penser à la part qu'a prise l'état-major
allemand dans le développement bolehevis-
te russe et termine ainsi l'article : « Sans
Ludendorff, il n'y aurait pas de Lénine. »
Si les Allemands doivent y penser, que de
raisons pour nous-mêmes de nous en sou-
venir
LA QUESTION POLONAISE
L'armée polonaise : le commandement — les
états-majors - le favoritisme et l'embusquage.
Dans le tableau que nous avons brossé
de la situation matérielle et morale de
l'armée polonaise, nous avons montré que
c'est à l'imperfection des cadres que sont
dus les principaux défauts de l'organisa-
tion militaire.
Ces inconvénients sont accentués encore
par l'existence d'états-majors trop nom-
breux et la plupart du temps inutiles :
En juillet dernier, un officier polonais
me confiait que la Pologne avait, en chiffre
rond, 26.000 officiers dont 20.000 dans les
ministères, les états-majors et les grands
services ; 4.000 dans les services des corps
de troupe et iUXK) exerçant réellement un
commandement d'unité.
Aux heures graves d'août, alors que les
soldats sans cadres fuyaient, le D. O. G.
(état-major de région territoriale) de Var-
sovie comptait 330 officiers, celui de Posen
285, celui de Graudenz 215, etc. Tous ces
officiers, désœuvrés, flânaient dans les
rues, les cafés, les confiseries. Le 11 août,
à 1 h. 30 de l'après-midi, à Varsovie, me
rendant de l'hôte.] où je logeais aux bu-
reaux de l'état-major du gouverneur, j'ai
compté, sur un parcours d'environ 1.500
mètres, 131 officiers, dont 8 généraux et
71 officiers d'état-major, se promenant dans
la ville. A ce moment les Russes étaient
à 30 kilomètres de Varsovie, dont la prise
semblait inévitable.
Outre les états-majors pléthoriques, il y
avait aussi d'innombrables « embusqués l'.
Les embusqués
A Posen, le major B kû est agent de
liaison entre l'état-major Haller et 1 élat-
mujor Dowbor. bien que ces états-majors
soient supprimés depuis six mois.
A Graudenz, le général Pr ski, en ciij.
grttce et. sans emploi, dispose d'un aide de
camp, âgé de 2S ans, dont les fondions
consistent à accompagner son général dans
ses promenades quotidiennes. Sous-lieute-
nant au mois de murs. cet officier était ca-
pitaine' en octobre, sans avoir quitté Grau-
dcnz.
Limogé, le général n..a. revient résider
à Graudenz, où il se livre à une propagande
antifrançaise effrénée. Pendant six semai-
nes il roule en automobile, flanqué de deux
aides de camp.
, Toujours fi Graudenz, le lieutenanf-colo-
nel B.a , chargé de la revente des juments
pleines, a six adjoints ; personnellement,
Il reste parfois 15 jours sans sortir de son
hôtel.
Bien entendu, l'officier d'état-major ne
doit pas être versé dans la troupe. Il ne.
se passe pas de jours sans que l'ancien
chef d'état-major du général Haller, le co-
lonel M ki, ne se plaigne de l'injustice
que l'on a commise à son endroit en le
nommant au commandement d'un régi-
ment de cavalerie. II a 34 ans.
Formalisme inutile
L'ignorance, la puérilité et l'orgueil de
(ces officiers d'état-major déconcertent ;
tout le service d'état-major consiste pour
eux en un travail de chancellerie compli-
qué à plaisir.
J'ai eu, à plusieurs reprises, à me faira
signer des laissez-passer pour circuler au-
tour de Varsovie. Il me fallait présenter
le document à un aide de camp du chef
d'état-major qui, après de nombreuses ques-
tions, le paraphait et le passait, dans la
pièce voisine, à un deuxième aide de camp
qui l'enregistrait sur un cahier ad hoc ;
j'étais alors introduit près du chef d'E.-M.
qui, après long et mûr examen, signait ;
de là, je passais chez un troisième-aide de
camp pour nouveau paraphe, chez un qua-
trième pour nouvel enregistrement. Finale-
ment un cinquième officier apposait le ca-
chet. Ce cérémonial exigeait chaque fois
3/i d'heure. Plusieurs laissez-passer furent
renvoyés parce qu'ils n'indiquaient pas le
culte du titulaire ; mon laissez-passer Jt..
sonnel me fut retourné une fois non signé,
car j'avais omis de mentionner que j'étais
marié.
Pareille puérilité se manifeste en tout, rn
Aiéine temps que l'absence de toute con-
naissance militaire. Je pnsse sous silence
les résistances que dut vaincre le général
Wcygand pour imposer son plan de ma-
nœuvre. J'espère quo 1a, vérité est enlin
connue sur ce point. Lorsqu'on entreprit la
mise en détende de Varsovie, les officiers
français eurent toutes les peines du monde
à faire comprendre aux Polonais qu'il fal-
lait, pour l'organisation en secteurs; tenir
compte des lignes et des formes du sol,
des moyens de '■iwiiniunientjon. rondes
existants, etc.
(La suite èn deuxième page),
v AU CHAMBRE
———— ?-
Répondant à M. André Tardieu
le Président du Conseil expose
les avantages de l'accord de Paris
————————— )- le-et» < —————————
AUX APPLAUDISSEMENTS DE LA CHAMBRE, IL
CRITIQUE LA MÉTHODE DES NÉGOCIATEURS DU TRAITÉ DE
VERSAILLES ET LES RESULTATS QU'ILS ONT OBTENUS
f »wl
Ce fut, hier, une grande
et belle séance. Les dépu-
tés se trouvaient au grand
complet sur leurs bancs.
Quant aux galeries du pu-
blic, elles étaient encore
plus combles que la veille.
Et personne n'eut de dé-
ception, car nous avons
assisté à un superbe duel
entre M. Briand et M.
Tardieu, duel qui ne se termina pas, je
dois le dire, à l'avantage de 4e dernier.
Je passe sur les broutilles du début de la
séance, et j'arrive tout de suite au fait
capital,, la suite de la discussion des inter-
pellations sur la politique extérieure et les
résultats de la Conférence de Paris.
M. Tardieu monte à la tribune et, fout
d'abord, résume son discours de la veille. Il
débute ainsi : -
M. André Tardieu. — Je me suis efforcé de
démontrer hier que l'accord de Faris avait
porté une triple atteinte au traité. 11 en change
les principes, en supprimant les catégories, les
moyens, en substituant les gouvernements à la
commission des réparations dans la fixation du
chiffre des indemnités, et les chiffres m«Vmes,
puisqu'il ramène notre créance de 201 à 71 mil-
liards. Ce chiffre., que des calculs plus serrés
réduisent encore, je veux m'y tenir, car il suf-
fit à étaycr ma démonstration.
Jai dit également que je ne trouvais, dans
l'accord de Paris, ni facilités de mobilisation de
la créance justifiant la réduction de cette créan-
ce, ni satisfaction d'aucune sorte, relativement,
par exemple, au pourcentage ou à un emprunt
international qui pourrait alléger notre trésore-
rie. J'ai ajouté, enfin, que l'accord était suscep-
tible d'inlluer fâcheusement, par répercussion,
sur nos garanties de sécurité.
Rompant avec les habitudes des interpel-
lateurs, il ne veut pas s'en tenir aux criti-
ques et il va formuler fi son tour ses sug-
gestions. Il n'a d'autre souci que d'amélio-
rer, dans la mesure du possible, des clau-
ses qui peuvent influer gravement sur l'a-
venir de notre pays.
Nous avons réglé, dit-il, tous nos actes sur
cette idée que les clauses financières du traité
ne sont pas exécutables. C'était la thèse alle-
mande de M. de Brokdorf-Rantzau, ce fut celte
de M. Keynes, ce fut aussi celle de certains écri-
vains français.
Que vaut cette thèse ?
M. Tardieu examine les clauses du traita
de Versailles en s'efforçant de démontrer
qu'il n'est, en aucune façon, inexécutable
mais il se demande si l'on a bien fait ce
qu'il fallait pour en assurer l'exécution, et,
sur ce point, il ne peut répondre par l'af-
firmative. On n'a pas su faire fonctionner
la commission des réparations. On aurait
dû l'installer, dès le début, à Berlin, pour
y contrôler le budget allemand. Or, elle n'y
réside que depuis six semaines. En appli-
quant le traité, les Alliés auraient pu, de-
puis un an, dégager les éléments d'une an-
nuité Allemande. Et l'orateur donne une
esquisse d'un programme qu'on aurait dû
présenter à nos alliés.
Mais, depuis une dizaine de mois, il faut
bien le: dire, il y a entre nous et l'Angle-
terre un malentendu regrettable.
M. Tardieu. — Depuis un an, nous ne nous
comprenons plus, parce que dans les négocia-
tions les Anglais n'ont pas l'impression de l'état
d'esprit qui règne dans notre pays et dans notre
Parlement.
Nous. Parlement, nous voulons l'exécution des
conditions imposées dans le traité, et depuis un
an, des conférences multiples se sont succédé
où il n'a été question que de modifier le traité.
Il eut fallu que le chef du gouvernement fran-
çais déclarât nettement que dans la modilication
du traité le Parlement ne le suivra plus. (Appl.
sur div. D.).
Aujourd'hui, quel paradoxe ! Ce sont les gens
de Berlin qui nous accusent de violer le traité,
de Versailles.
Si on avait donné aux Anglais l'impression de
l'état d'esprit reel du Parlement français, nous
ne serions pus dans cette situation.
Et M. Tardieu déclare qu'il eût préféré,
qu'on ne se pressât pas de conclure aussi
vite. Il eût mieux valu que les plénipoten-
tiaires quittassent, Paris sans conclure. La
Chambre semble surprise de cette sugges-
tion, mais M. Tardieu poursuit et demande
que l'accord de Paris conclu trop vite, se.
ion lui. soit repris et remanié.
Quels sont ces hommes?
Il y aura peut-être des difficultés, dit M
Tardieu. mais la vie est faite de difficultés.
Ce n'est pas en reculant qu'on le résout.
M. Tardieu va conclure, mais il prononce
une phrase qui éveille les susceptibilités de
M. Briand, et ce court dialogue s'institue :
M. Tardieu. — Rappelez-vous combien de fois,
pendant la guerre, des hommes, que je ne sus-
pecte pas, ont cru qu'il valait mieux ne pas
continuer, éviter les difficultés. Nous avons con
tinué..
M. le président du conseil. — Quels hommes
M. André Tardieu.. — Et nous avons quand
même eu la victoire.
M. le président du conseil. — Quels hommes 1
M. André Tardieu. — Beaucoup.
M. le président du conseil. - Entre autres)
Citez
M. André Tardieu. — Je crois n'avoir tien dit.
M. le président du conseil. - C'est pire !
(Mouvement.).
M. André Tardieu. — Je n'avais pas. dans
l'esprit la pensée Que je vois dans le vôtre. Mais
je lie révèle rien en disant qu'en 1917 vous avez
cru à des possibilités de' paix auxquelles, pouï
ma part, je ne croyais pas.
M. le président du conseil. — Oui ! (Applau-
dissements à l'extrême gauche.).
M. Charles Baron. — Si on l'avait suivi, il y
aurait en France moins de mères à pleurer !
M. André Tardieu. — Je n'ai, en tout cas, fait
àuctme insinuation.
M. le président du conseil. — Oui, comme ça,
c'est net ! Vous me permettez de vous répondre,
tandis que certaines choses dites d'une certaine
manière et interprêtées de certaines autres peu-
vent avoir d'autres conséquences. (Applaudisse-
ments et rires.)
M. André Tardieu. — Nous pouvons être en
désaccord sur des questions politiques, mais vous
ne pouvez pas faire que j'aie dit des choses que
je n'ai pas dites. L'insinuation n'est pas mon
genre.
M. le président du conseil. — Je vous ai aidé !
Il est impossible de décrire le ton de su-
prême ironie sur lequel M. Briand mur-
mure ces mots qui soulèvent les rires de
toute l'assemblée et M. Tardieu conclut :
M. André Tardieu. — Nous pouvons ratifier ce
soir l'accord de Paris, comme nous avons, en
juillet, approuvé celui de Spa. Mais, élus de la
nation, nous avons de lourdes responsabilités,
et il. faut en faire le compte.
Si dans vingt ans la France se retrouve obé-
rée en face d'une Allemagne intacte, repartant
à la conquête des marchés, et à la réalisation de
ses ambitions, notre responsabilité sera lourde.
M. Ybarnégaray. — La vôtre, monsieur Tar-
dieur ! (Mouvements divers.)
M. André Tardieu. — Dans la mesure où l'in-
terrupteur juge le traité de Versailles insuffi-
sant, je compte sur lui pour repousser un ac-
cord qui mutile ce traité. (Très bien ! très bien 1
au centre.)
Voulons-nous continuer à. suivre une politique
que j'ai uéclaré, aux applaudissements de la ma.
jorité. être une politique de marchandages —
celle de 1920 — ou voulons-nous donner au gou-
vernement des moyens d'action pour reprendre
et continuer des pourparlers qui, n'étant pas
ratifiés, né sont pas définitifs ?
Le problème est posé. A vous d'en décider.
Cette décision, je l'attends. (Applaudissements
au centre et sur divers bancs à gauche et à
droite.)
M. Tardieu a fini. A droite, sur quelques
bancs au centre, on applaudit tandis que
sur tous les bancs des gauches on reste de
glace.
Le discours de M. Briand
Il MA ROUTE CONDUIT A UNE IMPASSE ? OU L'AUTRE CONDUIT-
ELLE LA FRANCE ? QU'ON ME LE DISE, QU'ON APPORTE ICI UN
PROGRAMME. » x
Mais M. Briand demande la parole. Le
voilà à la tribune. La tête haute, le geste
sobre, mais la voix singulièrement forte et
mordante, tout de suite le président du con-
seil croise le fer contre M. Tardieu qu.'il
boutonne copieusement. Toute la Chambre
l'écoute avec une intense attention, et il
commence :
M. le président du conseil. — La Chambre me
permettra de fuire entre les diverses interpeI-
lations un sort particulier à celle de l'hono-
l'wblle M. Tardieu. Ella va au plus profond de
nos préoccupations ; elle porte sur l'accord do
Paris en ce qu'il règle les conditions de la réa-
lisation des réparations.
Je dois avouer ma naïveté. (Exclamations et
rires).
Une voix au centre. — Bien connue ! (On rit).
M. le président du conseil. — A l'annonce de
l'interpe'Haiion|dtrouvement. de joie. « M. Tardieu, me suis-je
dit, a été un des principaux artisans du traité
de Versailles, il en connait toutes les qualités,
et aussi tons les défauts,
gociations ont été conduites. 11 sera par con-
séquent indulgent pour iUlll hommè qui, ayant
à appliquer ce traité dans des conditions ùHli-
elles, l'a fait au mieux des intérêts du pays 1>.
.!\lilis voilà.! Je n'ai pas pensé que M. Tar-
dieu avait dépensé, au service de son æu,-re,
toute son indulgence et qu'il n'en restait plus
•pOiUr moi ! (Aipp!audis«e»iieii:l et rires).
A la tribune, hier et aujourd'hui, je n'ai plus
trouvé en lui qu'une force de critique, et,
quand M. Tardieu critique, il le fait avec son
caractère et son tempérament avec la manière
péremptoire qui admet a peine la discussion :
il pose des prémisses avec une rigueur catégo-
rique, établit des bases qu'il déclare lui-même
solides inébranlables, et quand il leur a donné
cette solidité, il construit vers le ciel un Q-
gniflque monument de critique.
Revenons à ces bases, et voyons si elles sont
aussi solides qu'il l'affirme,
Il a dit hier qu'il apportait sa part de collai
boration au gouvernement.
11 voudra bien admettre que je puis me dis.
penser de lui en savoir beaucoup de gré ; la
manière dont il a collaboré à laciliter m LaclHI
n'est pas de celles qui doivent lui attirer de ma
part une très grande reconnaissance. (On rit).
Je me rappelle la période dans laquelle M. *'
Tardieu était au gouvernement, la longue pé-
riode pendant laquelle il est resté en tête à fêta
avec nos alliés. C'était la meilleure ; nous cor*
tions de la guerre, victorieux, liers de nos <~"
crifices d'argent et de sang, les Alliés procla-
IIl/Üentqlle nous avions été la frontière de la
liberté, la France avait tout son rayonnement,
toute sa force. On pouvait alors obtenir beau'
coup de nos alliés. M. Tardieu avadt alors en
mains la cause de la France.
Le règlement des dettes n'était-il pas plus
facile alors qu'aujourd'hui ? f
Pour les pourcentages, les priorités, les privi-
lèges, n'était-il pas plus aisé de faire valoir non
droits qu'aujourd'hui ?
Le gouvernement avait alors en mains les ré-
sultats de la conférence économique réunie par
mes soins à Paris ; en tête, signée de tous les
alliés, y figurait une proclamation de solida-
rité et de privilège au profit des pays dévastés-
Qu estrelle devenue ?
Des difficultés sont nées avec les alliés,
la guerre faisait l'action commune, mais au
fur et à mesure que s'éloignait la guerre*
des intérêts divergents se sont faits jour, et
il était nécessaire de regrouper les intéréts
communs pour obtenir des résultats.
Hier, confiance absolue
Aujourd'hui, on peut discuter
Mais M. Tardieu s'est plaint de l'igno.
rance prétendue dans laquelle le gouverne-
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