Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-10-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 octobre 1907 19 octobre 1907
Description : 1907/10/19 (N13735). 1907/10/19 (N13735).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75498980
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
KM373». -- Se Vendémiaire An 110 - -- -.-.-. «8HO OBKTlMBS IiB BTOHEBHO --
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Samedi 19 Octobre 1907. — N* 137 3S.
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Paris. 2fr. 6fr. 9fr. 19 tri
Départements.. 2— 6— ti - 20 -
Ciiioa Postale. 3 — 9 — 46 æ-
otâDAC-rION : 14, RUE DU MAIL, PARIS
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LOUIS PUECH
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ADMINISTRATION : 14, RUE DU mate
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OPZNZONS
Réflexions sur.
I Expédition marocaine
Tandis que se dissipe la fumée de la
poudre brûlée au Maroc, l'opinion pu-
blique commence à se rendre compte
peu à peu des conditions de l'expédi-
tion faite et des profits qui peuvent en
résulter pour la France. Lettres et cor-
respondances abondent, apportant cha-
que jour de nouveaux détails. Il nous
sera permis de croire encore et de pro-
clamer que le gouvernement aurait sa-
gement agi en acceptant les conseils
des Chambres, et que (lles-ci auraient
été bien inspirées en donnant au ipays
le spectacle d'une activité, d'un souci
de ses intérêts qui ne l'a pas frappé de-
puis longtemps.
Pour en revenir à l'expédition maro-
caine elle-même et aux réflexions
qu'elle suscite, ce qui frappe tout d'a-
bord, c'est l'effort disproportionné dé-
ployé par nous. A. d$» hordes indiscipli-
nées et mal armées, dont le nombre, si
nous en croyons des témoins tout à fait
bien renseignés, fut toujours inférieur,
des trois quarts au moins, aux chiffres
Cités par les journaux, nous avons op-
posé :
1° Une armée de 6.000 hommes,
Comprenant infanterie, cavalerie, ar-
tillerie, génie, ballons militaires, télé-
graphie, intendance, hôpitaux de cam-
pagne, etc.
2° Un corps volontaire de 120 gou-
âmiers, équipés et entretenus par l'Etat.
3° Une flotte de guerre comprenant
actuellement :
Gloire, croiseur cuirassé. 615 hommes
Condé, id. 615 --
, 1Amiral-Aube id. 615 -
Galilée id. (plus petit).. 269 -
Forbin, croiseur protégé. 210 -
Du Chayla, id. c. 370 -
Cassini, id. 143 -
3 contre-torpilleurs. 186 -
4 grands transports de guerre. 800 —
4° Un service accessoire de ravitail-
lement par cargo-boats affrétés par
l'Etat (Gaule, Oasis, etc.)
50 A cette énumeration il faut ajou-
ter les navires de guerre mobilisés à
Mers-el-Kébir et à Tanger :
A Mers-el-Kébar : Jules-Ferry, croiseur
cuirassé, 615 hommes.
A Mers el Kébis : Jules-Fcmj, croiseur
626 hommes » Desaix, , croiseur cuirassé,
531 hommes.
Si au chiffre global des équipages, on
ajoute celui des états-majors, on voit
que la force navale détachée au Maroc
comprend environ 5.300 hommes, dont
4.971 exactement d'équipages nor-
maux ; au total, nous avons donc plus
de 11.000 hommes au Maroc !
Cet organisme militaire, comme tous
les organismes, ne produit de l'cr.ergie
qu'à la condition de s'alimenter. Son
alimentation (vivres, habillements,cam-
pements à terre, médicaments) et le dé-
ploiement de son énergie (armes et mu-
nitions. de guerre, ces dernières dépen-
sées sans compter), représentent un dé-
bours énorme, qui devient accablant
lorsque l'on considère, en regard de son
formidable chiffre, la navrante mai-
greur du résultat obtenu.
iPour tout cet argent prodigué, pour
toutes ces existences humaines sacri-
fiées, qu'avons-nous obtenu ? En pa-
reille matière, nous n'ignorons pas que
la diplomatie a trop de discrétion pour
que l'on puisse suivre, jour par jour,les
progrès réalisés. Il n'en reste pas moins
qu'à l'heure actuelle, nous ignorons où
nous en sommes. Avec qui traitera-t-on
et sur quelles bases ? Et si, obligés par
les puissances signataires d'Algésiras,
de nous maintenir dans notre rôle de
bon gendarme pacificateur, nous avons
sincèrement l'intention d'en rester là,
allons-nous laisser, pour faire la police
de Casablanca, 11.000 hommes et 17
navires de guerre, là où il suffit de
2.000 hommes et de 30 gendarmes pour
faire régner un calme varsovien dans
un rayon de 20 kilomètres ?
D'autant que nos collaborateurs es-
pagnols, qui ont su jouer un rôle bien
effacé pendant toute la phase active
- des opérations, suffisent largement à
accomplir par leurs moyens la moitié
de cette besogne. En attendant, les mil-
lions s'évanouissent en fumée de pou-
dre et de charbon. En cette saison, sur
la rade ouverte de Casablanca, les na-
vires de guerre, brutalement secoués
par la houle du large, sont constam-
ment « sous les feux! », prêts à gagner
la haute mer pour éviter le risque d'être
jetés à la côte.
A terre, l'armée d'occupation gîte
dans un camp malencontreusement éta-
bli en contre-bas, sous le rempart ouest
de la ville : tentes insuffisantes, que les
premières pluies ont déjà détrempées ;
moyens de couchage à peu près nuls ;
aucune protection contre le froid qui
commence. Comme eau potable, une
eau chargée de sels de magnésie, pur-
gative par conséquent, et souillée d'im-
puretés. L'appareil distillatoire fourni
par la marine à terre donne pénible-
ment un demi-litre d'eau par homme et
par jour.
Le paludisme, la dysenterie et la fiè-
vre typhoïde habitent ce camp mal ins-
tallé. On se préoccupe aujourd'hui de
faire construire des baraquements pour
l'hivernage. C'est fort bien. Mais ne
pourrait-on pas aussi songer à restrein-
dre les dépenses générales en restrei-
gnant le personnel mis sur pied ? Il
semble trop, décidément,que l'on veuil-
le donner à cette aventure une impor-
tance qu'elle n'a pas.
Un détail dont nous garantissons
l'authenticité : sur 80 malades rame-
nés à 'Oran, le mois dernier, on comp-
tait seulement 17 blessures de guerre.
Pendant des années nous avons subi,
avec une patience qui a étonné le mon-
de, toutes les insolences marocaines.
Aujourd'hui nous mettons en campagne
une armée de 11.000 hommes, nous ti-
rons des obus par centaines, des balles
par milliers, tout cela pour amener à
résipiscence quelques hordes d'Arabes
pillards. Total, deux exagérations dia-
métralement opposées.
Dans quelques jours, les Chambres
vont s'occuper de la question. Placées
en face du fait accompli, que peu-
vent-elles faire ? Faire entendre d'inu-
tiles conseils ou exprimer des vœux
stériles. Est-ce vraiment dans ce but
que les Parlements, dans un régime de
libre critique et de large discussion,
ont été créés ? On nous permetU-a d'en
douter très fort.
LOUIS MARTIN.
LA MOTION DE NANCY
La motion de Nancy n'est
pas aussi obscure qu'on se
plaît à le répéter. Elle est, au
contraire, d'une lumineuse
clarté. Il suffit pour s'en
convaincre, de la prendre en
elle-même, dans ses termes, dans le but
spécial qu'elle doit atteindre, et de ne
pas la solliciter par des interprétations
de combat.
Que voulions-nous? Traiter une ques-
tion de droit électoral ? Régler les dé-
sistements ? Pas le moins du monde.
La tactique purement électorale, les dé-
sistements seront réglés par chaque Fé-
dération suivant les circonstances de
temps et de lieu, au mieux des intérêts
généraux du parti. Les Fédérations
tiennent ce droit de délibérations pos-
térieures prises par le Congrès. Pour-
quoi la motion de la Fédération de la
Seine, autour de laquelle on avait me-
né si grand bruit, a-t-elle été écartée,
d'un consentement presque unanime ?
Précisément parce que, sur ce point,
elle engageait l'avenir.
Il ne s'agissait, on ne saurait trop le
dire, que d'une chose : trouver une for-
mule de désaveu des actes et des doc-
trines antimilitaristes. Deux motions
étaient en présence : la première ré-
prouvait ces doctrines et ces actes com-
me insensés et criminels ; la seconde
plaçait leurs auteurs hors de la Répu-
blique, hors du bloc de gauche, avec
injonction impérative aux radicaux de
ne jamais, sous aucun prétexte, leur
donner leur suffrage. C'est la seconde
qui fut adoptée comme plus énergique.
Rien de plus clair.
Mais, nous dit-on, que vise exacte-
ment votre motion ? Vise-t-elle l'ordre
du jour voté à Nancy par le parti so-
cialiste unifié, cet ordre du jour auquel
Hervé a donné son adhésion ? Vise-
t-elle, tout au moins, la majorité qui l'a
fait sien ? Le Congrus radical a pensé
qu'il ne lui appartenait pas de désigner
nominativement telle ou telle manifes-
tation antimilitariste, tel ou tel des
hommes qui s'y étaient plus ou moins
personnellement associés. Les manifes-
tations individuelles ou collectives sont
mobiles et changeantes. Le fond de la
scène politique varie constamment.
C'est à l'électeur mis à pied d'œuvre,
de se décider en son âme et conscience,
en s'inspirant du sentiment unanime du
Congrès de son parti.
Mais la révolution du 4 septembre ne
s'est-elle pas faite en présence de l'en-
nemi, en cours de guerre ? N'avons-
nous pas ainsi renié nos origines ? Quel
sophisme !
Ce que nous réprouvons, c'est le fait,
en temps de paix, de prêcher la déser-
tion et de voiler cet acte de lâcheté
sous je ne sais quelle apparence doctri-
nale. C'est ensuite l'abominable dessein
de paralyser la mobilisation, de désor-
ganiser la défense, de préconiser la
grève générale, au moment de la tle-
claration de guerre, à l'heure même où
l'ennemi fond sur le pays. Qu'y a-t-fl
de commun, vraiment, entre les théori-
ciens, les propagandistes de ces doc-
trines criminelles et les hommes du
4-Sepiembre, ceux qui, dans un élan de
patriotisme .exa:.pé:ré, arrachant le pou-
voir des mains défaillantes de l'Empi-
re, soulèvent et lancent contre l'enva-
hisseur tout ce que la France contenait
de Français capables 'de porter les ar-
mes ?
Louis PUECH.
- » -1
LES ON-DIT
La session des fruits secs
La deuxième session des examens du
baccalauréat vient de s'ouvrir Elle est,
comme vous savez, réservée aux reca-
lés de juillet, aux candidats qui veulent
jouer la partie de consolation. C'est là
qu'on en entend de drôles parfois :
« Quelle distance y a-t-il de la Terre à
la Lune ? — Ça dépend de l'endroit où
l'on se place ! » etc.
Le record du fruit sec parait être dé-
tenu par un malheureux fils de famille
qui s'est présenté, dans une Faculté de
province, pour la septième fois au ba-
chot. Une pétition est lancée, dit-on,
pour solliciter son admission. à l'an-
cienneté.
Le mari infatigable
On se souvient du bruit que fit, l'an-
née passée, la fuite "sensationnelle de
l'épouse du général Ouchakof. adjudant
du grand-duc Michel de Russie. L'infi-
dèle était partie avec le capitaine Essi-
pof, et le mari outragé traversa deux
fois l'Atlantique à la poursuite des
amoureux. La Gazette de là Bourse" de
Saint-Pétersbourg, annonce que Mme
Ouchakof, qui s'était réfugiée en Aus-
tralie, a décidé de quitter Melbourne et
de rentrer en Russie. Elle prétend que
les agents secrets mis à ses trousses
par son mari lui ont rendu la vie in-
supportable. - *.
Les fils d'Abd-el-Aziz ?
Un reporter pressé a télégraphié à
son journal qu'Abd-el-Aziz était ac-
compagné de ses fils dans un voyage
à Rabat. Hélas ! trois fois hélais ! le sul-
tan en nom ne paraît point avoir de
progéniture ; il a tout au plus des ne-
veux. Ce n'est point sa faute, a écrit
un médecin dans une revue coloniale,
la nature seule fut coupable envers lui.
Le Passant.
»
LE BUFFON DES FAMILLES
En inaugurant la statue de Bernardin de
Saint-Pierre au Jardin des Plantes, on
s'est rappelé que Buffon était né à Dijon,
le 7 septembre 1707, et l'on a profité de
l'occasion pour célébrer, avec quelques se-
maines de retard, le bi-centenaire du sa-
vant et de l'écrivain qui, mourant à 81
ans. avouait « avoir passé cinquante ans
de sa vie à son bureau ».
Georges-Louis Leclere de Buffon, bien
que fils d'un austère conseiller au parle-
ment de Bourgogne, ne se piquait point
pourtant d'être un anachorète ou un miso-
gyne. Solide gaillard, de stature impo-
sante, sans scrupule et pas sentimental
pour un centime, il aima beaucoup les fem-
mes et en fut fort aimé.
Au sortir du collège, dit un de ses bio-
graphes, « il s'abandonna avec une ardeur
égale à l'étude et au plaisir, deux passons
égale à
que l'on croirait incompatibles, et qu'il ac-
corda cependant. f)
Notre jeune Buffon fait un voyage on
Italie, rentre en France et s'installe à An-
gers pour « se perfectionner dans les ar-
mes et dans l'équitation. Il y concilia, ainsi
qu'il l'avait fait déjà, le travail avec le
plaisir, et ne repoussa pas les distractions
que la ville lui offrait. »
Parmi ces distractions figurait celle du
jeu. Un jours, 'échauffa au point de dégéné-
dispute qui s'écliaiiffa au point de dégéné-
rer en cartel. Buffon prit son homme au
mot, se battit et, obligé de quitter Angers
pour se dérober aux suites de cette affaire,
se rendit à Paris. Cet incident le dégoûta
du jeu pour la vie. »
11 conçut même, à partir de cette épo-
que, une telle haine contre le jeu, que
plus tard, dantl un curieux ouvrage :
Essai d'arithmétique morale, il tint à prou-
ver aux gens possédés de cette funeste pas-
sion, quelles cruelles et inévitables désil-
lusions ils se préparent.
Il est probable qu'aucune de ses rela-
tions galantes ne lui attira de duel, car,
de celles-ci. il ne se dégoûta jamais.
Elles seifiblent. d'ailleurs, ne i'avoir ja-
mais gêné. Dès qu'il fut à Paris, homme
d'ordre et de méthode comme on n'en voit:
plus, il régla son existence de façon à pou-
voir travailler quatorze heures par jour :
de 5 heures du matin à 7 heures du soir.
« Cette distribution de son temps ou cet
ordre de travail, constate son historiogra-
phe, fut une loi que Hunan s imposa, et
qu'il ne se serait pas permis d'enfreindre,
quelque sorte de plaisir qui l'eût attendu
ailleurs ; ce qui a le droit d'élonner dans
un jeune homme en proie à des passions
véhémentes et dominé par le tempérament.
Lui-même prenait plaisir à raconter qu'il
rendait alors des soins à une femme char-
mante, chez qui il allait tous les soirs, et
qu'il ne lui était jamais arrivé, quoi qu'il
l'aimât éperdÙmcnt, d'anticiper, pour la1
voir, ou même pour lire les lettres qu'il
en recevait, sur rheure qu'il avait fixée
pour la fin de son travail. Il
Jugez un peu de ce que ce devait être
pour celles qu'il « n'aimait pas éperdû-
ment ! » Si ses phrases étaient, longues —
il raillait les phrases courtes, alertes : du
style asthmatique, maugréait-il — ses dé-
clarations devaient être d'une concision et
d'une brièveté remarquables, et ses épan-
chements amoureux laconiques au point
d'être monosyllabiques.
\luel hymne admirable à l'Amour, n'a
t-il point chanté, cependant, dans son In-
troduction à Ihisîoire de l'homme !
« Amour, désir inné ! flme de la Nature !
principe inépuisable d'existence ! puissan-
ce souveraine qui peut tout, et contre la-,
quelle rien ne peut ; par qui tout agit, tout
respire et tout se renouvelle ! divine
flamme ! germe de perpétuité que l'Eter-
nel a répandu dans tout avec ie souffle de
vio ! précieux liment qui peut seul
amollir les cœurs féroces et glacés, en les
pénétrant d'une douce chaleur ! cause pre-
mière de tout bien, de toute société, qui
réunit sans contrainte et par les seuls at-
traits les natures sauvages et dispersées !
source unique et féconde de tout plaisir,
de toute volupté ! amour ! pourquoi fais-tu
l'état heureux de tous les êtres et le mal-
heur de l'Homme ?»
Gomme on comprend que les livres de
Buffon traînaient dans tous les boudoirs,
sur les tables de-toutes les grandes amou-
reuses du 18e siècle !
Mais, tout de suite,, sous cet hymne — et
cela n'était pas encore pour déplaire au
temps de Louis XV, — l'auteur des Epo-
ques de la Nature ajoutait : « C'est qu'il
n'y a que le @ physique de cette passion qui
soit bon ; c'est que, malgré ce que peu.
vent dire les gens épris, le moral n'ers
vaut rien. »
Ce n'était là, ni une boutade, ni un pa-
radoxe, mais une conviction profonde, qui
a dirigé Buffon dans toute sa vie. Son frè-
re, M. Leclerc Buffon, n'a-t-il pas écrit
dans une lettre : « Le physique de l'amour
n'était pour lui qu'un besoin de la nature;
il en méprisait le moral et tout ce qui tient
aux différentes passions qu'il inspire, com-
me indigne d'occuper un philosophe, un
homme raisonnable. »
Or, en 1753, au moment où Buffon pla-
çait ainsi l'homme au niveau de la brute,
au moment où il n'accordait à l'amour que
le droit d'être une fonction animale, il
épousait une jeune fille pauvre, Mlle de
Saint-Belin, élevée au couvent de Mont-
bard, qui lui avait inspiré une vive pas-
sion et qu'il courtisait depuis deux ans.
- ,.i.l"i.ez..vous donc aux philosophes !
Crouchy de Vorney.
-———————— 9>
BALLONS-SONDES
A propos d'une expérience. — Ce que
c'est qu'un ballon-sonde. — La
« couche d'inversion ». — Les
faibles températures
On a beaucoup parlé ces temps der-
niers des curieuses constatations enre-
gistrées par un ballon-sonde lancé par
l'institut central météorologique suisse
de Zurich. Ce ballon était monté jus-
qu'à 20,000 mètres et il avait atteint
cette altitude en une heure. Deux heu-
res après son, départ, il atterrissaU près
de Burghen, dans le canton de hur-
govie ; tous ses appareils étaient en
parfait état et permettaient de vérifier
une fois de plus le curieux phénomène'
de l'existence de la « couche d'inver-
sion » : c'est-à-dire que la température
minimum avait été constatée à 11,700
mètres, altitude à laquelle le thermo-
mètre avait marqué 50 degrés au-des-
sous de zéro, et qu'en s'élevant encore,
la température rencontrée par le bal-
lon, au lieu de continuer à baisser con-
formément à la loi générale, s'était re-
levée jusqu'à — 44 degrés. En d'autres
termes, les appareils enregistreurs in-
diquaient qu'au lieu dé suivre une dé-
croissance constante au fur et à mesure
de l'élévation, la température tendait,
au-dessus de 11,700 mètres, à se rele-
ver. Ce résultat bizarre est dû à la
a couche d'inversion », et nous avons,
pour les lecteurs du Rappel demandé
au bureau météorologique quelques de.'
tails sur les expériences de ce genre et
le phénomène constaté.
* :
* *
EX d'abord, qu'est-ce exactement
qu'un ballon-sonde ?
C'est un petit aérostat qui n'a géné-
ralement qu'une dizaine de mètres de
diamètre, construit en soie ou en pa-
pier — ce qui est suffisant en raison
de la brièveté des ascensions, et natu-
rellement moins coûteux. Le papier a
encore cet avantage que dans sa chute
sur le sol il se déchire le plus souvent,
et que les appareils enregistreurs ne
risquent pas d'être endommagés par
un long « trainage » au ras de la terre.
Ce ballon est muni d'une nacelle dans
laquelle sont contenus les appareils qui
inscrivent sur une bobine de papier ou
tambour la température, la pression
atmosphérique et le degré hygrométri-
que de l'air. Ces appareils sont établis
de façon à résister le plus possible à
l'effet destructeur des milieux qu'ils
ont à traverser, froid, électricité, humi-
dité. Le petit volume des ballons leur
permet de s'élever à des altitudes inac-
cessibles à l'homme. L'être humain ne
peut guère, en effet, dépasser 6,000 mè-
tres sans s'exposer aux plus graves
dangers. Or, à la hauteur de 12,000 mè-
tres, il se passe des phénomènes fort
curieux qu'il est intéressant d'obser-
ver :,et tel est précisément le rôle et
l'utilité des ballons-sondes. On les lan-
ce le plus souvent la nuit pour éviter
les variations de - température dans les
régions proches de la terre. Le lance-
ment des ballons-sondes est d'ailleurs
réglé par une sorte de protocole scien-
tifique qui fut établi en octobre 1906 à
Milan par la Commission internatio-
nale d'aérologie.
r# "i
* *;
Les ballons-sondes ont permis de
corriger certaines théories météorologi.
ques tenues jusqu'alors pour bonnes :
celle, entre autres, qui voulait que la
température baissât avec l'augmenta-
tion d'altitude. De nombreux ballons
ont, comme celui de Zurich, rapporté la
preuve matérielle de la curieuse ano-
malie suivante : il existe un point où le
phénomène d'abaissement de la tempé-
rature cesse et où, au contraire, elle
commence à s'élever de nouveau. Ce
point a été de 11,700 mètres pour le
ballon de Zurich, mais c'est générale-
ment à 10 ou 11,000 mètres qu'on cons-
tate l'existence de ta « couche d'inver-
sion M. Le prince de Monaco a, en août
et septembre 1906, constaté que dans le
voisinage du pôle, la couche d'inver-
sion est beaucoup plus basse (7,000 mè-
tres).
L'altitude atteinte par le ballon de
Zurich tout en étant très remarquable
n'est pas la plus considérable qu'on ait
observée : en mai de cette année, un
ballon lancé à Strasbourg a atteint
vingt-trois mille mètres 1 Et on a cons-
taté des températures de 70 à 86 degrés
au-dessous - de zéro, à la hauteur de
14,000 mètres.
Au surplus, Faérologie n'en est qu'à
ses - débuts. C'est ainsi que l'existence
de la couche d'inversion est constatée,
de façon certaine et matérielle, mais
qu'aucune explication suffisante n'en
est fournie. Ce sera l'œuvre des ballons-
sondes de demain.
A..d. Derouen.
CONSEIL DES MINISTRES
Hier matin a eu lieu à Rambouillet un
conseil des ministres qui sera le dernier
tenu dans cette résidence.
Les ministres et .sous-secrétaires d'Etat
qui avaient quitté Paris à 9 h. 3 ont été
reçus à leur arrivée à la gare de Ram-
bouillet par M. Jean Lanes, secrétaire gé-
néral de la présidence ; le commandant
Schlumberger, officier d'ordonnance du
président, et M. FabrOy aoro-préfefcr -
Les ministres étaient accompagnés par
M. Jonnart, gouverneur général de l'Algé-
rie, qui devait être entendu -par le conseil,
au sujet de diverses questions algériennes
et notamment au sujet de la question des
mines de l'Ouenza.
Les ministres et sous-secrétaires d'Etat,
ainsi que M. Jonnart, se sont rendus en
voiture de la gare au château où la déli-
bération a commencé à 10 h. 15.
La situation au Maroc
Dans la première partie du conseil, qui
s'est prolongée jusqu'à une heure moins
un quart, M. Pichon, ministre des affaires
étrangères, a complété les informations
qu'il avait données dans les précédentes
séances sur la situation générale au Ma-
roc.
Il a fait connaître Wes dépêches qu'il
avait reçues de M. Regnault, et desquelles
il résulte que le sultan Abd-el-Aziz s'est
entretenu avec notre ministre et avec le
général Lvautev de toutes les questions
touchant à nos intérêts dans t'Empire et
sur la frontière de l'Algérie.
Des mesures sont également prises par
Moulay Abd-el-Aziz pour envoyer contre
les tribus hostiles des m eh alla s de force
suffisante pour les réduire. 10¡,
La situation financière
M. Caillaux, ministre des finances, a
exposé à ses collègues les grandes lignes
de notre situation financière.
D'après les chiffres provisoires qui, à
cette date, ne peuvent guère différer des
résultats définitifs, l'exercice 1906 n'est à
découvert que d'une somme de 14 millions
300.000 francs.
On doit d'autant plus s'en féliciter que
cet exercice a supporté le poids de char-
ges militaires considérables, et que les 57
millions d'obligations à court terme pré-
vues pour l'équilibre n'ont pas été émises.
Quant à l'exercice 1907, - il paraît, dès
maintenant, certain que, malgré les sup-
pléments de crédits que nécessiteront les
opérations du Maroc et les événements ca-
lamiteux du Midi et du Centre, il se sol-
dera en excédent.
Le ministre des finances a confirmé,
d'autre part, l'accord qui s'est établi avec
la commission du budget. Celle-ci, reve-
nant sur sa décision première, a accepté,
sur la demande de M. Caillaux, l'opération
de péréquation des primes à la marine
marchande que le gouvernement avait tout
d'abord proposée. Elle a renoncé, d'autre
part, à la taxe sur les pianos, dont le pro-
duit se trouve compensé par de nouvelles
économies et par la revision de certaines
évaluations de recettes.
De la sorte, le budget de 1908 est équili-
bré sans impôt nouveau et sans émission
d'obligations à court terme et il est dès
maintenant permis d'espérer que le bud-
get de l'exercice 1909 pourra être établi
dans des conditions absolument normales,
l'équilibre étant assuré à l'exclusion de
toute opération de trésorerie au moyen du
seul produit des impôts.
Le ministre des finances a ensuite indi-
qué qu'il mettait à l'étude la recherche des
moyens de nature à affranchir les petits
fonctionnaires de l'obligation Où ils .sont
actuellement d'emprunter leur cautionne-
ment en payant de gros intérêts. Il songe
à utiliser à cet effet la formation de mu-
tualités entre comptables, analogues à cel-
les qui existent en Suisse.
Les vols dans les églises
M. Briand. ministre de l'instruction pu-
blique et des beaux-arts, a entretenu le
conseil des différents vols commis dans les
églises et de la nécessité de proposer au
Parlement une législation qui, par une
disposition, permettrait de faire enlever,
pour les déposer dans les musées locaux,
départementaux ou nationaux, les objets
d'art en dépôt dans des églises dont la
garde ne paraîtrait pas suffisamment as-
surée.
Les fêtes de Commercy
M. Milliès-Lacroix, ministre des colonies,
a été désigné pour représenter le gouver-
nement aux fêtes qui auront lieu à Com-
mercy le 27 octobre prochain.
Les questions algériennes
M. Jonnart, gouverneur général de l'Al-
gérie, a exposé au conseil l'état de diffé-
rentes questions algériennes.
L'audition de M. Jonnart a été interrom-
pue par une suspension de séance.
Le déjeuner
Les ministres et les sous-sècrétaires
d'Etat, ainsi que le gouverneur général de
l'Algérie, ont déjeuné au château avec le
président de la République et Mme Fal-
lières.
Reprise de la séance
A l'issue du déjeuner qui a pris fin à
1 h. 45, les ministres se sont de nouveau
réunis en conseil.
M. Jonnart a continué l'exposé des ques-
tions concernant l'Algérie dont il avait à
entretenir le conseil.
Le gouverneur générai de l'Algérie s'est
notamment expliqué sur la concession des
mines de l'Ouenza. Il achèvera ses expli-
cations dans la réunion que les ministres
tiendront mardi prochain à l'Elysée et à
laquelle le ministre des travaux publics
pourra assister.
Les ministres ont quitté Rambouillet.
2 h. 57 pour rentrer à Paris.
LA JOURNEE POLITIQUE
Les élections
Nous avons déjà fait connaître, d'après
nos correspondants, la situation électorale
à Falaise (Calvados). Un décret vienS
d'être signé, stipulant que cette élection lé-
gislative pour remplacer M. Paulmier, dé-
cédé, aura lieu le 10 novembre.
L'affaire Peyras
On annonce que notre conirère M. Pey-
ras, condamné pour diffamation, et qui a
été arrêté dans les circonstances que nous
avons fait connattre hier, sera l'objet
d'une mesure gracieuse. Un décret en ce
sens va être soumis à la signature du préi-
sident de la République.
LE MAUVAIS TEMPS
Les orages et les inondations
- i
La situation est loin de s'améliorer dan*
les départements, par suite des
pluies torrentielles
Saint-Etienne, 17 octobre.
La pluie a cessé ce matin, mais les cours
d'eau continuent à couler à pleins bords.
Sur de nombreux points, on signale des
routes coupées par les inondations. Près
de Roanne, un train se dirigeant sur Paris
est bloqué par les eaux.
Ce matin les journaux de Paris ne sont
pas arrivés.
Plusieurs éboulements se sont produits
sur la ligne de Saint-Etienne au Puy.
Près de Firminv, deux tramways à va-
peur ont déraillé par suite de l'ensable-
ment de la voie.
Le train de Paris qui devait arriver ces
matin à 5 h. 44 n'était pas encore là à
11 heures.
Un éboulement, dû à l'abondance des
pluies, s'est produit sur la ligne de Roanne
à Paray-le-Monial, entre Iguerande et Mar-
cigny.
Le train 2.754 a déraillé entre Vongy et
Le Coteau. Six personnes, dont un em-
ployé de la Compagnie, ont été légèrement
blessées.. 1
Un éboulement s'est produit également
entre les gares d'Estivareille et d'Usson.
Un transbordement a lieu entre Chaîna-
libres et Retournac, sur la ligne du Puy.
Dans la région de Vichy
Vichy, 17 octobre.
Toutes les rivières de la région de Vichy
ont débordé.
Les pluies violenlis de ces derniers jours
ont occasionné, près de la gare d'Arfeuil-
les, sur la ligne de Saint-Germain-des-Fos-
sés. à Lyon, un éboulement de rochers qui
a obstrué la voie et a provoqué un dé-
raillement du train 903, 'parti de Saint-
Germain-dcs-Fossés à 4 h. 33 du soir. La
machine et trois voitures de ce train ont
été brisées, mais on ne signale aucun ac-
cident de personne.
Les communications sont momentané-
ment suspendues.
Importante crue de la Loire
Le Puy, 17 octobre.
A la suite dr pluies torrentielles, la Loire
à subi une crue importante dans la nuit,;
causant des dégâts sérieux.
A Brives-Charensac, les maisons ont été
inondées jsqu'à ttàuteur du premier étage.
La digue a été impuissante à maintenir
l'énorme volume d'eau. Toutes les prairies
,sont ensablées. A Brives, une petite mai-
son s'est effondrée.
La crue de la Loire a atteint 6 mètres à
Brive, 7 mètres au pont de Chadrac, et
7 m. 60 à La Voultc-sur-Loire.
Les routes sont coupées en plusieurs
endroits. Un cyclone a ravagé la région do
Saint-Julien-Chapteuil. Une trombe d'eau
s'est abattue sur le Monastier, causant des
dégâts considérables. Il n'y a eu aucun
accident de personnes.
Ce soir, les eaux baissent et tendent &
regagner leur lit. Le temps se remet au
beau.
La crue de l'Hérault
Agde,. 17 octobre.
Le maire d'Agde a reçu de la préfecture
avis qu'une nouvelle crue est à prévoir.
Le fleuve augmente sensiblement. La Com-
pagnie du Midi avise que les voies sont
coupées entre FaJbrègues et Montpellier,
Le transbordement étant impossible, les
voyageurs foat un détour par Cette.
Terribles orages
Montpellier, 16 oclobre; 7 h. 10 soir.
(Retardée dans la transmission.)
Des orages continuent à s'abattre sur
l'Hérault."
Aujourd'hui, à Montpellier, la pluie tl
la grêle n'ont pas cessé de tomber. Le Lez
et le Mosson ont débordé. Presque toutes
les communications autour de Montpellier
sont inteiromp'ies, sauf sur la ligne de
Tarascon à Cette. La ligne du Midi allant
vers Paulhan, est coupée A Fabrègues.
L'Hérault grossit et si la pluie est tombée
aussi abondamment dans son cours supé-
rieur, vers Ganges et Le Vigai^ de nou-
velles inondations sont à craindre.
L'aqueduc conduisant l'eau potable à
Montpellier s'est rompu à Tomassi. à qua-
tre kilomètres de Montpellier.
Un convive inattendu
Montpellier, 16 octobre, 5 h. L'5 soir.
(Retardée dans la transmission.)
A Palavas, au cours du banquet annuel
de la société mutuelle des limonadiers 'JC
Montpellier, la foudre est tombée sur l'atp-
pareil téléphonique du restaurant et, sui-
vant la cheminée, a * pénétré (j,lns la cui-
sine.
M. Varras. restauratrice, a élé brûlée
au ventre. Un domestique a eu au? si un
pied brûlé.
Dans le Gard,
Nîmes, 17 octobre.
Un orage, accompagné d'une pluie dilu-
vienne, s'est déchaîné, -hier soir, sur le
Gard, occasionnant de nombreuses inon-
dations. •
La rivière La Cèzc & débondé, inondant
la ville de BagnoIs. Les eaux, sur certains
points -atteig,.it-nt ro mètres de hauteur.
Un service de sauvetage a été organisé par
1*4
r
Samedi 19 Octobre 1907. — N* 137 3S.
-- ,.;, rudatenri ,.'
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— Téléphone tD.82 —
"',.,., lettpeà al mandats i J'Adminittiataüb
OPZNZONS
Réflexions sur.
I Expédition marocaine
Tandis que se dissipe la fumée de la
poudre brûlée au Maroc, l'opinion pu-
blique commence à se rendre compte
peu à peu des conditions de l'expédi-
tion faite et des profits qui peuvent en
résulter pour la France. Lettres et cor-
respondances abondent, apportant cha-
que jour de nouveaux détails. Il nous
sera permis de croire encore et de pro-
clamer que le gouvernement aurait sa-
gement agi en acceptant les conseils
des Chambres, et que (lles-ci auraient
été bien inspirées en donnant au ipays
le spectacle d'une activité, d'un souci
de ses intérêts qui ne l'a pas frappé de-
puis longtemps.
Pour en revenir à l'expédition maro-
caine elle-même et aux réflexions
qu'elle suscite, ce qui frappe tout d'a-
bord, c'est l'effort disproportionné dé-
ployé par nous. A. d$» hordes indiscipli-
nées et mal armées, dont le nombre, si
nous en croyons des témoins tout à fait
bien renseignés, fut toujours inférieur,
des trois quarts au moins, aux chiffres
Cités par les journaux, nous avons op-
posé :
1° Une armée de 6.000 hommes,
Comprenant infanterie, cavalerie, ar-
tillerie, génie, ballons militaires, télé-
graphie, intendance, hôpitaux de cam-
pagne, etc.
2° Un corps volontaire de 120 gou-
âmiers, équipés et entretenus par l'Etat.
3° Une flotte de guerre comprenant
actuellement :
Gloire, croiseur cuirassé. 615 hommes
Condé, id. 615 --
, 1Amiral-Aube id. 615 -
Galilée id. (plus petit).. 269 -
Forbin, croiseur protégé. 210 -
Du Chayla, id. c. 370 -
Cassini, id. 143 -
3 contre-torpilleurs. 186 -
4 grands transports de guerre. 800 —
4° Un service accessoire de ravitail-
lement par cargo-boats affrétés par
l'Etat (Gaule, Oasis, etc.)
50 A cette énumeration il faut ajou-
ter les navires de guerre mobilisés à
Mers-el-Kébir et à Tanger :
A Mers-el-Kébar : Jules-Ferry, croiseur
cuirassé, 615 hommes.
A Mers el Kébis : Jules-Fcmj, croiseur
626 hommes » Desaix, , croiseur cuirassé,
531 hommes.
Si au chiffre global des équipages, on
ajoute celui des états-majors, on voit
que la force navale détachée au Maroc
comprend environ 5.300 hommes, dont
4.971 exactement d'équipages nor-
maux ; au total, nous avons donc plus
de 11.000 hommes au Maroc !
Cet organisme militaire, comme tous
les organismes, ne produit de l'cr.ergie
qu'à la condition de s'alimenter. Son
alimentation (vivres, habillements,cam-
pements à terre, médicaments) et le dé-
ploiement de son énergie (armes et mu-
nitions. de guerre, ces dernières dépen-
sées sans compter), représentent un dé-
bours énorme, qui devient accablant
lorsque l'on considère, en regard de son
formidable chiffre, la navrante mai-
greur du résultat obtenu.
iPour tout cet argent prodigué, pour
toutes ces existences humaines sacri-
fiées, qu'avons-nous obtenu ? En pa-
reille matière, nous n'ignorons pas que
la diplomatie a trop de discrétion pour
que l'on puisse suivre, jour par jour,les
progrès réalisés. Il n'en reste pas moins
qu'à l'heure actuelle, nous ignorons où
nous en sommes. Avec qui traitera-t-on
et sur quelles bases ? Et si, obligés par
les puissances signataires d'Algésiras,
de nous maintenir dans notre rôle de
bon gendarme pacificateur, nous avons
sincèrement l'intention d'en rester là,
allons-nous laisser, pour faire la police
de Casablanca, 11.000 hommes et 17
navires de guerre, là où il suffit de
2.000 hommes et de 30 gendarmes pour
faire régner un calme varsovien dans
un rayon de 20 kilomètres ?
D'autant que nos collaborateurs es-
pagnols, qui ont su jouer un rôle bien
effacé pendant toute la phase active
- des opérations, suffisent largement à
accomplir par leurs moyens la moitié
de cette besogne. En attendant, les mil-
lions s'évanouissent en fumée de pou-
dre et de charbon. En cette saison, sur
la rade ouverte de Casablanca, les na-
vires de guerre, brutalement secoués
par la houle du large, sont constam-
ment « sous les feux! », prêts à gagner
la haute mer pour éviter le risque d'être
jetés à la côte.
A terre, l'armée d'occupation gîte
dans un camp malencontreusement éta-
bli en contre-bas, sous le rempart ouest
de la ville : tentes insuffisantes, que les
premières pluies ont déjà détrempées ;
moyens de couchage à peu près nuls ;
aucune protection contre le froid qui
commence. Comme eau potable, une
eau chargée de sels de magnésie, pur-
gative par conséquent, et souillée d'im-
puretés. L'appareil distillatoire fourni
par la marine à terre donne pénible-
ment un demi-litre d'eau par homme et
par jour.
Le paludisme, la dysenterie et la fiè-
vre typhoïde habitent ce camp mal ins-
tallé. On se préoccupe aujourd'hui de
faire construire des baraquements pour
l'hivernage. C'est fort bien. Mais ne
pourrait-on pas aussi songer à restrein-
dre les dépenses générales en restrei-
gnant le personnel mis sur pied ? Il
semble trop, décidément,que l'on veuil-
le donner à cette aventure une impor-
tance qu'elle n'a pas.
Un détail dont nous garantissons
l'authenticité : sur 80 malades rame-
nés à 'Oran, le mois dernier, on comp-
tait seulement 17 blessures de guerre.
Pendant des années nous avons subi,
avec une patience qui a étonné le mon-
de, toutes les insolences marocaines.
Aujourd'hui nous mettons en campagne
une armée de 11.000 hommes, nous ti-
rons des obus par centaines, des balles
par milliers, tout cela pour amener à
résipiscence quelques hordes d'Arabes
pillards. Total, deux exagérations dia-
métralement opposées.
Dans quelques jours, les Chambres
vont s'occuper de la question. Placées
en face du fait accompli, que peu-
vent-elles faire ? Faire entendre d'inu-
tiles conseils ou exprimer des vœux
stériles. Est-ce vraiment dans ce but
que les Parlements, dans un régime de
libre critique et de large discussion,
ont été créés ? On nous permetU-a d'en
douter très fort.
LOUIS MARTIN.
LA MOTION DE NANCY
La motion de Nancy n'est
pas aussi obscure qu'on se
plaît à le répéter. Elle est, au
contraire, d'une lumineuse
clarté. Il suffit pour s'en
convaincre, de la prendre en
elle-même, dans ses termes, dans le but
spécial qu'elle doit atteindre, et de ne
pas la solliciter par des interprétations
de combat.
Que voulions-nous? Traiter une ques-
tion de droit électoral ? Régler les dé-
sistements ? Pas le moins du monde.
La tactique purement électorale, les dé-
sistements seront réglés par chaque Fé-
dération suivant les circonstances de
temps et de lieu, au mieux des intérêts
généraux du parti. Les Fédérations
tiennent ce droit de délibérations pos-
térieures prises par le Congrès. Pour-
quoi la motion de la Fédération de la
Seine, autour de laquelle on avait me-
né si grand bruit, a-t-elle été écartée,
d'un consentement presque unanime ?
Précisément parce que, sur ce point,
elle engageait l'avenir.
Il ne s'agissait, on ne saurait trop le
dire, que d'une chose : trouver une for-
mule de désaveu des actes et des doc-
trines antimilitaristes. Deux motions
étaient en présence : la première ré-
prouvait ces doctrines et ces actes com-
me insensés et criminels ; la seconde
plaçait leurs auteurs hors de la Répu-
blique, hors du bloc de gauche, avec
injonction impérative aux radicaux de
ne jamais, sous aucun prétexte, leur
donner leur suffrage. C'est la seconde
qui fut adoptée comme plus énergique.
Rien de plus clair.
Mais, nous dit-on, que vise exacte-
ment votre motion ? Vise-t-elle l'ordre
du jour voté à Nancy par le parti so-
cialiste unifié, cet ordre du jour auquel
Hervé a donné son adhésion ? Vise-
t-elle, tout au moins, la majorité qui l'a
fait sien ? Le Congrus radical a pensé
qu'il ne lui appartenait pas de désigner
nominativement telle ou telle manifes-
tation antimilitariste, tel ou tel des
hommes qui s'y étaient plus ou moins
personnellement associés. Les manifes-
tations individuelles ou collectives sont
mobiles et changeantes. Le fond de la
scène politique varie constamment.
C'est à l'électeur mis à pied d'œuvre,
de se décider en son âme et conscience,
en s'inspirant du sentiment unanime du
Congrès de son parti.
Mais la révolution du 4 septembre ne
s'est-elle pas faite en présence de l'en-
nemi, en cours de guerre ? N'avons-
nous pas ainsi renié nos origines ? Quel
sophisme !
Ce que nous réprouvons, c'est le fait,
en temps de paix, de prêcher la déser-
tion et de voiler cet acte de lâcheté
sous je ne sais quelle apparence doctri-
nale. C'est ensuite l'abominable dessein
de paralyser la mobilisation, de désor-
ganiser la défense, de préconiser la
grève générale, au moment de la tle-
claration de guerre, à l'heure même où
l'ennemi fond sur le pays. Qu'y a-t-fl
de commun, vraiment, entre les théori-
ciens, les propagandistes de ces doc-
trines criminelles et les hommes du
4-Sepiembre, ceux qui, dans un élan de
patriotisme .exa:.pé:ré, arrachant le pou-
voir des mains défaillantes de l'Empi-
re, soulèvent et lancent contre l'enva-
hisseur tout ce que la France contenait
de Français capables 'de porter les ar-
mes ?
Louis PUECH.
- » -1
LES ON-DIT
La session des fruits secs
La deuxième session des examens du
baccalauréat vient de s'ouvrir Elle est,
comme vous savez, réservée aux reca-
lés de juillet, aux candidats qui veulent
jouer la partie de consolation. C'est là
qu'on en entend de drôles parfois :
« Quelle distance y a-t-il de la Terre à
la Lune ? — Ça dépend de l'endroit où
l'on se place ! » etc.
Le record du fruit sec parait être dé-
tenu par un malheureux fils de famille
qui s'est présenté, dans une Faculté de
province, pour la septième fois au ba-
chot. Une pétition est lancée, dit-on,
pour solliciter son admission. à l'an-
cienneté.
Le mari infatigable
On se souvient du bruit que fit, l'an-
née passée, la fuite "sensationnelle de
l'épouse du général Ouchakof. adjudant
du grand-duc Michel de Russie. L'infi-
dèle était partie avec le capitaine Essi-
pof, et le mari outragé traversa deux
fois l'Atlantique à la poursuite des
amoureux. La Gazette de là Bourse" de
Saint-Pétersbourg, annonce que Mme
Ouchakof, qui s'était réfugiée en Aus-
tralie, a décidé de quitter Melbourne et
de rentrer en Russie. Elle prétend que
les agents secrets mis à ses trousses
par son mari lui ont rendu la vie in-
supportable. - *.
Les fils d'Abd-el-Aziz ?
Un reporter pressé a télégraphié à
son journal qu'Abd-el-Aziz était ac-
compagné de ses fils dans un voyage
à Rabat. Hélas ! trois fois hélais ! le sul-
tan en nom ne paraît point avoir de
progéniture ; il a tout au plus des ne-
veux. Ce n'est point sa faute, a écrit
un médecin dans une revue coloniale,
la nature seule fut coupable envers lui.
Le Passant.
»
LE BUFFON DES FAMILLES
En inaugurant la statue de Bernardin de
Saint-Pierre au Jardin des Plantes, on
s'est rappelé que Buffon était né à Dijon,
le 7 septembre 1707, et l'on a profité de
l'occasion pour célébrer, avec quelques se-
maines de retard, le bi-centenaire du sa-
vant et de l'écrivain qui, mourant à 81
ans. avouait « avoir passé cinquante ans
de sa vie à son bureau ».
Georges-Louis Leclere de Buffon, bien
que fils d'un austère conseiller au parle-
ment de Bourgogne, ne se piquait point
pourtant d'être un anachorète ou un miso-
gyne. Solide gaillard, de stature impo-
sante, sans scrupule et pas sentimental
pour un centime, il aima beaucoup les fem-
mes et en fut fort aimé.
Au sortir du collège, dit un de ses bio-
graphes, « il s'abandonna avec une ardeur
égale à l'étude et au plaisir, deux passons
égale à
que l'on croirait incompatibles, et qu'il ac-
corda cependant. f)
Notre jeune Buffon fait un voyage on
Italie, rentre en France et s'installe à An-
gers pour « se perfectionner dans les ar-
mes et dans l'équitation. Il y concilia, ainsi
qu'il l'avait fait déjà, le travail avec le
plaisir, et ne repoussa pas les distractions
que la ville lui offrait. »
Parmi ces distractions figurait celle du
jeu. Un jours, 'échauffa au point de dégéné-
dispute qui s'écliaiiffa au point de dégéné-
rer en cartel. Buffon prit son homme au
mot, se battit et, obligé de quitter Angers
pour se dérober aux suites de cette affaire,
se rendit à Paris. Cet incident le dégoûta
du jeu pour la vie. »
11 conçut même, à partir de cette épo-
que, une telle haine contre le jeu, que
plus tard, dantl un curieux ouvrage :
Essai d'arithmétique morale, il tint à prou-
ver aux gens possédés de cette funeste pas-
sion, quelles cruelles et inévitables désil-
lusions ils se préparent.
Il est probable qu'aucune de ses rela-
tions galantes ne lui attira de duel, car,
de celles-ci. il ne se dégoûta jamais.
Elles seifiblent. d'ailleurs, ne i'avoir ja-
mais gêné. Dès qu'il fut à Paris, homme
d'ordre et de méthode comme on n'en voit:
plus, il régla son existence de façon à pou-
voir travailler quatorze heures par jour :
de 5 heures du matin à 7 heures du soir.
« Cette distribution de son temps ou cet
ordre de travail, constate son historiogra-
phe, fut une loi que Hunan s imposa, et
qu'il ne se serait pas permis d'enfreindre,
quelque sorte de plaisir qui l'eût attendu
ailleurs ; ce qui a le droit d'élonner dans
un jeune homme en proie à des passions
véhémentes et dominé par le tempérament.
Lui-même prenait plaisir à raconter qu'il
rendait alors des soins à une femme char-
mante, chez qui il allait tous les soirs, et
qu'il ne lui était jamais arrivé, quoi qu'il
l'aimât éperdÙmcnt, d'anticiper, pour la1
voir, ou même pour lire les lettres qu'il
en recevait, sur rheure qu'il avait fixée
pour la fin de son travail. Il
Jugez un peu de ce que ce devait être
pour celles qu'il « n'aimait pas éperdû-
ment ! » Si ses phrases étaient, longues —
il raillait les phrases courtes, alertes : du
style asthmatique, maugréait-il — ses dé-
clarations devaient être d'une concision et
d'une brièveté remarquables, et ses épan-
chements amoureux laconiques au point
d'être monosyllabiques.
\luel hymne admirable à l'Amour, n'a
t-il point chanté, cependant, dans son In-
troduction à Ihisîoire de l'homme !
« Amour, désir inné ! flme de la Nature !
principe inépuisable d'existence ! puissan-
ce souveraine qui peut tout, et contre la-,
quelle rien ne peut ; par qui tout agit, tout
respire et tout se renouvelle ! divine
flamme ! germe de perpétuité que l'Eter-
nel a répandu dans tout avec ie souffle de
vio ! précieux liment qui peut seul
amollir les cœurs féroces et glacés, en les
pénétrant d'une douce chaleur ! cause pre-
mière de tout bien, de toute société, qui
réunit sans contrainte et par les seuls at-
traits les natures sauvages et dispersées !
source unique et féconde de tout plaisir,
de toute volupté ! amour ! pourquoi fais-tu
l'état heureux de tous les êtres et le mal-
heur de l'Homme ?»
Gomme on comprend que les livres de
Buffon traînaient dans tous les boudoirs,
sur les tables de-toutes les grandes amou-
reuses du 18e siècle !
Mais, tout de suite,, sous cet hymne — et
cela n'était pas encore pour déplaire au
temps de Louis XV, — l'auteur des Epo-
ques de la Nature ajoutait : « C'est qu'il
n'y a que le @ physique de cette passion qui
soit bon ; c'est que, malgré ce que peu.
vent dire les gens épris, le moral n'ers
vaut rien. »
Ce n'était là, ni une boutade, ni un pa-
radoxe, mais une conviction profonde, qui
a dirigé Buffon dans toute sa vie. Son frè-
re, M. Leclerc Buffon, n'a-t-il pas écrit
dans une lettre : « Le physique de l'amour
n'était pour lui qu'un besoin de la nature;
il en méprisait le moral et tout ce qui tient
aux différentes passions qu'il inspire, com-
me indigne d'occuper un philosophe, un
homme raisonnable. »
Or, en 1753, au moment où Buffon pla-
çait ainsi l'homme au niveau de la brute,
au moment où il n'accordait à l'amour que
le droit d'être une fonction animale, il
épousait une jeune fille pauvre, Mlle de
Saint-Belin, élevée au couvent de Mont-
bard, qui lui avait inspiré une vive pas-
sion et qu'il courtisait depuis deux ans.
- ,.i.l"i.ez..vous donc aux philosophes !
Crouchy de Vorney.
-———————— 9>
BALLONS-SONDES
A propos d'une expérience. — Ce que
c'est qu'un ballon-sonde. — La
« couche d'inversion ». — Les
faibles températures
On a beaucoup parlé ces temps der-
niers des curieuses constatations enre-
gistrées par un ballon-sonde lancé par
l'institut central météorologique suisse
de Zurich. Ce ballon était monté jus-
qu'à 20,000 mètres et il avait atteint
cette altitude en une heure. Deux heu-
res après son, départ, il atterrissaU près
de Burghen, dans le canton de hur-
govie ; tous ses appareils étaient en
parfait état et permettaient de vérifier
une fois de plus le curieux phénomène'
de l'existence de la « couche d'inver-
sion » : c'est-à-dire que la température
minimum avait été constatée à 11,700
mètres, altitude à laquelle le thermo-
mètre avait marqué 50 degrés au-des-
sous de zéro, et qu'en s'élevant encore,
la température rencontrée par le bal-
lon, au lieu de continuer à baisser con-
formément à la loi générale, s'était re-
levée jusqu'à — 44 degrés. En d'autres
termes, les appareils enregistreurs in-
diquaient qu'au lieu dé suivre une dé-
croissance constante au fur et à mesure
de l'élévation, la température tendait,
au-dessus de 11,700 mètres, à se rele-
ver. Ce résultat bizarre est dû à la
a couche d'inversion », et nous avons,
pour les lecteurs du Rappel demandé
au bureau météorologique quelques de.'
tails sur les expériences de ce genre et
le phénomène constaté.
* :
* *
EX d'abord, qu'est-ce exactement
qu'un ballon-sonde ?
C'est un petit aérostat qui n'a géné-
ralement qu'une dizaine de mètres de
diamètre, construit en soie ou en pa-
pier — ce qui est suffisant en raison
de la brièveté des ascensions, et natu-
rellement moins coûteux. Le papier a
encore cet avantage que dans sa chute
sur le sol il se déchire le plus souvent,
et que les appareils enregistreurs ne
risquent pas d'être endommagés par
un long « trainage » au ras de la terre.
Ce ballon est muni d'une nacelle dans
laquelle sont contenus les appareils qui
inscrivent sur une bobine de papier ou
tambour la température, la pression
atmosphérique et le degré hygrométri-
que de l'air. Ces appareils sont établis
de façon à résister le plus possible à
l'effet destructeur des milieux qu'ils
ont à traverser, froid, électricité, humi-
dité. Le petit volume des ballons leur
permet de s'élever à des altitudes inac-
cessibles à l'homme. L'être humain ne
peut guère, en effet, dépasser 6,000 mè-
tres sans s'exposer aux plus graves
dangers. Or, à la hauteur de 12,000 mè-
tres, il se passe des phénomènes fort
curieux qu'il est intéressant d'obser-
ver :,et tel est précisément le rôle et
l'utilité des ballons-sondes. On les lan-
ce le plus souvent la nuit pour éviter
les variations de - température dans les
régions proches de la terre. Le lance-
ment des ballons-sondes est d'ailleurs
réglé par une sorte de protocole scien-
tifique qui fut établi en octobre 1906 à
Milan par la Commission internatio-
nale d'aérologie.
r# "i
* *;
Les ballons-sondes ont permis de
corriger certaines théories météorologi.
ques tenues jusqu'alors pour bonnes :
celle, entre autres, qui voulait que la
température baissât avec l'augmenta-
tion d'altitude. De nombreux ballons
ont, comme celui de Zurich, rapporté la
preuve matérielle de la curieuse ano-
malie suivante : il existe un point où le
phénomène d'abaissement de la tempé-
rature cesse et où, au contraire, elle
commence à s'élever de nouveau. Ce
point a été de 11,700 mètres pour le
ballon de Zurich, mais c'est générale-
ment à 10 ou 11,000 mètres qu'on cons-
tate l'existence de ta « couche d'inver-
sion M. Le prince de Monaco a, en août
et septembre 1906, constaté que dans le
voisinage du pôle, la couche d'inver-
sion est beaucoup plus basse (7,000 mè-
tres).
L'altitude atteinte par le ballon de
Zurich tout en étant très remarquable
n'est pas la plus considérable qu'on ait
observée : en mai de cette année, un
ballon lancé à Strasbourg a atteint
vingt-trois mille mètres 1 Et on a cons-
taté des températures de 70 à 86 degrés
au-dessous - de zéro, à la hauteur de
14,000 mètres.
Au surplus, Faérologie n'en est qu'à
ses - débuts. C'est ainsi que l'existence
de la couche d'inversion est constatée,
de façon certaine et matérielle, mais
qu'aucune explication suffisante n'en
est fournie. Ce sera l'œuvre des ballons-
sondes de demain.
A..d. Derouen.
CONSEIL DES MINISTRES
Hier matin a eu lieu à Rambouillet un
conseil des ministres qui sera le dernier
tenu dans cette résidence.
Les ministres et .sous-secrétaires d'Etat
qui avaient quitté Paris à 9 h. 3 ont été
reçus à leur arrivée à la gare de Ram-
bouillet par M. Jean Lanes, secrétaire gé-
néral de la présidence ; le commandant
Schlumberger, officier d'ordonnance du
président, et M. FabrOy aoro-préfefcr -
Les ministres étaient accompagnés par
M. Jonnart, gouverneur général de l'Algé-
rie, qui devait être entendu -par le conseil,
au sujet de diverses questions algériennes
et notamment au sujet de la question des
mines de l'Ouenza.
Les ministres et sous-secrétaires d'Etat,
ainsi que M. Jonnart, se sont rendus en
voiture de la gare au château où la déli-
bération a commencé à 10 h. 15.
La situation au Maroc
Dans la première partie du conseil, qui
s'est prolongée jusqu'à une heure moins
un quart, M. Pichon, ministre des affaires
étrangères, a complété les informations
qu'il avait données dans les précédentes
séances sur la situation générale au Ma-
roc.
Il a fait connaître Wes dépêches qu'il
avait reçues de M. Regnault, et desquelles
il résulte que le sultan Abd-el-Aziz s'est
entretenu avec notre ministre et avec le
général Lvautev de toutes les questions
touchant à nos intérêts dans t'Empire et
sur la frontière de l'Algérie.
Des mesures sont également prises par
Moulay Abd-el-Aziz pour envoyer contre
les tribus hostiles des m eh alla s de force
suffisante pour les réduire. 10¡,
La situation financière
M. Caillaux, ministre des finances, a
exposé à ses collègues les grandes lignes
de notre situation financière.
D'après les chiffres provisoires qui, à
cette date, ne peuvent guère différer des
résultats définitifs, l'exercice 1906 n'est à
découvert que d'une somme de 14 millions
300.000 francs.
On doit d'autant plus s'en féliciter que
cet exercice a supporté le poids de char-
ges militaires considérables, et que les 57
millions d'obligations à court terme pré-
vues pour l'équilibre n'ont pas été émises.
Quant à l'exercice 1907, - il paraît, dès
maintenant, certain que, malgré les sup-
pléments de crédits que nécessiteront les
opérations du Maroc et les événements ca-
lamiteux du Midi et du Centre, il se sol-
dera en excédent.
Le ministre des finances a confirmé,
d'autre part, l'accord qui s'est établi avec
la commission du budget. Celle-ci, reve-
nant sur sa décision première, a accepté,
sur la demande de M. Caillaux, l'opération
de péréquation des primes à la marine
marchande que le gouvernement avait tout
d'abord proposée. Elle a renoncé, d'autre
part, à la taxe sur les pianos, dont le pro-
duit se trouve compensé par de nouvelles
économies et par la revision de certaines
évaluations de recettes.
De la sorte, le budget de 1908 est équili-
bré sans impôt nouveau et sans émission
d'obligations à court terme et il est dès
maintenant permis d'espérer que le bud-
get de l'exercice 1909 pourra être établi
dans des conditions absolument normales,
l'équilibre étant assuré à l'exclusion de
toute opération de trésorerie au moyen du
seul produit des impôts.
Le ministre des finances a ensuite indi-
qué qu'il mettait à l'étude la recherche des
moyens de nature à affranchir les petits
fonctionnaires de l'obligation Où ils .sont
actuellement d'emprunter leur cautionne-
ment en payant de gros intérêts. Il songe
à utiliser à cet effet la formation de mu-
tualités entre comptables, analogues à cel-
les qui existent en Suisse.
Les vols dans les églises
M. Briand. ministre de l'instruction pu-
blique et des beaux-arts, a entretenu le
conseil des différents vols commis dans les
églises et de la nécessité de proposer au
Parlement une législation qui, par une
disposition, permettrait de faire enlever,
pour les déposer dans les musées locaux,
départementaux ou nationaux, les objets
d'art en dépôt dans des églises dont la
garde ne paraîtrait pas suffisamment as-
surée.
Les fêtes de Commercy
M. Milliès-Lacroix, ministre des colonies,
a été désigné pour représenter le gouver-
nement aux fêtes qui auront lieu à Com-
mercy le 27 octobre prochain.
Les questions algériennes
M. Jonnart, gouverneur général de l'Al-
gérie, a exposé au conseil l'état de diffé-
rentes questions algériennes.
L'audition de M. Jonnart a été interrom-
pue par une suspension de séance.
Le déjeuner
Les ministres et les sous-sècrétaires
d'Etat, ainsi que le gouverneur général de
l'Algérie, ont déjeuné au château avec le
président de la République et Mme Fal-
lières.
Reprise de la séance
A l'issue du déjeuner qui a pris fin à
1 h. 45, les ministres se sont de nouveau
réunis en conseil.
M. Jonnart a continué l'exposé des ques-
tions concernant l'Algérie dont il avait à
entretenir le conseil.
Le gouverneur générai de l'Algérie s'est
notamment expliqué sur la concession des
mines de l'Ouenza. Il achèvera ses expli-
cations dans la réunion que les ministres
tiendront mardi prochain à l'Elysée et à
laquelle le ministre des travaux publics
pourra assister.
Les ministres ont quitté Rambouillet.
2 h. 57 pour rentrer à Paris.
LA JOURNEE POLITIQUE
Les élections
Nous avons déjà fait connaître, d'après
nos correspondants, la situation électorale
à Falaise (Calvados). Un décret vienS
d'être signé, stipulant que cette élection lé-
gislative pour remplacer M. Paulmier, dé-
cédé, aura lieu le 10 novembre.
L'affaire Peyras
On annonce que notre conirère M. Pey-
ras, condamné pour diffamation, et qui a
été arrêté dans les circonstances que nous
avons fait connattre hier, sera l'objet
d'une mesure gracieuse. Un décret en ce
sens va être soumis à la signature du préi-
sident de la République.
LE MAUVAIS TEMPS
Les orages et les inondations
- i
La situation est loin de s'améliorer dan*
les départements, par suite des
pluies torrentielles
Saint-Etienne, 17 octobre.
La pluie a cessé ce matin, mais les cours
d'eau continuent à couler à pleins bords.
Sur de nombreux points, on signale des
routes coupées par les inondations. Près
de Roanne, un train se dirigeant sur Paris
est bloqué par les eaux.
Ce matin les journaux de Paris ne sont
pas arrivés.
Plusieurs éboulements se sont produits
sur la ligne de Saint-Etienne au Puy.
Près de Firminv, deux tramways à va-
peur ont déraillé par suite de l'ensable-
ment de la voie.
Le train de Paris qui devait arriver ces
matin à 5 h. 44 n'était pas encore là à
11 heures.
Un éboulement, dû à l'abondance des
pluies, s'est produit sur la ligne de Roanne
à Paray-le-Monial, entre Iguerande et Mar-
cigny.
Le train 2.754 a déraillé entre Vongy et
Le Coteau. Six personnes, dont un em-
ployé de la Compagnie, ont été légèrement
blessées.. 1
Un éboulement s'est produit également
entre les gares d'Estivareille et d'Usson.
Un transbordement a lieu entre Chaîna-
libres et Retournac, sur la ligne du Puy.
Dans la région de Vichy
Vichy, 17 octobre.
Toutes les rivières de la région de Vichy
ont débordé.
Les pluies violenlis de ces derniers jours
ont occasionné, près de la gare d'Arfeuil-
les, sur la ligne de Saint-Germain-des-Fos-
sés. à Lyon, un éboulement de rochers qui
a obstrué la voie et a provoqué un dé-
raillement du train 903, 'parti de Saint-
Germain-dcs-Fossés à 4 h. 33 du soir. La
machine et trois voitures de ce train ont
été brisées, mais on ne signale aucun ac-
cident de personne.
Les communications sont momentané-
ment suspendues.
Importante crue de la Loire
Le Puy, 17 octobre.
A la suite dr pluies torrentielles, la Loire
à subi une crue importante dans la nuit,;
causant des dégâts sérieux.
A Brives-Charensac, les maisons ont été
inondées jsqu'à ttàuteur du premier étage.
La digue a été impuissante à maintenir
l'énorme volume d'eau. Toutes les prairies
,sont ensablées. A Brives, une petite mai-
son s'est effondrée.
La crue de la Loire a atteint 6 mètres à
Brive, 7 mètres au pont de Chadrac, et
7 m. 60 à La Voultc-sur-Loire.
Les routes sont coupées en plusieurs
endroits. Un cyclone a ravagé la région do
Saint-Julien-Chapteuil. Une trombe d'eau
s'est abattue sur le Monastier, causant des
dégâts considérables. Il n'y a eu aucun
accident de personnes.
Ce soir, les eaux baissent et tendent &
regagner leur lit. Le temps se remet au
beau.
La crue de l'Hérault
Agde,. 17 octobre.
Le maire d'Agde a reçu de la préfecture
avis qu'une nouvelle crue est à prévoir.
Le fleuve augmente sensiblement. La Com-
pagnie du Midi avise que les voies sont
coupées entre FaJbrègues et Montpellier,
Le transbordement étant impossible, les
voyageurs foat un détour par Cette.
Terribles orages
Montpellier, 16 oclobre; 7 h. 10 soir.
(Retardée dans la transmission.)
Des orages continuent à s'abattre sur
l'Hérault."
Aujourd'hui, à Montpellier, la pluie tl
la grêle n'ont pas cessé de tomber. Le Lez
et le Mosson ont débordé. Presque toutes
les communications autour de Montpellier
sont inteiromp'ies, sauf sur la ligne de
Tarascon à Cette. La ligne du Midi allant
vers Paulhan, est coupée A Fabrègues.
L'Hérault grossit et si la pluie est tombée
aussi abondamment dans son cours supé-
rieur, vers Ganges et Le Vigai^ de nou-
velles inondations sont à craindre.
L'aqueduc conduisant l'eau potable à
Montpellier s'est rompu à Tomassi. à qua-
tre kilomètres de Montpellier.
Un convive inattendu
Montpellier, 16 octobre, 5 h. L'5 soir.
(Retardée dans la transmission.)
A Palavas, au cours du banquet annuel
de la société mutuelle des limonadiers 'JC
Montpellier, la foudre est tombée sur l'atp-
pareil téléphonique du restaurant et, sui-
vant la cheminée, a * pénétré (j,lns la cui-
sine.
M. Varras. restauratrice, a élé brûlée
au ventre. Un domestique a eu au? si un
pied brûlé.
Dans le Gard,
Nîmes, 17 octobre.
Un orage, accompagné d'une pluie dilu-
vienne, s'est déchaîné, -hier soir, sur le
Gard, occasionnant de nombreuses inon-
dations. •
La rivière La Cèzc & débondé, inondant
la ville de BagnoIs. Les eaux, sur certains
points -atteig,.it-nt ro mètres de hauteur.
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