Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-08-03
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 03 août 1911 03 août 1911
Description : 1911/08/03 (N15119). 1911/08/03 (N15119).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7551103w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
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TRIBUNE LIBRE
u 1
La Révision des Conventions de 1883
-.
Il a été entendu que le1
Gouvernement mettrait à
profit les vacances pour
préparer la solution des
problèmes, dont la Décla-
ration ministérielle contient,
l'éiiumération. Parmi les plus impor-
tants, on peut ranger sans hésitation
ceux qui ont trait à l'organisation des
chemins de fer, puisqu'à leur base sont
des conflits qui préoccupent au plus
haut degré soit l'esprit public, soit l'o-
pinion parlementaire
Le Ministère est décidé à travailler
à la revision des Conventions en vi-
gueur et à proposer, d'autre part, des
dispositions légales de nature à forti-
fier et à étendre le droit de contrôle de
l'Etat sur des entreprises dont le bon
fonctionnement est lié à l'existence na-
tionale elle-même.
Nul ne peut contester le droit pré-
éminent de l'Etat sur les Compagnies
auxquelles il a donjaé, outre le soi
où est établie leur installation, 3 mil-
liards 743 millions. Il s'agit de savoir
si, devant les progrès de l'évolution
sociale, les pouvoirs de la Nation sur
les Chemins de fer ne doivent pas être
portés à une expression également
conforme aux nécessités financières du
Pays et à ce que peuvent avoir de lé-
gitime les exigences des travailleurs
de la voie ferrée.
Les Conventions de 1883 avaient
pour but l'achèvement des chemins de
fer du plan Freycinet, par la collabo-
ration financière de l'Etat et des Com-
pagnies. La loi du 17 juillet 1879 avait
porté à 8 848 kilomètres la longueur
de ces lignes. Survint la crise finan-
cière de 1882. Le Gouvernement se
crut obligé à avoir recours à l'indus-
trie privée. Il évalua la dépense à six
milliards et demi Le 21 février 1883,
le cabinet Jules Ferry disait, dans sa
Déclaration : « Nous allons ouvrir les
négociations avec les grandes Compa-
gnies de chemins de fer, dans le fer-
me espoir qu'il en sortira des Conven-
tions équitables, respectueuses des
droits de l'Etat, et qui faciliteront
l'exécution des grands travaux pu-
blics, sans charger à l'excès notre cré-
dit ».
Par opposition à la qualification de
« scélérates » qui leur fut donnée, M.
Rouvier les appelait plus tard « libé-
ratrices ». Il notait quen 1883, au
moment où elles se négociaient, la
Rente était à 79 francs ; moins de dix
ans après, en 1892, elle touchait au
pair. Les -Compagnies, afin de cons-
truire 13-000 kilomètres de voies fer-
rées, avaient emprunté 3 milliards et
amorti 1.850 millions. Et M. Rouvier
se demandait si un crédit public au-
rait pu faire un tel appel à l'épargne.
Il oubliait peut-être que c'était le cré-
dit de l'Etat qui faisait le crédit des
Compagnies.
Un certain nombre de républicains
proposaient alors le rachat. lies nou-
velles lignes que construisait l'Etat,
petites lignes destinées à compléter le
réseau déjà existant, devaient oemeu-
rer assez ;ngmps peu productives
pour le budget national, tandis qu'af-
fluant aux grandes artères des Compar
gnies, c'étaient celles-ci qui avaient
tout le profit. Pour sortir d'une situa-
lion onéreuse pour le Trésor, ne suf-
fisait-il point de racheter les lignes des
Compagnies ? Les partisans des Con-
ventions soutenaient qu'à la suite de
l'emprunt rendu nécessaire, le crédit
de l'Etat eût fléchi davantage encore,
parce que la dette eût augmenté. Mais
on oubliait de remarquer que la nou-
velle charge, généralement estimée à
20 milliards, aurait eu pour contre-,
partie une entreprise en pleine activité,
rémunérant normalement par eîle-mê- ;
me les capitaux engagés.
Il suffit de citer l'exemple de la
Suisse. Lorsque le rachat fut proposé,
il s'agissait d'ajouter à une dette de
150 millions un bloc de 1 milliard- Les
adversaires annoncèrent un fléchisse-
ment du crédit. C'est le coatraire qui
arriva.
La fluctuation des titres des Compa-
gnies, suivant la solidité des liens qui
les unissent à l'Etat, est un éloquent
témoignage du prestige financier de
celui-ci. En 1*894, certains journaux af-
firmaient que la garantie. prend r a il fin,
non pas, comme on le croyait, en fin
de concession, mais le 31 décembre
1914 Les actions des deux Compa-
gnies en question, le Midi et l'Orléans,
baissèrent de 150 francs environ en
dii jours, puis de 250 francs, quand
le ministre des Travaux publics eût
adopté ce point de vue. Elles ne re-
trouvèrent leur niveau initial que
quand le Conseil d'Etat eût annulé la
décision du ministre. N'est-il pas dé-
montré que le crédit de l'Etat est un
des meilleurs éléments constitutifs de
celui des Compagnies ?
Peut-on soutenir plus longtemps que
les Compagnies aont entièrement indé-
pendantes de la Nation ?
Elle est édifiante, la liste des privi-
lèges qu'elles obtinrent en 1883 : ga-
rantie du dividende pour les quatre
réseaux de l'Orléans, du Midi, de
l'Est, de l'Ouest ; suppression à peu
près générale de la limitation de leurs
dépenses de premier établissement ;
faculté d'emprunter, au compte de
construction, toutes les dépenses com-
plémentaires ; fixation, à la date de la
mise en exploitation, de l'origine de
la période de quinze ans pendant la-
quelle les lignes nouvelles devaient, en
cas de rachat, être reprises au prix de
premier établissement ; paiement des
travaux complémentaires exécutés
pendant les quinze dernières années ;
assurance qu'en cas de rachat pendant
la période de fonctionnement de la ga-
rantie, l'annuité serait réglée en com-
prenant, dans le revenu des dernières
années, les sommes versées par l'Etat.
On a eu souvent recours à la garan-
tie d'intérêt — le P.-L.-M. lui-même,
dès l'année suivante. Les partisans des
conventions affirmaient que la garan-
tie ne jouerait jamais ; or, en 1883,
les dividendes des Compagnies com-
mençaient à être en voie de diminution.
Le concours de l'Etat était la compen-
sation bienvenue du ralentissement
déjà prévu ciU trafic.
Depuis lors, le budget national a
compris des chapitres concernant les
annuités aux Chemins de fer et la ga-
rantie d'intérêt. Les charges d'em-
prunt eussent-elles été supérieures, si
elles avaient apparu à la Dette conso-
lidée, au 3,0/0 amortissable, aux obli-
gations sexennaires ? Certes non Les
Conventions ont servi les intérêts Sfes
actionnaires, et rendu de plus en plus
difficile le rachat. On a soutenu qu'el-
les avaient empêché l'Etat de devenir
industriel pour une trop large part.
Aujourd'hui, il l'est pour une part im-
portante. S'il est prouvé que sa ges-
tion est aussi bonne que celte des Com-
pagnies, pourquoi ne pas reviser les
Conventions, afin d'accroître, du
moins, les droits de l'Etat sur le do-
maine qu'elles exploitent ?
Il est vrai qu'entre 1950 et 1960, tous
les réseaux feront retour à la Nation.
La prospérité économique de la Fran-
ce n'est-elle pas un motif suffisant
pour envisager la possibilité, au cours
du demi-siècle restant, d'une exploita-
tion supérieure ? Il est possible, même
avec les Compagnies actuelles, d'ins-
taurer des conditions nouveHes.
Il ne s'agit pas de menacer, d'user
de l'intimidation, mais d'inviter à une
conversation sur d'autres bases. Quand
on songe aux facilités multiples ren-
contrées sur la plupart des réseaux de
l'étranger, on se prend à espérer que,
par intelligent patriotisme, les Com-
pagniés voudront avoir de plus en
plus, comme suprême ambition, de
contenter le public et de servir ainsi
les grands intérêts du Pays.
Albert SAUZÈDE
<+• —
LA POLITIQUE
1
LA « LEGALITE ANGLAISE »
ET LA FORCE SYNDICALE
Les socialistes unifiés, som-
més de se prononcer pour la
méthode révolutionnaire ou
pour la méthode réformiste, en
préfèrent une troisième qui est
«te se taire.
mais les faits parlent pour eux.
Un France, la politique antimilitaris-
te et antipatriste de la C. G. T. aboutit
pratiquement, selon les paroles de Jules
Guesde : « A diviser le prolétariat con-
tre lui-même m mettant nécessaire-
ment hors du syndicat ceux qui pensent
autrement. », « à obtenir des squelet-
tes de syndicats, non des syndicats
nombreux et forts ».
De fait, à la suite de la dernière grè-
ve des chemins de fer menée par une
poignée d'agitateurs anarchistes d8nt la
Tribune 4e la Voie ferrée, elle-même,
a fait justice, trente-cinq mille cotisants
ont quitté le Syndicat national. Au sur-
plus, sur douze millions de salariés
français, trois, cent mille à peine se sont
laissés enrôler par la C. G. T.
En Angleterre, le syndicalisme, évo-
luant dans la légalité et bornant son ac-
tion au terrain économique tend à réa-
liser l'unité du prolétariat et ne cesse
d'augmenter ses effectifs.
Au début de 1902, la population ou-
vrière étant évaluée à 7 millions d'hom-
mes et 3 millions de lemmes, 1,920,000
salariés cotisaient régulièrement à 1,236
syndicats.
ÏM force de concentration de ces syn-
dit,ats est telle que 100 d'entre eux
comptent à eux seuls 1,200,000 ouvriers,
SOif 60 pour 100 de l'effectif total. Leur
révenu dépasse 50 millions de francs et
leur fonds de réserve 95 millions.
Tandis que la C. G. T. emploie la
totalité de ses ressources misérables à
faire placarder des appels à la désertion
devant l'ennemi et à la destruction im-
bécile, les Trarle-Unions anglaises dé-
pensent en moyenne 8 millions par an
en secours de chômage, 5 millions
en secours de. gTèves, 9 millions en se-
cours aux malades et aux accidentés,
5 millions à constituer de-s retraites,
3 millions en frais de funérailles.
Pour assurer ce merveilleux dévelop-
pement du syndicalisme anglais, il n'a
fallu que recourir à la légalité. Le jour
où le Parlement républicain, complé-
tant l'œuvre de i884, accordera aux
syndicats français la capacité de possé-
der, les mêmes destinées s'ouvriront
devant lui.
Or, le Parlement, sollicité, nous en
sommés certains, par le Gouvernement,
est prêt à accorder cette grande réforme
sociale. Aux socialistes eux-mêmes de
dire s'ils poursuivent l'amélioration du
tort du prolétariat ou s'ils sont unique-
ment les fourriers de la réaction. M.
Jaurès, M. Thomas, devraient avoir à
cœur de répondre ; nous regrettons
pour eux qu'ils gardent le silence.
Lire en 2e page :
UN SPADASSIN BOUEUX
Nouvelle inédite de notre excellent
collaborateur
ESPADA
LES ON-DIT
-+-e-+--
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui mercredi :
Lever du soleil : 4 h. 35 du matin. *
Coucher du soleil : 7 h. 37 du soir.
Lever de la lune : 1 h 38 du soir.
Coucher de la lune : 10 h. 52 du soir.
Courses à Vichy.
AUTREFOIS
Le Rappel du 3 août 1875 :
La Chambre des lords vient d'adopter,
en troisième lecture, le projet de concession
d'un tunnel sous-marin entre l'Angleterre et
la France.
AUJOURD'HUI
Les nouveaux décorés
Il nous est très agréable de relever, par-
mi les dernières nominations au grade de
chevalier de la Légion d'honneur, celle de
M. Charmeil et celle de M. Bonet-Maury.
M. Charmeil, conseiller de préfecture d-e
la Seine, est directeur du cabinet civil du
ministre de la Guerre. Il occupait déjà
ces importantes fonctions, que M. Messimy
lui a demandé de conserver, au temps ou
M. Berteaux était le chef de l'armée. M.
Charmeil fut, durant de longues années,
le collaborateur intelligemment attentif et
affectueusement dévoué de notre ami re-
gretté ; il seconda Berteaux de tout son
pouvoir dans l'œuvre considérable et si
utile que réalisa le cher disparu, pour le
plus grand bien de la France et le plus
grand profit des idées républicaines. Nous
applaudissons à l'octroi de cette croix, mé-
ritée à tant de titres.
Comme M. Charmeil, M. Bonet-Maury est
entouré, dans le monde politique et dans
les milieux journalistiques, de i l'estime una-
nime. Le nouveau chevalier n'est pas seu-
lement chef du secrétariat général de la
présidence du Sénat. Nous le revendiquons
pour un des nôtres. Travailleur obstiné, en-
richissant chaque jour le bagage de ses so-
lides connaissances, il publie régulièrement
enir'autres travaux remarqués à bon droit,
après chaque session législative, un résu-
mé clair et méthodique des travaux de la
Chambre et du Sénat — où les historiens
politiques pourront largement et utilement
guiser. Noue sommes heureux de la dis-
ufïion dont notpe confrère est l'objet,
Fantaisie géographique
Une agence communique : r
« Hier s'est ouveri le 3* Congrès
« unionistique » auquel participent 300 sa-
vants théologie^ et prêtres venus de tous
les pays }.av, à l'exception de la Serbie
de la France, de l'Italie, de l'Allemagne. »
La. France, l'Italie et l'Allemagne pays
slaves, voilà qui est nouveau.
»
LVHffll BtVOLUTiDHAIIŒ
-+-.
« Qui crie fort a tort » dit le vieux pro-
verbe. M. Daniel Renoult crie bien fort
après nous, depuis peu, — depuis que nous
lui avons posé quelques questions embar-
rassantes sur ce qu'il pense des sabotages.
Hier, il nous accusait d'avoir changé
d'opinion en ce qui concerne les délits po-
litiques. Aujourd'hui, Il nous reproche de
ne pas blâmer les agents provocateurs.
M. Daniel Renoult a deux fois tort, tort
d'abuser des invectives, puisqu'il sait, au
besoin, user de l'argument ; tort aussi
de ne pas lire le Rappel.
Il y a déjà trois jours, confrère, que
nous avons exprimé notre avis sur « l'af-
faire Métivier » et nous n'avons pas caché
notice mépris pour tous ceux, mouchards
ou révolutionnaires qui multiplient les in-
citations au sabotage et à l'assassinat et
s'embusquent prudemment au moment du
danger, soit à la Tour Pointue, soit dans
un bureau de la C. G. T.
Mais quejque rôle qu'ait joué le « com-
pagnon Méfivier n, la question est de savoir
s'il y a eu délit de la part des Jeunes gar-
des révolutionnaires qui le capturèrent et
le retinrent prisonnier.
Le code pénal répondra pour vous, Mon-
sieur Daniel Renoult. Au reste,n'aurait-il pas
prévu et puni la séquestration arbitraire
que les Jeunes gardes, aux yeux de tous
les honnêtes gens, ne se seraient pas moins
mis en fâcheuse posture.
Voler un voleur, c'est .bel et bien voler.
M. Daniel Renoult oserait-il soutenir que
l'honneur socialiste moins chatouilleux
que l'honneur bourgeois, s'accommode fort
bien du mouchardage, pourvu que la vic-
time en soit un mouchard ?
u M SommamleiiEat
--+-e-+--
Nous lisons dans l'Autorité, sous la sî.
gnature de M. Paul de Cassagnac ;
c Le général Joffre, qui appartient à l'ar-
me du génie, n'a jamais exercé de comman-
dement effectif. Pendant 10 mois, il a été
placé à la tête du 2e corps d'armée, sans
s'y faire remarquer. C'est un commande-
ment nominal plus qu'effectif.
Jamais il n'a dirigé de manoeuvres ; ja-
mais il n'a fait évoluer des masses compa-
rables à celles qu'il serait appelé éventuel-
lement à lancer contre l'ennemi.
De tous les membres du Conseil supé-
rieur de la guerre, il était le moins quali-
fié. par sa carrière et ses états de services,
pour devenir le dépositaire des plus hau-
tes responsabilités.
Seulement, il est franc-maçon.
Et ce titre enlève à MM. Messimy et Cail-
laux la crainte de voir le général Joffre
marcher sur l'Elysée.
Une fois de plus, la politique la plus
néfaste l'emporte snr les considérations
techniques et sur l'intérêt national ».
Nous sommes surpris de trouver de pa-
reilles affirmations sous la plume d'un ad-
versaire d'autant de bonne foi et de loyauté
que M. de Cassagnac.
Nous avons déjà dit, et c'est un point
sur lequel nous défions le démenti, que le
général Joffre fut signalé au ministre de
la Guerre par le général Pau lui-même.
Cette désignation d'un officier libre-pen-
seur par un officier catholique militant at-
teste, quoi qu'en dise M. Paul de Cassa-
gnac, (pue « la politique ne l'emporte pas
toujours sur l'intérêt national». Cette cons-
tatation est pour réjouir tous les bons
Français.
L'Autorité ne se refusera pas à l'enre-
gistrer.
LA LIBÉRATION D'HERVÉ
--+8""--
Nous apprenons que M. Gustave Hervé,
directeur de la Guerre Sociale, qui purge
en ce moment-ci à Clairvaux une condam-
nation à quatre ans de prison, va être pro-
chainement libéré, bien qu'il lui reste
encore 34 mois à accomplir.
C'est ce que laissait entrevoir, hier, I Hu-
manité, « organe officiel du Parti J.
Ce sont les socialistes unifiés eux-mêmes
quf libéreront Hervé, non pas par la force,
avec des fusils et des piques, mais pacifi-
quement, par la puissance de leur bulletin
de vote. Ils enverront Hervé siéger à la
Chambre des députés, de même que tes ré-
volutionnaires du second Empire envoyè-
rent Rochefort au Corps Législatif.
Et l'Humanité, dans un lofig article, de-
mande un fauteuil pour Hervé au Palais-
Bourbon,
« Ce n'est nullement un mandat, ajoute-
t-efle, que les électeurs donneront à notre
ami Hervé, c'est la liberté. »
Député, Hervé sera libre. De plein droit,
il sortira de Clairvaux le jeudi qui suivra
son élection, c'est-à-dire le jour où la Com-
mission de recensement aura proclamé les
résultats. ,
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les
unifiés, tenant dans leurs mains la liberté
de leur « général », s'empressent de la lui
accorder.
Rien n'est plus facile, en effet :
Il y a à la Chambre 74 députés apparte-
nant au « Parti ».
L'un d'entre eux va donner sa démission
et cédera son siège à Hervé. Hervé sera
député et libre, dans quelques semaines.
On ne sait pas encore si c'est M. Jaurès,
M. Jules Guesde ou M. Albert Thomas qui
vont ambitionner le grand honneur de faire
sortir Hervé des geôles de la République.
; 1 NOS CHRONIQUEURS
A HÉLIGOLAND
■ ,lit.-
A propos de la Constitution de l'Al-
sace-Lorraine, Constitution si difficile
à « mettre sur pied », je ne sais pour-
quoi, comme d'instinct, me monte ce
nom à la mémoire : Héligoiand 1
C'est, H y a dix-huit années, ie crois,
que fut, par violence naturellement,
annexée à la Prusse l'île d'Héligoland
à l'embouchure du Weser et de l'Elbe,
« la terre verte aux flan'es rouges et aux
sables Wane.s ». Elle fut, tout d'abord,
comme l'Alsaee-Lorraine, obstinément
réfractaire à l'annexion. Germanisée de
force, toujours comme rAJsaiee-lxHTai-
ne, eUe protesta, e*, avec quieUie patrioti-
que énergie. Mais que vaJut ?
La lounde main prussienne s'abattait
SUT ce charmant îlot crevassé par la
blanchâtre et sans cesse agitée mer du
Nord et, aloçs, paraissant toujours prêt-
à s'engloutir ; « sur cette Ile romanti-
que en pyramide à surface étroite ». Si
ie petit Poucet la visitait, ayant chaus-
sé les bottes de l'ogre, il la franchirait
d'une seule enjambée, pour se noyer
dans les vagues bruyantes qui, s'écra-
sant jour et nuit contre les rocs, re-
jaillissent en gerbes lumineuses. Elle
s'abattait, cette main pesante, et, avec
dette main, venaient la désolation, les
misères.
« Héligoland, nous apprenaient alors
les dépèches venues d'Allemagne, est,
d'un bout à l'autre, transformée en for-
teresse. Sa population de pêcheurs au-
trefois exempte de toutes charges doit,
aujourd'hui, le service militaire et paye
de lourds impôts. Voilà ce que lui vaut
00 changement de nationalité ».
Cette même dépêche ajoutait :
a Dernièrement, une pauvre femme
fut expulsée de sa cabane, parce qu'elle
ne pouvait payer l'impôt. Et comme
elle se permit d'extialer un peu trop li-
brement ses plaintes, elle fut, avec bru-
talité, conduite en prison. »
Pauvres Héiigolandais, jusques à ce
jour, en q-uaai plein âge d'or, pensiez-
vous jamais tenter la convoitise d'un
conquérant, enfermés que vous étiez
dans votre îlot secoué pjr les vents I,
**#
« Là, écrivait M. Marmier, ce char-
mant conteur qui nous a laissé de si
piquante récits de voyage, là dans cette
île pas le piius petit élan industriel, pas
même les plus chétives moissons. Port
trop étroit pour qu'elle y puisse lancer
des bâtiments de commerce, et les chaî-
nes d'écueils qui l'enlacent de trois cô-
tés ne permettent pas aux navires de
haut bord l'app roche à plus d'un miMe
à l'est et à l'ouest, à plus d'un mille
au nord. Son terrain infertile se cou-
vre, en été, d'une herbe maigrelette où
pâture un troupeau de chèvres nour-
ries, en hiver, avec des restes de pois-
son bouilli. Par un pénible labeur, oh
tire encore de quelques champs, très
rares, une dérisoire récolte de pommes
de terre. Quant aux blés, ainsi qu'aux
autres céréales, il n'en saurait être ques-
tion.
Les Héligoiandais peuvent au moins,
sans peine, observer l'un des comman-
dements que Moïse imposait aux Hé-
breux : « Tu ne convoiteras ni le bœuf
ni l'âne de ton voisin » ; ils ne possè-
dent aucune de ces utiles bêtes do-
mestiques. Un Héligolandais, une fois,
voulut avoir une vache, une vraie va-
che vivante. Les enfants, aux grands.
yeux ébahis, l'allaient contempler, coin
me dans quelques-uns de nos plus ar
riérés villagteis français ils courent s'é -
bahir à la vue d'un éléphant ou d'un
chameau. La mer qui, de toute part,
cerne les Hélligolandais, est leur champ
de labour, leur patrimoine héréditai-
re ». ,
Puis, après la mer, ils mettent, suprê-
me ressource, l'air à contribution. Les
oiseaux voyageurs, lorsqu'ils émigrent,
le printemps arrivé, s'abattent sur le
sol pierreux pour s'y reposer de leur
pénible route. Souvent on voit s'avan-
cer des nuées de bécasses, d'alouettes
et de grives. Ces oiseaux qui traversent
la vaste mer tombent, parfois, tellement
épuisés qu'un marmot peut les prendre
avec la main. Leur apparition est, pour
les Héligolandais, ce qu'était, aux très
anciens autrefois, l'apparition des cail-
les ou de la manne pour les Israélites
dans leur marche à travers le désert.Un
tel événement jette l'indicible émoi.
Hommes, femmes, enfants, se ruent à
la nourrissante curée. Alors sont aban-
donnés le travaux du jour et les pas-
teurs eux-mêmes suspendent leur offi-
ce, incapables qu'ils soient de résister à
l'entraînement universel ; 'd'autant
plus que le temple se vide d'ouailles.
Le prédicateur, en chaire, parce qu'il
voit de plus haut par la lenêtre, coupe
brusque son homélie : « Mes frères,
mes frères, voici les bécasses 1 »
Aussitôt, il descend de sa chaire ; « la
communauté » se précipite en tumultr
hors de la nef et fous courent s'armer.
qui de son fusil, qui de sa lance. Un
touriste eh Héligoland affirme même
qu'une fois toute une cérémonie nup-
tiale fut interrompue. Les fiancés
étaient au pied de l'autel, prêts à re-
cevoir l'inutile bénédiction sacerdotale.
Soudain, du dehors, des cris arrivent :
« Les grives ! Les grives I » Alors, la
1 cérémonie commencée le matia ne s'a-
«
cheva que le soir, â$rès une copleuse
chasse.
***
Population honnête que ces liélige.
landais ; comme, d'ailleurs, tous les
gens de mer : hommes grands et forts,
femmes à taille élancée, à figure agréa-
ble. L'ancien costume frison : longue
jupe en drap rouge, bordée dans le
bas d'un large galon jaune ; corset en
soie, capote noire donnant certaine ap-
parence majestueuse et grave. Elles se
marient jeunes ; mais les perpétuelles
anxiétés qu'elles éprouvent lorsqu'elles
demeurent à la maison tandis que les
maris restent pendant de longues se*
maines exposés 'tUX terribles périls de
la mer, ces perpétuelles anxiétés les fa-
nent, les vieillissent avant que se puis-
sent adhever les années de leur nrin..
temps.
*%
Lorsque la Prusse prit possession île
cette terre misérable, « vaisseau dont la
quille ébranlée » ne peut, dans un ave-
nir prochain — si nous nous disons
qu'un millier d'années ne comptent
pour rien dans l'âge des mondes — ne
peart échapper au naufrage, à l'enseve-
lissement dans les ondes, ce fut un déf*
bordement d'enthousiasme. La. MIioft:
au casque pointu avait, ce jour-là, ca-
ché sous un gant de velours sa main
dominatrice. N'ayant vu que les réjouis-
sances, ces naîfe crurent, confiants, en
un avenir heureux. La Prusse ne les
protégerait-elle point contre « PavklHè
britannique » ?
Hélas I des douloureux lendemains
arrivaient si vite l Relisons ensemble
la dépêche : « Dernièrement, une fem-
me fut expulsée de sa cabane parce
qu'elle ne pouvait payer J'impôt. Et
comme elle se permit d'exhaler un peu
trop librement ses plaintes, elle fut
avec brutalité, conduite en prison. »
Pauvre Héligoland 1 toi qui fus con-
sacré, jadis, au dieu Foreste : le dieu
Scandinave de la douceur et de la rési
gnation 1
O. D'ANTAN.
Les Affaires du Maroe
Les négociations et l'opinion allemande
Berlin, 1er août. — La presse allemande
se montre fort réservée au sujet des af-
faires marocaines. Deux notes dominent
dans les commentaires des joinrnaux : la
première affirmée avec un peu trop dfast6-
tance peut-être est que le plus complet
accord de vues existe entre Guillaume Il
et M. de Kiderlen. La seconde annonce
que les conversations dureront probable-
ment longtemps encore.
L'opinion générale à Berlin incline coew
pendant à croire que les grandes lignes do
futur accord, si un tel accord doit surve-
nir, apparaîtront dans l'entretien de Mo
Cambon et de M. de Kiderlen, k qui aura
probablement lieu aujourd'hui.
L'hypothèse de la session du Togo con-
tinue à occuper la presse allemande. Uoe
personnalité coloniale déclare au Lokcd-An-
zeiger, que l'opinion publique serait aueel
déçue d'un tel accord que du traité de Zan-
zibar. -
Le Togo, y est-H dit, est la, plus allemande de
nos colonies. Les négociants y sont allemands,
tes missions religieuses aussi, et on y renonee-
rait pour le Congo, dont une part est sans va-
leur, et l'autre se trouve aux mains de compa-
nies privilégiées. Que devient le mot de l'em-
repeur sur l'aigle allemand qui ne lâche plus un
,ys, une foie qu'il y a implanté ses serres t
Quelle garantie auraient a l'avenir les commer-
^anU» si de tels échanges étaient possibles ? Heu-
leusement, la société coloniale allemande s'é-
raeut et ses membres les plue compétents se con-
sultent sur l'attitude à prendre.
Même note dans les Hamburger Nach-
'tchten qui écrivent \:
En de tels échanges, la question matérielle
n'intervient pas seule, car les considéraUons
idéales y ont aussi leur rôle. Nous ne pouvons
pas renoncer aisément a un pays comme le
logo, qui j. présente tant de sacrifices et que
nous possédons depuis si longtemps. -
Il est bien difficile d'apprécier l'irréduc-
tibilité de ces protestations contre la ees-,
sion du Togo. Il faut remarquer toutefois
que le Lokal-Anzeiger comme les Hambur-
ger Nachrichten, en alléguant uniquement
des arguments d'ordre sentimental, con-
viennent cependant de la médiocre valeur
économique du Togo.
Le bureau central des syndicats non 50..
cialistes, Hirsch-Duncker, représentant
plus de 100.000 ouvriers, a voté une résolu-
tion exhortant les gouvernements allemand,
français et anglais à trouver une solution
pacifique au différend marocain.
La plus belle gloire de l'empire, y esb-il dK,
est de nous assurer quarante ans de paix. Nous
voulons que cette gloire reste à l'empire.
La presse espagnole et les pourparlers
franco-allemands
Madrid, 1OT août. — Le Heraldo de Ma-
drid publie une correspondance berlinoise
-nvisageant l'avenir sous un jour assez pes-
simiste.
Il faudra céder à l'Allemagne, dit-il, quand
;lle aura formulé son ultimatum, ou ce sera la
gUeNe. européenne inévitable. Si la diplomatie
trouve cette fois encore une formule d'accom-
modement, on pourra aller encore doux ou trois <
ans de pfix année ; mais à moin-s que la France
et l'Angleterre ne se résolvent à céder successi-
vement aux prétentions de l'Allemagne, l'Europe
ne pourra échapper à la guerre.
L'Angleterre commence à le voir clairement,
et c'est à quoi font allusion tes dernières para.
les du discours de M. Lloyd George. Il faut,
pour la prix du Maroc, a l' Allemagne des CQm.
CIK< CENTIMES LE MIMCM
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71, rue du Paubourg-Saint-Martin TÉLÊPHONE
424-91 De 9 heures du soir à 3 heures du matin, 123, rue Montmartre, Téléphone 143-93
TRIBUNE LIBRE
u 1
La Révision des Conventions de 1883
-.
Il a été entendu que le1
Gouvernement mettrait à
profit les vacances pour
préparer la solution des
problèmes, dont la Décla-
ration ministérielle contient,
l'éiiumération. Parmi les plus impor-
tants, on peut ranger sans hésitation
ceux qui ont trait à l'organisation des
chemins de fer, puisqu'à leur base sont
des conflits qui préoccupent au plus
haut degré soit l'esprit public, soit l'o-
pinion parlementaire
Le Ministère est décidé à travailler
à la revision des Conventions en vi-
gueur et à proposer, d'autre part, des
dispositions légales de nature à forti-
fier et à étendre le droit de contrôle de
l'Etat sur des entreprises dont le bon
fonctionnement est lié à l'existence na-
tionale elle-même.
Nul ne peut contester le droit pré-
éminent de l'Etat sur les Compagnies
auxquelles il a donjaé, outre le soi
où est établie leur installation, 3 mil-
liards 743 millions. Il s'agit de savoir
si, devant les progrès de l'évolution
sociale, les pouvoirs de la Nation sur
les Chemins de fer ne doivent pas être
portés à une expression également
conforme aux nécessités financières du
Pays et à ce que peuvent avoir de lé-
gitime les exigences des travailleurs
de la voie ferrée.
Les Conventions de 1883 avaient
pour but l'achèvement des chemins de
fer du plan Freycinet, par la collabo-
ration financière de l'Etat et des Com-
pagnies. La loi du 17 juillet 1879 avait
porté à 8 848 kilomètres la longueur
de ces lignes. Survint la crise finan-
cière de 1882. Le Gouvernement se
crut obligé à avoir recours à l'indus-
trie privée. Il évalua la dépense à six
milliards et demi Le 21 février 1883,
le cabinet Jules Ferry disait, dans sa
Déclaration : « Nous allons ouvrir les
négociations avec les grandes Compa-
gnies de chemins de fer, dans le fer-
me espoir qu'il en sortira des Conven-
tions équitables, respectueuses des
droits de l'Etat, et qui faciliteront
l'exécution des grands travaux pu-
blics, sans charger à l'excès notre cré-
dit ».
Par opposition à la qualification de
« scélérates » qui leur fut donnée, M.
Rouvier les appelait plus tard « libé-
ratrices ». Il notait quen 1883, au
moment où elles se négociaient, la
Rente était à 79 francs ; moins de dix
ans après, en 1892, elle touchait au
pair. Les -Compagnies, afin de cons-
truire 13-000 kilomètres de voies fer-
rées, avaient emprunté 3 milliards et
amorti 1.850 millions. Et M. Rouvier
se demandait si un crédit public au-
rait pu faire un tel appel à l'épargne.
Il oubliait peut-être que c'était le cré-
dit de l'Etat qui faisait le crédit des
Compagnies.
Un certain nombre de républicains
proposaient alors le rachat. lies nou-
velles lignes que construisait l'Etat,
petites lignes destinées à compléter le
réseau déjà existant, devaient oemeu-
rer assez ;ngmps peu productives
pour le budget national, tandis qu'af-
fluant aux grandes artères des Compar
gnies, c'étaient celles-ci qui avaient
tout le profit. Pour sortir d'une situa-
lion onéreuse pour le Trésor, ne suf-
fisait-il point de racheter les lignes des
Compagnies ? Les partisans des Con-
ventions soutenaient qu'à la suite de
l'emprunt rendu nécessaire, le crédit
de l'Etat eût fléchi davantage encore,
parce que la dette eût augmenté. Mais
on oubliait de remarquer que la nou-
velle charge, généralement estimée à
20 milliards, aurait eu pour contre-,
partie une entreprise en pleine activité,
rémunérant normalement par eîle-mê- ;
me les capitaux engagés.
Il suffit de citer l'exemple de la
Suisse. Lorsque le rachat fut proposé,
il s'agissait d'ajouter à une dette de
150 millions un bloc de 1 milliard- Les
adversaires annoncèrent un fléchisse-
ment du crédit. C'est le coatraire qui
arriva.
La fluctuation des titres des Compa-
gnies, suivant la solidité des liens qui
les unissent à l'Etat, est un éloquent
témoignage du prestige financier de
celui-ci. En 1*894, certains journaux af-
firmaient que la garantie. prend r a il fin,
non pas, comme on le croyait, en fin
de concession, mais le 31 décembre
1914 Les actions des deux Compa-
gnies en question, le Midi et l'Orléans,
baissèrent de 150 francs environ en
dii jours, puis de 250 francs, quand
le ministre des Travaux publics eût
adopté ce point de vue. Elles ne re-
trouvèrent leur niveau initial que
quand le Conseil d'Etat eût annulé la
décision du ministre. N'est-il pas dé-
montré que le crédit de l'Etat est un
des meilleurs éléments constitutifs de
celui des Compagnies ?
Peut-on soutenir plus longtemps que
les Compagnies aont entièrement indé-
pendantes de la Nation ?
Elle est édifiante, la liste des privi-
lèges qu'elles obtinrent en 1883 : ga-
rantie du dividende pour les quatre
réseaux de l'Orléans, du Midi, de
l'Est, de l'Ouest ; suppression à peu
près générale de la limitation de leurs
dépenses de premier établissement ;
faculté d'emprunter, au compte de
construction, toutes les dépenses com-
plémentaires ; fixation, à la date de la
mise en exploitation, de l'origine de
la période de quinze ans pendant la-
quelle les lignes nouvelles devaient, en
cas de rachat, être reprises au prix de
premier établissement ; paiement des
travaux complémentaires exécutés
pendant les quinze dernières années ;
assurance qu'en cas de rachat pendant
la période de fonctionnement de la ga-
rantie, l'annuité serait réglée en com-
prenant, dans le revenu des dernières
années, les sommes versées par l'Etat.
On a eu souvent recours à la garan-
tie d'intérêt — le P.-L.-M. lui-même,
dès l'année suivante. Les partisans des
conventions affirmaient que la garan-
tie ne jouerait jamais ; or, en 1883,
les dividendes des Compagnies com-
mençaient à être en voie de diminution.
Le concours de l'Etat était la compen-
sation bienvenue du ralentissement
déjà prévu ciU trafic.
Depuis lors, le budget national a
compris des chapitres concernant les
annuités aux Chemins de fer et la ga-
rantie d'intérêt. Les charges d'em-
prunt eussent-elles été supérieures, si
elles avaient apparu à la Dette conso-
lidée, au 3,0/0 amortissable, aux obli-
gations sexennaires ? Certes non Les
Conventions ont servi les intérêts Sfes
actionnaires, et rendu de plus en plus
difficile le rachat. On a soutenu qu'el-
les avaient empêché l'Etat de devenir
industriel pour une trop large part.
Aujourd'hui, il l'est pour une part im-
portante. S'il est prouvé que sa ges-
tion est aussi bonne que celte des Com-
pagnies, pourquoi ne pas reviser les
Conventions, afin d'accroître, du
moins, les droits de l'Etat sur le do-
maine qu'elles exploitent ?
Il est vrai qu'entre 1950 et 1960, tous
les réseaux feront retour à la Nation.
La prospérité économique de la Fran-
ce n'est-elle pas un motif suffisant
pour envisager la possibilité, au cours
du demi-siècle restant, d'une exploita-
tion supérieure ? Il est possible, même
avec les Compagnies actuelles, d'ins-
taurer des conditions nouveHes.
Il ne s'agit pas de menacer, d'user
de l'intimidation, mais d'inviter à une
conversation sur d'autres bases. Quand
on songe aux facilités multiples ren-
contrées sur la plupart des réseaux de
l'étranger, on se prend à espérer que,
par intelligent patriotisme, les Com-
pagniés voudront avoir de plus en
plus, comme suprême ambition, de
contenter le public et de servir ainsi
les grands intérêts du Pays.
Albert SAUZÈDE
<+• —
LA POLITIQUE
1
LA « LEGALITE ANGLAISE »
ET LA FORCE SYNDICALE
Les socialistes unifiés, som-
més de se prononcer pour la
méthode révolutionnaire ou
pour la méthode réformiste, en
préfèrent une troisième qui est
«te se taire.
mais les faits parlent pour eux.
Un France, la politique antimilitaris-
te et antipatriste de la C. G. T. aboutit
pratiquement, selon les paroles de Jules
Guesde : « A diviser le prolétariat con-
tre lui-même m mettant nécessaire-
ment hors du syndicat ceux qui pensent
autrement. », « à obtenir des squelet-
tes de syndicats, non des syndicats
nombreux et forts ».
De fait, à la suite de la dernière grè-
ve des chemins de fer menée par une
poignée d'agitateurs anarchistes d8nt la
Tribune 4e la Voie ferrée, elle-même,
a fait justice, trente-cinq mille cotisants
ont quitté le Syndicat national. Au sur-
plus, sur douze millions de salariés
français, trois, cent mille à peine se sont
laissés enrôler par la C. G. T.
En Angleterre, le syndicalisme, évo-
luant dans la légalité et bornant son ac-
tion au terrain économique tend à réa-
liser l'unité du prolétariat et ne cesse
d'augmenter ses effectifs.
Au début de 1902, la population ou-
vrière étant évaluée à 7 millions d'hom-
mes et 3 millions de lemmes, 1,920,000
salariés cotisaient régulièrement à 1,236
syndicats.
ÏM force de concentration de ces syn-
dit,ats est telle que 100 d'entre eux
comptent à eux seuls 1,200,000 ouvriers,
SOif 60 pour 100 de l'effectif total. Leur
révenu dépasse 50 millions de francs et
leur fonds de réserve 95 millions.
Tandis que la C. G. T. emploie la
totalité de ses ressources misérables à
faire placarder des appels à la désertion
devant l'ennemi et à la destruction im-
bécile, les Trarle-Unions anglaises dé-
pensent en moyenne 8 millions par an
en secours de chômage, 5 millions
en secours de. gTèves, 9 millions en se-
cours aux malades et aux accidentés,
5 millions à constituer de-s retraites,
3 millions en frais de funérailles.
Pour assurer ce merveilleux dévelop-
pement du syndicalisme anglais, il n'a
fallu que recourir à la légalité. Le jour
où le Parlement républicain, complé-
tant l'œuvre de i884, accordera aux
syndicats français la capacité de possé-
der, les mêmes destinées s'ouvriront
devant lui.
Or, le Parlement, sollicité, nous en
sommés certains, par le Gouvernement,
est prêt à accorder cette grande réforme
sociale. Aux socialistes eux-mêmes de
dire s'ils poursuivent l'amélioration du
tort du prolétariat ou s'ils sont unique-
ment les fourriers de la réaction. M.
Jaurès, M. Thomas, devraient avoir à
cœur de répondre ; nous regrettons
pour eux qu'ils gardent le silence.
Lire en 2e page :
UN SPADASSIN BOUEUX
Nouvelle inédite de notre excellent
collaborateur
ESPADA
LES ON-DIT
-+-e-+--
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui mercredi :
Lever du soleil : 4 h. 35 du matin. *
Coucher du soleil : 7 h. 37 du soir.
Lever de la lune : 1 h 38 du soir.
Coucher de la lune : 10 h. 52 du soir.
Courses à Vichy.
AUTREFOIS
Le Rappel du 3 août 1875 :
La Chambre des lords vient d'adopter,
en troisième lecture, le projet de concession
d'un tunnel sous-marin entre l'Angleterre et
la France.
AUJOURD'HUI
Les nouveaux décorés
Il nous est très agréable de relever, par-
mi les dernières nominations au grade de
chevalier de la Légion d'honneur, celle de
M. Charmeil et celle de M. Bonet-Maury.
M. Charmeil, conseiller de préfecture d-e
la Seine, est directeur du cabinet civil du
ministre de la Guerre. Il occupait déjà
ces importantes fonctions, que M. Messimy
lui a demandé de conserver, au temps ou
M. Berteaux était le chef de l'armée. M.
Charmeil fut, durant de longues années,
le collaborateur intelligemment attentif et
affectueusement dévoué de notre ami re-
gretté ; il seconda Berteaux de tout son
pouvoir dans l'œuvre considérable et si
utile que réalisa le cher disparu, pour le
plus grand bien de la France et le plus
grand profit des idées républicaines. Nous
applaudissons à l'octroi de cette croix, mé-
ritée à tant de titres.
Comme M. Charmeil, M. Bonet-Maury est
entouré, dans le monde politique et dans
les milieux journalistiques, de i l'estime una-
nime. Le nouveau chevalier n'est pas seu-
lement chef du secrétariat général de la
présidence du Sénat. Nous le revendiquons
pour un des nôtres. Travailleur obstiné, en-
richissant chaque jour le bagage de ses so-
lides connaissances, il publie régulièrement
enir'autres travaux remarqués à bon droit,
après chaque session législative, un résu-
mé clair et méthodique des travaux de la
Chambre et du Sénat — où les historiens
politiques pourront largement et utilement
guiser. Noue sommes heureux de la dis-
ufïion dont notpe confrère est l'objet,
Fantaisie géographique
Une agence communique : r
« Hier s'est ouveri le 3* Congrès
« unionistique » auquel participent 300 sa-
vants théologie^ et prêtres venus de tous
les pays }.av, à l'exception de la Serbie
de la France, de l'Italie, de l'Allemagne. »
La. France, l'Italie et l'Allemagne pays
slaves, voilà qui est nouveau.
»
LVHffll BtVOLUTiDHAIIŒ
-+-.
« Qui crie fort a tort » dit le vieux pro-
verbe. M. Daniel Renoult crie bien fort
après nous, depuis peu, — depuis que nous
lui avons posé quelques questions embar-
rassantes sur ce qu'il pense des sabotages.
Hier, il nous accusait d'avoir changé
d'opinion en ce qui concerne les délits po-
litiques. Aujourd'hui, Il nous reproche de
ne pas blâmer les agents provocateurs.
M. Daniel Renoult a deux fois tort, tort
d'abuser des invectives, puisqu'il sait, au
besoin, user de l'argument ; tort aussi
de ne pas lire le Rappel.
Il y a déjà trois jours, confrère, que
nous avons exprimé notre avis sur « l'af-
faire Métivier » et nous n'avons pas caché
notice mépris pour tous ceux, mouchards
ou révolutionnaires qui multiplient les in-
citations au sabotage et à l'assassinat et
s'embusquent prudemment au moment du
danger, soit à la Tour Pointue, soit dans
un bureau de la C. G. T.
Mais quejque rôle qu'ait joué le « com-
pagnon Méfivier n, la question est de savoir
s'il y a eu délit de la part des Jeunes gar-
des révolutionnaires qui le capturèrent et
le retinrent prisonnier.
Le code pénal répondra pour vous, Mon-
sieur Daniel Renoult. Au reste,n'aurait-il pas
prévu et puni la séquestration arbitraire
que les Jeunes gardes, aux yeux de tous
les honnêtes gens, ne se seraient pas moins
mis en fâcheuse posture.
Voler un voleur, c'est .bel et bien voler.
M. Daniel Renoult oserait-il soutenir que
l'honneur socialiste moins chatouilleux
que l'honneur bourgeois, s'accommode fort
bien du mouchardage, pourvu que la vic-
time en soit un mouchard ?
u M SommamleiiEat
--+-e-+--
Nous lisons dans l'Autorité, sous la sî.
gnature de M. Paul de Cassagnac ;
c Le général Joffre, qui appartient à l'ar-
me du génie, n'a jamais exercé de comman-
dement effectif. Pendant 10 mois, il a été
placé à la tête du 2e corps d'armée, sans
s'y faire remarquer. C'est un commande-
ment nominal plus qu'effectif.
Jamais il n'a dirigé de manoeuvres ; ja-
mais il n'a fait évoluer des masses compa-
rables à celles qu'il serait appelé éventuel-
lement à lancer contre l'ennemi.
De tous les membres du Conseil supé-
rieur de la guerre, il était le moins quali-
fié. par sa carrière et ses états de services,
pour devenir le dépositaire des plus hau-
tes responsabilités.
Seulement, il est franc-maçon.
Et ce titre enlève à MM. Messimy et Cail-
laux la crainte de voir le général Joffre
marcher sur l'Elysée.
Une fois de plus, la politique la plus
néfaste l'emporte snr les considérations
techniques et sur l'intérêt national ».
Nous sommes surpris de trouver de pa-
reilles affirmations sous la plume d'un ad-
versaire d'autant de bonne foi et de loyauté
que M. de Cassagnac.
Nous avons déjà dit, et c'est un point
sur lequel nous défions le démenti, que le
général Joffre fut signalé au ministre de
la Guerre par le général Pau lui-même.
Cette désignation d'un officier libre-pen-
seur par un officier catholique militant at-
teste, quoi qu'en dise M. Paul de Cassa-
gnac, (pue « la politique ne l'emporte pas
toujours sur l'intérêt national». Cette cons-
tatation est pour réjouir tous les bons
Français.
L'Autorité ne se refusera pas à l'enre-
gistrer.
LA LIBÉRATION D'HERVÉ
--+8""--
Nous apprenons que M. Gustave Hervé,
directeur de la Guerre Sociale, qui purge
en ce moment-ci à Clairvaux une condam-
nation à quatre ans de prison, va être pro-
chainement libéré, bien qu'il lui reste
encore 34 mois à accomplir.
C'est ce que laissait entrevoir, hier, I Hu-
manité, « organe officiel du Parti J.
Ce sont les socialistes unifiés eux-mêmes
quf libéreront Hervé, non pas par la force,
avec des fusils et des piques, mais pacifi-
quement, par la puissance de leur bulletin
de vote. Ils enverront Hervé siéger à la
Chambre des députés, de même que tes ré-
volutionnaires du second Empire envoyè-
rent Rochefort au Corps Législatif.
Et l'Humanité, dans un lofig article, de-
mande un fauteuil pour Hervé au Palais-
Bourbon,
« Ce n'est nullement un mandat, ajoute-
t-efle, que les électeurs donneront à notre
ami Hervé, c'est la liberté. »
Député, Hervé sera libre. De plein droit,
il sortira de Clairvaux le jeudi qui suivra
son élection, c'est-à-dire le jour où la Com-
mission de recensement aura proclamé les
résultats. ,
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les
unifiés, tenant dans leurs mains la liberté
de leur « général », s'empressent de la lui
accorder.
Rien n'est plus facile, en effet :
Il y a à la Chambre 74 députés apparte-
nant au « Parti ».
L'un d'entre eux va donner sa démission
et cédera son siège à Hervé. Hervé sera
député et libre, dans quelques semaines.
On ne sait pas encore si c'est M. Jaurès,
M. Jules Guesde ou M. Albert Thomas qui
vont ambitionner le grand honneur de faire
sortir Hervé des geôles de la République.
; 1 NOS CHRONIQUEURS
A HÉLIGOLAND
■ ,lit.-
A propos de la Constitution de l'Al-
sace-Lorraine, Constitution si difficile
à « mettre sur pied », je ne sais pour-
quoi, comme d'instinct, me monte ce
nom à la mémoire : Héligoiand 1
C'est, H y a dix-huit années, ie crois,
que fut, par violence naturellement,
annexée à la Prusse l'île d'Héligoland
à l'embouchure du Weser et de l'Elbe,
« la terre verte aux flan'es rouges et aux
sables Wane.s ». Elle fut, tout d'abord,
comme l'Alsaee-Lorraine, obstinément
réfractaire à l'annexion. Germanisée de
force, toujours comme rAJsaiee-lxHTai-
ne, eUe protesta, e*, avec quieUie patrioti-
que énergie. Mais que vaJut ?
La lounde main prussienne s'abattait
SUT ce charmant îlot crevassé par la
blanchâtre et sans cesse agitée mer du
Nord et, aloçs, paraissant toujours prêt-
à s'engloutir ; « sur cette Ile romanti-
que en pyramide à surface étroite ». Si
ie petit Poucet la visitait, ayant chaus-
sé les bottes de l'ogre, il la franchirait
d'une seule enjambée, pour se noyer
dans les vagues bruyantes qui, s'écra-
sant jour et nuit contre les rocs, re-
jaillissent en gerbes lumineuses. Elle
s'abattait, cette main pesante, et, avec
dette main, venaient la désolation, les
misères.
« Héligoland, nous apprenaient alors
les dépèches venues d'Allemagne, est,
d'un bout à l'autre, transformée en for-
teresse. Sa population de pêcheurs au-
trefois exempte de toutes charges doit,
aujourd'hui, le service militaire et paye
de lourds impôts. Voilà ce que lui vaut
00 changement de nationalité ».
Cette même dépêche ajoutait :
a Dernièrement, une pauvre femme
fut expulsée de sa cabane, parce qu'elle
ne pouvait payer l'impôt. Et comme
elle se permit d'extialer un peu trop li-
brement ses plaintes, elle fut, avec bru-
talité, conduite en prison. »
Pauvres Héiigolandais, jusques à ce
jour, en q-uaai plein âge d'or, pensiez-
vous jamais tenter la convoitise d'un
conquérant, enfermés que vous étiez
dans votre îlot secoué pjr les vents I,
**#
« Là, écrivait M. Marmier, ce char-
mant conteur qui nous a laissé de si
piquante récits de voyage, là dans cette
île pas le piius petit élan industriel, pas
même les plus chétives moissons. Port
trop étroit pour qu'elle y puisse lancer
des bâtiments de commerce, et les chaî-
nes d'écueils qui l'enlacent de trois cô-
tés ne permettent pas aux navires de
haut bord l'app roche à plus d'un miMe
à l'est et à l'ouest, à plus d'un mille
au nord. Son terrain infertile se cou-
vre, en été, d'une herbe maigrelette où
pâture un troupeau de chèvres nour-
ries, en hiver, avec des restes de pois-
son bouilli. Par un pénible labeur, oh
tire encore de quelques champs, très
rares, une dérisoire récolte de pommes
de terre. Quant aux blés, ainsi qu'aux
autres céréales, il n'en saurait être ques-
tion.
Les Héligoiandais peuvent au moins,
sans peine, observer l'un des comman-
dements que Moïse imposait aux Hé-
breux : « Tu ne convoiteras ni le bœuf
ni l'âne de ton voisin » ; ils ne possè-
dent aucune de ces utiles bêtes do-
mestiques. Un Héligolandais, une fois,
voulut avoir une vache, une vraie va-
che vivante. Les enfants, aux grands.
yeux ébahis, l'allaient contempler, coin
me dans quelques-uns de nos plus ar
riérés villagteis français ils courent s'é -
bahir à la vue d'un éléphant ou d'un
chameau. La mer qui, de toute part,
cerne les Hélligolandais, est leur champ
de labour, leur patrimoine héréditai-
re ». ,
Puis, après la mer, ils mettent, suprê-
me ressource, l'air à contribution. Les
oiseaux voyageurs, lorsqu'ils émigrent,
le printemps arrivé, s'abattent sur le
sol pierreux pour s'y reposer de leur
pénible route. Souvent on voit s'avan-
cer des nuées de bécasses, d'alouettes
et de grives. Ces oiseaux qui traversent
la vaste mer tombent, parfois, tellement
épuisés qu'un marmot peut les prendre
avec la main. Leur apparition est, pour
les Héligolandais, ce qu'était, aux très
anciens autrefois, l'apparition des cail-
les ou de la manne pour les Israélites
dans leur marche à travers le désert.Un
tel événement jette l'indicible émoi.
Hommes, femmes, enfants, se ruent à
la nourrissante curée. Alors sont aban-
donnés le travaux du jour et les pas-
teurs eux-mêmes suspendent leur offi-
ce, incapables qu'ils soient de résister à
l'entraînement universel ; 'd'autant
plus que le temple se vide d'ouailles.
Le prédicateur, en chaire, parce qu'il
voit de plus haut par la lenêtre, coupe
brusque son homélie : « Mes frères,
mes frères, voici les bécasses 1 »
Aussitôt, il descend de sa chaire ; « la
communauté » se précipite en tumultr
hors de la nef et fous courent s'armer.
qui de son fusil, qui de sa lance. Un
touriste eh Héligoland affirme même
qu'une fois toute une cérémonie nup-
tiale fut interrompue. Les fiancés
étaient au pied de l'autel, prêts à re-
cevoir l'inutile bénédiction sacerdotale.
Soudain, du dehors, des cris arrivent :
« Les grives ! Les grives I » Alors, la
1 cérémonie commencée le matia ne s'a-
«
cheva que le soir, â$rès une copleuse
chasse.
***
Population honnête que ces liélige.
landais ; comme, d'ailleurs, tous les
gens de mer : hommes grands et forts,
femmes à taille élancée, à figure agréa-
ble. L'ancien costume frison : longue
jupe en drap rouge, bordée dans le
bas d'un large galon jaune ; corset en
soie, capote noire donnant certaine ap-
parence majestueuse et grave. Elles se
marient jeunes ; mais les perpétuelles
anxiétés qu'elles éprouvent lorsqu'elles
demeurent à la maison tandis que les
maris restent pendant de longues se*
maines exposés 'tUX terribles périls de
la mer, ces perpétuelles anxiétés les fa-
nent, les vieillissent avant que se puis-
sent adhever les années de leur nrin..
temps.
*%
Lorsque la Prusse prit possession île
cette terre misérable, « vaisseau dont la
quille ébranlée » ne peut, dans un ave-
nir prochain — si nous nous disons
qu'un millier d'années ne comptent
pour rien dans l'âge des mondes — ne
peart échapper au naufrage, à l'enseve-
lissement dans les ondes, ce fut un déf*
bordement d'enthousiasme. La. MIioft:
au casque pointu avait, ce jour-là, ca-
ché sous un gant de velours sa main
dominatrice. N'ayant vu que les réjouis-
sances, ces naîfe crurent, confiants, en
un avenir heureux. La Prusse ne les
protégerait-elle point contre « PavklHè
britannique » ?
Hélas I des douloureux lendemains
arrivaient si vite l Relisons ensemble
la dépêche : « Dernièrement, une fem-
me fut expulsée de sa cabane parce
qu'elle ne pouvait payer J'impôt. Et
comme elle se permit d'exhaler un peu
trop librement ses plaintes, elle fut
avec brutalité, conduite en prison. »
Pauvre Héligoland 1 toi qui fus con-
sacré, jadis, au dieu Foreste : le dieu
Scandinave de la douceur et de la rési
gnation 1
O. D'ANTAN.
Les Affaires du Maroe
Les négociations et l'opinion allemande
Berlin, 1er août. — La presse allemande
se montre fort réservée au sujet des af-
faires marocaines. Deux notes dominent
dans les commentaires des joinrnaux : la
première affirmée avec un peu trop dfast6-
tance peut-être est que le plus complet
accord de vues existe entre Guillaume Il
et M. de Kiderlen. La seconde annonce
que les conversations dureront probable-
ment longtemps encore.
L'opinion générale à Berlin incline coew
pendant à croire que les grandes lignes do
futur accord, si un tel accord doit surve-
nir, apparaîtront dans l'entretien de Mo
Cambon et de M. de Kiderlen, k qui aura
probablement lieu aujourd'hui.
L'hypothèse de la session du Togo con-
tinue à occuper la presse allemande. Uoe
personnalité coloniale déclare au Lokcd-An-
zeiger, que l'opinion publique serait aueel
déçue d'un tel accord que du traité de Zan-
zibar. -
Le Togo, y est-H dit, est la, plus allemande de
nos colonies. Les négociants y sont allemands,
tes missions religieuses aussi, et on y renonee-
rait pour le Congo, dont une part est sans va-
leur, et l'autre se trouve aux mains de compa-
nies privilégiées. Que devient le mot de l'em-
repeur sur l'aigle allemand qui ne lâche plus un
,ys, une foie qu'il y a implanté ses serres t
Quelle garantie auraient a l'avenir les commer-
^anU» si de tels échanges étaient possibles ? Heu-
leusement, la société coloniale allemande s'é-
raeut et ses membres les plue compétents se con-
sultent sur l'attitude à prendre.
Même note dans les Hamburger Nach-
'tchten qui écrivent \:
En de tels échanges, la question matérielle
n'intervient pas seule, car les considéraUons
idéales y ont aussi leur rôle. Nous ne pouvons
pas renoncer aisément a un pays comme le
logo, qui j. présente tant de sacrifices et que
nous possédons depuis si longtemps. -
Il est bien difficile d'apprécier l'irréduc-
tibilité de ces protestations contre la ees-,
sion du Togo. Il faut remarquer toutefois
que le Lokal-Anzeiger comme les Hambur-
ger Nachrichten, en alléguant uniquement
des arguments d'ordre sentimental, con-
viennent cependant de la médiocre valeur
économique du Togo.
Le bureau central des syndicats non 50..
cialistes, Hirsch-Duncker, représentant
plus de 100.000 ouvriers, a voté une résolu-
tion exhortant les gouvernements allemand,
français et anglais à trouver une solution
pacifique au différend marocain.
La plus belle gloire de l'empire, y esb-il dK,
est de nous assurer quarante ans de paix. Nous
voulons que cette gloire reste à l'empire.
La presse espagnole et les pourparlers
franco-allemands
Madrid, 1OT août. — Le Heraldo de Ma-
drid publie une correspondance berlinoise
-nvisageant l'avenir sous un jour assez pes-
simiste.
Il faudra céder à l'Allemagne, dit-il, quand
;lle aura formulé son ultimatum, ou ce sera la
gUeNe. européenne inévitable. Si la diplomatie
trouve cette fois encore une formule d'accom-
modement, on pourra aller encore doux ou trois <
ans de pfix année ; mais à moin-s que la France
et l'Angleterre ne se résolvent à céder successi-
vement aux prétentions de l'Allemagne, l'Europe
ne pourra échapper à la guerre.
L'Angleterre commence à le voir clairement,
et c'est à quoi font allusion tes dernières para.
les du discours de M. Lloyd George. Il faut,
pour la prix du Maroc, a l' Allemagne des CQm.
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