Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-03-17
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 mars 1902 17 mars 1902
Description : 1902/03/17 (N11693). 1902/03/17 (N11693).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
CIN© CENTIMES le Numéro, PARIS & DÉPARTEMENTS Le Numéro, CINO C B N T M ES
Imditeur - AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
la moIs Trois rr.ols Six mois Un
Paria 2fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départer^cr/ts.. 2 - 6— dl — 20-
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Ch. jfPiGRANGE, CERF & CH
0, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURNAl,
RÉDACI IOIV : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
No 11693 — Lundi 17 Mars 1902
26 VENTOSE AN 110
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
fflffiUIl
Voilà quelques mois, un matin, il
monta chez moi; il m'apportait son
livre « Ibsen et Maeterlinck». Je le vois
encore, assis, là, de l'autre côté de la
table de chêne sur laquelle se courbent,
pour le travail sans fin ni trêve, mes
jours et mes nuits ; il était jeune, beau,
fort, la barbe blonde ; et ses yeux bril-
laient. Je n'aime pas beaucoup Ibsen et
Maeterlinck, mais il en parlait avec une
si belle flamme qu'il les rendait sympa-
thiques ; à peine fut-il parti, je me met-
tais à lire son livre. Dès le lendemain,
voulant que je le connusse tout entier,
il m'envoyait son drame « La Sape »
qu'il avait fait représenter, pour l'inau-
guration du théâtre social, en 1899.
Nous nous étions déjà rencontrés plu-
sieurs fois dans cette maison de la rue
du Val-de-Grâce, si intellectuellement
hospitalière, et que la mort de Mme Ga-
gneur a barrée de deuil; j'avais admiré
sa vivante jeunesse. Dix ans, cela
compte; il y avait juste dix ans de dif-
férence entre son âge et le mien ; et je
suis un vieux, dont le pas se ralentit,
dont les prunelles s'obscurcissent, que
le froid gagne; et lui, hier encore, il
était énergie, talent, volonté, avenir ;
aujourd'hui, il n'est plus rien qu'un sou-
venir ; quelque chose d'impalpable,
d'immatériel, qui flotte dans le vague
nuageux du rêve et que, d'en bas, les
regards tâchent de suivre dans l'es-
pace.
- Et vtoilà que l'on a descendu, dans un
trou de terre, à Montparnasse, ce qui
avait été son corps! De quoi est-il mort?
quelle maladie a soudainement terrassé
ce jeune athlète auquel semblaient pro-
mises de longues destinées? Je ne sais.
Mort à trentre-quatre ans ! c'est-à-
dire à l'âge où les hésitations, les tâton-
nements de la croissance morale, étant
finis, on commence à vraiment vivre, à
l'âge où du jeune homme l'homme se
dégage, sachant tout ce qu'il faut sa-
voir, armé pour la lutte, assez fort pour
créer. — Et le premier sentiment est de
colère, de révolte contre la mort im-
bécile qui vient de faucher ces espéran-
ces fleuries. — Puis, à la réflexion, en
songeant à ce travailleur mort à trente-
quatre ans, le sanglot amer qui gonfle
ma poitrine monte à ma bouche en un
cri : — Qu'il est heureux 41
* *
Quoi donc? il a étudié, rêvé, tra-
vaillé, voulu, aimé, demeuré davantage
sur la terre, qu'eût-il pu faire de plus ?
n'avait-il point parcouru le cycle ?
Son œuvre, petite par le volume,
grande par la pensée, est toute rayon-
nante d'espérance et de foi. C'est « à
ceux qui souffrent) qu'il a dédié « la
Sape » ; et la préface de ce drame se
termine ainsi : a Que la parole soit
notre briquet. Jetons la semence. Le
grain germera, et féconde sera la ré-
colte. L'évolution a déjà commencé et
peu à peu s'étendra. Nous l'aurons
préparée pour d'autres qui en profiteront,
mais qu'importe!. Toutes les révolu-
tions sont ainsi faites sur des morts,
comme tout progrès sur des ruines. Il
est, dans la charge abrupte pour la vic-
toire, des fossés qu'il faut combler pour
passer Nous les remplirons de nos
corps fauchés, soldats d'avant-garde qui
ferons jaillir, du soc de nos révoltes,
l'étincelle incendiaire et germinatrice,
— prêts à mourir pour notre idée, aux
ailes éployées, uoume drapeau : l'af-
franchissement de l'humanité. »
Dites si beaucoup de veillards dont la
longue existence a été inutile ne doi-
vent point secrètement jalouser ce
jeune homme qui, avec cette fougue
généreuse, remuait de telles idées.
Sa journée aura été courte, mais
bien remplie. Il meurt en plein midi,
en plein soleil; est-ce donc si enviable
de voir l'heure triste où le soLil n'est
plus qu'un rouge reflet près de s'étein-
dre, où les ombres du soir montent des
flancs de la terre!..
Je dis qu'il a aimé ; non qu'il m'ait
fait de confidences, certes ! Mais je lis
cette dédicace de son livre sur Ibsen et
Maeterlinck : « — A toi, qui m'as donné
le secret du bonheur dans une éternité
d'amour et d'harmonie. La communion
de deux âmes ne devant être que le
temple de germination d'un mondial
altruisme, je fais le serment de consa-
crer intégralement ma vie à l'œuvre de
rédemption sociale et de rénovation so-
ciale que ton doux cœur d'apôtre m'a
fait rêver pour l'humanité aveugle et
douloureuse. »
Je ne sais point le nom de la femme
à qui s'adresse cet hymne brûlant de
reconnaissance et d'adoration. Je m'in-
cline avec une émotion respectueuse
devant elle, inconnue ; devant ses lar-
mes. Oh ! qu'elle pleure, eUr, cela se
comprend ! qu'elle déteste la mort !. ;
mais lui, sur qui descendant, comme
une rosée céleste, ces regrets désespé-
rés, qu'il est heureux !.
r
.*.
Heureux d'avoir eu la joie — au
délà de laquelle il n'est point de joies
— de l'amour complet ; car il est bien
¡vide et bien nul le prétendu amour qui
se satisfait avec des baisers ; et seuls
Couvent dire qu'ils ont aimé ceux qui,
la main dans la main, ont fait rayonner
autour d'eux, en pitié douce, en frater-
nité infinie pour les autres, le bonheur
dont leur cœur était plein. Est-ce que
les « exclusifs », les égoïstes, les jaloux,
aiment? Allons donc ! Caricature !.
Donc, il travaillait ; il mettait son
savoir, son intelligence, sa force au
service des autres, de ceux qui souffrent;
il défendait les justes causes ; il était
l'ouvrier de justice et de lumière ; et,
dans un cœur de femme, il trouvait le
réconfort nécessaire à l'honneur, la foi,
la certitude. N'est-ce pas qu'il était heu-
reux ? Disons: il est heureux.
Qui sait, s'il eût vécu davantage, s'il
n'eût point connu, plus tard, les décep-
tions, les désillusions qui aigrissent,
qui finissent par dessécher le sang. Car
ils sont bien rares, assurément, ceux
qui, malgré les dures épreuves, gardent
en eux la foi naïve ; ceux-là souffrent
cruellement. Que ne suis-je mort il y a
dix ans ! Combien de tristesses âcres
m'eussent été épargnées! Hélas! en
voilà déjà beaucoup de plus jeunes que
moi, et qui, bien plus que moi,
avaient des raisons de vivre, qui dispa-
raissent; tandis que je chemine toujours,
à pas plus lourds, sur la route longue et
difficile. Arrêté un instant, appuyé sur
ma canne, redressant mon dos que
courbe la fatigue, la main en abat-jour
sur mes yeux pour les protéger contre
la lueur sanglante du couchant, je les
suis du regard, tant qu'ils restent à peu
près visibles, ceux, les jeunes, qui nous
quittent pour mourir ; et ce regard est
chargé d'envie.
Heureux ceux qui meurent jeunes,
debout, en pleine sève, sans une ride ni
au front ni au cœur! Heureux ceux que
la mort sauve des rancœurs, des lassi-
tudes, des regrets, des amertumes que
l'on trouve au fond de la vie!. A cha-
cun sa destinée ; pour ceux-là, les jeu-
nes, qui partent, le bonheur, le besoin
d'emporter avec soi dans la tombe ses
illusions toutes blanches, ses rêves non
déflorés, pour nous,qui restons : le tra-
vail. Soit. A peine le temps d'éparpiller
quelques fleurs sur cette tombe ; et puis
en route! Le devoir nous réclame. Tant
que l'homme est debout, il no s'appar-
tient point. Travaillons, tant que nous
avons de force, tant que la lumière qui
est en nous n'est pas éteinte; — et ma
pensée sera en communion avec celle
de Georges Leneveu quand je dirai : -
pour les autres.
Lucien Victor-Meunier.
Nous publierons demain un article
de M. Georges Trouillot
LE CAMP D'AGRAMANT
L'union nationaliste est bien
l'image la plus ressemblante
qui soit de la discorde. Admi-
rons ce fameux bloc. Il est, en
effet, d'une espèce particulière.
C'est un bloc qui s'effrite, qui
se fendille, qui se crevasse de
toutes parts. Les morceaux hétérogènes
dont on a voulu le former refusent de se
souder ensemble. Chaque jour voit naître
une nouvelle fente. Jules Lemaître, Coppée
et Cavaignac, qui ont t jut fait pour donner
le change sur la solidité de leur œuvre, ont
beau multiplier leurs arbitrages officieux,
c'est-à-dire essayer de cimenter les diverses
parties du bloc, rien ne réussit; le bloc se
détruit de plus en plus.
J'entends que trop de nationalistes ont
eu l'ambition de devenir députés. Or, les
sièges ne sont pas assez nombreux. De là,
plusieurs candidatures nationalistes dans
une même circonscription. A Paris même,
il en vient de province. Des députés natio-
nalistes écrasés d'avance, là où ils avaient
été élus, se sont abattus sur la capitale du
nationalisme. Et vous entendez d'ici les
cris de colère de ceux qui s'étaient déjà
installés dans la place contre ces rivaux
inattendus.
Ainsi, à Clignancourt, M. Baillière, con-
seiller municipal rochefortiste, dit crûment
son fait à M. Charles Bernard, député de
Bordeaux, mais qui quitte cette ville où il
ne peut plus être réélu, pour poser sa can-
didature à Montmartre. M. Bernard mar-
che, avec l'appui de Rochefort- sur les pla-
tes bandes de M. Baillière. Rochefort, voit
même en lui le futur député de Clignan
court. M. Baillière ne comprend rien à cela.
Il se présente donc contre M. Charles Ber-
nard. Il a tout à fait raison.
Aux Batignolles, même situation. M.
Edmond Lepelletier,qui a lâché laRépubli-
que pour le nationalisme,est combattu par
un autre nationaliste, M. Léouzon-Leduc.
Et à Montrouge où les nationalistes
Massard et Audriveau sont aux prises ! Et
à Passy où le nationaliste Millevoye est
obligé de lutter contre le nationaliste For-
tin ! et à La Villette où les nationaliste
Pontevès et Grébauval se présentent con-
curremment ! Partout les choses se pas-
sent de la même façon.
La guerre règne donc au camp d'Agra-
mont. Les républicains seraient bien cou-
pables s'ils ne profitaient pas de l'occasion
pour se serrer les coudes et se grouper en
un seul faisceau. — Ch. B.
duo
LE BUDGET AU SENAT
Dans la séance d'hier, la commission séna-
toriale des finances a commencé l'examen du
budget des recettes.
Elle s'est occupée ensuite de la loi de fi-
nances.
La commission s'est également occupée de
la proposition Be rry, relative à la cote person-
nelle mobilière.
Hisr aussi, elle a reçu une délégation des
marchands de papier, qui ont été entendus sur
les articles de la loi de finances interdisant les
affiches électorales tricolores.
La commission des finances a ensuite disjoint
toutes tes propositions votées par la Chambre
qui n'outras unxaraçlère budgétaire.
LELAIT
-
Conseils à là « Ligue pour le lait pur ».
— La falsification. — Où et com-
ment elle se pratique. — A qui
profite la fraude. — Le rôle
des produits chimiques.
— Leurs dangers.
On mène grand bruit autour du lait depuis
quelque temps; une ligue s'est formée pour lut-
ter contre les falsificateurs de cet aliment, M.
Jean Cruppi, député de la Haute-Garonne. la
préside. Tout ceci est fort bien mais ce qu'on
ne nous a pas appris c'est où se faisaient ces
falsifications et comment.
Sans vouloir rechercher quelles sont les per-
sonnes qui ont intérêt à frauder le lait nous
pouvons déclarer que ce ne sont pas nos culti-
vateurs qui font cette opération ; ce ne sont
pas non plus ceux qui vendent au détail à
Paris, ils n'y ont aucun intérôt, leur clientèle
étant désireuse d'avoir avant tout de bons pro-
duits, surtout quand il s'agit d'un produit
comme le lait, aliment de première nécessité
pour les petits enfants.
Les entremetteurs
Qui donc fraude le lait? il ne peut y avoir
que les entremetteurs, ceux qui achètent aux
cultivateurs et qui revendent aux détaillants.
Nous pouvons d'autant mieux affirmer que
ce ne sont pas les cultivateurs qui fraudent
qu'il nous a été donné souvent de voir de très
près comment les grandes compagnies qui achè-
tent en province surveillent d'une façon serrée
leurs fournisseurs et les poursuivent avec la
dernière rigueur.
Ceci dit, nous voulons examiner ce qu'il y a
d'intéressant dans cette question et dire un mot
d'une falsification dont personne ne parle et
qui est peut-être la plus dangereuse de toutes,
nous voulons parler de l'addition de produits
chimiques au lait.
Le lait comprend les trois aliments nécessai-
res à la vie : 1* matières grasses représentées
par le beurre ; 2° matières sucrées par la lac-
tose ou sucre de lait, 3° matières albuminoïdes
par la caséine.
M. Villiers Morianné, de l'Ecole de pharma-
cie de Paris, un des plus distingués profes-
seurs de chimie de l'Université de Paris, et
dont je recommande le cours et les conseils à
MM. les membres de la ligue pour le lait
pur, disait uo jour que sur 38 échantillons de
lait qu'il avait analysés, il n'avait trouvé que
3 échantillons bons, 5 à 6 assez bons, le reste
était au-dessous du chiffre minimum.
Ce chiffre minimum.est pour 100 gr. de lait:
3 gr. de beurre, 4 gr. 5 de lactose, 3 gr. 4 de
caséine.
Le chiffre coté bon est de 4 gr. beurre, 5,4
lactose, 3,6 caséine.
M. Villiers ajoutait qu'il était tacite de proa-
ver qu'un lait avair été mouillé ou écrémé:
un changement énorme était apporté dans les
proportions ci-dessus, quand le lait subissait
une des deux opérations, mouillage ou écré-
mage.
La chimie triomphe
Nous ne citerons que pour mémoire les falsi-
fications grossières avec l'amidon, le glucose,
la dextrime et le sucre de canne, et nous arri-
verons à l'addition des produits chimiques.
Sou9 l'influence d'un ferment qui se trouve
dans le lait, le lactose ou sucre de lait se dé
double on acide lactique.
L'acide lactique coagule la caséine, le lait
tourne comme on dit vulgairement.
Pour empêcher cette fermentation qui a lieu
très rapidement en été, on détruit le ferment
par ébullition, mais comme il en suffit d'une
trace pour faire commencer la fermentation on
ajoute dos corps dont le plus anodin est le bi-
carbonate de soude.
La soude de ce corps se combinejà l'acide lac-
tique au f,ir et à mesure qu'il se produit, le
lai! ne tourne pas.
Le borate de soude est aussi très employé, la
soude se comporte comme dans le cas précé-
dent, l'acide borique mis en liberté tue ou ar-
rête le ferment.
Ces deux corps, surtout le premier, ne sont
pas dangereux mais il serait désirable qu'on ne
s'en servit pas.
On emploie aussi l'acide salicylique qui tuele
ferment et conserve bien le lait. Son emploi
devrait être tout à fait interdit.
Dépérissement des nourrissons
Enfin un nouveau corps, d'après M. Villiers,
a fait depuis quelque temps apparition dans
les laits.
C'est le formol. Ce corps se combine à la
caséine du hit qu'il rend incoagulable, le lait
se consc-ve admirablement pour les expédi-
teurs et trop bien pour les consommateurs.
En effet la caséine est rendue, par lo formol,
inassimilable, si bien q t'uneofaot qui boit ce
lait ne peut assimiler ce corps qui est un alimen t
de 1er ordre, la caséine est rejetée dans les ma-
tières fécales où elle se trouve entièrement,
Avis donc à ces :.Iesdieur'l do la Ligue et
qu'ils poursuivent avec la dernière rigueur
tous les lai * qui seront conservés ainsi. En
terminant qu'ils aie permettent de leur dire
qu'ils ont affaire à forte et rude partie. — Jean
Çazuult.
——————————
LES CONGREGATIONS
En correctionnelle
Arras, 15 mars.
La directrice de l'orphelinat des assomption-
nistes de Clairmarais est traduite devant le tri-
bunal correctionnel de Saint-Omer pour in-
fraction à la loi sur les associations.
Avis défavorable
Niort, 15 mars.
Le conseil municipal de Chizé a émis, par
8 voix contre 1, un avis défavorable à la de-
manda en autorisation formulée par les filles
de la sagese. qui dirigent une école li-
bre.
»
AVAïlT LE VOYAGE EN RUSSIE
Les préparatifs.—Sur le « Montcalm».
— Les appartements du Président.
Brest, 15 mars.
Le croiseur Guichen entrera en armement
le 25 mars, puis fera quelque essais de ma-
chines en roule libre. Actuellement, des ou-
vriers des constructions navales procèdent à
une visite minutijuso des machines cl des
chaudières du croiseur et réparent la passe-
relle du commandement.
Le capitaine de vaisseau Baëhme, comman-
dant le Guichen, a déclaré qu'avec ses aména-
gements actuels le croiseur ne peut loger, en
dehors de l'état-major, que 7 hommes de la
suite du Président.
Les ingénieurs et les adjoints techniques di-
sent que les appartements du Président sur le
Montcalm comprendront une chambre à cou-
cher en palissandre, trois salons, une salle à
manger, un cabinet de travail, une bibliothè-
que et un cabinet de toilette. Les meubles pro-
viendront, partie du pprt de guerre, partie du
garde-meuble de l'Elysée.
Las appartements de M. Delcassé, du géné-
ral Dubois, de MM. Combarieu, Mollard et
Poulet seront sur le Montcalm ceux des autres
personnages sur le Guichen.
Le Mans, 1S mars.
fit) raison da vovaae du Président de la Ré-
publique en Ruasie, la vingt-huilième fête fé-
dérale des sociétés de gymnastique de France,
que doit présider M. Loubet, et qui était fixée
au* 18 et 19 mal, va être reculée d'un mois.
La date du 22 juin sera probablement choi-
sie pour le voyage présidentiel au Mans.
A Montélimar
A son retour de Russie, M. Loubet se rendra
à Montélimar, où il présidera un grand con-
cours musical.
Il sera accompagné par M. Leygues, minis-
tre de l'instruction publique, M Combarieu,
secrétaire général de la présidence, et le géné-
ral Grasset, gouverneur de Lyon.
M. Loubet arrivera à Montélimar le 1" juin.
a-
LA OÉLATION CLÉRICALE
L'espionnage d'un abbé. — Révocation
d'un lecteur du a Rappel »
Depuis un certain temps il n'est bruit, par-
mi les receveurs d'un tramway, que d'un es-
pionnage en règle fait par un monsieurprêtre.
Ce digne émule de la compagnie de Loyola,
non content d'espionner dans son confession-
nal, a pensé étendre ses belles qualités jésui-
tières dans nos administrations.
Dès qu'un employé est pris un journal ré-
publicain à la main, il est immédiatement
l'objet des fureurs de l'ensoutané et finale-
ment un rapport pour une cause quelconque
est déposé sur le registre destiné à cet effet.
Il faut croire que l'écriture symbolique du
délateur produit son effet, car peu de jours
après l'employé se voit en butte à de conti-
nuelles vexations d'abord, puis finalement on
l'invite à démissionner, à moins qu'il ne pré
fère attendre sa révocation ou qu'il ne veuille
revenir à des opinions plus. saines.
A la veille des élections, ce n'est pas mal!
■ — - il «ai .il. mm
GUERIE PAR LA PRIÈRE 1
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 15 mars,
Malgré toutes les mesures prises, les dupes
des guérisseurs par la prière sont toujours
nombreuses en Allemagne. Les exploiteurs de
la crédulité deviennent même plus audacieux,
ainsi que le démontre le fait suivant. Il y a
quelques mois une dame du monde, Mme
von X., s'était fait inscrire sur la liste des
personnes devant être recommandées par la
prière. Elle paya 25 francs, prix d'inicription.
Peu de temps après, ayant des remords d'avoir
agi à l'insu de son mari, elle avoua à M.
von X. la démarche accomplie. Le mari,
homme éclairé, morigéna quelque peu sa
femme et l'on oublia l'incident.
Ces jours-ci Mme von X.,recevait une note
de 375 francs du bureau des prières. On avait
continué à prier pour elle.
Elle paya pour éviter toute esclandre, mais
on la dit guérie à jamais de sa foi religieuse.
,O>
Le cardinal EampoIIa et l'huissier
fDe notre correspondant particulier)
Rome, 15 mars.
Au moment où le cardinal Rampolla descen-
dait pour entrer à l'église Sainte-Cécile, un
huissier qui le guettait lui a remis une invita-
tion à comparaître le 29 mars devant le tribu-
nal civiL Il s'agit du procès que les héritiers
Falconieri ont intenté au Saint-Siège, pour
rentrer en possession de leur héritage.
L'huissier a réussi par le même moyen à
glisser son papier entre les mains d'autres
princes d'Eglise impliqués dans l'affaire.
MANIFESTATION PANGERMANISTE
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 15 mars.
A l'instigation du comité central de Leipzig,
les groupes pangermanistes en Autriche orga-
nisent pour le 1" avril, jour de naissance de
Bismarck, une grande manifestation politique.
Partout où il y a un groupe, on célèbrera par
une fêle l'empire allemand et par la même oc-
casion on manifestera le désir de se détacher
de l'Autriche.
Une souscription sera ouverte pour la créa-
tion d'un « Fonds de Bismarck » et l'on orga-
nise aussi une loterie.
Quant à la destination des fonds qui seront
déposés à la « Diskonto-GeseUschaft », de Ber-
lin, il est inutile d'en parler.
LES MESSAGERS DE KRUGER
(De notre correspondant particulier)
La Haye, 15 mars.
Un messager du président Kruger, voyageant
sous un pseudonyme, vient de partir pour le
Transvaal. On sait que les courriers du prési-
dent traversent facilement les lignes anglaises
et que des communications régulières sont
établies entre le président et les combat-
tants.
On a reçu ici récemment des dépêches sur
les dernières opérations militaires, on les tiont
secrètes afin de ne pas compromettre les plans
du général Botha.
MŒURS OTTOMANES
(De notre torretpondant particulier)
Constantinople, 15 mars.
Fehim Pacha, le chef de la police secrète,
est, avec plusieurs de ses acolytes, un habitué
des cafés chantants du quartier de Péra, où
presque tous les soirs il provoque quelques
scandale s.
On raconte qu'il a fait récemment, avec ses
compagnons, irruption dans un bal donné à
l'Odéon-Théâtre, assommant un Grec, forçant
plusieurs arlistes à paraître en scène pour y
exécuter un ballet. Malgré les prescriptions du
Coran, le chef des agents secrets se livre à des
libations scandaleuses dans les soirées où il
paraît, devenant chaque fois d'une intraitable
humeur.
ACCIDENT A Mmo CAMILLE FLAMMARION
Mme Camille Flammarion, la dévouée prési-
dente de l'Association « la Paix et le Désarme-
ment par les Femmes », a été, hier, victime
d'un accident. Comme elle se préparait à tra-
verser lq boulevard Saint-Germain, pour se
rendre au ministère des travaux publics, où
elle allait demander à M. Baudia, une faveur
pour un protégé, un bicycliste est arrivé sur
elle à fond de train et l'a renversée. Se rele-
vant avec peine et toute meurtrie de sa chute
carie bicycliste et sa machine étaient tombés,
sur elle, Mme Camille Flammarion n'en a pas
moins accompli sa mission sans vouloir porter
plainte.
Nous espérons que la courageuse femme en
sera paille pour quelques jours de repos.
LA QUESTION DU GAZ
M. Georges Berry adressé au président du
Conseil municipal, une lettre dans laquelle
il l'invite à saisir immédiatement la ^hambre
de la diéiibération du Conseil municfpal aDt-t" -
sant le prix du gaz à vingt centimes. j
LE PERSONNEL
DES COLLÈGES
L'assimilation des professeurs de col-
lège aux chargés de cours des lycées.
— Deux lettres. — Un professeur
de collège. — Un répétiteur de
collège. — Abattement profond.
— Un inspecteur qui connaît
la situation.
Il est regrettable qu'ayant été souffrant je
n'aie pu terminer cette étude sur les collèges
avant la discussion du budget à la Chambre.
Le Rappel et le XIXe Siècle n'hésitent cepen-
dant pas à la poursuivre par un dernier arti-
cle, voulant montrer que leur enquête n'a ja-
mais été une polémique mais une simple en-
quête.
L'assimilation des professeurs de
collège
Nous avions dit que les professeurs de col-
lège demandaient à être promus plus souvent
qu'ils ne le sont actuellement. Ils souhaitent
également être assimilés intégralement aux
chargés de cours des lycées. Cette assimila-
tion a été demandée souvent; sa nécessité a
été reconnue par le Parlement lui-même, qui,
en accordant un crédit de 10.000 francs pour
commencer l'exécution de cette mesure, a mon-
tré qu'il ne concevait pas la différence qui a
existé jusqu'ici entre un professeur licencié de
collège et un professeur licencié de lycée.
Tout ce qu'on a dit à ce sujet est parfaite-
ment juste et banal. Quand nous autres, non-
universitaires, en parlons entre nous, nous
sommes absolument stupéfaits que la haute
administration ait missi longtemps à compren-
dre. Je ne me donnerai donc pas la peine de
rechercher une autre comparaison que cellequi
a été faite dès le premier instant où cette ques-
tion a été soulevée. A-t-on songé à augmenter
la solde d'un sous-lieutenant que les hasards
des vacances ont envoyé dans une préfecture ?
a-t-on songé à diminuer celle de son camarade
moins heureux qui s'est vu assigner une sous-
préfecture comme garnison?
C'est pourtant ce qui existe à l'heure ac-
tuelle encore dans l'Université. Le traitement
des professeurs de lycées (non agrégés) est de
2.800, ceux des professeurs de collège de 2,500
(quand ils ne sont pas pourvus de chaire à
1,900 fr.) Pourquoi? Les chargés de cours des
lycées ont des promotions plus rapides que les
professeurs de collège. Pourquoi ?
Tout simplement parce que ces derniers ont
eu la grand tort d'être arrivés après les autres;
car, il y a une chose qu'il ne faut jamais ou-
blier: c'est que le cadre des chargés de cours
des lycées est plein de professeurs méritants
assurément, mais ayant très souvent une va-
leur intellectuelle et pédagogique inférieure à
leurs collègues des collèges. Ils sont entrés
dans l'Université à une époque où les cadres
n'étaient pas encombrés. Très souvent, ils ont
été nommés directement dans un lycée. Il en
était jadis ainsi pour les langues vivantes.
Quand vous aviez le cerlificat et la licence ès-
leltres (il n'y a pas plus de 7 ou 8 ans de cela)
vous débutiez comme chargé de cours à 2.800 ;
maintenant les professeurs pourvus de ces
deux diplômes peuvent attendre 15 ans au
■ndnimum avant d'être nommés dans un lycée
après avoir végété 5 ou 6 ans à 1.900 francs.
Même situation pour les scientifiques et les
littéraires.
Je rappelle pour mémoire le cas de mon ami
le licencié de physique et de mathématiques
qui, avec ses deux licences, gagnbit vers la
trentaine ses 1.900 francs par an. Evidemment,
c'est une faute énorme de ne pas savoir pro-
fiter des circonstances; cependant, il faut
bien avouer qu'il ne peut roua être imputé de
ne pas être né 7 ou 8 ans nlus tôt.
Voilà donc les cadres des lycées absolument
au grand complet, et de plus remplis d'un
grand nombre de professeurs jeunes. Vous
voyez comme se tient la théorio du chargé de
cours qui ne doit être que le professeur de
collège méritant I Le professeur de collège
peut être aussi méritant qu'il le voudra, ja-
mais il ne passera daas un lycée avant ses 15
ans de service ; on ne peut pas tuer ses collè-
gues des lycées pour lui donner une chaire de
chargé de cours ! Il continuera donc pendant
15 ans à enseigner 2 ou 3 matières (histoire
et philosophie — lettres et géographie,allemand
anglais et français) — à des classes géminées
dans des conditions matérielles désastreuses! Il
travaillera plus et era moinspayé que le chargé
de cours ! Telle estla justice sociale.Pour finir,
je prendrai, parmi toutes les lettres qui nous
sont arrivées aux bureaux du journal, deux
lettres qui me semblent typiques et capables
d'éclairer l'opinion publique sur l'état actuel
des collèges et sur le découragement profond
qui s'est abattu sur ces établissements d'ins-
truction publique, complètement négligés.
Une lettre d'un professeur de collège
Le projet Ribot attribue aux répétiteurs des
lycées le même traitement et les mêmes avantages
qu'aux professeurs de collège; ce n'est que justice,
je l'avoue. Mais alors pourquoi l'Etattransforme-t il,
dans les collèges, les chaires a de i" ordre en chai-
res de 2* ordre » et force- t-il les titulaires de ces
chaires à aller planter leurs tentes ailleurs, s'ils ne
veulent pas accepter le «traitement d'un bachelier»?
Ainsi dans le collège, où je suis, et c'est un grand
collège, toutes les classes de grammaire sont
maintenant des chaires de 2' ordre. Ainsi d'un côté
on relève la situation des répétiteurs, et de l'autre
on rabaisse celle des professeurs. Est-ce juste? Non,
assurément, car nous avons au moins autant de
droits que les répetlteurs à la bienveillance et à la
protection de l'Université. — On dit que cette me-
sure est générale. Eh bien ! si ce mouvement fâ-
cheux continue, dans quelques années, il n'y aura
presque plus de chaires de 1" ordre. Et alors, que
fera-t-on des professeurs licenciés? C'est un point
d'interrogation plein de menaces terribles pour
nous. Il y a vingt ans l'Université n'acceptait
a pour professeurs de collège que des licenciés »,
et, aujourd'hui que le progrès a marché, elle les
remplace par des bacheliers.
Est-ce ainsi que la République entend le progrès
et prétend lutter contre les congrégations? Je vous
avoue que Je ne comprends rien à ce mouvement
de recul. Les professeurs républicains sont profon-
dément découragés.
On veut créer des inspecteurs généraux qui tou-
cheront de gros traitements et on transforme les
chaires de i" ordre (licenciés) en chaires de 2V or-
dre (bacheliers) pour faire des économies. C'est
avec les rognures de nos maigres traitements
qu'on fera les gros traitements des inspecteurs gé-
néraux. C'est une mesure antidémocratique.
Est-ce que les inspecteurs d'académie qui nous
inspectent 2 ou 3 fois par an ne suffl-fjnt pas. Cette
nouvelle création ne servira qu'à grever le budget
de l'instruction publique et ne rendra aucun ser-
vice à l'Université.
Une lettre d'un répétiteur de collège
On a beaucoup parlé des répétiteurs. On a
travaillé pour eux, on a amélioré leur situa-
tion sans doute, diminué leurs heures de ser-
vice, diminué le nombre d'élèves confiés à leur
surveillance dans les études, on a cherché à les
intéresser à l'éducation on leur ménageant une
tâche moins ingrate, plus digne d'eux ; c'est
vrai ; mais seulement pour les répétiteurs de
lycée. Dans les collèges qu'a-t-on fait ? La si-
tuation a-t-elle changé ? Y applique-t-on les
réglements en vigueur ? Non — ces règlements
ne sont d'ailleurs pas les mêmes, pourquoi ?
Il semble que la seule préoccupation de l'admi-
nistration supérieure à l'égard de ceux ci, nous écrit
un répétiteur,est de faire le plus d'économies possi-
ble. On nous oublie — qu'importe aux autorités
que le répétiteur fasse 19 heures de service par
jour, qu'il soit accablé d'éoritures et qu'on lui con-
~e une étude de 50 (cinquante élève* ((:'es' le nom-
bre exact qui m'est échu) pourvu que le budget de
l'établissement soit le plus réduit possiblel
Tout le. fonctionnement des collèges souffre de
cet état de choses.
Qu'on s'imagine un service qui vous prend tous
vos instants, commençant tous les jours à 4 b. du
soir pour ne flnir que le lendemain matin à 8 h et
reprenant pendant le jour de 10 h. du matin à 2 h.
de l'après-midi, vous laissant quatre heures de li-
berté par jour — à h. sur 24. Quelle libéralité!
Notez que le répétiteur prend ses repas en surveil-
lant; il dort en surveillant, responsable le jour et
la nuit ; il est libre quand quelques-uns travail-
lent; il travaille quand chacun se repose.
Le répétiteur de lycée a droit à sept heures de
liberté par jour ; le répétiteur de collège à quatre
seulement. Pourquoi cette différence ? Dans les
lycées, les études ne doivent pas comprendre plus
de 25, à 30 élèves ; ce règlement, qui est, je pense,
applicable aux collèges, n'y est pas appliqué, car
ou trouve tout naturel de confier à un maître une
étude de 50 élèves ; peut-être y en a-t-il de plus
nombreuses encore? Et l'on émet la théorie (j'ai dit
théorie) du répétiteur éducateur ! Quel géant vou-
drait se charger de l'éducation de 50 enfants et de
la surveillance de leur travail pendant dix heures
par jour ?
Dans le cas où Il n'y a dans l'établissement
qu'un répétiteur (et ils sont nombreux les collèges
dans ce cas) le service ne lui laisse plus un mo-
ment de liberté. Il remplit alors toutes les fonc-
tions : censeur, économe et surveillant des étu-
des, il est en outre chargé de toutes les écritures
de l'externat et souvent encore des comptes admi-
nistratifs et budgétaires. 11 doit toutfaire à la fois :
surveillance, notes, bulletins, paperasses, tout
doit être fait, coûte que coûte. Il cumule la tâche
du bureaucrate et celle de l'éducateur.
Ainsi accablé, il use sa jeunesse à une tâche au-
dessus de ses forces. Et pourtant les répétiteurs
sont des hommes, ils veulent vivre, c'est leur
droit.
On pourrait croire qu'en échange de cette somme
considérable de travail qui est exigée d'eux, ils
doivent jouir de certains avantages. Eh non, la
manne budgétaire leur est bien mesurée: G00 francs
par an doivent leur suffire et 700 francs pour les
titulaires. Ils sont nourris, c'est vrai, mais chacun
sait qu'il est des collèges où la nourriture donnée
aux répétiteurs est tout à fait insuffisante et quel-
quefois exécrable. Mais ils sont logés ! oui certes 1
si l'on peut appeler logement un bouge où trônent
une table pourrie, deux chaises boiteuses et un buf-
fet chancelant.
Et d'ailleurs, à quoi bon une chambre à celui qui
ne peut y coucher et dont les loisirs ne lui permet-
tent pas de l'habiter ? Dans ses 4 heures de liberté,
il n'a que faire de rester en chambre, il a plutôt
besoin de respirer un peu d'air pour conserver sa
santé.
Voilà l'état actuel du répétitéur de collège tel
qu'il est actuellement et qu'il sera encore long-
temps, car l'administration supérieure s'occupe des
lycées et n'a pour ainsi dire pas conscience de
l'existence de ces modestes établissements que sont
les collèges.
En somme, quoi de commun entre collège et
lycée. Le nom des classes et c'est tout.
Et cependant, n'est-ce pas, ne doit-ce pas être la
même institution? le collège ne doit-il pas être
régi par les mêmes lois que les lycées?
Quand les collèges ont-ils démérité pour qu'on
les néglige d'une façon si notoire ?
Leur nombre n'est-il pas imposant f wt leur po-
pulation n'est-elle pas aussi forte que celle des ly-
cées ? Tout autant qu'eux ils contribuent a l'ins-
truction et à l'éducation des Français et peut-être
leur action est-elle plus efficace au point de vue
démocratique.
De deux choses l'une : ou le collège est un éta-
blissement de « même espèce » et de « même valeur
pédagogique» que le lycée,et alors il faut le conser-
ver et le favoriser au même titre, ou alors, le col-
lège est une institution hybride sans force, sans
utilité, et alors qu'on le supprime ou qu'on le
transforme en lycée, mais, de grâce, qu'on n'en
fasse point une entreprise d'éducation et d'instruc-
tion à prix réduit. Ces économies ne font point
honneur à la République.
Lésiner sur l'instruction des enfants de la Répu-
blique, c'est porter préjudice à la santé morale de
la nation à laquelle contribuent les collèges autant
que les lycées.
Mme de Staël dIsait: « Quelle triste économie
que celle de l'âme! » Mais n'est-ce pas l'âme de la
nation que l'on tue en amoindrissdnt ainsi l'éner-
gie et la foi en leur tâche de nos modestes éduca-
teurs, en leur donnant une tâche au-dessus de leurs
forces, en déprimant leur action par un manque
absolu d'encouragements et de récompenses? Qu'on
ne prenne pas cette lettre pour une plainte person-
nelle; je n'ai pas l'babitude de me plaindre et je ne
me plains pas; car j'ai confiance dans l'utilité de
ma tâche et j'ai foi dans l'efficacité de mes efforts.
Je supporte du métier les charges et les peines
avec joie et je n'aurais jamais pris la plume si je
n'eusse songé que peut-être des centaines de collè-
gues souffrent patiemment les mêmes maux et sont
comme moi ligottés et réduits à l'inaction morale
par ce surmenage réel qui nous empêche de' bien
faire, malgré notre désir ardent de faire notre
devoir dans toute son ampleur, dans toute sa gran
dnr.
Le mot de la fin
Je crois qu'après tout ce qui a été dit ici et
après ces deux lettres absolument navrantes, il
est facile d'entrevoir toutes les misères maté-
rielles et morales que cache celte phrase de M.
Gautier (inspecteur général des collèges) :
« J'ai souvent reçu la confidence de découra-
gements que je ne pouvais combattre que par
de bonnes paroles et pourtant le zèle profes-
sionnel des professeurs de collège reste au-des-
sus de tout éloge! ) (Enquête II, 635.)
Voir à la 3° page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
m
U. MARINE ANGLAISE
Londres, 15 mars.
Le Daily Graphie publie une interview de
lord Charles Beresford dans laquelle celui-ci
dit que, si la guerre avait été déclarée en 1899,
la flotte de la Méditerranée n'aurait trouvé
que 40,000 tonnes de charbon à Malteet 13,000
à Gibraltar, c'est-à-dire de quoi l'alimenter
pendant quelques semaines.
Lord Charles Beresford ajoute :
J'ai menacé de donner ma démission si l'oi
n'augmentait pas les approvisionnements ; ce n'é-
tait pas mon affaire, je commandais en second et
n'étais nullement responsable.
En réalité, j'aurais dû être traduit en conseil de
guerre pour avoir outrepassé mes devoirs et ma
responsabilité. Dans la Méditerranée, le comman-
dant en chef était réprimandé quand il brûloir
trop de charbon.
Résultat. en deux ans, nous n'avons fait ma
nœuvrer nos navires que pendant 61 heures Ci
quelques-uns pendant 49 heures seulement.
L'ASSASSINAT DE LA PETITE CHÉZE
L'enquête à Paris. — L'extradition
refusée.
M. Cochefert continue son enquête sur les
antécédents de Ducocq.
II a appris, au cours d'un interrogatoire qu'il
a fait subir à Blanche Thibaud, que celle-ci
avait eu de Ducocq, en 1899, un enfant que
celui-ci l'obligea à abandonner.
Blanche était, à ce moment, domestique à
Roubaix, chez sa sœur, qui tenait dans cette
ville unestaminet.
D'après les déclarations de Blanche Thibaud
l'enfant aurait, en effet, été remis à l'Assis-
tance publique; mais il a été impossible à M
Cochefert de vérifier ce détail, les règlements
de l'Assistance publique lui interdisant de don*
ner, même à la justice, des renseignements sut
les conditions dans lesquelles les enfants lui
sont confiés,
Refojï d'extradition
Bruxelles, 15 mars.
Il est, depuis aujourd'hiZi,otllciellement éta-
bli que Ducocq, l'assassin présumé de la petite
Chèze, esi belge.
Voici les formalités qui ont été suivies :
Henri-Guillaume Ducocq a été arrêté b
Imditeur - AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
la moIs Trois rr.ols Six mois Un
Paria 2fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départer^cr/ts.. 2 - 6— dl — 20-
t £ ûû Postais. a - 8 - 46 - æ-
■flSPAEHUREN CHEF : Charles BOS
t l sra. i )--
*'"■ /f ANNONCES
Ch. jfPiGRANGE, CERF & CH
0, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURNAl,
RÉDACI IOIV : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
No 11693 — Lundi 17 Mars 1902
26 VENTOSE AN 110
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
fflffiUIl
Voilà quelques mois, un matin, il
monta chez moi; il m'apportait son
livre « Ibsen et Maeterlinck». Je le vois
encore, assis, là, de l'autre côté de la
table de chêne sur laquelle se courbent,
pour le travail sans fin ni trêve, mes
jours et mes nuits ; il était jeune, beau,
fort, la barbe blonde ; et ses yeux bril-
laient. Je n'aime pas beaucoup Ibsen et
Maeterlinck, mais il en parlait avec une
si belle flamme qu'il les rendait sympa-
thiques ; à peine fut-il parti, je me met-
tais à lire son livre. Dès le lendemain,
voulant que je le connusse tout entier,
il m'envoyait son drame « La Sape »
qu'il avait fait représenter, pour l'inau-
guration du théâtre social, en 1899.
Nous nous étions déjà rencontrés plu-
sieurs fois dans cette maison de la rue
du Val-de-Grâce, si intellectuellement
hospitalière, et que la mort de Mme Ga-
gneur a barrée de deuil; j'avais admiré
sa vivante jeunesse. Dix ans, cela
compte; il y avait juste dix ans de dif-
férence entre son âge et le mien ; et je
suis un vieux, dont le pas se ralentit,
dont les prunelles s'obscurcissent, que
le froid gagne; et lui, hier encore, il
était énergie, talent, volonté, avenir ;
aujourd'hui, il n'est plus rien qu'un sou-
venir ; quelque chose d'impalpable,
d'immatériel, qui flotte dans le vague
nuageux du rêve et que, d'en bas, les
regards tâchent de suivre dans l'es-
pace.
- Et vtoilà que l'on a descendu, dans un
trou de terre, à Montparnasse, ce qui
avait été son corps! De quoi est-il mort?
quelle maladie a soudainement terrassé
ce jeune athlète auquel semblaient pro-
mises de longues destinées? Je ne sais.
Mort à trentre-quatre ans ! c'est-à-
dire à l'âge où les hésitations, les tâton-
nements de la croissance morale, étant
finis, on commence à vraiment vivre, à
l'âge où du jeune homme l'homme se
dégage, sachant tout ce qu'il faut sa-
voir, armé pour la lutte, assez fort pour
créer. — Et le premier sentiment est de
colère, de révolte contre la mort im-
bécile qui vient de faucher ces espéran-
ces fleuries. — Puis, à la réflexion, en
songeant à ce travailleur mort à trente-
quatre ans, le sanglot amer qui gonfle
ma poitrine monte à ma bouche en un
cri : — Qu'il est heureux 41
* *
Quoi donc? il a étudié, rêvé, tra-
vaillé, voulu, aimé, demeuré davantage
sur la terre, qu'eût-il pu faire de plus ?
n'avait-il point parcouru le cycle ?
Son œuvre, petite par le volume,
grande par la pensée, est toute rayon-
nante d'espérance et de foi. C'est « à
ceux qui souffrent) qu'il a dédié « la
Sape » ; et la préface de ce drame se
termine ainsi : a Que la parole soit
notre briquet. Jetons la semence. Le
grain germera, et féconde sera la ré-
colte. L'évolution a déjà commencé et
peu à peu s'étendra. Nous l'aurons
préparée pour d'autres qui en profiteront,
mais qu'importe!. Toutes les révolu-
tions sont ainsi faites sur des morts,
comme tout progrès sur des ruines. Il
est, dans la charge abrupte pour la vic-
toire, des fossés qu'il faut combler pour
passer Nous les remplirons de nos
corps fauchés, soldats d'avant-garde qui
ferons jaillir, du soc de nos révoltes,
l'étincelle incendiaire et germinatrice,
— prêts à mourir pour notre idée, aux
ailes éployées, uoume drapeau : l'af-
franchissement de l'humanité. »
Dites si beaucoup de veillards dont la
longue existence a été inutile ne doi-
vent point secrètement jalouser ce
jeune homme qui, avec cette fougue
généreuse, remuait de telles idées.
Sa journée aura été courte, mais
bien remplie. Il meurt en plein midi,
en plein soleil; est-ce donc si enviable
de voir l'heure triste où le soLil n'est
plus qu'un rouge reflet près de s'étein-
dre, où les ombres du soir montent des
flancs de la terre!..
Je dis qu'il a aimé ; non qu'il m'ait
fait de confidences, certes ! Mais je lis
cette dédicace de son livre sur Ibsen et
Maeterlinck : « — A toi, qui m'as donné
le secret du bonheur dans une éternité
d'amour et d'harmonie. La communion
de deux âmes ne devant être que le
temple de germination d'un mondial
altruisme, je fais le serment de consa-
crer intégralement ma vie à l'œuvre de
rédemption sociale et de rénovation so-
ciale que ton doux cœur d'apôtre m'a
fait rêver pour l'humanité aveugle et
douloureuse. »
Je ne sais point le nom de la femme
à qui s'adresse cet hymne brûlant de
reconnaissance et d'adoration. Je m'in-
cline avec une émotion respectueuse
devant elle, inconnue ; devant ses lar-
mes. Oh ! qu'elle pleure, eUr, cela se
comprend ! qu'elle déteste la mort !. ;
mais lui, sur qui descendant, comme
une rosée céleste, ces regrets désespé-
rés, qu'il est heureux !.
r
.*.
Heureux d'avoir eu la joie — au
délà de laquelle il n'est point de joies
— de l'amour complet ; car il est bien
¡vide et bien nul le prétendu amour qui
se satisfait avec des baisers ; et seuls
Couvent dire qu'ils ont aimé ceux qui,
la main dans la main, ont fait rayonner
autour d'eux, en pitié douce, en frater-
nité infinie pour les autres, le bonheur
dont leur cœur était plein. Est-ce que
les « exclusifs », les égoïstes, les jaloux,
aiment? Allons donc ! Caricature !.
Donc, il travaillait ; il mettait son
savoir, son intelligence, sa force au
service des autres, de ceux qui souffrent;
il défendait les justes causes ; il était
l'ouvrier de justice et de lumière ; et,
dans un cœur de femme, il trouvait le
réconfort nécessaire à l'honneur, la foi,
la certitude. N'est-ce pas qu'il était heu-
reux ? Disons: il est heureux.
Qui sait, s'il eût vécu davantage, s'il
n'eût point connu, plus tard, les décep-
tions, les désillusions qui aigrissent,
qui finissent par dessécher le sang. Car
ils sont bien rares, assurément, ceux
qui, malgré les dures épreuves, gardent
en eux la foi naïve ; ceux-là souffrent
cruellement. Que ne suis-je mort il y a
dix ans ! Combien de tristesses âcres
m'eussent été épargnées! Hélas! en
voilà déjà beaucoup de plus jeunes que
moi, et qui, bien plus que moi,
avaient des raisons de vivre, qui dispa-
raissent; tandis que je chemine toujours,
à pas plus lourds, sur la route longue et
difficile. Arrêté un instant, appuyé sur
ma canne, redressant mon dos que
courbe la fatigue, la main en abat-jour
sur mes yeux pour les protéger contre
la lueur sanglante du couchant, je les
suis du regard, tant qu'ils restent à peu
près visibles, ceux, les jeunes, qui nous
quittent pour mourir ; et ce regard est
chargé d'envie.
Heureux ceux qui meurent jeunes,
debout, en pleine sève, sans une ride ni
au front ni au cœur! Heureux ceux que
la mort sauve des rancœurs, des lassi-
tudes, des regrets, des amertumes que
l'on trouve au fond de la vie!. A cha-
cun sa destinée ; pour ceux-là, les jeu-
nes, qui partent, le bonheur, le besoin
d'emporter avec soi dans la tombe ses
illusions toutes blanches, ses rêves non
déflorés, pour nous,qui restons : le tra-
vail. Soit. A peine le temps d'éparpiller
quelques fleurs sur cette tombe ; et puis
en route! Le devoir nous réclame. Tant
que l'homme est debout, il no s'appar-
tient point. Travaillons, tant que nous
avons de force, tant que la lumière qui
est en nous n'est pas éteinte; — et ma
pensée sera en communion avec celle
de Georges Leneveu quand je dirai : -
pour les autres.
Lucien Victor-Meunier.
Nous publierons demain un article
de M. Georges Trouillot
LE CAMP D'AGRAMANT
L'union nationaliste est bien
l'image la plus ressemblante
qui soit de la discorde. Admi-
rons ce fameux bloc. Il est, en
effet, d'une espèce particulière.
C'est un bloc qui s'effrite, qui
se fendille, qui se crevasse de
toutes parts. Les morceaux hétérogènes
dont on a voulu le former refusent de se
souder ensemble. Chaque jour voit naître
une nouvelle fente. Jules Lemaître, Coppée
et Cavaignac, qui ont t jut fait pour donner
le change sur la solidité de leur œuvre, ont
beau multiplier leurs arbitrages officieux,
c'est-à-dire essayer de cimenter les diverses
parties du bloc, rien ne réussit; le bloc se
détruit de plus en plus.
J'entends que trop de nationalistes ont
eu l'ambition de devenir députés. Or, les
sièges ne sont pas assez nombreux. De là,
plusieurs candidatures nationalistes dans
une même circonscription. A Paris même,
il en vient de province. Des députés natio-
nalistes écrasés d'avance, là où ils avaient
été élus, se sont abattus sur la capitale du
nationalisme. Et vous entendez d'ici les
cris de colère de ceux qui s'étaient déjà
installés dans la place contre ces rivaux
inattendus.
Ainsi, à Clignancourt, M. Baillière, con-
seiller municipal rochefortiste, dit crûment
son fait à M. Charles Bernard, député de
Bordeaux, mais qui quitte cette ville où il
ne peut plus être réélu, pour poser sa can-
didature à Montmartre. M. Bernard mar-
che, avec l'appui de Rochefort- sur les pla-
tes bandes de M. Baillière. Rochefort, voit
même en lui le futur député de Clignan
court. M. Baillière ne comprend rien à cela.
Il se présente donc contre M. Charles Ber-
nard. Il a tout à fait raison.
Aux Batignolles, même situation. M.
Edmond Lepelletier,qui a lâché laRépubli-
que pour le nationalisme,est combattu par
un autre nationaliste, M. Léouzon-Leduc.
Et à Montrouge où les nationalistes
Massard et Audriveau sont aux prises ! Et
à Passy où le nationaliste Millevoye est
obligé de lutter contre le nationaliste For-
tin ! et à La Villette où les nationaliste
Pontevès et Grébauval se présentent con-
curremment ! Partout les choses se pas-
sent de la même façon.
La guerre règne donc au camp d'Agra-
mont. Les républicains seraient bien cou-
pables s'ils ne profitaient pas de l'occasion
pour se serrer les coudes et se grouper en
un seul faisceau. — Ch. B.
duo
LE BUDGET AU SENAT
Dans la séance d'hier, la commission séna-
toriale des finances a commencé l'examen du
budget des recettes.
Elle s'est occupée ensuite de la loi de fi-
nances.
La commission s'est également occupée de
la proposition Be rry, relative à la cote person-
nelle mobilière.
Hisr aussi, elle a reçu une délégation des
marchands de papier, qui ont été entendus sur
les articles de la loi de finances interdisant les
affiches électorales tricolores.
La commission des finances a ensuite disjoint
toutes tes propositions votées par la Chambre
qui n'outras unxaraçlère budgétaire.
LELAIT
-
Conseils à là « Ligue pour le lait pur ».
— La falsification. — Où et com-
ment elle se pratique. — A qui
profite la fraude. — Le rôle
des produits chimiques.
— Leurs dangers.
On mène grand bruit autour du lait depuis
quelque temps; une ligue s'est formée pour lut-
ter contre les falsificateurs de cet aliment, M.
Jean Cruppi, député de la Haute-Garonne. la
préside. Tout ceci est fort bien mais ce qu'on
ne nous a pas appris c'est où se faisaient ces
falsifications et comment.
Sans vouloir rechercher quelles sont les per-
sonnes qui ont intérêt à frauder le lait nous
pouvons déclarer que ce ne sont pas nos culti-
vateurs qui font cette opération ; ce ne sont
pas non plus ceux qui vendent au détail à
Paris, ils n'y ont aucun intérôt, leur clientèle
étant désireuse d'avoir avant tout de bons pro-
duits, surtout quand il s'agit d'un produit
comme le lait, aliment de première nécessité
pour les petits enfants.
Les entremetteurs
Qui donc fraude le lait? il ne peut y avoir
que les entremetteurs, ceux qui achètent aux
cultivateurs et qui revendent aux détaillants.
Nous pouvons d'autant mieux affirmer que
ce ne sont pas les cultivateurs qui fraudent
qu'il nous a été donné souvent de voir de très
près comment les grandes compagnies qui achè-
tent en province surveillent d'une façon serrée
leurs fournisseurs et les poursuivent avec la
dernière rigueur.
Ceci dit, nous voulons examiner ce qu'il y a
d'intéressant dans cette question et dire un mot
d'une falsification dont personne ne parle et
qui est peut-être la plus dangereuse de toutes,
nous voulons parler de l'addition de produits
chimiques au lait.
Le lait comprend les trois aliments nécessai-
res à la vie : 1* matières grasses représentées
par le beurre ; 2° matières sucrées par la lac-
tose ou sucre de lait, 3° matières albuminoïdes
par la caséine.
M. Villiers Morianné, de l'Ecole de pharma-
cie de Paris, un des plus distingués profes-
seurs de chimie de l'Université de Paris, et
dont je recommande le cours et les conseils à
MM. les membres de la ligue pour le lait
pur, disait uo jour que sur 38 échantillons de
lait qu'il avait analysés, il n'avait trouvé que
3 échantillons bons, 5 à 6 assez bons, le reste
était au-dessous du chiffre minimum.
Ce chiffre minimum.est pour 100 gr. de lait:
3 gr. de beurre, 4 gr. 5 de lactose, 3 gr. 4 de
caséine.
Le chiffre coté bon est de 4 gr. beurre, 5,4
lactose, 3,6 caséine.
M. Villiers ajoutait qu'il était tacite de proa-
ver qu'un lait avair été mouillé ou écrémé:
un changement énorme était apporté dans les
proportions ci-dessus, quand le lait subissait
une des deux opérations, mouillage ou écré-
mage.
La chimie triomphe
Nous ne citerons que pour mémoire les falsi-
fications grossières avec l'amidon, le glucose,
la dextrime et le sucre de canne, et nous arri-
verons à l'addition des produits chimiques.
Sou9 l'influence d'un ferment qui se trouve
dans le lait, le lactose ou sucre de lait se dé
double on acide lactique.
L'acide lactique coagule la caséine, le lait
tourne comme on dit vulgairement.
Pour empêcher cette fermentation qui a lieu
très rapidement en été, on détruit le ferment
par ébullition, mais comme il en suffit d'une
trace pour faire commencer la fermentation on
ajoute dos corps dont le plus anodin est le bi-
carbonate de soude.
La soude de ce corps se combinejà l'acide lac-
tique au f,ir et à mesure qu'il se produit, le
lai! ne tourne pas.
Le borate de soude est aussi très employé, la
soude se comporte comme dans le cas précé-
dent, l'acide borique mis en liberté tue ou ar-
rête le ferment.
Ces deux corps, surtout le premier, ne sont
pas dangereux mais il serait désirable qu'on ne
s'en servit pas.
On emploie aussi l'acide salicylique qui tuele
ferment et conserve bien le lait. Son emploi
devrait être tout à fait interdit.
Dépérissement des nourrissons
Enfin un nouveau corps, d'après M. Villiers,
a fait depuis quelque temps apparition dans
les laits.
C'est le formol. Ce corps se combine à la
caséine du hit qu'il rend incoagulable, le lait
se consc-ve admirablement pour les expédi-
teurs et trop bien pour les consommateurs.
En effet la caséine est rendue, par lo formol,
inassimilable, si bien q t'uneofaot qui boit ce
lait ne peut assimiler ce corps qui est un alimen t
de 1er ordre, la caséine est rejetée dans les ma-
tières fécales où elle se trouve entièrement,
Avis donc à ces :.Iesdieur'l do la Ligue et
qu'ils poursuivent avec la dernière rigueur
tous les lai * qui seront conservés ainsi. En
terminant qu'ils aie permettent de leur dire
qu'ils ont affaire à forte et rude partie. — Jean
Çazuult.
——————————
LES CONGREGATIONS
En correctionnelle
Arras, 15 mars.
La directrice de l'orphelinat des assomption-
nistes de Clairmarais est traduite devant le tri-
bunal correctionnel de Saint-Omer pour in-
fraction à la loi sur les associations.
Avis défavorable
Niort, 15 mars.
Le conseil municipal de Chizé a émis, par
8 voix contre 1, un avis défavorable à la de-
manda en autorisation formulée par les filles
de la sagese. qui dirigent une école li-
bre.
»
AVAïlT LE VOYAGE EN RUSSIE
Les préparatifs.—Sur le « Montcalm».
— Les appartements du Président.
Brest, 15 mars.
Le croiseur Guichen entrera en armement
le 25 mars, puis fera quelque essais de ma-
chines en roule libre. Actuellement, des ou-
vriers des constructions navales procèdent à
une visite minutijuso des machines cl des
chaudières du croiseur et réparent la passe-
relle du commandement.
Le capitaine de vaisseau Baëhme, comman-
dant le Guichen, a déclaré qu'avec ses aména-
gements actuels le croiseur ne peut loger, en
dehors de l'état-major, que 7 hommes de la
suite du Président.
Les ingénieurs et les adjoints techniques di-
sent que les appartements du Président sur le
Montcalm comprendront une chambre à cou-
cher en palissandre, trois salons, une salle à
manger, un cabinet de travail, une bibliothè-
que et un cabinet de toilette. Les meubles pro-
viendront, partie du pprt de guerre, partie du
garde-meuble de l'Elysée.
Las appartements de M. Delcassé, du géné-
ral Dubois, de MM. Combarieu, Mollard et
Poulet seront sur le Montcalm ceux des autres
personnages sur le Guichen.
Le Mans, 1S mars.
fit) raison da vovaae du Président de la Ré-
publique en Ruasie, la vingt-huilième fête fé-
dérale des sociétés de gymnastique de France,
que doit présider M. Loubet, et qui était fixée
au* 18 et 19 mal, va être reculée d'un mois.
La date du 22 juin sera probablement choi-
sie pour le voyage présidentiel au Mans.
A Montélimar
A son retour de Russie, M. Loubet se rendra
à Montélimar, où il présidera un grand con-
cours musical.
Il sera accompagné par M. Leygues, minis-
tre de l'instruction publique, M Combarieu,
secrétaire général de la présidence, et le géné-
ral Grasset, gouverneur de Lyon.
M. Loubet arrivera à Montélimar le 1" juin.
a-
LA OÉLATION CLÉRICALE
L'espionnage d'un abbé. — Révocation
d'un lecteur du a Rappel »
Depuis un certain temps il n'est bruit, par-
mi les receveurs d'un tramway, que d'un es-
pionnage en règle fait par un monsieurprêtre.
Ce digne émule de la compagnie de Loyola,
non content d'espionner dans son confession-
nal, a pensé étendre ses belles qualités jésui-
tières dans nos administrations.
Dès qu'un employé est pris un journal ré-
publicain à la main, il est immédiatement
l'objet des fureurs de l'ensoutané et finale-
ment un rapport pour une cause quelconque
est déposé sur le registre destiné à cet effet.
Il faut croire que l'écriture symbolique du
délateur produit son effet, car peu de jours
après l'employé se voit en butte à de conti-
nuelles vexations d'abord, puis finalement on
l'invite à démissionner, à moins qu'il ne pré
fère attendre sa révocation ou qu'il ne veuille
revenir à des opinions plus. saines.
A la veille des élections, ce n'est pas mal!
■ — - il «ai .il. mm
GUERIE PAR LA PRIÈRE 1
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 15 mars,
Malgré toutes les mesures prises, les dupes
des guérisseurs par la prière sont toujours
nombreuses en Allemagne. Les exploiteurs de
la crédulité deviennent même plus audacieux,
ainsi que le démontre le fait suivant. Il y a
quelques mois une dame du monde, Mme
von X., s'était fait inscrire sur la liste des
personnes devant être recommandées par la
prière. Elle paya 25 francs, prix d'inicription.
Peu de temps après, ayant des remords d'avoir
agi à l'insu de son mari, elle avoua à M.
von X. la démarche accomplie. Le mari,
homme éclairé, morigéna quelque peu sa
femme et l'on oublia l'incident.
Ces jours-ci Mme von X.,recevait une note
de 375 francs du bureau des prières. On avait
continué à prier pour elle.
Elle paya pour éviter toute esclandre, mais
on la dit guérie à jamais de sa foi religieuse.
,O>
Le cardinal EampoIIa et l'huissier
fDe notre correspondant particulier)
Rome, 15 mars.
Au moment où le cardinal Rampolla descen-
dait pour entrer à l'église Sainte-Cécile, un
huissier qui le guettait lui a remis une invita-
tion à comparaître le 29 mars devant le tribu-
nal civiL Il s'agit du procès que les héritiers
Falconieri ont intenté au Saint-Siège, pour
rentrer en possession de leur héritage.
L'huissier a réussi par le même moyen à
glisser son papier entre les mains d'autres
princes d'Eglise impliqués dans l'affaire.
MANIFESTATION PANGERMANISTE
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 15 mars.
A l'instigation du comité central de Leipzig,
les groupes pangermanistes en Autriche orga-
nisent pour le 1" avril, jour de naissance de
Bismarck, une grande manifestation politique.
Partout où il y a un groupe, on célèbrera par
une fêle l'empire allemand et par la même oc-
casion on manifestera le désir de se détacher
de l'Autriche.
Une souscription sera ouverte pour la créa-
tion d'un « Fonds de Bismarck » et l'on orga-
nise aussi une loterie.
Quant à la destination des fonds qui seront
déposés à la « Diskonto-GeseUschaft », de Ber-
lin, il est inutile d'en parler.
LES MESSAGERS DE KRUGER
(De notre correspondant particulier)
La Haye, 15 mars.
Un messager du président Kruger, voyageant
sous un pseudonyme, vient de partir pour le
Transvaal. On sait que les courriers du prési-
dent traversent facilement les lignes anglaises
et que des communications régulières sont
établies entre le président et les combat-
tants.
On a reçu ici récemment des dépêches sur
les dernières opérations militaires, on les tiont
secrètes afin de ne pas compromettre les plans
du général Botha.
MŒURS OTTOMANES
(De notre torretpondant particulier)
Constantinople, 15 mars.
Fehim Pacha, le chef de la police secrète,
est, avec plusieurs de ses acolytes, un habitué
des cafés chantants du quartier de Péra, où
presque tous les soirs il provoque quelques
scandale s.
On raconte qu'il a fait récemment, avec ses
compagnons, irruption dans un bal donné à
l'Odéon-Théâtre, assommant un Grec, forçant
plusieurs arlistes à paraître en scène pour y
exécuter un ballet. Malgré les prescriptions du
Coran, le chef des agents secrets se livre à des
libations scandaleuses dans les soirées où il
paraît, devenant chaque fois d'une intraitable
humeur.
ACCIDENT A Mmo CAMILLE FLAMMARION
Mme Camille Flammarion, la dévouée prési-
dente de l'Association « la Paix et le Désarme-
ment par les Femmes », a été, hier, victime
d'un accident. Comme elle se préparait à tra-
verser lq boulevard Saint-Germain, pour se
rendre au ministère des travaux publics, où
elle allait demander à M. Baudia, une faveur
pour un protégé, un bicycliste est arrivé sur
elle à fond de train et l'a renversée. Se rele-
vant avec peine et toute meurtrie de sa chute
carie bicycliste et sa machine étaient tombés,
sur elle, Mme Camille Flammarion n'en a pas
moins accompli sa mission sans vouloir porter
plainte.
Nous espérons que la courageuse femme en
sera paille pour quelques jours de repos.
LA QUESTION DU GAZ
M. Georges Berry adressé au président du
Conseil municipal, une lettre dans laquelle
il l'invite à saisir immédiatement la ^hambre
de la diéiibération du Conseil municfpal aDt-t" -
sant le prix du gaz à vingt centimes. j
LE PERSONNEL
DES COLLÈGES
L'assimilation des professeurs de col-
lège aux chargés de cours des lycées.
— Deux lettres. — Un professeur
de collège. — Un répétiteur de
collège. — Abattement profond.
— Un inspecteur qui connaît
la situation.
Il est regrettable qu'ayant été souffrant je
n'aie pu terminer cette étude sur les collèges
avant la discussion du budget à la Chambre.
Le Rappel et le XIXe Siècle n'hésitent cepen-
dant pas à la poursuivre par un dernier arti-
cle, voulant montrer que leur enquête n'a ja-
mais été une polémique mais une simple en-
quête.
L'assimilation des professeurs de
collège
Nous avions dit que les professeurs de col-
lège demandaient à être promus plus souvent
qu'ils ne le sont actuellement. Ils souhaitent
également être assimilés intégralement aux
chargés de cours des lycées. Cette assimila-
tion a été demandée souvent; sa nécessité a
été reconnue par le Parlement lui-même, qui,
en accordant un crédit de 10.000 francs pour
commencer l'exécution de cette mesure, a mon-
tré qu'il ne concevait pas la différence qui a
existé jusqu'ici entre un professeur licencié de
collège et un professeur licencié de lycée.
Tout ce qu'on a dit à ce sujet est parfaite-
ment juste et banal. Quand nous autres, non-
universitaires, en parlons entre nous, nous
sommes absolument stupéfaits que la haute
administration ait missi longtemps à compren-
dre. Je ne me donnerai donc pas la peine de
rechercher une autre comparaison que cellequi
a été faite dès le premier instant où cette ques-
tion a été soulevée. A-t-on songé à augmenter
la solde d'un sous-lieutenant que les hasards
des vacances ont envoyé dans une préfecture ?
a-t-on songé à diminuer celle de son camarade
moins heureux qui s'est vu assigner une sous-
préfecture comme garnison?
C'est pourtant ce qui existe à l'heure ac-
tuelle encore dans l'Université. Le traitement
des professeurs de lycées (non agrégés) est de
2.800, ceux des professeurs de collège de 2,500
(quand ils ne sont pas pourvus de chaire à
1,900 fr.) Pourquoi? Les chargés de cours des
lycées ont des promotions plus rapides que les
professeurs de collège. Pourquoi ?
Tout simplement parce que ces derniers ont
eu la grand tort d'être arrivés après les autres;
car, il y a une chose qu'il ne faut jamais ou-
blier: c'est que le cadre des chargés de cours
des lycées est plein de professeurs méritants
assurément, mais ayant très souvent une va-
leur intellectuelle et pédagogique inférieure à
leurs collègues des collèges. Ils sont entrés
dans l'Université à une époque où les cadres
n'étaient pas encombrés. Très souvent, ils ont
été nommés directement dans un lycée. Il en
était jadis ainsi pour les langues vivantes.
Quand vous aviez le cerlificat et la licence ès-
leltres (il n'y a pas plus de 7 ou 8 ans de cela)
vous débutiez comme chargé de cours à 2.800 ;
maintenant les professeurs pourvus de ces
deux diplômes peuvent attendre 15 ans au
■ndnimum avant d'être nommés dans un lycée
après avoir végété 5 ou 6 ans à 1.900 francs.
Même situation pour les scientifiques et les
littéraires.
Je rappelle pour mémoire le cas de mon ami
le licencié de physique et de mathématiques
qui, avec ses deux licences, gagnbit vers la
trentaine ses 1.900 francs par an. Evidemment,
c'est une faute énorme de ne pas savoir pro-
fiter des circonstances; cependant, il faut
bien avouer qu'il ne peut roua être imputé de
ne pas être né 7 ou 8 ans nlus tôt.
Voilà donc les cadres des lycées absolument
au grand complet, et de plus remplis d'un
grand nombre de professeurs jeunes. Vous
voyez comme se tient la théorio du chargé de
cours qui ne doit être que le professeur de
collège méritant I Le professeur de collège
peut être aussi méritant qu'il le voudra, ja-
mais il ne passera daas un lycée avant ses 15
ans de service ; on ne peut pas tuer ses collè-
gues des lycées pour lui donner une chaire de
chargé de cours ! Il continuera donc pendant
15 ans à enseigner 2 ou 3 matières (histoire
et philosophie — lettres et géographie,allemand
anglais et français) — à des classes géminées
dans des conditions matérielles désastreuses! Il
travaillera plus et era moinspayé que le chargé
de cours ! Telle estla justice sociale.Pour finir,
je prendrai, parmi toutes les lettres qui nous
sont arrivées aux bureaux du journal, deux
lettres qui me semblent typiques et capables
d'éclairer l'opinion publique sur l'état actuel
des collèges et sur le découragement profond
qui s'est abattu sur ces établissements d'ins-
truction publique, complètement négligés.
Une lettre d'un professeur de collège
Le projet Ribot attribue aux répétiteurs des
lycées le même traitement et les mêmes avantages
qu'aux professeurs de collège; ce n'est que justice,
je l'avoue. Mais alors pourquoi l'Etattransforme-t il,
dans les collèges, les chaires a de i" ordre en chai-
res de 2* ordre » et force- t-il les titulaires de ces
chaires à aller planter leurs tentes ailleurs, s'ils ne
veulent pas accepter le «traitement d'un bachelier»?
Ainsi dans le collège, où je suis, et c'est un grand
collège, toutes les classes de grammaire sont
maintenant des chaires de 2' ordre. Ainsi d'un côté
on relève la situation des répétiteurs, et de l'autre
on rabaisse celle des professeurs. Est-ce juste? Non,
assurément, car nous avons au moins autant de
droits que les répetlteurs à la bienveillance et à la
protection de l'Université. — On dit que cette me-
sure est générale. Eh bien ! si ce mouvement fâ-
cheux continue, dans quelques années, il n'y aura
presque plus de chaires de 1" ordre. Et alors, que
fera-t-on des professeurs licenciés? C'est un point
d'interrogation plein de menaces terribles pour
nous. Il y a vingt ans l'Université n'acceptait
a pour professeurs de collège que des licenciés »,
et, aujourd'hui que le progrès a marché, elle les
remplace par des bacheliers.
Est-ce ainsi que la République entend le progrès
et prétend lutter contre les congrégations? Je vous
avoue que Je ne comprends rien à ce mouvement
de recul. Les professeurs républicains sont profon-
dément découragés.
On veut créer des inspecteurs généraux qui tou-
cheront de gros traitements et on transforme les
chaires de i" ordre (licenciés) en chaires de 2V or-
dre (bacheliers) pour faire des économies. C'est
avec les rognures de nos maigres traitements
qu'on fera les gros traitements des inspecteurs gé-
néraux. C'est une mesure antidémocratique.
Est-ce que les inspecteurs d'académie qui nous
inspectent 2 ou 3 fois par an ne suffl-fjnt pas. Cette
nouvelle création ne servira qu'à grever le budget
de l'instruction publique et ne rendra aucun ser-
vice à l'Université.
Une lettre d'un répétiteur de collège
On a beaucoup parlé des répétiteurs. On a
travaillé pour eux, on a amélioré leur situa-
tion sans doute, diminué leurs heures de ser-
vice, diminué le nombre d'élèves confiés à leur
surveillance dans les études, on a cherché à les
intéresser à l'éducation on leur ménageant une
tâche moins ingrate, plus digne d'eux ; c'est
vrai ; mais seulement pour les répétiteurs de
lycée. Dans les collèges qu'a-t-on fait ? La si-
tuation a-t-elle changé ? Y applique-t-on les
réglements en vigueur ? Non — ces règlements
ne sont d'ailleurs pas les mêmes, pourquoi ?
Il semble que la seule préoccupation de l'admi-
nistration supérieure à l'égard de ceux ci, nous écrit
un répétiteur,est de faire le plus d'économies possi-
ble. On nous oublie — qu'importe aux autorités
que le répétiteur fasse 19 heures de service par
jour, qu'il soit accablé d'éoritures et qu'on lui con-
~e une étude de 50 (cinquante élève* ((:'es' le nom-
bre exact qui m'est échu) pourvu que le budget de
l'établissement soit le plus réduit possiblel
Tout le. fonctionnement des collèges souffre de
cet état de choses.
Qu'on s'imagine un service qui vous prend tous
vos instants, commençant tous les jours à 4 b. du
soir pour ne flnir que le lendemain matin à 8 h et
reprenant pendant le jour de 10 h. du matin à 2 h.
de l'après-midi, vous laissant quatre heures de li-
berté par jour — à h. sur 24. Quelle libéralité!
Notez que le répétiteur prend ses repas en surveil-
lant; il dort en surveillant, responsable le jour et
la nuit ; il est libre quand quelques-uns travail-
lent; il travaille quand chacun se repose.
Le répétiteur de lycée a droit à sept heures de
liberté par jour ; le répétiteur de collège à quatre
seulement. Pourquoi cette différence ? Dans les
lycées, les études ne doivent pas comprendre plus
de 25, à 30 élèves ; ce règlement, qui est, je pense,
applicable aux collèges, n'y est pas appliqué, car
ou trouve tout naturel de confier à un maître une
étude de 50 élèves ; peut-être y en a-t-il de plus
nombreuses encore? Et l'on émet la théorie (j'ai dit
théorie) du répétiteur éducateur ! Quel géant vou-
drait se charger de l'éducation de 50 enfants et de
la surveillance de leur travail pendant dix heures
par jour ?
Dans le cas où Il n'y a dans l'établissement
qu'un répétiteur (et ils sont nombreux les collèges
dans ce cas) le service ne lui laisse plus un mo-
ment de liberté. Il remplit alors toutes les fonc-
tions : censeur, économe et surveillant des étu-
des, il est en outre chargé de toutes les écritures
de l'externat et souvent encore des comptes admi-
nistratifs et budgétaires. 11 doit toutfaire à la fois :
surveillance, notes, bulletins, paperasses, tout
doit être fait, coûte que coûte. Il cumule la tâche
du bureaucrate et celle de l'éducateur.
Ainsi accablé, il use sa jeunesse à une tâche au-
dessus de ses forces. Et pourtant les répétiteurs
sont des hommes, ils veulent vivre, c'est leur
droit.
On pourrait croire qu'en échange de cette somme
considérable de travail qui est exigée d'eux, ils
doivent jouir de certains avantages. Eh non, la
manne budgétaire leur est bien mesurée: G00 francs
par an doivent leur suffire et 700 francs pour les
titulaires. Ils sont nourris, c'est vrai, mais chacun
sait qu'il est des collèges où la nourriture donnée
aux répétiteurs est tout à fait insuffisante et quel-
quefois exécrable. Mais ils sont logés ! oui certes 1
si l'on peut appeler logement un bouge où trônent
une table pourrie, deux chaises boiteuses et un buf-
fet chancelant.
Et d'ailleurs, à quoi bon une chambre à celui qui
ne peut y coucher et dont les loisirs ne lui permet-
tent pas de l'habiter ? Dans ses 4 heures de liberté,
il n'a que faire de rester en chambre, il a plutôt
besoin de respirer un peu d'air pour conserver sa
santé.
Voilà l'état actuel du répétitéur de collège tel
qu'il est actuellement et qu'il sera encore long-
temps, car l'administration supérieure s'occupe des
lycées et n'a pour ainsi dire pas conscience de
l'existence de ces modestes établissements que sont
les collèges.
En somme, quoi de commun entre collège et
lycée. Le nom des classes et c'est tout.
Et cependant, n'est-ce pas, ne doit-ce pas être la
même institution? le collège ne doit-il pas être
régi par les mêmes lois que les lycées?
Quand les collèges ont-ils démérité pour qu'on
les néglige d'une façon si notoire ?
Leur nombre n'est-il pas imposant f wt leur po-
pulation n'est-elle pas aussi forte que celle des ly-
cées ? Tout autant qu'eux ils contribuent a l'ins-
truction et à l'éducation des Français et peut-être
leur action est-elle plus efficace au point de vue
démocratique.
De deux choses l'une : ou le collège est un éta-
blissement de « même espèce » et de « même valeur
pédagogique» que le lycée,et alors il faut le conser-
ver et le favoriser au même titre, ou alors, le col-
lège est une institution hybride sans force, sans
utilité, et alors qu'on le supprime ou qu'on le
transforme en lycée, mais, de grâce, qu'on n'en
fasse point une entreprise d'éducation et d'instruc-
tion à prix réduit. Ces économies ne font point
honneur à la République.
Lésiner sur l'instruction des enfants de la Répu-
blique, c'est porter préjudice à la santé morale de
la nation à laquelle contribuent les collèges autant
que les lycées.
Mme de Staël dIsait: « Quelle triste économie
que celle de l'âme! » Mais n'est-ce pas l'âme de la
nation que l'on tue en amoindrissdnt ainsi l'éner-
gie et la foi en leur tâche de nos modestes éduca-
teurs, en leur donnant une tâche au-dessus de leurs
forces, en déprimant leur action par un manque
absolu d'encouragements et de récompenses? Qu'on
ne prenne pas cette lettre pour une plainte person-
nelle; je n'ai pas l'babitude de me plaindre et je ne
me plains pas; car j'ai confiance dans l'utilité de
ma tâche et j'ai foi dans l'efficacité de mes efforts.
Je supporte du métier les charges et les peines
avec joie et je n'aurais jamais pris la plume si je
n'eusse songé que peut-être des centaines de collè-
gues souffrent patiemment les mêmes maux et sont
comme moi ligottés et réduits à l'inaction morale
par ce surmenage réel qui nous empêche de' bien
faire, malgré notre désir ardent de faire notre
devoir dans toute son ampleur, dans toute sa gran
dnr.
Le mot de la fin
Je crois qu'après tout ce qui a été dit ici et
après ces deux lettres absolument navrantes, il
est facile d'entrevoir toutes les misères maté-
rielles et morales que cache celte phrase de M.
Gautier (inspecteur général des collèges) :
« J'ai souvent reçu la confidence de découra-
gements que je ne pouvais combattre que par
de bonnes paroles et pourtant le zèle profes-
sionnel des professeurs de collège reste au-des-
sus de tout éloge! ) (Enquête II, 635.)
Voir à la 3° page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
m
U. MARINE ANGLAISE
Londres, 15 mars.
Le Daily Graphie publie une interview de
lord Charles Beresford dans laquelle celui-ci
dit que, si la guerre avait été déclarée en 1899,
la flotte de la Méditerranée n'aurait trouvé
que 40,000 tonnes de charbon à Malteet 13,000
à Gibraltar, c'est-à-dire de quoi l'alimenter
pendant quelques semaines.
Lord Charles Beresford ajoute :
J'ai menacé de donner ma démission si l'oi
n'augmentait pas les approvisionnements ; ce n'é-
tait pas mon affaire, je commandais en second et
n'étais nullement responsable.
En réalité, j'aurais dû être traduit en conseil de
guerre pour avoir outrepassé mes devoirs et ma
responsabilité. Dans la Méditerranée, le comman-
dant en chef était réprimandé quand il brûloir
trop de charbon.
Résultat. en deux ans, nous n'avons fait ma
nœuvrer nos navires que pendant 61 heures Ci
quelques-uns pendant 49 heures seulement.
L'ASSASSINAT DE LA PETITE CHÉZE
L'enquête à Paris. — L'extradition
refusée.
M. Cochefert continue son enquête sur les
antécédents de Ducocq.
II a appris, au cours d'un interrogatoire qu'il
a fait subir à Blanche Thibaud, que celle-ci
avait eu de Ducocq, en 1899, un enfant que
celui-ci l'obligea à abandonner.
Blanche était, à ce moment, domestique à
Roubaix, chez sa sœur, qui tenait dans cette
ville unestaminet.
D'après les déclarations de Blanche Thibaud
l'enfant aurait, en effet, été remis à l'Assis-
tance publique; mais il a été impossible à M
Cochefert de vérifier ce détail, les règlements
de l'Assistance publique lui interdisant de don*
ner, même à la justice, des renseignements sut
les conditions dans lesquelles les enfants lui
sont confiés,
Refojï d'extradition
Bruxelles, 15 mars.
Il est, depuis aujourd'hiZi,otllciellement éta-
bli que Ducocq, l'assassin présumé de la petite
Chèze, esi belge.
Voici les formalités qui ont été suivies :
Henri-Guillaume Ducocq a été arrêté b
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