Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-07-15
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 juillet 1908 15 juillet 1908
Description : 1908/07/15 (N14005). 1908/07/15 (N14005).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7549464t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
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111400!5. - 28 Messidor An lie = :142wla CaBBTlMnBP ITOBETOBO m.' -1-- -, - Mercredi 15 Juillet 1908. — N°14005.
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AUGUSTE VACQUERIE
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TRIBUNE LIBRE'
Bastilles à démolir
« Il ne suffit pas d'abat-
tre les murailles de la tyran-
nie, quand on conserve au
plus profond de soi la menta-
lité d'absolutisme qui les fit
surgir. -» -.
je voudrais que cette phrase lapi-
daire fût, en ce jour anniversaire de la
prise de la Bastille,- gravée sur les écus-
sons, imprimée sur les drapeaux et les
oriflammes qui ornent nos édifices pu-
blics. Il y faudrait ajouter aussi le nom
de l'auteur : Georges Clemenceau.
Cette « mentalité d'absolutisme » que
l'on « conserve au plus profond de soi »,
M. Clemenceau, mieux que personne,
pouvait la comprendre, la définir, la sen-
tir ; car elle est, depuis son avènement
au pouvoir, sa propre caractéristique, et
ce n'est rien dire qui ne soit reconnu de
tous, qu'il parle et agit en homme qui
supporte mal la contradiction, la criti-
que, qui ne souffre pas l'opposition, lui
qui fut un si rude opposant. J'ai pour
l'orateur, pour l'écrivain, pour le polé-
miste, la plus grande admiration ; je
ne puis taire le contraste déconcertant
de sa politique et de ses écrits.
Mais soit, il est entendu que le prési-
dent du Conseil, dont l'esprit libertaire
confinait parfois à l'anarchie, veut au-
jourd'hui rétablir le principe d'autorité.
Et ce sont des Bastilles nouvelles qui
se dressent à chaque pas.
Ces modestes instituteurs, dont M.
Clemenceau défendait jadis avec tant de
véhémence les légitimes réclamations ;
ces petits fonctionnaires, ces petits em-
ployés, dont il se plaisait à soutenir les
revendications syndicales, ne sont plus,
à, ses yeux, que des « bureaucrates en
révolte ».
Ces ouvriers mineurs, ces grévistes
qu'il voulait voir exercer leur droit en
dehors de toute intervention préventive
de la force armée, aujourd'hui, lui ap-
paraissent comme des ennemis dange-
reux de la société et de l'ordre public.
Il s'indignait, en 1882, sous le minis-
tère de M. de Freycinet, de l'envoi de
troupes sur les champs de grève. Il n'en
admettait l'emploi qu'en cas d'émeute et
se refusait à voir un commencement d'é-
meute dans la possibilité de violences.
« Et comme l'envoi de troupes, ajou-
fait-il, n'a pas la vertu de résoudre les
.questions, pendant que vous ajournez
toutes les réformes politiques, la ques-
tion sociale se pose, et avec d'autant
plus d'acuité que la République a néces-
sairement suscité parmi les déshérités
de la société, des espérances que vous,
républicains, vous ne pouvez pas con-
damner, que vous n'avez pas le droit de
déclarer illégitimes. »
Et ce sont ces espérances déçues, ce
sont, à cette heure, chez les travailleurs
qui avaient cru auJd affirmations sociales
et socialistes de M. Clemenceau, ce sont
les douloureuses contradictions de sa
politique, qui créent la désaffection po-
pulaire, plus apparente, plus intense
ihaque jour.
Les murailles de la tyrannie nouvelle,
pour n'être ni de chaux ni de pierre,
n'en menacent pas moins l'indépendance
etla dignité des. citoyens. On sent sour-
dre le mécontentement populaire, et ce
n'est plus un mot de comédie que le cri
fameux : « Il y aura donc toujours des
Bastilles à démolir ! » 1
Des Bastilles à démolir, il en restera
/aussi longtemps que nous n'aurons de
la liberté civique qu'une parodie et que
* le gouvernement donnera l'exemple de la
mainmise sur la conscience politique des
ielus ou des électeurs, par tous les
moyens dont il disposé et que, tant de
lois, M. Clemenceau a flétris.
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que l'arbitraire admi-
nistratif fera des esclaves ou des victi-
mes et que la faveur ministérielle conti-
nuera de tenir à sa merci des milliers dç
citoyens.
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que survivront des abus
jet des privilèges renouvelés des anciens
régimes, aussi longtemps que les travail-
leurs auront l'insécurité de leurs vieux
gours, aussi longtemps que ne sera pas
réalisée la justice sociale.
Des Bastilles à démolir !. mais lisez
plutôt ces lignes de la Mêlée Sociale:
¡r( On a dit : « La Bastille est effacée de
ta terre et, avec elle, la féodalité, le
despotisme, et aussi l'oppression et tout
abus sur ses frères en humanité. Hélas !
l'oppression et l'abus ne sont pas aussi
aisément effacés. Voilà le mot cruel et
Nrai. Les pierres sont tombées de la som-
bre tour qui dominait Paris. Mais il
lient toujours, le réduit de haine et de
violence où l'atavisme enferme le trésor
ancestral d'égoïsme meurtrier, et contre
la chaîne de cette impénétrable Bastille
le - bras de Louis Tourna retombe im:
puissant..
j
cc Regardant sa hache ébréchée,
Louis Tournay pense avec son ami Car-
lyle : « Avez-vous inscrit parmi les
droits de l'homme, que l'homme ne doit
pas mourir de besoin, quand il y a du
pain moissonné par lui. Sous d'autres
formés, dans des conditions différentes,
l'homme se débat, comme autrefois, con-
tre l'égoïsme des classes. Le paysan
de La Bruyère était sans doute en
grand progrès de confort sur l'homme
des cavernes. Faute de pouvoir faire la
comparaison, il ne sentait pas son bon-
heur. Ainsi de notre mineur, qui n'éprou-
ve aucun soulagement à entendre parler
des serfs du imoyen âge. Il sent son
mal ; peu lui importe le reste. La Bas-
tille a été prise, lui dit-on. C'est bien
possible. Laquelle ? » -
Mot superbe ; car il reste toujours des
Bastilles à démolir.
Et M. Clemenceau montre l'oppression
qui pèse sur l'homme de travail, la force
sociale employée contre lui, les associa-
tions ouvrières traquées, désorganisées,
bridées, sous prétexte qu'elles ne con-
duisent pas la lutte comme le souhaite-
raient ceux qu'elles sont chargées de
combattre ; les pouvoirs publics achar-
nés contre les organisations syndicales
privées dleurs chefs librement choisis ;
les lois ouvrières ajournées, les réformes
d'impôt « vainement discutées ».
Et cependant la Bastille fut prise, il y
a plus de cent ans, par nos pères, et il
reste toujours des Bastilles à démolir.
Paul BOURÉLY,
Député de IMedôcft*.
LA POLITIQUE
EN VACANCES
Députés et sénateurs ont re-
çu" la clef des champs. De-
main, ils seront partis. Puis
les feuilles annonceront les
faits et gestes des minis-
tres sous la rubrique déplacements et
villégiatruTes. Et beaucoup de gens pen-
seront : la vie poritique, pour un mo-
ment, a cessé.
C'est s'en prendre aux seules appa-
rences. La politique ne chôme pas, la vie
parlementaire seule subit un temps d'ar-
rêt et ces récréations ne sont pas sans
bénéfice pour les parlementaires.
Pour eux c'est l'évasion, loin d'un mi-
lieu factice, d'une ambiance énervante et
parfois déconcertante. Le retour aux
champs, c'est le retour vers l'électeur,
c'est le renouveau du contact avec le
pays. Chacun retrouve à ses origines po-
litiques, le sens de son action, le senti-
ment de son devoir, le but de son efffort.
Après trois mois d'absence, les parle-
mentaires reviennent les nerfs détendus,
l'esprit apaisé, la résolution plus nette.
Après le congrès du parti républicain,
radical et radical socialiste, après le
congrès du parti socialiste aussi," dès les
premiers jours d'octobre la direction
normale de l'action politique et parle-
mentaire se dégagera.
Nous avons confiance. Tous les élé-
ments démocratiques reviendront à la
tactique du groupement serré, de l'effort
convergent. Tous les éléments conserva-
teurs - de 01]("qH( nom qu'ils se déco-
rent — se ret>,--¡.t à droite.
La politiql!F de" confusion est à bout
Donnons-lui les quatre-vingt-dix jours
réglementaires ; soyons généreux : cent
jours. ,
Et c'est tout.
LES ON ..DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui mardi:
Lever du soleil, à 4 h. 13 ; coucher, à
7 h. 58. -
Fête nationale. -
Matinées' gratuites : Optra, Comédie-
Française, Opéra-Comique, Palais-Royal,
Nouveautés, Porte-Saint-Martin. Théâtre
Antoine, Athénée, Folies-Dramatiques, Clu-
ny, Déjazet, Belleville, Théûtre populaire,
La Fauvette, XXe siècle.
Matinées non gratuites. — Ambigu, Ci-
gale, Scala, Théâtre de la Nature.
Courses ti Saint-Cloud. -.
.1
Utié brique dé mille francs.
Un huissier qui venait de dresser lin
inventaire chez un pauvre paysan bre-
ton décédé, fut fort étonné d'apercevoir
un billet de banque collé contre un des
murs de la chaumière.
Le défunt qui l'avait trouvé sur la
grand'routc 'et qui n'y avait vu qu'une
image,' en avait ofné la muraille.
Il y avait vingt ans qu'iî éfait l\ entre
le « Juif errant fr et « Genevière do.
'BPabant », sans qu'aucun v!R!ieUÏ" tfi
eût soupçonné la valeur. Ceci n'a rien
ciul doive surprendre, car dans les
1. campagnes, beaucoup Ëa Eçrsojines
n'ont jamais eu l'occasion de manier
des chiffons de papier de cette impor-
tance.
La brique fut détachée, envoyée à Pa-
ris et présentée à la Banque de France
qui, paraît-il, paya sans hésitation.
Seulement, comme il n'eût pas été
commode de remettre en circulation ua
pareil billet, il lut biffé et conservé
dans les archives. ,
Nous laissons à penser quelle agréa-
ble surprise ont eue les héritiers, pour
lesquels une somme de mille Irancs
constituait un héritage très appréciable.
AUTREFOIS
Rappei du 15 juillet 1872. — Le banquet
qui devait avoir lieu à Paris, en célébration
du M juillet, n'a pas été autorisé. Il devait
avoir lieu aux Vendanges de Bourgogne,
et devait réunir une centaine de convives,
convoqués par MM. Braleret, Martin Na-
daud, Topart et Métjoier. Louis Blanc de-
vait prononcer un discours. Le gouverneur
de Paris a interdit la réunion.
En fouillant les ruines de l'hôlel de ville,
on a retrouvé un Louis XIV de Coustou et
une statue de François 2e' assez endomma-
gée.
Les journaux anglais annoncent que
Stanley est arrivé à la côte, et qullyari
pour Suez; il rapporte des lettres dé Li-
vingstone. Ce dernier, bien qu'en mauvaise
santé. ne veut rentrer qu'après avoir ache-
vé son œuvre.
On fait, à n-ennel)illie-rs, des expériences
sur les eaux des collecteurs: deux ingé-
nieurs anglais travaillent à épurer ces
eaux de façon à pouvoir sans inconvénient
les rejeter dans la Seine. Avec le dépôt
qu'elles laissent, ils forment des briquettes
d'engrais.
Une belle place.
Un des membres les plus éminents
du corps diplomatique, qui représentait
il y a quelques années l'Angleterre à
Paris, avait pour la France et les Fran-
çais une prédilection marquée.
Il était tellement attaché à Paris qu';}
apprit sans aucun plaisir sa promotion
à la vice-royauté des Indes.
A son audience de congé, le président
de la République lui dit, en guise 3e
compliment :
« Vous allez, monsieur l'ambassadeur,
occuper une des plus belles places du
monde.
« — Ah ! monsieur le président, fit le
diplomate avec un soupir, la plus belle
place est encore à mes yeux celle que
je quitte : c'est la place de la Concor-
de ! »
Les asperges du shah.
Lors de son dernier voyage à Lon-
dres, le feu schah de Perse, Nsar td
Dine, assista à un diner donné par le
prince de Galles. On servit des asper-
ges. Le schah, qui sans doute n'avait ja-
mais goûté au précieux légume, prit Ja
première- asperge, en avala la moitié
avec une visible satisfaction, et jeta dl-
libérément l'autre extrémité derrière
lui.
Ce geste inattendu déconcerta quel-
que peu les convives. Mais le prince
d.e Galles, voulant éviter que son hôte
pût croire un seul instant avoir fait une
chose contraire à l'étiquette, s'empressa
à son tour de lancer sur le parquet ses
bouts d'asperges ; comme de juste, tous
les assistants firent de même, de sorte
qu'au bout de quelques minutes, les
tapis de l'héritier du trône d'Angleterre
furent jonchés de résidus d'asperges.
Rossini gourmet. -
On sait que Rossini était très gour-
met. Il n'aimait pas beaucoup dîner en
ville. Un jour, cependant, il finit par
accepter une invitation qu'il eût été plus
avisé de refuser, car le dîner était, eyé-
crable. En se levant de table, la mat.
tresse de maison lui dit :
— Eh bien ! monsieur Rossini, j'es-
père que vous voudrez bien revenir tit.
ner chez nous ?
- Oui, madame, tout de suite.
■ : : ;
La Marseillaise
Dans un des derniers numéros des An-
nales, Mme Yvonne Sarcey raconte, avec
un charme exquis, la mésaventure qui lui
est arrivée à propos de la Marseillaisp.
L'Université des Annales a reçu récem-
ment la visite de trois cents Anglais et
Anglaises. -
Nos voisins, croyant romdre hommage il
la France, ont demandé à Mme Yvonne
Sarcey ou plutôt à Mme Adolphe Brisson,
de leur faire chanter la Marseillaise par
les jeunes Françaises qui se trouvaient
gupées autour de la directrice de la
maison.
« Quelle émotion fut la mienne ! écrit
Mme Yvonne Sarcey. Je ne savais, de notre
chant national, que des bribes :
Allons, enfants de la patrie, *
Le jour de gloire est alTivé.
« Et puis :
Aux armes citoyens, formez vos bataillons.
Marchons, marchons,
Qu'un sang impur abreuve .nos sillons.
Pour le reste, j'eusse été incapable —
quoique l'ayant repassé cent fois — d'en
retrouver l'air et la musique.
-, « J'interrogeais vivement nos fidèles uni-
versitaires et les amis venus à cette fêle :
« Connaissez-vous la Marseillaise ? Et
vous ? Et vous ? Et vous ?.
« Hélas ! La réponse fut partout la mê-
me] On pouvait fredonner des fragments
par ci, par là ; on ne se fût pas aventuré
à. la chanter d'Un bout à l'autre, dans la
crainte d'embrouiller entre eux les étan-
dards sanglants, les féroces soldats, leurs
fils et leurs compagnes. »
Le fait, si spiritueilemnt narré par Mme
Adolphe P0son,J|^|^^t^peu par:
tout. Les Français, non seulement ne con-
naissent pas la Marseillaise, mais ils la
chantent très mal. Les trois quarts déton-
nent d'une façon pitoyable quand ils arri-
vent à la modulation oû il faut faire,
Mugir les féroces soldats* *
et clamer 1
Qu'ils viennent jusque dans nos bras
Egorger nos fils et nos'compagnes.
Ce passage de la Marseillaise fait le dé-
sespoir des oreilles délicates.
Chaque fois que nous avons assisté à
une audition populaire de notre hymne na-
tional, nous avons subi la même torture et
le même écorchement d'organe auditif.
La dramatique modulation de Rouget de
l'Isle ne parait pas faite pour les foules
françaises qui sont — sauf dans le Midi
et dans le Nord - eu musiciennes.
La foule attaque la Marseillaise avec une
furie française, mais avec une méconnais-
sance absolue du rythme et de la tonalité.
On ne sait pas chanter la Marseillaise
en France.
Cette réflexion paradoxale est faite pour
tous les étrangers ayant la, moindre notion
de musique.
Nous ne voulons pas saisir cette occa-
sion pour examiner la question de la trans-
formation du texte, un peu vieillot, am-
poulé ou suranné de la Marseillaise.
On a plusieurs fom émis l'idée de confier,
à un grand poète, la tâche d'adapter à la
musique de Rouget de l'Isle, des paroles
mieux en rapport avec l'évolution de notre
mentalité.
Ceux qui préconisaient ce projet se re-
tranchaient derrière ce précédent consacré
par la tradition. On sait, en effet, que le
dernier couplet de la Marseillaise n'est pas
de Rouget de l'Isle, mais de Marie-Joseph
Chénier.
Nous reconnaissons, jusqu'à un certain
point, le bien fondé des observations pré-
citées. Mais nous considérons la Marsèil-
laise comme un bloc inattaquable. La Mar-
scillalse n'est certes pas un hymne na-
tional : c'est un chant de guerre d'une
beauté tragique. C'est l'exacerbation de la
haine -contre l'envahisseur du territoire ;
c'est le paroxysme de l'amour de la Fran-
ce et l'exaltation de la foi patriotique d'un
peuple qui ne veut pas mourir. C'est, en
un mot, le chant sacré de la Patrie en
danger.
Il faut avoir entendu la Marseillaise dans
les poignantes convulsions populaires pour
se rendre compte de là grandeur épique
de ce cri farouche, entraînant et terrifiant
qui èlectrisa nos aïeux et leur permit de
refouler l'étrangei*.
Ne touchons donc pas à la Marseillaise ;
mais apprenons-là aux jeunes, afin que
l'humiliante mésaventure, si gentiment
avouée par Mme Yvonne Sarcey, ne se
renouvelle plus.
J. C.
P. s. - Nous disons plus haut que le
dernier couplet de la Marseillaise est de
Marie-Joseph Chénier. D'autres prétendent
qu'il est du poète Louis Dubois et. d'au-
cuns affirment que ces paroles ont pour
auteur un abbé qui, en raison de ce
fait éohappa en 1793 à la charrette fatale.
Nous posons la question à nos lecteurs
et nous serions heureux d'avoir leur avis
sur ce point d'histoire.
«M
L'Église met ses foudres
en mouvement
Il parait que l'évêque de Montauban, M.
Martv, vieaît de déclarer une guerre & ou-
trance aux maires de f3011 diocèse qui inter-
disent les processions religieuses sur la
voie publique.
Sa première victime — qui ne s'en poiiô
d'ailleurs pas plus mal — est le maire de
Beaumont-de-Lomagne.
Ce magistrat a été informé par une let-
tre de « Sa Grandeur » qu'il était « exclu
de la communion cathodique » et par une
seconde lettre, M. Marty a donné à ses prê-
tres l'ordre de lui refuser les « honneurs de
la sépulture ecclésiastique, s'il meurt avant
d'avoir dés-avoué la doctrine irréligieuse ».
La lettre ajoute que ces prescriptions se-
ront étendues à tous ceux qui ont interdit
ou interdiront les processions dans le dio-
cèse.
Il est à prévoir que tous les épiscopes de
France, obéissant à un mot d'ordre du Va-
tican. vont suivre l'exemple de leur collè-
gue de Montauban et que tous les maires
de France qui ont interdit, sur le territoire
de leurs communes, les mascarades reli-
gieuses, seront bientôt boutés hors de l'E-
glise comme le sont déjà tous les sénateurs
et les députés qui ont voté la loi de Sé-
paration.
A l'allure que prennent les foudres de
l'Eglise, il n'y aura bientôt plus en France
que des excommuniée .e,'t les dimensions de
l'Enfer des catholiques vont devenir rapi-
dement insuffisantes pour les contenir
tous. a
Satan ne tardera pas à ne plus savoir
où donner de la tête pour arriver à caser
tous ces* pensionnaires inattendus, et son
fidèle Caron est menacé d'une besogne au-
dessus de ses forces, à moins que l'idée ne
lui vienne d'augmenter sa batellerie et de
faire circuler des canots automobiles sur
les eaux du Styx.
Quel nouveau Dante chantera les suppli-
ces qui attendent les mécréants condamnés
par Pie X et ses évêques ? Car au fur et
à mesure que s'est accentuée la marche de
l'humanité vers l'irréligion, on a dû inven-
ter des raffinements de cruautés pour tous
les damnés qui ne sont plus la vulgaire
clientèle du temps où le poète fit sa visite
aux Enfers.
Mais parlons plus sérieusement. L'Eglise
s'imagine, en prodiguant ses excommuni-
cations, pouvoir jeter le trouble dans les
consciences et faire 'ainsi obstacle à l'ap-
plication des lois qui doivent assurer la
liberté de conscience des citoyens. Ses
efforts seront vains, car la menace de ses
fameuses flammes éternelles n'est même
plus un épouvantail capable de troubler
l'imagination de nos enfants.
L'excommunication va devenir, au con-
traire, pour tous ceux qui en seront l'ob-
jet, un excellent brevet de républicanisme,
et nous* verrons une sorte d'émulation se
produire entre les citoyens pour se dispu-
ter cette faveur. cst tout ce que J'Eglise
y gagne:ra. - P.. G. "., -- ----- -- -
LA SÉPARATION DES CHAMBRES
IICOflÉllEIOlDCtlIllltE
Les crédits supplémentaires. - Au Sénat, M. Poincaré dé-
nonce les fâcheux procédés financiers des ministres,
- M. Caillaux reconnaît la nécessité d'un
contrôle plus sérieux.
La dernière journée de travail des
Chambres a été courte : une heure
l'une dans l'autre. En revanche, les As-
semblées ont été matinales. La. séance
de la Chambre n'a présenté aucun inté-
rêt. Mais celle du Sénat a été occupée
par une discussion financière où, grâ-
ce à M. Poincaré, rapporteur général de
la commission des finances, un singu-
lier jour a été jeté sur les habitudes
budgétaires de la plupart de nos dépar-
tements ministériels. Impossible de
montrer une désinvolture plus complè-
te dans l'art. de jongler avec la monnaie
du contribuable.
Le ministre des finances lui-même n'a
pu que reconnaître le bien fondé - des
critiques du rapporteur général.
Et, après cet utile échangé d'observa-
tions, la tribune parlementaire est de-
venue muette. Jusqu'à quand ? Person-
ne ne le sait, le -gouvernement ayant re-
fusé, comme on sait, de prendre aucun
engagement quant à la date de la ren-
trée.
La séance du Sénat est ouverte à neuf
heures du matin,sous la présidence de M.
Antonin Dubost.
Tous les ministres sont à leur banc.
M. Cailloux, ministre des finances, dé-
pose le projet de loi sur l'exploitation provi-
soire du réseau de l'Ouest: Il est ren-voyé
à la commission des chemins de fer et à !a
commission des finances.
Le Sénat adopte divers projets de loi, no-
tamment la convention pour préciser la
frontière entre le Congo français et le Ca-
meroun. Il adopte ensuite un projet de loi
relatif aux récompenses à décerner à l'oc-
casion de l'exposition de Bordeaux et de
l'exposition de Lyon et un projet de lortem;
dant à accorder des décorations aux mili-
taires des armées de terre et de mer qui
ont pris part aux opérations du Maroc.
Discours de M. Poincaré
Il abord l'examen du projet de loi por-
tant ouveriure de crédits supplémentaires
sur l'exercice 1908.
M. Poincaré, rapporteur général, présen-
te, à ce propos, de très importantes obser-
vations. Il signale tout d'abord le peu de
temps laissé pour l'examen des crédits à la
commission des finances (deux jours en
tout : vendredi et samedi).
Il semble que sans rien retrancher de ce
qu'exige le .contrôle de l'autre Assemblée, le
Sénat pourrait aisément être mis à même d'exer-
cer le sien dans de tout autres conditions. (Ap-
probation.)
Le désordre
M. Poincaré fait ensuite une très vive
critique des procédés financiers en usage
dans la plupart des ministères :
Les demandes du gouvernement sur lesquelles
vous allez statuer attestent qu'il règne dans cer-
tains ministères de singulières habitudes et mê-
me un véritable désordre. Ce qui s'est passé
pour la reconstruction de l'Imprimerie natio-
nale est tout à fait significatif. Le Sénat n'ap-
prendra pas sans surprise comment a été con-
duite cette étrange opération. Il trouvera à cet
égard des précisions dans mon rapport et esti-
mera sans doute avec nous que les pouvoirs pu-
blics devront revenir ultérieurement sur cette
question.
Le département de la marine donne de son
côté d'étonnants exemples de son peu de res-
pect pour les règles budgétaires. Les crédits de-
mandés pour l'Iéna, pour la télégraphie sans fil,
pour les approvisionnements ont été sévèrement
critiqués par la Chambre. Il s'agit là de dépen-
ses qui non .seulement ont été engagées sans
ressources votées, mais qui, on peut le dire, ont
été effectuées sans que personne en fût prévenu.
Les ouvriers de l'Etat
Le raporteur général continue en traitant
une grave question sociale : 1
Un crédit Spécial demande par ie ministre de
la guerre soulève une grave question. C'est
celui qui a fait l'objet d'un rapport de M. Wad-
dington et qui a pour but d'améliorer la situa-
tion du personnel d'exploitation des établisse-
ments militaires.
La commission ne peut s'empêcher de vous
soumettre, à cette occasion, des réflexions dont
vous apprécierez l'importance. Le nombre des
ouvriers actuellement employés y,ar l'Etat est de
81.000. Les diverses fractions de ce personne!
soht soumises aux régimes les plus divers, quant
à la durée de la journée de travail et à l'avance-
ment, etc.
Il n'existe aucun règlement général, chaque
administration gouverne son personnel à sa
guisev
De temps en temps, l'une d'elles accorde une
amélioration, une satisfaction aux. ouvriers,
alors ceux des autres services la réclament et
ainsi on est conduit à une série de dépenses que
rien n'a permis d'envisager dans son ensemble
et dont rien ne permet d'entrevoir la répercus-
sion. Un tel système est l'incohérence. (Très
bien ! Très bien 1)
Nous pensons que l'on doit y mettre fin le plus
tôt possible en réglementant d'une manière gé-
nérale, et dans la-mesure du possible, uniforme,
la situation de tous les personnels d'ouvriers de
l'Etat. (Très bien !)
Le contrôle des dépenses
Ces réflexions nous ont amenés à une conclu-
sion qu'apparemment le Sénat annrouvera, Il
devient chaque jour plus évident qu'il est né-
cessaire de renforcer l'organisation du contrôle
des dépenses engagées, qui rend déjà tant de
services, mais qui reste encore inefficace dans
bien des cas.
Nous demandons que le gouvernement nous
apporte à cet égard des propositions précises,-
qui trouveront place dans le buaget de 1909.
(Applaudissements.)
M. Thomson plaide
; « pro domo »
M. Thomson. ministre -de. la marine,
passe" en revue les Crédits demandés pour
l'enlèvement de l'épave de 1 Iéna, pour
l'installation de la télégraphie sans fil sur
l un grand nombre de navires, enfin pour
lies spppoyisionn.em^Jii jîQudce et en
obus. Sur chacun de ces points, il 6-aita
che à démontrer que les dépenses auxquel-
les les crédits sollicités doivent pourvoir,
ont absolument le caractère de dépenses
additionnels au budget, primitif.
il était matériellement impossible de les com-
prendre dans les évaluations de J'JGS, car à l'é-
poque ouie budget de 1900 a été éBabli, les cau-
ses actuelles de dépensas étaient ignorées ou
laisaient 1 objet d'études et, pal' 'SUïtc, on ne pou-
vait soumettre aux Chambres aucune proposi-
tion.
C'est ainsi qu'au cours de l'année, à la suite
de la yjsHe des stocks de poudre eans fumée on
a condamné par prudence 600.000 kilos de Pou-
dre douteuse ou trop ancienne. Cette tnesure de
précaution après la catastrophe de Ylcna ne sau-
rait être qu'approuvée ; mais peut-on dire que
)a marine aurait dû s'y faire autoriser par J&
vote d'un crédit il y a six mois ?
Comment l'eût-elle fait, puisque les visites d'ap- *
provjsjonnements n'ont été faites que tout der-
nièrement et que c'est seulement ensuite qu'on .;'
a pu apprécier l'importance du stock à faire dis-
pottaitre ?
De même, la marine ne -peut être rendue Res-
ponsable à propos de la fabrication des .nou-
veaux obus, des retards de fabrication qui en-
traînent dès reports de crédits et de la hausse
anormale des aciers.
Sous ces réserves, le ministre se déclare tout
disposé à tenir compte des conseils du rappor-
teur général ; il se prêtera volontiers, pour sa
part, à une amélioration du contrôle des dépen-
ses. Un inspecteur des finances n passé dix-
huit mois dans les ports. Il'a tout vu et tout
vérifié ; c'est la preuve que ta marine est pleine
de bonne volonté.
M. Poincaré. — Cet inspecteur a été bien reçu
et on doit le reconnaître, mais fl manquait d'au.
torité. On n'arrivera à un résultat qu'au moyen
d'une réorganisation de contrôle des dépenses
publiques et d'une forte centralisation de ce ser-
vice dans les mains du ministre des finances.
M. Le Cour Grandmaison remarque que
l'abus des reports de crédits dont se plaint
la commission fleurit surtout à l'adminis-
tration des postes-et télégraphes.
'.J.. - Les reports de crédits sont
toujours facbeux, mais il en est un.«. «ut,,
bre qu'on ne peut éviter. Il en est d'autres, au
contraire, qui ne résultent que de mauvaises pra.
tiques.
Les aveux de M. Caillaux
M. Caillaux, ministre des finances, est
d'accord avec la commission des finances
sur ce dernier point. à 'a condition qu'on
n'exagère pas la rigueur d'une règle qui-
est nécessaire, Bans doute,mais qui compte
certaines atténuations dans la pratique.
Le rapporteur général a raisen de réclamer un
renforcement du contre des dépenses enga-
gées. La solution est difficile, mais le gouverne-
ment la recherche et s'est déjà livré en conseil h
l'étude d'un textes
Sous le bénéfice de ces observations, le
ministre prie le Sénat de voter les crédits.
Ils n'ont rien d'exagéré puisque eur un bud-
get de plu') de 3 milliards et demi, ils ne
s'èlèvent qu'à 30 millions. «(Applaudisse-
ments.)
Les différentes dispositions du projet d6
loi sont adoptées. L'ensemble est adopté i
l'unanimité de 270 votants.
LES QUATRE CONTRIBUTIONS
Le Sénat adopte le projet de loi sur le..
quatre contributions directes à l'unanimité
de 280 votants. , 1
DECORATIONS ET CEREMONIES
M. M. Faure lit le rapport sur la proposf
tion de loi tendant à accorder des décors-
tions à l'occasion du cinquantenaire de
la Société chimique de France.
M. Gourju dit que le ministre des affaires
étrangères peut accorder un nombre indé-
fini de croix à des étrangers. Au contraire,
pour nos nationaux, il faut des lois spé-
ciales.
M. Poincaré. - Le mieux serait de sppri-
mer toutes les décorations. (Rires.)
La proposition de loi est adoptée.
M. Briand, garde des sceaux, donne iec«
ture du décret de clôture.
La séance est ensuite levée - - -
A LA CHAMBRE )
*
La séance est ouverte à onze heures,
sous la présidence de M. Briésort.
M. Cruppi dépose le projet de loi, adopté
par le Sénat, relatif aux Crédits supplé- f
mentaires.
On suspend la séance pendant un quart
d'heure, pour permettre à la commission
du budget d'en délibérer.
A la reprise de la séance, M. Paul Dou-
mer, rapporteur général, donne lecture de
son rapport. Il conclut à l'adoption du pro-
jet de loi tel qu'il a été modifié par le Sé-
nat.
Les crédits sont adoptés par 476 voix
contre 44.
M. Clemenceau monte à la tribune et
donne lecture du décret de clôture.
La séance est levée.
LA FÊTE NATIONALE
Les mesures d'ordre prises par ! t préfec-
ture de police pour les fêtes diffèrent peu
descelles des années précédentes. En voici
le détail : ■
Revue de Longchamp. — Les voitures se
rendant à Ha revue ne pourront, pénétrer
dans le bois que par la porte de la Seine
et la porte de Saint-Cloud. Tout stationne-
ment de voitures ou de cavaliers sera in-
terdite sur les routes du Bois que doivent
suivre les troupes. ,',
Ceé postes médicaux seront établis sur,
vinst points différents du bois de Boulo-
gne aux environs du terrain de la reVl1",
Les médecins seront présents à ces nos
111400!5. - 28 Messidor An lie = :142wla CaBBTlMnBP ITOBETOBO m.' -1-- -, - Mercredi 15 Juillet 1908. — N°14005.
Foadatenr s
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
0a mil friii m#ii SU MÛ CI A
Paris 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 — 6 — 11 — 20 —
Union Postale 2 — 9 — 16 — 32 —
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TRIBUNE LIBRE'
Bastilles à démolir
« Il ne suffit pas d'abat-
tre les murailles de la tyran-
nie, quand on conserve au
plus profond de soi la menta-
lité d'absolutisme qui les fit
surgir. -» -.
je voudrais que cette phrase lapi-
daire fût, en ce jour anniversaire de la
prise de la Bastille,- gravée sur les écus-
sons, imprimée sur les drapeaux et les
oriflammes qui ornent nos édifices pu-
blics. Il y faudrait ajouter aussi le nom
de l'auteur : Georges Clemenceau.
Cette « mentalité d'absolutisme » que
l'on « conserve au plus profond de soi »,
M. Clemenceau, mieux que personne,
pouvait la comprendre, la définir, la sen-
tir ; car elle est, depuis son avènement
au pouvoir, sa propre caractéristique, et
ce n'est rien dire qui ne soit reconnu de
tous, qu'il parle et agit en homme qui
supporte mal la contradiction, la criti-
que, qui ne souffre pas l'opposition, lui
qui fut un si rude opposant. J'ai pour
l'orateur, pour l'écrivain, pour le polé-
miste, la plus grande admiration ; je
ne puis taire le contraste déconcertant
de sa politique et de ses écrits.
Mais soit, il est entendu que le prési-
dent du Conseil, dont l'esprit libertaire
confinait parfois à l'anarchie, veut au-
jourd'hui rétablir le principe d'autorité.
Et ce sont des Bastilles nouvelles qui
se dressent à chaque pas.
Ces modestes instituteurs, dont M.
Clemenceau défendait jadis avec tant de
véhémence les légitimes réclamations ;
ces petits fonctionnaires, ces petits em-
ployés, dont il se plaisait à soutenir les
revendications syndicales, ne sont plus,
à, ses yeux, que des « bureaucrates en
révolte ».
Ces ouvriers mineurs, ces grévistes
qu'il voulait voir exercer leur droit en
dehors de toute intervention préventive
de la force armée, aujourd'hui, lui ap-
paraissent comme des ennemis dange-
reux de la société et de l'ordre public.
Il s'indignait, en 1882, sous le minis-
tère de M. de Freycinet, de l'envoi de
troupes sur les champs de grève. Il n'en
admettait l'emploi qu'en cas d'émeute et
se refusait à voir un commencement d'é-
meute dans la possibilité de violences.
« Et comme l'envoi de troupes, ajou-
fait-il, n'a pas la vertu de résoudre les
.questions, pendant que vous ajournez
toutes les réformes politiques, la ques-
tion sociale se pose, et avec d'autant
plus d'acuité que la République a néces-
sairement suscité parmi les déshérités
de la société, des espérances que vous,
républicains, vous ne pouvez pas con-
damner, que vous n'avez pas le droit de
déclarer illégitimes. »
Et ce sont ces espérances déçues, ce
sont, à cette heure, chez les travailleurs
qui avaient cru auJd affirmations sociales
et socialistes de M. Clemenceau, ce sont
les douloureuses contradictions de sa
politique, qui créent la désaffection po-
pulaire, plus apparente, plus intense
ihaque jour.
Les murailles de la tyrannie nouvelle,
pour n'être ni de chaux ni de pierre,
n'en menacent pas moins l'indépendance
etla dignité des. citoyens. On sent sour-
dre le mécontentement populaire, et ce
n'est plus un mot de comédie que le cri
fameux : « Il y aura donc toujours des
Bastilles à démolir ! » 1
Des Bastilles à démolir, il en restera
/aussi longtemps que nous n'aurons de
la liberté civique qu'une parodie et que
* le gouvernement donnera l'exemple de la
mainmise sur la conscience politique des
ielus ou des électeurs, par tous les
moyens dont il disposé et que, tant de
lois, M. Clemenceau a flétris.
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que l'arbitraire admi-
nistratif fera des esclaves ou des victi-
mes et que la faveur ministérielle conti-
nuera de tenir à sa merci des milliers dç
citoyens.
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que survivront des abus
jet des privilèges renouvelés des anciens
régimes, aussi longtemps que les travail-
leurs auront l'insécurité de leurs vieux
gours, aussi longtemps que ne sera pas
réalisée la justice sociale.
Des Bastilles à démolir !. mais lisez
plutôt ces lignes de la Mêlée Sociale:
¡r( On a dit : « La Bastille est effacée de
ta terre et, avec elle, la féodalité, le
despotisme, et aussi l'oppression et tout
abus sur ses frères en humanité. Hélas !
l'oppression et l'abus ne sont pas aussi
aisément effacés. Voilà le mot cruel et
Nrai. Les pierres sont tombées de la som-
bre tour qui dominait Paris. Mais il
lient toujours, le réduit de haine et de
violence où l'atavisme enferme le trésor
ancestral d'égoïsme meurtrier, et contre
la chaîne de cette impénétrable Bastille
le - bras de Louis Tourna retombe im:
puissant..
j
cc Regardant sa hache ébréchée,
Louis Tournay pense avec son ami Car-
lyle : « Avez-vous inscrit parmi les
droits de l'homme, que l'homme ne doit
pas mourir de besoin, quand il y a du
pain moissonné par lui. Sous d'autres
formés, dans des conditions différentes,
l'homme se débat, comme autrefois, con-
tre l'égoïsme des classes. Le paysan
de La Bruyère était sans doute en
grand progrès de confort sur l'homme
des cavernes. Faute de pouvoir faire la
comparaison, il ne sentait pas son bon-
heur. Ainsi de notre mineur, qui n'éprou-
ve aucun soulagement à entendre parler
des serfs du imoyen âge. Il sent son
mal ; peu lui importe le reste. La Bas-
tille a été prise, lui dit-on. C'est bien
possible. Laquelle ? » -
Mot superbe ; car il reste toujours des
Bastilles à démolir.
Et M. Clemenceau montre l'oppression
qui pèse sur l'homme de travail, la force
sociale employée contre lui, les associa-
tions ouvrières traquées, désorganisées,
bridées, sous prétexte qu'elles ne con-
duisent pas la lutte comme le souhaite-
raient ceux qu'elles sont chargées de
combattre ; les pouvoirs publics achar-
nés contre les organisations syndicales
privées dleurs chefs librement choisis ;
les lois ouvrières ajournées, les réformes
d'impôt « vainement discutées ».
Et cependant la Bastille fut prise, il y
a plus de cent ans, par nos pères, et il
reste toujours des Bastilles à démolir.
Paul BOURÉLY,
Député de IMedôcft*.
LA POLITIQUE
EN VACANCES
Députés et sénateurs ont re-
çu" la clef des champs. De-
main, ils seront partis. Puis
les feuilles annonceront les
faits et gestes des minis-
tres sous la rubrique déplacements et
villégiatruTes. Et beaucoup de gens pen-
seront : la vie poritique, pour un mo-
ment, a cessé.
C'est s'en prendre aux seules appa-
rences. La politique ne chôme pas, la vie
parlementaire seule subit un temps d'ar-
rêt et ces récréations ne sont pas sans
bénéfice pour les parlementaires.
Pour eux c'est l'évasion, loin d'un mi-
lieu factice, d'une ambiance énervante et
parfois déconcertante. Le retour aux
champs, c'est le retour vers l'électeur,
c'est le renouveau du contact avec le
pays. Chacun retrouve à ses origines po-
litiques, le sens de son action, le senti-
ment de son devoir, le but de son efffort.
Après trois mois d'absence, les parle-
mentaires reviennent les nerfs détendus,
l'esprit apaisé, la résolution plus nette.
Après le congrès du parti républicain,
radical et radical socialiste, après le
congrès du parti socialiste aussi," dès les
premiers jours d'octobre la direction
normale de l'action politique et parle-
mentaire se dégagera.
Nous avons confiance. Tous les élé-
ments démocratiques reviendront à la
tactique du groupement serré, de l'effort
convergent. Tous les éléments conserva-
teurs - de 01]("qH( nom qu'ils se déco-
rent — se ret>,--¡.t à droite.
La politiql!F de" confusion est à bout
Donnons-lui les quatre-vingt-dix jours
réglementaires ; soyons généreux : cent
jours. ,
Et c'est tout.
LES ON ..DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui mardi:
Lever du soleil, à 4 h. 13 ; coucher, à
7 h. 58. -
Fête nationale. -
Matinées' gratuites : Optra, Comédie-
Française, Opéra-Comique, Palais-Royal,
Nouveautés, Porte-Saint-Martin. Théâtre
Antoine, Athénée, Folies-Dramatiques, Clu-
ny, Déjazet, Belleville, Théûtre populaire,
La Fauvette, XXe siècle.
Matinées non gratuites. — Ambigu, Ci-
gale, Scala, Théâtre de la Nature.
Courses ti Saint-Cloud. -.
.1
Utié brique dé mille francs.
Un huissier qui venait de dresser lin
inventaire chez un pauvre paysan bre-
ton décédé, fut fort étonné d'apercevoir
un billet de banque collé contre un des
murs de la chaumière.
Le défunt qui l'avait trouvé sur la
grand'routc 'et qui n'y avait vu qu'une
image,' en avait ofné la muraille.
Il y avait vingt ans qu'iî éfait l\ entre
le « Juif errant fr et « Genevière do.
'BPabant », sans qu'aucun v!R!ieUÏ" tfi
eût soupçonné la valeur. Ceci n'a rien
ciul doive surprendre, car dans les
1. campagnes, beaucoup Ëa Eçrsojines
n'ont jamais eu l'occasion de manier
des chiffons de papier de cette impor-
tance.
La brique fut détachée, envoyée à Pa-
ris et présentée à la Banque de France
qui, paraît-il, paya sans hésitation.
Seulement, comme il n'eût pas été
commode de remettre en circulation ua
pareil billet, il lut biffé et conservé
dans les archives. ,
Nous laissons à penser quelle agréa-
ble surprise ont eue les héritiers, pour
lesquels une somme de mille Irancs
constituait un héritage très appréciable.
AUTREFOIS
Rappei du 15 juillet 1872. — Le banquet
qui devait avoir lieu à Paris, en célébration
du M juillet, n'a pas été autorisé. Il devait
avoir lieu aux Vendanges de Bourgogne,
et devait réunir une centaine de convives,
convoqués par MM. Braleret, Martin Na-
daud, Topart et Métjoier. Louis Blanc de-
vait prononcer un discours. Le gouverneur
de Paris a interdit la réunion.
En fouillant les ruines de l'hôlel de ville,
on a retrouvé un Louis XIV de Coustou et
une statue de François 2e' assez endomma-
gée.
Les journaux anglais annoncent que
Stanley est arrivé à la côte, et qullyari
pour Suez; il rapporte des lettres dé Li-
vingstone. Ce dernier, bien qu'en mauvaise
santé. ne veut rentrer qu'après avoir ache-
vé son œuvre.
On fait, à n-ennel)illie-rs, des expériences
sur les eaux des collecteurs: deux ingé-
nieurs anglais travaillent à épurer ces
eaux de façon à pouvoir sans inconvénient
les rejeter dans la Seine. Avec le dépôt
qu'elles laissent, ils forment des briquettes
d'engrais.
Une belle place.
Un des membres les plus éminents
du corps diplomatique, qui représentait
il y a quelques années l'Angleterre à
Paris, avait pour la France et les Fran-
çais une prédilection marquée.
Il était tellement attaché à Paris qu';}
apprit sans aucun plaisir sa promotion
à la vice-royauté des Indes.
A son audience de congé, le président
de la République lui dit, en guise 3e
compliment :
« Vous allez, monsieur l'ambassadeur,
occuper une des plus belles places du
monde.
« — Ah ! monsieur le président, fit le
diplomate avec un soupir, la plus belle
place est encore à mes yeux celle que
je quitte : c'est la place de la Concor-
de ! »
Les asperges du shah.
Lors de son dernier voyage à Lon-
dres, le feu schah de Perse, Nsar td
Dine, assista à un diner donné par le
prince de Galles. On servit des asper-
ges. Le schah, qui sans doute n'avait ja-
mais goûté au précieux légume, prit Ja
première- asperge, en avala la moitié
avec une visible satisfaction, et jeta dl-
libérément l'autre extrémité derrière
lui.
Ce geste inattendu déconcerta quel-
que peu les convives. Mais le prince
d.e Galles, voulant éviter que son hôte
pût croire un seul instant avoir fait une
chose contraire à l'étiquette, s'empressa
à son tour de lancer sur le parquet ses
bouts d'asperges ; comme de juste, tous
les assistants firent de même, de sorte
qu'au bout de quelques minutes, les
tapis de l'héritier du trône d'Angleterre
furent jonchés de résidus d'asperges.
Rossini gourmet. -
On sait que Rossini était très gour-
met. Il n'aimait pas beaucoup dîner en
ville. Un jour, cependant, il finit par
accepter une invitation qu'il eût été plus
avisé de refuser, car le dîner était, eyé-
crable. En se levant de table, la mat.
tresse de maison lui dit :
— Eh bien ! monsieur Rossini, j'es-
père que vous voudrez bien revenir tit.
ner chez nous ?
- Oui, madame, tout de suite.
■ : : ;
La Marseillaise
Dans un des derniers numéros des An-
nales, Mme Yvonne Sarcey raconte, avec
un charme exquis, la mésaventure qui lui
est arrivée à propos de la Marseillaisp.
L'Université des Annales a reçu récem-
ment la visite de trois cents Anglais et
Anglaises. -
Nos voisins, croyant romdre hommage il
la France, ont demandé à Mme Yvonne
Sarcey ou plutôt à Mme Adolphe Brisson,
de leur faire chanter la Marseillaise par
les jeunes Françaises qui se trouvaient
gupées autour de la directrice de la
maison.
« Quelle émotion fut la mienne ! écrit
Mme Yvonne Sarcey. Je ne savais, de notre
chant national, que des bribes :
Allons, enfants de la patrie, *
Le jour de gloire est alTivé.
« Et puis :
Aux armes citoyens, formez vos bataillons.
Marchons, marchons,
Qu'un sang impur abreuve .nos sillons.
Pour le reste, j'eusse été incapable —
quoique l'ayant repassé cent fois — d'en
retrouver l'air et la musique.
-, « J'interrogeais vivement nos fidèles uni-
versitaires et les amis venus à cette fêle :
« Connaissez-vous la Marseillaise ? Et
vous ? Et vous ? Et vous ?.
« Hélas ! La réponse fut partout la mê-
me] On pouvait fredonner des fragments
par ci, par là ; on ne se fût pas aventuré
à. la chanter d'Un bout à l'autre, dans la
crainte d'embrouiller entre eux les étan-
dards sanglants, les féroces soldats, leurs
fils et leurs compagnes. »
Le fait, si spiritueilemnt narré par Mme
Adolphe P0son,J|^|^^t^peu par:
tout. Les Français, non seulement ne con-
naissent pas la Marseillaise, mais ils la
chantent très mal. Les trois quarts déton-
nent d'une façon pitoyable quand ils arri-
vent à la modulation oû il faut faire,
Mugir les féroces soldats* *
et clamer 1
Qu'ils viennent jusque dans nos bras
Egorger nos fils et nos'compagnes.
Ce passage de la Marseillaise fait le dé-
sespoir des oreilles délicates.
Chaque fois que nous avons assisté à
une audition populaire de notre hymne na-
tional, nous avons subi la même torture et
le même écorchement d'organe auditif.
La dramatique modulation de Rouget de
l'Isle ne parait pas faite pour les foules
françaises qui sont — sauf dans le Midi
et dans le Nord - eu musiciennes.
La foule attaque la Marseillaise avec une
furie française, mais avec une méconnais-
sance absolue du rythme et de la tonalité.
On ne sait pas chanter la Marseillaise
en France.
Cette réflexion paradoxale est faite pour
tous les étrangers ayant la, moindre notion
de musique.
Nous ne voulons pas saisir cette occa-
sion pour examiner la question de la trans-
formation du texte, un peu vieillot, am-
poulé ou suranné de la Marseillaise.
On a plusieurs fom émis l'idée de confier,
à un grand poète, la tâche d'adapter à la
musique de Rouget de l'Isle, des paroles
mieux en rapport avec l'évolution de notre
mentalité.
Ceux qui préconisaient ce projet se re-
tranchaient derrière ce précédent consacré
par la tradition. On sait, en effet, que le
dernier couplet de la Marseillaise n'est pas
de Rouget de l'Isle, mais de Marie-Joseph
Chénier.
Nous reconnaissons, jusqu'à un certain
point, le bien fondé des observations pré-
citées. Mais nous considérons la Marsèil-
laise comme un bloc inattaquable. La Mar-
scillalse n'est certes pas un hymne na-
tional : c'est un chant de guerre d'une
beauté tragique. C'est l'exacerbation de la
haine -contre l'envahisseur du territoire ;
c'est le paroxysme de l'amour de la Fran-
ce et l'exaltation de la foi patriotique d'un
peuple qui ne veut pas mourir. C'est, en
un mot, le chant sacré de la Patrie en
danger.
Il faut avoir entendu la Marseillaise dans
les poignantes convulsions populaires pour
se rendre compte de là grandeur épique
de ce cri farouche, entraînant et terrifiant
qui èlectrisa nos aïeux et leur permit de
refouler l'étrangei*.
Ne touchons donc pas à la Marseillaise ;
mais apprenons-là aux jeunes, afin que
l'humiliante mésaventure, si gentiment
avouée par Mme Yvonne Sarcey, ne se
renouvelle plus.
J. C.
P. s. - Nous disons plus haut que le
dernier couplet de la Marseillaise est de
Marie-Joseph Chénier. D'autres prétendent
qu'il est du poète Louis Dubois et. d'au-
cuns affirment que ces paroles ont pour
auteur un abbé qui, en raison de ce
fait éohappa en 1793 à la charrette fatale.
Nous posons la question à nos lecteurs
et nous serions heureux d'avoir leur avis
sur ce point d'histoire.
«M
L'Église met ses foudres
en mouvement
Il parait que l'évêque de Montauban, M.
Martv, vieaît de déclarer une guerre & ou-
trance aux maires de f3011 diocèse qui inter-
disent les processions religieuses sur la
voie publique.
Sa première victime — qui ne s'en poiiô
d'ailleurs pas plus mal — est le maire de
Beaumont-de-Lomagne.
Ce magistrat a été informé par une let-
tre de « Sa Grandeur » qu'il était « exclu
de la communion cathodique » et par une
seconde lettre, M. Marty a donné à ses prê-
tres l'ordre de lui refuser les « honneurs de
la sépulture ecclésiastique, s'il meurt avant
d'avoir dés-avoué la doctrine irréligieuse ».
La lettre ajoute que ces prescriptions se-
ront étendues à tous ceux qui ont interdit
ou interdiront les processions dans le dio-
cèse.
Il est à prévoir que tous les épiscopes de
France, obéissant à un mot d'ordre du Va-
tican. vont suivre l'exemple de leur collè-
gue de Montauban et que tous les maires
de France qui ont interdit, sur le territoire
de leurs communes, les mascarades reli-
gieuses, seront bientôt boutés hors de l'E-
glise comme le sont déjà tous les sénateurs
et les députés qui ont voté la loi de Sé-
paration.
A l'allure que prennent les foudres de
l'Eglise, il n'y aura bientôt plus en France
que des excommuniée .e,'t les dimensions de
l'Enfer des catholiques vont devenir rapi-
dement insuffisantes pour les contenir
tous. a
Satan ne tardera pas à ne plus savoir
où donner de la tête pour arriver à caser
tous ces* pensionnaires inattendus, et son
fidèle Caron est menacé d'une besogne au-
dessus de ses forces, à moins que l'idée ne
lui vienne d'augmenter sa batellerie et de
faire circuler des canots automobiles sur
les eaux du Styx.
Quel nouveau Dante chantera les suppli-
ces qui attendent les mécréants condamnés
par Pie X et ses évêques ? Car au fur et
à mesure que s'est accentuée la marche de
l'humanité vers l'irréligion, on a dû inven-
ter des raffinements de cruautés pour tous
les damnés qui ne sont plus la vulgaire
clientèle du temps où le poète fit sa visite
aux Enfers.
Mais parlons plus sérieusement. L'Eglise
s'imagine, en prodiguant ses excommuni-
cations, pouvoir jeter le trouble dans les
consciences et faire 'ainsi obstacle à l'ap-
plication des lois qui doivent assurer la
liberté de conscience des citoyens. Ses
efforts seront vains, car la menace de ses
fameuses flammes éternelles n'est même
plus un épouvantail capable de troubler
l'imagination de nos enfants.
L'excommunication va devenir, au con-
traire, pour tous ceux qui en seront l'ob-
jet, un excellent brevet de républicanisme,
et nous* verrons une sorte d'émulation se
produire entre les citoyens pour se dispu-
ter cette faveur. cst tout ce que J'Eglise
y gagne:ra. - P.. G. "., -- ----- -- -
LA SÉPARATION DES CHAMBRES
IICOflÉllEIOlDCtlIllltE
Les crédits supplémentaires. - Au Sénat, M. Poincaré dé-
nonce les fâcheux procédés financiers des ministres,
- M. Caillaux reconnaît la nécessité d'un
contrôle plus sérieux.
La dernière journée de travail des
Chambres a été courte : une heure
l'une dans l'autre. En revanche, les As-
semblées ont été matinales. La. séance
de la Chambre n'a présenté aucun inté-
rêt. Mais celle du Sénat a été occupée
par une discussion financière où, grâ-
ce à M. Poincaré, rapporteur général de
la commission des finances, un singu-
lier jour a été jeté sur les habitudes
budgétaires de la plupart de nos dépar-
tements ministériels. Impossible de
montrer une désinvolture plus complè-
te dans l'art. de jongler avec la monnaie
du contribuable.
Le ministre des finances lui-même n'a
pu que reconnaître le bien fondé - des
critiques du rapporteur général.
Et, après cet utile échangé d'observa-
tions, la tribune parlementaire est de-
venue muette. Jusqu'à quand ? Person-
ne ne le sait, le -gouvernement ayant re-
fusé, comme on sait, de prendre aucun
engagement quant à la date de la ren-
trée.
La séance du Sénat est ouverte à neuf
heures du matin,sous la présidence de M.
Antonin Dubost.
Tous les ministres sont à leur banc.
M. Cailloux, ministre des finances, dé-
pose le projet de loi sur l'exploitation provi-
soire du réseau de l'Ouest: Il est ren-voyé
à la commission des chemins de fer et à !a
commission des finances.
Le Sénat adopte divers projets de loi, no-
tamment la convention pour préciser la
frontière entre le Congo français et le Ca-
meroun. Il adopte ensuite un projet de loi
relatif aux récompenses à décerner à l'oc-
casion de l'exposition de Bordeaux et de
l'exposition de Lyon et un projet de lortem;
dant à accorder des décorations aux mili-
taires des armées de terre et de mer qui
ont pris part aux opérations du Maroc.
Discours de M. Poincaré
Il abord l'examen du projet de loi por-
tant ouveriure de crédits supplémentaires
sur l'exercice 1908.
M. Poincaré, rapporteur général, présen-
te, à ce propos, de très importantes obser-
vations. Il signale tout d'abord le peu de
temps laissé pour l'examen des crédits à la
commission des finances (deux jours en
tout : vendredi et samedi).
Il semble que sans rien retrancher de ce
qu'exige le .contrôle de l'autre Assemblée, le
Sénat pourrait aisément être mis à même d'exer-
cer le sien dans de tout autres conditions. (Ap-
probation.)
Le désordre
M. Poincaré fait ensuite une très vive
critique des procédés financiers en usage
dans la plupart des ministères :
Les demandes du gouvernement sur lesquelles
vous allez statuer attestent qu'il règne dans cer-
tains ministères de singulières habitudes et mê-
me un véritable désordre. Ce qui s'est passé
pour la reconstruction de l'Imprimerie natio-
nale est tout à fait significatif. Le Sénat n'ap-
prendra pas sans surprise comment a été con-
duite cette étrange opération. Il trouvera à cet
égard des précisions dans mon rapport et esti-
mera sans doute avec nous que les pouvoirs pu-
blics devront revenir ultérieurement sur cette
question.
Le département de la marine donne de son
côté d'étonnants exemples de son peu de res-
pect pour les règles budgétaires. Les crédits de-
mandés pour l'Iéna, pour la télégraphie sans fil,
pour les approvisionnements ont été sévèrement
critiqués par la Chambre. Il s'agit là de dépen-
ses qui non .seulement ont été engagées sans
ressources votées, mais qui, on peut le dire, ont
été effectuées sans que personne en fût prévenu.
Les ouvriers de l'Etat
Le raporteur général continue en traitant
une grave question sociale : 1
Un crédit Spécial demande par ie ministre de
la guerre soulève une grave question. C'est
celui qui a fait l'objet d'un rapport de M. Wad-
dington et qui a pour but d'améliorer la situa-
tion du personnel d'exploitation des établisse-
ments militaires.
La commission ne peut s'empêcher de vous
soumettre, à cette occasion, des réflexions dont
vous apprécierez l'importance. Le nombre des
ouvriers actuellement employés y,ar l'Etat est de
81.000. Les diverses fractions de ce personne!
soht soumises aux régimes les plus divers, quant
à la durée de la journée de travail et à l'avance-
ment, etc.
Il n'existe aucun règlement général, chaque
administration gouverne son personnel à sa
guisev
De temps en temps, l'une d'elles accorde une
amélioration, une satisfaction aux. ouvriers,
alors ceux des autres services la réclament et
ainsi on est conduit à une série de dépenses que
rien n'a permis d'envisager dans son ensemble
et dont rien ne permet d'entrevoir la répercus-
sion. Un tel système est l'incohérence. (Très
bien ! Très bien 1)
Nous pensons que l'on doit y mettre fin le plus
tôt possible en réglementant d'une manière gé-
nérale, et dans la-mesure du possible, uniforme,
la situation de tous les personnels d'ouvriers de
l'Etat. (Très bien !)
Le contrôle des dépenses
Ces réflexions nous ont amenés à une conclu-
sion qu'apparemment le Sénat annrouvera, Il
devient chaque jour plus évident qu'il est né-
cessaire de renforcer l'organisation du contrôle
des dépenses engagées, qui rend déjà tant de
services, mais qui reste encore inefficace dans
bien des cas.
Nous demandons que le gouvernement nous
apporte à cet égard des propositions précises,-
qui trouveront place dans le buaget de 1909.
(Applaudissements.)
M. Thomson plaide
; « pro domo »
M. Thomson. ministre -de. la marine,
passe" en revue les Crédits demandés pour
l'enlèvement de l'épave de 1 Iéna, pour
l'installation de la télégraphie sans fil sur
l un grand nombre de navires, enfin pour
lies spppoyisionn.em^Jii jîQudce et en
obus. Sur chacun de ces points, il 6-aita
che à démontrer que les dépenses auxquel-
les les crédits sollicités doivent pourvoir,
ont absolument le caractère de dépenses
additionnels au budget, primitif.
il était matériellement impossible de les com-
prendre dans les évaluations de J'JGS, car à l'é-
poque ouie budget de 1900 a été éBabli, les cau-
ses actuelles de dépensas étaient ignorées ou
laisaient 1 objet d'études et, pal' 'SUïtc, on ne pou-
vait soumettre aux Chambres aucune proposi-
tion.
C'est ainsi qu'au cours de l'année, à la suite
de la yjsHe des stocks de poudre eans fumée on
a condamné par prudence 600.000 kilos de Pou-
dre douteuse ou trop ancienne. Cette tnesure de
précaution après la catastrophe de Ylcna ne sau-
rait être qu'approuvée ; mais peut-on dire que
)a marine aurait dû s'y faire autoriser par J&
vote d'un crédit il y a six mois ?
Comment l'eût-elle fait, puisque les visites d'ap- *
provjsjonnements n'ont été faites que tout der-
nièrement et que c'est seulement ensuite qu'on .;'
a pu apprécier l'importance du stock à faire dis-
pottaitre ?
De même, la marine ne -peut être rendue Res-
ponsable à propos de la fabrication des .nou-
veaux obus, des retards de fabrication qui en-
traînent dès reports de crédits et de la hausse
anormale des aciers.
Sous ces réserves, le ministre se déclare tout
disposé à tenir compte des conseils du rappor-
teur général ; il se prêtera volontiers, pour sa
part, à une amélioration du contrôle des dépen-
ses. Un inspecteur des finances n passé dix-
huit mois dans les ports. Il'a tout vu et tout
vérifié ; c'est la preuve que ta marine est pleine
de bonne volonté.
M. Poincaré. — Cet inspecteur a été bien reçu
et on doit le reconnaître, mais fl manquait d'au.
torité. On n'arrivera à un résultat qu'au moyen
d'une réorganisation de contrôle des dépenses
publiques et d'une forte centralisation de ce ser-
vice dans les mains du ministre des finances.
M. Le Cour Grandmaison remarque que
l'abus des reports de crédits dont se plaint
la commission fleurit surtout à l'adminis-
tration des postes-et télégraphes.
'.J.. - Les reports de crédits sont
toujours facbeux, mais il en est un.«. «ut,,
bre qu'on ne peut éviter. Il en est d'autres, au
contraire, qui ne résultent que de mauvaises pra.
tiques.
Les aveux de M. Caillaux
M. Caillaux, ministre des finances, est
d'accord avec la commission des finances
sur ce dernier point. à 'a condition qu'on
n'exagère pas la rigueur d'une règle qui-
est nécessaire, Bans doute,mais qui compte
certaines atténuations dans la pratique.
Le rapporteur général a raisen de réclamer un
renforcement du contre des dépenses enga-
gées. La solution est difficile, mais le gouverne-
ment la recherche et s'est déjà livré en conseil h
l'étude d'un textes
Sous le bénéfice de ces observations, le
ministre prie le Sénat de voter les crédits.
Ils n'ont rien d'exagéré puisque eur un bud-
get de plu') de 3 milliards et demi, ils ne
s'èlèvent qu'à 30 millions. «(Applaudisse-
ments.)
Les différentes dispositions du projet d6
loi sont adoptées. L'ensemble est adopté i
l'unanimité de 270 votants.
LES QUATRE CONTRIBUTIONS
Le Sénat adopte le projet de loi sur le..
quatre contributions directes à l'unanimité
de 280 votants. , 1
DECORATIONS ET CEREMONIES
M. M. Faure lit le rapport sur la proposf
tion de loi tendant à accorder des décors-
tions à l'occasion du cinquantenaire de
la Société chimique de France.
M. Gourju dit que le ministre des affaires
étrangères peut accorder un nombre indé-
fini de croix à des étrangers. Au contraire,
pour nos nationaux, il faut des lois spé-
ciales.
M. Poincaré. - Le mieux serait de sppri-
mer toutes les décorations. (Rires.)
La proposition de loi est adoptée.
M. Briand, garde des sceaux, donne iec«
ture du décret de clôture.
La séance est ensuite levée - - -
A LA CHAMBRE )
*
La séance est ouverte à onze heures,
sous la présidence de M. Briésort.
M. Cruppi dépose le projet de loi, adopté
par le Sénat, relatif aux Crédits supplé- f
mentaires.
On suspend la séance pendant un quart
d'heure, pour permettre à la commission
du budget d'en délibérer.
A la reprise de la séance, M. Paul Dou-
mer, rapporteur général, donne lecture de
son rapport. Il conclut à l'adoption du pro-
jet de loi tel qu'il a été modifié par le Sé-
nat.
Les crédits sont adoptés par 476 voix
contre 44.
M. Clemenceau monte à la tribune et
donne lecture du décret de clôture.
La séance est levée.
LA FÊTE NATIONALE
Les mesures d'ordre prises par ! t préfec-
ture de police pour les fêtes diffèrent peu
descelles des années précédentes. En voici
le détail : ■
Revue de Longchamp. — Les voitures se
rendant à Ha revue ne pourront, pénétrer
dans le bois que par la porte de la Seine
et la porte de Saint-Cloud. Tout stationne-
ment de voitures ou de cavaliers sera in-
terdite sur les routes du Bois que doivent
suivre les troupes. ,',
Ceé postes médicaux seront établis sur,
vinst points différents du bois de Boulo-
gne aux environs du terrain de la reVl1",
Les médecins seront présents à ces nos
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