Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-08-12
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 août 1908 12 août 1908
Description : 1908/08/12 (N14033). 1908/08/12 (N14033).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
-- N° 14033. — 24 Thermidor An 113
aNQ cxnrmrai LE NUMÉRO
Mercredi 12 Août 1908. -Ne 14033.'
F««dateur s
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Ut mil Tmîibwi Sis. Citt
Paris. 2fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
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MM. LAGRANGEt CERF é C*
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., TRIBUNE LIBRE -
Où en sommes-nous?
Sil y a encore des répu-
blicains en France, comme
aurait dit autrefois M. Cle-
menceau, qu'ils se posent la
question : « Où en sommes-
nous, où en est, où va la
République ?
Ca tes, je ne veux rien exagérer : ce
pays, qui a manisfesté, il y a deux
ans, ai' façon si éclatante, son attache-
ment a pas, à cette heure, varié et une nou-
velle consultation générale du suffrage
universel serait une confirmation nou-
velle de Ii cs sentiments démocratiques.
Mais le danger vient d'en haut et
Fœuvre qui se poursuit, inconsciem-
ment, sans ioute, menace de plus en
plus d'aboutir aux pires éventualités.
Jamais les mnemis de la République
n'avaient montré autant d'audace et au-
tant de confiance : leur erreur, heureu-
sement, provient de ce qu'ils confon-
dent le régime républicain avec un got -
versement dont les fautes accumulét:,
autorisent toutes les espérances.
Alors que, dans ia paix sociale dont
nous jouissions, il y a deux ans, pou-
vait s'accomplir l'œuvre de justice so-
ciale qui eût affermi la concorde en-
tre les citoyens et consolidé la Répu-
blique, nous nous trouvons aujourd'hui
en présence d'une agitation plus grave
et de troubles plus profonds qu'à au-
cune époque depuis la Commune.
J'ai dit la Commune et j'ai, sous les
yeux, précisément,- un article que M-
Clemenceau consacrait, en 1902, au li-
vre d'Armand Dayot sur le mouvement
insurrectionnel de 1871. « M. Dayot,
écrivait alors le président du conseil,
condamne l'insurrection du 18 mars, et
il le dit nettement, mais recherchant
les causes qui l'amenèrent, il dit non
moins nettement qu'une lourde respon-
sabilité pèse sur ceux qui dirigeaient
alors les affaires publiques : M- Thiers
et ses ministres. Il paraît « aujourd'hui
de toute évidence, dit-il, que tout fui
fait pour la provoquer. »
Si c'est à un mouvement quasi insur-
rectionnel que nous assistons à cette
heure, ne peut-on pas dire, avec plus
de raison encore, que le gouvernement
actuel a tout fait pour le provoquer ?
J'en ai déjà fait, ici même, la dé-
monstration, je crois : Ramener toute
la politique gouvernementale à la ba-
taille contre le socialisme, c'est déchaî-
ner la Révolution, c'est, fatalement,
préparer un retour de réaction.
Il faut, de sang-froid, envisager la
situation. Mo Clemenceau traite les
questions de politique générale, comme
il traite les questions personnelles- On
cite de lui ce mot : « Quand on me
donne un coup de poing, je le rends. »
Ce n'est pas ainsi qu'on gouverne.
Le président du conseil représente la
France et la République et non pas seu-
tement la personnalité, quelque supé-
rieure, quelque susceptible qu'elle soit,
de M. Clemenceau.
Sa politique de répression a débuté
par des mesures qui pouvaient appa-
raître, comme une sorte de restaura-
tion du crime de lèse-majesté- II a
frappé des syndicalistes qui n'avaient
pas parlé de lui ou qui ne lui avaient
pas écrit avec assez de respect ; et de
répression en répression, nous avons vu
se multiplier les procès de presse, les
manifestations, les violences, les grèves
tragiques, les arrestations, les mouve-
ments insurrectionnels et révolutionnai
fts.
Les prisons n'y suffiront pas : où
s'arrêtera l'explosion qui soulève le
monde syndicaliste, de quels cataclys-
mes sociaux serons-nous demain les té-
moins ?
Il est permis de se le demander avec
fcnc anxiété d'autant plus grande que,
d'un bout du pays à l'autre, les grou-
pements ouvriers s'agitent et que des
grèves redoutables sont en perspective.
Est-ce là cette paix sociale qu'entre
lous les chefs de gouvernement, semblait
devoir nous donner, en arrivant au pou-
voir, l'admirable auteur de la Mêlée
sociale ?
Je lis, dans la presse, que le prési-
dent du conseil prépare des lois desti-
nées à enrayer ce mouvement anar-
chiste et révolutionnaire.
Des lois ! qui peut croire, à l'épo-
que où nous vivons, que des lois, fus-
sent-elles « scélérates », peuvent en-
rayer de semblables mouvements.
Ce n'était d'ailleurs pas l'avis au-
trefois, de 31. Clemenceau, qui ne
Voyait d'apaisement social possible que
dans une large politique de liberté, de
conté, de justice, de solidarité.
Pourquoi exciter, provoquer les pas-
sons et les fureurs révolutionnaires ?
Pour avoir la satisfaction de les ma-
ter. A quel prix ? On le sait d'avance.
Au prix d'un violent retour de réac-
tion. C'est la loi fatale.
De la réaction, d'ailleurs, sommes-
nous si éloignés ? Si la Révolution
gronde, la Réaction souffle et s'infiltre
doucement-
L'autre jour, en Normandie, M. Cle-
menceau exposait son programme et
c'est un journal conservateur du Calva-
dos qui s'en déclarait enchanté. « Mais
tout cela, disait ce confrère, tout cela,
c'est notre programme à nous ; ce sont
nos principes, nos doctrines, nos vœux,
nos espérances. C'est tout ce que nous
demandons et voulons réaliser- Et rien
qu'en nous réclamant du langage de M.
Clemenceau, nous avons le droit de lui
répondre que nous sommes les meilleurs
soldats de la cause qu'il préconise.
Car nous vouloris que la République
soit ce qu'il dit. »
Les conservateurs du Calvados veu-
lent que la République soit ce que veut
la faire M. Clemenceau ! Républicains,
où en sommes-nous ?
Paul BOURÉLY,
Député de t'ATdêcl\
LA POLITIQUE
UN REPUBLICAIN
Ce n'est pas seulement un
bon journaliste qui disparaît,
c'est un grand républicain
qui s'en va : Ranc est mort.
Ses adversaires politiques
exalteront ses qualités profes-
sionnelles ,ses mérites personnels ; les
démocrates ont plus et mieux à regretter,
mais il leur reste l'exemple d'une vie. te
Beaucoup ne retiendront que le côté
dramatique d'une existence que variè-
rent tragiquement la prison, la déporta-
tion, les évasions, l'exil et es duels.
Mais. précisément, alors que prend fin
cette carrière de chevalier de Marianne,
commence véritablement le rôle politi-
que de Ranc.
Bien qu'alternativement vainqueur et
vaincu dans les luttes électorales, il ne
cessa d'exercer son action en qualité de
puMiciste.
Au cours d'une longue carrière,l'hom-
me qui avait supporté les coups de
l'Empire et de l'Ordre Moral ne cessa
de préconiser l'union entre républicains.
L'unité de sa politique est là.
- Ranc, d'abord collaborateur de - Gam-
betta, ne s entêta pas, après la mort du
leader, comme beaucoup d'autres, dans
une bouderie hostile au radicalisme.
Comme tous ceux dont les convictions
sont fermes, il ne rétrograda pas pour
atteindre aux honneurs ou au pouvoir.
Ses campagnes contre le nationalisme,
en faveur du bloc républicain, sous
'Waldeck-Rousseau et Combes, restent
présentes à tous les esprits. Dans sa
clairvoyance démocratique il avait aper-
çu les dangers auxquels lçs progressis-
tes, toujours enclins à l'indulgence pour
la droite, exposaient le régime républi-
cain. Il ne croyait pas au péril de gau-
che. Tel Gladstone vieillissant il faisait
crédit aux partis jeunes et à l'avenir.On
le savait. Aussi avons-nous vu à de cer-
tains jours M. Jaurès inquiet de l'opi-
nion des chefs radicaux sur la tactique
de son parti, tourner du côté de Ranc
un visage interrogateur.
Nous regretterons longtemps l'hom-
me qui, à tous les vrais démocrates.
paraissait un arbitre. Sa disparition est
un événement de la vie publique.
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui mardi :
Lever du soleil àib. 18; coucher à 7 h.
21 minutes.
— Courses à Deauville.
Maujaniana.
Dites donc, monsieur Adolphe, quÜ..
tionnait le jeune fils d'un ami, qu'e./
ce que c'est qu'un ouvrage posthume ?
Et Maujan, solennel : « Mon petit
.\n1ti, c'est uni ouvr-age qu'un auteur
publie après sa mort »•
Noblesse
Regnauit, député de la ville de Saint-
Jean-d'Angely.' était de ceux qui cou-
raient le plus après les nouveaux titres
que semait Napoléon. Il laissa paraître
devant M. de TPalleyrancl la joie qu'il
éprouvait d'être tout récemment nor^mié
comte, et se faisait dès lors appeler le
comte Regnault de Sl-:.!Q.an.d' ngely ;
il disait, avec un certain ajt de dédain
-
à travers lequel perçaient peu habile-
ment ses prétentions aristocratiques,
qu'il lui serait facile, s'il ne dédaignait
cela, d'établir, malgré la différence
d'orthographe des noms, qu'il descen-
dait des Renaud de Montauban.
« Mais c'est bien possi'ble, interrom-
pit M de Talleyrand ; c'est peut-être
par les Saint-Jean-d'Angely. &
Huis-clos.
en Angleterre, le huis-clos n'existe
pas à la chambre des divorces. Tous
les assistants peuvent, entendre les dé-
tails les plus intimes et les plus sca-
breux donnés par les intéressés et les
témoins ; aussi, il y a presque toujours
foule..
AUTREFOIS * *
Rappel du 12 août 1872. — M. Jules Si-
mon, ministre, présidant la tiistribuiioii
des prix au Conservatoire a apprécié l'œu-,
vre du compositeur Auber en des termes
qui ont déplu aux professeurs. La chose a
été jusqu'à M. Thiers, qui a répondu aux
auteurs de la réclamation : « Messieurs,
que puis-je y faire ? en fait de musique,
j'en sais encore moins long que mes minis-
tres. »
Le conseil municipal de Nice a comman-
dé au peintre Garaccio, lé portrait de Ga-
ribaldi, pour être placé dans la salle des
séances.
Le jury du concou.rs des pierres commé-
morantes de la guerre de 70, a choisi,
pour être exécutés sur les champs de ba-
taille de l'Hay, de Chdtillon, de Chgny, du Bourget et de Buzenval, les pro-
jets des cinq artistes suivants : n° 74, M.
Bruneaud ; n* 128, M. Mellet ; n* 75, M.
Vaudremer ; n6 67, M. Dcsli/jnièrès ; n' 72.
M. Chipiez.
On vient de sceller dans les caves du
ministère des finances, au Louvre, un cof-
fre-fort en fer, dont la longueur est de 13
mètres, et la hauteur de 3 mètres sur une
épaisseur de 2 m. 50. Il pèse près de
10.000 kilog.
La montre du confesseur
Uu audacieux voleur, agenouillé clans
un confessionnal, dérobait la montre
de son curé, tout en se confessante
- Mon père, lui dit-il, je vole.
..- Comment, mon enfant ?
— Mon père, j'ai volé. (La montre
était déjà dans sa poche.)
- Alors, il faut la rendre.
— Eh bien, mon père, je vais vous
rendre.
— Ce n'est pas à moi qu'il faut ren-
dre, mais à-celui que vous avez Volé".
— Mais, mon père, celui que j'ai volé
n'en veut pas.
— Eh bien J gardez-]a.:
Cachet impérial - .,
Les artistes de l'Opéra ayant paru
dans une fête donnée par l'empereur
Napoléon 1er, le ministre de l'intérieur
reçut l'ordre de leur faire des cadeaux.
M. Chaptal, alors ministre de l'inté-
rieur, leur envoya des livres magnifi-
quement reliés.
A quelque temps de là, les artistes
reçurent de nouveau l'ordre de paraître
dans une nouvelle fête impériale. Beau-
pré, célèbre danseur, demanda à M.
Chaptal si on paierait cette fois en li-
vres ou en francs.
La célébrité
La vanité de certains hommes de let-
tres est une de ces manies risibles qui
fournissent chaque jour les plus pi-
quantes anecdotes. Alexandre Dumas,
étant de garde un jour, entre dans un
café pour déjeuner avec un de ses amis.
Après avoir arrosé un peu plus que
de raison un repas animé par une con-
versation enivrante, Alexandre Dumas,
qui avait quitté son bonnet de grena-
dier, le replaça sur sa tête, la plaque
par derrière, et sortit.
Les passants, un peu étonnés de cette
mascarade, regardaient le romancier et
se retournaient pour le regarder encore.
— Mon cher, dit Dumas, voyez donc
comme ces gens-là me regardent. Ce
que c'est que la célébrité .1
Ulysse amateur -
Alexandre Dumas aimait à conter les
aventures d'un boulevardier qui a fait
à Paris, quinze ans durant., la joie des
viveurs et le désespoir des portiers,
qu'il mystifiait et qui lui donnaient
quelquefois, en revanche, des coups de
balai. En 186L il jouait la tragédie
dans une société d'amateurs. Son rôle
était le personnage d'Ulysse dans Iphi-
gènie.
Jamais on n'a rien vu d'aussi niais
que R. jouant le perfide Ulysse.
- On avait admis quelques spectateurs
ifripolis qui le sifflèrent.
— Voyez-vous ces imbéciles, dit R.,
qui me sifflent parce ,que je n'ai pas de
mollets !
Un rien
— Etes-vous beaucoup plus âgée que
vatre sœur ? demandait-on à une fem-
me qui avait encore, malgré ses
soixante ans, des prétentions à. la jeu-
nesse et à la beauté-
— Oh ! de bien peu, de presque rien,
dit-elle ; deux ou trois mois, tout au
plus.
Connaisseurs. - ,
-.r:-
M. de 0;;<, allant pouf monter on
voiture, aperçClt, dans sa cour, du
foin que son cocher, avait fait venir
le matin.
— Gt Coin-là nst pas. bon, rdit-il à
i
son cocher.
- Pardonnez-moi, répondit ce der-
nier >ôe l'ai aciieie pour jjun.
* us êtes un îaiot, répartit M.
de C. ce foin-là né vaut rien, encore
une fois.
Le cocher en prend une poignée, et,
le présentant à ses chevaux :
— Vos chevaux s'y -connaissent
mieux que vous, monsieur, voyez com-
me ils le mangent.
Faisons de beaux citoyens
» -
Depuis dimanche, la jeunesse est en lies-
se. Petit-Breton, son coureur favori, est
arrivé premier dans Ja course du Tour de
France cycliste. dont les péripéties diver-
ses ont été suivies avec intérêt pendant des
semaines par les assidus lecteurs des chro-
niques Sportives. ,
Une fois de plus, les petits Français qui
sont la génération de demain, ont eu l'oc-
casion de manifester leur prédilection et
leur enthousiasme pour les choses de sport.
Il faut nous en féliciter, nous qui n'avons
connu en fait de sport, au temps de notre
.jeunesse, que les jeux stupides de saute-
.mouton. de -cache-cache ou de barres. Cela
montre que nos enfants éprouvent le besoin
'de se faire, des muscles pour devenir des
ftOBimes forts, de beaux citoyens ,comme
on disait au temps de la cité antique.
Gustave Hùbbard fut jadis en butte à de
nombreux et malveillants brocarts pour
avoir dlit, ou à peu près, dans une distribu-
tion de prix aux élèves d'un lycée de jeunes
filles :
« Mesdemoiselles, cultivez votre dévelop-
pement physique en même temps que vous
cultivez votre développement intellectuel.
Faites-vous des cuisses. »
Jlubbard avait cent fois raison. Tout le
f monde est bien près de le reconnaître au-
jourd'hui.. • - •
N'est-il pas utile, en même temps qu'a-
gré able, que la femme songe à. développer
son corps pour se mieux préparer, elle
aussi, aux luttes de l'existence qui l'atten-
dent et aux nobles fonctions de la mater-
nité ?
Que jeunes garçons et jeunes filles se li-
vrent donc à l'exerciçe des sports, à cet
! exercice scientifique .et raisonné qui doit
Vleur -procurer cette force musculaire dont
notre génération, bourgeoisement dorlotée
dans- 0011 enfance, a trop méconnu la salu-
taire nécessité.
Le mens sana in corpore sano des an-
ciens est plus que jamais la devise de notre
temps. Oui, n'hésitons pas à faire des corps
robustes et sains qui abriteront des âmes
saines.
Nous avons fait trop de corps malingres
et dhétifs, et c'est pourquoi nous constatons
l' isten( de tapi .1'1,"14)", m.i~yahles. H
Ce ne sera pas une des moindres gloires
de notre démocratie d'avoir songé, au re-
'bours de la religion, à faire une humanité
saine de corps et d'esprit. — P. G,
LE MINOTAURE
Le principe de la nation armée est certes
un des plus beaux et des plus rationnels
qui existe. Mais depuis que l'Allemagne a
rétabli, en 1871, le droit de conquête, ce
principe a reçu partout une application tel-
lement intensive qu'on peut prévoir kl rui-
ne de l'Europe à une échéance assez rap-
prochée.
Le Minotaure militaire dévorera l'Europe.
Depuis 1891, les dépenses militaires ont
augmenté de plus de deux milliards.
Cette augmentation a été, pendant la pé-
riode de 1891 à 1907, de :
540 millions pour l'Allemagne
760 millions pour l'Angleterre ;
460 millions pour la France ;
110 millions pour l'Autriche
640 millions pour la Russie ;
65 millions pour l'Italie.
En groupant ces chiffres par Etats alliés,
on constate que la Triplice (Allemagne, Au-
triche et Italie) a augmenté, depuis 1891,
ses dépenses militaires de 700 millions par
an. té
La Duplice (France et Russie a augmenté
les siennes de 715 millions par an.
En ajoutant aux dépenses de la Duplice
celles de l'Angleterre, qui a majoré ses cré-
dits militaires de 760 millions, on arrive à
la somme formidable de 2,190 millions que
le nouveau Minotaure absorbe avec un ap-
pétit insatiable.
Les dettes publiques ont naturellement
dû suivre la même progression.
Ces dettes, d'après l'éminent statisticien
Neymarck, ont monté, pendant la période
de 1866 à 1906, de 66 milliards à 148 mil-
liards ! :
1 La Chine et le Japon paient également
leur tribut au Minotaure militaire.
L'entrée dans la civilisation occidentale
ivaut à la Chine et au Japon des augmenta-
tions de charges importantes.
En 1887. la Chine n'avait pas de dette
Pîublique. Elle doit aujourd'hui près de trois
milliards et demi.
Quant au Japon, sa dette sjjjpt élevée de
792 millions en 1887, à 6 milliards 300 mil-
lions en-1907.
Le budget de la guerre du Japon se mon-
tait à 44 millions en 1887, Il atteint aujour-
d'hui 215 millions !
Que sera-ce quand le colosse chinois se
réveillera définitivement et mettra sur pied
une armée aussi formidable que celle de
toute l'Europe réunie ?
En présence d'une pareille orgie de dé-
pétlètS, on peut se demander où nous allons.
Nous marchons vers la ruine ou vers une
conflagration destinée à bouileverser la car-
te du monde.
Les impôts actuels ne répondent nulle
part aux besoins des Trésors.
La matière imposable semble s'épuiser,
les sources fiscales se tarissent. On a ex-
trait de la masse contribuable tout ce qu'on
peut en tirer.
Partout, on cherche de nouveaux élé-
ments ; partout, le Minotaure ravage les
ressouresà vitales des nations.
Ce qu'il y a de plus redoutable dans cette
situation, c'est qu'elle parait sans issue ;
car le désarmement fait partie de ces fic-
tions que la réalité vient effacer.
Le désarmement est eomme l'impôt : cha-
cun voudrait le mettre à la charge du voi-
sin et aucun né oong à le pratiquer.
Ah ! l'Europe paie bien chèrement son
inertie de 1871 ! Le droit ne se laisse pas
jmmmément violer.
La situation actuelle, qui ébranle la
vieille Europe presque dans ses fondements,
iest la revanche du DroU. -- J.
TRIBUNE CORPORATIVE
EN VACANCES
Colonies scolaires et Villégiatures d'adultes en coopération
(De notre envoyé spécial) -
Vic-sur-Aisne, le 7 août 1908.
Vie-sur-Aisne, jolie ville de 1,000 ha-
bitants, est à 105 kilomètres de Paris.
Bâtie sur un petii monticule, la pente
douce de ses rues permet, l'écoulement
des eauxv d'où résultent la propreté et
l'absence de poussière. La ville est au
centre" d'unè plaine bien cultivée, arro-
sée par l'Aisne et environnée de colli-
nes e tde coteaux boisés.
Nous arrivons à 10 heures et nous
nous dirigeons aussitôt vers l'école où
est logée la colonie de 40 garçons de
Paris et de Vincennes. Mme Charlier
nous reçoit. Elle nous apprend que la
colonie arrivée dé la veille est partie en
promenade dès le matin.
C'est l'Œuvre des Colonies scolaires
de vacances, 6, rue de Louvois, qui a
dirigé sur Vie, pour un séjour de 21
jours, ce groupe d'écoliers de 10 à 15
ans.
En attendant le retour de la colonie,
Mme Charlier nous fait visiter les lo-
caux. L'école est neuve; sur le midi,
une cour bien éclairée. Un hangar
bien aménagé sert de réfectoire. Les
dortoirs sont très hauts de plafond,
très clairs, aérés au nord et au sud.
Les colons arr vent. Le directeur de
la colonie. M. Boyer et son adjoint, M.
Despayroux conduisent la petite troupe
fort joyeuse. On se met bien vite à ta-
ble. Nous assistons au déjeuner. La
nourriture est appétissante *ct abon-
dante, les appétits bien à point, il est
certain que cette nourriture, accompa-
gnée de deux promenades journalières
et quelquefois de longues excursions
dans les environs, réconforte l'organis-
me faiblot de nos enfants de Paris-C'est
la cure d'air et la suralimentation qui
se complètent l'une l'autre.
A quatre heures, après une nouvelle
promenade sur les rives de l'Aisne, les
colons sont pesés. Cette opération sera
recommencée au départ. Les résuI
de - la villégiature seront indiqués pare
les différences de poids à l'arrivée et ail-
départ. La mensuration interviendrai
également. -
Dans la belle plaine qui environne lai;
ville, c'est la grande culture, blé et bet-J
terave. On y trouve une importante mi.!
noterie, propriété de M. Braux, mairo
de Vie et de belles carrières de pierre..
Les colonies scolaires font des excur-
sions à Pierrefo.nds, à Compiègne, aa.
Jardin d'horticulture, à Saint-Jean de £
Vignes, et sur les coteaux élevés. Il n'y
a pas de grande industrie dans la ré-
gion, l'air y est très pur. La plaine est
ensoleillée, vivante. Beaucoup d'em-
ployés et de fonctionaires viennent y
■goûter, durant leur congé, le repo
bien gagné avec les douceurs de la pet
che. C'est un coin délicieux.
Dans la ville même. nous voyons un
vieux donjon, construit par Eudes"
comte de Paris, en 889, restauré an
douzième siècle. La forteresse est dé-
pendante d'un château plus moderne.
Dans le grand parc de cette, demeure"
on nous signale une borne militaire,
sur la voie romaine, remontant à Carao(-..
calla. an 212. - -
De sorte qu'avec la vie,* la iionne vie
matérielle, les colons trouvent aùssi,
Vie,, une aliment intellectuel. précieux*
P. Courrèges.
Notre envoyé spécial visitera un cer-
tain nombre de colonies dans les envi-
rons de Paris, sur les côtes de la Man-
che et de l'Océan. Les communications
qui nous seront faites seront suivies
d'une étude d'ensemble qui ne manque-
ra pas d'intérêt. Les œuvres des coCo*
nies scolaires et de villégiatures d'adul-
tes sont très nombreuses. Les services
qu'elles rendent sont incontestables.
Nous désirons leur apporter tout hotre
concours.
La mort de Ranc
Notre confrère 'Ranc, sénateur de kt
Corse, vient de mourir en son domicile, 21,
place des Vosges.
M. Ranc était, depuis longtemps, retenu
à la chambre par la maladie.
Dimanche, le bruit courait que son état
jetait subitement 'aggravé. Le (sénateur
de la Corse avait eu, en effet, dans la mati-
née, une indisposition bénigne ; au cours
de l'après-midi, il pouvait cependant se li-
vrer à ses occupations ordinaires; mais, à
la fin de là soirée, il était obligé de s'aliter.
Mme Ranc, justement (inquiète, préve-
nait aussitôt ses amis et le médecin de la
famille. Celui-ci trouvait le malade dans
un ! état de faiblesse extrême et jugeait la
situation absolument désespérée. Malgré
les soins les plus empressés, M. Ranc s'é-
teignait doucement hier matin, à six heu-
res.
Ausisitôt la nouvelle connue, nombre de
personnalités politiques, de littérateurs, de
confrères et d'amis sont allés s'inscrire.
La vie d'un militant
Arthur Ranc était né à Poitiers, le 20 dé-
cembre 1831. Après avoir fait de fortes étu-
des, d'abord au lycée de sa ville natale,
ensuite à Paris, à l'Ecole de droit et à l'E-
cole des Chartes, il s'était lancé de bonne
heure dans la politique, et emporté par
l'ardeur de sa foi républicaine, avait ba-
taillé courageusement contre l'Empire, pre-
nant part aux réunions hostiles, et payant
partout de sa personne.
Ses attaques /alarmèrent les autoritéa,
dit le Temps, à qui nous empruntons ces
notes biographiques, et en 1853, la police
l'impliquait' dans le procès de l'Opéra-Co-
miqué : bien à tort, certes; consulté, Ranc
avait, ten »effet, (déconseillé l'attentat en
tant qu'attentat, et avait même répondu à
un de ceux qui paraissaient le plus dési-
reux de tirer sur l'empereur : « D'ailleurs,
je suis bien tranquille : vous êtes myope,
vous le raterez. »
Le jury acquitta Ranc. Mais la police se
rattrapa en le déférant aux juges correc-
tionnels sons l'inculpation. d'affiliation à
une société secrète et en le faisant con-
damner à un an de prison.
Un peu plus tard, on l'arrêta, de nou-
veau, en l'accusant de complicité avec Bel-
lemare, qui en 1855 tira un coup de pisto-
let sur les dames d'honneur de l'impéra-
trice, et au mois de janvier de l'année
suivante, on le transporta à Lambessa,
sans autre forme de procès.
S'étant évadé et s'étant réfugié en Suis-
se, il devint directeur. des études du pen-
sionnat de. Cully, près de Genève, et re-
vint à Paris après l'amnistie de 1859. C'est
alors qu'il entre comme correcteur à l'Opi-
nion nationale, correspond avec divers
journaux étrangers, et deviut rédacteur au
Nain jaune, en 1865.
De nouveau, il eut maille à partir avec
la justice impériale, et à propos d'une chro-
nique sur les événements de juin 1818,
purgea à Sainte-Pélagie une condamnation
à quatre mois de prison. !
Enfin, c'est la chute de l'Empire.
Le 4 septembre 1870, Ranc est nommé
maire du neuvième arrondissement- de Pa-
ris et va rejoindre, par ballon la déléga-
tion de Tours. Gambetta, estimant qu'il
devait d'autant mieux connaître la police
i qu'il en avait davantage éprouvé les abus,
le nomma directeur de la Sûreté générale.
C'est en cette qualité que Ranc fut chargé
d'arrêter le prince de Joinville et de lui sic
gnîfier, au nom du gouvernement de la
Défense nationale, son expulsion da
France.
Pendant la Commune
Ranc réorganisa la Sûreté de fond en
comble, en administrateur émérite et en
politique avisé. Après quoi, le 6 février
181, il démissionne,suivant Gambetta dans,
sa retraite. Mais le surlendemain, il est élu,
député de la Seine à l'Assemblée nationale.
En même temps que Gambetta, Trido
Rochefort et autres, qui votèrent contre
les préliminaires de paix, il résigne son
mandat et bientôt rentre à Paris, où il
est élu, le 26 mars, membre de la Com-
mune.
M. Méline propose à Ranc de le porter
à la-présidence de l'assemblée par une coa-
lition des modérés et des blanquistes. Ranc
refuse. Quelques jours après, M. Méline
donne sa démission. Ranc, qui n'approu-
vait ni les tendances ni les violences de la
Commune, et qui n'avait pas réussi à trou-
ver un terrain d'entente entre les parti,
opposés, démissionne aussi le 5 avril, ait
moment où est voté le décret relatif à l'exé-
cution des otages. Mais Ranc reste à Pa-
ris, engage vainement Vermorel à donner
à son tour sa démission et conjure RaouJ
Rigaud de renoncer au projet d'incendier
les Tuileries et l'Hôtel de Ville, dont celui!
ci l'avait entretenu.
Condamné à mort
Le 30 juillet, le quartier Sainte-Margue-
rite l'élit conseiller municipal. Entre tempi
il entre à la République française. Mais la
presse monarchiste le représente comme
un « dangereux communard » et réclama
son arrestation. Le 11 mai 1873, son élec-
tion comme député du Rhône à l'Assem-
blée nationale redouble la fureur des réac-
tionnaires; avant la validation de son élec-
tion, les bonapartistes poussent à sa con-
damnation ; en. vain le préfet de police
Léon Renault, entendu par le conseil des1
ministres, et son vieux camarade de collè-
ge Ernoul, prennent sa défense; le parti
de l'ordre moral redouble ses attaques, ell'
après le scrutin, un aimable bonapartiste
pouvait dire : (Co Enfin nous allons dono
pouvoir pincer Ranc et envoyer Rochefort
à la Nouvelle-Calédonie. » Ranc, abandon-
né par l'Assemblée, était en effet traduit
devant un conseil de guerre, sur l'initiative
du général de Ladmirault, et condamné 4
mort (13 octobre 1873).
Or, il s'échappe à temps et peut gagner
la Belgique. Les attaques de ses adversai-
res redoublent ; elles ne prennent fin qu'à
la suite de deux duels retentissants, l'uiv
avec Ivan de Wœstyne, l'autre avec Paul
de Cassagnac. Ranc était très fort à l'épée,
escrimeur excellent; à ce titre, il eut -sou-
vent à servir d'arbitre et plus souvent en-
core de térnon à plusieurs reprises, il as-
?sta M. Clemenceau dans ces sortes de
rencontres, et aussi le général Picquart
dans son .uel avec le colonel Henry*.
Quoiuuo en '¡:x:}, Ranc continue sa colla-
boration à 1a République lrançaise.
Amnistié en 1879, il rentre en France,
devient un an plus tard directeur de la
Petite République, et en 1881 est élu député
de la Seine. Un des chefs du parti oppor-
tuniste, il milite en faveur de la concentra-
tion républicaine. Aux élections de 1885, au
scrutin de liste, il est battu. Il fut un des
promoteurs de la concentration de tous les
républicains contre le boulangisme.
Pendant l'Affaire Dreyfus
- En 1891, il devint sénateur de la Seine.
Peu après, l'affaire Druvfus éclate. Ranc
a dit lui-même, dans un article du Radical
du 4 septembre 1903, corr.nient il entrai
dans l'Affaire. « C'est à Bernard Lazara
que je dois l'honneur de m'être jeté l'uni
aNQ cxnrmrai LE NUMÉRO
Mercredi 12 Août 1908. -Ne 14033.'
F««dateur s
AUGUSTE VACQUERIE
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., TRIBUNE LIBRE -
Où en sommes-nous?
Sil y a encore des répu-
blicains en France, comme
aurait dit autrefois M. Cle-
menceau, qu'ils se posent la
question : « Où en sommes-
nous, où en est, où va la
République ?
Ca tes, je ne veux rien exagérer : ce
pays, qui a manisfesté, il y a deux
ans, ai' façon si éclatante, son attache-
ment a
velle consultation générale du suffrage
universel serait une confirmation nou-
velle de Ii cs sentiments démocratiques.
Mais le danger vient d'en haut et
Fœuvre qui se poursuit, inconsciem-
ment, sans ioute, menace de plus en
plus d'aboutir aux pires éventualités.
Jamais les mnemis de la République
n'avaient montré autant d'audace et au-
tant de confiance : leur erreur, heureu-
sement, provient de ce qu'ils confon-
dent le régime républicain avec un got -
versement dont les fautes accumulét:,
autorisent toutes les espérances.
Alors que, dans ia paix sociale dont
nous jouissions, il y a deux ans, pou-
vait s'accomplir l'œuvre de justice so-
ciale qui eût affermi la concorde en-
tre les citoyens et consolidé la Répu-
blique, nous nous trouvons aujourd'hui
en présence d'une agitation plus grave
et de troubles plus profonds qu'à au-
cune époque depuis la Commune.
J'ai dit la Commune et j'ai, sous les
yeux, précisément,- un article que M-
Clemenceau consacrait, en 1902, au li-
vre d'Armand Dayot sur le mouvement
insurrectionnel de 1871. « M. Dayot,
écrivait alors le président du conseil,
condamne l'insurrection du 18 mars, et
il le dit nettement, mais recherchant
les causes qui l'amenèrent, il dit non
moins nettement qu'une lourde respon-
sabilité pèse sur ceux qui dirigeaient
alors les affaires publiques : M- Thiers
et ses ministres. Il paraît « aujourd'hui
de toute évidence, dit-il, que tout fui
fait pour la provoquer. »
Si c'est à un mouvement quasi insur-
rectionnel que nous assistons à cette
heure, ne peut-on pas dire, avec plus
de raison encore, que le gouvernement
actuel a tout fait pour le provoquer ?
J'en ai déjà fait, ici même, la dé-
monstration, je crois : Ramener toute
la politique gouvernementale à la ba-
taille contre le socialisme, c'est déchaî-
ner la Révolution, c'est, fatalement,
préparer un retour de réaction.
Il faut, de sang-froid, envisager la
situation. Mo Clemenceau traite les
questions de politique générale, comme
il traite les questions personnelles- On
cite de lui ce mot : « Quand on me
donne un coup de poing, je le rends. »
Ce n'est pas ainsi qu'on gouverne.
Le président du conseil représente la
France et la République et non pas seu-
tement la personnalité, quelque supé-
rieure, quelque susceptible qu'elle soit,
de M. Clemenceau.
Sa politique de répression a débuté
par des mesures qui pouvaient appa-
raître, comme une sorte de restaura-
tion du crime de lèse-majesté- II a
frappé des syndicalistes qui n'avaient
pas parlé de lui ou qui ne lui avaient
pas écrit avec assez de respect ; et de
répression en répression, nous avons vu
se multiplier les procès de presse, les
manifestations, les violences, les grèves
tragiques, les arrestations, les mouve-
ments insurrectionnels et révolutionnai
fts.
Les prisons n'y suffiront pas : où
s'arrêtera l'explosion qui soulève le
monde syndicaliste, de quels cataclys-
mes sociaux serons-nous demain les té-
moins ?
Il est permis de se le demander avec
fcnc anxiété d'autant plus grande que,
d'un bout du pays à l'autre, les grou-
pements ouvriers s'agitent et que des
grèves redoutables sont en perspective.
Est-ce là cette paix sociale qu'entre
lous les chefs de gouvernement, semblait
devoir nous donner, en arrivant au pou-
voir, l'admirable auteur de la Mêlée
sociale ?
Je lis, dans la presse, que le prési-
dent du conseil prépare des lois desti-
nées à enrayer ce mouvement anar-
chiste et révolutionnaire.
Des lois ! qui peut croire, à l'épo-
que où nous vivons, que des lois, fus-
sent-elles « scélérates », peuvent en-
rayer de semblables mouvements.
Ce n'était d'ailleurs pas l'avis au-
trefois, de 31. Clemenceau, qui ne
Voyait d'apaisement social possible que
dans une large politique de liberté, de
conté, de justice, de solidarité.
Pourquoi exciter, provoquer les pas-
sons et les fureurs révolutionnaires ?
Pour avoir la satisfaction de les ma-
ter. A quel prix ? On le sait d'avance.
Au prix d'un violent retour de réac-
tion. C'est la loi fatale.
De la réaction, d'ailleurs, sommes-
nous si éloignés ? Si la Révolution
gronde, la Réaction souffle et s'infiltre
doucement-
L'autre jour, en Normandie, M. Cle-
menceau exposait son programme et
c'est un journal conservateur du Calva-
dos qui s'en déclarait enchanté. « Mais
tout cela, disait ce confrère, tout cela,
c'est notre programme à nous ; ce sont
nos principes, nos doctrines, nos vœux,
nos espérances. C'est tout ce que nous
demandons et voulons réaliser- Et rien
qu'en nous réclamant du langage de M.
Clemenceau, nous avons le droit de lui
répondre que nous sommes les meilleurs
soldats de la cause qu'il préconise.
Car nous vouloris que la République
soit ce qu'il dit. »
Les conservateurs du Calvados veu-
lent que la République soit ce que veut
la faire M. Clemenceau ! Républicains,
où en sommes-nous ?
Paul BOURÉLY,
Député de t'ATdêcl\
LA POLITIQUE
UN REPUBLICAIN
Ce n'est pas seulement un
bon journaliste qui disparaît,
c'est un grand républicain
qui s'en va : Ranc est mort.
Ses adversaires politiques
exalteront ses qualités profes-
sionnelles ,ses mérites personnels ; les
démocrates ont plus et mieux à regretter,
mais il leur reste l'exemple d'une vie. te
Beaucoup ne retiendront que le côté
dramatique d'une existence que variè-
rent tragiquement la prison, la déporta-
tion, les évasions, l'exil et es duels.
Mais. précisément, alors que prend fin
cette carrière de chevalier de Marianne,
commence véritablement le rôle politi-
que de Ranc.
Bien qu'alternativement vainqueur et
vaincu dans les luttes électorales, il ne
cessa d'exercer son action en qualité de
puMiciste.
Au cours d'une longue carrière,l'hom-
me qui avait supporté les coups de
l'Empire et de l'Ordre Moral ne cessa
de préconiser l'union entre républicains.
L'unité de sa politique est là.
- Ranc, d'abord collaborateur de - Gam-
betta, ne s entêta pas, après la mort du
leader, comme beaucoup d'autres, dans
une bouderie hostile au radicalisme.
Comme tous ceux dont les convictions
sont fermes, il ne rétrograda pas pour
atteindre aux honneurs ou au pouvoir.
Ses campagnes contre le nationalisme,
en faveur du bloc républicain, sous
'Waldeck-Rousseau et Combes, restent
présentes à tous les esprits. Dans sa
clairvoyance démocratique il avait aper-
çu les dangers auxquels lçs progressis-
tes, toujours enclins à l'indulgence pour
la droite, exposaient le régime républi-
cain. Il ne croyait pas au péril de gau-
che. Tel Gladstone vieillissant il faisait
crédit aux partis jeunes et à l'avenir.On
le savait. Aussi avons-nous vu à de cer-
tains jours M. Jaurès inquiet de l'opi-
nion des chefs radicaux sur la tactique
de son parti, tourner du côté de Ranc
un visage interrogateur.
Nous regretterons longtemps l'hom-
me qui, à tous les vrais démocrates.
paraissait un arbitre. Sa disparition est
un événement de la vie publique.
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui mardi :
Lever du soleil àib. 18; coucher à 7 h.
21 minutes.
— Courses à Deauville.
Maujaniana.
Dites donc, monsieur Adolphe, quÜ..
tionnait le jeune fils d'un ami, qu'e./
ce que c'est qu'un ouvrage posthume ?
Et Maujan, solennel : « Mon petit
.\n1ti, c'est uni ouvr-age qu'un auteur
publie après sa mort »•
Noblesse
Regnauit, député de la ville de Saint-
Jean-d'Angely.' était de ceux qui cou-
raient le plus après les nouveaux titres
que semait Napoléon. Il laissa paraître
devant M. de TPalleyrancl la joie qu'il
éprouvait d'être tout récemment nor^mié
comte, et se faisait dès lors appeler le
comte Regnault de Sl-:.!Q.an.d' ngely ;
il disait, avec un certain ajt de dédain
-
à travers lequel perçaient peu habile-
ment ses prétentions aristocratiques,
qu'il lui serait facile, s'il ne dédaignait
cela, d'établir, malgré la différence
d'orthographe des noms, qu'il descen-
dait des Renaud de Montauban.
« Mais c'est bien possi'ble, interrom-
pit M de Talleyrand ; c'est peut-être
par les Saint-Jean-d'Angely. &
Huis-clos.
en Angleterre, le huis-clos n'existe
pas à la chambre des divorces. Tous
les assistants peuvent, entendre les dé-
tails les plus intimes et les plus sca-
breux donnés par les intéressés et les
témoins ; aussi, il y a presque toujours
foule..
AUTREFOIS * *
Rappel du 12 août 1872. — M. Jules Si-
mon, ministre, présidant la tiistribuiioii
des prix au Conservatoire a apprécié l'œu-,
vre du compositeur Auber en des termes
qui ont déplu aux professeurs. La chose a
été jusqu'à M. Thiers, qui a répondu aux
auteurs de la réclamation : « Messieurs,
que puis-je y faire ? en fait de musique,
j'en sais encore moins long que mes minis-
tres. »
Le conseil municipal de Nice a comman-
dé au peintre Garaccio, lé portrait de Ga-
ribaldi, pour être placé dans la salle des
séances.
Le jury du concou.rs des pierres commé-
morantes de la guerre de 70, a choisi,
pour être exécutés sur les champs de ba-
taille de l'Hay, de Chdtillon, de Ch
jets des cinq artistes suivants : n° 74, M.
Bruneaud ; n* 128, M. Mellet ; n* 75, M.
Vaudremer ; n6 67, M. Dcsli/jnièrès ; n' 72.
M. Chipiez.
On vient de sceller dans les caves du
ministère des finances, au Louvre, un cof-
fre-fort en fer, dont la longueur est de 13
mètres, et la hauteur de 3 mètres sur une
épaisseur de 2 m. 50. Il pèse près de
10.000 kilog.
La montre du confesseur
Uu audacieux voleur, agenouillé clans
un confessionnal, dérobait la montre
de son curé, tout en se confessante
- Mon père, lui dit-il, je vole.
..- Comment, mon enfant ?
— Mon père, j'ai volé. (La montre
était déjà dans sa poche.)
- Alors, il faut la rendre.
— Eh bien, mon père, je vais vous
rendre.
— Ce n'est pas à moi qu'il faut ren-
dre, mais à-celui que vous avez Volé".
— Mais, mon père, celui que j'ai volé
n'en veut pas.
— Eh bien J gardez-]a.:
Cachet impérial - .,
Les artistes de l'Opéra ayant paru
dans une fête donnée par l'empereur
Napoléon 1er, le ministre de l'intérieur
reçut l'ordre de leur faire des cadeaux.
M. Chaptal, alors ministre de l'inté-
rieur, leur envoya des livres magnifi-
quement reliés.
A quelque temps de là, les artistes
reçurent de nouveau l'ordre de paraître
dans une nouvelle fête impériale. Beau-
pré, célèbre danseur, demanda à M.
Chaptal si on paierait cette fois en li-
vres ou en francs.
La célébrité
La vanité de certains hommes de let-
tres est une de ces manies risibles qui
fournissent chaque jour les plus pi-
quantes anecdotes. Alexandre Dumas,
étant de garde un jour, entre dans un
café pour déjeuner avec un de ses amis.
Après avoir arrosé un peu plus que
de raison un repas animé par une con-
versation enivrante, Alexandre Dumas,
qui avait quitté son bonnet de grena-
dier, le replaça sur sa tête, la plaque
par derrière, et sortit.
Les passants, un peu étonnés de cette
mascarade, regardaient le romancier et
se retournaient pour le regarder encore.
— Mon cher, dit Dumas, voyez donc
comme ces gens-là me regardent. Ce
que c'est que la célébrité .1
Ulysse amateur -
Alexandre Dumas aimait à conter les
aventures d'un boulevardier qui a fait
à Paris, quinze ans durant., la joie des
viveurs et le désespoir des portiers,
qu'il mystifiait et qui lui donnaient
quelquefois, en revanche, des coups de
balai. En 186L il jouait la tragédie
dans une société d'amateurs. Son rôle
était le personnage d'Ulysse dans Iphi-
gènie.
Jamais on n'a rien vu d'aussi niais
que R. jouant le perfide Ulysse.
- On avait admis quelques spectateurs
ifripolis qui le sifflèrent.
— Voyez-vous ces imbéciles, dit R.,
qui me sifflent parce ,que je n'ai pas de
mollets !
Un rien
— Etes-vous beaucoup plus âgée que
vatre sœur ? demandait-on à une fem-
me qui avait encore, malgré ses
soixante ans, des prétentions à. la jeu-
nesse et à la beauté-
— Oh ! de bien peu, de presque rien,
dit-elle ; deux ou trois mois, tout au
plus.
Connaisseurs. - ,
-.r:-
M. de 0;;<, allant pouf monter on
voiture, aperçClt, dans sa cour, du
foin que son cocher, avait fait venir
le matin.
— Gt Coin-là nst pas. bon, rdit-il à
i
son cocher.
- Pardonnez-moi, répondit ce der-
nier >ôe l'ai aciieie pour jjun.
* us êtes un îaiot, répartit M.
de C. ce foin-là né vaut rien, encore
une fois.
Le cocher en prend une poignée, et,
le présentant à ses chevaux :
— Vos chevaux s'y -connaissent
mieux que vous, monsieur, voyez com-
me ils le mangent.
Faisons de beaux citoyens
» -
Depuis dimanche, la jeunesse est en lies-
se. Petit-Breton, son coureur favori, est
arrivé premier dans Ja course du Tour de
France cycliste. dont les péripéties diver-
ses ont été suivies avec intérêt pendant des
semaines par les assidus lecteurs des chro-
niques Sportives. ,
Une fois de plus, les petits Français qui
sont la génération de demain, ont eu l'oc-
casion de manifester leur prédilection et
leur enthousiasme pour les choses de sport.
Il faut nous en féliciter, nous qui n'avons
connu en fait de sport, au temps de notre
.jeunesse, que les jeux stupides de saute-
.mouton. de -cache-cache ou de barres. Cela
montre que nos enfants éprouvent le besoin
'de se faire, des muscles pour devenir des
ftOBimes forts, de beaux citoyens ,comme
on disait au temps de la cité antique.
Gustave Hùbbard fut jadis en butte à de
nombreux et malveillants brocarts pour
avoir dlit, ou à peu près, dans une distribu-
tion de prix aux élèves d'un lycée de jeunes
filles :
« Mesdemoiselles, cultivez votre dévelop-
pement physique en même temps que vous
cultivez votre développement intellectuel.
Faites-vous des cuisses. »
Jlubbard avait cent fois raison. Tout le
f monde est bien près de le reconnaître au-
jourd'hui.. • - •
N'est-il pas utile, en même temps qu'a-
gré able, que la femme songe à. développer
son corps pour se mieux préparer, elle
aussi, aux luttes de l'existence qui l'atten-
dent et aux nobles fonctions de la mater-
nité ?
Que jeunes garçons et jeunes filles se li-
vrent donc à l'exerciçe des sports, à cet
! exercice scientifique .et raisonné qui doit
Vleur -procurer cette force musculaire dont
notre génération, bourgeoisement dorlotée
dans- 0011 enfance, a trop méconnu la salu-
taire nécessité.
Le mens sana in corpore sano des an-
ciens est plus que jamais la devise de notre
temps. Oui, n'hésitons pas à faire des corps
robustes et sains qui abriteront des âmes
saines.
Nous avons fait trop de corps malingres
et dhétifs, et c'est pourquoi nous constatons
l' isten( de tapi .1'1,"14)", m.i~yahles. H
Ce ne sera pas une des moindres gloires
de notre démocratie d'avoir songé, au re-
'bours de la religion, à faire une humanité
saine de corps et d'esprit. — P. G,
LE MINOTAURE
Le principe de la nation armée est certes
un des plus beaux et des plus rationnels
qui existe. Mais depuis que l'Allemagne a
rétabli, en 1871, le droit de conquête, ce
principe a reçu partout une application tel-
lement intensive qu'on peut prévoir kl rui-
ne de l'Europe à une échéance assez rap-
prochée.
Le Minotaure militaire dévorera l'Europe.
Depuis 1891, les dépenses militaires ont
augmenté de plus de deux milliards.
Cette augmentation a été, pendant la pé-
riode de 1891 à 1907, de :
540 millions pour l'Allemagne
760 millions pour l'Angleterre ;
460 millions pour la France ;
110 millions pour l'Autriche
640 millions pour la Russie ;
65 millions pour l'Italie.
En groupant ces chiffres par Etats alliés,
on constate que la Triplice (Allemagne, Au-
triche et Italie) a augmenté, depuis 1891,
ses dépenses militaires de 700 millions par
an. té
La Duplice (France et Russie a augmenté
les siennes de 715 millions par an.
En ajoutant aux dépenses de la Duplice
celles de l'Angleterre, qui a majoré ses cré-
dits militaires de 760 millions, on arrive à
la somme formidable de 2,190 millions que
le nouveau Minotaure absorbe avec un ap-
pétit insatiable.
Les dettes publiques ont naturellement
dû suivre la même progression.
Ces dettes, d'après l'éminent statisticien
Neymarck, ont monté, pendant la période
de 1866 à 1906, de 66 milliards à 148 mil-
liards ! :
1 La Chine et le Japon paient également
leur tribut au Minotaure militaire.
L'entrée dans la civilisation occidentale
ivaut à la Chine et au Japon des augmenta-
tions de charges importantes.
En 1887. la Chine n'avait pas de dette
Pîublique. Elle doit aujourd'hui près de trois
milliards et demi.
Quant au Japon, sa dette sjjjpt élevée de
792 millions en 1887, à 6 milliards 300 mil-
lions en-1907.
Le budget de la guerre du Japon se mon-
tait à 44 millions en 1887, Il atteint aujour-
d'hui 215 millions !
Que sera-ce quand le colosse chinois se
réveillera définitivement et mettra sur pied
une armée aussi formidable que celle de
toute l'Europe réunie ?
En présence d'une pareille orgie de dé-
pétlètS, on peut se demander où nous allons.
Nous marchons vers la ruine ou vers une
conflagration destinée à bouileverser la car-
te du monde.
Les impôts actuels ne répondent nulle
part aux besoins des Trésors.
La matière imposable semble s'épuiser,
les sources fiscales se tarissent. On a ex-
trait de la masse contribuable tout ce qu'on
peut en tirer.
Partout, on cherche de nouveaux élé-
ments ; partout, le Minotaure ravage les
ressouresà vitales des nations.
Ce qu'il y a de plus redoutable dans cette
situation, c'est qu'elle parait sans issue ;
car le désarmement fait partie de ces fic-
tions que la réalité vient effacer.
Le désarmement est eomme l'impôt : cha-
cun voudrait le mettre à la charge du voi-
sin et aucun né oong à le pratiquer.
Ah ! l'Europe paie bien chèrement son
inertie de 1871 ! Le droit ne se laisse pas
jmmmément violer.
La situation actuelle, qui ébranle la
vieille Europe presque dans ses fondements,
iest la revanche du DroU. -- J.
TRIBUNE CORPORATIVE
EN VACANCES
Colonies scolaires et Villégiatures d'adultes en coopération
(De notre envoyé spécial) -
Vic-sur-Aisne, le 7 août 1908.
Vie-sur-Aisne, jolie ville de 1,000 ha-
bitants, est à 105 kilomètres de Paris.
Bâtie sur un petii monticule, la pente
douce de ses rues permet, l'écoulement
des eauxv d'où résultent la propreté et
l'absence de poussière. La ville est au
centre" d'unè plaine bien cultivée, arro-
sée par l'Aisne et environnée de colli-
nes e tde coteaux boisés.
Nous arrivons à 10 heures et nous
nous dirigeons aussitôt vers l'école où
est logée la colonie de 40 garçons de
Paris et de Vincennes. Mme Charlier
nous reçoit. Elle nous apprend que la
colonie arrivée dé la veille est partie en
promenade dès le matin.
C'est l'Œuvre des Colonies scolaires
de vacances, 6, rue de Louvois, qui a
dirigé sur Vie, pour un séjour de 21
jours, ce groupe d'écoliers de 10 à 15
ans.
En attendant le retour de la colonie,
Mme Charlier nous fait visiter les lo-
caux. L'école est neuve; sur le midi,
une cour bien éclairée. Un hangar
bien aménagé sert de réfectoire. Les
dortoirs sont très hauts de plafond,
très clairs, aérés au nord et au sud.
Les colons arr vent. Le directeur de
la colonie. M. Boyer et son adjoint, M.
Despayroux conduisent la petite troupe
fort joyeuse. On se met bien vite à ta-
ble. Nous assistons au déjeuner. La
nourriture est appétissante *ct abon-
dante, les appétits bien à point, il est
certain que cette nourriture, accompa-
gnée de deux promenades journalières
et quelquefois de longues excursions
dans les environs, réconforte l'organis-
me faiblot de nos enfants de Paris-C'est
la cure d'air et la suralimentation qui
se complètent l'une l'autre.
A quatre heures, après une nouvelle
promenade sur les rives de l'Aisne, les
colons sont pesés. Cette opération sera
recommencée au départ. Les résuI
de - la villégiature seront indiqués pare
les différences de poids à l'arrivée et ail-
départ. La mensuration interviendrai
également. -
Dans la belle plaine qui environne lai;
ville, c'est la grande culture, blé et bet-J
terave. On y trouve une importante mi.!
noterie, propriété de M. Braux, mairo
de Vie et de belles carrières de pierre..
Les colonies scolaires font des excur-
sions à Pierrefo.nds, à Compiègne, aa.
Jardin d'horticulture, à Saint-Jean de £
Vignes, et sur les coteaux élevés. Il n'y
a pas de grande industrie dans la ré-
gion, l'air y est très pur. La plaine est
ensoleillée, vivante. Beaucoup d'em-
ployés et de fonctionaires viennent y
■goûter, durant leur congé, le repo
bien gagné avec les douceurs de la pet
che. C'est un coin délicieux.
Dans la ville même. nous voyons un
vieux donjon, construit par Eudes"
comte de Paris, en 889, restauré an
douzième siècle. La forteresse est dé-
pendante d'un château plus moderne.
Dans le grand parc de cette, demeure"
on nous signale une borne militaire,
sur la voie romaine, remontant à Carao(-..
calla. an 212. - -
De sorte qu'avec la vie,* la iionne vie
matérielle, les colons trouvent aùssi,
Vie,, une aliment intellectuel. précieux*
P. Courrèges.
Notre envoyé spécial visitera un cer-
tain nombre de colonies dans les envi-
rons de Paris, sur les côtes de la Man-
che et de l'Océan. Les communications
qui nous seront faites seront suivies
d'une étude d'ensemble qui ne manque-
ra pas d'intérêt. Les œuvres des coCo*
nies scolaires et de villégiatures d'adul-
tes sont très nombreuses. Les services
qu'elles rendent sont incontestables.
Nous désirons leur apporter tout hotre
concours.
La mort de Ranc
Notre confrère 'Ranc, sénateur de kt
Corse, vient de mourir en son domicile, 21,
place des Vosges.
M. Ranc était, depuis longtemps, retenu
à la chambre par la maladie.
Dimanche, le bruit courait que son état
jetait subitement 'aggravé. Le (sénateur
de la Corse avait eu, en effet, dans la mati-
née, une indisposition bénigne ; au cours
de l'après-midi, il pouvait cependant se li-
vrer à ses occupations ordinaires; mais, à
la fin de là soirée, il était obligé de s'aliter.
Mme Ranc, justement (inquiète, préve-
nait aussitôt ses amis et le médecin de la
famille. Celui-ci trouvait le malade dans
un ! état de faiblesse extrême et jugeait la
situation absolument désespérée. Malgré
les soins les plus empressés, M. Ranc s'é-
teignait doucement hier matin, à six heu-
res.
Ausisitôt la nouvelle connue, nombre de
personnalités politiques, de littérateurs, de
confrères et d'amis sont allés s'inscrire.
La vie d'un militant
Arthur Ranc était né à Poitiers, le 20 dé-
cembre 1831. Après avoir fait de fortes étu-
des, d'abord au lycée de sa ville natale,
ensuite à Paris, à l'Ecole de droit et à l'E-
cole des Chartes, il s'était lancé de bonne
heure dans la politique, et emporté par
l'ardeur de sa foi républicaine, avait ba-
taillé courageusement contre l'Empire, pre-
nant part aux réunions hostiles, et payant
partout de sa personne.
Ses attaques /alarmèrent les autoritéa,
dit le Temps, à qui nous empruntons ces
notes biographiques, et en 1853, la police
l'impliquait' dans le procès de l'Opéra-Co-
miqué : bien à tort, certes; consulté, Ranc
avait, ten »effet, (déconseillé l'attentat en
tant qu'attentat, et avait même répondu à
un de ceux qui paraissaient le plus dési-
reux de tirer sur l'empereur : « D'ailleurs,
je suis bien tranquille : vous êtes myope,
vous le raterez. »
Le jury acquitta Ranc. Mais la police se
rattrapa en le déférant aux juges correc-
tionnels sons l'inculpation. d'affiliation à
une société secrète et en le faisant con-
damner à un an de prison.
Un peu plus tard, on l'arrêta, de nou-
veau, en l'accusant de complicité avec Bel-
lemare, qui en 1855 tira un coup de pisto-
let sur les dames d'honneur de l'impéra-
trice, et au mois de janvier de l'année
suivante, on le transporta à Lambessa,
sans autre forme de procès.
S'étant évadé et s'étant réfugié en Suis-
se, il devint directeur. des études du pen-
sionnat de. Cully, près de Genève, et re-
vint à Paris après l'amnistie de 1859. C'est
alors qu'il entre comme correcteur à l'Opi-
nion nationale, correspond avec divers
journaux étrangers, et deviut rédacteur au
Nain jaune, en 1865.
De nouveau, il eut maille à partir avec
la justice impériale, et à propos d'une chro-
nique sur les événements de juin 1818,
purgea à Sainte-Pélagie une condamnation
à quatre mois de prison. !
Enfin, c'est la chute de l'Empire.
Le 4 septembre 1870, Ranc est nommé
maire du neuvième arrondissement- de Pa-
ris et va rejoindre, par ballon la déléga-
tion de Tours. Gambetta, estimant qu'il
devait d'autant mieux connaître la police
i qu'il en avait davantage éprouvé les abus,
le nomma directeur de la Sûreté générale.
C'est en cette qualité que Ranc fut chargé
d'arrêter le prince de Joinville et de lui sic
gnîfier, au nom du gouvernement de la
Défense nationale, son expulsion da
France.
Pendant la Commune
Ranc réorganisa la Sûreté de fond en
comble, en administrateur émérite et en
politique avisé. Après quoi, le 6 février
181, il démissionne,suivant Gambetta dans,
sa retraite. Mais le surlendemain, il est élu,
député de la Seine à l'Assemblée nationale.
En même temps que Gambetta, Trido
Rochefort et autres, qui votèrent contre
les préliminaires de paix, il résigne son
mandat et bientôt rentre à Paris, où il
est élu, le 26 mars, membre de la Com-
mune.
M. Méline propose à Ranc de le porter
à la-présidence de l'assemblée par une coa-
lition des modérés et des blanquistes. Ranc
refuse. Quelques jours après, M. Méline
donne sa démission. Ranc, qui n'approu-
vait ni les tendances ni les violences de la
Commune, et qui n'avait pas réussi à trou-
ver un terrain d'entente entre les parti,
opposés, démissionne aussi le 5 avril, ait
moment où est voté le décret relatif à l'exé-
cution des otages. Mais Ranc reste à Pa-
ris, engage vainement Vermorel à donner
à son tour sa démission et conjure RaouJ
Rigaud de renoncer au projet d'incendier
les Tuileries et l'Hôtel de Ville, dont celui!
ci l'avait entretenu.
Condamné à mort
Le 30 juillet, le quartier Sainte-Margue-
rite l'élit conseiller municipal. Entre tempi
il entre à la République française. Mais la
presse monarchiste le représente comme
un « dangereux communard » et réclama
son arrestation. Le 11 mai 1873, son élec-
tion comme député du Rhône à l'Assem-
blée nationale redouble la fureur des réac-
tionnaires; avant la validation de son élec-
tion, les bonapartistes poussent à sa con-
damnation ; en. vain le préfet de police
Léon Renault, entendu par le conseil des1
ministres, et son vieux camarade de collè-
ge Ernoul, prennent sa défense; le parti
de l'ordre moral redouble ses attaques, ell'
après le scrutin, un aimable bonapartiste
pouvait dire : (Co Enfin nous allons dono
pouvoir pincer Ranc et envoyer Rochefort
à la Nouvelle-Calédonie. » Ranc, abandon-
né par l'Assemblée, était en effet traduit
devant un conseil de guerre, sur l'initiative
du général de Ladmirault, et condamné 4
mort (13 octobre 1873).
Or, il s'échappe à temps et peut gagner
la Belgique. Les attaques de ses adversai-
res redoublent ; elles ne prennent fin qu'à
la suite de deux duels retentissants, l'uiv
avec Ivan de Wœstyne, l'autre avec Paul
de Cassagnac. Ranc était très fort à l'épée,
escrimeur excellent; à ce titre, il eut -sou-
vent à servir d'arbitre et plus souvent en-
core de térnon à plusieurs reprises, il as-
?sta M. Clemenceau dans ces sortes de
rencontres, et aussi le général Picquart
dans son .uel avec le colonel Henry*.
Quoiuuo en '¡:x:}, Ranc continue sa colla-
boration à 1a République lrançaise.
Amnistié en 1879, il rentre en France,
devient un an plus tard directeur de la
Petite République, et en 1881 est élu député
de la Seine. Un des chefs du parti oppor-
tuniste, il milite en faveur de la concentra-
tion républicaine. Aux élections de 1885, au
scrutin de liste, il est battu. Il fut un des
promoteurs de la concentration de tous les
républicains contre le boulangisme.
Pendant l'Affaire Dreyfus
- En 1891, il devint sénateur de la Seine.
Peu après, l'affaire Druvfus éclate. Ranc
a dit lui-même, dans un article du Radical
du 4 septembre 1903, corr.nient il entrai
dans l'Affaire. « C'est à Bernard Lazara
que je dois l'honneur de m'être jeté l'uni
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