Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1926-07-03
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 03 juillet 1926 03 juillet 1926
Description : 1926/07/03 (N20315). 1926/07/03 (N20315).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/02/2013
15 MESSIDOR. AN 134. — N* 20.315
Le Numéro : VINGT-CINQ CENTIMES
SAMEDI 3 JUILLET 1926. — N° 20.315
Fondateurs (1869).
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
^bAii^jN J >.
Ci sa SIX lIois Trot. IIItll
Seine & S.-et-Oise 40 21* I I 1
FRANCE et Colonies 45 23 12
Ltsaxgeb 75 38 20,
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Fondateurs (1869) :
VICTOR HUGO *
AUGUSTE VACQUERIE
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TRIBUNE LIBRE
Bêtes ou lâches?
>> c , ,
Il n'est pas défendu d'avoir des amis
députes, sénateurs ou ministres et jouis-
sant de cette apparence de pouvoir, de
cette ombre de royauté qui est 1 apanage
splendide de neuf cents avocats, notaires
ou médecins. Il est même conseillé par
un juste souci d'hygiène d avoir de tels
amis. C'est qu'ils se promènent dans nos
rues avec l'aimable sourire de renards
traînant à leur queue sanglante des
pièges décrochés, ou pour le moins de
chiens galopant, la casserole au derrière,
et que de tels spectacles sont tout à fait
aptes à dilater la rate, provoquer le rire
inextinguible et faciliter en conséquence
une multitude de fonctions.
Hier, l'un d'eux me disait :
— Vous avez tort, mon ami, de crier
â l'incompétence du Parlement. Ce Par-
lement n'est pas composé d'imbéciles. Il
y a dans son sein pas mal de techniciens,
un bon nombre d'intelligences averties,
des lettrés, des esprits critiques et mê-
, me, si l' on cherchait bien, quelques dou-
blures d'homme d'Etat.
Moi. — Pas possible.
Lui. — Mais si, mais si. Notez bien que
le contraire serait surprenant. Ce n'est
d'ailleurs point le Parlement qui produit
ces fruits honnêtes et dont certains sont
savoureux, c'est le Pays. Mais l'air du
Parlement, malheureusement, avouons-
le, semble avoir une détestable influen-
ce sur nos intelligences.
Moi. — Nous y voilà.
Lui. — Détestable, mais pas dans le
sens que vous indiquez avec si peu de
respeçt pour nos institutions. Lé Parle-
ment n'abêtit pas les hommes, il cor-
rompt les caractères. II n'est pas une éco-
le de bêtise, mais une école de lâcheté.
Moi. — Voilà qui n'est pas pour me
déplaire.
Lui. — Oh! nous sommes lâches, mon
ami, nous sommes lâches, mais à un
point que vous ne sauriez imaginer. Il
n'y a pas d'échine qui vaille la nôtre en
souplesse, pas de cœurs qui soient plus
remplis d'effroi, pas d'entrailles que la
moindre menace mette plus naturelle-
ment en mouvement. Nous sommes le
Conservatoire de la peur.
Moi. — Comme j'admire votre esprit
d'observation!
Lui. — Que voulez-vous, je n'ai que
cela à faire, observer; alors, je m'en
donne à cœur joie. Je me suis longtemps
demandé si les ministres étaient plus cou-
rageux que les députés ou les députés
que les ministres. Je crois que les dépu-
tés sont encore un peu moins lâches que
lés ministres. C'est ce qui m'a d'ailleurs
fait penser que ceux-ci devraient être
choisis en dehors du Parlement.
Moi. - Bon! et les députés ren-
voyés.
Lui. — Si vous voulez, encore que leur
présence soit bien nécessaire pour don-
ner au pays une haute idée de lui-mê-
me.
Moi. — Vous voulez insinuer qu'ils
jouent fort bien le rôle de l'ilote ivre.
Lui. — Exactement. J'irai jusqu'à dire
, que nous le jouons, mes collègues et moi,
beaucoup trop bien. Car je sais votre dé-
goût, et j' appréhende que vous le mani-
festiez trop vite, et que, par souci de pro-
preté, par désir de vous tirer du bour-
bier, vous ne vous remettiez aux premiè-
res mains venues. J' ai grand peur que le
fascisme et le communisme ne soient en-
core seuls à exercer un vif attrait sur les
cervelles françaises.
Moi. — Pourtant, on dit que vous vou-
lez nous livrer pieds et poings liés à l'A-
mérique. Avouez que nous n'avons pas
de temps à perdre. Si le Parlement, que
vous dites plus courageux que les minis-
tres, osait prendre la tête d'un vigoureux
mouvement national en vue de l'indépen-
dance !
Lui. — Hélas, il n'y faut point comp-
ter.
Moi. -- Peufc-pn espérer qu'il légiti-
mera l'effort d'un groupe de républi-
cains fondant, hors du Parlement, un
gouvernement de Salut Public et qu'il
donnera, avant de se retirer, à ce gou-,
yernement, une existence légale
Lui. — Oui, certes, mais à n'importe
quel gouvernement.
Moi. — A n'importe lequel ?
Lui. — A n'importe lequel, pourvu que
ce groupe de trois ou de dix personnes
ait en mains un fouet. Le Parlement
dira : oui, oui, oui au premier fou venu
qui saura ce que c'est qu'une trique.
Moi. — Vous m'ouvrez des horizons.
Lui. — Hélas! ils sont sans beauté.
Nous avons déjà à choisir entre l' esclava-
ge américain ou bien une guerre qui nous
ruinera. Je vous offre aujourd'hui la con-
tinuation du désordre ou bien une tyran-
nie. Vous me voyez confus.
Moi. — Je vous vois surtout, mon cher
ami, à peu près aussi peureux devant les
événements que devant les ministres.
Heureusement que nous sommes quel-
ques-uns qui, d'un côté, n'accepterons
jamais l'esclavage, et qui, d'un autre cô-
té, ne voulons ni les Soviets ni Bonaparte.
Lui. — Et. êtes-vous nombreux ?
Moi. - Les trois-quarts du Pays.
Pierre DOMINIQUE.
EDITORIAL
Partie décisive
La bataille contre le franc
— et contre la France —
fait rage. Elle déborde le
terrain financier. Elle affecte
un caractère national.
En effet, les mesures que
prèndrâ le gouvernement au.
ront non seulement une répercussion
financière mais une influence - peut-
être irrémédiable — sur la richesse, l'in-
dépendance, le destin même de notre
pays.
Il ne s'agit donc pas — le péril pres-
sant - d'engager des discussions par-
lementaires interminables, mais non plus
de prendre des résolutions d'une gra-
vité exceptionnelle, dans la précipitation,
et sous le boisseau.
La question la plus redoutable, à mon
humble avis, est de déterminer précisé-
ment si la France peut sortir seule de
cette cruelle aventure, ou si elle devra
rechercher le concours, sinon subir la
suzeraineté de l'étranger.
Cette hypothèse est pour glacer le
cœur de tout « franc patriote », pour
parler comme Ceux de la Convention
nationale. l#
Avant que de se résigner à pareille
contrainte, il faudra qu'un clair débat,
poussé au fond, apporte la preuve irré-
cusable qu'il n'est point d'autre moyen
de salut public de « redresser la situa-
tion financière » qu'une intervention pe-
sante et indécente de l'étranger.
Les dieux — et les hommes — me
sont témoins que je ne suis pas souvent
tombé d'accord avec M. Tardieu ! Je
suis d'autant plus à mon aise pour dé-
clarer qu'il tient ici le langage de la rai-
son lorsqu'il affirme que le débat qui
s'ouvrira mardi est « l'un des plus gra-
ves qu'une Assemblée politique ait eu
à traiter depuis la fin de la guerre ».
C'est en effet ce débat qui décidera si
la France, qui a gagné la guerre, va dé-
cidément perdre la paix.
Qu'il soit donc large, clair et franc ;
égal à la valeur des contradicteurs aux
prises, mais surtout digne de notre
grand pays et propice à sa destinée.
Edmond du MESNIL,
Une pauvre victime de la guerre
A quelle famille appartient ce dément ?
Montpellier, 2 juillet. Il y a environ trois
ans, un homme âgé d'une trentaine d'années
fut trouvé errant dans les rues de Dragui-
gnan. Atteint d'aliénation mentale, il fut
d'abord dirigé sur l'asile de Pierrefeu, puis
transféré à celui de Montpellier. ,
Le malheureux était dépourvu de toute
pièce d'identité. On supposa être en présence
d'une victime de la guerre et on hospitalisa
le dément sous le matricule 23. Sa photogra-
phie fut publiée dans plusieurs bulletins de
mutilés et huit familles crurent le reconnaî-
tre pour un de leurs enfants.
Six d'entre elles, mises en présence du dé-
ment furent moins affirmatives. Toutefois, les
familles Périda. de Corse, et Baudin de Saô-
ne-et-Loire, indiquèrent la première : que leur
fils, disparu depuis la guerre, portait di-
vers tatouages, et l'autre qu'il avait plusieurs
cicatrices.
Confrontées avec le malheureux, ces fa-
milles l'ont formellement reconnu pour être
leur enfant. Toutefois, le dément n'a aucun
tatouage. Par contre, il porte bien les cica-
trices indiquées par la. famille Baudin.
La préfecture a prescrit-une enquête mi-
nutieuse sur le cas du malheureux dément.
« Je sais qu'on m'eût pardonné plus aisément d'avoir
fait tuer trois ou quatre mille hommes avec un peu de
gloire, que d'avoir fait une paix qui dérangeait une foule
d'idées, qui faisait disparaître une foule d'illusions. »
Maréchal BUGEAUD.
LA GREVE ANGLAISE DES MINES
Prolongation de l'état
« d'urgence nationale »
Londres, 2 juillet. — La Chambre des Com-
munes, cet après-midi, a abordé la discus-
sion de la prolongation des pouvoirs excep-
tionnels votés lors de la grève générale, pour
une durée de trente jours.
Le ministre du Home Office rappela que la
proclamation royale décrétant les mesures
exceptionnelles, est purement et simplement
un acte gouvernemental.
Au nom du Labeur Party, M. Clynes dé-
posa une amendement déclarant que le ré-
gime des pouvoirs exceptionnels est de na-
ture à faire obstacle à la solution de la crise
actuelle et susceptible de provoquer des trou-
bles, plutôt que de les prévenir.
M. Clynes ajoute qu'il faisait siennes tou-
tes les paroles prononcées par le ministre au
sujet de la position détachée et impartiale do
la Couronne en des matières de ce genre.
« Nous sommes, dit-il, heureux que la situa-
tion du pays soit telle. »
Au cours du débat, M. Churchill, chancelier
de l'Echiquier, fut amené à dire, en passant,
qu'il était déjà membre du gouvernement au
moment des deux grèves générales des mi-
neurs qui avaient précédé celle-ci.
Le lieutenant commandeur Kenworthy ré-
pliqua :
« En effet, quand vous ne faites pas par-
tie du gouvernement, il n'y a pas de grè-
ves ! ».
Les autres incidents qui ont marqué la
séance n'ont pas été graves.
Finalement, l'amendement socialiste, qui
comportait censure du gouvernement, fut re-
poussé par 250 voix contre 95, et la sancticm
demandée par le gouvernement fut accordée.
Le pain à 2 fr. 50 le kilo
pour le 8 juillet
Que fait le gouvernement ?
L'effarante commission automatique du
pain a fixé, pour le 8 juillet, le prix du kilo-
gramme de pain à 2 fr. 50.
Il n'y a pas eu de marché régulier cette
semaine, ce qui n'a pas empêche le blé qu'on
n'achetait point d'être coté, en moyenne
220 fr. 25, ce qui portait le prix de la farine
à 283 francs au lieu de 279 francs, prix pra-
tiqué la semaine précédente.
Les agioteurs et tous les intéressés dans
cette hausse scandaleuse ne cachent pas leurs
intentions de faire monter le prix du pain
à 3 francs le kilogramme.
Nous avons connu des déclarations offi-
cielles annonçant que le prix du pain ne dé-
passerait pas 2 francs le kilogramme. Le
jour même de cette déc,laration, le pain était
vendu à 2 fr. 05.
L'ACCORD MELLON-BERENGER
Les anciens combattants
contre fa ratification
-——— lCI.ca
Le Comité d'entente des groupements na-
tionaux d'anciens combattants et victimes de
la guerre organise pour le 11 juillet pro-
chain une grànde manifestation, place des
Etats-Unis, pour protester contre les accords
de Washington. A ce sujet, le Comité d'en-
tente adresse à tous les Français un long
manifeste duquel nous extrayons ce passage :
Les Anciens Combattants et Victimes de
la Guerre, groupés dans les 14 associations
nationales du Comité d'entente et dans tou-
tes les fédérations affiliées à la « Semaine
du Combattant », ne peuvent admettre que
7a solidarité des champs de bataille soit
ainsi méconnue par la finance internationale.
Ils font confiance au, peuple américain, et
en particulier à leurs compagnons d'armes,
pour ne pas laisser compromettre l'avenir de
la France par des clauses qui tendent à as-
servir définitivement notre pays, qui se trou-
verait dans l'impossibilité de faire face à de
tels engagements.
La manifestation sera précédée d'une as-
semblée, qui aura lieu demain dimanche
dans chaque ville de France et au cours de
laquelle seront désignés les délégués et porte-
drapeaux.
A propos de l'article 7
Londres, 2 juillet. — Un télégramme de
Washington à la B. U. P. annonce que le
sénateur Smoot, membre d& la Commission
américaine des dettes, a déclaré, au sujet
d'informations selon lesquelles la France ré-
clamerait l'annulation de la clause 7 de l'ac-
cord MelLon-Bérenger, tque cette demande
était inacceptable, la clause en question fai-
sant partie de tous les accords conclus entre
l'Amérique et les autres pays débiteurs, et
qu'il n'y à aucune raison pour faire excep-
tion en faveur de la France.
- !.! J ■ 11 u ■ 1 .ii-
La dette de la Russie
Prochaine interruption des négociations
franco-russes
La conférence franco-soviétique, qui sié-
geait depuis plusieurs mois au Quai d'Orsay,
est près de se dissoudre.
II y aura encore une réunion de la com-
mission économique, et une dernière séance
de la conférence plénière qui fixera la date
de reprise des pourparlers
Ce sera pour l'automne, vraisemblablement.
Après quoi, les délégués se sépareront.
Et on ne peut cacher qu'aucun Etcord n'a
été possible jusqu'ici pour la consolidation
de la dette russe vis-à-vis de la France.
LA CRISE F INANCIERE
Les conclusions du Comité des experts
ont été remises à M. Caillaux
- ..e
Le comité des experts a terminé ses tra-
vaux. Les conclusions de son rapport ont été
communiquées dès hier soir au ministre des
finances. Elles seront du reste, rendues publi-
ques cet après-midi. Comme nous l'avons déjà
indiqué, les experts se prononcent pour un
plan de stabilisation rapide appuyé par une
ouverture de crédits en Amérique, lesquels
crédits pourraient être obtenus par une ga-
rantie de la Banque de France sans que tou-
tefois celle-ci soit amenée à se dessaisir de
son encaisse métallique.
Dans l'entourage du ministre des finances
ont dit que sur de nombreux points, les con-
clusions du Comité des experts sont en con-
cordance avec les vues de M. Caillaux.
L'accord de Washington
Le correspondant à New-York de « l'Uni-
ted Press » câble au « New-York Herald » :
Les informations provenant de Paris, di-
sant que la France a l'intention de rétablir
le franc sur la base de l'or, ont favorablement
Impressionné les milieux financiers de New-
York.
Le gouvernement américain ayant le vif
désir de voir le franc stabilisé et l'accord Mel-
lon-Bérenger ratifié, on croit qu'il pourrait
approuver l'octroi de crédits, même avant la
ratification de l'accord, à la suite de quoi la
Fédéral Reserve Bank achèterait des effets
français contre la garantie que, à tout mo-
ment, ces effets pourraient être payés en or
Les milieux officiels croient que la France
n'a pas besoin d'un emprunt réel, car elle
possède une réserve d'or suffisante et, en ou-
tre, une somme importante en devises étran-
gères qui rentrera en France si sa situation
financière est stabilisée.
Le concours étranger
M. Benjamin Strong, président de la Fédé-
ral Réserve Bank, et M. Montagu Norman
sont toujours sur la Côte dYAzur, d'où ils
suivent attentivement le développement de la
crise financière et politique que le gouverne-
ment Briand-Caillaux essaie de résoudre. MM.
Strong et Norman Montagu ont réussi jus-
qu'ici à éviter les nombreux journalistes qui
essayaient d'obtenir des interviews sensation-
nelles.
Tout ce que l'on -peut savoir de certain,
c'est que les deux financiers anglais, et amé-
ricain se tiennent prêts ~ST "engager "lès pour-
parlers sur l'appui éventuel que l'Amérique et
l'Angleterre nous accorderaient pour le relè-
vement du franc. L'un et l'autre sont, dit-on,
partisans de l'appui. Mais dans quelle mesure
et sous quelle forme serait apporté ce con-
cours étranger ? On n'est pas fixé sur ce
point, en raison de l'instabilité de notre poli-
tique française. L'indécision et l'incohérence
parlementaires auront leur répercussion sur
ces conversations.
M. Robert S. Warren, qui est l'assistant de
M. Strong, et à Paris « l'œil de la Banque
d'Angleterre », est arrivé hier à Antibes, où
il a renseigné M. Strongi sur la tension poli-
tique qui se manifeste avant le débat de
mardi.
Dans les milieux bien informés, on assu-
re que le caractère dominant des conversa-
tions qui vont s'engager entre M. Strong et
M. Montagu Norman, d'une part, et, de l'au-
tre, M. Moreau, gouverneur de la Banque de
France, sera que la réserve or de la Banque
de France doit demeurer intacte à tout prix.
M. Caillaux ira-t-il à Londres ?
La « Chicago Tribune > est informée que
M. Caillaux a déclaré aux autorités du Trésor
britannique qu'il va essayer de faire un rapi-
de voyagé de Paris à Londres, dans la jour-
née de dimanche ou de lundi en vue de dis-
cuter les derniers arrangements relatifs au
règlement des dettes de guerre avant de faire
ses déclarations officielles à la séance de la
Chambre, mardi prochain.
La livre à 183 fr. 50
Le marché des change a continué à être
très agité.
Les places étrangères, et notamment New-
York, envoient des cours qui témoignent d'une
certaine nervosité. La discussion qui continue
autour de la question des dettes interalliées
explique peut-être cette attitude.
Quant à la place de Paris, elle reste très
préoccupée de l'agitation politique et des pro-
chains débats financiers devant le Parlement.
Dès le début de la journée d'hier la livre
a franchi ainsi le cours de 180 qu'elle avait
déjà atteint la veille et s'est avancée vers
midi à 18:2. En. séance elle resta plus calme
entre 180, au plus bas, et 181,65, au plus
haut. Mais elle reprit après Bourse son mou-
vement de hausse pour s'échanger en fin de
journée à 183,50 le dollar valant alors 37,70.
AU MAROC
L 'œuvre de pacification
Emouvante cétémonie en l'honneur de M. Parent
Discours de M. Steeg, résident général
M. Théodore STEEG
Comme nous l'avons rapporté hier en ptt-
bliant un télégramme trop bref, le banquet
offert par les délégués de six mille anciens
combattants du Maroc à M. Parent fut l'oc-
casion d'une splendide manifestation. De tous
les points de notre protectorat des délégués
s'étaient rendus à Casablanca. Lé discours de
M. Steeg, admirable morceau d'éloquence vi-
brant de ferveur patriotiquc, fut particuliè-
rement acclamé. ,.
Nous n'avons pu en donner hier que la pé-
l'oraison. Nous avons la bonne fortune de
pouvoir, aujourd'hui, le publier intégralement.
Messieurs, mon cher Parent,
Il y a quelques années, la mitraille enne-
mie déchirait votre chair; aujourd'hui, l'af-
fection enthousiaste de vos camarades force
votre âme, violente votre pudeur et bouscule
cette modestie délicate, qui est un des char-
mes de votre personnalité. Les camarades me
direz-vous, passe encore ! L'amitié légitime
quelque indiscrétion.. Mais cette foule, mais
ces délégués de toutes'les associations du Ma-
roc, 'mais' ces fonctionnaires, mais enfin et
surtout cette perspective menaçante d'un dis-
cours, un de plus, un discours du Résident
général.
« Unis comme au front »
Un discours officiel, oui et non. Oui, la Ré-
publique a voulu que son représentant fût
ici présent pour que l'hommage qu'elle rend
à vous, à vos associations, aux Sacrifices
grandioses d'hier, à l'effort patient et géné-
reux d'aujourd'hui fût aussi solennel et. écla-
tant que possible. La patrie a voulu que j'in-
cline officiellement sa gratitude devant les
victimes de la guerre dont elle ne veut pas,
dont elle ne doit pas oublier les souffrances.
Elle entend que dans ses réunions comme
celle de ce soir - au risque d'en altérer la
gaîté — nous ne puissions évoquer la victoire
sans rappeler le prix dont ses enfants l'ont
payée, sans qu'un élan de notre piété aille à
ceux qui se sont élancés vers l'atroce fournaise
pour n'en jamais revenir, sans dire notre ar-
dente sympathie à ceux et à celles dont la
douleur fidèle pleure encore un fils, un père,
un époux, un frère, un ami.
Elle a voulu reconnaître et proclamer pu-
bliquement la grandeur et la fécondité de
l'œuvre entreprise et poursuivie par les an-
ciens combattants du Maroc, et par celui que
vous avez placé à votre tête parce que vous
l'avez jugé le plus digne et le meilleur. Oui,
la République a eu raison de s'associer à cette
manifestation parce que, pour les individus
comme pour les peuples, rien n'est vil, rien
n'est désastreux comme l'ingratitude.
Oui, mon cher Parent, vous n'aviez pas le
droit de vous opposer à l'organisation de cette
fête dont vous êtes le héros timide et un peu
confus ; vous n'aviez pas le droit d'empê.
cher vos camarades de vous apporter ici l'ex-
pression de leur affection et de leur estime
et de vous en laisser un durable souvenir ;
vous n'aviez pas le droit de les priver de
l'occasion précieuse de se sentir uçis, unis
comme au front mais non plus dans les nuits
d'épouvante et de mort, mais dans la com-
munion fervente d'une allégresse fraternelle;
vous n'aviez pas le droit de m'enlever, à moi,
le magnifique réconfort que j'éprouve à me
trouver ici dans une atmosphère de confiance
et de sincérité.
Le missionnaire de la Patrie
Mon cher Parent, je vous ai dit, il y a
quelques instants, ce que ma présence ici
avait d'officiel. Oui, je suis fier d'être le re-
présentant du gouvernement, le missionnaire
de la patrie ; mais, vous le savez bien, je
ne suis pas venu ici, pour ainsi dire, en ser-
vice commandé, avec le désir de me libérer
au plus vite d'une formalité ennuyeuse après
avoir protocolairement sacrifié à la rigueur
implacable et importune du rite oratoire.
Antée reprenait des forces en touchant le
sol ; moi, je ravive les miennes au contact
de votre courage, de votre expérience et je
l'espère — démentez-moi si je me trompe —
de votre loyale amitié.
Croyez-moi, Messieurs, ce réconfort n'est
pas superflu ; la vie publique est, elle aussi,
à sa manière, une bataille et j'y ai connu,
comme d'autres, les mitrailleuses de l'inju-
re, les gaz asphyxiants de la calomnie. J'ai
l'ésisté aux uns et aux autres sans inquié-
tude, parce que, n'est-il pas vrai,. Messieurs,
celui qui n'a rien à cacher n'a rien à crain-
dre.
Ei pourtant, il est des heures sombres
parce que le devoir est obscur, parce que par-
fois il est plus malaisé de le connaître que
de l'accomplir ; les problèmes* sont com-
plexes et la solution à laquelle on s'arrête
est si grosse de conséquences que le chef
responsable s'interroge, se demande si, à
sou insu, il n'obéit pas à des préventions
invétérées, à des rancunes tenaces, à des
calculs égoïstes et inconscients, car, La Ro-
chefoucauld l'observait, l'amour propre prend
tous les masques, même celui du désintéres-
sement. Pourtant, dans le tumulte des pas-
sions, dans le conflit des intérêts, il faut
voir clair, il faut choisir, il faut agir. Pour
un homme de gouvernement, il n'est pas de
posture plus piteuse que celle de l'hésita-
tion, du tâtonnement, de l'inertie.
Mais il est aussi -- pourquoi le cacher ?
— si cuirassé d'indifférence, si enveloppé de
sérénité que l'on veuille être ou parattre,
des instants de mélancolie, des minutes de
découragement. Qu'il y ait des profession-
nels de la polémique violents, tendancieux,
inexacts, je ne m'en étonneras. Que chaque
jour ils reviennent sur des allégations que,
pertinemment, ils savent mensongères, soit.
Mais il est aussi des hommes qui se croient
honnêtes, qui ne sont pas systématiquement
méchants et qui cependant s'en vont répé-
tant inlassablement ce qu'ils ont lu, ce qu'ils
ont entendu, sans jamais prendre la peine de
le contrôler. Je m'efforce toujours de com- ,
prendre les raisons des attitudes des autres
et jamais, a priori, je ne suppose qu'elles
sont basses ou intéressées. Excusez-moi -s'il'
m'arrive de m'affliger quelquefois de n'être
pas payé de retour et si jamais je me laisse
aller à penser que la paresse de l'esprit est
aussi malfaisante que la sécheresse du coeur,
Toute la France
C'est, messieurs, ce. qui .vous explique Ia;
joie très vive que je ressens à me trouver ici
ce soir au milieu d'hommes dé bonne £ 4, Qyi,
vous êtes unis et je d'en réjouis ; mais votre,
union n'est pas faite d'une unité ectrIM4 4t,
d'une sotte d'exclusivisme intransig^BÉ; pftjtc
plus que dans le domaine des convictions po-
litiques que dans celui des conceptions so-
ciales ou des croyances morales. Vous vous
connaissez bien les uns les autres, vous res-
sentez à l'égard les uns des autres assez d'es-
time affectueuse pour comprendre que la
France est d'autant plus riche intellectuelle-
ment et moralement que vos dées, vos as-
pirations, par leur diversité même. répondent
aux multiples aspects de la réalité. Vos doc-
trines, qui paraissent s'opposer, se complè-
tent en réalité plutôt qu'elles se contredisent.
C'est la France toute entière que vous aimez,
la France d'hier, de demain, la France de la
tradition chevaleresque, celle des idées clai-
res, celle des revendications impatientes mais
toujours éprise d'harmonie, de justice, de fra-
ternité, toujours scrupuleusement respecta
euse de la parole donnée.
Vous n'estimez pas, comme quelques-uns,
que vous aimerez d'autant mieux la Franco
que vous dédaignerez les autres nations et que
vous haïrez plus frénétiquement un plus grand
nombre de Français, ceux qui ne pensent pas
comme vous. Volontiers, vous direz avec le
poète Sully-Prudhomme :
« Je tiens de ma Patrie un cœur qui la de-
[borde
a Et plus je suis Français plus je me sens
[humain. »
Cette générosité française, vous l'avez af-
firmée dans vos groupements, en vous pen-
chant sur les détresses individuelles et, tout
en les allégeant, vous vous êtes appliqués àJ
en supprimer ou à en prévenir les causes.
Ces victimes de la guerre, elles ont si cruel-
lement souffert, elles ont été à tel point di-
minuées dans leur capacité de production.
économique et dans leur faculté de bonheur.
Nous devons nous employer tous — et vous
avez raison de nous le rappeler si passionné-
ment — à réparer les dommages qu'elles ont
subis. Réparer? N'est-ce pas irréparable? On
peut reconstruire une maison, mais quelle
est la somme d'argent qui compense une mu-
tilation, des yeux qui ne connaissent plus la
charme de la couleur, la douceur de la lu-
mière; la joie de vivre diminuée, la santé
compromise; qu'est-ce qui peut effacer la tris-
tesse obsédante d'un être cher disparu ?
La bonne politique
Ne faites pas de politique, vous dit-on sou-
vent. Oui, si la politique n'est qu'un art mé-
diocre d'arrivisme, pour satisfaire de gros-
sières convoitises. Non, si la politique est ce
qu'elle doit être : une application concertée
et ardente de tous à la grandeur, à l'équité,
au prestige de la cité. Pour vous, l'action
n'est pas plus l'agitation que l'ordre n'est la
routine. Pour vous, il ne s'agit pas d'élever
des murailles de paperasses à l'abri desquels
les les responsabilités s'effacent et les éner-
gies s'endorment. Vous avez connu l'action
engagée au milieu des périls de mort; vous
avez appris ainsi la valeur de la méthode, de
la patience, du courage et de la ténacité.
Ces vertus, la France vous demande de les
mettre à son service. Malgré la joie que lui
apportent aujourd'hui ses succès' au Maroc,
Alle vit des années sombres. Elle a perdu
son printemps. Elle a été profondément at-
teinte dans son patrimoine intellectuel, physi-
que, économique, financier. Puisse sa force
morale s'exalter des épreuves mêmes qu'elle
a subies. Une fois de plus, c'est à vous que
nous faisons appel, à votre clair bon sens, à
votre expérience, à votre esprit de vivante
concorde. Vous êtes des hommes qui ne vous
payez pas de mots, vous n'appréciez guère
ceux qui prodiguent des conseils d'abnégation
qu'ils se gardent de suivre eux-mêmes; vous
n'aimez pas ceux qui nous invitent à la con-
corde mais qui nous y poussent à coups de
trique; vous n'aimez pas ceux qui nous pré.
chent de courir à la défense du franc alors
qu'eux s'empressent d'exporter leur fortune
à l'étranger; vous n'aimez pas les embus-
qués, que ce soit ceux du devoir militaire,
Le Numéro : VINGT-CINQ CENTIMES
SAMEDI 3 JUILLET 1926. — N° 20.315
Fondateurs (1869).
VICTOR HUGO
AUGUSTE VACQUERIE
^bAii^jN J >.
Ci sa SIX lIois Trot. IIItll
Seine & S.-et-Oise 40 21* I I 1
FRANCE et Colonies 45 23 12
Ltsaxgeb 75 38 20,
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au Directeur
Fondateurs (1869) :
VICTOR HUGO *
AUGUSTE VACQUERIE
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TRIBUNE LIBRE
Bêtes ou lâches?
>> c , ,
Il n'est pas défendu d'avoir des amis
députes, sénateurs ou ministres et jouis-
sant de cette apparence de pouvoir, de
cette ombre de royauté qui est 1 apanage
splendide de neuf cents avocats, notaires
ou médecins. Il est même conseillé par
un juste souci d'hygiène d avoir de tels
amis. C'est qu'ils se promènent dans nos
rues avec l'aimable sourire de renards
traînant à leur queue sanglante des
pièges décrochés, ou pour le moins de
chiens galopant, la casserole au derrière,
et que de tels spectacles sont tout à fait
aptes à dilater la rate, provoquer le rire
inextinguible et faciliter en conséquence
une multitude de fonctions.
Hier, l'un d'eux me disait :
— Vous avez tort, mon ami, de crier
â l'incompétence du Parlement. Ce Par-
lement n'est pas composé d'imbéciles. Il
y a dans son sein pas mal de techniciens,
un bon nombre d'intelligences averties,
des lettrés, des esprits critiques et mê-
, me, si l' on cherchait bien, quelques dou-
blures d'homme d'Etat.
Moi. — Pas possible.
Lui. — Mais si, mais si. Notez bien que
le contraire serait surprenant. Ce n'est
d'ailleurs point le Parlement qui produit
ces fruits honnêtes et dont certains sont
savoureux, c'est le Pays. Mais l'air du
Parlement, malheureusement, avouons-
le, semble avoir une détestable influen-
ce sur nos intelligences.
Moi. — Nous y voilà.
Lui. — Détestable, mais pas dans le
sens que vous indiquez avec si peu de
respeçt pour nos institutions. Lé Parle-
ment n'abêtit pas les hommes, il cor-
rompt les caractères. II n'est pas une éco-
le de bêtise, mais une école de lâcheté.
Moi. — Voilà qui n'est pas pour me
déplaire.
Lui. — Oh! nous sommes lâches, mon
ami, nous sommes lâches, mais à un
point que vous ne sauriez imaginer. Il
n'y a pas d'échine qui vaille la nôtre en
souplesse, pas de cœurs qui soient plus
remplis d'effroi, pas d'entrailles que la
moindre menace mette plus naturelle-
ment en mouvement. Nous sommes le
Conservatoire de la peur.
Moi. — Comme j'admire votre esprit
d'observation!
Lui. — Que voulez-vous, je n'ai que
cela à faire, observer; alors, je m'en
donne à cœur joie. Je me suis longtemps
demandé si les ministres étaient plus cou-
rageux que les députés ou les députés
que les ministres. Je crois que les dépu-
tés sont encore un peu moins lâches que
lés ministres. C'est ce qui m'a d'ailleurs
fait penser que ceux-ci devraient être
choisis en dehors du Parlement.
Moi. - Bon! et les députés ren-
voyés.
Lui. — Si vous voulez, encore que leur
présence soit bien nécessaire pour don-
ner au pays une haute idée de lui-mê-
me.
Moi. — Vous voulez insinuer qu'ils
jouent fort bien le rôle de l'ilote ivre.
Lui. — Exactement. J'irai jusqu'à dire
, que nous le jouons, mes collègues et moi,
beaucoup trop bien. Car je sais votre dé-
goût, et j' appréhende que vous le mani-
festiez trop vite, et que, par souci de pro-
preté, par désir de vous tirer du bour-
bier, vous ne vous remettiez aux premiè-
res mains venues. J' ai grand peur que le
fascisme et le communisme ne soient en-
core seuls à exercer un vif attrait sur les
cervelles françaises.
Moi. — Pourtant, on dit que vous vou-
lez nous livrer pieds et poings liés à l'A-
mérique. Avouez que nous n'avons pas
de temps à perdre. Si le Parlement, que
vous dites plus courageux que les minis-
tres, osait prendre la tête d'un vigoureux
mouvement national en vue de l'indépen-
dance !
Lui. — Hélas, il n'y faut point comp-
ter.
Moi. -- Peufc-pn espérer qu'il légiti-
mera l'effort d'un groupe de républi-
cains fondant, hors du Parlement, un
gouvernement de Salut Public et qu'il
donnera, avant de se retirer, à ce gou-,
yernement, une existence légale
Lui. — Oui, certes, mais à n'importe
quel gouvernement.
Moi. — A n'importe lequel ?
Lui. — A n'importe lequel, pourvu que
ce groupe de trois ou de dix personnes
ait en mains un fouet. Le Parlement
dira : oui, oui, oui au premier fou venu
qui saura ce que c'est qu'une trique.
Moi. — Vous m'ouvrez des horizons.
Lui. — Hélas! ils sont sans beauté.
Nous avons déjà à choisir entre l' esclava-
ge américain ou bien une guerre qui nous
ruinera. Je vous offre aujourd'hui la con-
tinuation du désordre ou bien une tyran-
nie. Vous me voyez confus.
Moi. — Je vous vois surtout, mon cher
ami, à peu près aussi peureux devant les
événements que devant les ministres.
Heureusement que nous sommes quel-
ques-uns qui, d'un côté, n'accepterons
jamais l'esclavage, et qui, d'un autre cô-
té, ne voulons ni les Soviets ni Bonaparte.
Lui. — Et. êtes-vous nombreux ?
Moi. - Les trois-quarts du Pays.
Pierre DOMINIQUE.
EDITORIAL
Partie décisive
La bataille contre le franc
— et contre la France —
fait rage. Elle déborde le
terrain financier. Elle affecte
un caractère national.
En effet, les mesures que
prèndrâ le gouvernement au.
ront non seulement une répercussion
financière mais une influence - peut-
être irrémédiable — sur la richesse, l'in-
dépendance, le destin même de notre
pays.
Il ne s'agit donc pas — le péril pres-
sant - d'engager des discussions par-
lementaires interminables, mais non plus
de prendre des résolutions d'une gra-
vité exceptionnelle, dans la précipitation,
et sous le boisseau.
La question la plus redoutable, à mon
humble avis, est de déterminer précisé-
ment si la France peut sortir seule de
cette cruelle aventure, ou si elle devra
rechercher le concours, sinon subir la
suzeraineté de l'étranger.
Cette hypothèse est pour glacer le
cœur de tout « franc patriote », pour
parler comme Ceux de la Convention
nationale. l#
Avant que de se résigner à pareille
contrainte, il faudra qu'un clair débat,
poussé au fond, apporte la preuve irré-
cusable qu'il n'est point d'autre moyen
de salut public de « redresser la situa-
tion financière » qu'une intervention pe-
sante et indécente de l'étranger.
Les dieux — et les hommes — me
sont témoins que je ne suis pas souvent
tombé d'accord avec M. Tardieu ! Je
suis d'autant plus à mon aise pour dé-
clarer qu'il tient ici le langage de la rai-
son lorsqu'il affirme que le débat qui
s'ouvrira mardi est « l'un des plus gra-
ves qu'une Assemblée politique ait eu
à traiter depuis la fin de la guerre ».
C'est en effet ce débat qui décidera si
la France, qui a gagné la guerre, va dé-
cidément perdre la paix.
Qu'il soit donc large, clair et franc ;
égal à la valeur des contradicteurs aux
prises, mais surtout digne de notre
grand pays et propice à sa destinée.
Edmond du MESNIL,
Une pauvre victime de la guerre
A quelle famille appartient ce dément ?
Montpellier, 2 juillet. Il y a environ trois
ans, un homme âgé d'une trentaine d'années
fut trouvé errant dans les rues de Dragui-
gnan. Atteint d'aliénation mentale, il fut
d'abord dirigé sur l'asile de Pierrefeu, puis
transféré à celui de Montpellier. ,
Le malheureux était dépourvu de toute
pièce d'identité. On supposa être en présence
d'une victime de la guerre et on hospitalisa
le dément sous le matricule 23. Sa photogra-
phie fut publiée dans plusieurs bulletins de
mutilés et huit familles crurent le reconnaî-
tre pour un de leurs enfants.
Six d'entre elles, mises en présence du dé-
ment furent moins affirmatives. Toutefois, les
familles Périda. de Corse, et Baudin de Saô-
ne-et-Loire, indiquèrent la première : que leur
fils, disparu depuis la guerre, portait di-
vers tatouages, et l'autre qu'il avait plusieurs
cicatrices.
Confrontées avec le malheureux, ces fa-
milles l'ont formellement reconnu pour être
leur enfant. Toutefois, le dément n'a aucun
tatouage. Par contre, il porte bien les cica-
trices indiquées par la. famille Baudin.
La préfecture a prescrit-une enquête mi-
nutieuse sur le cas du malheureux dément.
« Je sais qu'on m'eût pardonné plus aisément d'avoir
fait tuer trois ou quatre mille hommes avec un peu de
gloire, que d'avoir fait une paix qui dérangeait une foule
d'idées, qui faisait disparaître une foule d'illusions. »
Maréchal BUGEAUD.
LA GREVE ANGLAISE DES MINES
Prolongation de l'état
« d'urgence nationale »
Londres, 2 juillet. — La Chambre des Com-
munes, cet après-midi, a abordé la discus-
sion de la prolongation des pouvoirs excep-
tionnels votés lors de la grève générale, pour
une durée de trente jours.
Le ministre du Home Office rappela que la
proclamation royale décrétant les mesures
exceptionnelles, est purement et simplement
un acte gouvernemental.
Au nom du Labeur Party, M. Clynes dé-
posa une amendement déclarant que le ré-
gime des pouvoirs exceptionnels est de na-
ture à faire obstacle à la solution de la crise
actuelle et susceptible de provoquer des trou-
bles, plutôt que de les prévenir.
M. Clynes ajoute qu'il faisait siennes tou-
tes les paroles prononcées par le ministre au
sujet de la position détachée et impartiale do
la Couronne en des matières de ce genre.
« Nous sommes, dit-il, heureux que la situa-
tion du pays soit telle. »
Au cours du débat, M. Churchill, chancelier
de l'Echiquier, fut amené à dire, en passant,
qu'il était déjà membre du gouvernement au
moment des deux grèves générales des mi-
neurs qui avaient précédé celle-ci.
Le lieutenant commandeur Kenworthy ré-
pliqua :
« En effet, quand vous ne faites pas par-
tie du gouvernement, il n'y a pas de grè-
ves ! ».
Les autres incidents qui ont marqué la
séance n'ont pas été graves.
Finalement, l'amendement socialiste, qui
comportait censure du gouvernement, fut re-
poussé par 250 voix contre 95, et la sancticm
demandée par le gouvernement fut accordée.
Le pain à 2 fr. 50 le kilo
pour le 8 juillet
Que fait le gouvernement ?
L'effarante commission automatique du
pain a fixé, pour le 8 juillet, le prix du kilo-
gramme de pain à 2 fr. 50.
Il n'y a pas eu de marché régulier cette
semaine, ce qui n'a pas empêche le blé qu'on
n'achetait point d'être coté, en moyenne
220 fr. 25, ce qui portait le prix de la farine
à 283 francs au lieu de 279 francs, prix pra-
tiqué la semaine précédente.
Les agioteurs et tous les intéressés dans
cette hausse scandaleuse ne cachent pas leurs
intentions de faire monter le prix du pain
à 3 francs le kilogramme.
Nous avons connu des déclarations offi-
cielles annonçant que le prix du pain ne dé-
passerait pas 2 francs le kilogramme. Le
jour même de cette déc,laration, le pain était
vendu à 2 fr. 05.
L'ACCORD MELLON-BERENGER
Les anciens combattants
contre fa ratification
-——— lCI.ca
Le Comité d'entente des groupements na-
tionaux d'anciens combattants et victimes de
la guerre organise pour le 11 juillet pro-
chain une grànde manifestation, place des
Etats-Unis, pour protester contre les accords
de Washington. A ce sujet, le Comité d'en-
tente adresse à tous les Français un long
manifeste duquel nous extrayons ce passage :
Les Anciens Combattants et Victimes de
la Guerre, groupés dans les 14 associations
nationales du Comité d'entente et dans tou-
tes les fédérations affiliées à la « Semaine
du Combattant », ne peuvent admettre que
7a solidarité des champs de bataille soit
ainsi méconnue par la finance internationale.
Ils font confiance au, peuple américain, et
en particulier à leurs compagnons d'armes,
pour ne pas laisser compromettre l'avenir de
la France par des clauses qui tendent à as-
servir définitivement notre pays, qui se trou-
verait dans l'impossibilité de faire face à de
tels engagements.
La manifestation sera précédée d'une as-
semblée, qui aura lieu demain dimanche
dans chaque ville de France et au cours de
laquelle seront désignés les délégués et porte-
drapeaux.
A propos de l'article 7
Londres, 2 juillet. — Un télégramme de
Washington à la B. U. P. annonce que le
sénateur Smoot, membre d& la Commission
américaine des dettes, a déclaré, au sujet
d'informations selon lesquelles la France ré-
clamerait l'annulation de la clause 7 de l'ac-
cord MelLon-Bérenger, tque cette demande
était inacceptable, la clause en question fai-
sant partie de tous les accords conclus entre
l'Amérique et les autres pays débiteurs, et
qu'il n'y à aucune raison pour faire excep-
tion en faveur de la France.
- !.! J ■ 11 u ■ 1 .ii-
La dette de la Russie
Prochaine interruption des négociations
franco-russes
La conférence franco-soviétique, qui sié-
geait depuis plusieurs mois au Quai d'Orsay,
est près de se dissoudre.
II y aura encore une réunion de la com-
mission économique, et une dernière séance
de la conférence plénière qui fixera la date
de reprise des pourparlers
Ce sera pour l'automne, vraisemblablement.
Après quoi, les délégués se sépareront.
Et on ne peut cacher qu'aucun Etcord n'a
été possible jusqu'ici pour la consolidation
de la dette russe vis-à-vis de la France.
LA CRISE F INANCIERE
Les conclusions du Comité des experts
ont été remises à M. Caillaux
- ..e
Le comité des experts a terminé ses tra-
vaux. Les conclusions de son rapport ont été
communiquées dès hier soir au ministre des
finances. Elles seront du reste, rendues publi-
ques cet après-midi. Comme nous l'avons déjà
indiqué, les experts se prononcent pour un
plan de stabilisation rapide appuyé par une
ouverture de crédits en Amérique, lesquels
crédits pourraient être obtenus par une ga-
rantie de la Banque de France sans que tou-
tefois celle-ci soit amenée à se dessaisir de
son encaisse métallique.
Dans l'entourage du ministre des finances
ont dit que sur de nombreux points, les con-
clusions du Comité des experts sont en con-
cordance avec les vues de M. Caillaux.
L'accord de Washington
Le correspondant à New-York de « l'Uni-
ted Press » câble au « New-York Herald » :
Les informations provenant de Paris, di-
sant que la France a l'intention de rétablir
le franc sur la base de l'or, ont favorablement
Impressionné les milieux financiers de New-
York.
Le gouvernement américain ayant le vif
désir de voir le franc stabilisé et l'accord Mel-
lon-Bérenger ratifié, on croit qu'il pourrait
approuver l'octroi de crédits, même avant la
ratification de l'accord, à la suite de quoi la
Fédéral Reserve Bank achèterait des effets
français contre la garantie que, à tout mo-
ment, ces effets pourraient être payés en or
Les milieux officiels croient que la France
n'a pas besoin d'un emprunt réel, car elle
possède une réserve d'or suffisante et, en ou-
tre, une somme importante en devises étran-
gères qui rentrera en France si sa situation
financière est stabilisée.
Le concours étranger
M. Benjamin Strong, président de la Fédé-
ral Réserve Bank, et M. Montagu Norman
sont toujours sur la Côte dYAzur, d'où ils
suivent attentivement le développement de la
crise financière et politique que le gouverne-
ment Briand-Caillaux essaie de résoudre. MM.
Strong et Norman Montagu ont réussi jus-
qu'ici à éviter les nombreux journalistes qui
essayaient d'obtenir des interviews sensation-
nelles.
Tout ce que l'on -peut savoir de certain,
c'est que les deux financiers anglais, et amé-
ricain se tiennent prêts ~ST "engager "lès pour-
parlers sur l'appui éventuel que l'Amérique et
l'Angleterre nous accorderaient pour le relè-
vement du franc. L'un et l'autre sont, dit-on,
partisans de l'appui. Mais dans quelle mesure
et sous quelle forme serait apporté ce con-
cours étranger ? On n'est pas fixé sur ce
point, en raison de l'instabilité de notre poli-
tique française. L'indécision et l'incohérence
parlementaires auront leur répercussion sur
ces conversations.
M. Robert S. Warren, qui est l'assistant de
M. Strong, et à Paris « l'œil de la Banque
d'Angleterre », est arrivé hier à Antibes, où
il a renseigné M. Strongi sur la tension poli-
tique qui se manifeste avant le débat de
mardi.
Dans les milieux bien informés, on assu-
re que le caractère dominant des conversa-
tions qui vont s'engager entre M. Strong et
M. Montagu Norman, d'une part, et, de l'au-
tre, M. Moreau, gouverneur de la Banque de
France, sera que la réserve or de la Banque
de France doit demeurer intacte à tout prix.
M. Caillaux ira-t-il à Londres ?
La « Chicago Tribune > est informée que
M. Caillaux a déclaré aux autorités du Trésor
britannique qu'il va essayer de faire un rapi-
de voyagé de Paris à Londres, dans la jour-
née de dimanche ou de lundi en vue de dis-
cuter les derniers arrangements relatifs au
règlement des dettes de guerre avant de faire
ses déclarations officielles à la séance de la
Chambre, mardi prochain.
La livre à 183 fr. 50
Le marché des change a continué à être
très agité.
Les places étrangères, et notamment New-
York, envoient des cours qui témoignent d'une
certaine nervosité. La discussion qui continue
autour de la question des dettes interalliées
explique peut-être cette attitude.
Quant à la place de Paris, elle reste très
préoccupée de l'agitation politique et des pro-
chains débats financiers devant le Parlement.
Dès le début de la journée d'hier la livre
a franchi ainsi le cours de 180 qu'elle avait
déjà atteint la veille et s'est avancée vers
midi à 18:2. En. séance elle resta plus calme
entre 180, au plus bas, et 181,65, au plus
haut. Mais elle reprit après Bourse son mou-
vement de hausse pour s'échanger en fin de
journée à 183,50 le dollar valant alors 37,70.
AU MAROC
L 'œuvre de pacification
Emouvante cétémonie en l'honneur de M. Parent
Discours de M. Steeg, résident général
M. Théodore STEEG
Comme nous l'avons rapporté hier en ptt-
bliant un télégramme trop bref, le banquet
offert par les délégués de six mille anciens
combattants du Maroc à M. Parent fut l'oc-
casion d'une splendide manifestation. De tous
les points de notre protectorat des délégués
s'étaient rendus à Casablanca. Lé discours de
M. Steeg, admirable morceau d'éloquence vi-
brant de ferveur patriotiquc, fut particuliè-
rement acclamé. ,.
Nous n'avons pu en donner hier que la pé-
l'oraison. Nous avons la bonne fortune de
pouvoir, aujourd'hui, le publier intégralement.
Messieurs, mon cher Parent,
Il y a quelques années, la mitraille enne-
mie déchirait votre chair; aujourd'hui, l'af-
fection enthousiaste de vos camarades force
votre âme, violente votre pudeur et bouscule
cette modestie délicate, qui est un des char-
mes de votre personnalité. Les camarades me
direz-vous, passe encore ! L'amitié légitime
quelque indiscrétion.. Mais cette foule, mais
ces délégués de toutes'les associations du Ma-
roc, 'mais' ces fonctionnaires, mais enfin et
surtout cette perspective menaçante d'un dis-
cours, un de plus, un discours du Résident
général.
« Unis comme au front »
Un discours officiel, oui et non. Oui, la Ré-
publique a voulu que son représentant fût
ici présent pour que l'hommage qu'elle rend
à vous, à vos associations, aux Sacrifices
grandioses d'hier, à l'effort patient et géné-
reux d'aujourd'hui fût aussi solennel et. écla-
tant que possible. La patrie a voulu que j'in-
cline officiellement sa gratitude devant les
victimes de la guerre dont elle ne veut pas,
dont elle ne doit pas oublier les souffrances.
Elle entend que dans ses réunions comme
celle de ce soir - au risque d'en altérer la
gaîté — nous ne puissions évoquer la victoire
sans rappeler le prix dont ses enfants l'ont
payée, sans qu'un élan de notre piété aille à
ceux qui se sont élancés vers l'atroce fournaise
pour n'en jamais revenir, sans dire notre ar-
dente sympathie à ceux et à celles dont la
douleur fidèle pleure encore un fils, un père,
un époux, un frère, un ami.
Elle a voulu reconnaître et proclamer pu-
bliquement la grandeur et la fécondité de
l'œuvre entreprise et poursuivie par les an-
ciens combattants du Maroc, et par celui que
vous avez placé à votre tête parce que vous
l'avez jugé le plus digne et le meilleur. Oui,
la République a eu raison de s'associer à cette
manifestation parce que, pour les individus
comme pour les peuples, rien n'est vil, rien
n'est désastreux comme l'ingratitude.
Oui, mon cher Parent, vous n'aviez pas le
droit de vous opposer à l'organisation de cette
fête dont vous êtes le héros timide et un peu
confus ; vous n'aviez pas le droit d'empê.
cher vos camarades de vous apporter ici l'ex-
pression de leur affection et de leur estime
et de vous en laisser un durable souvenir ;
vous n'aviez pas le droit de les priver de
l'occasion précieuse de se sentir uçis, unis
comme au front mais non plus dans les nuits
d'épouvante et de mort, mais dans la com-
munion fervente d'une allégresse fraternelle;
vous n'aviez pas le droit de m'enlever, à moi,
le magnifique réconfort que j'éprouve à me
trouver ici dans une atmosphère de confiance
et de sincérité.
Le missionnaire de la Patrie
Mon cher Parent, je vous ai dit, il y a
quelques instants, ce que ma présence ici
avait d'officiel. Oui, je suis fier d'être le re-
présentant du gouvernement, le missionnaire
de la patrie ; mais, vous le savez bien, je
ne suis pas venu ici, pour ainsi dire, en ser-
vice commandé, avec le désir de me libérer
au plus vite d'une formalité ennuyeuse après
avoir protocolairement sacrifié à la rigueur
implacable et importune du rite oratoire.
Antée reprenait des forces en touchant le
sol ; moi, je ravive les miennes au contact
de votre courage, de votre expérience et je
l'espère — démentez-moi si je me trompe —
de votre loyale amitié.
Croyez-moi, Messieurs, ce réconfort n'est
pas superflu ; la vie publique est, elle aussi,
à sa manière, une bataille et j'y ai connu,
comme d'autres, les mitrailleuses de l'inju-
re, les gaz asphyxiants de la calomnie. J'ai
l'ésisté aux uns et aux autres sans inquié-
tude, parce que, n'est-il pas vrai,. Messieurs,
celui qui n'a rien à cacher n'a rien à crain-
dre.
Ei pourtant, il est des heures sombres
parce que le devoir est obscur, parce que par-
fois il est plus malaisé de le connaître que
de l'accomplir ; les problèmes* sont com-
plexes et la solution à laquelle on s'arrête
est si grosse de conséquences que le chef
responsable s'interroge, se demande si, à
sou insu, il n'obéit pas à des préventions
invétérées, à des rancunes tenaces, à des
calculs égoïstes et inconscients, car, La Ro-
chefoucauld l'observait, l'amour propre prend
tous les masques, même celui du désintéres-
sement. Pourtant, dans le tumulte des pas-
sions, dans le conflit des intérêts, il faut
voir clair, il faut choisir, il faut agir. Pour
un homme de gouvernement, il n'est pas de
posture plus piteuse que celle de l'hésita-
tion, du tâtonnement, de l'inertie.
Mais il est aussi -- pourquoi le cacher ?
— si cuirassé d'indifférence, si enveloppé de
sérénité que l'on veuille être ou parattre,
des instants de mélancolie, des minutes de
découragement. Qu'il y ait des profession-
nels de la polémique violents, tendancieux,
inexacts, je ne m'en étonneras. Que chaque
jour ils reviennent sur des allégations que,
pertinemment, ils savent mensongères, soit.
Mais il est aussi des hommes qui se croient
honnêtes, qui ne sont pas systématiquement
méchants et qui cependant s'en vont répé-
tant inlassablement ce qu'ils ont lu, ce qu'ils
ont entendu, sans jamais prendre la peine de
le contrôler. Je m'efforce toujours de com- ,
prendre les raisons des attitudes des autres
et jamais, a priori, je ne suppose qu'elles
sont basses ou intéressées. Excusez-moi -s'il'
m'arrive de m'affliger quelquefois de n'être
pas payé de retour et si jamais je me laisse
aller à penser que la paresse de l'esprit est
aussi malfaisante que la sécheresse du coeur,
Toute la France
C'est, messieurs, ce. qui .vous explique Ia;
joie très vive que je ressens à me trouver ici
ce soir au milieu d'hommes dé bonne £ 4, Qyi,
vous êtes unis et je d'en réjouis ; mais votre,
union n'est pas faite d'une unité ectrIM4 4t,
d'une sotte d'exclusivisme intransig^BÉ; pftjtc
plus que dans le domaine des convictions po-
litiques que dans celui des conceptions so-
ciales ou des croyances morales. Vous vous
connaissez bien les uns les autres, vous res-
sentez à l'égard les uns des autres assez d'es-
time affectueuse pour comprendre que la
France est d'autant plus riche intellectuelle-
ment et moralement que vos dées, vos as-
pirations, par leur diversité même. répondent
aux multiples aspects de la réalité. Vos doc-
trines, qui paraissent s'opposer, se complè-
tent en réalité plutôt qu'elles se contredisent.
C'est la France toute entière que vous aimez,
la France d'hier, de demain, la France de la
tradition chevaleresque, celle des idées clai-
res, celle des revendications impatientes mais
toujours éprise d'harmonie, de justice, de fra-
ternité, toujours scrupuleusement respecta
euse de la parole donnée.
Vous n'estimez pas, comme quelques-uns,
que vous aimerez d'autant mieux la Franco
que vous dédaignerez les autres nations et que
vous haïrez plus frénétiquement un plus grand
nombre de Français, ceux qui ne pensent pas
comme vous. Volontiers, vous direz avec le
poète Sully-Prudhomme :
« Je tiens de ma Patrie un cœur qui la de-
[borde
a Et plus je suis Français plus je me sens
[humain. »
Cette générosité française, vous l'avez af-
firmée dans vos groupements, en vous pen-
chant sur les détresses individuelles et, tout
en les allégeant, vous vous êtes appliqués àJ
en supprimer ou à en prévenir les causes.
Ces victimes de la guerre, elles ont si cruel-
lement souffert, elles ont été à tel point di-
minuées dans leur capacité de production.
économique et dans leur faculté de bonheur.
Nous devons nous employer tous — et vous
avez raison de nous le rappeler si passionné-
ment — à réparer les dommages qu'elles ont
subis. Réparer? N'est-ce pas irréparable? On
peut reconstruire une maison, mais quelle
est la somme d'argent qui compense une mu-
tilation, des yeux qui ne connaissent plus la
charme de la couleur, la douceur de la lu-
mière; la joie de vivre diminuée, la santé
compromise; qu'est-ce qui peut effacer la tris-
tesse obsédante d'un être cher disparu ?
La bonne politique
Ne faites pas de politique, vous dit-on sou-
vent. Oui, si la politique n'est qu'un art mé-
diocre d'arrivisme, pour satisfaire de gros-
sières convoitises. Non, si la politique est ce
qu'elle doit être : une application concertée
et ardente de tous à la grandeur, à l'équité,
au prestige de la cité. Pour vous, l'action
n'est pas plus l'agitation que l'ordre n'est la
routine. Pour vous, il ne s'agit pas d'élever
des murailles de paperasses à l'abri desquels
les les responsabilités s'effacent et les éner-
gies s'endorment. Vous avez connu l'action
engagée au milieu des périls de mort; vous
avez appris ainsi la valeur de la méthode, de
la patience, du courage et de la ténacité.
Ces vertus, la France vous demande de les
mettre à son service. Malgré la joie que lui
apportent aujourd'hui ses succès' au Maroc,
Alle vit des années sombres. Elle a perdu
son printemps. Elle a été profondément at-
teinte dans son patrimoine intellectuel, physi-
que, économique, financier. Puisse sa force
morale s'exalter des épreuves mêmes qu'elle
a subies. Une fois de plus, c'est à vous que
nous faisons appel, à votre clair bon sens, à
votre expérience, à votre esprit de vivante
concorde. Vous êtes des hommes qui ne vous
payez pas de mots, vous n'appréciez guère
ceux qui prodiguent des conseils d'abnégation
qu'ils se gardent de suivre eux-mêmes; vous
n'aimez pas ceux qui nous invitent à la con-
corde mais qui nous y poussent à coups de
trique; vous n'aimez pas ceux qui nous pré.
chent de courir à la défense du franc alors
qu'eux s'empressent d'exporter leur fortune
à l'étranger; vous n'aimez pas les embus-
qués, que ce soit ceux du devoir militaire,
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