Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-01-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 janvier 1908 19 janvier 1908
Description : 1908/01/19 (N13827). 1908/01/19 (N13827).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
I
tt' 13807.= S8 NIVOse An 118 - «DTQ QEHItUIEB Z.B ITOMBRO
Dimanche 10 Janvier 1908. — îî# 13827
Pasdateari
JtUeuSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
(i Mil Mi Mit ffliMîi un an
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'- LOUIS PUECH
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81 aux BUREAUX DU JOURNAL
< .-
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ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIdW
J Téléphone 102-82
âdrêstw lettres et mandats à ladministratoup
OJP12VXOIVJsr
DES MOTS
sera-ce lista, nalia; rni nula 1
.,¡ lirave problème.
Les cent cinquante académies de la
péninsule sont en émoi. Auquel de Ces
ivoeables va s'arrêter la faveur du
grince V v
Car Victor-Emmanuel, roi d'Italie,
Nient. de décréter que le mot subversif,
smtipatriotique et scandaleux de
;« menu » serait désormais banni de
pa table.
Ce monarque né Savoyard, et ma-
rié à une Monténégrine, ne peut souf-
frir les importations étrangères. Un
•mot français égar-é sur le programme
de ses agapes souveraines, le choque
et trouble ses illustres digestions. Ad-
imiroris ce purisme culinaire et natio-
naliste.
Il faut être juste: cette chasse au
français n'est point de son initiative.
Déjà son puissant allié, Guillaume,
empereur d'Allemagne, avait décrété
pareil ostracisme. 11 fit appel aux éru-
dits tudesques les plus en renom pour
jsareler. cette mauvaise iherbe qui pen-
sait gâter l'harmonieux idiome d'ou-
tre lihin : et l'on vit fleurir, au lieu
des expressions proscrites, des voca-
bles rébarbativement hérissés de con-
sonnes pointues, comme des cuirass-
iers de la garde.
Serions-nous moins patriotes que
tes despotes Y
Souffrirons-nous désormais qu'un
gargotier sans patrie nous propose
d'exotiques vermicelles ou de crimi-
nels macaronis ? N'en profiterons-
pas pour interdire — et presto — ces
'conlettis transalpins qui, par ces tu-
ultueux carnavals J troublent (notre
farniente ? — jQuel dilettante vraiment
français osera sans vergogne crier
ï brava » aux opéras du maestro
■ Maseagni, ou vanter, avec des tremo-
los dans la voix, les pointes et la
Inorbidezza de nos prima-gambas ?
Disons-le ! 11 n'est pas jusqu'aux
noms propres qui ne fassent figure de
trahison.
Il existe à Paris un boulevard Magen-
ta, un pont de Solférino ! Où donc a-
t-on pu prendre ces mots étrangers ?
N'y a-t-il plus en France de cités émi-
nentes pour en baptiser la voie publi-
que ? Magenta ? N'est-ce pas un village
eitalie ? Le roi Victor-Emmanuel le
sait mieux que personne, bien qu'à vrai
dire, il semble ne pas s'en souvenir tou-
jours.
Epurons ! Epurons ! Je sais à Paris
une rue « Dante ». Encore un nom bien
français 1 Pendant ce temps, Camille
Doucet attend la sienne ! Et la rue Per-
golèse ? D'où sort ce Pergolèse ? Vite,
inscrivons à la place le nom d'Aristide
Bruant. Voilà du bon nationalisme.
Est-il rien de burlesque, de puéril
comme cette haine du mot, comme cet
exclusivisme verbal ? A l'heure où la
pensée de tous les peuples se cherche,
se pénètre, se féconde, où tout au
ttioins dans le domaine des idées, l'âme
humaine rejette le maillot étriqué des
inimitiés et des frontières, où visible-
ment s'établit une sorte de conscience,
de sensibilité européenne, des potentats
à la cervelle racornie s'amusent à guer-
royer contre quelques syllabes étrangè-
res, et se figurent peut-être sauver de
Contaminations suspectes, la beauté du
parler natal, ou les forces traditionnel-
les d'un passé dont ils vivent.
Certes, plus superstitieusement que
personne, je veux pour tous les peuples
le droit de conserver intact leur patri-
moine linguistique. La langue, c'est le
souple habit où se meut la pensée : c'est
par lui que s'éveillent, des profondeurs
du cœur ,les harmoniques inanalysables,
où se traduisent l'unité de la race, la
communauté des sentiments et des aspi-
rations. Rien n'est plus respectable que
l'amour de la langue maternelle. Et
nous, Français, nous pouvons le dire à
notre gloire, jamais, sous les gouverne-
ments même les plus despotiques, nous
n'avons profané ce culte intime qui rat-
tache les hommes au langage de leur
enfance.
N'en avons-nous pas été récompensés,
'd'aillem.s ? Aurions-nous trouvé chez
des populations tard venues à la famille
française, tant de prompt loyalisme,
tant de fidélité, succédant parfois, com-
me en Corse, par exemple, aux plus lé-
gitimes efforts d'indépendance, si nous
nous étions bassement acharnés à leur
interdire, à persécuter leur langage ma-
ternel, le langage de leurs ancêtres, de
leur foyer, de leur sol ? Cela n'a pas em-
pêché notre esprit national de s'infiltrer
dans 1 esprit local, d'y insinuer les clar-
tés qu'y répandirent une longue culture
et tant de penseurs généreux. - -
Oui, sans doute, la langue est un puis-
sant instrument d'assimilation et de
conquête : mais de conquête pacifique,
non d'extermination morale. Ses pro-
grès, ses triomphes, sont faits de per-
suasion, non de violence. Et la-violen-
ce, inversement, ne peut rien contre les
séductions qu'elle exerce. Si le vocabu-
laire français garde tant de crédit au-
près de l'univers intellectuel, c'est à sa
limpidité, à son élégante précision qu'il
le doit, non point à des contraintes sot-
tes et puériles. C'est qu'aussi sa force
expansive demeure hospitalière et tolé-
rante. Le Français accueille et snCor-
pore avec une plasticité merveilleuse,
les mots qui lui viennent du dehors. Il
s'est ainsi toujours enrichi, évoluant
toujours sans jamais altérer son génie
essentiel. Il s'éprend de l'idée qui sur-
git, de la mode qui passe, qu'elles vien-
nent des pays où triomphe le soleil, ou
de ceux où stagne la brume. Il en fond
les termes dans son creuset magique,
pour qu'ils y prennent une plus pure lu-
mière, on ne sait quel pouvoir de clair
rayonnement. Sans cesser d'être ce
qu'ils furent, ils deviennent nôtres en
un sens,, en se revêtant de splendeur ra-
jeunie.
C'est ainsi que sur certains champs de
bataille, le sang de nos soldats s'ajou-
tant à celui des bersagliers italiens, fit
éclore quelque chose de noble et de fort
qui ne fût pas né sans lui : l'unité ita-
lienne.
T. STEEC.
L'EDUCITIOIN DU PUBLIC
Dn n'a pas très bien com-
pris l'intérêt de la question
posée au sous-secrétaire d'E
tat à l'intérieur par M. Geor-
ges Berry. Pour triste que
fût l'accident du Bois de Bou-
logne, il ne pouvait guère donner lieu
à un débat politique ; et si des -explica-
tions devaient être fournies par. le pré-
fet, c'était plutôt au conseil général de
la Seine qu'à la Chambre d'interpeller
le chef de l'administration départemen-
tale. ,
Quelques-unes des paroles pronon-
cées par M. Geoirges Berry ont surpris
l'Assemblée. Le député du 96 arrondis-
sement se plaignait de ce que les points
dangereux du lac livré aux patineurs
eussent été indiqués par une simple
rangée de piquets au lieu d'être sépa-
rés du public par une palissade infran-
chissable.
— Il y avait, raisonnait M. Berry,
beaucoup de jeunes gens dans la foule,
et il fallait s'attendre de leur part à
des actes de témérité.
Est-ce une bonne éducation à don-
ner à la foule que de la dispenser de ré-
fléchir, de la décharger de toute respon-
sabilité ?
Il est impossible avec les précautions
les plus minutieuses de faire que le
public ne soit jamais menacé par un
danger quelconque. S'il a l'habitude de
trop compter sur (la surveillance)- de
la police, le péril le trouve affolé, inca-
pable de se défendre. - ""0 —
C'est pourquoi les catastrophes aux-
quelles sont mêlées des femmes et des
enfants prennent si facilement des pro-
portions considérables.
On l'a bien vu dans les deux catas-
trophes qui se sont produites récem-
ment dans des théâtres cinématogra-
phiques, en Angleterre et en Amérique.
La première a été causée par les gamins
qui sont venus s'écraser, se culbuter
dans un escalier, pour se disputer quel-
ques places de faveur offertes aux petits
spectateurs par la direction.
Dans la seconde, des femmes et des
enfants, effrayés par l'explosion d'un ap-
pareil, ont voulu fuir par la scène du
théâtre et ont renversé des lampes qui
ont incendié les décors.
Les théâtres se vident en quelques
minutes, à la fin d'une représentation
ordinaire. Ils restent pleins lorsqu'un
cas fortuit effraie les spectateurs.
Il y a une éducation de la foule à ten-
ter. Elle pourrait être faite en grande
partie par l'école.
LES ONDIT
L'Université de Fez
Le coup d'Etat" de Fez est -d'autant
plus grave que la capitale est un cen-
tre renommé de théologie musulmane.
Elle possède la plus ancienne Université
du monde, car l'université kérouine y
fut fondée au onzième siècle par Fatina-
la-Sainte. Ce fut longtemps un foyer
unique d'enseignement ; on y venait de
tous les coins du monde arabe et même
des pays chrétiens. L'élément européen
disparut lors de la fondation 'des uni-
versités de Paris, d'Oxford et de Cam-
bridge. Mais Fez est encore aujourd'hui
en possession d'une réputation sans ri-
vale' dans tout l'Islam,
La fiche de Rouget de l'Isle
La fiche de Rouget de lisle "existé
encore aux Archives du ministère de la
guerre. Mais elle ne concerne que le
cadet admis à concourir pour l'école de
génie de Mézières en 1777. Le futur au-
teur de la Marseillaise, qui n'avait alors
que dix-sept ans, obtint la cote d'a-
mour, car il était assez bien apparenté
et possédait un piston sérieux, le comte
de Saint-Germain, son compatriote, qui
fut ministre de Louis XVI. Voici la
note officielle qui le "précéda au con-
cours : :
« Rouget de Vlsle, fils du premier
avocat du roi au siège présidentiel de
Lons-Ie-Saulnier. Un de ses parents, du
côté paternel, est mort capitaine, che-
valier de Saint-Louis ; un autre de ses
parents, du même côté, est chevalier de
Saint-Louis et a servi trente ans dans
les gardes du corps. Recommandé par
le comte de Saint-Germain )).
Le féminisme en Chine
La Chine est bien revenue des idées
rétrogrades qui réglaient le sort "de la
femme chez elle. Plus de pieds bandés,
plus de claustration domestique, même
chez les Célestes la boutade de Baude-
laire : « Sois charmante et tais-toi- » n'a
plus de sens. La Ligue des Tien-Tsu-Hui
travaille activement à délivrer la Chi-
noise de ses entraves matérielles et mo-
rales. Elle distribue des médailles à cel-
les qui ont échappé à la mutilation des
pieds afin qu'on ne les confonde pas
avec des esclaves. Habile tribut payé à
l'amour-propre et à la coquetterie !
A ShanghaI, les trois quarts des fem-
mes n'ont plus les pieds bandés. L'im-
pératrice douairière encourage haute-
ment cette réforme. Un collège féminin
a été ouvert à Pékin sous la direction
de la princesse Su ; une école d'art
existe à Canton depuis deux mois, grâ-
ce à une généreuse donatrice. Les éco-
les de filles surgissent partout, comme
par enchantement ; on a utilisé pour
cela jusqu'aux couvents bouddhistes et
aux temples, car les Chinois sont des
esprits pratiques qui jugent volontiers
la théologie une science superflue. Une
jeune Chinoise, en juin 1907, ayant fait
un bel héritage, consacra un million à
la fondation d'un collège de filles. La
Cour rivalise de zèle avec l'aristocratie
pour l'instruction. Des bourses de voya-
ges et d'études viennent enfin d'être mi-
ses à la disposition des Chinoises stu-
dieuses. -
i Le Passant.
L'APPENDICE
Il est beaucoup question de la réforme
du mode d'élection des députés. Les uns
préconisent la représentation proportion-
nelle ; les autres, le scrutin de liste. Tous
sont frappés des multiples inconvénients
du système actuel et des défauts d'un Par-
lement trop-peuplé.
En attendant qu'on donne un vigoureux
coup de bistouri dans la plaie qui nous
ronge, le Parlement pourrait atténuer le
mal dont nous souffrons en modifiant sa
méthode de travail et sa façon de voter le
budget. Le budget — qui devrait être le
souci principal et l'occupation essentielle
des représentants de la Nation — ne
devient plus qu'un entremets qu'on gri-
gnote entre les plats copieux et le dessert
de la trêve des confiseurs.
Poussés par l'heure fatidique, les députés
le bouclent et les sénateurs l'enterrent. Le
malheureux budget apparaît, à tous, com-
me un caseur dont il faut se débarrassèr
à tout prix. Quand, vers la Noël, le mori-
bond a des velléités de vivre et d'agripper
un douzième d'existence supplémentaire,
on le dissèque à la vapeur, on le passe à
tabac, on le transbahute du Palais-Bour-
bon au Luxembourg au risque de lui faire
attraper une congestion. déficitaire.
Et ce n'est pas tout ! Le budget est af-
fligé d'un appendice qu'on nomme : la loi
de finances.
Cette loi de finances sert de dépotoir à
toutes les propositions qui traînent le long
des programmes électoraux. On y fourre
à la fois des dispositions sur l'avancement
de la magistrature et des pénalités contre
la fraude des margarines. La diminution
des appels des réservistes y coudoie la no-
mination des 'huissiers. Et une surtaxe sur
les droits de Bourse y fait vis-à-vis au pa-
tronage des Ecoles françaises d'Orient.
Comme cette fameuse loi est votée éga-
lement à triple vapeur, elle contient fata-
lement des dispositions inapplicables qu'#n
est obligé d'éluder ou de modifier pour les
rendre exécutables; Combien de mesures
mal étudiées ne devons-nous pas à ces
amendements qui, à chaque instant, vien-
nent allonger la liste des articles de la loi
de finances ? La loi; de finances est la toile
de Pénélope et le couteau de Janot du
Parlement. On la transforme tellement,
qu'à la fin on ne s'y reconnaît plus et qu'on
est obligé de. la promulguer telle quelle à
la s dernière heure pour éviter les douziè-
mes provisoires.
En attendant la réforme ayant pour ob-
jectif la diminution du nombre des dépu-
tés, on pourrait modifier le caractère de la
loi de finances, qui ne devrait plus servir
de poubelle à .toutes les initiatives indivi-
duelles.
Pourquoi la Chambre ne voterait-elle
pas la disposition ."suivante ?
« Toute proposition ayant pour objet la
(( création, la modification ou la suppres-
« sion d'un impôt 'ou d'un service public
« devra toujours faire l'objet d'un projet de
« loi spécial et ne pourra, sous aucun pré-
« texte, étire votée à titre d'amendement,
« au moment de la discussion publique de
« lia loi de finances. »
Comment veut-on, en effet, qu'une Cham-
brg, voire même une commission du bud-
get, 'puisse se rendre compte, séance te-
nante, des conséquences d'un amendement
appelé à bouleverser un régime fiscal ou
un service public ?
- t - -p_L_J.- -- _Il- -----,.
un a vu les resunats ue ceue pratique
déplorable dans plusieurs circonstances,
notamment pour le dégrèvement des petite,
Cotes foncières, et la taxe vicinale. - «
Ces deux mesures — qu'on doit à des
amendements - & la loi de finances = ont
consacré autant d'injustices qu'elles n'en
ont réparé. En ne tenaisi pas compte de
l'importance dès propriétés bdtiês, le dé-
grèvement des petites cotes foncières fa-
k
vorise — au détriment de la collectivité —
une foule de petits rentiers. D'autre part,
en n'exemptant pas du bénéfice de la taxe
vicinale les véhicules de luxe, on a accor-
dé à ces derniers un régime de faveur,
qrnnd leurs possesseurs n'ont qu'une fai-
ble oote mobilière dans la localité.
Nous pourrions multiplier à l'infini ces
exemples : tous démontreraient l'urgence
de la réforme précitée ; tous prouveraient
qu'il est grand temps de ne pas convertir
l'appendice de la loi de finances en dégor-
geoir à l'usage des réclames électorales.
(t L'appendice, a dit Calino, provoque
l'appendicite. » Nous souffrons, en ce mo-
ment, de cette maladie, dont nous ne gué-
rirons que si nous savons enfin donner à
La loi de finances sa fonction d'autrefois.
-La. loi de finances né doit comprendre que
des dispositions .soumises à la commission
du budget par le gouvernement.
Le Parlement a le droit de rejeter ou
d'accepter ces dispositions ; ma:is il ne
doit pas y substituer, au pied levé, des
mesures non étudiées à fond sous tous
leurs' aspects et "avec toutes leurs consé-
quences. le
Voilà la modification à apporter à la mé-
thode de travail de la Chambre. Elle est
indispensable.
Nean Clerval
IL Y AURA FOULE.
Afin de nous prouver - comme si cela
était nécessaire ! — que nous tournons
toujours lamentablement dans le même
cercle, on va rétablir des tourniquets à la
porte des musées.
Gela nous raippellera que 1 entrée des
musées fut payante jusqu'en 1855, qu'elle
cessa de l'être jusqu'en 1908, et qu'elle le
redevint à cette époque.
Dans quelques jours, si ce n'est fait dé-
jà, les musées municipaux du Petit-Palais,
de Carnavalet, de1 Victor-Hugo, de Cernus-
chi et de Galliera — et le musée Guinet,
par surcroît — réclameront une redevance
aux visiteurs. Mais ces musées reçoivent
surtout des gens d'étude, auxquels il con-
viendra de délivrer des cartes, et je crois
que si l'on compte sur des recettes éle-
vées, on éprouvera de grosses désillusions.
Il est entendu, d'ailleurs, que ces « monu-
ments publics » resteront ouverts à tout le
monde, le dimanche, le jeudi et les jours
de fête.
Si l'essai tenté par la Ville de Paris ne
soulève pas trop de protestations, on éten-
dra aux musées nationaux la mesure pri-
se pour les municipaux. C'est, du moins,
ce que demande M. Fernand Eng'erand à
la Chambre des députés, dans le projet de
loi suivant : « L'entrée des musées natio-
naux est libre les dimanches, jeudi. et
jours fériés. Les autres jours, il sera per-
çu un droit d'entrée dont le maximum est
fixé à un franc. » Un règlement d'adminis-
tration publique accorderait « toutes faci-
lités d'entrée aux artistes, ouvriers -d'art
et autres personnes, que leurs travaux
obligent à une fréquentation suivie de nos
collections nationales. » >
Ce projet a l'approbation de plusieurs
critiques d'art, ce qui n'est pas une mince
satisfaction pour le législateur. Ils énumè-
rent à l'envi tous les avantages qui résul-
teront de ce nouvel ordre de choses : les
étrangers seront obligés de payer, et les
salles de nos palais ne serviront plus de
reîuges aux misérables qui venaient s'y
chauffer et s'y reposer. Comment voulez-
vous que tous ces crève-de-faim puissent
apprécier un Rembrandt ou un Véronèse ?
Pas de fausse sentimentalité ! A la rue,
tous ces loqueteux !
En Angleterre, le South Kensington
« produit » plus de 150.000 francs par an;
en Italie, l'Etat perçoit plus de 500.000 fr.
de frais d'entrée. Que ne vont pas nous
rapporter le Louvre, le Luxembourg, Clu-
ny, Versailles ? Que d'œuvres d'art ne
pourra-t-on point acquérir ? Que de postes
nouveaux ne pourra-t-on point créer Car
tout se termine par des emplois nouveaux,
en France, dès que l'on prévoit seulement
des se pourrait,
Il se pçurrait, aussi, que M. Fernand En-
gerand eüt une idée de derrière la tête -
l'idée de ramener en masse compacte les
Parisiens dans leurs musées.
Quand on n'entrera plus au Louvre com-
me dans un moulin, quand il faudra une
carte spéciale et que cette carte sera as-
sez difficile à obtenir, il y aura foule, du
matin au soir, dans la galerie d'Apollon.
Grouchy de Vorney.
-————————— » :
LA JOURNEE POLITIQUE
M. Fallières au Sénat
Le président de la République a rendu
à une heure et demie à M. Antonin Dubost,
président du Sénat, la visite qu'il lui avait
faite jeudi, après sa nouvelle élection.
Epilogue de l'affaire Archimbaud
M. Archimbaud est arrivé à Grenoble
hier matin ; il a été incorporé cet après-
midi au 140° de ligne et affecté à la 5e com-
(pagnie.
Le parquet de Grenoble s'occupe actuel-
lement d'établir si les certificats produits
par M. Archimbaud et établissant sa qua-
lité de pasteur protestant, ne seraient pas
de# certificats de complaisance. Dans ce
but, le parquet de cette ville a" envoyé-à
Paris une commission rogataire. Le par-
quet de la Seine chargeait aussitôt M. Ber-
thelot, commissaire aux- délégations judi-
ciaires, d'ouvrir une information. Le ma-
gistrat a entendu hier MM. Slappfer, doyen
de la Faculté protestante, Ehrardt, secré-
taire de la dite Faculté, "et Benezech, di-
recteur de l'Ecole supérieure de théologie
protestante de Nollet. Ces messieurs - o.nt
déclaré que M. Archimbaud avait en effet
fait ises études pour devenir pasteur, mais
qu'ils ignoraient s'il' avait été attaché à un
temple quelconque, le titre de pasteur ne
pouvant être décerné que par une associa-
tion cultuelle.
Les agriculteurs de Senlis
M. Clemenceau, président du conseil, a
reçu, hier matin, la commission d'études
sociales de l'arrondissement de Senlis,
composée par moitié. de ; patrons agricul-
teurs et d'ouvriers agricoles élis. :.
Les chemins de fer de l'Etat
M. Simyan, sous-secrétaire d'Etat aux
postes, a adressé au sénateur Maseuraud
la lettre suivante : ;
«. En réponse à votre leftre du 25 décem-
bre dernier, j'ai l'honneur de vous faire
connaîtra que les retards éprouvés par le
courrier de Paris à destination de Roche-
fort-sur-Mer sont exclusivement imputa-
bles à l'administration des chemins de fer
de l'Etat.
a Ils sont la conséquence d'irrégularités
dans la marche du train-poste de Paris à
Niort, qui manque parfois la correspon-
dance, à la gare de cette dernière ville,
avec le train devant lui faire suite sur
Aigrefeuille et Rochefort.
« Toutefois, en raison de l'importance des
intérêts en jeu, et bien que l'exécution du
service * postal en éprouve certaines diffi-
cultés, j'ai prescrit, à titre exceptionnel,
des dispositions pour qu'à partir du 16
janvier courant, toutes les correspondan-
ces destinées à la ville de Rochefort soient
à titre exceptionnel dirigées par la voie
Orléans-Tours-Poitiers, ce qui garantira la
régularité de la transmission.
« SIMYAN. »
—-■3—— ———— i,
e La Glace Homicide -
A propos de l'accident du Bois de Bou-
logne. — Catastrophes américai-
nes. — Un bal tragique.
Les Américains sont nos maîtres en
tout ; nous', voulons dire par là qu'ils
font plus grand que nous. C'est ainsi
qu'en matière de catastrophes, ils don-
neraient à peine J'attention d'un ins-
tant à des événements. qui émeuvent
Paris tflbt entier. Chez eux, on meurt
en grand.
Le si triste accident du Bois de Bou-
logne dans lequel deux imprudents
trouvèrent la mort et qui faillit coûter
la vie à quatorze personnes, noustemet
en mémoire la catastrophe d'Ontario en
1881. Celle-là fut vraiment digne -de la
presse américaine puisque 170 person-
nes, jeunes gens, jeunes femmes et en-
fants y périrent.
L'hiver n'avait pas été exceptionnelle-
ment rigoureux, mais le froid avait été
continu, -ce qui est la condition premiè-
re pour avoir de « bonne » glace. On
avait patiné toute la saison avec entrain
et on s'apprêtait à continuer. L'idée fut
émise d'organiser une de ces fêtes com-
me les Canadiens, ces rois du patin,
ont coutume d'en avoir. ,
On construisit un Palais de Glace,
c'est-à-dire qu'avec des blocs de glace
équarris à la hache on construisit sur
plans une véritable maison avec étage,
divisée en plusieurs salles. La glace
elle-même fait, dans ce genre de cons-
truction, office du meilleur ciment : on
sait que deux blocs de glace reposant
l'un sur l'autre adhèrent promptement
et si fort qu'ils n'en forment bientôt
plus qu'un seul.
Un premiel « bal » qu'on organisa
réussit à merveille. Dans les salles du
palais et tout autour les patineurs glis-
sèrent et quadrillèrent, aux sons de
joyeux orchestres, et des flammes de
bengale donnèrent à la fête un caractè-
re de vraie féerie.
Quelques jours après, on donna un
second bal. La foule était plus nom-
breuse encore. On patinait tout autour
du Palais et jusqu'assez loin sur le lac.
Et voici que brusquement, sans qu'au-
cun abaissement caractéristique de la
température ait pu faire prévoir l'évé-
nement, à deux cents mètres à peine
de l'endroit où se trouvaient cinq ou
six mille personnes, la glace se rompit.
Il y eut un craquement, tout semblable,
assure-t-qn, à celui que produirait l'ef-
fondremènt d'une estrade d'une galerie
en bois. Mais le bruit en fut presque
aussitôt couvert par la clameur affolée
des assistants : plus de cinquante per-
sonnes avaient disparu, et se débat-
taient, appelant au secours.
On fit, comme on fait toujours en
semblables circonstances : on organisa
des « chaînes ». Mais plusieurs fois el-
les se rompirent, et c'est par dix et vingt
que les sauveteurs devinrent victimes à
leur tour. Ce fut une scène épouvan-
table qui se déroula devant le joyeux
Palais encore tout illuminé.
On retrouva cent soixante-dix cada-
vres. Les recherches durèrent plus de
quinze jours, compliquées par un regel
brusque : le lac semblait vouloir garder
ses victimes. Il y eut. des corps autour
desquels on. dut. briser la glace nou-
velle. ,
Chose à remarquer, aucune explica-
tion péremptoire ne fut donnée de ce
subit désastre. La seule qu'on en donna
fut que peut-être un «' courant » chaud
s'était subitement déterminé dans le
lac et avait, sournoisement pourrait-on
dire, attaqué le champ de patinage.
Deux cents mètres plus loin c'était
des milliers de personnes que la catas-
trophe eut comptées. :
"*0:
En 1878 Québec avait connu un dé-
sastre analogue, mais de moindre éten-
due cependant.
Il y eut une cinquantaine de morts.
Des jeunes gens avaient organisé de
grandes courses aux flambeaux pour
patineurs, et le but était marqué par
une cabane autour de laquelle il fallait
faire un virage. Non loin de là on avait,
quelques jours auparavant scié la glace
pour avoir de l'eau, et la marque qui
avait été placée pour écarter les pati-
neurs fut sans doute déplacée : le fait
est que plusieurs de ceux-ci ayant passé
déjà, la glace céda. Quatre à cinq des
concurrents étaient engloutis, disparus
sous la croûte traîtresse. En se portant
à leur secours on précipita la catastro-
phe, et c'est environ cinquante morts
que l'on compta..
Au surplus, les noyades par cinq et
dix personnes Hans des circonstances
semblables sont très fréquentes. L'em-
pereur d'Allemagne Frédéric, alors
qu'il n'était encore que kronprinz, sau-
va un jour une jeune femme et un petit
garçon sur le point d'être définitivement
engloutis. En Allemagne les accidents
de ce genre sont relativement-fréquents.
Mais il y a lieu de bien distinguer
entre ceux qui sont le fait de circons-
tances inexplicables, comme ce fut le
cas à Ontario, et ceux qui sont dus à
l'imprudence voulue, à l'esprit de bra.
vade consciente, comme ce fut le cas
au Bois il y a trois jours.
R. V. a
: ■ ♦
A LA CHAMBRE
Nouvelle interpellation de M. Jaurès. —»
L'accident du Bois de Boulogne.
- L'interpellation Berteaux.-
; Déclaration de M. Bar-
- thou
La séance est ouverte à deux heures,
sous la présidence de M. Henri Brisson.
Après l'adoption du procès-verbal de
la dernière séance, M. Henri Brisson,
président, annonce qu'il a reçu de M.
Jaurès une demande d'interpellation
sur les instructions données par le gou-
vernement au général d'Amade, com-
mandant le corps d'occupation à Casa.
blanca.
M. Pichon, ministre des affaires étran-
gères, demande la jonction de cette
interpellation à celle qui doit être dis-
cutée 'e 24 janvier. -,
M. Jaurès dit qu'il ne s'opposerait
pas à la jonction si la discussion devait
avoir lieu aujourd'hui.
Depuis hier, un fait nouveau s'est pro
duit au Maroc : un engagement important
a eu lieu loin de Casablanca. Nos troupes
ont livré une bataille de 4 heures contre
l'avant-garde de la mehalla de Moulay..
Hafid.
Cette expédition ne serait-elle pas con-
sidérée, au Maroc, comme un engagement
à fond en faveur de l'un des sultans ri-
vaux ?
C'est là un acte qui est en formelle con*
tradiction avec la politique de réserve
qu'on, avait annoncée.
Est-ce le gouvernement qui a donné des
instructions eoi ce-sens au général d'Ama-
de, ou .celui-ci a-t-il agi de sa propre ini-
tiative ? ,
Il est à craindre que le gouvernement
veuille étendre de plus en plus l'expéditiori
et mettre la Chambre en présence du fait
accompli.
C'est pour cela que je demande la dis"
cussion immédiate. (Applaudissements A
l'extrème-gauche.)
M. Pichon, ministre des affaires-
étrangères, répond qu'il ne s'est produit
au Maroc aucun fait nouveau pouvant
justifier la discussion immédiate.
Les in tractions données au général d'A
made sont exactement les mêmes que cel-
les données au général Drude.
Ces instructions, le gouvernement les a
fait connaître à la Chambre.
La France ne poursuit au Maroc, qu'une
politique approuvée par toutes les. pu issan-
ces et qui ont pour objet la protection des
Européens au Maroc et de leurs intérêts
commerciaux.
Le' combat de Settat s'est produit dans
la zône des opérations prévues pour assu-
rer cette protection.
Le général d'Amade' a chatié une tribu
responsable des événements de Casablan-
ca ; le gouvernement l'en félicite. (Applau-
dissements à gauche.)
Toutes les tribus qui nous combattent
ou nous menacent seront châtiées de la
même façon., (Très bien ! Très bien ! à
gauche.)
La Chambre ne doit pas se montrer plus
préoccupée que les étrangers de lirrifter
l'pxercice -de nos droits au Maroc. Le gou-
vernement continuera d'assurer la sécurité
au Maroc et fera le nécessaire pour déga-
ger Casablanca.
En descendant de la tribune, M. Pichon
demande à la Chambre de joindre cette
interpellation à celle qui doit être discutée
vendredi prochain. (Applaudissements à
gauche.)
La Chambre consultée au scrutin ac-
cepte par 365 voix contre 197 le' renvoi
au 24 janvier demandé par le ministre
des affaires étrangères.
L'INTERPELLATION BERRY
M. G. Berry a la parole pour adresser,
au ministre de l'intérieur, qui l'accepte,
une question sur l'accident du Bois aa
Boulogne.
Au milieu du bruit des conversations
particulières, l'orateur fait le récit de
l'accidértt et termine en demandant
quelles mesures le gouvernement comp-
te prendre pour éviter à l'avenir le l'e..
tour d'un accident semblable.
M. Ca-rnaud de sa place, crie à l'oraî-
teur qu'il se produit bien d'autres acci-
dents dans les usines.
En descendant de la tribune M. G.
Berry envoie aux sauveteurs l'homma-
ge de son admiration et exprime l'es-
poir qu'ils auront les récompenses mé-
ritées.
Ces dernières paroles sont applaudies:
sur tous les bancs.
M. jUaujan, sous-secrétaire d'Etat a
l'intérieur, répond à M. Berry.
Il énumère toutes les précautions qui
avaient été prises par l'administration
pour empêcher le public de se risquer
sur la glace. Des barrages avaient été
installés, de grands écriteaux avaient
été posés. Des gardes et des agents mis
en faction de distance en distance aver.
tissaient les promeneurs. Mais beau-
coup de ceux-ci malgré ces avertisse-
ments pénétraient sur la glace. L'acci-
dent à prévoir s'est -alors produit et si
le malheur n'a pas pris les proportions
d'une catastrophe cela est dû aux. cou-
rageux efforts des sauveteurs auxquels
tt' 13807.= S8 NIVOse An 118 - «DTQ QEHItUIEB Z.B ITOMBRO
Dimanche 10 Janvier 1908. — îî# 13827
Pasdateari
JtUeuSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
(i Mil Mi Mit ffliMîi un an
f*aris 2fr. 5fr. 9 Cr. t8 rr .-
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'- LOUIS PUECH
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< .-
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J Téléphone 102-82
âdrêstw lettres et mandats à ladministratoup
OJP12VXOIVJsr
DES MOTS
sera-ce lista, nalia; rni nula 1
.,¡ lirave problème.
Les cent cinquante académies de la
péninsule sont en émoi. Auquel de Ces
ivoeables va s'arrêter la faveur du
grince V v
Car Victor-Emmanuel, roi d'Italie,
Nient. de décréter que le mot subversif,
smtipatriotique et scandaleux de
;« menu » serait désormais banni de
pa table.
Ce monarque né Savoyard, et ma-
rié à une Monténégrine, ne peut souf-
frir les importations étrangères. Un
•mot français égar-é sur le programme
de ses agapes souveraines, le choque
et trouble ses illustres digestions. Ad-
imiroris ce purisme culinaire et natio-
naliste.
Il faut être juste: cette chasse au
français n'est point de son initiative.
Déjà son puissant allié, Guillaume,
empereur d'Allemagne, avait décrété
pareil ostracisme. 11 fit appel aux éru-
dits tudesques les plus en renom pour
jsareler. cette mauvaise iherbe qui pen-
sait gâter l'harmonieux idiome d'ou-
tre lihin : et l'on vit fleurir, au lieu
des expressions proscrites, des voca-
bles rébarbativement hérissés de con-
sonnes pointues, comme des cuirass-
iers de la garde.
Serions-nous moins patriotes que
tes despotes Y
Souffrirons-nous désormais qu'un
gargotier sans patrie nous propose
d'exotiques vermicelles ou de crimi-
nels macaronis ? N'en profiterons-
pas pour interdire — et presto — ces
'conlettis transalpins qui, par ces tu-
ultueux carnavals J troublent (notre
farniente ? — jQuel dilettante vraiment
français osera sans vergogne crier
ï brava » aux opéras du maestro
■ Maseagni, ou vanter, avec des tremo-
los dans la voix, les pointes et la
Inorbidezza de nos prima-gambas ?
Disons-le ! 11 n'est pas jusqu'aux
noms propres qui ne fassent figure de
trahison.
Il existe à Paris un boulevard Magen-
ta, un pont de Solférino ! Où donc a-
t-on pu prendre ces mots étrangers ?
N'y a-t-il plus en France de cités émi-
nentes pour en baptiser la voie publi-
que ? Magenta ? N'est-ce pas un village
eitalie ? Le roi Victor-Emmanuel le
sait mieux que personne, bien qu'à vrai
dire, il semble ne pas s'en souvenir tou-
jours.
Epurons ! Epurons ! Je sais à Paris
une rue « Dante ». Encore un nom bien
français 1 Pendant ce temps, Camille
Doucet attend la sienne ! Et la rue Per-
golèse ? D'où sort ce Pergolèse ? Vite,
inscrivons à la place le nom d'Aristide
Bruant. Voilà du bon nationalisme.
Est-il rien de burlesque, de puéril
comme cette haine du mot, comme cet
exclusivisme verbal ? A l'heure où la
pensée de tous les peuples se cherche,
se pénètre, se féconde, où tout au
ttioins dans le domaine des idées, l'âme
humaine rejette le maillot étriqué des
inimitiés et des frontières, où visible-
ment s'établit une sorte de conscience,
de sensibilité européenne, des potentats
à la cervelle racornie s'amusent à guer-
royer contre quelques syllabes étrangè-
res, et se figurent peut-être sauver de
Contaminations suspectes, la beauté du
parler natal, ou les forces traditionnel-
les d'un passé dont ils vivent.
Certes, plus superstitieusement que
personne, je veux pour tous les peuples
le droit de conserver intact leur patri-
moine linguistique. La langue, c'est le
souple habit où se meut la pensée : c'est
par lui que s'éveillent, des profondeurs
du cœur ,les harmoniques inanalysables,
où se traduisent l'unité de la race, la
communauté des sentiments et des aspi-
rations. Rien n'est plus respectable que
l'amour de la langue maternelle. Et
nous, Français, nous pouvons le dire à
notre gloire, jamais, sous les gouverne-
ments même les plus despotiques, nous
n'avons profané ce culte intime qui rat-
tache les hommes au langage de leur
enfance.
N'en avons-nous pas été récompensés,
'd'aillem.s ? Aurions-nous trouvé chez
des populations tard venues à la famille
française, tant de prompt loyalisme,
tant de fidélité, succédant parfois, com-
me en Corse, par exemple, aux plus lé-
gitimes efforts d'indépendance, si nous
nous étions bassement acharnés à leur
interdire, à persécuter leur langage ma-
ternel, le langage de leurs ancêtres, de
leur foyer, de leur sol ? Cela n'a pas em-
pêché notre esprit national de s'infiltrer
dans 1 esprit local, d'y insinuer les clar-
tés qu'y répandirent une longue culture
et tant de penseurs généreux. - -
Oui, sans doute, la langue est un puis-
sant instrument d'assimilation et de
conquête : mais de conquête pacifique,
non d'extermination morale. Ses pro-
grès, ses triomphes, sont faits de per-
suasion, non de violence. Et la-violen-
ce, inversement, ne peut rien contre les
séductions qu'elle exerce. Si le vocabu-
laire français garde tant de crédit au-
près de l'univers intellectuel, c'est à sa
limpidité, à son élégante précision qu'il
le doit, non point à des contraintes sot-
tes et puériles. C'est qu'aussi sa force
expansive demeure hospitalière et tolé-
rante. Le Français accueille et snCor-
pore avec une plasticité merveilleuse,
les mots qui lui viennent du dehors. Il
s'est ainsi toujours enrichi, évoluant
toujours sans jamais altérer son génie
essentiel. Il s'éprend de l'idée qui sur-
git, de la mode qui passe, qu'elles vien-
nent des pays où triomphe le soleil, ou
de ceux où stagne la brume. Il en fond
les termes dans son creuset magique,
pour qu'ils y prennent une plus pure lu-
mière, on ne sait quel pouvoir de clair
rayonnement. Sans cesser d'être ce
qu'ils furent, ils deviennent nôtres en
un sens,, en se revêtant de splendeur ra-
jeunie.
C'est ainsi que sur certains champs de
bataille, le sang de nos soldats s'ajou-
tant à celui des bersagliers italiens, fit
éclore quelque chose de noble et de fort
qui ne fût pas né sans lui : l'unité ita-
lienne.
T. STEEC.
L'EDUCITIOIN DU PUBLIC
Dn n'a pas très bien com-
pris l'intérêt de la question
posée au sous-secrétaire d'E
tat à l'intérieur par M. Geor-
ges Berry. Pour triste que
fût l'accident du Bois de Bou-
logne, il ne pouvait guère donner lieu
à un débat politique ; et si des -explica-
tions devaient être fournies par. le pré-
fet, c'était plutôt au conseil général de
la Seine qu'à la Chambre d'interpeller
le chef de l'administration départemen-
tale. ,
Quelques-unes des paroles pronon-
cées par M. Geoirges Berry ont surpris
l'Assemblée. Le député du 96 arrondis-
sement se plaignait de ce que les points
dangereux du lac livré aux patineurs
eussent été indiqués par une simple
rangée de piquets au lieu d'être sépa-
rés du public par une palissade infran-
chissable.
— Il y avait, raisonnait M. Berry,
beaucoup de jeunes gens dans la foule,
et il fallait s'attendre de leur part à
des actes de témérité.
Est-ce une bonne éducation à don-
ner à la foule que de la dispenser de ré-
fléchir, de la décharger de toute respon-
sabilité ?
Il est impossible avec les précautions
les plus minutieuses de faire que le
public ne soit jamais menacé par un
danger quelconque. S'il a l'habitude de
trop compter sur (la surveillance)- de
la police, le péril le trouve affolé, inca-
pable de se défendre. - ""0 —
C'est pourquoi les catastrophes aux-
quelles sont mêlées des femmes et des
enfants prennent si facilement des pro-
portions considérables.
On l'a bien vu dans les deux catas-
trophes qui se sont produites récem-
ment dans des théâtres cinématogra-
phiques, en Angleterre et en Amérique.
La première a été causée par les gamins
qui sont venus s'écraser, se culbuter
dans un escalier, pour se disputer quel-
ques places de faveur offertes aux petits
spectateurs par la direction.
Dans la seconde, des femmes et des
enfants, effrayés par l'explosion d'un ap-
pareil, ont voulu fuir par la scène du
théâtre et ont renversé des lampes qui
ont incendié les décors.
Les théâtres se vident en quelques
minutes, à la fin d'une représentation
ordinaire. Ils restent pleins lorsqu'un
cas fortuit effraie les spectateurs.
Il y a une éducation de la foule à ten-
ter. Elle pourrait être faite en grande
partie par l'école.
LES ONDIT
L'Université de Fez
Le coup d'Etat" de Fez est -d'autant
plus grave que la capitale est un cen-
tre renommé de théologie musulmane.
Elle possède la plus ancienne Université
du monde, car l'université kérouine y
fut fondée au onzième siècle par Fatina-
la-Sainte. Ce fut longtemps un foyer
unique d'enseignement ; on y venait de
tous les coins du monde arabe et même
des pays chrétiens. L'élément européen
disparut lors de la fondation 'des uni-
versités de Paris, d'Oxford et de Cam-
bridge. Mais Fez est encore aujourd'hui
en possession d'une réputation sans ri-
vale' dans tout l'Islam,
La fiche de Rouget de l'Isle
La fiche de Rouget de lisle "existé
encore aux Archives du ministère de la
guerre. Mais elle ne concerne que le
cadet admis à concourir pour l'école de
génie de Mézières en 1777. Le futur au-
teur de la Marseillaise, qui n'avait alors
que dix-sept ans, obtint la cote d'a-
mour, car il était assez bien apparenté
et possédait un piston sérieux, le comte
de Saint-Germain, son compatriote, qui
fut ministre de Louis XVI. Voici la
note officielle qui le "précéda au con-
cours : :
« Rouget de Vlsle, fils du premier
avocat du roi au siège présidentiel de
Lons-Ie-Saulnier. Un de ses parents, du
côté paternel, est mort capitaine, che-
valier de Saint-Louis ; un autre de ses
parents, du même côté, est chevalier de
Saint-Louis et a servi trente ans dans
les gardes du corps. Recommandé par
le comte de Saint-Germain )).
Le féminisme en Chine
La Chine est bien revenue des idées
rétrogrades qui réglaient le sort "de la
femme chez elle. Plus de pieds bandés,
plus de claustration domestique, même
chez les Célestes la boutade de Baude-
laire : « Sois charmante et tais-toi- » n'a
plus de sens. La Ligue des Tien-Tsu-Hui
travaille activement à délivrer la Chi-
noise de ses entraves matérielles et mo-
rales. Elle distribue des médailles à cel-
les qui ont échappé à la mutilation des
pieds afin qu'on ne les confonde pas
avec des esclaves. Habile tribut payé à
l'amour-propre et à la coquetterie !
A ShanghaI, les trois quarts des fem-
mes n'ont plus les pieds bandés. L'im-
pératrice douairière encourage haute-
ment cette réforme. Un collège féminin
a été ouvert à Pékin sous la direction
de la princesse Su ; une école d'art
existe à Canton depuis deux mois, grâ-
ce à une généreuse donatrice. Les éco-
les de filles surgissent partout, comme
par enchantement ; on a utilisé pour
cela jusqu'aux couvents bouddhistes et
aux temples, car les Chinois sont des
esprits pratiques qui jugent volontiers
la théologie une science superflue. Une
jeune Chinoise, en juin 1907, ayant fait
un bel héritage, consacra un million à
la fondation d'un collège de filles. La
Cour rivalise de zèle avec l'aristocratie
pour l'instruction. Des bourses de voya-
ges et d'études viennent enfin d'être mi-
ses à la disposition des Chinoises stu-
dieuses. -
i Le Passant.
L'APPENDICE
Il est beaucoup question de la réforme
du mode d'élection des députés. Les uns
préconisent la représentation proportion-
nelle ; les autres, le scrutin de liste. Tous
sont frappés des multiples inconvénients
du système actuel et des défauts d'un Par-
lement trop-peuplé.
En attendant qu'on donne un vigoureux
coup de bistouri dans la plaie qui nous
ronge, le Parlement pourrait atténuer le
mal dont nous souffrons en modifiant sa
méthode de travail et sa façon de voter le
budget. Le budget — qui devrait être le
souci principal et l'occupation essentielle
des représentants de la Nation — ne
devient plus qu'un entremets qu'on gri-
gnote entre les plats copieux et le dessert
de la trêve des confiseurs.
Poussés par l'heure fatidique, les députés
le bouclent et les sénateurs l'enterrent. Le
malheureux budget apparaît, à tous, com-
me un caseur dont il faut se débarrassèr
à tout prix. Quand, vers la Noël, le mori-
bond a des velléités de vivre et d'agripper
un douzième d'existence supplémentaire,
on le dissèque à la vapeur, on le passe à
tabac, on le transbahute du Palais-Bour-
bon au Luxembourg au risque de lui faire
attraper une congestion. déficitaire.
Et ce n'est pas tout ! Le budget est af-
fligé d'un appendice qu'on nomme : la loi
de finances.
Cette loi de finances sert de dépotoir à
toutes les propositions qui traînent le long
des programmes électoraux. On y fourre
à la fois des dispositions sur l'avancement
de la magistrature et des pénalités contre
la fraude des margarines. La diminution
des appels des réservistes y coudoie la no-
mination des 'huissiers. Et une surtaxe sur
les droits de Bourse y fait vis-à-vis au pa-
tronage des Ecoles françaises d'Orient.
Comme cette fameuse loi est votée éga-
lement à triple vapeur, elle contient fata-
lement des dispositions inapplicables qu'#n
est obligé d'éluder ou de modifier pour les
rendre exécutables; Combien de mesures
mal étudiées ne devons-nous pas à ces
amendements qui, à chaque instant, vien-
nent allonger la liste des articles de la loi
de finances ? La loi; de finances est la toile
de Pénélope et le couteau de Janot du
Parlement. On la transforme tellement,
qu'à la fin on ne s'y reconnaît plus et qu'on
est obligé de. la promulguer telle quelle à
la s dernière heure pour éviter les douziè-
mes provisoires.
En attendant la réforme ayant pour ob-
jectif la diminution du nombre des dépu-
tés, on pourrait modifier le caractère de la
loi de finances, qui ne devrait plus servir
de poubelle à .toutes les initiatives indivi-
duelles.
Pourquoi la Chambre ne voterait-elle
pas la disposition ."suivante ?
« Toute proposition ayant pour objet la
(( création, la modification ou la suppres-
« sion d'un impôt 'ou d'un service public
« devra toujours faire l'objet d'un projet de
« loi spécial et ne pourra, sous aucun pré-
« texte, étire votée à titre d'amendement,
« au moment de la discussion publique de
« lia loi de finances. »
Comment veut-on, en effet, qu'une Cham-
brg, voire même une commission du bud-
get, 'puisse se rendre compte, séance te-
nante, des conséquences d'un amendement
appelé à bouleverser un régime fiscal ou
un service public ?
- t - -p_L_J.- -- _Il- -----,.
un a vu les resunats ue ceue pratique
déplorable dans plusieurs circonstances,
notamment pour le dégrèvement des petite,
Cotes foncières, et la taxe vicinale. - «
Ces deux mesures — qu'on doit à des
amendements - & la loi de finances = ont
consacré autant d'injustices qu'elles n'en
ont réparé. En ne tenaisi pas compte de
l'importance dès propriétés bdtiês, le dé-
grèvement des petites cotes foncières fa-
k
vorise — au détriment de la collectivité —
une foule de petits rentiers. D'autre part,
en n'exemptant pas du bénéfice de la taxe
vicinale les véhicules de luxe, on a accor-
dé à ces derniers un régime de faveur,
qrnnd leurs possesseurs n'ont qu'une fai-
ble oote mobilière dans la localité.
Nous pourrions multiplier à l'infini ces
exemples : tous démontreraient l'urgence
de la réforme précitée ; tous prouveraient
qu'il est grand temps de ne pas convertir
l'appendice de la loi de finances en dégor-
geoir à l'usage des réclames électorales.
(t L'appendice, a dit Calino, provoque
l'appendicite. » Nous souffrons, en ce mo-
ment, de cette maladie, dont nous ne gué-
rirons que si nous savons enfin donner à
La loi de finances sa fonction d'autrefois.
-La. loi de finances né doit comprendre que
des dispositions .soumises à la commission
du budget par le gouvernement.
Le Parlement a le droit de rejeter ou
d'accepter ces dispositions ; ma:is il ne
doit pas y substituer, au pied levé, des
mesures non étudiées à fond sous tous
leurs' aspects et "avec toutes leurs consé-
quences. le
Voilà la modification à apporter à la mé-
thode de travail de la Chambre. Elle est
indispensable.
Nean Clerval
IL Y AURA FOULE.
Afin de nous prouver - comme si cela
était nécessaire ! — que nous tournons
toujours lamentablement dans le même
cercle, on va rétablir des tourniquets à la
porte des musées.
Gela nous raippellera que 1 entrée des
musées fut payante jusqu'en 1855, qu'elle
cessa de l'être jusqu'en 1908, et qu'elle le
redevint à cette époque.
Dans quelques jours, si ce n'est fait dé-
jà, les musées municipaux du Petit-Palais,
de Carnavalet, de1 Victor-Hugo, de Cernus-
chi et de Galliera — et le musée Guinet,
par surcroît — réclameront une redevance
aux visiteurs. Mais ces musées reçoivent
surtout des gens d'étude, auxquels il con-
viendra de délivrer des cartes, et je crois
que si l'on compte sur des recettes éle-
vées, on éprouvera de grosses désillusions.
Il est entendu, d'ailleurs, que ces « monu-
ments publics » resteront ouverts à tout le
monde, le dimanche, le jeudi et les jours
de fête.
Si l'essai tenté par la Ville de Paris ne
soulève pas trop de protestations, on éten-
dra aux musées nationaux la mesure pri-
se pour les municipaux. C'est, du moins,
ce que demande M. Fernand Eng'erand à
la Chambre des députés, dans le projet de
loi suivant : « L'entrée des musées natio-
naux est libre les dimanches, jeudi. et
jours fériés. Les autres jours, il sera per-
çu un droit d'entrée dont le maximum est
fixé à un franc. » Un règlement d'adminis-
tration publique accorderait « toutes faci-
lités d'entrée aux artistes, ouvriers -d'art
et autres personnes, que leurs travaux
obligent à une fréquentation suivie de nos
collections nationales. » >
Ce projet a l'approbation de plusieurs
critiques d'art, ce qui n'est pas une mince
satisfaction pour le législateur. Ils énumè-
rent à l'envi tous les avantages qui résul-
teront de ce nouvel ordre de choses : les
étrangers seront obligés de payer, et les
salles de nos palais ne serviront plus de
reîuges aux misérables qui venaient s'y
chauffer et s'y reposer. Comment voulez-
vous que tous ces crève-de-faim puissent
apprécier un Rembrandt ou un Véronèse ?
Pas de fausse sentimentalité ! A la rue,
tous ces loqueteux !
En Angleterre, le South Kensington
« produit » plus de 150.000 francs par an;
en Italie, l'Etat perçoit plus de 500.000 fr.
de frais d'entrée. Que ne vont pas nous
rapporter le Louvre, le Luxembourg, Clu-
ny, Versailles ? Que d'œuvres d'art ne
pourra-t-on point acquérir ? Que de postes
nouveaux ne pourra-t-on point créer Car
tout se termine par des emplois nouveaux,
en France, dès que l'on prévoit seulement
des se pourrait,
Il se pçurrait, aussi, que M. Fernand En-
gerand eüt une idée de derrière la tête -
l'idée de ramener en masse compacte les
Parisiens dans leurs musées.
Quand on n'entrera plus au Louvre com-
me dans un moulin, quand il faudra une
carte spéciale et que cette carte sera as-
sez difficile à obtenir, il y aura foule, du
matin au soir, dans la galerie d'Apollon.
Grouchy de Vorney.
-————————— » :
LA JOURNEE POLITIQUE
M. Fallières au Sénat
Le président de la République a rendu
à une heure et demie à M. Antonin Dubost,
président du Sénat, la visite qu'il lui avait
faite jeudi, après sa nouvelle élection.
Epilogue de l'affaire Archimbaud
M. Archimbaud est arrivé à Grenoble
hier matin ; il a été incorporé cet après-
midi au 140° de ligne et affecté à la 5e com-
(pagnie.
Le parquet de Grenoble s'occupe actuel-
lement d'établir si les certificats produits
par M. Archimbaud et établissant sa qua-
lité de pasteur protestant, ne seraient pas
de# certificats de complaisance. Dans ce
but, le parquet de cette ville a" envoyé-à
Paris une commission rogataire. Le par-
quet de la Seine chargeait aussitôt M. Ber-
thelot, commissaire aux- délégations judi-
ciaires, d'ouvrir une information. Le ma-
gistrat a entendu hier MM. Slappfer, doyen
de la Faculté protestante, Ehrardt, secré-
taire de la dite Faculté, "et Benezech, di-
recteur de l'Ecole supérieure de théologie
protestante de Nollet. Ces messieurs - o.nt
déclaré que M. Archimbaud avait en effet
fait ises études pour devenir pasteur, mais
qu'ils ignoraient s'il' avait été attaché à un
temple quelconque, le titre de pasteur ne
pouvant être décerné que par une associa-
tion cultuelle.
Les agriculteurs de Senlis
M. Clemenceau, président du conseil, a
reçu, hier matin, la commission d'études
sociales de l'arrondissement de Senlis,
composée par moitié. de ; patrons agricul-
teurs et d'ouvriers agricoles élis. :.
Les chemins de fer de l'Etat
M. Simyan, sous-secrétaire d'Etat aux
postes, a adressé au sénateur Maseuraud
la lettre suivante : ;
«. En réponse à votre leftre du 25 décem-
bre dernier, j'ai l'honneur de vous faire
connaîtra que les retards éprouvés par le
courrier de Paris à destination de Roche-
fort-sur-Mer sont exclusivement imputa-
bles à l'administration des chemins de fer
de l'Etat.
a Ils sont la conséquence d'irrégularités
dans la marche du train-poste de Paris à
Niort, qui manque parfois la correspon-
dance, à la gare de cette dernière ville,
avec le train devant lui faire suite sur
Aigrefeuille et Rochefort.
« Toutefois, en raison de l'importance des
intérêts en jeu, et bien que l'exécution du
service * postal en éprouve certaines diffi-
cultés, j'ai prescrit, à titre exceptionnel,
des dispositions pour qu'à partir du 16
janvier courant, toutes les correspondan-
ces destinées à la ville de Rochefort soient
à titre exceptionnel dirigées par la voie
Orléans-Tours-Poitiers, ce qui garantira la
régularité de la transmission.
« SIMYAN. »
—-■3—— ———— i,
e La Glace Homicide -
A propos de l'accident du Bois de Bou-
logne. — Catastrophes américai-
nes. — Un bal tragique.
Les Américains sont nos maîtres en
tout ; nous', voulons dire par là qu'ils
font plus grand que nous. C'est ainsi
qu'en matière de catastrophes, ils don-
neraient à peine J'attention d'un ins-
tant à des événements. qui émeuvent
Paris tflbt entier. Chez eux, on meurt
en grand.
Le si triste accident du Bois de Bou-
logne dans lequel deux imprudents
trouvèrent la mort et qui faillit coûter
la vie à quatorze personnes, noustemet
en mémoire la catastrophe d'Ontario en
1881. Celle-là fut vraiment digne -de la
presse américaine puisque 170 person-
nes, jeunes gens, jeunes femmes et en-
fants y périrent.
L'hiver n'avait pas été exceptionnelle-
ment rigoureux, mais le froid avait été
continu, -ce qui est la condition premiè-
re pour avoir de « bonne » glace. On
avait patiné toute la saison avec entrain
et on s'apprêtait à continuer. L'idée fut
émise d'organiser une de ces fêtes com-
me les Canadiens, ces rois du patin,
ont coutume d'en avoir. ,
On construisit un Palais de Glace,
c'est-à-dire qu'avec des blocs de glace
équarris à la hache on construisit sur
plans une véritable maison avec étage,
divisée en plusieurs salles. La glace
elle-même fait, dans ce genre de cons-
truction, office du meilleur ciment : on
sait que deux blocs de glace reposant
l'un sur l'autre adhèrent promptement
et si fort qu'ils n'en forment bientôt
plus qu'un seul.
Un premiel « bal » qu'on organisa
réussit à merveille. Dans les salles du
palais et tout autour les patineurs glis-
sèrent et quadrillèrent, aux sons de
joyeux orchestres, et des flammes de
bengale donnèrent à la fête un caractè-
re de vraie féerie.
Quelques jours après, on donna un
second bal. La foule était plus nom-
breuse encore. On patinait tout autour
du Palais et jusqu'assez loin sur le lac.
Et voici que brusquement, sans qu'au-
cun abaissement caractéristique de la
température ait pu faire prévoir l'évé-
nement, à deux cents mètres à peine
de l'endroit où se trouvaient cinq ou
six mille personnes, la glace se rompit.
Il y eut un craquement, tout semblable,
assure-t-qn, à celui que produirait l'ef-
fondremènt d'une estrade d'une galerie
en bois. Mais le bruit en fut presque
aussitôt couvert par la clameur affolée
des assistants : plus de cinquante per-
sonnes avaient disparu, et se débat-
taient, appelant au secours.
On fit, comme on fait toujours en
semblables circonstances : on organisa
des « chaînes ». Mais plusieurs fois el-
les se rompirent, et c'est par dix et vingt
que les sauveteurs devinrent victimes à
leur tour. Ce fut une scène épouvan-
table qui se déroula devant le joyeux
Palais encore tout illuminé.
On retrouva cent soixante-dix cada-
vres. Les recherches durèrent plus de
quinze jours, compliquées par un regel
brusque : le lac semblait vouloir garder
ses victimes. Il y eut. des corps autour
desquels on. dut. briser la glace nou-
velle. ,
Chose à remarquer, aucune explica-
tion péremptoire ne fut donnée de ce
subit désastre. La seule qu'on en donna
fut que peut-être un «' courant » chaud
s'était subitement déterminé dans le
lac et avait, sournoisement pourrait-on
dire, attaqué le champ de patinage.
Deux cents mètres plus loin c'était
des milliers de personnes que la catas-
trophe eut comptées. :
"*0:
En 1878 Québec avait connu un dé-
sastre analogue, mais de moindre éten-
due cependant.
Il y eut une cinquantaine de morts.
Des jeunes gens avaient organisé de
grandes courses aux flambeaux pour
patineurs, et le but était marqué par
une cabane autour de laquelle il fallait
faire un virage. Non loin de là on avait,
quelques jours auparavant scié la glace
pour avoir de l'eau, et la marque qui
avait été placée pour écarter les pati-
neurs fut sans doute déplacée : le fait
est que plusieurs de ceux-ci ayant passé
déjà, la glace céda. Quatre à cinq des
concurrents étaient engloutis, disparus
sous la croûte traîtresse. En se portant
à leur secours on précipita la catastro-
phe, et c'est environ cinquante morts
que l'on compta..
Au surplus, les noyades par cinq et
dix personnes Hans des circonstances
semblables sont très fréquentes. L'em-
pereur d'Allemagne Frédéric, alors
qu'il n'était encore que kronprinz, sau-
va un jour une jeune femme et un petit
garçon sur le point d'être définitivement
engloutis. En Allemagne les accidents
de ce genre sont relativement-fréquents.
Mais il y a lieu de bien distinguer
entre ceux qui sont le fait de circons-
tances inexplicables, comme ce fut le
cas à Ontario, et ceux qui sont dus à
l'imprudence voulue, à l'esprit de bra.
vade consciente, comme ce fut le cas
au Bois il y a trois jours.
R. V. a
: ■ ♦
A LA CHAMBRE
Nouvelle interpellation de M. Jaurès. —»
L'accident du Bois de Boulogne.
- L'interpellation Berteaux.-
; Déclaration de M. Bar-
- thou
La séance est ouverte à deux heures,
sous la présidence de M. Henri Brisson.
Après l'adoption du procès-verbal de
la dernière séance, M. Henri Brisson,
président, annonce qu'il a reçu de M.
Jaurès une demande d'interpellation
sur les instructions données par le gou-
vernement au général d'Amade, com-
mandant le corps d'occupation à Casa.
blanca.
M. Pichon, ministre des affaires étran-
gères, demande la jonction de cette
interpellation à celle qui doit être dis-
cutée 'e 24 janvier. -,
M. Jaurès dit qu'il ne s'opposerait
pas à la jonction si la discussion devait
avoir lieu aujourd'hui.
Depuis hier, un fait nouveau s'est pro
duit au Maroc : un engagement important
a eu lieu loin de Casablanca. Nos troupes
ont livré une bataille de 4 heures contre
l'avant-garde de la mehalla de Moulay..
Hafid.
Cette expédition ne serait-elle pas con-
sidérée, au Maroc, comme un engagement
à fond en faveur de l'un des sultans ri-
vaux ?
C'est là un acte qui est en formelle con*
tradiction avec la politique de réserve
qu'on, avait annoncée.
Est-ce le gouvernement qui a donné des
instructions eoi ce-sens au général d'Ama-
de, ou .celui-ci a-t-il agi de sa propre ini-
tiative ? ,
Il est à craindre que le gouvernement
veuille étendre de plus en plus l'expéditiori
et mettre la Chambre en présence du fait
accompli.
C'est pour cela que je demande la dis"
cussion immédiate. (Applaudissements A
l'extrème-gauche.)
M. Pichon, ministre des affaires-
étrangères, répond qu'il ne s'est produit
au Maroc aucun fait nouveau pouvant
justifier la discussion immédiate.
Les in tractions données au général d'A
made sont exactement les mêmes que cel-
les données au général Drude.
Ces instructions, le gouvernement les a
fait connaître à la Chambre.
La France ne poursuit au Maroc, qu'une
politique approuvée par toutes les. pu issan-
ces et qui ont pour objet la protection des
Européens au Maroc et de leurs intérêts
commerciaux.
Le' combat de Settat s'est produit dans
la zône des opérations prévues pour assu-
rer cette protection.
Le général d'Amade' a chatié une tribu
responsable des événements de Casablan-
ca ; le gouvernement l'en félicite. (Applau-
dissements à gauche.)
Toutes les tribus qui nous combattent
ou nous menacent seront châtiées de la
même façon., (Très bien ! Très bien ! à
gauche.)
La Chambre ne doit pas se montrer plus
préoccupée que les étrangers de lirrifter
l'pxercice -de nos droits au Maroc. Le gou-
vernement continuera d'assurer la sécurité
au Maroc et fera le nécessaire pour déga-
ger Casablanca.
En descendant de la tribune, M. Pichon
demande à la Chambre de joindre cette
interpellation à celle qui doit être discutée
vendredi prochain. (Applaudissements à
gauche.)
La Chambre consultée au scrutin ac-
cepte par 365 voix contre 197 le' renvoi
au 24 janvier demandé par le ministre
des affaires étrangères.
L'INTERPELLATION BERRY
M. G. Berry a la parole pour adresser,
au ministre de l'intérieur, qui l'accepte,
une question sur l'accident du Bois aa
Boulogne.
Au milieu du bruit des conversations
particulières, l'orateur fait le récit de
l'accidértt et termine en demandant
quelles mesures le gouvernement comp-
te prendre pour éviter à l'avenir le l'e..
tour d'un accident semblable.
M. Ca-rnaud de sa place, crie à l'oraî-
teur qu'il se produit bien d'autres acci-
dents dans les usines.
En descendant de la tribune M. G.
Berry envoie aux sauveteurs l'homma-
ge de son admiration et exprime l'es-
poir qu'ils auront les récompenses mé-
ritées.
Ces dernières paroles sont applaudies:
sur tous les bancs.
M. jUaujan, sous-secrétaire d'Etat a
l'intérieur, répond à M. Berry.
Il énumère toutes les précautions qui
avaient été prises par l'administration
pour empêcher le public de se risquer
sur la glace. Des barrages avaient été
installés, de grands écriteaux avaient
été posés. Des gardes et des agents mis
en faction de distance en distance aver.
tissaient les promeneurs. Mais beau-
coup de ceux-ci malgré ces avertisse-
ments pénétraient sur la glace. L'acci-
dent à prévoir s'est -alors produit et si
le malheur n'a pas pris les proportions
d'une catastrophe cela est dû aux. cou-
rageux efforts des sauveteurs auxquels
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