Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-01-11
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 janvier 1908 11 janvier 1908
Description : 1908/01/11 (N13819). 1908/01/11 (N13819).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75514688
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
ï*- 13819. SO Nivôse An 116
GDfQ CBimSKBS BTCMBHO
Samedi 11 Janvier 1908:—N° 13819
Pondateori
AUGUSTE VACQUERIE
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ti mIi inii Mb Siiatfi Un an
Paris. 2 fr. 5 fr. 9 fr. ta Cr
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LE RAPPEL
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ECHANGEONS
DES POLITESSES
La pieuse, la sévère Gazette de la
'Croix, gardienne farouche des tradi-
tions de l'impérialisme germanique,
vient de condamner impitoyablement
l'armée républicaine de France. C'jest
bien de l'honneur qu'on nous fait, car
il est des vitupérations plus précieuses
parfois que maints hommages. L'armée
française, dit à peu près l'honnête et
bien pensante feuille, est une phalange
d'individus démoralisés ou révoltés !
Naguère, c'était une nation valeureuse
et brillante que cette France ! C'en est
4 fait d'elle ; les qualités qu'y peuvent
attester les individus ne se réalisent
point, étouffées qu'elles sont par l'op-
pression tyrannique du gouvernement
républicain. Plus de confiance dans les
rangs de l'armée ! N'en doutez pas, de-
main ; c'est encore Sedan.
Allez, bonne Gazette, allez. Vos indi-
gnations sont savoureuses, à cette heu-
re. C'est probablement au nom de la
force morale qui donne aux régiments
allemands une si belle allure, que vous
voulez bien prendre la peine de dévoi-
ler nos tares. Sincère est notre grati-
tude. D'où qu'ils viennent, n'est-ce pas,
{es conseils sont bons à prendre. On s'é-
tonnera peut-être de l'empressement
que vous marquez à donner les vôtres.
Sans doute, l'aigle de l'empire vole où
il lui plaît, et la presse d'outre Rhin n'a
pas besoin, pour railler ou châtier les
petits Français,d'attendre que poliment
ceux-ci l'y invitent. Tout de même,l'ins-
tant n'était pas très bien choisi. Invec-
tiver son voisin, déplorer à voix haute
sa roture et ses façons douteuses, dans
le moment où l'on n'a pu soi-même en-
Jever les taches qui souillent l'habit
qu'on porte, c'est manquer tout ensem-
ble d'à propos et d'élégance. Quand
on montre les gens du doigt, il est bon
de ne pas avoir les mains sales. Bon-
ne Gazette, avant que de nous flageller
de vos mépris circonstanciés, vous eus-
siez dû méditer cet axiome emprunté
aux plus simples règles de la civilité.
Mêlas ! je le sais bien, ces conseils-là
sont superflus. L'éducation, les bon-
nes manières, sont plutôt des privilè-
ges de race, des inclinations naturel-
les, et le tact ne figure pas dans Ji
grammaire. On a, décidément, dans
;votre pays, la manière lourde.
A la lin, ces gens-là vous feraient
sortir du naturel pacifique où l'on veut
demeurer ; l'impudente sottise de leurs
jugements déconcerte les hommes à
l'humeur tranquille, en même temps
qu'elle exalte le lyrisme des chauvins.
Qu'on doive imputer à la République
la responsabilité de certamr abus, .de
certaines crises, soit ; tous les régimes
sont faillibles. Celui-ci; en tous cas, a
Consenti périodiquement,. pour fortifier
ses défenses terrestres et llavales, des
sacrifices considérables. On l'a cons-
taté, et c'est là une indiscutable véri-
té : nulle part ailleurs, dans ces vingt
'dernières1 années, on n'a mis plus de
Science, plus de culture technique,plus
d'initiatives ingénieuses qu'en France
au service de l'armée et de la marine,
C" fut un peu notre orgueil, à nous
gens d'esprit aventureux et prompt,
d'appliquer fiévreusement à la défense
nationale les plus subtiles, les' plus
hardies de nos découvertes. Faut-il
• donc voir là, dans cette audace et d'ans
cette ardeur, le stigmate d'une dé
c-héance ? C'est trop mal comprendre
l'âme et le génie français.
La vérité c'est que, - par-dessus les
frontières, de la Seine au Danube, leS
conservateurs de tous les pays redou-
tent avec une égale terreur le mal
qu'esf à leurs yeux la liberté. Si te?
pieux stratèges de la Gazelle de la
Croix prédisent aux bataillons fran-
çais les plus beaux désastres et le
plus sombre avenir, ce n'est point tant
à raison de l'insuffisance militaire de
leurs' chefs — on leur rend hommage
au contraire — qu'à cause de l'esprit
qui s'est fait jour dans l'armée. On
nous en veut secrètement, au nom des
Vieilles formules, d'avoir osé substi-
tuer aux dogmes qui inspiraient l'ar-
mée catholique et impériaie, les princi-
pes' de liberté sans lesquels ne se peut
concevoir là « nation armfe ». On
s'efforce en France, à présent, à déve-
lopper sur les champs de manœuvres
et dans les exercicee de campagne, ls
libre initiative de l'homme ; au lieu
ti'abolir cette volonté, cette faculté de
décision qui résume la valeur morale
(Je l'individu, on l'enhardit aujourd'hui,
on l'exalte. Il y a trente ans, on de-
mandait au soldat la seule obéissance
$ï Tehlrain •• une ruée de Cavaliers
éperdus, héroïques, une résistance
obstinée, aveugle, immobile, c'étaient
là de prestigieux exploits,des paroxys-
mes de force militaire. On n'imaginait
point qu'il y eût quelque chose de plus
nécessaire, de plus précieux que ce
courage physique, que cette foi. Tant
d'armées lancées ainsi comme des
meutes avaient vaincu.
L'esprit français moderne, critique
et individualiste de tendances, a bou-
leversé ces antiques données. Il s'est
plu à susciter de la conscience, de l'in-
telligence, où l'on n'avait voulu jusque
là qu'enthousiasme et frénésie. Le sol-
dat obéit, sans doute, comme par le
passé, mais il coopère.Il n'avait qu'une
existence collective, il ne comptait, 11e
devait compter que comme une partie
intégrante d'une masse étroitement
homogène ; et voilà qu'en France, au-
jourd'hui, on a l'audace de lui recon-
naître une -personnalité, de lui prêter
une vie individuelle. L'Europe consei*-
vatrice et impériale juge cette évolu-
tion scandaleuse. Mais à quoi ne faf!-
il pas s'attendre de ces Français dé-
sinvoltes ? Ils ont le diabolique génie
des paradoxes.
Bonne Gazette qui nous voulez, mal-
gré ces aigreurs, tant de bien, tirez-
nous de l'abîme où nous'" plongèrent
nos licences et nos turpitudes. De grâ-
ce, sauvez notre malheureuse armée,
s'il en est temps encore. Donnez-nous
des conseils, proposez-nous quelques
exemples puisés dans les fastes récents
de vos annales guerrières. « La con-
duite de nos' troupes dans l'Ouest afri-
cain, voilà, dites-vous, qui pourrait
servir de modèle aux légions françai-
ses parties au Maroc. » C'est vrai,
nous n'y pensions pas ; vous avez le
génie des expéditions coloniales. Voire
affaire contre les' Herreros fut magis-
tralement menée. Sans doute, elle a
duré un peu plus longtemps qu'il n'eût
fallu , vous avez dépensé un peu trop
d'argent. Et pour réduire quelques
centaines de noirs -courageux, vos
chefs ne se sont peut-être ipra montrés
aussi avisés, aussi prompts, aussi in-
génieux que l'eût souhaité la gîoire de
l'empire. S'il faut en croire les jour-
naux, il y a eu, n'est-ce pas, d'assez
belles gaffes. Mais que ne dit-on pas,
et, en somme, à part cela.
« EL nos troupes de l'empire, nos
troupes' bavaroîsësT'saxonnes, prus-
siennes, poursiiivezrvous, leur tenue
n'est-elle pas irréprochable ? Voyez-
les manœuvrer : quelle endurance,
quelle unité, quelle valeur morale !
Regardez passer ces grenadiers, ces
lanciers. Ils se feraient tuer jusqu'au
dernier sur un ordre. C'est la discipli-
ne jusqu'à l'asservissement. Ils savent
obéir, ils savent trembler ; ce ne s'ont
point des têtes brûlées, mais des bru-
tes merveilleuses que l'esprit nouveau
n'a pas gangrenées. »
Comme mot, vous les avez vu défi-
ler, ces fantassins prussiens, tout !c
long des Tilleuls, depuis la place du
Palais jusqu'à la porte de Brande-
bourg. Au bruit aigre des fifres, sous
l'œil des Berlinois pansus, ils vont
raides, mornes, gourmés. C'est la
froide rudesse de l'empire qu'on lit. sur
ces visages diïrs et tristes ; et l'Alle-
magne martiale d'aujourd'hui se révè-
le toute dans la cadence sèche du pas
de parade. Est-ce au nom de cette
morgue, qui n'est que sécheresse, est-
ce au nom de ces allures cassantes, de
cette brutale rigueur, de cette passi-
vité sourde, qu'on dénonce la tournure
libre du soldat français' ? Gardons no-
tre gaîté, notre franchise vulgaire, nos
airs fendants ou révoltés. Gardons
aussi notre confiance présomptueuse.
Tout cela nous va bien. Et que l'em-
pire prenne tranquillement son tpafÎÏ
de nos façons canailles. Oui, en Fran-
ce, sous les armes, on rit, on chante,
on aime la farce joyéuse.C'est ce qu on
appelle avoir du cœur. D'ailleurs,
cette maudite République n'est-elle
pas la patrie des sans-culottes' ?
PAUL-LOUIS CARNIER.
1 -ifr ■
LES MENDIANTS S'IMPOSENT
Depuis longtemps, les men-
diants font; effort pour que
leur profession de décriée,
de mai qualifiée, et de fan-
iaisiste, devienne reconnue,
régulière et sérieuse.
On sait que ceux qui opèrent aux por-
tes des églises, aux coins des ponts et
des rues 'es plus favorables à leur né-
goce, louent, vendent et lèguent leurs
places comme des fonds de commerce
achalandés et de bon rapport.
Ces temps derniers, on a vu presque
sans étonnement les culs-de-jatte, les
manchots, les sourds-muets, bref tous
les estropiés authentiques' qui tirent
des ressources de la pitié publique exci-
tée par leurs infirmités, se syndiquer
pour se défendre contre la concurrence
des simulateurs.
Mais, jusqu'à présent, on n'avait ja-
mais cru que des infirm-es, mendiants
de profession, osassent par des mani-
fe station s; viokmses s'insurger contre un
règlement de oolice contraire à leurs
intérêts, et occuper toute une journée
l'attention d'une grande ville. C'est ce--
pendant ce qui vient de se produire à
PaJerme. Les aveugles, à qui l'on inter-
disait la mendicité, ont parcouru les
principales voies de la ville en récla-
mant la liberté de tendre la main ou
l'hospitalité dans un agile.
Il semble que la population ait été
plutôt sympathique aux manifestants,
et que, dans ce conflit, la police et l'ad-
ministration aient provisoirement' 16
dessous.
Les mendiants sont des gens avec les-
quels il faudra savoir compter, désor-
mais.
..1. !.. I II II ■ I »
LES ON-DIT
———^ ■■ ui
Les richesses du Museum
Beaucoup de Français ne voient dans
le Museum que la ménagerie, attrac-
tion chère aux bonnes d'enfants et aux
soldats. Peu d'initiés soupçonnent les
richesses scientifiques que ce vénérable
établissement recèle. Sa collection de
plantes est unique au - monde. Sa gale-
rie de documents anthropologiques
nous est enviée par tous les peuples
qui ont quelque souci de la haute cul-
ture. Justement, en un récent travail,
le professeur Hamy, membre de l'Insti-
tut, vient de donner une étude détail-
lée et complète sur cette dernière sec-
tion. Les collections anthropologiques
du Muséum national, d'après lui, sont
arrivées à comprendre près de cinquan-
te mille numéros : crânes de toutes ra-
ces, innombrables squelettes, pièces
aneitomâques, documente ïconogTOfpMr
ques, représentations de la préhistoi-
re de tout premier ordre, etc. Ce fut
Cuvier qui réorganisa avec méthode, en
1803, le « Cabinet » en réunissant les
éléments d'une anatomie comparée.
Serres, ensuite, introduisit les squelet-
tes exotiques de Clamart, des crânes et
des moulages fournis par Dumont d'Ur-
ville ou récoltés dans les nécropoles an-
ciennes. De l'exposition de 1867, le Mu-
séum recueillit 460 pièces, provenant
des fouilles égyptiennes de Mariette.
Enfin, pour abréger, dans les dernières
années, ::;ous la direction de M. Hamy,
la galerie doubla son importance. Ci-
tons, parmi ces acquisitions essentiel-
les : les envois de Marche, de Mantano,
de Rey, la collection unique d'anthro-
pologie japonaise de Steenacker, qui
renferme 950 sujets, la collection cana-
rienne de Verneau avec 300 pièces, la
collection patagone de de la Vaulx, la
collection nègre de Rouch, la donation
de Vibraye qui apporta 4.360 numéros,
la collection lozérienne de M. Pruniè-
re-s avec 2.000 numéros, etc. Ni l'An-
gleterre, ni l'Allemagne, ni aucune au-
tre nation réputée savante ne sont en
mesure de rivaliser avec notre Museum
à ce point de vue.
Albert Durer æ Louvre
Le Louvre est entré en possession
d'un très beau dessin gouaché attribué
à Albert Durer, représentant deux chau-
ves-souris, l'une les ailes étendues, l'au-
tre repliée et dormait. Cette œuvre,
achetée 380 francs par M. Paul Le-
prieur à la vente du marquis de Valori,
est évidemment intéressante et rappelle
la facture du maître de Nuremberg par
la minul/q des détai-s. Cependant, elle
estr contestée, car elle n'est 1),
tiquée par le fameux monogramme et
elle ne figure pas, maigre son impor-
tance, dans les catalogues connus, tels
que les Dessins d'Albert Durer, de Char-
les Ephrussi ou le recueil de Fr. Lipp-
mann.
Le Passant.
—————' —
UN INCIDENT
ITHOETHIOPIEM
Sur la frontière de la Somalie italienne. —
Une invasion abyssine. — Territoire
contesté. — Les négociations avec
Menelik
Rome, 9 janvier.
Les journaux publient un télégramme de
Mogadiscio, reçu hier soir par le ministère
des affaires étrangères, et suivant lequel
deux mille Abyssins ont effectué une incur-
sion dans les régions de Biodoa, Rewaï et
Biuna;caba. Cette ;jncurs,ion. s"est produite
vers le 12 décembre.
Ces Abyssins, venus d'on ne sait quelle
direction, ont razzié les caravanes et tué
eu fait prisonniers des commerçants.
Les populations razziées ont réclamé la
protection du résident italien à Lugh.
Une lutte s'est engagée entre les Abys-
eins et les populations d'Anussi et de l'O-
gaden d'un côté et de l'autre les popula-
tions de Rahauvin et les Ascaris au ser-
vice de l'Italie.
Des deux côtés, il y aurait eu des pertes
.sérieuses.
A la suite de ce conflit. Lugh a été bloqué
mais n'a pas été attaqué. Les détails man-
quent.
Aussitôt cette dépêche reçue, le ministre
des affaires étrangères a demandé au Titi-
nistre de la marine de hâter l'envoi à Mo-
gadiscio des navires qui se trouvent dans
la mer Ronge.
Le ministre des affaires étrangères a, en
outre, télégraphié immédiatement au ré-
gent de la légation à Addis-Aba-ba, en l'in-
vitant à présenter à l'empereur Meneiilc
des protestations formelles contre la vio-
lation du statu quo sur le territoire de Lugh
et du traité de commerce entre l'Italie et
l'Ethiopie, q\l: garantit la sécurité des corn-
mer-oalfte, et demander à l'empecelir tR
rfttrâile immédiate des Abyssins. k jwmi-
tion des coupables et des indemnités pour
ceux qui ont subi des dommages.
Il est à croire que l'empereur Menelik
ignorait la razzia accomplie sur la froii-
sflfere .abyssine, car tout récemment, le ré.
gent de la légation à Addis-Ababa avait
adressé à M. Tittoni un rapport dans lequel
le régent faisait savoir qu'il avait reçu de
Vempereur Menetlik l'assurance formelle
que le statu quo serait maintenu dans la
région de Lugh pendant la durée des né-
gociations qui allaient être ouvertes sur
l'initiative de Menelik, en vue de la déli-
mitation des frontières entre l'Abyssinie et
la Somalie italienne.
(Voir la suite en DEUXIEME EDITION)
——————————— 9
GRACE POUR LES PIÉTONS !
Je cuis un partisan convaincu, et, quand
mes occupations me le permettent, prati-
quant, de la bicyclette et de l'automobile.
Mais, précisément à cause de ma prédilec-
tion pour les modes de locbmotion rapide,
je déplore le mépris affecté ou réel que té-
moignent, non les vrais hommes de sport,
mais ceux qu'on dénomme pédards et
chauffards, aux infortunés que leur situa-
tion condamne à rester d'humbles piétons.
L'autre jour, dans une rubrique sporti-
ve, ce titre me frappa : Essai sur le pié-
ton. Je lus, et je constatai que les lignes
qui suivaient justifiaient pleinement ce ti-
tre. Dès le début, du reste, une phrase pro-
jetait sur l'article une lumière aussi vive
quhin phare de la célèbre maison X. 4
« Comme les chauffeurs passent un exa-
men avant de pouvoir circuler, on peut s'é-
tonner que les piétons ne soient soumis à
aucune formalité. »
Femmes, vieillards, enfants, ouvriers,
employés et fantassins ne devraient avoir
le droit de circuler sur la voie publique
qu'après avoir subi de rigoureux examens
et être munis d'un « permis de se condui-
re tout seuls. »
L'auteur nous dit franchement pour-
quoi : c'est parce que, « maintenant, le
piéton est, même hors des villes, un être
encombrant, grincheux, qui soulève la jus-
te colère de ceux qui ont en mains un
fouet ou un volant. » Il faut faire dispa-
raître ces « êtres encombrants » : c'est
pour cela, sans doute, qu'il devrait être
permis d'en écraser autant que l'on vou-
drait. Et comme on commence à compren-
dre fi la juste colère de ceux qui, etc ! »
Le piéton, on ne sait trop pourquoi, poursuit
notre impitoyable auteur, semble ignorer que
les routes et les rues ont été divisées en deux
parties. L'une, qui lui est réservée : le trottoir ;
l'autre, qui est destinée aux autres modes de
locomotion : la chaussée. Sans conteste, le trot-
toir lui appartient ; sauf en de très rares ex-
ceptions, aucun véhicule ne prend la liberté
d'y circuler, mais, au contraire, le piéton a
pour la chaussée une prédilection inexplieabfe.
Et c'est ce malentendu qui cause bien des mal-
heurs.7
Jusqu'à présent les piétons, qui sont la
majorité et payent, par conséquent, la ma-
jeure partie des frais de construction et
d'entretien des chaussées, s'imaginaient
naïvement: qu'ils avaient le droit, suivant
leurs besoins, de se servir de ces chaus-
sées au moins tout autant que les cochers,
les charretiers et les chauffeurs. C'est une,
illusion qu'il leur faut perdre. Laissons les
roses aux .rosiers,..laissons les enlants à
leurs mères, laissons les chaussées aux
chauffeurs. Nous n'avons qu'un droit : ce-
lui de payer ; et félicitons-nous de ce que
les véhicules ne grimpent pas plus sou-
vent sur les. trottoirs !
Comment, au surplus, éprouver quekiue
pitié pour cet être gênant et stupide qu'on
appelle le piélon ?
Le piéton traverse les mes en oblique, en-
combrant par conséquent la chaussée plus long-
temps qu'il n'est nécessaire ; il s'y engage d'ail-
leurs à tout propos, inconscient de la circulation
des voitures qui sont obligées de l'éviter ; il
paraît ignorer qu'on ne doit traverser les rues
qu'à leur croisement et selon une perpendicu-
laire tracée aux trottoirs.
C'est cela, qu'on enseigne la géométrie à
toutes les petites bonnes, et qu'on n'oblige
plus les voitures à les éviter !
Comme l'acrobate sur la corde roide, il risque
sa vie et, par conséquent, ne devrait s'en pren-
dre qu'à lui-m v.'jQô s'il lui arrive un accident.
Mais le piéton est un éternel mécontent, et il
insulte aux rochers, aux chuuffeurs, qui protes-
tent contre son intrusion dans leur domaine ;
et, s'il succombe, accroché par une roue, la
foule anonyme des piétons envahit à son tour
la chaussée pour mettre à mal le chauffeur ou
le cocher présumés coupables.
Oui: ; écrasé et pas content ! Peut-on
imaginer quelque chose de plus sot ? Et
cette foule anonyme — oui, anonyme, mon-
sieur ! — qui ose envahir la chaussée,
faire une « intrusion dans le domaine dos
chauffeurs ». est-ce assez monstrueux ?
Savourons encore cette juste rcmarquè,
presque aussi juste que « la juste colère
de ceux qui ont en mains, etc. » :
Quand un véhicule rencontre un piéton, c'est
ordinairement parce que ce dernier se trouvait
sur la chaussée.
Voilà de ces choses auxquelles on est
tout surpris de n'avoir pas pensé plus
tôt. Combien il est vrai que les idées les
plus simples sont souvent les rneilleurës !
« Or, qu'y faisait-il ? sur cette chaus-
sée, se demande notre auteur. Le même
piéton n'aurait pas eu l'idée de se prome-
ner le long d'une ligne de chemin de fe)'
Probablement. Et puis, Feût-il voulu,
qu'une haie ou une barrière l'en aurait. em-
pêché. Mais tant que nos chaussées, ne se-
ront pas clôturées de toutes parfs, comme
des voies ferrées, comment en interdire
l'accès aux gens pressés ? C'est plus diffi-
cile que ne l'imagine notre détracteur des
piétons. 1
Le mieux Jfest-il pas de demander tout
simplement beaucoup de prudence à. tout
le monde ? Au lieu de déblatérer des inju-
res et des sottises, de part et d'autre, que
chacun y mette du sien — et les automo-
biles pourront passer, sans Cl' vn les re-
garde avec des yeux chargés de baine et
de colère.
Crcuchy de Vorney.
♦
DAIS LES MINES DE C0URR1ÊRES
L'enquête de M. Barthou
M. Clemenceau, président du Conseil, a
reçu hier matin M. Louis Barthou, qui lui
a rendu compte de son voyage à Cour-
rières
Il résulte de l'enquête poursuivie et des
déclarations recueillies par le ministre des
triiva\T}{ publics que l'on se trouve en pré-
seiice d'un échaxiffcmçnt partiel du puits
n° 5, dont l'importance et l'étendue sem-
blent avoir été exagérées.
Les constatations des ingénieurs de
l'Etat et du délégué mineur qui ont accom-
pagné M. Barthou dans sa visite à la fos-
se, se. trouvent absolument d'accdfcl sur
la cause du sinistre et sur les mesures dé-
jà prises ou projetées.
Les travaux paraissent de nature à cir-
conscrire l'incendie pour aboutir à son
étouffement et à assurer la sécurité de la
mine.
-——————————— ♦ ———————————
LE FOURNISSEUR DU REGICiDE
(De notre "correspondait particulier)
BERLIN, 9 janvier. — Une des Dius cu-
rieuses figures berlinoises vient de mou-
rir, c'e¡ft M. Hippolyte Mehles, l'armurier
connu par ses réclames originales et aus-
si par le rôle historique qu'il a failli jouer.
Car c'est chez lui que l'ouvrier ferblantier,
Hoedel, acheta au mois de mai 1878 le re-
volver avec lequel il a tiré sur l'empereur
Guillaume 1er. Et c'est grâce à cette cir-
constance que l'attentat eut un caractère
si anodin. Non seulement l'empereur ne
fut pas touché, mais on n'a jamais pu re-
trouver la balle. Le mérite d'avoir empê-
ché une issue fatale revenait sans doute à
M. Mehles. Cet armurier avait créé des
cartouches spéciales pour le suicide. Elles
ne causaient qu'une légère ecchymose.
L'armurier, les tenait dans une caisse
spéciale avec des revolvers spéciaux qui
avaient la v'lu de faire dévier le projec-
tile. Sur la caisse qui contenait ces armes
et ces munitions il avait inscrit ce com-
mandement du décalogue : « Tu ne tueras
pas t H
i - ■■ .i
Dans les musées miicipaiin
L'entrée n'est pas encore payante mais
les visites sont moins nombreuses.
— Des bruits inexacts. — Une
mesure d'essai.
Les lecteurs de ce journal savent qu'il
y a une quinzaine de jours le Conseil
municipal décidait à la presqu'unani-
mité non pas, comme on l'a dit à tort,
de supprimer la gratuité des musées
municipaux, mais de la restreindre aux
seuls jeudis et dimanches, une entrée
d'un franc étant fixée pour les autres
jours de la semaine.
Cette mesure n'a été arrêtée, il faut
le dire, qu'à titre provisoire mais sous
cette forme elle est définitive en ce sens
que la décision du Conseil, prise dans
l'intégralité de sa compétence, se suffit
à elle-même. Toutefois un arrêté pré-
fectoral, en conformité de ses termes,
est nécessaire. Et cet arrêté n'ayant jus-
qu'à ce jour pas été « pris » il s'en suit
que le nouveau système n'est pas en-
core en vigueur.
Toutefois, il s'est produit ceci : on a
cru dans le public qu'il était devenu ef-
fectif, et en conséquence, on s'est, par-
tiellement du moins, abstenu de visi-
ter les musées !.
On en a donné récemment la nou-
velle, et nous avons tenu à en vérifier
sur place l'exactitude. A Carnavalet, on
nous l'a déclaré d'une façon très nette:
il y a eu un abaissement très notable
dans la moyenne des entrées. A Cer-
nuschi également : mais on nous y a
fait observer que les « fêtes » de fin
d'année avaient pour effet habituel un
affaiblissement dans la fréquentation,
en sorte qu'il est difficile de savoir dans
quelle mesure la décision du Conseil
municipal a pu influencer sur le nom
bre de ses visiteurs. Pour Carnavalet
il n'y a pas de doute puisque les vacan-
ces de fin d'annee voient généralement
augmenter le nombre des visiteurs.
Chose curieuse et en même temps
explicable, on nous a dit au Louvre,
qui, n'étant pas musée municipal mais
d'Etat ne tomberait en tout cas pas sous
le coup de la nouvelle décision, que la
iminution s'y est fait sentir aussi ! On
aura, sans approfondir davantage, cru
que les musées en général étaient dé-
sormais payants, et tel qui y serait ve-
nu peut-être s'en est abstenu.
»**
Nous avons tenu a savoir si, comme
,ûli l'a insinué, des raisons spéciales
étaient intervenues qui auraient empê-
ché la promulgation de l'arrêté préfec-
toral relatif à la mise à exécution de la
décision du conseil.
— Rien de cela, nous a-t-on déclaré à
la préfecture : vous pouvez le dire net-
tement. On a parlé du veto du minis-
tre ; c'est une pure invention. Il n'y a
rien de semblable. La vérité est que,
même à titre provisoire, la mesure dé-
cidée ne peut s'appliquer de but en
blanc. Il y a des dispositions à pren-
dre, et dès quelles auront été prisés,
l'essai sera tenté. Car il est bien en-
tendu, et les termes de la délibération
du Conseil sont précis, il ne s'agit là
que d'un essai. Une discussion nou-
velle aura lieu, après expérience faite
et sur rapports étudiés, et il est fort
possible, on le peut admettre du moins,
que les conseillers municipaux se dé-
cident, une fois renseignés, autrement
qu'ils ne l'ont fait. Mais pour être con-
cluant, cet essai doit être complet, c'est-
à-dire exactement semblable à ce que
serait la pratique définitive.
— Prévoit-on que la mesure sera
maintenue ?
— Nous n'en pouvons rien dire, mais
la chose est vraisemblable car c'est une
mesure transactionnelle. Certains vou-
draient que la gratuité fut définitive-
ment supprimée, et les autres étaient
partisans de son maintien complet. La
proposition à laquelle le Conseil s'est
rangé a l'avantage de ne pas priver
l'élément populaire; de son entrée gra-
tuite le jeudi ét le dimanche dans les
musées, tout en assurant à ceux-ci des
recettes qui leur permeUronl de faire
d'utiles acquisitions et de mieux orga*
niser leur surveillance.
Mais ce provisoire, quand sera-t-il
donc appliqué ? — Au premier jour, ifr
devrait l'être- déjà. '¿'- -- -
A.-J. Derouen.
Lire en deuxième page :
LE STATUT DES FONCTIONNAIRES
A. travers la Sicile
AUGUSTA --
Du haut de l'Etna, je contemplais le
curieux panorama se déroulant sous
mes yeux à la lumière rougeâtre d'un!
beau soleil couchant ; le guide me dit :
— Ce que vous avez là devant vous,;
au loin, et que vous pourriez prendre
pour de hautes montagnes, c'est la mer
et quelques nuages plus denses. Beau-
coup plus près, là, presque sous vos
pieds, cette langue de terre, échancréev
plate, qu'on dirait découpée dans du
carton, c'est Syracuse, avec son port :i
droite. Vous en voyez tous les délails
avec, un peu plus à droite, la campa-
gne environnante, qui se relève unr
peu.
« Encore plus près de vous, cette au-
tre échancrure, plus prononcée, c'est
Augusta avec son magnifique port, au.
milieu duquel vous apercevez de petits
points noirs à peine visibles, ce s'onfi
les navires de l'escadre qui exécutent
les manœuvres maritimes, sous la di-
rection du duc de Gènes. Le roi doit,
dit-on, venir assister aux fêtes qui les
termineront. »
Je n'écoutais plus le guide ; je regar-
dais Augusta et son port qui, à moi.
Français, rappelaient de cliers souve-
nirs, et il we tardait d'être au surlen-
demain, non point pour prendre part
aux manœuvres des cuirassés italiens
ou les suivre de plus près, mais pour
me promener dans ce port témoin d'une
des plus belles victoires navales fran-
çaises.
Disons tout de suite pour n'y plus re-
venir que, cette année-ci, les côtes
orientales de la Sicile ont été choisies
pour y faire exécuter non point, pour
me servir de l'expression consacrée,
des manœuvres, mais des exercices
maritimes. Il paraît que, pour le lan-
gage technique, le mot manœuvre cor-
respond à de la stratégie et le moi
exercice se rapporte à la tactique. On
voit que j'ai voyagé ces jours-ci avec
des marins.
Augusta, qui peut être une espèce de
grand port militaire, plus spacieux et
plus sûr que Syracuse, est situé à peu
près à mi-chemin entre Catane et cette
dernière ville.
En partant de Catane, laissant la
grosse masse noire de l'Etna s'estom-
pant à droite dans le fond, on longe en-
core le pied d'autres montagnes ; mais
celles-ci s'éloignent de plus en plus de
la mer et les terres, ainsi restées libres
à leurs pieds,et couvertes des plus luxu-
riantes cultures, marquent un singu.
lier contraste par leur fertilité et leur
couleur vert-sombre avec ces monta-
gnes du fond, arides, nues, rocailleuses
et d'une triste apparence jaunâtre.
Cette aridité des montagnes, qui va
en s'accentuant à mesure que l'on s'a-
vance vers ce côté, rassure un peu, et,'
dois-je le dire, fait plaisir. ,"
Si tout 19 sol. de la Sicile était com-
me la campagne autour de Mellina et
de Catane, si de très nombreuses et
grosses montagnes n'étaient absolu-
ment nues et stériles, le pays serait
trop riche et il y aurait trop de monde.
N'oublions pas que sur le sol autour de
1 htna, la population est beaucoup plus
dense qu'en Belgique et, par consé-
quent, que dans les campagnes les plus
peuplées de France. Que serait-ce si la
terre sicilienne était partout la même I
Plus on s'éloigne de Catane et plus
cette fertilité de la campagne diminue.
La plage avec son sol sablonneux, par-
fois argileux, s'étend au loin ; on ren-
contre d'assez fréquentes salines et en
arrivant à Augusta, la plage en est tout
encombrée. On voit aussi, à la fiigure
jaune et emaciée des rares paysans que
l'on croise ou des ouvriers travaillant
au sol, que la malaria règne ici en
maîtresse.
Comme presque partout, la gare est
à deux ou trois kilomètres de la ville
celle-ci située là-haut- sur la hauteur,
presque au bout de la langue de terre
formant jetée et l'autre sur la plage,
presque au milieu des salines.
A notre arrivée, un amiral et des offi-
ciers de marine traversaient la ville,
allant sans doute rendre visite aux au-
torités.
Augusta n'est pas môme une ville ;
c'est un gros village qui ne présente
rien de bien intéressant. Pour moi, je
n'y ai vu que le souvenir de la bataille
remportée jadis par Duquesne sur Ruy-
ter. J'aime à y penser sur ce sol étran-
ger, d'autant plus que le sentiment n'a
rien de défavorable pour les Italiens,
alors au contraire unis aux Français.
A cette époque, en effet, la Sicile
était au pouvoir des Espagnols^ et les
Siciliens, fatigués de cette domination,
s'étaient soulevés et avaient appelé les
Français à leur aide. C'était en 1673. La
guerre se continua plusieurs années
avec des péripéties diverses.
Le 22 avril 1676, la flotte française,
commandée par Duquesne, rencontra,
devant Augusta, les vaisseaux hollan-
dais et espagnols sous les ordres de
Ruyter. ,
GDfQ CBimSKBS BTCMBHO
Samedi 11 Janvier 1908:—N° 13819
Pondateori
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
ti mIi inii Mb Siiatfi Un an
Paris. 2 fr. 5 fr. 9 fr. ta Cr
Départements.. 2— 6— 11— 20 -
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Rédacteur en chef
LE RAPPEL
Directeur politique 1
LOUIS PUECH
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Çjjt • « .-
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OFINXONS
ECHANGEONS
DES POLITESSES
La pieuse, la sévère Gazette de la
'Croix, gardienne farouche des tradi-
tions de l'impérialisme germanique,
vient de condamner impitoyablement
l'armée républicaine de France. C'jest
bien de l'honneur qu'on nous fait, car
il est des vitupérations plus précieuses
parfois que maints hommages. L'armée
française, dit à peu près l'honnête et
bien pensante feuille, est une phalange
d'individus démoralisés ou révoltés !
Naguère, c'était une nation valeureuse
et brillante que cette France ! C'en est
4 fait d'elle ; les qualités qu'y peuvent
attester les individus ne se réalisent
point, étouffées qu'elles sont par l'op-
pression tyrannique du gouvernement
républicain. Plus de confiance dans les
rangs de l'armée ! N'en doutez pas, de-
main ; c'est encore Sedan.
Allez, bonne Gazette, allez. Vos indi-
gnations sont savoureuses, à cette heu-
re. C'est probablement au nom de la
force morale qui donne aux régiments
allemands une si belle allure, que vous
voulez bien prendre la peine de dévoi-
ler nos tares. Sincère est notre grati-
tude. D'où qu'ils viennent, n'est-ce pas,
{es conseils sont bons à prendre. On s'é-
tonnera peut-être de l'empressement
que vous marquez à donner les vôtres.
Sans doute, l'aigle de l'empire vole où
il lui plaît, et la presse d'outre Rhin n'a
pas besoin, pour railler ou châtier les
petits Français,d'attendre que poliment
ceux-ci l'y invitent. Tout de même,l'ins-
tant n'était pas très bien choisi. Invec-
tiver son voisin, déplorer à voix haute
sa roture et ses façons douteuses, dans
le moment où l'on n'a pu soi-même en-
Jever les taches qui souillent l'habit
qu'on porte, c'est manquer tout ensem-
ble d'à propos et d'élégance. Quand
on montre les gens du doigt, il est bon
de ne pas avoir les mains sales. Bon-
ne Gazette, avant que de nous flageller
de vos mépris circonstanciés, vous eus-
siez dû méditer cet axiome emprunté
aux plus simples règles de la civilité.
Mêlas ! je le sais bien, ces conseils-là
sont superflus. L'éducation, les bon-
nes manières, sont plutôt des privilè-
ges de race, des inclinations naturel-
les, et le tact ne figure pas dans Ji
grammaire. On a, décidément, dans
;votre pays, la manière lourde.
A la lin, ces gens-là vous feraient
sortir du naturel pacifique où l'on veut
demeurer ; l'impudente sottise de leurs
jugements déconcerte les hommes à
l'humeur tranquille, en même temps
qu'elle exalte le lyrisme des chauvins.
Qu'on doive imputer à la République
la responsabilité de certamr abus, .de
certaines crises, soit ; tous les régimes
sont faillibles. Celui-ci; en tous cas, a
Consenti périodiquement,. pour fortifier
ses défenses terrestres et llavales, des
sacrifices considérables. On l'a cons-
taté, et c'est là une indiscutable véri-
té : nulle part ailleurs, dans ces vingt
'dernières1 années, on n'a mis plus de
Science, plus de culture technique,plus
d'initiatives ingénieuses qu'en France
au service de l'armée et de la marine,
C" fut un peu notre orgueil, à nous
gens d'esprit aventureux et prompt,
d'appliquer fiévreusement à la défense
nationale les plus subtiles, les' plus
hardies de nos découvertes. Faut-il
• donc voir là, dans cette audace et d'ans
cette ardeur, le stigmate d'une dé
c-héance ? C'est trop mal comprendre
l'âme et le génie français.
La vérité c'est que, - par-dessus les
frontières, de la Seine au Danube, leS
conservateurs de tous les pays redou-
tent avec une égale terreur le mal
qu'esf à leurs yeux la liberté. Si te?
pieux stratèges de la Gazelle de la
Croix prédisent aux bataillons fran-
çais les plus beaux désastres et le
plus sombre avenir, ce n'est point tant
à raison de l'insuffisance militaire de
leurs' chefs — on leur rend hommage
au contraire — qu'à cause de l'esprit
qui s'est fait jour dans l'armée. On
nous en veut secrètement, au nom des
Vieilles formules, d'avoir osé substi-
tuer aux dogmes qui inspiraient l'ar-
mée catholique et impériaie, les princi-
pes' de liberté sans lesquels ne se peut
concevoir là « nation armfe ». On
s'efforce en France, à présent, à déve-
lopper sur les champs de manœuvres
et dans les exercicee de campagne, ls
libre initiative de l'homme ; au lieu
ti'abolir cette volonté, cette faculté de
décision qui résume la valeur morale
(Je l'individu, on l'enhardit aujourd'hui,
on l'exalte. Il y a trente ans, on de-
mandait au soldat la seule obéissance
$ï Tehlrain •• une ruée de Cavaliers
éperdus, héroïques, une résistance
obstinée, aveugle, immobile, c'étaient
là de prestigieux exploits,des paroxys-
mes de force militaire. On n'imaginait
point qu'il y eût quelque chose de plus
nécessaire, de plus précieux que ce
courage physique, que cette foi. Tant
d'armées lancées ainsi comme des
meutes avaient vaincu.
L'esprit français moderne, critique
et individualiste de tendances, a bou-
leversé ces antiques données. Il s'est
plu à susciter de la conscience, de l'in-
telligence, où l'on n'avait voulu jusque
là qu'enthousiasme et frénésie. Le sol-
dat obéit, sans doute, comme par le
passé, mais il coopère.Il n'avait qu'une
existence collective, il ne comptait, 11e
devait compter que comme une partie
intégrante d'une masse étroitement
homogène ; et voilà qu'en France, au-
jourd'hui, on a l'audace de lui recon-
naître une -personnalité, de lui prêter
une vie individuelle. L'Europe consei*-
vatrice et impériale juge cette évolu-
tion scandaleuse. Mais à quoi ne faf!-
il pas s'attendre de ces Français dé-
sinvoltes ? Ils ont le diabolique génie
des paradoxes.
Bonne Gazette qui nous voulez, mal-
gré ces aigreurs, tant de bien, tirez-
nous de l'abîme où nous'" plongèrent
nos licences et nos turpitudes. De grâ-
ce, sauvez notre malheureuse armée,
s'il en est temps encore. Donnez-nous
des conseils, proposez-nous quelques
exemples puisés dans les fastes récents
de vos annales guerrières. « La con-
duite de nos' troupes dans l'Ouest afri-
cain, voilà, dites-vous, qui pourrait
servir de modèle aux légions françai-
ses parties au Maroc. » C'est vrai,
nous n'y pensions pas ; vous avez le
génie des expéditions coloniales. Voire
affaire contre les' Herreros fut magis-
tralement menée. Sans doute, elle a
duré un peu plus longtemps qu'il n'eût
fallu , vous avez dépensé un peu trop
d'argent. Et pour réduire quelques
centaines de noirs -courageux, vos
chefs ne se sont peut-être ipra montrés
aussi avisés, aussi prompts, aussi in-
génieux que l'eût souhaité la gîoire de
l'empire. S'il faut en croire les jour-
naux, il y a eu, n'est-ce pas, d'assez
belles gaffes. Mais que ne dit-on pas,
et, en somme, à part cela.
« EL nos troupes de l'empire, nos
troupes' bavaroîsësT'saxonnes, prus-
siennes, poursiiivezrvous, leur tenue
n'est-elle pas irréprochable ? Voyez-
les manœuvrer : quelle endurance,
quelle unité, quelle valeur morale !
Regardez passer ces grenadiers, ces
lanciers. Ils se feraient tuer jusqu'au
dernier sur un ordre. C'est la discipli-
ne jusqu'à l'asservissement. Ils savent
obéir, ils savent trembler ; ce ne s'ont
point des têtes brûlées, mais des bru-
tes merveilleuses que l'esprit nouveau
n'a pas gangrenées. »
Comme mot, vous les avez vu défi-
ler, ces fantassins prussiens, tout !c
long des Tilleuls, depuis la place du
Palais jusqu'à la porte de Brande-
bourg. Au bruit aigre des fifres, sous
l'œil des Berlinois pansus, ils vont
raides, mornes, gourmés. C'est la
froide rudesse de l'empire qu'on lit. sur
ces visages diïrs et tristes ; et l'Alle-
magne martiale d'aujourd'hui se révè-
le toute dans la cadence sèche du pas
de parade. Est-ce au nom de cette
morgue, qui n'est que sécheresse, est-
ce au nom de ces allures cassantes, de
cette brutale rigueur, de cette passi-
vité sourde, qu'on dénonce la tournure
libre du soldat français' ? Gardons no-
tre gaîté, notre franchise vulgaire, nos
airs fendants ou révoltés. Gardons
aussi notre confiance présomptueuse.
Tout cela nous va bien. Et que l'em-
pire prenne tranquillement son tpafÎÏ
de nos façons canailles. Oui, en Fran-
ce, sous les armes, on rit, on chante,
on aime la farce joyéuse.C'est ce qu on
appelle avoir du cœur. D'ailleurs,
cette maudite République n'est-elle
pas la patrie des sans-culottes' ?
PAUL-LOUIS CARNIER.
1 -ifr ■
LES MENDIANTS S'IMPOSENT
Depuis longtemps, les men-
diants font; effort pour que
leur profession de décriée,
de mai qualifiée, et de fan-
iaisiste, devienne reconnue,
régulière et sérieuse.
On sait que ceux qui opèrent aux por-
tes des églises, aux coins des ponts et
des rues 'es plus favorables à leur né-
goce, louent, vendent et lèguent leurs
places comme des fonds de commerce
achalandés et de bon rapport.
Ces temps derniers, on a vu presque
sans étonnement les culs-de-jatte, les
manchots, les sourds-muets, bref tous
les estropiés authentiques' qui tirent
des ressources de la pitié publique exci-
tée par leurs infirmités, se syndiquer
pour se défendre contre la concurrence
des simulateurs.
Mais, jusqu'à présent, on n'avait ja-
mais cru que des infirm-es, mendiants
de profession, osassent par des mani-
fe station s; viokmses s'insurger contre un
règlement de oolice contraire à leurs
intérêts, et occuper toute une journée
l'attention d'une grande ville. C'est ce--
pendant ce qui vient de se produire à
PaJerme. Les aveugles, à qui l'on inter-
disait la mendicité, ont parcouru les
principales voies de la ville en récla-
mant la liberté de tendre la main ou
l'hospitalité dans un agile.
Il semble que la population ait été
plutôt sympathique aux manifestants,
et que, dans ce conflit, la police et l'ad-
ministration aient provisoirement' 16
dessous.
Les mendiants sont des gens avec les-
quels il faudra savoir compter, désor-
mais.
..1. !.. I II II ■ I »
LES ON-DIT
———^ ■■ ui
Les richesses du Museum
Beaucoup de Français ne voient dans
le Museum que la ménagerie, attrac-
tion chère aux bonnes d'enfants et aux
soldats. Peu d'initiés soupçonnent les
richesses scientifiques que ce vénérable
établissement recèle. Sa collection de
plantes est unique au - monde. Sa gale-
rie de documents anthropologiques
nous est enviée par tous les peuples
qui ont quelque souci de la haute cul-
ture. Justement, en un récent travail,
le professeur Hamy, membre de l'Insti-
tut, vient de donner une étude détail-
lée et complète sur cette dernière sec-
tion. Les collections anthropologiques
du Muséum national, d'après lui, sont
arrivées à comprendre près de cinquan-
te mille numéros : crânes de toutes ra-
ces, innombrables squelettes, pièces
aneitomâques, documente ïconogTOfpMr
ques, représentations de la préhistoi-
re de tout premier ordre, etc. Ce fut
Cuvier qui réorganisa avec méthode, en
1803, le « Cabinet » en réunissant les
éléments d'une anatomie comparée.
Serres, ensuite, introduisit les squelet-
tes exotiques de Clamart, des crânes et
des moulages fournis par Dumont d'Ur-
ville ou récoltés dans les nécropoles an-
ciennes. De l'exposition de 1867, le Mu-
séum recueillit 460 pièces, provenant
des fouilles égyptiennes de Mariette.
Enfin, pour abréger, dans les dernières
années, ::;ous la direction de M. Hamy,
la galerie doubla son importance. Ci-
tons, parmi ces acquisitions essentiel-
les : les envois de Marche, de Mantano,
de Rey, la collection unique d'anthro-
pologie japonaise de Steenacker, qui
renferme 950 sujets, la collection cana-
rienne de Verneau avec 300 pièces, la
collection patagone de de la Vaulx, la
collection nègre de Rouch, la donation
de Vibraye qui apporta 4.360 numéros,
la collection lozérienne de M. Pruniè-
re-s avec 2.000 numéros, etc. Ni l'An-
gleterre, ni l'Allemagne, ni aucune au-
tre nation réputée savante ne sont en
mesure de rivaliser avec notre Museum
à ce point de vue.
Albert Durer æ Louvre
Le Louvre est entré en possession
d'un très beau dessin gouaché attribué
à Albert Durer, représentant deux chau-
ves-souris, l'une les ailes étendues, l'au-
tre repliée et dormait. Cette œuvre,
achetée 380 francs par M. Paul Le-
prieur à la vente du marquis de Valori,
est évidemment intéressante et rappelle
la facture du maître de Nuremberg par
la minul/q des détai-s. Cependant, elle
estr contestée, car elle n'est 1),
tiquée par le fameux monogramme et
elle ne figure pas, maigre son impor-
tance, dans les catalogues connus, tels
que les Dessins d'Albert Durer, de Char-
les Ephrussi ou le recueil de Fr. Lipp-
mann.
Le Passant.
—————' —
UN INCIDENT
ITHOETHIOPIEM
Sur la frontière de la Somalie italienne. —
Une invasion abyssine. — Territoire
contesté. — Les négociations avec
Menelik
Rome, 9 janvier.
Les journaux publient un télégramme de
Mogadiscio, reçu hier soir par le ministère
des affaires étrangères, et suivant lequel
deux mille Abyssins ont effectué une incur-
sion dans les régions de Biodoa, Rewaï et
Biuna;caba. Cette ;jncurs,ion. s"est produite
vers le 12 décembre.
Ces Abyssins, venus d'on ne sait quelle
direction, ont razzié les caravanes et tué
eu fait prisonniers des commerçants.
Les populations razziées ont réclamé la
protection du résident italien à Lugh.
Une lutte s'est engagée entre les Abys-
eins et les populations d'Anussi et de l'O-
gaden d'un côté et de l'autre les popula-
tions de Rahauvin et les Ascaris au ser-
vice de l'Italie.
Des deux côtés, il y aurait eu des pertes
.sérieuses.
A la suite de ce conflit. Lugh a été bloqué
mais n'a pas été attaqué. Les détails man-
quent.
Aussitôt cette dépêche reçue, le ministre
des affaires étrangères a demandé au Titi-
nistre de la marine de hâter l'envoi à Mo-
gadiscio des navires qui se trouvent dans
la mer Ronge.
Le ministre des affaires étrangères a, en
outre, télégraphié immédiatement au ré-
gent de la légation à Addis-Aba-ba, en l'in-
vitant à présenter à l'empereur Meneiilc
des protestations formelles contre la vio-
lation du statu quo sur le territoire de Lugh
et du traité de commerce entre l'Italie et
l'Ethiopie, q\l: garantit la sécurité des corn-
mer-oalfte, et demander à l'empecelir tR
rfttrâile immédiate des Abyssins. k jwmi-
tion des coupables et des indemnités pour
ceux qui ont subi des dommages.
Il est à croire que l'empereur Menelik
ignorait la razzia accomplie sur la froii-
sflfere .abyssine, car tout récemment, le ré.
gent de la légation à Addis-Ababa avait
adressé à M. Tittoni un rapport dans lequel
le régent faisait savoir qu'il avait reçu de
Vempereur Menetlik l'assurance formelle
que le statu quo serait maintenu dans la
région de Lugh pendant la durée des né-
gociations qui allaient être ouvertes sur
l'initiative de Menelik, en vue de la déli-
mitation des frontières entre l'Abyssinie et
la Somalie italienne.
(Voir la suite en DEUXIEME EDITION)
——————————— 9
GRACE POUR LES PIÉTONS !
Je cuis un partisan convaincu, et, quand
mes occupations me le permettent, prati-
quant, de la bicyclette et de l'automobile.
Mais, précisément à cause de ma prédilec-
tion pour les modes de locbmotion rapide,
je déplore le mépris affecté ou réel que té-
moignent, non les vrais hommes de sport,
mais ceux qu'on dénomme pédards et
chauffards, aux infortunés que leur situa-
tion condamne à rester d'humbles piétons.
L'autre jour, dans une rubrique sporti-
ve, ce titre me frappa : Essai sur le pié-
ton. Je lus, et je constatai que les lignes
qui suivaient justifiaient pleinement ce ti-
tre. Dès le début, du reste, une phrase pro-
jetait sur l'article une lumière aussi vive
quhin phare de la célèbre maison X. 4
« Comme les chauffeurs passent un exa-
men avant de pouvoir circuler, on peut s'é-
tonner que les piétons ne soient soumis à
aucune formalité. »
Femmes, vieillards, enfants, ouvriers,
employés et fantassins ne devraient avoir
le droit de circuler sur la voie publique
qu'après avoir subi de rigoureux examens
et être munis d'un « permis de se condui-
re tout seuls. »
L'auteur nous dit franchement pour-
quoi : c'est parce que, « maintenant, le
piéton est, même hors des villes, un être
encombrant, grincheux, qui soulève la jus-
te colère de ceux qui ont en mains un
fouet ou un volant. » Il faut faire dispa-
raître ces « êtres encombrants » : c'est
pour cela, sans doute, qu'il devrait être
permis d'en écraser autant que l'on vou-
drait. Et comme on commence à compren-
dre fi la juste colère de ceux qui, etc ! »
Le piéton, on ne sait trop pourquoi, poursuit
notre impitoyable auteur, semble ignorer que
les routes et les rues ont été divisées en deux
parties. L'une, qui lui est réservée : le trottoir ;
l'autre, qui est destinée aux autres modes de
locomotion : la chaussée. Sans conteste, le trot-
toir lui appartient ; sauf en de très rares ex-
ceptions, aucun véhicule ne prend la liberté
d'y circuler, mais, au contraire, le piéton a
pour la chaussée une prédilection inexplieabfe.
Et c'est ce malentendu qui cause bien des mal-
heurs.7
Jusqu'à présent les piétons, qui sont la
majorité et payent, par conséquent, la ma-
jeure partie des frais de construction et
d'entretien des chaussées, s'imaginaient
naïvement: qu'ils avaient le droit, suivant
leurs besoins, de se servir de ces chaus-
sées au moins tout autant que les cochers,
les charretiers et les chauffeurs. C'est une,
illusion qu'il leur faut perdre. Laissons les
roses aux .rosiers,..laissons les enlants à
leurs mères, laissons les chaussées aux
chauffeurs. Nous n'avons qu'un droit : ce-
lui de payer ; et félicitons-nous de ce que
les véhicules ne grimpent pas plus sou-
vent sur les. trottoirs !
Comment, au surplus, éprouver quekiue
pitié pour cet être gênant et stupide qu'on
appelle le piélon ?
Le piéton traverse les mes en oblique, en-
combrant par conséquent la chaussée plus long-
temps qu'il n'est nécessaire ; il s'y engage d'ail-
leurs à tout propos, inconscient de la circulation
des voitures qui sont obligées de l'éviter ; il
paraît ignorer qu'on ne doit traverser les rues
qu'à leur croisement et selon une perpendicu-
laire tracée aux trottoirs.
C'est cela, qu'on enseigne la géométrie à
toutes les petites bonnes, et qu'on n'oblige
plus les voitures à les éviter !
Comme l'acrobate sur la corde roide, il risque
sa vie et, par conséquent, ne devrait s'en pren-
dre qu'à lui-m v.'jQô s'il lui arrive un accident.
Mais le piéton est un éternel mécontent, et il
insulte aux rochers, aux chuuffeurs, qui protes-
tent contre son intrusion dans leur domaine ;
et, s'il succombe, accroché par une roue, la
foule anonyme des piétons envahit à son tour
la chaussée pour mettre à mal le chauffeur ou
le cocher présumés coupables.
Oui: ; écrasé et pas content ! Peut-on
imaginer quelque chose de plus sot ? Et
cette foule anonyme — oui, anonyme, mon-
sieur ! — qui ose envahir la chaussée,
faire une « intrusion dans le domaine dos
chauffeurs ». est-ce assez monstrueux ?
Savourons encore cette juste rcmarquè,
presque aussi juste que « la juste colère
de ceux qui ont en mains, etc. » :
Quand un véhicule rencontre un piéton, c'est
ordinairement parce que ce dernier se trouvait
sur la chaussée.
Voilà de ces choses auxquelles on est
tout surpris de n'avoir pas pensé plus
tôt. Combien il est vrai que les idées les
plus simples sont souvent les rneilleurës !
« Or, qu'y faisait-il ? sur cette chaus-
sée, se demande notre auteur. Le même
piéton n'aurait pas eu l'idée de se prome-
ner le long d'une ligne de chemin de fe)'
Probablement. Et puis, Feût-il voulu,
qu'une haie ou une barrière l'en aurait. em-
pêché. Mais tant que nos chaussées, ne se-
ront pas clôturées de toutes parfs, comme
des voies ferrées, comment en interdire
l'accès aux gens pressés ? C'est plus diffi-
cile que ne l'imagine notre détracteur des
piétons. 1
Le mieux Jfest-il pas de demander tout
simplement beaucoup de prudence à. tout
le monde ? Au lieu de déblatérer des inju-
res et des sottises, de part et d'autre, que
chacun y mette du sien — et les automo-
biles pourront passer, sans Cl' vn les re-
garde avec des yeux chargés de baine et
de colère.
Crcuchy de Vorney.
♦
DAIS LES MINES DE C0URR1ÊRES
L'enquête de M. Barthou
M. Clemenceau, président du Conseil, a
reçu hier matin M. Louis Barthou, qui lui
a rendu compte de son voyage à Cour-
rières
Il résulte de l'enquête poursuivie et des
déclarations recueillies par le ministre des
triiva\T}{ publics que l'on se trouve en pré-
seiice d'un échaxiffcmçnt partiel du puits
n° 5, dont l'importance et l'étendue sem-
blent avoir été exagérées.
Les constatations des ingénieurs de
l'Etat et du délégué mineur qui ont accom-
pagné M. Barthou dans sa visite à la fos-
se, se. trouvent absolument d'accdfcl sur
la cause du sinistre et sur les mesures dé-
jà prises ou projetées.
Les travaux paraissent de nature à cir-
conscrire l'incendie pour aboutir à son
étouffement et à assurer la sécurité de la
mine.
-——————————— ♦ ———————————
LE FOURNISSEUR DU REGICiDE
(De notre "correspondait particulier)
BERLIN, 9 janvier. — Une des Dius cu-
rieuses figures berlinoises vient de mou-
rir, c'e¡ft M. Hippolyte Mehles, l'armurier
connu par ses réclames originales et aus-
si par le rôle historique qu'il a failli jouer.
Car c'est chez lui que l'ouvrier ferblantier,
Hoedel, acheta au mois de mai 1878 le re-
volver avec lequel il a tiré sur l'empereur
Guillaume 1er. Et c'est grâce à cette cir-
constance que l'attentat eut un caractère
si anodin. Non seulement l'empereur ne
fut pas touché, mais on n'a jamais pu re-
trouver la balle. Le mérite d'avoir empê-
ché une issue fatale revenait sans doute à
M. Mehles. Cet armurier avait créé des
cartouches spéciales pour le suicide. Elles
ne causaient qu'une légère ecchymose.
L'armurier, les tenait dans une caisse
spéciale avec des revolvers spéciaux qui
avaient la v'lu de faire dévier le projec-
tile. Sur la caisse qui contenait ces armes
et ces munitions il avait inscrit ce com-
mandement du décalogue : « Tu ne tueras
pas t H
i - ■■ .i
Dans les musées miicipaiin
L'entrée n'est pas encore payante mais
les visites sont moins nombreuses.
— Des bruits inexacts. — Une
mesure d'essai.
Les lecteurs de ce journal savent qu'il
y a une quinzaine de jours le Conseil
municipal décidait à la presqu'unani-
mité non pas, comme on l'a dit à tort,
de supprimer la gratuité des musées
municipaux, mais de la restreindre aux
seuls jeudis et dimanches, une entrée
d'un franc étant fixée pour les autres
jours de la semaine.
Cette mesure n'a été arrêtée, il faut
le dire, qu'à titre provisoire mais sous
cette forme elle est définitive en ce sens
que la décision du Conseil, prise dans
l'intégralité de sa compétence, se suffit
à elle-même. Toutefois un arrêté pré-
fectoral, en conformité de ses termes,
est nécessaire. Et cet arrêté n'ayant jus-
qu'à ce jour pas été « pris » il s'en suit
que le nouveau système n'est pas en-
core en vigueur.
Toutefois, il s'est produit ceci : on a
cru dans le public qu'il était devenu ef-
fectif, et en conséquence, on s'est, par-
tiellement du moins, abstenu de visi-
ter les musées !.
On en a donné récemment la nou-
velle, et nous avons tenu à en vérifier
sur place l'exactitude. A Carnavalet, on
nous l'a déclaré d'une façon très nette:
il y a eu un abaissement très notable
dans la moyenne des entrées. A Cer-
nuschi également : mais on nous y a
fait observer que les « fêtes » de fin
d'année avaient pour effet habituel un
affaiblissement dans la fréquentation,
en sorte qu'il est difficile de savoir dans
quelle mesure la décision du Conseil
municipal a pu influencer sur le nom
bre de ses visiteurs. Pour Carnavalet
il n'y a pas de doute puisque les vacan-
ces de fin d'annee voient généralement
augmenter le nombre des visiteurs.
Chose curieuse et en même temps
explicable, on nous a dit au Louvre,
qui, n'étant pas musée municipal mais
d'Etat ne tomberait en tout cas pas sous
le coup de la nouvelle décision, que la
iminution s'y est fait sentir aussi ! On
aura, sans approfondir davantage, cru
que les musées en général étaient dé-
sormais payants, et tel qui y serait ve-
nu peut-être s'en est abstenu.
»**
Nous avons tenu a savoir si, comme
,ûli l'a insinué, des raisons spéciales
étaient intervenues qui auraient empê-
ché la promulgation de l'arrêté préfec-
toral relatif à la mise à exécution de la
décision du conseil.
— Rien de cela, nous a-t-on déclaré à
la préfecture : vous pouvez le dire net-
tement. On a parlé du veto du minis-
tre ; c'est une pure invention. Il n'y a
rien de semblable. La vérité est que,
même à titre provisoire, la mesure dé-
cidée ne peut s'appliquer de but en
blanc. Il y a des dispositions à pren-
dre, et dès quelles auront été prisés,
l'essai sera tenté. Car il est bien en-
tendu, et les termes de la délibération
du Conseil sont précis, il ne s'agit là
que d'un essai. Une discussion nou-
velle aura lieu, après expérience faite
et sur rapports étudiés, et il est fort
possible, on le peut admettre du moins,
que les conseillers municipaux se dé-
cident, une fois renseignés, autrement
qu'ils ne l'ont fait. Mais pour être con-
cluant, cet essai doit être complet, c'est-
à-dire exactement semblable à ce que
serait la pratique définitive.
— Prévoit-on que la mesure sera
maintenue ?
— Nous n'en pouvons rien dire, mais
la chose est vraisemblable car c'est une
mesure transactionnelle. Certains vou-
draient que la gratuité fut définitive-
ment supprimée, et les autres étaient
partisans de son maintien complet. La
proposition à laquelle le Conseil s'est
rangé a l'avantage de ne pas priver
l'élément populaire; de son entrée gra-
tuite le jeudi ét le dimanche dans les
musées, tout en assurant à ceux-ci des
recettes qui leur permeUronl de faire
d'utiles acquisitions et de mieux orga*
niser leur surveillance.
Mais ce provisoire, quand sera-t-il
donc appliqué ? — Au premier jour, ifr
devrait l'être- déjà. '¿'- -- -
A.-J. Derouen.
Lire en deuxième page :
LE STATUT DES FONCTIONNAIRES
A. travers la Sicile
AUGUSTA --
Du haut de l'Etna, je contemplais le
curieux panorama se déroulant sous
mes yeux à la lumière rougeâtre d'un!
beau soleil couchant ; le guide me dit :
— Ce que vous avez là devant vous,;
au loin, et que vous pourriez prendre
pour de hautes montagnes, c'est la mer
et quelques nuages plus denses. Beau-
coup plus près, là, presque sous vos
pieds, cette langue de terre, échancréev
plate, qu'on dirait découpée dans du
carton, c'est Syracuse, avec son port :i
droite. Vous en voyez tous les délails
avec, un peu plus à droite, la campa-
gne environnante, qui se relève unr
peu.
« Encore plus près de vous, cette au-
tre échancrure, plus prononcée, c'est
Augusta avec son magnifique port, au.
milieu duquel vous apercevez de petits
points noirs à peine visibles, ce s'onfi
les navires de l'escadre qui exécutent
les manœuvres maritimes, sous la di-
rection du duc de Gènes. Le roi doit,
dit-on, venir assister aux fêtes qui les
termineront. »
Je n'écoutais plus le guide ; je regar-
dais Augusta et son port qui, à moi.
Français, rappelaient de cliers souve-
nirs, et il we tardait d'être au surlen-
demain, non point pour prendre part
aux manœuvres des cuirassés italiens
ou les suivre de plus près, mais pour
me promener dans ce port témoin d'une
des plus belles victoires navales fran-
çaises.
Disons tout de suite pour n'y plus re-
venir que, cette année-ci, les côtes
orientales de la Sicile ont été choisies
pour y faire exécuter non point, pour
me servir de l'expression consacrée,
des manœuvres, mais des exercices
maritimes. Il paraît que, pour le lan-
gage technique, le mot manœuvre cor-
respond à de la stratégie et le moi
exercice se rapporte à la tactique. On
voit que j'ai voyagé ces jours-ci avec
des marins.
Augusta, qui peut être une espèce de
grand port militaire, plus spacieux et
plus sûr que Syracuse, est situé à peu
près à mi-chemin entre Catane et cette
dernière ville.
En partant de Catane, laissant la
grosse masse noire de l'Etna s'estom-
pant à droite dans le fond, on longe en-
core le pied d'autres montagnes ; mais
celles-ci s'éloignent de plus en plus de
la mer et les terres, ainsi restées libres
à leurs pieds,et couvertes des plus luxu-
riantes cultures, marquent un singu.
lier contraste par leur fertilité et leur
couleur vert-sombre avec ces monta-
gnes du fond, arides, nues, rocailleuses
et d'une triste apparence jaunâtre.
Cette aridité des montagnes, qui va
en s'accentuant à mesure que l'on s'a-
vance vers ce côté, rassure un peu, et,'
dois-je le dire, fait plaisir. ,"
Si tout 19 sol. de la Sicile était com-
me la campagne autour de Mellina et
de Catane, si de très nombreuses et
grosses montagnes n'étaient absolu-
ment nues et stériles, le pays serait
trop riche et il y aurait trop de monde.
N'oublions pas que sur le sol autour de
1 htna, la population est beaucoup plus
dense qu'en Belgique et, par consé-
quent, que dans les campagnes les plus
peuplées de France. Que serait-ce si la
terre sicilienne était partout la même I
Plus on s'éloigne de Catane et plus
cette fertilité de la campagne diminue.
La plage avec son sol sablonneux, par-
fois argileux, s'étend au loin ; on ren-
contre d'assez fréquentes salines et en
arrivant à Augusta, la plage en est tout
encombrée. On voit aussi, à la fiigure
jaune et emaciée des rares paysans que
l'on croise ou des ouvriers travaillant
au sol, que la malaria règne ici en
maîtresse.
Comme presque partout, la gare est
à deux ou trois kilomètres de la ville
celle-ci située là-haut- sur la hauteur,
presque au bout de la langue de terre
formant jetée et l'autre sur la plage,
presque au milieu des salines.
A notre arrivée, un amiral et des offi-
ciers de marine traversaient la ville,
allant sans doute rendre visite aux au-
torités.
Augusta n'est pas môme une ville ;
c'est un gros village qui ne présente
rien de bien intéressant. Pour moi, je
n'y ai vu que le souvenir de la bataille
remportée jadis par Duquesne sur Ruy-
ter. J'aime à y penser sur ce sol étran-
ger, d'autant plus que le sentiment n'a
rien de défavorable pour les Italiens,
alors au contraire unis aux Français.
A cette époque, en effet, la Sicile
était au pouvoir des Espagnols^ et les
Siciliens, fatigués de cette domination,
s'étaient soulevés et avaient appelé les
Français à leur aide. C'était en 1673. La
guerre se continua plusieurs années
avec des péripéties diverses.
Le 22 avril 1676, la flotte française,
commandée par Duquesne, rencontra,
devant Augusta, les vaisseaux hollan-
dais et espagnols sous les ordres de
Ruyter. ,
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