Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-01-18
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 janvier 1908 18 janvier 1908
Description : 1908/01/18 (N13826). 1908/01/18 (N13826).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7551475d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
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Samedi 18 Janvier î08. - :No 13320
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4
L'âij n Matamur:
Un air martial passe sur les théâtres
et la gent dramatique. Qui donc osait
soutenir que l'art adoucit les mœurs ?
Loin d'y donner le tour policé que cer-
tains imaginent, il les exalte au con-
traire et leur assure une rudesse guer-
rière qui est vraiment du plus bel effet.
Naguère, aux beaux soirs des généra-
les, dans les couloirs, on faisait montre
d'une urbanité distinguée. Les gestes
ronds, les facons amènes étaient fort
en faveur. Du plus loin qu'ils s'aperce-
vaient, les hommes de qualité échan-
geaient de vastes saluts et d'indulgents
propos. On parlait avec douceur de la
mode M du boulevard, et des héros du
jour. On marquait une grande impa-
tience aux palabres des raseurs et, si
l'on était aussi porté qu'aujourd'hui à
dépouHler propremerit le voisin, auteur
ou eomédien, de ses mérites, du moins
savait-on accomplir cette plaisante be-
sogne prestement, sans troll' de bruit,
avec élégance. Il était du bel air qu'on
se montrât précieux, raffiné et courtois
à l'extrême. Cela se voyait aux maniè-
res, au ton des bienséances. A la sortie,
on prenait garde à ne pas trop bousculer
les femmes. Dans les couloirs, on met-
tait à s'écraser une politesse infinie ; et
s'il arrivait à quelqu'un de poser avec
fermeté son pied sur celui de son voisin,
on le voyait s'en excuser avec un céré-
monieux - empressement.
Ces usages antiques ont disparu, et
avec eux leur fadeur un peu niaise.
Nous vivons à présent dans une époque
farouche et pressée. A la complaisance
onctueuse d'autrefois, a succédé un bel
individualisme. Vous l'aviez bien re-
marqué. C'est aujourd'hui plus que ja-
mais l'âge du mufle. Au théâtre, nous
entrons bruyamment, les mains aux po-
ches et le chapeau crânement infléchi
sur le côté de la tête. Nous parlons
haut, nous marchons vite, et l'on ne
nous regarde avec bienveillance qu'au-
tant que nous prenons des airs fen-
dants. C'est qu'il convient, à cette épo-
que d'ambitions effrénées, d'affirmer
violemment son droit ; il sied de se
carrer comme un butor dans sa place,
si l'on ne veut point s'en voir tout d'un
coup chasser par le gaillard d'à côté.
Et voilà pourquoi chacun porte sa per-
sonnalité avec une si belle ostentation.
Rêveurs ingénus pour qui, censément,
notre vieux monde s'achemine vers un
Eden aux félicités tranquilles et douce-
reuses, que vous êtes loin de la réalité !
Regardez plutôt la tribu des gens de
théâtre. Vîtes-vous jamais tempéra-
ments plus rebelles, caractères plus in-
dociles, humeurs plus ombrageuses ?
Ceux-là même qu'une carrière illustrée
par les plus hautes spéculations, que la
rigueur d'une vie exemplaire parais-
saient devoir détacher des vaines que-
relles de ce bas monde, s'élancent dans
la mêlée, tels d'impavides centurions.
Cet honnête père de famille qui compo-
se avec soin des comédies vertueuses,
s'arrête soudain d'écrire et sort en
brandissant sa colichemaroe. Tel autre,
,pour un mot entendu de travers, mène
un grand tapage ; après quoi, tout em-
pourpré, tout pavoisé d'indignation al-
tière, il met flamberge au vent. Les mu-
siciens se battent avec les poètes ; les
auteurs traînent sur le pré les critiques,
et les spectateurs rêvent à leur tour
d'en venir aux mains.
Prélude ordinaire des rencontres, les
lettres sévissent. Les hostilités ne sont
pas plutôt ouvertes, qu'elles se croisent
déjà. C'est un exercice acerbe et char-
mant dont s'émerveille la galerie. Quels
trésors de rosserie ne dépense-t-on pas
dans ces petits billets désinvoltes et
pincés que publient si volontiers les ga-
zettes. On y fait montre d'un esprit
fringant, et une verve élégante et caus-
tique, et l'on sait y dissimuler sous le
tour le plus satisfait et le plus enjoué du
monde, de vives rancœurs. Mais on ne
peut perpétuellement poursuivre ces en-
tretiens publics ; l'aigreur qu'on y sent
gâte à la fin les choses. Et l'on en vient
aux grands gestes, aux belles parades
romantiques que l'on trouvait, voici
quelques années, un peu puériles, en-
foi de témoins, balles échangées, lapi-
daires procès-verbaux. -
Si les choses vont de la sorte, la vie
de l'homme de lettres n'aura plus ces
allures sereines et distinguées qui lui
assuraient un si heureux prestige. Le
vaudevilliste joyeux qui combine, dans
ta quiétude de son cabinet, tant de bon-
nes farces truculentes, devra sur le
champ, s'il ne veut être pris de court,
se doubler d'un redoutable escrimeur.
Et ce poète indolent, hautain, fatigué:
par la fréquentation des plus nobles
Abstractions, ira faire des « cartons » à j
la cible, le matin. Paradoxe ? Non
point. N'ttvons-nous pas vu ces jours-ci
un musicien fameux, connu pour la fer-
veur de ses sentiments orthodoxes, sai-
sir d'une main vaillante le pistolet ven-
geur.
L'honneur est en baisse, proclamaient
volontiers il y a quelques années, de
vieilles personnes désabusées pour qui
la mansuétude de nos façons d'alors si-
gnifiait décadence et couardise. L'hon-
neur en baisse, allons donc ! Jamais on
ne le porta si haut qu'aujourd'hui ; ja-
mais l'on ne vit d'artistes plus prompts
à se fâcher que les nôtres. Colloques ai-
gres-doux, altercations, algarades, ges-
tes menaçants s'appellent, se croisent.
Les rencontres, naturellement, se mul-
tiplient, et l'on met à en. accepter à
l'avance l'éventuarifé, une grâcetran-
quille et souriante qui n'est point sans
galbe.
Pourquoi tant de querelles, d'éclats,
pourquoi soudain tant d'accent sur la
scène de l'art à Paris ? Est-ce un réveil
de nos belles humeurs tapageuses de
jadis ? Ce besoin de rompre des lances
ou de croiser le fer suit-il une renaissan-
ce, un essor généreux de grands senti-
ments désintéressés ? Mais non, mais
non. L r affaire est bien plus simple et
ne manque cependant pas de caractère.
Dans l'art comme dans la vie d'aujour-
d'hui, il y a pléthore, pléthore d'indi-
vidus et d'ambitions. C'est une bouscu.
lade rageuse de gens avides. Où l'on ne
trouvait personne, il y a dix talents,
dix talents qui ont des droits égaux.
Pour se faire entendre, il faut hausser
la voix ; mais ce n'est pas tout, il faut
se faire craindre. Et pour se faire crain-
dre, il n'est encore rien de mieux que de
prendre les manières et le ton d'un ma-
tamore.
PAUL-LOUIS CARNIER.
Le vote sur l'ordre du jour
Le gouvernement, par la
voix de son chef, M. Clemen-
ceau, demandait hier à la
Chambre d'inscrire en tête
de son ordre du jour la ré-
forme des conseils de guerre
en temps de paix et d'ajourner la dis-
cussion de l'impôt sur le revenu.
Le président du Conseil n'était .QBut-
être pas très bien inspiré en prétendant
imposer ce programme de travail à
l'Assemblée. D'abord, la Chambre est
toujours maîtresse de son ordre du
jour, et n'aime pas que l'Exécutif pa-
raisse limiter sa liberté. Puis, beau-
coup de députés républicains, surtout
ceux qui représentent des circonscrip-
tions rurales, ont fait des promesses
fermes à leurs électeurs, au sujet de
l'impôt sur le revenu, et se mettraient
dans une situation difficile s'ils se dé-
sintéressaient de la réforme fiscale. En-
fin, un des plus importants groupes de
la majorité, celui des radicaux-socialis-
tes, avait décidé à l'unanimité, dans
une réunion présidée par notre ami Du-
bief, de demander à la Chambre d'abor-
der, toute affaire cessante, la discussion
de l'impôt sur le revenu.
La Chambre a réglé son ordre du
jour comme le lui demandait le groupe
radical-socialiste.
Le gouvernement a subi là un échec,
dont il ne serait pas juste d'exagérer
l'importance, mais que M. Clemenceau
aurait pu facilement prévoir et éviter.
Au point de vue politique, le vote
émis en cette circonstance par la Cham-r
bre mérite de retenir l'attention.
Il montre que la majorité républicai-
ne, qu'on représentait comme bonne
seulement à se traîner dans le sillage
un peu. zigzaguant du gouvernement,
est capable d'indépendance et d'éner-
gie, au moins sur quelques questions
fondamentales.
Si, même, cette majorité ne secouait
pas tout à fait la somnolence qui sem-
ble l'accabler, depuis que le pays, dans
un très bel élan démocratique., l'a en-
voyée au Parlement, il resterait du
moins que le parti ra-dical-socialiste
garde toute sa cohésion, maintient sans
restriction son programme et en pour-
suit avec ténacité la réalisation.
L'opinion républicaine ne manquera
pas de faire cette remarque, et d'en ti-
rer des conclusions encourageantes.
LES ON-DIT
On continue à patiner.
Le drame du Bois de Boulogne a eu
un résultat, il a donné un regain de fa-
veur au noble exercice du patinage.
Tout le monde maintenant veut, en dé-
pit du dégel, glisser sans appuyer, et le
plus près possible des endroits dange-
reux, afin de ressentir ce frisson parti-
culier de la pente mort cner a notre né-
vrose. On a patiné hier encore jusque
sur les bassins des Tuileries et du
Luxembourg.
L'abatage électrique à la Villette
L'exécution des malheureux bœufs a
déjà fait de grands progrès aux abat-
toirs parisiens. Il l a. beau temps que
la boucherie a laissé à la province le
brutal procédé de la masse maniée à
bout de bras. Un instrument, inventé
par un membre de la S. P. A. permet
d'étourdir l'animal à coup sûr et de le
foudroyer aussitôt en atteignant le cer-
veau. Mais voici que l'on veut électro-
cuter les animaux. Ge système, inau-
guré à Nantes par un savant, le profes-
seur Leduc, va être expérimenté bien-
tôt à Vaugirard et à la Villette. Il se
servira, pour cela, de courants inter-
mittents et à basse tension.
M. Cruppi et les écoles de commerce
Le ministre du commerce et de Fin-
dustrie, accompagné de M. Gabelle, di-
recteur de renseignement technique,
doit visiter l'Ecole supérieure pratique
de commerce et d'industrie samedi pro-
chain, i8 janvier, à deux heures et de"
mie. Il sera reçu par le président de la
chambre de commerce et assistera à
une conférence faite aux élèves, sur le.
bateau-école de la marine marchande.
Le Passant.
A propos du départ des sœurs augustines
Les Surveillants et Surveillantes
DES HOPI-TAUX
La récente laïcisation, de l'Hôtel-Dieu ap-
pelle de nouveau l'attention sur. le person-
nel hospitalier. Je ne veux me faire ici
ni l'avoCat, ni l'adversaire des croyanoes di-
verses qui voient dans les uns l'incarna-
tion du dévouement et dans les autres l'a-
bandon complet d'idée de sacrifice. Ce
qu'il faut dire immédiatement c'est que la
fèmme, qu'elle soit laïque ou religieuse
est, et a toujours été attirée vers ceux qui
souffrent et qui ont des plaies à panser
tant physiques que morales. Je n'en pren-
drai comme exemple qiie les deux grandes
associations de femmes les unes mondai-
nes, les autres se rapprochant plus du peu-
plé : les Femmes Françaises et les Dames
de France qui toutes s'enrôlent sous la
protection de la Croix de Genève pour soi-
gner nos blessés. Ce qu'il faut avant tout,
c'est se dire qu'un cœur de femme bat tout
aussi fort sous une robe de surveillante
que sous une robe de bure.
Je ne reparlerai pas ici des considéra-
tions qui ont provoqué la laïcisation de
l'Hôtel-Dieu et le départ des Augustines.
Ce que je veux démontrer c'est que le Con-
seil municipal et l'Assistance Publique ont
agi de concert de la façon la plus courtoise.
Je n'aurai du reste qu'à rappeler les pa-
roles de M. Mesureur aui a tenu à rendre
hommage au dévouement de celles qui quit-
taient hier les locaux qu'elles habitaient
depuis le décret de 1810 maintenant abrogé.
Par ses origines, par son recrutement,
sa situation privilégiée et indépendante, la
congrégation des Augustines constituait un
pouvoir distinct, une administration à part
dans l'administration de l'Assistance Publi-
que. Ces derniers vestiges du moyen-âge
ont maintenant disparu.
La congrégation laisse vacants des lo-
caux très vastes qui pourront être aména-
ges pour le personnel hospitalier.
Les Augustines occupaient à l'Hôtel-Dieu
au rez-de-chaussée une superficie de 710
mètres carrés comprenant : lingerie, jar-
din, abri, parloir, infirmerie, réfectoire et
plusieurs cahmbres. Au premier étage 1.140
mètres carrés : chapelle, salle de commu-
nauté, bibliothèque, salle de travail des re-
ligieuses et 20 cellules. Au deuxième étage
1.087 métrés carrés se subdivisant en :
dortoir des religieuses, dortoir des novices,
parloir, chapelle des novices, vestiaire, sal-
le de travail des novices.
La congrégation comprenait 3G religieu-
ses et 13 novices : elles seront remplacées
par 25 surveillantes, 18 soignantes et 2 pre-
mières filles. Les maladesi auront donc tou-
jours les mêmes soins. D'autre part, les
locaux vacants permettront, d'après le cfé-
sir du Conseil municipal d'y installer au
rez-de-chaussée : salle d'accouchement,
salle de travail, consultation. Les autres
étages seraient aménagés en dortoirs des
accouchées, ouvroir pour les femmes en-
ceintes, logements du personnel.
«**
Somme toute on connaît mal noire per-
sonnel hospitalier et il faut avoir pénétré
au milieu d'eux, les avoir entendu discuter
leurs intérêts, avoir vu dans quel taudis
souvent ils sont logés, ce qui fit dire à M.
Mourier lors d'une visite àl'hôpital de la
Maternité : « Mais ces gens.là sont cou-
chés dans des greniers ou des entreponts n
pour savoir que leurs réclamations sont
justifiées. Ge fut lui qui commença la série
ses grandes réformes que M. Mesureur,
avec sa ténacité bien connue, et son es-
prit d'équité, poursuit actuellement.
On a déjà fait beaucoup pour le person-
nel hospitalier et d'année en année de nou-
velles réformes s'ajoutent aux anciennes.
La reconstruction des hôpitaux parisiens
va permettre de pouvoir le loger convena-
blement et non plus au milieu des pontons,
dans des locaux infestés de vermine. Le
Conseil municipal n'est pas resté sourd
à leurs revendications et vient de leur vo-
ter un crédit suffisant pour relever leurs
traitements. Leurs principales revendica-
tions portaient sur la nourriture sur le
logement, sur les traitements, sur le paie-
ment des appointements pendant les mala-
dies, toutes choses évidentes qui sont ou
dies, bientôt solutionnées.
seront bientÓt solutionnées.
La grosse question était celle de la re-
traite après 2o ans de service. Là encore
il faut reconnaître le doigté et la droiture
du directeur de l'Assistance Publique. Si
les surveillants et surveillantes demandent
la retraite à 25 ans de service on ne peut
certes pas les taxer d'ègoïsme. Le lieu où
ils travaillent, où ils évoluent, où ils res-
pirent ,est tout indiqué pour triompher des
plus robustes. II faut donc que leur orga-
nisme puisse lutter et îricmpher car la
mort les guette souvent de nrè3. Et pour
ma part quand j'en vois quelques-uns qui
piquent sur leur blouse ou leur vareuse un
petit bout de ruban tricolore, je pense :
la -- récompense certes n'est pas en rapport.
avec la valeur de leur dévouement. --
N'importe, les surveillants et survéillan-
tes des hôpitaux, constituent-une belle pha-
lange de soldats toujours au premier plan
et recevant le coup de feu à bout portant.
C'est une année .toujours prête à marcher,
au sachnoe et qu'il importe de récompen- i
ser et-d enC'ourser. ',.
C'est pourquoi j'applaudis sincèrement
à toutes les améliorations qu'on apporte
au sein de cette corporation et quand je
parle des surveillants et surveillantes j'en-
globe dans ce mot général tout le personnel
hospitalier qui, à quelque titre qu'il colla-
bore à la guérison de nos malades a
droit à notre reconnaissance.
La disparition des sœurs Augustines vien-
dra unifier le service et même le simpli-
fier.
En effet, à l'Hôtel-Dieu, les Augustines
détenaient tous les emplois de surveillan-
tes après avoir passé par le noviciat que
n'avait pas à. connaître le directeur. Elles
surveillaient lé personnel laïque place sous
leur direction : infirmiers, infirmières, soi-
gnantes, filles de service. Si une sœur avait
commis une imprudence, seule la supérieu-
re était juge, aucune autre autorité n'inter
venait.
Leur départ permet donc de rouvoir ins-
taller 150 lits de malades avec les services
accessoires et de pouvoir faire bénéficier
nos infirmières laïques d'un avancement
jusqu'ici entravé par es sœurs Augusti-
nes.
Pour finir, bien que tout vienne démon-
trer que cet exode va être avantageux au
personnel hospitalier, émettons le vœu que
l'Hôtel-Dieu actuel puisse loger les malades
soignés dans les vieux bâtiments situés
rue de la Bucherie et qui sont à Paris ce
qu'une verrue est à un beau visage.
Paul Coguet.
»
-
Notes Cinghalaises
PROMENADE
EN POUSSE-POUSSE
Rien de plus agréable que de faire la
connaissance de Colombo en le parcou-
rant dans un de ces rickshaws tiré par
un Tamil rapide et qui vous transporte
avec toute la vitesse de ses jambes agi-
les. Au retour, parfois une désillusion :
l'automédon coursier enfle le prix de
son salaire de fantastique façon ; il faut
alors avoir recours à un policeman —
toujours obligeant en prévision du
pourboire — pour ramener à taux hon-
nête la rétribution de ce trop exigeant
travailleur.
Bref, sans cela, ce moyen de locomo-
tion a son charme, en un instant vous
avez traversé le gros de la ville et vous
voilà sous les ombrages perpétuels
d'une luxuriante voûte de verdure, la
marmaille vous suit avec rapidité solli-
citant avec une énergie farouche le
moindre cent pendant des centaines et
des centaines de mètres, offrant des
fleurs, mimant une danse bizarre.
Dans les prés verts, les buffles -pais-
sent ; sur la route, les porcs se promè-
nent, ainsi que de minuscules poulet-
tes, des chiens aussi, harassés de cha-
leur. Parfois, on s'intéresse à un inté.
rfeur indigène : enfants qui grouillent
dans la poussière ; barbier rasant une
pratique, tous deux les jambes pliées,
accroupis l'un devant l'autre ; femmes
pilant du riz.
Parfois dans un bouquet d'arbres sur-
git tout à coup l'architecture bizarre
d'une pagode, qui se compose toujours
de plusieurs corps de bâtiments. C'est
d'abord un massif de maçonnerie blan-
che en forme de jclocher, appelée dago-
da, et qui contient quelque relique plus
ou moins authentique provenant de
Bouddha ; autour de ce bâtiment, des
autels seulement recouverts d'un dais
de maçonnerie et ornés de fleurs com-
me il y en a partout à profusion, ce qui
embaume l'atmosphère ; c'est ensuite
le temple lui-même, très exigu, orné de
grossières enluminures et à l'intérieur
duquel le mystique Bouddha est repré-
senté sous divers aspects, tels que as-
sis, debout, dormant, souriant, etc.,
caché sous de longues dentelles ; plus
loin, c'est une espèce de grand hangar
couvert, un hall sous lequel les fidèles
viennent prier ; c'est enfin la cure, et
sur la terrasse voici les prêtres, vêtus
de large drap jaune, la tête affreuse-
ment rase, le visage glabre. Tout cela
est environné de verdure et de fleurs ;
dans le feuillage on devine les noix de
coco, les bananes, les marigos ; des
fleurs blanches tombent lentement ac-
compagnant les feuilles à la pointe effi-
lée et crochue de l'arbre sacré de
Bouddha.
Nous voici tout imprégnés de la. poé-
sie asiatique ! Mais voici des courts de
tennis, des, terrains de golf, un champ,
de courses avec mur, rivière, haie, pe-
sage, pelouse, starting-gate, tribunes et
baraques du pari mutuel. Voici des
usines, des églises catholiques, des
temples protestants, un parc à l'euro-
péenne, une rue élégante bordée de co-
quets bungalaws dans des parterres de
fleurs.
**
Je. vagabonde et* te hasard me mène
au bord de la mer. Une longue avenue
au sol de terre d'ocre la longe et file
directement vers le phare de Colombo.
Voilà la promenade chic, rickshaws, bi-
cyclettes, voitures, autos se croisent,
tout comme dans l'avenue des Champs-
Elysées, où des camelots courent après
les voitures pour vous vendre des bou-
quets ; des naturels s'agrippent au
garde-boue pour offrir des colliers, des
fleurs.
C'est là que s'élève l'immense bâti-
ment, tout peint en rouge, d'un des
plus grands hôtels de Colombo ; c'est
de là aussi que part une longue pro-
menade qui longe la grève jusqu'à la
bal.ter'e du « Fort » et qui n'a que le
démérite d.! manquer d'ombrage
A Ceylâfi, (iIX Indes en général, les
hôtels sont très peu confortables, aussi
ne faut-il pas s'attenre - à y voyager
avec a. "Int de bien-être qiî'
Les lits sont durs, peu fournis, les cou-
vertures sont rares. Seule, la nourriture
est plus que suffisante, abondante mê-
me, qu'on en juge : le matin, thé avec
pain, beurre, confiture, fruits ; vers
neuf heures déjeuner (trois ou quatre
plats) ; deux heures de l'après-midi,
tilfin ou second déjeuner (trois ou qua-
tre plats) ; à cinq heures, thé avec pain,
beurre, fruits, confiture ; à huit heures
du soir, souper (quatre ou cinq plats).
Comme boisson quelque limonade, le
vin et la bière coûtant très cher.
J'ai déjà dit que les prix étaient très
exagérés, aussi il ne faut hésiter et
marchander carrément, faire mine d'al-
ler ailleurs jusqu'à l'obtention d'un
prix relativement raisonnable. La civi-
lisation, la conquête européenne qui,
ici, a fait des prodiges, n'a pu incul-
quer au commerçant indigène que la
première condition du commerce est de
l'exercer honnêtement afin que la con-
fiance règne partout. Bien mieux, les
colons, les commerçants blancs sont
devenus aussi retors que le plus vul-
gaire épicier cinghalais ; aussi la mé-
fiance règne-'t-elle, entravant les tran-
sactions et les relations amicales qui
pourraient avoir lieu avec les touristes.
Georges Dangon.
LES NOUVEAUX LÉGIONNAIRES
Nous avons vu avec le plus grand plaisir
que M. Paul Gervais, ancien directeur du
cabinet du ministre du commerce et di-
recteur actuel du cabinet du ministre de
l'instruction publique et des beaux-arts,
venait d'être promu chevalier de la Légion
d'honneur. Cette haute distinction était des
plus méritées. M. Paul Geryais est un
homme de grand mérite que le gouverne-
ment de la République devait tout natu-
rellement distinguer par cette haute récom-
pense. Nous sommes heureux d'adresser
nos bien sincères félicitations au nouveau
chevalier.
POUR TOUT LE MONDE
Je reçois de sir Max Walchter, par le
canal de M. Gromier, une intéressante
communication. Je dis intéressante, parce-
que je donne ce qualificatif à toute idée gé-
néreuse, née d'un laborieux effort humain.
Quelques esprits, dans le choc d'intérêts
quotidiens, se donnent le souci de songer
obstinément à tous. Après de longues étu-
des, ils ont compris et veulent qu'on com-
prenne, que le sort de l'humanité est lié
aux faits économiques, parce que garants
de sa stabilité, et ils trouvent dans cet-
te union la preuve d'un avenir meilleur.
Sir Walchter expose cette manière nou-
velle de concevoir « le mieux » dans son
mémorandum. - -- - - -- - - - --,- - ---
Il le fait avec netteté, précision, il prou-
ve par des chiffres et des comparaisons de
puissances à puissances, ce que donnerait
au mondc urïc Fédération européenne ba-
sée sur une entente d'union douanière.
Ce groupement permettrait aux peuples
de s'organiser dans la paix de leurs de-
voirs respectifs, pour défendre leurs inté-
rêts, sans sortir de la limite de leurs
droits ; ce qui n'existe pas à l'heure ac-
tuelle.
Cette conception, purement économique,
n'est pas du domaine de l'utopie, à une
époque qui possède la notion exacte Ou pos-
sible.
Sir Walchter demande, pour le succès de
sa fédération européenne, une unanimité
d'adhésion qui la sorte de la théorie où
elle reste confinée, au grand dommage de
tous.
JLe résultat de cette réforme est inappré-
ciable. : plus de guerres qui fauchent* tant
de jeunes vies, destinées, on en convien-
dra, à un meilleur emploi. Enfin, le désar-
mement, qui ruine l'Europe, Du pain pour
tous, un peu plus de joie, ce qui est in-
dispensable.
Cette Fédération européenne mérite l'exa-
men le plus attentif, l'attention la plus
soutenue.
La question économique, envisagée sous
son véritable aspect, est donc le grand
préservatif humain et il n'y a rien de spé-
culatif dans cette vaste conception qu'un
effort commun peut immédiatement faire
aboutir. Il ne suffit que d'un élan d'en-
semble. Sir Walchter, aidé de 1\1. Gro-
mier, indique la marche à suivre pour me-
ner à bien le projet qui rende à l'humanité
son équilibre, sa liberté dans les œuvres
de paix, laissant derrière elle les longs
siècles,sanglants qui l'ont perturbée. Pour-
quoi ne le dirais-je pas ? Les femmes (je
ne m'adresse pas aux frivoles). Les fem-
ïnes qui rendent à l'homme l'existence
agréable et sont pénétrées des grands de-
voirs, sont en pareil cas un conseiller
idéal. Qu'elles envoient, au nom de la paix
universelle, leurs adhésions à sîF Walch-
ter, apôtre fervent d'une humanité plus
heureuse.
Elles ont horreur des tueries qui durcis-
sent le cœur et voilent lés joies' de famille
les meilleures. Elles sont riches d'illusion
et la bonté leur est facile, elles n'ont qu'à
vouloir. Elles voudront, narce qu'estes
n'oublient, jamais que la chair, que les ca-
nons labourent, est. la leur. C'est cette vc-
rité douloureuse, profondément .çette vé-
qui les ralliera, qui doit les rallier à la
Fédération Européenne de sir Walchter et
de M. Gromier.
Cécile Cassot.
P. S. — Un lecteur du Rappel, de Dijon,
H. S. (c Merci de vos bons souhaits pour
le journal, ce n'est pas ma faute si vous
ne me lisez pas plus souvent)). — C. C.
COULISSES DES CHAMBRES
L'accident du Bois de Boulogne
M. Georges Berry, d'accord avec M. Mau-
jan, sous-sccrétaire d'Etat) l'm ':'riellr. qui
doit répondre, posera, cet après-midi, au dé-
but de la séance, la1 question sur l'accident
du Bois de Boulogne.
Le président de la gauche radicale
la gauche radicale a procédé, hier, au
scrutin pour l'élection de son président, en
remplacement de NI.- Cruppi, devenu mi-
nistre.
M. dont Je noin avait été mis
en avant, il déçlu'6 qu'il 1(}oclinait toute
candidature. - ■
Le scrutiné a donné les résultats sui-
vants : MM. Lauraine, 36 voix ; Chapuis,
32 ; Dron, 18 ; Delcassé, 16. Voix diverses,
deux.
Le groupe a procédé immédiatement à un
second tour de scrutin, qui a donné le ré-
sultat suivant ::. -
M. Chapuis a été élu président par 41
voix contre 35 à M .Lauraine.
La peine de mort
M. Failliot devait demander la mise à
l'ordre du jour, avant la réforme des con-
seils de guerre, de la discussion de l'aboli
tion ou du maintien de la peine de mort.
Le rapport de M. Crupipi qui a été déposé
doit être distribué ces jours-ci aux membres
de l'assemblée.' Dans ces conditions, M.
FaiUiot se propose de demander la discus-
sion du rapport Cruppi avant celle de la'
réforme des conseils de guerre.
Le député du 4e arrondissement estime
que La question de la peine de mort doit
être résolue avant la suite en discussion
de la réforme des conseils de guerre.
Le suffrage universel
La commission de réforme électorale a
entendu M. Maujan sur le projet de loi re-
latif au secret, à la liberté du vote et à M
sincérité des opérations électorales.
M. Maujan a déclaré que le gouvernement
soutiendrait, devant la Chambre et le Sé*
nat, le texte que la commission adopterait,
si elle disjoignait l'article premier sur les
inscriptions multiples voté par le Sénat et
si elle ajoutait le dispositif d'isolement, re-
poussé par la Haute.Assemblée.
Après le départ de M. Maujan, la com-
mission a procédé à un échange de vues et
a ajourné sa décision à une autre séance.
L'élection de Falaise
La sous-commission du 7* bureau, réunia
sous la présidence de M. Cornudet, a ap-
prouvé les conclusions du rapport de M.
Delpierre, tendant à la validation de M. Ies
cherpy dans l'arrondissement de Falaise.
A LA CHAMBRE
Le gouvernement propose la réforme des
conseils de guerre. — La Chambre
préfère l'impôt sur le revenu
A deux heures, M. Henri Brisson,
président, monte au fauteuil et les se-
crétaires prennent place au bureau.
Au banc du gouvernement, M. Cle-
menceau, président du Conseil entouré
de tous les ministres et sous-secrétaires
d'Etat.
LE DISCOURS DU PRÉSIDENT
Lorsque la salle est à peu près rem-
plie, M. Brisson se lève et prononce le
discours suivant :
Messieurs et chers collègues,
Comment vous exprimer la profonde gra-
titude dont je suis pénétré. Dans les suf-
frages dont vous venez de m'honorer une
fois de plus, je reconnais les marques de
votre affection et aussi de votre indulgen-
ce pour mes années ; depuis quelque temps,
je passe presque à l'ancienneté.
Il me sera plus facile de remercier en
votre nom notre bureau d'âge, nos jeunes
secrétaires et notre cher doyen. Il nous
faut savoir gré à oelui-ci de l'énergie des
sentiments affectueux qu'il nous a témoi-
gnés ; car, si je ne crois pas dire que,
suivant un vieux proverbe, nous aimant
bien, il nous eût bien chàtiés (ce qui serait
de notre part, un peu trop d'humilité peut-
être), je puis dire tout au moins qu'il nous
a copieusement grondés avant-hier. Je dis
« nous » c'est-à-dire la Chambre des dépu-
tés. Toutefois, et heureusement pour nous,
la Chambre n'a pas été sermonnée toute
seule ; la présidence de la République a eu
sa part dans la mercuriale. Evidemment,
la France électorale d'aujourd'hui n'est
pas en bon train, comme elle l'était il y
a trente-sept ans. Qu'elle exprime ses
vœux par l'intermédiaire du suffrage uni-
versel direct —comme c'est notre cas —
ou par le suffrage a plusieurs degrés, la
nation, suivant notre cher et vénéré collè-
gue, la nation ne commettrait que des er-
reurs.
Nous ne pouvons guère être de cet avis,
n'est-il pas vrai ? Moi surtout.
Je me proposais même d'adresser à la
Chambre, en ce renouvellement d'année,
mes félicitations et mes vœux.
Au début de 1907, j'exprimai l'espoir que,
grâce au concours de toutes les fractions
de l'Assemblée, le budget de 190S serait
vote en temps utile. Cet espoir s'est réali-
sé.
Les premiers mois de cette session ne
seront donc pas pris par le vote de nou-
veaux douzièmes et la discussion de la loi
de finances. Vous allez pouvoir consacrer
toutes vos séances à l'exécution du pro-
gramme si heureusement défini, l'année der-
nière par l'honorable rapporteur général du
budget au Sénat en des termes que j'ai
rappelés.
Mes chers collègues, on est quelquefois
dur pour vous. L'on vous a fait un crime
de n'avoir pas, en une année, codifié hâ-
tivement le plus vaste programme de réfor.
mes qui ait jamais été proposé à une as-
semblée. Et ceux qui vous accusent sont.
souvent. Ou les adversaires de ces rMor.
mes, ou les continuateurs, 4es héritiers
de ceux dont les folies ont, par leurs ré-
sultats financiers, rendu ces réformes beau-
coup plus difficiles. (Applaudissements pro-
longés à gauche.)
Ce programme, pourtant, a déjà pris la
forme de propositions ou de projets de lois
dus à l'initiative soit des dénutés, soit du
gouvernement. Plusieurs sont à l'état de
ranports et vont être mis à votre ordre du
jour : signe manifeste de l'activité labo.
rieuse et féconde de vos commissions. In-
fortunées commissions, elles constitueraient
une aristocratie, et les lois qu'elles nouai
présentent sont précisément celles uue la.
démocratie attend et acclame. (Très bien f
Très bien !)
Dans ces coiiditionit. votre programmé
étant directement ahfwdé, il vous sera facilii
d'alléguer la discussion de la loi de finan"
ces. -Mil doute que vous ne nuissiez, dans
cette seconde année de la législature, #
Iransmettre au Sénat plusieurs de vos
projets les plus importants. Avec de la mé.
thode et de la sévérité dans Te règlement
et t'observance de notre ordre du 'Onr, en
écartant les improvisations (n séance,
vous êtes assurés d'arriver au but. (Longa
applaudissements à gauche).
Il serait d'ailleurs facile d'énuméref;
certaines réformes, votées depuis un a
--- 1., - - .; -1. 1i7..: -:J';'h""-, - ":.- w_,,; -.- - -
Samedi 18 Janvier î08. - :No 13320
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ADMINISTRATION: 14, RUE DU MAJA.
Téléphone 102-82
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
OJPINXOJW8
4
L'âij n Matamur:
Un air martial passe sur les théâtres
et la gent dramatique. Qui donc osait
soutenir que l'art adoucit les mœurs ?
Loin d'y donner le tour policé que cer-
tains imaginent, il les exalte au con-
traire et leur assure une rudesse guer-
rière qui est vraiment du plus bel effet.
Naguère, aux beaux soirs des généra-
les, dans les couloirs, on faisait montre
d'une urbanité distinguée. Les gestes
ronds, les facons amènes étaient fort
en faveur. Du plus loin qu'ils s'aperce-
vaient, les hommes de qualité échan-
geaient de vastes saluts et d'indulgents
propos. On parlait avec douceur de la
mode M du boulevard, et des héros du
jour. On marquait une grande impa-
tience aux palabres des raseurs et, si
l'on était aussi porté qu'aujourd'hui à
dépouHler propremerit le voisin, auteur
ou eomédien, de ses mérites, du moins
savait-on accomplir cette plaisante be-
sogne prestement, sans troll' de bruit,
avec élégance. Il était du bel air qu'on
se montrât précieux, raffiné et courtois
à l'extrême. Cela se voyait aux maniè-
res, au ton des bienséances. A la sortie,
on prenait garde à ne pas trop bousculer
les femmes. Dans les couloirs, on met-
tait à s'écraser une politesse infinie ; et
s'il arrivait à quelqu'un de poser avec
fermeté son pied sur celui de son voisin,
on le voyait s'en excuser avec un céré-
monieux - empressement.
Ces usages antiques ont disparu, et
avec eux leur fadeur un peu niaise.
Nous vivons à présent dans une époque
farouche et pressée. A la complaisance
onctueuse d'autrefois, a succédé un bel
individualisme. Vous l'aviez bien re-
marqué. C'est aujourd'hui plus que ja-
mais l'âge du mufle. Au théâtre, nous
entrons bruyamment, les mains aux po-
ches et le chapeau crânement infléchi
sur le côté de la tête. Nous parlons
haut, nous marchons vite, et l'on ne
nous regarde avec bienveillance qu'au-
tant que nous prenons des airs fen-
dants. C'est qu'il convient, à cette épo-
que d'ambitions effrénées, d'affirmer
violemment son droit ; il sied de se
carrer comme un butor dans sa place,
si l'on ne veut point s'en voir tout d'un
coup chasser par le gaillard d'à côté.
Et voilà pourquoi chacun porte sa per-
sonnalité avec une si belle ostentation.
Rêveurs ingénus pour qui, censément,
notre vieux monde s'achemine vers un
Eden aux félicités tranquilles et douce-
reuses, que vous êtes loin de la réalité !
Regardez plutôt la tribu des gens de
théâtre. Vîtes-vous jamais tempéra-
ments plus rebelles, caractères plus in-
dociles, humeurs plus ombrageuses ?
Ceux-là même qu'une carrière illustrée
par les plus hautes spéculations, que la
rigueur d'une vie exemplaire parais-
saient devoir détacher des vaines que-
relles de ce bas monde, s'élancent dans
la mêlée, tels d'impavides centurions.
Cet honnête père de famille qui compo-
se avec soin des comédies vertueuses,
s'arrête soudain d'écrire et sort en
brandissant sa colichemaroe. Tel autre,
,pour un mot entendu de travers, mène
un grand tapage ; après quoi, tout em-
pourpré, tout pavoisé d'indignation al-
tière, il met flamberge au vent. Les mu-
siciens se battent avec les poètes ; les
auteurs traînent sur le pré les critiques,
et les spectateurs rêvent à leur tour
d'en venir aux mains.
Prélude ordinaire des rencontres, les
lettres sévissent. Les hostilités ne sont
pas plutôt ouvertes, qu'elles se croisent
déjà. C'est un exercice acerbe et char-
mant dont s'émerveille la galerie. Quels
trésors de rosserie ne dépense-t-on pas
dans ces petits billets désinvoltes et
pincés que publient si volontiers les ga-
zettes. On y fait montre d'un esprit
fringant, et une verve élégante et caus-
tique, et l'on sait y dissimuler sous le
tour le plus satisfait et le plus enjoué du
monde, de vives rancœurs. Mais on ne
peut perpétuellement poursuivre ces en-
tretiens publics ; l'aigreur qu'on y sent
gâte à la fin les choses. Et l'on en vient
aux grands gestes, aux belles parades
romantiques que l'on trouvait, voici
quelques années, un peu puériles, en-
foi de témoins, balles échangées, lapi-
daires procès-verbaux. -
Si les choses vont de la sorte, la vie
de l'homme de lettres n'aura plus ces
allures sereines et distinguées qui lui
assuraient un si heureux prestige. Le
vaudevilliste joyeux qui combine, dans
ta quiétude de son cabinet, tant de bon-
nes farces truculentes, devra sur le
champ, s'il ne veut être pris de court,
se doubler d'un redoutable escrimeur.
Et ce poète indolent, hautain, fatigué:
par la fréquentation des plus nobles
Abstractions, ira faire des « cartons » à j
la cible, le matin. Paradoxe ? Non
point. N'ttvons-nous pas vu ces jours-ci
un musicien fameux, connu pour la fer-
veur de ses sentiments orthodoxes, sai-
sir d'une main vaillante le pistolet ven-
geur.
L'honneur est en baisse, proclamaient
volontiers il y a quelques années, de
vieilles personnes désabusées pour qui
la mansuétude de nos façons d'alors si-
gnifiait décadence et couardise. L'hon-
neur en baisse, allons donc ! Jamais on
ne le porta si haut qu'aujourd'hui ; ja-
mais l'on ne vit d'artistes plus prompts
à se fâcher que les nôtres. Colloques ai-
gres-doux, altercations, algarades, ges-
tes menaçants s'appellent, se croisent.
Les rencontres, naturellement, se mul-
tiplient, et l'on met à en. accepter à
l'avance l'éventuarifé, une grâcetran-
quille et souriante qui n'est point sans
galbe.
Pourquoi tant de querelles, d'éclats,
pourquoi soudain tant d'accent sur la
scène de l'art à Paris ? Est-ce un réveil
de nos belles humeurs tapageuses de
jadis ? Ce besoin de rompre des lances
ou de croiser le fer suit-il une renaissan-
ce, un essor généreux de grands senti-
ments désintéressés ? Mais non, mais
non. L r affaire est bien plus simple et
ne manque cependant pas de caractère.
Dans l'art comme dans la vie d'aujour-
d'hui, il y a pléthore, pléthore d'indi-
vidus et d'ambitions. C'est une bouscu.
lade rageuse de gens avides. Où l'on ne
trouvait personne, il y a dix talents,
dix talents qui ont des droits égaux.
Pour se faire entendre, il faut hausser
la voix ; mais ce n'est pas tout, il faut
se faire craindre. Et pour se faire crain-
dre, il n'est encore rien de mieux que de
prendre les manières et le ton d'un ma-
tamore.
PAUL-LOUIS CARNIER.
Le vote sur l'ordre du jour
Le gouvernement, par la
voix de son chef, M. Clemen-
ceau, demandait hier à la
Chambre d'inscrire en tête
de son ordre du jour la ré-
forme des conseils de guerre
en temps de paix et d'ajourner la dis-
cussion de l'impôt sur le revenu.
Le président du Conseil n'était .QBut-
être pas très bien inspiré en prétendant
imposer ce programme de travail à
l'Assemblée. D'abord, la Chambre est
toujours maîtresse de son ordre du
jour, et n'aime pas que l'Exécutif pa-
raisse limiter sa liberté. Puis, beau-
coup de députés républicains, surtout
ceux qui représentent des circonscrip-
tions rurales, ont fait des promesses
fermes à leurs électeurs, au sujet de
l'impôt sur le revenu, et se mettraient
dans une situation difficile s'ils se dé-
sintéressaient de la réforme fiscale. En-
fin, un des plus importants groupes de
la majorité, celui des radicaux-socialis-
tes, avait décidé à l'unanimité, dans
une réunion présidée par notre ami Du-
bief, de demander à la Chambre d'abor-
der, toute affaire cessante, la discussion
de l'impôt sur le revenu.
La Chambre a réglé son ordre du
jour comme le lui demandait le groupe
radical-socialiste.
Le gouvernement a subi là un échec,
dont il ne serait pas juste d'exagérer
l'importance, mais que M. Clemenceau
aurait pu facilement prévoir et éviter.
Au point de vue politique, le vote
émis en cette circonstance par la Cham-r
bre mérite de retenir l'attention.
Il montre que la majorité républicai-
ne, qu'on représentait comme bonne
seulement à se traîner dans le sillage
un peu. zigzaguant du gouvernement,
est capable d'indépendance et d'éner-
gie, au moins sur quelques questions
fondamentales.
Si, même, cette majorité ne secouait
pas tout à fait la somnolence qui sem-
ble l'accabler, depuis que le pays, dans
un très bel élan démocratique., l'a en-
voyée au Parlement, il resterait du
moins que le parti ra-dical-socialiste
garde toute sa cohésion, maintient sans
restriction son programme et en pour-
suit avec ténacité la réalisation.
L'opinion républicaine ne manquera
pas de faire cette remarque, et d'en ti-
rer des conclusions encourageantes.
LES ON-DIT
On continue à patiner.
Le drame du Bois de Boulogne a eu
un résultat, il a donné un regain de fa-
veur au noble exercice du patinage.
Tout le monde maintenant veut, en dé-
pit du dégel, glisser sans appuyer, et le
plus près possible des endroits dange-
reux, afin de ressentir ce frisson parti-
culier de la pente mort cner a notre né-
vrose. On a patiné hier encore jusque
sur les bassins des Tuileries et du
Luxembourg.
L'abatage électrique à la Villette
L'exécution des malheureux bœufs a
déjà fait de grands progrès aux abat-
toirs parisiens. Il l a. beau temps que
la boucherie a laissé à la province le
brutal procédé de la masse maniée à
bout de bras. Un instrument, inventé
par un membre de la S. P. A. permet
d'étourdir l'animal à coup sûr et de le
foudroyer aussitôt en atteignant le cer-
veau. Mais voici que l'on veut électro-
cuter les animaux. Ge système, inau-
guré à Nantes par un savant, le profes-
seur Leduc, va être expérimenté bien-
tôt à Vaugirard et à la Villette. Il se
servira, pour cela, de courants inter-
mittents et à basse tension.
M. Cruppi et les écoles de commerce
Le ministre du commerce et de Fin-
dustrie, accompagné de M. Gabelle, di-
recteur de renseignement technique,
doit visiter l'Ecole supérieure pratique
de commerce et d'industrie samedi pro-
chain, i8 janvier, à deux heures et de"
mie. Il sera reçu par le président de la
chambre de commerce et assistera à
une conférence faite aux élèves, sur le.
bateau-école de la marine marchande.
Le Passant.
A propos du départ des sœurs augustines
Les Surveillants et Surveillantes
DES HOPI-TAUX
La récente laïcisation, de l'Hôtel-Dieu ap-
pelle de nouveau l'attention sur. le person-
nel hospitalier. Je ne veux me faire ici
ni l'avoCat, ni l'adversaire des croyanoes di-
verses qui voient dans les uns l'incarna-
tion du dévouement et dans les autres l'a-
bandon complet d'idée de sacrifice. Ce
qu'il faut dire immédiatement c'est que la
fèmme, qu'elle soit laïque ou religieuse
est, et a toujours été attirée vers ceux qui
souffrent et qui ont des plaies à panser
tant physiques que morales. Je n'en pren-
drai comme exemple qiie les deux grandes
associations de femmes les unes mondai-
nes, les autres se rapprochant plus du peu-
plé : les Femmes Françaises et les Dames
de France qui toutes s'enrôlent sous la
protection de la Croix de Genève pour soi-
gner nos blessés. Ce qu'il faut avant tout,
c'est se dire qu'un cœur de femme bat tout
aussi fort sous une robe de surveillante
que sous une robe de bure.
Je ne reparlerai pas ici des considéra-
tions qui ont provoqué la laïcisation de
l'Hôtel-Dieu et le départ des Augustines.
Ce que je veux démontrer c'est que le Con-
seil municipal et l'Assistance Publique ont
agi de concert de la façon la plus courtoise.
Je n'aurai du reste qu'à rappeler les pa-
roles de M. Mesureur aui a tenu à rendre
hommage au dévouement de celles qui quit-
taient hier les locaux qu'elles habitaient
depuis le décret de 1810 maintenant abrogé.
Par ses origines, par son recrutement,
sa situation privilégiée et indépendante, la
congrégation des Augustines constituait un
pouvoir distinct, une administration à part
dans l'administration de l'Assistance Publi-
que. Ces derniers vestiges du moyen-âge
ont maintenant disparu.
La congrégation laisse vacants des lo-
caux très vastes qui pourront être aména-
ges pour le personnel hospitalier.
Les Augustines occupaient à l'Hôtel-Dieu
au rez-de-chaussée une superficie de 710
mètres carrés comprenant : lingerie, jar-
din, abri, parloir, infirmerie, réfectoire et
plusieurs cahmbres. Au premier étage 1.140
mètres carrés : chapelle, salle de commu-
nauté, bibliothèque, salle de travail des re-
ligieuses et 20 cellules. Au deuxième étage
1.087 métrés carrés se subdivisant en :
dortoir des religieuses, dortoir des novices,
parloir, chapelle des novices, vestiaire, sal-
le de travail des novices.
La congrégation comprenait 3G religieu-
ses et 13 novices : elles seront remplacées
par 25 surveillantes, 18 soignantes et 2 pre-
mières filles. Les maladesi auront donc tou-
jours les mêmes soins. D'autre part, les
locaux vacants permettront, d'après le cfé-
sir du Conseil municipal d'y installer au
rez-de-chaussée : salle d'accouchement,
salle de travail, consultation. Les autres
étages seraient aménagés en dortoirs des
accouchées, ouvroir pour les femmes en-
ceintes, logements du personnel.
«**
Somme toute on connaît mal noire per-
sonnel hospitalier et il faut avoir pénétré
au milieu d'eux, les avoir entendu discuter
leurs intérêts, avoir vu dans quel taudis
souvent ils sont logés, ce qui fit dire à M.
Mourier lors d'une visite àl'hôpital de la
Maternité : « Mais ces gens.là sont cou-
chés dans des greniers ou des entreponts n
pour savoir que leurs réclamations sont
justifiées. Ge fut lui qui commença la série
ses grandes réformes que M. Mesureur,
avec sa ténacité bien connue, et son es-
prit d'équité, poursuit actuellement.
On a déjà fait beaucoup pour le person-
nel hospitalier et d'année en année de nou-
velles réformes s'ajoutent aux anciennes.
La reconstruction des hôpitaux parisiens
va permettre de pouvoir le loger convena-
blement et non plus au milieu des pontons,
dans des locaux infestés de vermine. Le
Conseil municipal n'est pas resté sourd
à leurs revendications et vient de leur vo-
ter un crédit suffisant pour relever leurs
traitements. Leurs principales revendica-
tions portaient sur la nourriture sur le
logement, sur les traitements, sur le paie-
ment des appointements pendant les mala-
dies, toutes choses évidentes qui sont ou
dies, bientôt solutionnées.
seront bientÓt solutionnées.
La grosse question était celle de la re-
traite après 2o ans de service. Là encore
il faut reconnaître le doigté et la droiture
du directeur de l'Assistance Publique. Si
les surveillants et surveillantes demandent
la retraite à 25 ans de service on ne peut
certes pas les taxer d'ègoïsme. Le lieu où
ils travaillent, où ils évoluent, où ils res-
pirent ,est tout indiqué pour triompher des
plus robustes. II faut donc que leur orga-
nisme puisse lutter et îricmpher car la
mort les guette souvent de nrè3. Et pour
ma part quand j'en vois quelques-uns qui
piquent sur leur blouse ou leur vareuse un
petit bout de ruban tricolore, je pense :
la -- récompense certes n'est pas en rapport.
avec la valeur de leur dévouement. --
N'importe, les surveillants et survéillan-
tes des hôpitaux, constituent-une belle pha-
lange de soldats toujours au premier plan
et recevant le coup de feu à bout portant.
C'est une année .toujours prête à marcher,
au sachnoe et qu'il importe de récompen- i
ser et-d enC'ourser. ',.
C'est pourquoi j'applaudis sincèrement
à toutes les améliorations qu'on apporte
au sein de cette corporation et quand je
parle des surveillants et surveillantes j'en-
globe dans ce mot général tout le personnel
hospitalier qui, à quelque titre qu'il colla-
bore à la guérison de nos malades a
droit à notre reconnaissance.
La disparition des sœurs Augustines vien-
dra unifier le service et même le simpli-
fier.
En effet, à l'Hôtel-Dieu, les Augustines
détenaient tous les emplois de surveillan-
tes après avoir passé par le noviciat que
n'avait pas à. connaître le directeur. Elles
surveillaient lé personnel laïque place sous
leur direction : infirmiers, infirmières, soi-
gnantes, filles de service. Si une sœur avait
commis une imprudence, seule la supérieu-
re était juge, aucune autre autorité n'inter
venait.
Leur départ permet donc de rouvoir ins-
taller 150 lits de malades avec les services
accessoires et de pouvoir faire bénéficier
nos infirmières laïques d'un avancement
jusqu'ici entravé par es sœurs Augusti-
nes.
Pour finir, bien que tout vienne démon-
trer que cet exode va être avantageux au
personnel hospitalier, émettons le vœu que
l'Hôtel-Dieu actuel puisse loger les malades
soignés dans les vieux bâtiments situés
rue de la Bucherie et qui sont à Paris ce
qu'une verrue est à un beau visage.
Paul Coguet.
»
-
Notes Cinghalaises
PROMENADE
EN POUSSE-POUSSE
Rien de plus agréable que de faire la
connaissance de Colombo en le parcou-
rant dans un de ces rickshaws tiré par
un Tamil rapide et qui vous transporte
avec toute la vitesse de ses jambes agi-
les. Au retour, parfois une désillusion :
l'automédon coursier enfle le prix de
son salaire de fantastique façon ; il faut
alors avoir recours à un policeman —
toujours obligeant en prévision du
pourboire — pour ramener à taux hon-
nête la rétribution de ce trop exigeant
travailleur.
Bref, sans cela, ce moyen de locomo-
tion a son charme, en un instant vous
avez traversé le gros de la ville et vous
voilà sous les ombrages perpétuels
d'une luxuriante voûte de verdure, la
marmaille vous suit avec rapidité solli-
citant avec une énergie farouche le
moindre cent pendant des centaines et
des centaines de mètres, offrant des
fleurs, mimant une danse bizarre.
Dans les prés verts, les buffles -pais-
sent ; sur la route, les porcs se promè-
nent, ainsi que de minuscules poulet-
tes, des chiens aussi, harassés de cha-
leur. Parfois, on s'intéresse à un inté.
rfeur indigène : enfants qui grouillent
dans la poussière ; barbier rasant une
pratique, tous deux les jambes pliées,
accroupis l'un devant l'autre ; femmes
pilant du riz.
Parfois dans un bouquet d'arbres sur-
git tout à coup l'architecture bizarre
d'une pagode, qui se compose toujours
de plusieurs corps de bâtiments. C'est
d'abord un massif de maçonnerie blan-
che en forme de jclocher, appelée dago-
da, et qui contient quelque relique plus
ou moins authentique provenant de
Bouddha ; autour de ce bâtiment, des
autels seulement recouverts d'un dais
de maçonnerie et ornés de fleurs com-
me il y en a partout à profusion, ce qui
embaume l'atmosphère ; c'est ensuite
le temple lui-même, très exigu, orné de
grossières enluminures et à l'intérieur
duquel le mystique Bouddha est repré-
senté sous divers aspects, tels que as-
sis, debout, dormant, souriant, etc.,
caché sous de longues dentelles ; plus
loin, c'est une espèce de grand hangar
couvert, un hall sous lequel les fidèles
viennent prier ; c'est enfin la cure, et
sur la terrasse voici les prêtres, vêtus
de large drap jaune, la tête affreuse-
ment rase, le visage glabre. Tout cela
est environné de verdure et de fleurs ;
dans le feuillage on devine les noix de
coco, les bananes, les marigos ; des
fleurs blanches tombent lentement ac-
compagnant les feuilles à la pointe effi-
lée et crochue de l'arbre sacré de
Bouddha.
Nous voici tout imprégnés de la. poé-
sie asiatique ! Mais voici des courts de
tennis, des, terrains de golf, un champ,
de courses avec mur, rivière, haie, pe-
sage, pelouse, starting-gate, tribunes et
baraques du pari mutuel. Voici des
usines, des églises catholiques, des
temples protestants, un parc à l'euro-
péenne, une rue élégante bordée de co-
quets bungalaws dans des parterres de
fleurs.
**
Je. vagabonde et* te hasard me mène
au bord de la mer. Une longue avenue
au sol de terre d'ocre la longe et file
directement vers le phare de Colombo.
Voilà la promenade chic, rickshaws, bi-
cyclettes, voitures, autos se croisent,
tout comme dans l'avenue des Champs-
Elysées, où des camelots courent après
les voitures pour vous vendre des bou-
quets ; des naturels s'agrippent au
garde-boue pour offrir des colliers, des
fleurs.
C'est là que s'élève l'immense bâti-
ment, tout peint en rouge, d'un des
plus grands hôtels de Colombo ; c'est
de là aussi que part une longue pro-
menade qui longe la grève jusqu'à la
bal.ter'e du « Fort » et qui n'a que le
démérite d.! manquer d'ombrage
A Ceylâfi, (iIX Indes en général, les
hôtels sont très peu confortables, aussi
ne faut-il pas s'attenre - à y voyager
avec a. "Int de bien-être qiî'
Les lits sont durs, peu fournis, les cou-
vertures sont rares. Seule, la nourriture
est plus que suffisante, abondante mê-
me, qu'on en juge : le matin, thé avec
pain, beurre, confiture, fruits ; vers
neuf heures déjeuner (trois ou quatre
plats) ; deux heures de l'après-midi,
tilfin ou second déjeuner (trois ou qua-
tre plats) ; à cinq heures, thé avec pain,
beurre, fruits, confiture ; à huit heures
du soir, souper (quatre ou cinq plats).
Comme boisson quelque limonade, le
vin et la bière coûtant très cher.
J'ai déjà dit que les prix étaient très
exagérés, aussi il ne faut hésiter et
marchander carrément, faire mine d'al-
ler ailleurs jusqu'à l'obtention d'un
prix relativement raisonnable. La civi-
lisation, la conquête européenne qui,
ici, a fait des prodiges, n'a pu incul-
quer au commerçant indigène que la
première condition du commerce est de
l'exercer honnêtement afin que la con-
fiance règne partout. Bien mieux, les
colons, les commerçants blancs sont
devenus aussi retors que le plus vul-
gaire épicier cinghalais ; aussi la mé-
fiance règne-'t-elle, entravant les tran-
sactions et les relations amicales qui
pourraient avoir lieu avec les touristes.
Georges Dangon.
LES NOUVEAUX LÉGIONNAIRES
Nous avons vu avec le plus grand plaisir
que M. Paul Gervais, ancien directeur du
cabinet du ministre du commerce et di-
recteur actuel du cabinet du ministre de
l'instruction publique et des beaux-arts,
venait d'être promu chevalier de la Légion
d'honneur. Cette haute distinction était des
plus méritées. M. Paul Geryais est un
homme de grand mérite que le gouverne-
ment de la République devait tout natu-
rellement distinguer par cette haute récom-
pense. Nous sommes heureux d'adresser
nos bien sincères félicitations au nouveau
chevalier.
POUR TOUT LE MONDE
Je reçois de sir Max Walchter, par le
canal de M. Gromier, une intéressante
communication. Je dis intéressante, parce-
que je donne ce qualificatif à toute idée gé-
néreuse, née d'un laborieux effort humain.
Quelques esprits, dans le choc d'intérêts
quotidiens, se donnent le souci de songer
obstinément à tous. Après de longues étu-
des, ils ont compris et veulent qu'on com-
prenne, que le sort de l'humanité est lié
aux faits économiques, parce que garants
de sa stabilité, et ils trouvent dans cet-
te union la preuve d'un avenir meilleur.
Sir Walchter expose cette manière nou-
velle de concevoir « le mieux » dans son
mémorandum. - -- - - -- - - - --,- - ---
Il le fait avec netteté, précision, il prou-
ve par des chiffres et des comparaisons de
puissances à puissances, ce que donnerait
au mondc urïc Fédération européenne ba-
sée sur une entente d'union douanière.
Ce groupement permettrait aux peuples
de s'organiser dans la paix de leurs de-
voirs respectifs, pour défendre leurs inté-
rêts, sans sortir de la limite de leurs
droits ; ce qui n'existe pas à l'heure ac-
tuelle.
Cette conception, purement économique,
n'est pas du domaine de l'utopie, à une
époque qui possède la notion exacte Ou pos-
sible.
Sir Walchter demande, pour le succès de
sa fédération européenne, une unanimité
d'adhésion qui la sorte de la théorie où
elle reste confinée, au grand dommage de
tous.
JLe résultat de cette réforme est inappré-
ciable. : plus de guerres qui fauchent* tant
de jeunes vies, destinées, on en convien-
dra, à un meilleur emploi. Enfin, le désar-
mement, qui ruine l'Europe, Du pain pour
tous, un peu plus de joie, ce qui est in-
dispensable.
Cette Fédération européenne mérite l'exa-
men le plus attentif, l'attention la plus
soutenue.
La question économique, envisagée sous
son véritable aspect, est donc le grand
préservatif humain et il n'y a rien de spé-
culatif dans cette vaste conception qu'un
effort commun peut immédiatement faire
aboutir. Il ne suffit que d'un élan d'en-
semble. Sir Walchter, aidé de 1\1. Gro-
mier, indique la marche à suivre pour me-
ner à bien le projet qui rende à l'humanité
son équilibre, sa liberté dans les œuvres
de paix, laissant derrière elle les longs
siècles,sanglants qui l'ont perturbée. Pour-
quoi ne le dirais-je pas ? Les femmes (je
ne m'adresse pas aux frivoles). Les fem-
ïnes qui rendent à l'homme l'existence
agréable et sont pénétrées des grands de-
voirs, sont en pareil cas un conseiller
idéal. Qu'elles envoient, au nom de la paix
universelle, leurs adhésions à sîF Walch-
ter, apôtre fervent d'une humanité plus
heureuse.
Elles ont horreur des tueries qui durcis-
sent le cœur et voilent lés joies' de famille
les meilleures. Elles sont riches d'illusion
et la bonté leur est facile, elles n'ont qu'à
vouloir. Elles voudront, narce qu'estes
n'oublient, jamais que la chair, que les ca-
nons labourent, est. la leur. C'est cette vc-
rité douloureuse, profondément .çette vé-
qui les ralliera, qui doit les rallier à la
Fédération Européenne de sir Walchter et
de M. Gromier.
Cécile Cassot.
P. S. — Un lecteur du Rappel, de Dijon,
H. S. (c Merci de vos bons souhaits pour
le journal, ce n'est pas ma faute si vous
ne me lisez pas plus souvent)). — C. C.
COULISSES DES CHAMBRES
L'accident du Bois de Boulogne
M. Georges Berry, d'accord avec M. Mau-
jan, sous-sccrétaire d'Etat) l'm ':'riellr. qui
doit répondre, posera, cet après-midi, au dé-
but de la séance, la1 question sur l'accident
du Bois de Boulogne.
Le président de la gauche radicale
la gauche radicale a procédé, hier, au
scrutin pour l'élection de son président, en
remplacement de NI.- Cruppi, devenu mi-
nistre.
M. dont Je noin avait été mis
en avant, il déçlu'6 qu'il 1(}oclinait toute
candidature. - ■
Le scrutiné a donné les résultats sui-
vants : MM. Lauraine, 36 voix ; Chapuis,
32 ; Dron, 18 ; Delcassé, 16. Voix diverses,
deux.
Le groupe a procédé immédiatement à un
second tour de scrutin, qui a donné le ré-
sultat suivant ::. -
M. Chapuis a été élu président par 41
voix contre 35 à M .Lauraine.
La peine de mort
M. Failliot devait demander la mise à
l'ordre du jour, avant la réforme des con-
seils de guerre, de la discussion de l'aboli
tion ou du maintien de la peine de mort.
Le rapport de M. Crupipi qui a été déposé
doit être distribué ces jours-ci aux membres
de l'assemblée.' Dans ces conditions, M.
FaiUiot se propose de demander la discus-
sion du rapport Cruppi avant celle de la'
réforme des conseils de guerre.
Le député du 4e arrondissement estime
que La question de la peine de mort doit
être résolue avant la suite en discussion
de la réforme des conseils de guerre.
Le suffrage universel
La commission de réforme électorale a
entendu M. Maujan sur le projet de loi re-
latif au secret, à la liberté du vote et à M
sincérité des opérations électorales.
M. Maujan a déclaré que le gouvernement
soutiendrait, devant la Chambre et le Sé*
nat, le texte que la commission adopterait,
si elle disjoignait l'article premier sur les
inscriptions multiples voté par le Sénat et
si elle ajoutait le dispositif d'isolement, re-
poussé par la Haute.Assemblée.
Après le départ de M. Maujan, la com-
mission a procédé à un échange de vues et
a ajourné sa décision à une autre séance.
L'élection de Falaise
La sous-commission du 7* bureau, réunia
sous la présidence de M. Cornudet, a ap-
prouvé les conclusions du rapport de M.
Delpierre, tendant à la validation de M. Ies
cherpy dans l'arrondissement de Falaise.
A LA CHAMBRE
Le gouvernement propose la réforme des
conseils de guerre. — La Chambre
préfère l'impôt sur le revenu
A deux heures, M. Henri Brisson,
président, monte au fauteuil et les se-
crétaires prennent place au bureau.
Au banc du gouvernement, M. Cle-
menceau, président du Conseil entouré
de tous les ministres et sous-secrétaires
d'Etat.
LE DISCOURS DU PRÉSIDENT
Lorsque la salle est à peu près rem-
plie, M. Brisson se lève et prononce le
discours suivant :
Messieurs et chers collègues,
Comment vous exprimer la profonde gra-
titude dont je suis pénétré. Dans les suf-
frages dont vous venez de m'honorer une
fois de plus, je reconnais les marques de
votre affection et aussi de votre indulgen-
ce pour mes années ; depuis quelque temps,
je passe presque à l'ancienneté.
Il me sera plus facile de remercier en
votre nom notre bureau d'âge, nos jeunes
secrétaires et notre cher doyen. Il nous
faut savoir gré à oelui-ci de l'énergie des
sentiments affectueux qu'il nous a témoi-
gnés ; car, si je ne crois pas dire que,
suivant un vieux proverbe, nous aimant
bien, il nous eût bien chàtiés (ce qui serait
de notre part, un peu trop d'humilité peut-
être), je puis dire tout au moins qu'il nous
a copieusement grondés avant-hier. Je dis
« nous » c'est-à-dire la Chambre des dépu-
tés. Toutefois, et heureusement pour nous,
la Chambre n'a pas été sermonnée toute
seule ; la présidence de la République a eu
sa part dans la mercuriale. Evidemment,
la France électorale d'aujourd'hui n'est
pas en bon train, comme elle l'était il y
a trente-sept ans. Qu'elle exprime ses
vœux par l'intermédiaire du suffrage uni-
versel direct —comme c'est notre cas —
ou par le suffrage a plusieurs degrés, la
nation, suivant notre cher et vénéré collè-
gue, la nation ne commettrait que des er-
reurs.
Nous ne pouvons guère être de cet avis,
n'est-il pas vrai ? Moi surtout.
Je me proposais même d'adresser à la
Chambre, en ce renouvellement d'année,
mes félicitations et mes vœux.
Au début de 1907, j'exprimai l'espoir que,
grâce au concours de toutes les fractions
de l'Assemblée, le budget de 190S serait
vote en temps utile. Cet espoir s'est réali-
sé.
Les premiers mois de cette session ne
seront donc pas pris par le vote de nou-
veaux douzièmes et la discussion de la loi
de finances. Vous allez pouvoir consacrer
toutes vos séances à l'exécution du pro-
gramme si heureusement défini, l'année der-
nière par l'honorable rapporteur général du
budget au Sénat en des termes que j'ai
rappelés.
Mes chers collègues, on est quelquefois
dur pour vous. L'on vous a fait un crime
de n'avoir pas, en une année, codifié hâ-
tivement le plus vaste programme de réfor.
mes qui ait jamais été proposé à une as-
semblée. Et ceux qui vous accusent sont.
souvent. Ou les adversaires de ces rMor.
mes, ou les continuateurs, 4es héritiers
de ceux dont les folies ont, par leurs ré-
sultats financiers, rendu ces réformes beau-
coup plus difficiles. (Applaudissements pro-
longés à gauche.)
Ce programme, pourtant, a déjà pris la
forme de propositions ou de projets de lois
dus à l'initiative soit des dénutés, soit du
gouvernement. Plusieurs sont à l'état de
ranports et vont être mis à votre ordre du
jour : signe manifeste de l'activité labo.
rieuse et féconde de vos commissions. In-
fortunées commissions, elles constitueraient
une aristocratie, et les lois qu'elles nouai
présentent sont précisément celles uue la.
démocratie attend et acclame. (Très bien f
Très bien !)
Dans ces coiiditionit. votre programmé
étant directement ahfwdé, il vous sera facilii
d'alléguer la discussion de la loi de finan"
ces. -Mil doute que vous ne nuissiez, dans
cette seconde année de la législature, #
Iransmettre au Sénat plusieurs de vos
projets les plus importants. Avec de la mé.
thode et de la sévérité dans Te règlement
et t'observance de notre ordre du 'Onr, en
écartant les improvisations (n séance,
vous êtes assurés d'arriver au but. (Longa
applaudissements à gauche).
Il serait d'ailleurs facile d'énuméref;
certaines réformes, votées depuis un a
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