Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-07
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 février 1908 07 février 1908
Description : 1908/02/07 (N13846). 1908/02/07 (N13846).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
H' 13846.= 17 Pluviôse Ani 1 Er" OBKQ CENTIMES LE XOMBBO - Vendredi 7 Février 1908. - Tï* 13840
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CA JUSTICE POUR
LES FONcnOtfNAIRES
Ceux qui sont exclus du Sta-
tut. — Les employés et
secrétaires de mairie.
- Découragés, ils
préparent la
- grève.
Le Rappel a fait une campagne qui a
eu un certain retentissement dans l'opi-
nion pour assurer aux fonctionnaires
de la République les nties auxquel-
les ils ont droit en ce qui concerne le
recrutement, le traitement, l'avance-
ment, la retraite, etc. Beaucoup d'in-
téressés nous ont communiqué, à ce su-
jet, des notes qui méritent de retenir
l'attention.
L'une d'elles intéresse une catégorie
d'employés dont nous nous sommes oc-
cupés à. diverses reprises : les secrétai-
res de mairie. Nous la publions avec
d'autant plus d'empressement qu'elle
touche de près à l'-actualité, étant don-
né l'agitation qui se produit en ce mo-
ment dans cette catégorie d'employés,
et dont le gouvernement ne peut man-
quer de se préoccuper ; la voici :
La République est le gouvernement
d'un peuple qui ne doit l'obéissance
qu'aux lois.
Le peuple français est donc soumis à
une quantité-de règles qu'il a désirées,
qu'il a établies et qu'il doit, par consé-
quent, respecter. -
Les lois sont faites par le Parlement.
C'est le gouvernement qui a charge de
les appliquer. Ce dernier dispose pour
cela des employés de l'Etat ou fonction-
naires.
L'administration du pays se compose
de l'ensemble des fonctionnaires. -
Administrer, c'est agir, c'est procurer
à tous les habitants d'une même nation
la justice, la sécurité, le bien-être ; c'est,
en définitive, appliquer les lois dans
J'intérêt de l'Etat et des citoyens.
Pour bien remplir cette tâche, les
agents du gouvernement doivent inspi-
rer toute confiance aux administrés. Il
est nécessaire, avant tout, qu'ils soient
capables de remplir leur fonction, qu'ils
soient assidus, courtois envers les per-
sonnes qu'ils ont à servir. Combien
d'autres obligations, je dirai d'autres
devoirs leur sont imposés. Ces obliga-
tions sont d'ailleurs une garantie pour
le public ; celui-ci, par contre, doit avoir
les plus grands égards pour les salariés
de l'Etat.
Mais si le fontionnaire a des devoirs
nombreux, certains droits lui sont ac-
quis : la rétribution, l'avancement, les
congés, la retraite par exemple. Ces
droits sont cependant bien mal définis,
et parfois l'arbitraire règne dans les di-
verses branches de l'administration.
Il est donc nécessaire, je ài:r-a même
indispensable, d'établir un statut. Ce
statut devrait s'appliquer à toutes les ca-
tégories d'employés et pour chaque mi.
nistère, une réglementation spéciale le
compléterait.
Un projet de loi étant actuellement en
préparation, il me semble inutile d'in-
sister davantage sur ce sujet. Je me per-
mettrai pourtant d'émettre cette idée
que les emplois n'ont pas été créés dans
1 intérêt des occupants.
***
En attendant l'établissement d'un sta-
tut légal, et des règlements complémen-
taires, il est bon de rappeler que sous
les anciens régimes les fonctionnaires
étaient plutôt délaissés. La République
les a, au contraire, favorisés. Sous son
gouvernement, leur situation s'est amé-
iiorée et si quelques oubliés se plaignent
— oh ! bien doucement ! — de leur mo-
deste sort, qu'ils se rassurent, le temps
ast proche où l'on s'occupera d'eux.
Ces oubliés sont-ils nombreux ?
Grâce au Rappel, plusieurs ont déjà
pu se faire connaître et parmi eux les
employés de sous-préfectures. A nou-
veau, aujourd'hui, je m'occuperai de ces
derniers.
*
* *
Chaque année, lors de la discussion
du budget, un de nos honorables repré-
sentants soulève à la Chambre la ques-
tion de la suppression des sous-préfets.
Chaque année aussi, le ministre de l'in-
férieur défend ses collaborateurs en les
présentant comme indispensables pour
la bonne administration du pays.
Ne voulant pas retenir trop longtemps
l'attention des lecteurs du Rappel, je ne
discuterai pas sur l'utilté du maintien
des sous-préfectures : d'autres, plus
compétents, le font et continueront à le
faire. Je me conlenterai de parlée du
personnel.
Et tout d'abord, les employés de sous-
préfecture sont-ils des fonctionnaires ?
On pourrait les considérer comme tels,
puisqu'aux termes de l'article 33 de la
loi du 5 avril 1884, ils ne sont pas éligi-
bles, au conseil municipal, dans le res.
•ort où ils exercent leur fonctionnais si
rGD envisage la façon dont ils sont nom. j
més et rétribués, cette opinion peut se
moilifi..
Le sous-préfet nomme et paie ses em-
ployés. C'est le décret du 9 janvier 1869
qui a fixé le montant des frais d'admi-
nistration accordés à chaque sous-pré-
fet, en divisant le fonds en deux parties,
l'une au fonds d'abonnement destinée
au personnel, la seconde destinée aux
dépenses matérielles. Sous forme de
subvention, le département contribue,
lui aussi, au traitement des employés.
La question reste donc posée.
D'autre part, avec le système actuel
l'organisation des bureaux est entière-
ment laissée aux soins du sous-préfet.
Il s'en suit que pour chaque arrondisse-
ment, cette organisation n'est pas la
même. Il y a là un vice de forme qui ne
peut qu'entraver la bonne marche des
affaires.
Pour l'avancement du personnel, au-
cune règle n'est tracée, et dans certains
bureaux c'est même l'histoire du bon
plaisir. Parfois — rarement cependant
— la bonne harmonie est loin de régner
entre les employés. C'est à qui essaiera
de passer sur le dos du voisin ; c'est à
qui racontera aux chefs du mal de son
collègue, et pendant ce temps le travail
souffre, n'est-il pas vrai ?
Il y aurait lieu, à mon modeste avis,
et afin de remédier à cet état de choses,
d'assimiler les employés de sous-préfec-
tures aux autres fonctionnaires, de pro-
céder pour eux comme il a été fait pour
les autres administrateurs de l'Etat. Ce-
lui-ci n'y perdrait rien, bien au contrai-
re. La dépúL<.:' serait d'ailleurs la même
avec cette seule différence que la sub:
vention départementale, actuellement fa.,
cultative, deviendrait obligatoire.
Un règlement spécial déterminerait et
les conditions de recrutement et d'avan-
cement du personnel, et le nombre des
employés, qui devrait être proportion-
nel à la population de l'arrondissement.
(Il semble illogique qu'une sous-préfec-
t-ure, dont la population territoriale est
de 50,000 âmes possède autant d'em-
ployés qu'une voisine, chef-lieu d'une
circonscription, de 150,000 habitants.)
Voilà, exposés brièvement, quelques
desiderata concernant les sous-préfectu-
res ; ils s'appliquent également aux pré-
fectures, puisqu'en sommî. c'est la mê-
me administration. Pour l'instant, ils
sont soumis à l'examen de M. le minis-
tre de l'intérieur.
H. L.
A ce sujet, voici la dépêche que nous
recevons du Var :
Toulon, 5 février.
Une grande agitation se manifeste
chez les secrétaires et employés de mai-
rie, qui n'admettent pas que le projet
gouvernemental sur le Statut des fonc-
tionnaires ne leur donne aucune satis-
faction. Le projet d'abandonner les
fonctions avant le lor mai prochain a été
posé à.de nombreuses associations dé-
partementales et presque toutes ont ré-
pondu par l'affirmative, c'est-à-dire pour
l'abandon des fonctions. Le mouvement
serait donc général.
Des congrès se tiendront sous peu
dans de nombreux départements et tout
fait prévoir que des résolutions graves
seront prises.
Nous sommes en mesure d'annoncer
que les Varois tiendront leur congrès à
La Seyne-sur-Mer, le 1er dimanche du
mois d'avril. — HENRI PAGUET.
On aurait tort de ne pas prendre au
sérieux le mécontentement qui règne
dans une catégorie d'employés, généra-
lement surmenés de travail et privés de
toute sécurité.
Nous nous servirons de toute l'in-
fluence que peut nous donner sur ces
fonctionnaires la sympathie que leur a
toujours montrée le Rappel pour leur
prêcher le calme. Nous avons confiance
dans leur sagesse. Mais, de son côté, le
gouvernement ne peut manquer fte com-
prendre qu'il est juste d'assurer un sort
plus digne et moins précaire aux labo-
rieux serviteurs qui ont acquis tant de
droits à la bienveillance des pouvoirs
publics.
H. D.
»
Récit des temps bonapartistes
Toute une génération a
grandi et même mûri, depuis
1870. Cette génération est cer-
tes républicaine. Elle a hor-
reur, comme le montre cha-
que consultation électorale,
de quelque retour que ce -soit aux ré-
gimes abolis. Mais elle aura toujours
sur la génération précédente l'infériorité
.de ne pas savoir au juste ce qu'est l'Em-
pire.
Pour connaître le régime impérial, il
faut l'avoir vu ; il faut l'avoir subi.
Pourtant, on peut en donner une idée
approximative aux hommes qui sont
nés depuis la fondation de la Républi-
que, en leur racontant l'oppression into-
lérable que leurs aînés ont dû subir.
Un grand et vieux chêne du Cantal
vient de s'écrouler. C'était, à en croire
la tradition, l'arbre que, Victor de La-
prade avait chanté dans des vers qui fu-
rent célèbres et qui sont encore connus.
A ce propos, le Temps rappelle que
Victor de Laprade ne fut pas seulement
un poète sylvestre et qu'il s'essaya dans
la satire. Ah ! satire bien modeste, bien
douce, bien atténuée I
A Sainte-Beuve qui l'avait maltraité
dans le Constitutionnel, Victor de La-
prade répliquait, par l'intermédiaire du
Correspondant :
Partez ! j'entends la voix du critique avant-
Balayant les abords et traînant sa rgarde
Et nous invitant tous, prosateurs et rimeurs,
Pour gagner - u terrain, à démolir les mœurs.
Avez-vous jamais rien tq de plus bé?
nin, de plus lénitif ? Le reste était à
l'avenant.
Eh bien I le Correspondant éut un
avertissement .1
Mieux : Victor âeLapradû, qui etait
professeur à la Faculté de Lyon,, fut des-
titué 1
Et les bonapartistes mêlés aux roya-
listes et aux cléricaux, se permettent de
crier au « sectarisme » du parti républi-
cain et se plaignent de son insuffisant
libéralisme. Ombre du poètee Lapra-
de, dis-nous quel était le libéralisme de
Napoléon III et de M. de Persigny I
LES ON-DIT
Herbert Spencer n'avait pas de rides
Que de gens portent, comme l'huis-
sier de la comédie, leurs exploits gra-
vés sur le front ! Le philosophe Herbert
Spencer n'avait point de rides en un
âge avancé. Dans une autobiographie
parue récemment, il a expliqué ainsi ce
phénomène : « Je pense que c'est parce
que je ne suis jamais embarrassé. Je ne
fais pas cet effort de concentration, qui
est généralement accompagné du fron-
cement des sourcils. Mes conclusions
sont le résultat d'un corps de pensées,
qui se forme petit à pefot, sans efforts
appréciables, »
Les poids et mesures en Chine
Le régime des poids et mesures en
Chine varie considérablement d'une pro-
vince à l'autre. D'après un uait en date
du 9 octobre 1907, le ministre de l'agri-
culture, de commerce et. de l'industrie
a reçu des instructions pour élaborer,
dans un délai de six mois, de concert
avec le ministère des finances, un sys-
tème unifié de poids et mesures, et pré-
parer un règlement pour l'application
de ce système.
Le péril jaune -
Un Japonais, M. Nag Tany, a acheté
à Québec 25,000 arpents de terres d'irri-
gation. Il s'est engagé dans un projet
de canalisation et a constitué une com-
pagnie avec capital ; deux cents japo-
nais arriveront au printemps et com-
menceront la culture des oétteraves à
Alberta ; une raffinerie sera établie l'an-
née prochaine. Le gouvernement local
se montre peu disposé à permettre aux
Japonais d'entrer au Canada comme
fermiers ; les peuples occidentaux crai-
gnent que les Japonais, en se faufilant
comme cultivateurs, ne fassent mentôt
aux blancs une sérieuse concurrence
dans les autres branches de l'industrie.
Le Passant.
g» «
CONSEIL GENERAL
Séance du 5 lévrier 1908
Les tramways
M. Félix Roussel préside.
On reprend la discussion sur la réorga-
nisation des tramways dans le départe-
ment de la Seine.
M. Ambroise Rendu pose une question
au rapporteur. Il demande s'il est possible,
avec les tarifs bas de 10 et de 15 centimes
qui ont été votés avant-hier, s'il est en-
core possible de faire quelque chose en
faveur du personnel et 4e permettre aux
exploitations de tramways de subsister de
manière à satisfaire la population.
M. Léon Barbier, rapporteur, dit que les
conclusions qu'il a présentées au sujet des
tarifs étaient les seules possibles, en rai-
son des charges résultant des améliora-
tions consenties pour le personnel. Les ta-
rifs qu'il proposait étaient basés sur les
études de l'administration. Pour payer le
personnel, il faut de l'argent, et il est dou-
teux que les tarifs bas permettent de pro-
duire des ressources suffisantes pour faire
cette réforme. M. Léon Barbier fait remar-
quer que le ministre des travaux publics
peut ne pas apposer sa signature au bas
du projet de contrat qui sera voté
Dans tous les cas, le conseil général
doit poursuivre sa tâche, mais trouvera-
t-on des concessionnaires sérieux ? MM.
Landrin, Navarre, J. Weber, Marsoulan,
Parisot présentent des observations au su-
jet des tarifs qu'ils ont votés.
Le Conseil décide que les tarifs extra-
muros seront fixés d'après des tableaux
indiquant les lignes et les sectionnements,
tableaux qui seront ultérieurement sou-
mis à l'assemblée départementale. Il vote
les paragraphes relatifs à la gratuité du
transport des enfants au-dessous de qua-
tre ans et des paquets peu encombrants.
MM. Cherest, Trézel et Marquez deman-
dent que, jusqu'à minuit un quart ou mi-
nuit 40, les tarifs ne puissent être doublés;
mais le conseil décide qu'ils courront l'être
à partir de minuit, ce qui constitue une
amélioration sur l'état de choses actuel,
certaines compagnies ayant le droit d'exi-
ger un tarif double à partir de onze heu-
res du soir.
M. Carmignac propose d'accorder la de-
mi-place, en deuxième classe, aux mili-
taires. Cet amendement est repoussé.
A propos des trains ouvriers, la com-
mission proposait de considérer comme
tels ceux qui partiront du terminus avant
sept heures du matin en hiver et six heu-
res et demie en été. M. Jacqumin pro-
pose de porter la limite jusqu'à neuf heu-
res du matin. M. Jean Martin propose huit
heures en hiver, sept heures en été ; M.
Berthaut, sept heures eh été, et sept heu-
res et demie en hiver. Le Conseil adopte
la proposition de M. Voilan, fixant unifor-
mément la limite à sept heures et demie
hiver comme été, avec départs tous les
quarts „ d'heure. Les voyageurs de ces
trains paieront le tarif de deuxième classe
à toute place et, extra-muros, parcourront
toutes les sections d'une ligne moyennant
un supplément de cinq centimes. -
L'ensemble de l'article 23, y compris les
amendements que nous avons énumérés,
est voté.
M. Voilin propose l'exploitation en régie
directe. Il défend longuement sa proposi-
tion et réclame le scrutin public.
La régie directe est repoussée par 47
voix contre 44.
On adopte une proposition de M. Panne-
lier portant interdiction de l'emploi d'accu-
mulateurs dans les voitures.
Séance aujourd'hui. — A. B.
- ♦ i
PROPOS DE SALON
Dans le salpn où les femmes, mises en
verve par un succulent dîner arrosé de
vins uns, agitaient la question à l'ordre du
jour, celle du divorce et du mariage à
loyer, un vieillard, qui, jusque là n'avait
pas dit grand chose, prit soudaiJMyi pa-
role avec une assurance qui fl gnait
dès l'abord son désir de la con, er.
— Tout cela est bel et bon, mesdames,
dit-il, mais aucune d entre vous n'a l'air
de se douter que tout ce que vous regar-
dez comme des innovations ou souhaita-
bles, ou dangereuses, ou ridicules, selon
votre tour d'esprit, n'a absolument rien de
neuf. J'ai depuis longtemps étudié la ques-
tion. Vivant dans la solitude, j'ai toujours
eu du - goût pour les histoires matrimonia-
les. Célibataire, j'ai eu la plus grande cu-
riosité pour les aventures de ceux qui se
marient, et rien ne m'a amusé comme de
comparer les mœurs des hommes des di-
vers pays, en tant qu'ils s'avèrent sou-
cieux de vivre en ménage. C'est, en effet,
très amusant, de voir par quelles étapes
l'humanité a passé avant d'arriver à la
conception de la famille telle qu'elle plaît
à M. Bourget et à certaines d'entre vous.
Il est évident que dès les sociétés primi-
tives, l'homme s'est préoccupé de se réser-
ver, par une sorte de contrat, le mono-
pole d'une femme. ou de plusieurs. Son
but était alors d'avoir des esclaves, des
bonnes vraiment à tout faire (y compris
les enfants), dont il pût exclusivement pro-
fiter. J'avoue que je comprendrais sans
peine que vous ne teniez pas à voir re-
venir cet âge d'or. Les plus avancées d'en-
tre vous, même celles qui voudraient être
prises à terme, ne voudraient plus cepen-
dant être louées comme servantes. Vous
vous plaignez de vos maris qui passent
leur vie à travailler pour vous permettre
de ne rien faire, et vous trouveriez fort
auaacieux, que sous prétexte d'innova-
tions, ils aient l'audace de vouloir passer
un contrat qui vous obligerait à faire quel-
que chose.
Ce mie vous voudriez, c'est ne pas vous
engager pour la vie à être fidèle à un
homme. Je reconnais là une tendance as-
sez naturelle à notre mère Eve ! Mais
vous allez plus loin. Soucieuses de respec-
tabilité, vous désirez que les mœurs, et
les lois avant elles, vous autorisent à ne
prendre un mari qu'à l'essai. Je n'objecte
rien. Cela existe. Dans l'île de Ceylan, le
mariage est provisoire pendant quinze
jours. Chez certaines peuplades du Mexi-
que, on prétend même que l'essai ne com-
portait qu'une - nuit. - On était marié si on
passait ensemble la journée du lendemain.
Une nuit seulement ?. Souhaiteriez-
vous cela ? C'est un peu court peut-être,
et d'ailleurs, pour juger des mérites d'un
homme en si peu de temps, ne convient-il
pas d'être soi-même quelque peu exer-
cée ?. Je risque cette hypothèse, et j'a-
joute que ce système, s'il prévalait jamais,
ne pourrait convenir qu'à des femmes
ayant fait déplusieurs expériences.
Préféreriez-vous le système en usage
chez les Arabes Hassanyeh, riverains du
Nil Blanc ? Chez eux, la femme se loue
vraiment et se loue à plusieurs. Le mari
principal a seulement la possession de la
femme pendant la plus grande partie du
.-- T"\1__- 1 -_!- --'1 -
wiipa. fius ii paie, pius la lemme s en-
gage à lui consacrer de temps, mais par
un caprice dont vous saisirez mieux que
personne le sens bien féminin, elles ne
consacrent jamais tout leur temps au mê-
me homme, quelque prix - qu'il y mette,
d ailleurs I. Vous souriez ! Parbleu 1
Cela serait votre idéal, je m'en doute.
Mais cela même existe en Perse ! Là,
on passe un bail. Si l'homme veut rompre
ce bail avant l'expiration, il verse un dédit
ou doit payer t nullité du prix convenu.
Vous me direz e-L. ces usages sont aussi
les nôtres dans un certain monde. Mais
notez que dans les pays dont je parle,
c'est bien un mariage que la loi sanction-
ne, que les enfants ont des droits à la
succession paternelle, et que tout se passe
au point de vue légal aussi sérieusement
que dans les mariages les plus réguliers.
Préféreriez-vous voir s'instituer chez
voue les us et coutumes des Naïrs, peuples
de l'Inde ? Chez eux, on loue un mari pro-
visoire, qui est chargé simplement de l'ini-
tiation. Vous me comprenez.. Le lende-
main on le renvoie, et jamais plus la jeune
fiiie qu'il a faite femme ne devra le re-
voir. Mais, de ce jour, elle peut se marier
à sa guise. Elle prend plusieurs maris qui
s'engagent à subvenir en commun à ses
besoins et généralement s'entendent très
bien. J'ajoute qu'un mari peut aussi s'in-
téresser au bien être de nlnsipnrs fpm.
mes. Vous le voyez, cela encore - existe
chez nous, dans le monde de la galante-
rie. En somme, il ne nous, manque que
de donner à ces pratiques la sanction lé-
gale qu'ont les Naïrs, pour que les femmes
du meilleur monde aient le droit de s'as-
similer bénévolement et librement à des
courtisanes. »
il y eut un petit frémissement. Le vieil-
lard avait laissé tomber sa phrase en dou-
ceur, avec une malice contenue fort pi-
quante. On se regarda sans oser proies
ter. Il reprit :
« Mais j'y pense ! Tout le mal vient pré-
cisément de ce que nous attachons à ce
titre de courtisane un sens méDrisahlp t
En vérité, nous sommes bien sots. Imitons
plutôt nos bons amis les Japonais. Au Ja-
pon, la prostitution n'est nullement mépri-
sée, et on répète sur tous les tons que
les Japonais nous valent bien. Dans les
maisons de thé où l'on s'amuse, ce sont
souvent les parents eux-mêmes qui cqiv,
duisent leurs filles de 15 à 25 ans. Ils les
y placent. Ils les y louent. Que diriez-
vous, mesdames, de cette espèce de
louage ? Eh bien î cela n'a pour elles rien
de déshonorant. Beaucoup d'entre elles se
marient ensuite et leurs maris n'en sont
ni plus ni moins malheureux. Au moins,
elles savent, celles-là, ce que c'est que
l'homme, et de son côté celui qui les prend
est sûr qu'elles ont toute la pratique dési-
rable pour faire le plaisir, sinon le bon-
heur, d'un mari. Certes, nous n'en se-
rons pas là de longtemps, mais pour peu
que l'idée du mariage-loyer s'établisse, il
n est pas impossible que nous y arri-
vions. »
Il se tut. La maîtresse de maison parla
d. 'autre chose.
Laurent Valièrt.
LA TOURMENTE DE NEIGE EN ALGÉRIE
Une mission égarée
Blida, 4 février.
On est jusqu'à présent sans nouvelles
d'un détaclieméht de treize hommes de
troupes opérant avec le lieutenant de dra-
gons Faure, de la mission géodésique.
Jeudi dernier, M. Faure, se rendant a
Alger pour le service, laissa le détache-
ment campé au pic Féruka, à 1.500 mètre
d'altitude dans l'Atlas.
Vendredi, la neige commençait à tom-
ber ; samedi le courrier de ravitaillement
parti de Blida dut faire demi-tour. Depuis
samedi, trois courriers successifs durent
rebrousser chemin, la neige atteignant par-
fois trois mètres de hauteur. Un détache-
ment de secours de 50 tirailleurs, armés
ae pics, pelles et pioches, arriva près d'u-
ne forêt de cèdres ; mais douze soldats, en-
gourdis par le froid, durent être évacués.
Le détachement de secours fit connaître
qu'il espérait arriver au camp de Féruka
.ans la soirée. On attend des nouvelles
avec anxiété.
Le détachement de Féruka était Campé
sous des tentes dites « guittonnes Il et était
complètement isolé. Il est placé sous les
ordres d'un brigadier du train.
Après la catastrophe
Aïn-Sefra, 5 février.
Six cadavres de légionnaires viennent
d'être retrouvés ; ce qui porte à 34 le
chiffre des victimes de la 20e compagnie du
20e étranger. Quelques disparus n'ont pas
encore été découverts. Le convoi et 17
hommes de l'escorte sont rentrés à Aïn
Benkhellil, sous la conduite du lieutenant
Le clerc, du bureau arabe de Mecheria ; le
lieutenant recherchait le convoi depuis le
3 février.
Les soldats ont montré, dans la catas-
trophe,le plus grand sang-froid; après avoir
abandonné leur équipement, ils ne se sont
dessaisis de leurs fusils qu'à la dernière
minute ; la plupart des armes ont été effec-
tivement retrouvées dans les environs im-
médiats de Fort-Hassa par des indigènes
qui les ont ausitôt rapportées au comman-
dant du poste.
Les soldats, interrogés, affirment qu'ils
ont préféré tenter de gagner Fort-Hassa
que de rester immobilisés dans la tourmen-
te de neige.
L'inhumation des victimes aura lieu sa-
medi. Le convoi, portant trente-cinq cer-
cueils, est parti d'Ain-Sefra dans la mati-
née.
On attend l'arrivée du général Bailloud.
(Voit la suite en DEUXIEME EDITION)
LE VIEUX GRENADIER
et la Patrie
Il y a des souvenirs évoqués avec d'au
tant plus d'intérêt qu'ils correspondent
à des réalités dont on veut douter jus-
qu'à ce que la pratique les ait mises en
valeur.
M.'Ney, un vieux grenadier de Wa-
terloo, avait trouvé le mécanisme d'une
locomotion sans chevaux, alors que
cette idée était encore dans les limbes.
Au moyen d'une roue sur le siège de sa
voiture d'une construction fort primiti-
ve, celle-ci évoluait à la façon d'un auto
et glissait, elle aussi, avec ce glapisse-
ment de tempête auquel maintenant les
oioilles sont habituées. Mais l'invention
du grenadier fut accueillie avec une
parfaite indifférence si ses complaintes
patriotiques restèrent dans les mémoi-
res.
M. -Ney avait débarqué un soir à Viré,
un joli endroit en deçà des lignes fer-
rées, absolument agricole. Avait-il étu-
dié la carte du département, ou le ha-
sard l'avait-il conduit vers ce coin agres-
te ? Il ne le dit jamais et on ne le lui de-
manda pas. Il vécut ses derniers jours
dans ce petit bourg qui dormait enclavé
dans ses prés bordés de grands bois
odorants et de sources chantantes. On
sut seulement qu'il était un serviteur
dévoué de la patrie, qu'il avait versé son
sang pour elle, comme en témoignaient
les balafres de son front. Cela suffisait.
Du reste, la curiosité malsaine qui sé-
vit n'existait pas alors à Viré.
Moyennant cinquante centimes par
jour, M. Ney tfut une grande chambre
chez un marchand ambulant. Son am-
ple redingote, dont les pans touchaient
ses talons, était dépaysée dans cette rus-
ticité. Mais on s'accoutuma bien vite à
son visage, à son costume, à son regard
qui avait vu tant de choses.
Tout l'hiver, il avait travaillé à son in-
vention, mais quand les jours devinrent
beaux, il installa sur la place de l'église,
après la messe, une table aux coins de
laquelle brûlaient des chandelles de
suif dans des chandeliers de cuivre. Au
milieu de la nappe, bien blanche, il y
avait des complaintes imagées toutes pa-
triotiques, puis dps médailles de saint
Hubert — pourquoi saint Hubert ? on no
sut jamais pourquoi non plus -. ct. des
chapelets en buis très jolis, très ouvra-
gés que M. Ney fabriquait.
La place de Viré, en forme de ter-
rasse, était abritée d'un énorme noyer
dont les branches, en parasol, In cou-
vraient toute. Les jours de fête on dan-
sait là ; on enveloppait l'énorme tronc
de draps piqués de roses et de blueis.
M. Ney attirait villageois et villageoi-
ses autour de sa table dédiée à la Patrie
tous les yeux tournés vers lui n -
daient aucun de ses gestes. Le vieui
grenadier, tête nue, très gi«ve, o.i.
moyennant un sou, ses médailles et
trois sous, ses. chapelets dont on pou.
vait faire des colliers, s'inclinait devant
tous ses acheteurs, puis d'une voiauqu!
sonnait la charge, il entonnait une com
plainte à la Patrie, à la Victoire.
Le recueillement devenait si p,rofond,
qu'on entendait dans -les branches du
noyer les insectes bruire. Cette voixv au
timbre cuivré,, communiquait à ces»
âmes neuves le frisson des grandes cho-
ses.
Et ce souvenir demeura chez elles, de
même la petite table symbolique que
les vieux voient toujours et que voient
les jeunes par les yeux des vieux.
Si M. Ney conçut un vif chagrin de
l'indifférence des Virois pour son inven-
tion, il dût se réjouir d'avoir initié,
mieux que personne, ces braves gens à
l'idée de grandeur de la Patrie. Donc,
vive le vieux grenadier, à la fois inven-
teur et patriote 1
Cécile Cassot.
11^ » !
La Révolution Portugaise
APRÈS LA TRAGEDIE
Le nouveau ministère
Lisbonne, 5 février.
M. Ferreira Amarai, président du con.
seil, aussitôt arrivé au palais, où il s'était
rendu pour présenter les ministres au roi,.
a mandé le directeur général du ministère
de 1 intérieur, pour préparer les décrets
oont 1 élaboration incombe à son départe.
ment.
Lisbonne, 5 février.
En sortant du palais, les ministres s<
sont rendus au domicile du 1 président du
conseil où ils ont tenu une réunion qui a
duré quatre heures.
Les ministres ont examiné La situation
ils ont fixé les grandes lignes du Dro £ sra.m-
me a suivre.
Les ministres se réuniront à nouveau de-
main dans l'après-midi, pour délibérer et
prendre une résolution.
La nouvelle de la constitution du ca.
binet a été communiquée à toutes les pro-
vinces. Elle a produit partout une excellen.
te impression.
Malgré la tristesse que tout le monde
éprouve à la suite de l'attentat, il est
facile de remarquer que la solution appor-
tée aujourd'hui à la crise politique par Fa.
vènement du nouveau ministère a provo-
qué un sentiment de soulagement.
Lisbonne, 5 février.
Le bruit eourt dans les cercles politiques
que Je nouveau gouvernement aurait Fin.
tention de. rapporter tous ou presque tous
les décrété pris par M .Franco quand il
iétaiti au pouvoir et d'attlénuer flans tel
mesure du possible ceux qui ne pouvaient
être rapportés. On cite notamment les dé-
crets concernant la presse, l'imnmnité par-
lementaire et les municipalités lesquels se-
raient annulés. •
Le journal régénérateur As Novidades,
qui avait recueilli ce, bruit dans la soi-
rée, déclare que des renseigneifcents exacts
lui permettent d'affirmer qu'aucune déci-
sion n'a été prise, jusqu'à présent, à cet
égard.
La reine et M. Franco
Le Standard raconte qu'une scène péni-
ble eut lieu lorsque M. Franco entra dans
la chambre mortuaire. Dès que la reine
vit, elle se leva, et montrant les cada r-
du roi et de son fils, dit a M. Franco
« Voyez votre œuvre ! Il
M. - Franco quitta la salle, très accablé
sans avoir pu prononcer un seul mot.
La Voz de Guipuzcoa donne cette autre
version î
Le dictateur, se présentant devant la
reine Amélie, au palais des Necessîdadts,
dit à la reine qu'il éprouvait en ce moiiieni
ia plus grande douleur de sa vie.
La reine, en proie à une émotion inten-
se, s'écria :
Comment osez-vous parler, vous qui êtes
la cause de tout cela !
M. Franco voulut justifier sa conduite,
mais la reine lui tourna le dos et rentra en
sanglotant dans la pièce où l'on venait de
transporter les cadavres du roi et du prin-
ce héritier.
C'est à la suite de cette scène que M.
Franco aurait décidé de donner sa démis-
sion
Les républicains et l'attentat
Le journal El Munda publie la dépêche
suivante de Lisbonne :
Les événements de Lisbonne ont été
seulement l'embrun de, la vague révolution-
naire ; en fait, ils furent exécutés exclusi-
vement par les républicains. Le parti révo-
lutionnaire en accepte la responsabilité.
Le plan du mouvement était de descen-
dre dans la rue, le 31 janvier, de s'-empa
rer du télégraphe, du téléphone et de com-
muniquer aux autorités la proclamation
la République. Oporto répondait la premiè-
re, et la.garnison de cette ville secondant
le mouvement, les souverains devaient
être surpris au Palais et embarqués, M.
r ranco mis à mort, et les ministres enfer-
més dans leurs maisons.
Le plan avorta à la suite de dénoncia-
tions ; mais rien ne dit qu'il ne puisse pas
être mis maintenant à exécution.
On considère comme difficile que, jus-
qu'à la proclamation du roi par les Cortès,
il ne se produise pas de nouveaux événe
ments. On les attend d'un moment à l'au-
tre.
Le prétendant dom Miguel
Les nouvelles les plus contradictoire!.
circulent sur le prétendant dom Miguel de
tiragance.
On mande de Viareggio au Giornaie
d'ItaUa que dom Miguel de Bragance, qui
se trou ait depuis un mois à Viàreggio ù
Il était l'hôte de la princesse Massimo, fille
de don Carlos de Bourbon, serait parti ino-
pinément pour l'Orient, allant, dit-on, en
Grèce.
Pendant la journée d'avant-hier, dom Mi-
guel a reçu de nombreuses dépêches.
L'entourage de dom Miguel déclare que
le prince n'a rien à faire avec les régici-
des et proteste contre la nouvelle attri-
buantle meurtre aux partisans du prince
VlMECUStCiOUK* S
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Os ffio'a Trois noii SiiMii Un aa
Paris 2fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.;
E épartements.. 2— 6 — i i - 20-
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Adresser les communications au
Rédacteur en chef
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Foadateura - -%
AUGUSTE VACQU £ RIE
- ANNONCES :
MM. LAGRANGE, CERF o.
6, Place de la Bourse, 6
et aux BUREAUX DU JOURNAL
ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL
Téléphone iM2
Adresser lettres et mandats à 1 Administrateut
Oh oMivxoifar
CA JUSTICE POUR
LES FONcnOtfNAIRES
Ceux qui sont exclus du Sta-
tut. — Les employés et
secrétaires de mairie.
- Découragés, ils
préparent la
- grève.
Le Rappel a fait une campagne qui a
eu un certain retentissement dans l'opi-
nion pour assurer aux fonctionnaires
de la République les nties auxquel-
les ils ont droit en ce qui concerne le
recrutement, le traitement, l'avance-
ment, la retraite, etc. Beaucoup d'in-
téressés nous ont communiqué, à ce su-
jet, des notes qui méritent de retenir
l'attention.
L'une d'elles intéresse une catégorie
d'employés dont nous nous sommes oc-
cupés à. diverses reprises : les secrétai-
res de mairie. Nous la publions avec
d'autant plus d'empressement qu'elle
touche de près à l'-actualité, étant don-
né l'agitation qui se produit en ce mo-
ment dans cette catégorie d'employés,
et dont le gouvernement ne peut man-
quer de se préoccuper ; la voici :
La République est le gouvernement
d'un peuple qui ne doit l'obéissance
qu'aux lois.
Le peuple français est donc soumis à
une quantité-de règles qu'il a désirées,
qu'il a établies et qu'il doit, par consé-
quent, respecter. -
Les lois sont faites par le Parlement.
C'est le gouvernement qui a charge de
les appliquer. Ce dernier dispose pour
cela des employés de l'Etat ou fonction-
naires.
L'administration du pays se compose
de l'ensemble des fonctionnaires. -
Administrer, c'est agir, c'est procurer
à tous les habitants d'une même nation
la justice, la sécurité, le bien-être ; c'est,
en définitive, appliquer les lois dans
J'intérêt de l'Etat et des citoyens.
Pour bien remplir cette tâche, les
agents du gouvernement doivent inspi-
rer toute confiance aux administrés. Il
est nécessaire, avant tout, qu'ils soient
capables de remplir leur fonction, qu'ils
soient assidus, courtois envers les per-
sonnes qu'ils ont à servir. Combien
d'autres obligations, je dirai d'autres
devoirs leur sont imposés. Ces obliga-
tions sont d'ailleurs une garantie pour
le public ; celui-ci, par contre, doit avoir
les plus grands égards pour les salariés
de l'Etat.
Mais si le fontionnaire a des devoirs
nombreux, certains droits lui sont ac-
quis : la rétribution, l'avancement, les
congés, la retraite par exemple. Ces
droits sont cependant bien mal définis,
et parfois l'arbitraire règne dans les di-
verses branches de l'administration.
Il est donc nécessaire, je ài:r-a même
indispensable, d'établir un statut. Ce
statut devrait s'appliquer à toutes les ca-
tégories d'employés et pour chaque mi.
nistère, une réglementation spéciale le
compléterait.
Un projet de loi étant actuellement en
préparation, il me semble inutile d'in-
sister davantage sur ce sujet. Je me per-
mettrai pourtant d'émettre cette idée
que les emplois n'ont pas été créés dans
1 intérêt des occupants.
***
En attendant l'établissement d'un sta-
tut légal, et des règlements complémen-
taires, il est bon de rappeler que sous
les anciens régimes les fonctionnaires
étaient plutôt délaissés. La République
les a, au contraire, favorisés. Sous son
gouvernement, leur situation s'est amé-
iiorée et si quelques oubliés se plaignent
— oh ! bien doucement ! — de leur mo-
deste sort, qu'ils se rassurent, le temps
ast proche où l'on s'occupera d'eux.
Ces oubliés sont-ils nombreux ?
Grâce au Rappel, plusieurs ont déjà
pu se faire connaître et parmi eux les
employés de sous-préfectures. A nou-
veau, aujourd'hui, je m'occuperai de ces
derniers.
*
* *
Chaque année, lors de la discussion
du budget, un de nos honorables repré-
sentants soulève à la Chambre la ques-
tion de la suppression des sous-préfets.
Chaque année aussi, le ministre de l'in-
férieur défend ses collaborateurs en les
présentant comme indispensables pour
la bonne administration du pays.
Ne voulant pas retenir trop longtemps
l'attention des lecteurs du Rappel, je ne
discuterai pas sur l'utilté du maintien
des sous-préfectures : d'autres, plus
compétents, le font et continueront à le
faire. Je me conlenterai de parlée du
personnel.
Et tout d'abord, les employés de sous-
préfecture sont-ils des fonctionnaires ?
On pourrait les considérer comme tels,
puisqu'aux termes de l'article 33 de la
loi du 5 avril 1884, ils ne sont pas éligi-
bles, au conseil municipal, dans le res.
•ort où ils exercent leur fonctionnais si
rGD envisage la façon dont ils sont nom. j
més et rétribués, cette opinion peut se
moilifi..
Le sous-préfet nomme et paie ses em-
ployés. C'est le décret du 9 janvier 1869
qui a fixé le montant des frais d'admi-
nistration accordés à chaque sous-pré-
fet, en divisant le fonds en deux parties,
l'une au fonds d'abonnement destinée
au personnel, la seconde destinée aux
dépenses matérielles. Sous forme de
subvention, le département contribue,
lui aussi, au traitement des employés.
La question reste donc posée.
D'autre part, avec le système actuel
l'organisation des bureaux est entière-
ment laissée aux soins du sous-préfet.
Il s'en suit que pour chaque arrondisse-
ment, cette organisation n'est pas la
même. Il y a là un vice de forme qui ne
peut qu'entraver la bonne marche des
affaires.
Pour l'avancement du personnel, au-
cune règle n'est tracée, et dans certains
bureaux c'est même l'histoire du bon
plaisir. Parfois — rarement cependant
— la bonne harmonie est loin de régner
entre les employés. C'est à qui essaiera
de passer sur le dos du voisin ; c'est à
qui racontera aux chefs du mal de son
collègue, et pendant ce temps le travail
souffre, n'est-il pas vrai ?
Il y aurait lieu, à mon modeste avis,
et afin de remédier à cet état de choses,
d'assimiler les employés de sous-préfec-
tures aux autres fonctionnaires, de pro-
céder pour eux comme il a été fait pour
les autres administrateurs de l'Etat. Ce-
lui-ci n'y perdrait rien, bien au contrai-
re. La dépúL<.:' serait d'ailleurs la même
avec cette seule différence que la sub:
vention départementale, actuellement fa.,
cultative, deviendrait obligatoire.
Un règlement spécial déterminerait et
les conditions de recrutement et d'avan-
cement du personnel, et le nombre des
employés, qui devrait être proportion-
nel à la population de l'arrondissement.
(Il semble illogique qu'une sous-préfec-
t-ure, dont la population territoriale est
de 50,000 âmes possède autant d'em-
ployés qu'une voisine, chef-lieu d'une
circonscription, de 150,000 habitants.)
Voilà, exposés brièvement, quelques
desiderata concernant les sous-préfectu-
res ; ils s'appliquent également aux pré-
fectures, puisqu'en sommî. c'est la mê-
me administration. Pour l'instant, ils
sont soumis à l'examen de M. le minis-
tre de l'intérieur.
H. L.
A ce sujet, voici la dépêche que nous
recevons du Var :
Toulon, 5 février.
Une grande agitation se manifeste
chez les secrétaires et employés de mai-
rie, qui n'admettent pas que le projet
gouvernemental sur le Statut des fonc-
tionnaires ne leur donne aucune satis-
faction. Le projet d'abandonner les
fonctions avant le lor mai prochain a été
posé à.de nombreuses associations dé-
partementales et presque toutes ont ré-
pondu par l'affirmative, c'est-à-dire pour
l'abandon des fonctions. Le mouvement
serait donc général.
Des congrès se tiendront sous peu
dans de nombreux départements et tout
fait prévoir que des résolutions graves
seront prises.
Nous sommes en mesure d'annoncer
que les Varois tiendront leur congrès à
La Seyne-sur-Mer, le 1er dimanche du
mois d'avril. — HENRI PAGUET.
On aurait tort de ne pas prendre au
sérieux le mécontentement qui règne
dans une catégorie d'employés, généra-
lement surmenés de travail et privés de
toute sécurité.
Nous nous servirons de toute l'in-
fluence que peut nous donner sur ces
fonctionnaires la sympathie que leur a
toujours montrée le Rappel pour leur
prêcher le calme. Nous avons confiance
dans leur sagesse. Mais, de son côté, le
gouvernement ne peut manquer fte com-
prendre qu'il est juste d'assurer un sort
plus digne et moins précaire aux labo-
rieux serviteurs qui ont acquis tant de
droits à la bienveillance des pouvoirs
publics.
H. D.
»
Récit des temps bonapartistes
Toute une génération a
grandi et même mûri, depuis
1870. Cette génération est cer-
tes républicaine. Elle a hor-
reur, comme le montre cha-
que consultation électorale,
de quelque retour que ce -soit aux ré-
gimes abolis. Mais elle aura toujours
sur la génération précédente l'infériorité
.de ne pas savoir au juste ce qu'est l'Em-
pire.
Pour connaître le régime impérial, il
faut l'avoir vu ; il faut l'avoir subi.
Pourtant, on peut en donner une idée
approximative aux hommes qui sont
nés depuis la fondation de la Républi-
que, en leur racontant l'oppression into-
lérable que leurs aînés ont dû subir.
Un grand et vieux chêne du Cantal
vient de s'écrouler. C'était, à en croire
la tradition, l'arbre que, Victor de La-
prade avait chanté dans des vers qui fu-
rent célèbres et qui sont encore connus.
A ce propos, le Temps rappelle que
Victor de Laprade ne fut pas seulement
un poète sylvestre et qu'il s'essaya dans
la satire. Ah ! satire bien modeste, bien
douce, bien atténuée I
A Sainte-Beuve qui l'avait maltraité
dans le Constitutionnel, Victor de La-
prade répliquait, par l'intermédiaire du
Correspondant :
Partez ! j'entends la voix du critique avant-
Balayant les abords et traînant sa rgarde
Et nous invitant tous, prosateurs et rimeurs,
Pour gagner - u terrain, à démolir les mœurs.
Avez-vous jamais rien tq de plus bé?
nin, de plus lénitif ? Le reste était à
l'avenant.
Eh bien I le Correspondant éut un
avertissement .1
Mieux : Victor âeLapradû, qui etait
professeur à la Faculté de Lyon,, fut des-
titué 1
Et les bonapartistes mêlés aux roya-
listes et aux cléricaux, se permettent de
crier au « sectarisme » du parti républi-
cain et se plaignent de son insuffisant
libéralisme. Ombre du poètee Lapra-
de, dis-nous quel était le libéralisme de
Napoléon III et de M. de Persigny I
LES ON-DIT
Herbert Spencer n'avait pas de rides
Que de gens portent, comme l'huis-
sier de la comédie, leurs exploits gra-
vés sur le front ! Le philosophe Herbert
Spencer n'avait point de rides en un
âge avancé. Dans une autobiographie
parue récemment, il a expliqué ainsi ce
phénomène : « Je pense que c'est parce
que je ne suis jamais embarrassé. Je ne
fais pas cet effort de concentration, qui
est généralement accompagné du fron-
cement des sourcils. Mes conclusions
sont le résultat d'un corps de pensées,
qui se forme petit à pefot, sans efforts
appréciables, »
Les poids et mesures en Chine
Le régime des poids et mesures en
Chine varie considérablement d'une pro-
vince à l'autre. D'après un uait en date
du 9 octobre 1907, le ministre de l'agri-
culture, de commerce et. de l'industrie
a reçu des instructions pour élaborer,
dans un délai de six mois, de concert
avec le ministère des finances, un sys-
tème unifié de poids et mesures, et pré-
parer un règlement pour l'application
de ce système.
Le péril jaune -
Un Japonais, M. Nag Tany, a acheté
à Québec 25,000 arpents de terres d'irri-
gation. Il s'est engagé dans un projet
de canalisation et a constitué une com-
pagnie avec capital ; deux cents japo-
nais arriveront au printemps et com-
menceront la culture des oétteraves à
Alberta ; une raffinerie sera établie l'an-
née prochaine. Le gouvernement local
se montre peu disposé à permettre aux
Japonais d'entrer au Canada comme
fermiers ; les peuples occidentaux crai-
gnent que les Japonais, en se faufilant
comme cultivateurs, ne fassent mentôt
aux blancs une sérieuse concurrence
dans les autres branches de l'industrie.
Le Passant.
g» «
CONSEIL GENERAL
Séance du 5 lévrier 1908
Les tramways
M. Félix Roussel préside.
On reprend la discussion sur la réorga-
nisation des tramways dans le départe-
ment de la Seine.
M. Ambroise Rendu pose une question
au rapporteur. Il demande s'il est possible,
avec les tarifs bas de 10 et de 15 centimes
qui ont été votés avant-hier, s'il est en-
core possible de faire quelque chose en
faveur du personnel et 4e permettre aux
exploitations de tramways de subsister de
manière à satisfaire la population.
M. Léon Barbier, rapporteur, dit que les
conclusions qu'il a présentées au sujet des
tarifs étaient les seules possibles, en rai-
son des charges résultant des améliora-
tions consenties pour le personnel. Les ta-
rifs qu'il proposait étaient basés sur les
études de l'administration. Pour payer le
personnel, il faut de l'argent, et il est dou-
teux que les tarifs bas permettent de pro-
duire des ressources suffisantes pour faire
cette réforme. M. Léon Barbier fait remar-
quer que le ministre des travaux publics
peut ne pas apposer sa signature au bas
du projet de contrat qui sera voté
Dans tous les cas, le conseil général
doit poursuivre sa tâche, mais trouvera-
t-on des concessionnaires sérieux ? MM.
Landrin, Navarre, J. Weber, Marsoulan,
Parisot présentent des observations au su-
jet des tarifs qu'ils ont votés.
Le Conseil décide que les tarifs extra-
muros seront fixés d'après des tableaux
indiquant les lignes et les sectionnements,
tableaux qui seront ultérieurement sou-
mis à l'assemblée départementale. Il vote
les paragraphes relatifs à la gratuité du
transport des enfants au-dessous de qua-
tre ans et des paquets peu encombrants.
MM. Cherest, Trézel et Marquez deman-
dent que, jusqu'à minuit un quart ou mi-
nuit 40, les tarifs ne puissent être doublés;
mais le conseil décide qu'ils courront l'être
à partir de minuit, ce qui constitue une
amélioration sur l'état de choses actuel,
certaines compagnies ayant le droit d'exi-
ger un tarif double à partir de onze heu-
res du soir.
M. Carmignac propose d'accorder la de-
mi-place, en deuxième classe, aux mili-
taires. Cet amendement est repoussé.
A propos des trains ouvriers, la com-
mission proposait de considérer comme
tels ceux qui partiront du terminus avant
sept heures du matin en hiver et six heu-
res et demie en été. M. Jacqumin pro-
pose de porter la limite jusqu'à neuf heu-
res du matin. M. Jean Martin propose huit
heures en hiver, sept heures en été ; M.
Berthaut, sept heures eh été, et sept heu-
res et demie en hiver. Le Conseil adopte
la proposition de M. Voilan, fixant unifor-
mément la limite à sept heures et demie
hiver comme été, avec départs tous les
quarts „ d'heure. Les voyageurs de ces
trains paieront le tarif de deuxième classe
à toute place et, extra-muros, parcourront
toutes les sections d'une ligne moyennant
un supplément de cinq centimes. -
L'ensemble de l'article 23, y compris les
amendements que nous avons énumérés,
est voté.
M. Voilin propose l'exploitation en régie
directe. Il défend longuement sa proposi-
tion et réclame le scrutin public.
La régie directe est repoussée par 47
voix contre 44.
On adopte une proposition de M. Panne-
lier portant interdiction de l'emploi d'accu-
mulateurs dans les voitures.
Séance aujourd'hui. — A. B.
- ♦ i
PROPOS DE SALON
Dans le salpn où les femmes, mises en
verve par un succulent dîner arrosé de
vins uns, agitaient la question à l'ordre du
jour, celle du divorce et du mariage à
loyer, un vieillard, qui, jusque là n'avait
pas dit grand chose, prit soudaiJMyi pa-
role avec une assurance qui fl gnait
dès l'abord son désir de la con, er.
— Tout cela est bel et bon, mesdames,
dit-il, mais aucune d entre vous n'a l'air
de se douter que tout ce que vous regar-
dez comme des innovations ou souhaita-
bles, ou dangereuses, ou ridicules, selon
votre tour d'esprit, n'a absolument rien de
neuf. J'ai depuis longtemps étudié la ques-
tion. Vivant dans la solitude, j'ai toujours
eu du - goût pour les histoires matrimonia-
les. Célibataire, j'ai eu la plus grande cu-
riosité pour les aventures de ceux qui se
marient, et rien ne m'a amusé comme de
comparer les mœurs des hommes des di-
vers pays, en tant qu'ils s'avèrent sou-
cieux de vivre en ménage. C'est, en effet,
très amusant, de voir par quelles étapes
l'humanité a passé avant d'arriver à la
conception de la famille telle qu'elle plaît
à M. Bourget et à certaines d'entre vous.
Il est évident que dès les sociétés primi-
tives, l'homme s'est préoccupé de se réser-
ver, par une sorte de contrat, le mono-
pole d'une femme. ou de plusieurs. Son
but était alors d'avoir des esclaves, des
bonnes vraiment à tout faire (y compris
les enfants), dont il pût exclusivement pro-
fiter. J'avoue que je comprendrais sans
peine que vous ne teniez pas à voir re-
venir cet âge d'or. Les plus avancées d'en-
tre vous, même celles qui voudraient être
prises à terme, ne voudraient plus cepen-
dant être louées comme servantes. Vous
vous plaignez de vos maris qui passent
leur vie à travailler pour vous permettre
de ne rien faire, et vous trouveriez fort
auaacieux, que sous prétexte d'innova-
tions, ils aient l'audace de vouloir passer
un contrat qui vous obligerait à faire quel-
que chose.
Ce mie vous voudriez, c'est ne pas vous
engager pour la vie à être fidèle à un
homme. Je reconnais là une tendance as-
sez naturelle à notre mère Eve ! Mais
vous allez plus loin. Soucieuses de respec-
tabilité, vous désirez que les mœurs, et
les lois avant elles, vous autorisent à ne
prendre un mari qu'à l'essai. Je n'objecte
rien. Cela existe. Dans l'île de Ceylan, le
mariage est provisoire pendant quinze
jours. Chez certaines peuplades du Mexi-
que, on prétend même que l'essai ne com-
portait qu'une - nuit. - On était marié si on
passait ensemble la journée du lendemain.
Une nuit seulement ?. Souhaiteriez-
vous cela ? C'est un peu court peut-être,
et d'ailleurs, pour juger des mérites d'un
homme en si peu de temps, ne convient-il
pas d'être soi-même quelque peu exer-
cée ?. Je risque cette hypothèse, et j'a-
joute que ce système, s'il prévalait jamais,
ne pourrait convenir qu'à des femmes
ayant fait déplusieurs expériences.
Préféreriez-vous le système en usage
chez les Arabes Hassanyeh, riverains du
Nil Blanc ? Chez eux, la femme se loue
vraiment et se loue à plusieurs. Le mari
principal a seulement la possession de la
femme pendant la plus grande partie du
.-- T"\1__- 1 -_!- --'1 -
wiipa. fius ii paie, pius la lemme s en-
gage à lui consacrer de temps, mais par
un caprice dont vous saisirez mieux que
personne le sens bien féminin, elles ne
consacrent jamais tout leur temps au mê-
me homme, quelque prix - qu'il y mette,
d ailleurs I. Vous souriez ! Parbleu 1
Cela serait votre idéal, je m'en doute.
Mais cela même existe en Perse ! Là,
on passe un bail. Si l'homme veut rompre
ce bail avant l'expiration, il verse un dédit
ou doit payer t nullité du prix convenu.
Vous me direz e-L. ces usages sont aussi
les nôtres dans un certain monde. Mais
notez que dans les pays dont je parle,
c'est bien un mariage que la loi sanction-
ne, que les enfants ont des droits à la
succession paternelle, et que tout se passe
au point de vue légal aussi sérieusement
que dans les mariages les plus réguliers.
Préféreriez-vous voir s'instituer chez
voue les us et coutumes des Naïrs, peuples
de l'Inde ? Chez eux, on loue un mari pro-
visoire, qui est chargé simplement de l'ini-
tiation. Vous me comprenez.. Le lende-
main on le renvoie, et jamais plus la jeune
fiiie qu'il a faite femme ne devra le re-
voir. Mais, de ce jour, elle peut se marier
à sa guise. Elle prend plusieurs maris qui
s'engagent à subvenir en commun à ses
besoins et généralement s'entendent très
bien. J'ajoute qu'un mari peut aussi s'in-
téresser au bien être de nlnsipnrs fpm.
mes. Vous le voyez, cela encore - existe
chez nous, dans le monde de la galante-
rie. En somme, il ne nous, manque que
de donner à ces pratiques la sanction lé-
gale qu'ont les Naïrs, pour que les femmes
du meilleur monde aient le droit de s'as-
similer bénévolement et librement à des
courtisanes. »
il y eut un petit frémissement. Le vieil-
lard avait laissé tomber sa phrase en dou-
ceur, avec une malice contenue fort pi-
quante. On se regarda sans oser proies
ter. Il reprit :
« Mais j'y pense ! Tout le mal vient pré-
cisément de ce que nous attachons à ce
titre de courtisane un sens méDrisahlp t
En vérité, nous sommes bien sots. Imitons
plutôt nos bons amis les Japonais. Au Ja-
pon, la prostitution n'est nullement mépri-
sée, et on répète sur tous les tons que
les Japonais nous valent bien. Dans les
maisons de thé où l'on s'amuse, ce sont
souvent les parents eux-mêmes qui cqiv,
duisent leurs filles de 15 à 25 ans. Ils les
y placent. Ils les y louent. Que diriez-
vous, mesdames, de cette espèce de
louage ? Eh bien î cela n'a pour elles rien
de déshonorant. Beaucoup d'entre elles se
marient ensuite et leurs maris n'en sont
ni plus ni moins malheureux. Au moins,
elles savent, celles-là, ce que c'est que
l'homme, et de son côté celui qui les prend
est sûr qu'elles ont toute la pratique dési-
rable pour faire le plaisir, sinon le bon-
heur, d'un mari. Certes, nous n'en se-
rons pas là de longtemps, mais pour peu
que l'idée du mariage-loyer s'établisse, il
n est pas impossible que nous y arri-
vions. »
Il se tut. La maîtresse de maison parla
d. 'autre chose.
Laurent Valièrt.
LA TOURMENTE DE NEIGE EN ALGÉRIE
Une mission égarée
Blida, 4 février.
On est jusqu'à présent sans nouvelles
d'un détaclieméht de treize hommes de
troupes opérant avec le lieutenant de dra-
gons Faure, de la mission géodésique.
Jeudi dernier, M. Faure, se rendant a
Alger pour le service, laissa le détache-
ment campé au pic Féruka, à 1.500 mètre
d'altitude dans l'Atlas.
Vendredi, la neige commençait à tom-
ber ; samedi le courrier de ravitaillement
parti de Blida dut faire demi-tour. Depuis
samedi, trois courriers successifs durent
rebrousser chemin, la neige atteignant par-
fois trois mètres de hauteur. Un détache-
ment de secours de 50 tirailleurs, armés
ae pics, pelles et pioches, arriva près d'u-
ne forêt de cèdres ; mais douze soldats, en-
gourdis par le froid, durent être évacués.
Le détachement de secours fit connaître
qu'il espérait arriver au camp de Féruka
.ans la soirée. On attend des nouvelles
avec anxiété.
Le détachement de Féruka était Campé
sous des tentes dites « guittonnes Il et était
complètement isolé. Il est placé sous les
ordres d'un brigadier du train.
Après la catastrophe
Aïn-Sefra, 5 février.
Six cadavres de légionnaires viennent
d'être retrouvés ; ce qui porte à 34 le
chiffre des victimes de la 20e compagnie du
20e étranger. Quelques disparus n'ont pas
encore été découverts. Le convoi et 17
hommes de l'escorte sont rentrés à Aïn
Benkhellil, sous la conduite du lieutenant
Le clerc, du bureau arabe de Mecheria ; le
lieutenant recherchait le convoi depuis le
3 février.
Les soldats ont montré, dans la catas-
trophe,le plus grand sang-froid; après avoir
abandonné leur équipement, ils ne se sont
dessaisis de leurs fusils qu'à la dernière
minute ; la plupart des armes ont été effec-
tivement retrouvées dans les environs im-
médiats de Fort-Hassa par des indigènes
qui les ont ausitôt rapportées au comman-
dant du poste.
Les soldats, interrogés, affirment qu'ils
ont préféré tenter de gagner Fort-Hassa
que de rester immobilisés dans la tourmen-
te de neige.
L'inhumation des victimes aura lieu sa-
medi. Le convoi, portant trente-cinq cer-
cueils, est parti d'Ain-Sefra dans la mati-
née.
On attend l'arrivée du général Bailloud.
(Voit la suite en DEUXIEME EDITION)
LE VIEUX GRENADIER
et la Patrie
Il y a des souvenirs évoqués avec d'au
tant plus d'intérêt qu'ils correspondent
à des réalités dont on veut douter jus-
qu'à ce que la pratique les ait mises en
valeur.
M.'Ney, un vieux grenadier de Wa-
terloo, avait trouvé le mécanisme d'une
locomotion sans chevaux, alors que
cette idée était encore dans les limbes.
Au moyen d'une roue sur le siège de sa
voiture d'une construction fort primiti-
ve, celle-ci évoluait à la façon d'un auto
et glissait, elle aussi, avec ce glapisse-
ment de tempête auquel maintenant les
oioilles sont habituées. Mais l'invention
du grenadier fut accueillie avec une
parfaite indifférence si ses complaintes
patriotiques restèrent dans les mémoi-
res.
M. -Ney avait débarqué un soir à Viré,
un joli endroit en deçà des lignes fer-
rées, absolument agricole. Avait-il étu-
dié la carte du département, ou le ha-
sard l'avait-il conduit vers ce coin agres-
te ? Il ne le dit jamais et on ne le lui de-
manda pas. Il vécut ses derniers jours
dans ce petit bourg qui dormait enclavé
dans ses prés bordés de grands bois
odorants et de sources chantantes. On
sut seulement qu'il était un serviteur
dévoué de la patrie, qu'il avait versé son
sang pour elle, comme en témoignaient
les balafres de son front. Cela suffisait.
Du reste, la curiosité malsaine qui sé-
vit n'existait pas alors à Viré.
Moyennant cinquante centimes par
jour, M. Ney tfut une grande chambre
chez un marchand ambulant. Son am-
ple redingote, dont les pans touchaient
ses talons, était dépaysée dans cette rus-
ticité. Mais on s'accoutuma bien vite à
son visage, à son costume, à son regard
qui avait vu tant de choses.
Tout l'hiver, il avait travaillé à son in-
vention, mais quand les jours devinrent
beaux, il installa sur la place de l'église,
après la messe, une table aux coins de
laquelle brûlaient des chandelles de
suif dans des chandeliers de cuivre. Au
milieu de la nappe, bien blanche, il y
avait des complaintes imagées toutes pa-
triotiques, puis dps médailles de saint
Hubert — pourquoi saint Hubert ? on no
sut jamais pourquoi non plus -. ct. des
chapelets en buis très jolis, très ouvra-
gés que M. Ney fabriquait.
La place de Viré, en forme de ter-
rasse, était abritée d'un énorme noyer
dont les branches, en parasol, In cou-
vraient toute. Les jours de fête on dan-
sait là ; on enveloppait l'énorme tronc
de draps piqués de roses et de blueis.
M. Ney attirait villageois et villageoi-
ses autour de sa table dédiée à la Patrie
tous les yeux tournés vers lui n -
daient aucun de ses gestes. Le vieui
grenadier, tête nue, très gi«ve, o.i.
moyennant un sou, ses médailles et
trois sous, ses. chapelets dont on pou.
vait faire des colliers, s'inclinait devant
tous ses acheteurs, puis d'une voiauqu!
sonnait la charge, il entonnait une com
plainte à la Patrie, à la Victoire.
Le recueillement devenait si p,rofond,
qu'on entendait dans -les branches du
noyer les insectes bruire. Cette voixv au
timbre cuivré,, communiquait à ces»
âmes neuves le frisson des grandes cho-
ses.
Et ce souvenir demeura chez elles, de
même la petite table symbolique que
les vieux voient toujours et que voient
les jeunes par les yeux des vieux.
Si M. Ney conçut un vif chagrin de
l'indifférence des Virois pour son inven-
tion, il dût se réjouir d'avoir initié,
mieux que personne, ces braves gens à
l'idée de grandeur de la Patrie. Donc,
vive le vieux grenadier, à la fois inven-
teur et patriote 1
Cécile Cassot.
11^ » !
La Révolution Portugaise
APRÈS LA TRAGEDIE
Le nouveau ministère
Lisbonne, 5 février.
M. Ferreira Amarai, président du con.
seil, aussitôt arrivé au palais, où il s'était
rendu pour présenter les ministres au roi,.
a mandé le directeur général du ministère
de 1 intérieur, pour préparer les décrets
oont 1 élaboration incombe à son départe.
ment.
Lisbonne, 5 février.
En sortant du palais, les ministres s<
sont rendus au domicile du 1 président du
conseil où ils ont tenu une réunion qui a
duré quatre heures.
Les ministres ont examiné La situation
ils ont fixé les grandes lignes du Dro £ sra.m-
me a suivre.
Les ministres se réuniront à nouveau de-
main dans l'après-midi, pour délibérer et
prendre une résolution.
La nouvelle de la constitution du ca.
binet a été communiquée à toutes les pro-
vinces. Elle a produit partout une excellen.
te impression.
Malgré la tristesse que tout le monde
éprouve à la suite de l'attentat, il est
facile de remarquer que la solution appor-
tée aujourd'hui à la crise politique par Fa.
vènement du nouveau ministère a provo-
qué un sentiment de soulagement.
Lisbonne, 5 février.
Le bruit eourt dans les cercles politiques
que Je nouveau gouvernement aurait Fin.
tention de. rapporter tous ou presque tous
les décrété pris par M .Franco quand il
iétaiti au pouvoir et d'attlénuer flans tel
mesure du possible ceux qui ne pouvaient
être rapportés. On cite notamment les dé-
crets concernant la presse, l'imnmnité par-
lementaire et les municipalités lesquels se-
raient annulés. •
Le journal régénérateur As Novidades,
qui avait recueilli ce, bruit dans la soi-
rée, déclare que des renseigneifcents exacts
lui permettent d'affirmer qu'aucune déci-
sion n'a été prise, jusqu'à présent, à cet
égard.
La reine et M. Franco
Le Standard raconte qu'une scène péni-
ble eut lieu lorsque M. Franco entra dans
la chambre mortuaire. Dès que la reine
vit, elle se leva, et montrant les cada r-
du roi et de son fils, dit a M. Franco
« Voyez votre œuvre ! Il
M. - Franco quitta la salle, très accablé
sans avoir pu prononcer un seul mot.
La Voz de Guipuzcoa donne cette autre
version î
Le dictateur, se présentant devant la
reine Amélie, au palais des Necessîdadts,
dit à la reine qu'il éprouvait en ce moiiieni
ia plus grande douleur de sa vie.
La reine, en proie à une émotion inten-
se, s'écria :
Comment osez-vous parler, vous qui êtes
la cause de tout cela !
M. Franco voulut justifier sa conduite,
mais la reine lui tourna le dos et rentra en
sanglotant dans la pièce où l'on venait de
transporter les cadavres du roi et du prin-
ce héritier.
C'est à la suite de cette scène que M.
Franco aurait décidé de donner sa démis-
sion
Les républicains et l'attentat
Le journal El Munda publie la dépêche
suivante de Lisbonne :
Les événements de Lisbonne ont été
seulement l'embrun de, la vague révolution-
naire ; en fait, ils furent exécutés exclusi-
vement par les républicains. Le parti révo-
lutionnaire en accepte la responsabilité.
Le plan du mouvement était de descen-
dre dans la rue, le 31 janvier, de s'-empa
rer du télégraphe, du téléphone et de com-
muniquer aux autorités la proclamation
la République. Oporto répondait la premiè-
re, et la.garnison de cette ville secondant
le mouvement, les souverains devaient
être surpris au Palais et embarqués, M.
r ranco mis à mort, et les ministres enfer-
més dans leurs maisons.
Le plan avorta à la suite de dénoncia-
tions ; mais rien ne dit qu'il ne puisse pas
être mis maintenant à exécution.
On considère comme difficile que, jus-
qu'à la proclamation du roi par les Cortès,
il ne se produise pas de nouveaux événe
ments. On les attend d'un moment à l'au-
tre.
Le prétendant dom Miguel
Les nouvelles les plus contradictoire!.
circulent sur le prétendant dom Miguel de
tiragance.
On mande de Viareggio au Giornaie
d'ItaUa que dom Miguel de Bragance, qui
se trou ait depuis un mois à Viàreggio ù
Il était l'hôte de la princesse Massimo, fille
de don Carlos de Bourbon, serait parti ino-
pinément pour l'Orient, allant, dit-on, en
Grèce.
Pendant la journée d'avant-hier, dom Mi-
guel a reçu de nombreuses dépêches.
L'entourage de dom Miguel déclare que
le prince n'a rien à faire avec les régici-
des et proteste contre la nouvelle attri-
buantle meurtre aux partisans du prince
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