Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-03-11
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 mars 1902 11 mars 1902
Description : 1902/03/11 (N11687). 1902/03/11 (N11687).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75493380
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
CINQ CENTIMES le Numéro. PARIS 8 DÉPARTE1KNTS
e Numéro. CINQ CENTIMES
FONDATEUR AUGUSTE VACQUERHE
ABONNEMENTS
Si aoli Trolilloia Six mnii UI d
Paris 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Dépa.rtemen.. 2 - 6 - ii - 20 -
Postale. 3 — 9 — 40 — 32 —
LE RAPPEL
CHEF : CHARLES 601
Set~ 1
^2^-I)AI| NONCES
h. GRANGE, CERF & Cl
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOUBKAfc
RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure dit mat-in
No 11687. - Mardi 11 Mars 1902
-- 20 VENTOSE - AU --- 110
ADIIINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
Fin hjpii
Le carvaval finit, les élections com-
mencent. C'est simplement le régne des
faux-nez qui se transporte de la rue
dans la politique.
« Cherchez devant le suffrage univer-
sel des candidats monarchistes, disait
l'autre jour M. Waldeck-Rousseau, vous
n'en trouverez pas deux douzaines. »
Et cependant, il y a quelque part une
presse monarchiste ; le bonapartisme
n'est pas tellement mort qu'on ne lui
trouve encore quelques organes; au delà
des frontières, on compte au moinsdeux
prétendants officiels au trône de France,
sans compter ceux qui laissent les pré-
tendants officiels se dépenser en efforts
et en frais de propagande, avec l'espoir
d'en tirer protit. Si l'on écoute ces jour-
naux parlant de leurs princes, ou ces
princes parlant de leur cause, on croi-
rait toujours que les temps sont proches
où le suffrage universel manifestera sa
lassitude d'être libre, et sa volonté de
confier aux familiers d'un empereur ou
d'un roi le soin de conduire ses desti-
nées.
Aussi est-ce une surprise, quand
l'heure vient d'en faire l'épreuve, et de
courir à la victoire, de voir ces allures
conquérantes se faire toutes discrètes,
ot ces belles assurances baisser do ton.
Deux douzaines de monarchistes sur
près de six cents champs de bataille !
Où sont les autres chevaliers du trône ?
Qu'est devenue l'armée innombrable et
criminelle à laquelle étaient promis
tant de lauriers ?
Les chevaliers du trône ne sont plus
que des chevaliers de l'autel. Tous les
déguisements sont bons pour cacher aux
yeux du public un uniforme qui ne passe
décidément point pour conduire au tri-
omphe. Tous les masques, tous les ac-
cessoires du carnaval qui vient de finir
vont retrouver un emploi, et faire des
élections prochainesunesorte de prolon-
gement de la mi-carême.
C'est le bonnet phrygien qui va coif-
fer toutes les têtes, c'est la promesse
d'une République intangible qui fera le
îondde toutesles professions de foi; c'est
le progrès, le patriotisme et la liberté
qui seront inscrits sur toutes les co-
cardes.
Cette histoire est celle de toutes les
élections générales. Avec une invariable
perfidie, qui devient presque de la naï-
veté, elle se renouvelle périodiquement
à chaque consultation du suffrage uni-
versel. Chaque fois la même conspira-
tion audacieuse tente de surprendre la
clairvoyance du pays. Chaque fois, la
République doit se défendre, moins
contre des attaques ouvertes que contre
toutes les entreprises de la ruse et du
Mensonge.
Ce fut d'abord l'ordre moral, qui ca-
chait un roi éventuel dans la coulisse,
et qui placardait sur les murs : « On
vous dit que je veux renverser la Répu-
blique; vous ne le croirez pas. » Puis ce
fut la tourmente électorale de 1883, où
les ennemis de la République enlevèrent
deux cents sièges, sous prétexte de pro-
testercontre la conquête de l'Indo-Chine
et les « expéditions lointaines ». Ce fut
cette lamentable aventure boulangiste,
dont les partis de réaction cléricale, cé-
sarienne et royaliste, cachés derrière un
aventurier pitoyable, n'ont pas encore
secoué la boue. Ce fut la campagne de
1893, dans laquelle le « Panama » ser-
vit de déguisement à toutes les haines
antirépublicaines, et où se distinguè-
rent spécialement les feuilles réaction-
naires qui avaient le plus activement
travaillé à opérer le drainage do l'épar-
gne publique. Ce furent enfin les élec-
tions de 1898, qui nous montrèrent les
ennemis de la République déguisés en
mélinistes, et quittant pour la première
fois le rôle d'un parti d'opposition, pour
se présenter à l'opinion avec la propre
estampille gouvernementale.
Chaque fois la manœuvre a échoué.
Sous tous les noms, sous tous les cos-
tumes, le suffrage universel reconnais-
sait toujours les mêmes hommes, et
leur infligeait le même traitement.
La leçon n'a pas servi. Voici la co-
médie qui recommence. Voyez-les pas-
ser aujourd'hui, ces partisans de la
liberté, qui, au fond de tous leurs no-
viciats ou séminaires, enseignent
que le « libéralisme » est un péché, et
que tous les moyens de coercition par
lesquels l'Eglise peut imposer ses
croyances lui appartiennent de droit,
fussent-ils les plus cruels et les plus
sanglants ; — ces partisans du progrès,
qui cassent leurs tirelires entre les
mains des quêteurs et des quêteuses du
parti conservateur, moins pour défen-
dre des croyances que pour protéger
des intérêts ; — ces défenseurs de l'ar-
mée, ponr lesquels le respect de l'ar-
mée, s'arrête à des officiers de guerre
civile, à ceux dont la façon de servir
l'armée consistait à la compromettre
dans le crime. — Entendez ces bandes
de moines crier : Vive la liberté ! ces
conservateurs dos privilèges fiscaux
prier : Vive le progrès ! ces faussaires et
ges rebelles crier : Vive l'armée !
Le carnaval durera deux mois encore.
(La mascarade va passer, bruyante, inso-
lente, bariolant jusqu'aux murailles,
£ 0HiPlissagt la rue de son vacarme inju-
rieux, insultant les plus honnêtes gens,
assaillant les plus tranquilles do ses
violences. Cela n'est pas bien long.
Quand la mi-carême a rempli de ses
folies, de ses serpentins multicolores,
de ses confettis de plâtre ou de papier,
les chaussées des rues et des boulevards,
arrive l'armée des balayeurs, et le large
flot qui emporte d'un coup ces immon-
dices. C'est l'affaire d'un jour.
Attendez le jour du scrutin.
Georges Trouillot.
! -
TROIS DISCOURS
Trois discours politiques ont
été prononcés hier par des per-
sonnalités marquantes du Par-
lement. Nos lecteurs trouveront
plus loin le texte de l'un de ces
discours,celui de notre éminent
ami Henri Brisson, et l'analyse
très complète d'un autre discours, émanant
également d'un éminent ami politique des
idées de ce journal : M. Léon Bourgeois.
Nous reviendrons sur ces deux superbes
harangues, qui méritent l'une et l'autre de
retenir l'attention du parti républicain.
Le troisième discours est celui que M.
Raymond Poincaré a prononcé hier à
Rouen ; il appelle quelques réflexions.
Nous ne songeons pas, certes, à refuser
à M. Poincaré la faculté de se placer,
comme il le fait délibérément, à la droite,
nous pourrions dire à l'extrême droite du
parti républicain. Il débute par des affir-
mations républicaines très nettes dont
nous ne mettons nullement en doute la
parfaite sincérité. M. Poincaré paraît vou-
loir fonder un parti tory républicain, avec
M. Ribot dont il refait, avec un talent très
grand, le discours de Marseille. Soit, tout
cela est de son droit, et nous verrons en
avril si l'électeur français est disposé, dans
les circonstances décisives que nous tra-
versons, à opter pour une solution centre
gauche. A vrai dire nous en serions surpris
au delà de toute expression.
Ce qui nous étonne un peu de la part
de M. Poincaré, c'est la vivacité — cour-
toise pourtant — mais excessive tout de
même, avec laquelle il se lance dans les
récriminations contre l'oeuvre de salut ac-
complie par la majorité républicaine pour
briser l'effort de la coalition boulangeo-
nationalo-antisémite, laquelle, M. Poincaré
n'en peut pas douter plus que nous, est
purement la réaction cléricale dans tout
son entêtement incoercible.
Feignantdonc d'ignorer cequ'il sait aussi
bien que personne, M. Poincaré qui garde
(t à l'Université son affection reconnais
santé » s'élève en faveur de « la liberté
d'enseignement » lisez : la hideuse loi Fal-
loux ; s'élève contre le socialisme même
« modéré» ; s'élève contre le rôle « vrai -
ment usurpateur » attribué aux syndi-
cats ouvriers dans les conseils du tra-
vail ; veut « réduire l'initiative parle-
mentaire »; et enfin, lui qui sait que l'ar-
mée actuelle, son budget si riche, sa
reconstitution après 1870, sont l'œuvre du
parti républicain, et non l'œuvre des réac-
teurs dont l'amour hystérique pour certains
chefs militaires se traduit par des injures
quotidiennes au général ministre de la
guerre, lui qui sait cela très bien, répétons-
le,il éprouve le besoin de terminer son al-
locution par un mauvais couplet de facture
destiné à se concilier la vivelarmerie.
Eh bien, nous disons que, lorsque l'élec-
teur sera séduit par le corps de doctrines
professé hier par M. Poincaré, c'est qu'il
sera bien près d'écouter non plus M. Poin-
caré, mais les hommes de la droite cléri-
cale.
Ce ne sera pas pour aujourd'hui ni pour
avril prochain. — Ch. B.
LA RÉGENCE D ESPAGNE
(De notre correspondant particulier)
Madrid, 9 mars.
Le bruit court, dans les milieux bien infor-
més de Madrid, qu'il est question, pour des
raisons qu'on dit graves, de prolonger la pé-
riode de la régence. Quant à la nature de ces
raisons, on se borne à des allusions mysté-
rieuses.
Il est à remarquer que la prolongation de la
régence ne peut avoir lieu qu'en vertu de l'ar-
ticle 71 de la Constitution, qui dit : « Quand
le roi est empêché d'exercer son pouvoir, les
Corlès peuvent s'occuper de la question de
créer une régence. »
——1 ■
LA MUTUALITÉ COMMERCIALE
Allocution du ministre des travaux
publics
M. Pierre Baudin, ministre des travaux pu-
blics, a présidé hier, à 2 h., dans lo grand am-
phithéâtre de la Sorbonne, l'assemblée géné-
rale de la Mutualité commerciale, à laquelle
assistaient environ 1.000 personnes.
Après une allocution de M. Hollenderski,
président de la Société, qui a remercié le mi-
nistro de sa présence, il est donné lecture du
rapport financier.
Les recettes ont atteint, en 1901, le chiffre,
total de 192.445 fr. sur lesquels 147.935 fr.
ont été fournis par les cotisations des mem-
bres participants ; divers dons ont été re-
cueillis, dont quelques-uns de 2.000 et 5.000
francs. Le3 dépenses ont été de 172.053 fr.,
les plus fortes ont été celles causées par les
maladies (41.176 fr. aux pharmaciens, 37.580
francs aux médecins, 23.857 fr. aux maisons
de sauté et de convaléscenle). Au 31 décorabro
1901, l'association possédait un capital de
293.712 fr.; on comptait 270 membres hono-
raires et 6.616 membres participants.
Ces chiffres, si satisfaisants, ont été ac-
cueilllis par des applaudissements qui n'ont
cessé que lorsque M. Pierre Baudin s'est levé,
pour prendre la parole, au milieu des acclama-
tions de l'auditoire.
M. Pierre Baudin a plus particulièrement
félicité les membres de la Mutualité commer-
ciale d'avoir été les premiers à admettre les
femmes dans leur société.
Vous avez ainsi prouvé, leur a-t-il, dit toute la
valeur du mutualisme, qui ne distinguo pas, qui
va droit à son but d'égalitairo fraternité. Nos com-
pagnes de labeur, qui chaque jour travaillent et
peinent à nos côtés, ont été appelées par vous à
bénéficier des bienfaits de l'association. Ce faisant,
vous avez réalisé ce que vous vouliez être ; une
grande falLilIo, > groupant toutes les activités du
coinmerco parisien.
L'allocution du ministre a été fort applaudie.
Lo ministre a remis lu insignes d'officir
d'académie à M. Hippolyle Dusserro, délégué-
administrateur do la société. -
Une partie de concert a mis fin à CoTle fête
apuuqllû des employés du commerce parisien.
CAUSERIE PÉDAGOGIQUE
« L'ÉCOLE DU MÉNAGE »
Une école d'éducation. — Pour former
des ménagères. — Tant vaut la fem-
me. — L'œuvre des instituteurs.
— L'école des femmes. — Cuisine
et ravaudage. — Un program-
me varié. — Une science utile
aux hommes. — Pensées à
méditer.
« L'école du ménage » est une association
d'éducation domestique et familiale, dont le
siège est à l' « Ecole du Centre D, à Saint-
Ouen.
Comme toutes les associations semblables,
ello est née du souci do former des ménagères,
en initiant les jeunes filles à la science et à
l'art do conduire une maison. Ce souci est jus-
tifié par l'incapacité actuelle des jeunes fem-
mes à cet égard. La plupart d'entre elles, hé-
las! ne savent ni rendre leurs logis agréables
par l'ordre, la propreté, la bonne préparation
des mets, ni équilibrer leurs budgets par une
prévoyance approximative des recettes et des
dépenses, ni élever leurs enfants suivant les
règles d'une bonne hygiène. La visite des in-
térieurs d'ouvriers,à la ville ou à la campagne,
fait trop facilement comprendre pourquoi
l'homme fréquente si volontiers le cabaret. Il y
est attiré par l'espèce do confortable qui y rè-
gne et manque chez lui. S'y trouvant bien il y
reste. Il consomme, Et tandis que la misère
augmente dans sa demeure, l'alcoolisme en
lui poursuit ses ravages.
Une vérité
Tant vaut la femme, tant vaut l'homme,
tant vaut la famille.
Cette vérité se propage. Des écoles ména-
gères ont été fondées à l'étranger et en France.
Il y en a à Paris, dans les départements. Elles
sont dues aux initiatives privées en général. Ce
sont des membres de l'enseignement primaire
qui sont habituellement à leur tête. Nos insti-
tuteurs et nos institutrices se dévouent, on le
sait, pour faire de toutes façons l'éducation du
peuple.
Leur mérite est d'autant plus grand qu'il
leur faut lutter contre la raillerie des uns, l'op-
position des autres. On les persifle, on les
combat. Leur désir de faire un peu plus debien
autour d'eux leur attire ainsi des ennuis. La
récompense de leurs efforts vient un jour, mais
en boitant. La recennaissance est sœur de la
justice.
Souhaitons qu'aile ne se fasse pas attendre
pour les promoteurs de l'a Ecole du ménage ».
Le fonctionnement de l'Ecole
Un joli titre pour une association. C'est pro-
prement l'école des femmes, Les écolières —
pardon I les auditrices ! — sont au nombre de
90. Il y a cinq jours de classe par semaine. Le
lundi de 8 heures et demie à 10 heures otus'oc-
cupe de repassage. C'est Mme Delorme qui
donne les leçons. Le mardi de 8 h. 112 à
9 h. 112 M. le Dr Oupoux vient parler d'hy-
giène pratique.
Le mercredi de 8 h. à 9 h. Mme Lecat en-
seigne le ravaudage (raccomodage et entretien
des vêtements et du linge).
Le jeudi de 8 h. à 10 h. M. Poulain, ancien
chef de cuisine, directeur de l'école profession-
nelle de cuisine du Palais Royal, vient ensei-
gner la cuisine et la pâtisserie du ménage. Le
lendemain vendredi aux mêmes heures M. Du-
four, caissier- comptable.enfeigne la comptabi-
lité et ledroit usuel. M. Grassoreille,ingénieur-
chimiste,lui succède. Il exposa les principes
d'économie domestique.
Le programme est varié, complet. Il est fait
pour allécher la curiosité du public. Il est
assez intéressant pour faire vivre l'œuvre.
Cette œuvre a été conçue par des hommes
qui connaissent les besoins de Saint-Ouen. Ils
ont su la fonder, ils en assureront l'existence.
C'est notre vœu bien sincère. M.Lesesne, insti-
tuteur, qui en est le vaillant secrétaire, nous
a demandé de vouloir bien en entretenir nos
lecteurs,si l'occasion s'en présentait à propos de
l'enseignement ménager en général. Il nous a
paru bon de consacrer à son école une Causerie
spéciale.
Explication d'un paradoxe
Aussi bien est-il un fait qui prête à des ré-
flexions générales.
Les cours de 1' « Ecole du Ménage 0 sont
exclusivement réservés aux dames et aux de-
moiselles.
Pourquoi les hommes en sont-ils exclus? Des
raisons locales l'exigent peut-être. En tous cas
c'est regrettable.
L'enseignement ménager est utile aux hom-
mes comme aux femmes, et il conviendrait de
le donner aux deux sexes. Ceci semble un pa-
radoxe, c'est pourtant l'évidence même.
L'objection contre laquelle se beurle celte
idée est ancrée dans les cerveaux comme tous
les préjugés : « Le ménage n'est pas l'affaire
des hommes », s'écrie-t-on. Et sans plus réflé-
chir, on passe à un autre sujet do conver-
sation.
Or, parmi les personnes qui parlent ainsi, il
y a souvent des femmes qui se plaignent que
tours maris ne leur donnent pas assez pour les
provisions de la semaine ou du mois. Elles ne
se rendent pas compte que l'avarice du mari
provient de son ignorance. Il évalue mal les
dépenses de sa maison. S'il se fâche, c'est
parce qu'il se trompe. Il voit la prodigalité là
où se trouve l'économie.
D'autre part, beaucoup d'hommes contraints
do vivre seuls ou de remplacer leurs femmes,
seraient heureux d'avoir été initiés à l'art du
ménage ! Pensez aux veufs ou à ceux qui de-
vant une compagne mourante se voient sur le
point do le devenir ! Leur incapacité à rem-
placer la mère, même dans une certaine me-
sure, fait pâlir physiquement leurs enfants
comme eux-mêmes. Le remède obligatoire est
un second mariage : autrement dit l'affliction
dos garçonnets et des fillettes. A défaut de la
marâtre, c'est la bonne qui survient, et avec
elle la danse du panier.
Faut-il parler encore des besoins que peu-
vent éprouver ceux qui vont au loin coloniser
dans des lieux où il faut se débrouiller tout
seul comme on peut ?
Non, la science du ménage n'est pas inutile
aux hommes. Aussi bien que les femmes, les
hommes ont intérêt à savoir diriger et admi-
nistrer une maison.
Il n'est pas question, on le comprend, de
leur faire partager tous les jours avec la femme
les travaux ordinaires du ménage. Il leur suf-
fit d'être en état de comprendre ces travaux,de
les surveiller et, le cas échéant, si c'est indis-
pensable, de les faire eux-mêmes.
Ils peuvent s'y montrer aussi habiles que
les femmes comme le prouvent péremptoire-
ment les tailleurs, couturiers, cuisiniers, pâtis-
siers et maîtres d'hôtels.
Une juste remarque
On répète à satiété que la femme est l'ange
du foyer, il serait doux pourtant de rencontrer
deux anges au foyer : l'homme et la femme.
La remarque en a été justement faite D-ir
Mlle Brès (1) qui ajouto avec inîhiimenf de
raison :
Lo savoir et. lo savoir-faire ménager ne sont
inutiles à personne; l'ouvrier sera plus digne s'il a
(1) Rapport au Congrès international de l'ensei-
gnement gni^aire tenu en 4900 à la Sftrboaoe.
des habitudes d'ordre; il se nourrira mieux, même
au r&teurant, s'il sait la valeur nutritive des ait-
uu.tbisr'ti.mMi lfaflin^ dépondant et dépensera moins
s'il a quelques notions de ManiAts«at5fe'€t mêHw 'd&
couture. Girardin ne proclamait il pas la supé.
riorité de l'homme qui n'a pas sans cesse besoin de
mettre les mains d'autrui au bout des siennes?
Pourquoi donc croire l'homme déchargé de ces
soins par sa qualité d'homme?
Serait-ce parce qu'il travaille au dehors? L'ou-
vrière aussi, hélas! Serait-ce parce que ses travaux
sont plus fatigants? La journée d'une blanchisseuse
ne doit guère être plus reposante que la pluspart
des journées masculines.
Ces pensées méritent d'être livrées à la mé-
ditation des ouvriers parisiens. Je suis per-
suadé que par leur justesse elles les frapperont
et feront d'eux des adeptes de l'enseignement
ménager. Si elles déterminaient l' « Ecole du
ménage » de Saint-Ouen à devenir une école
mixte, ce serait parfait. — Armand Depper.
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
LES NATIONALISTES CONSPUÉS
(De notre correspondant particulier)
Caen, 9 mars.
Le général Mercier n'attendait sans doute
pas la réception qui lui a été faite ici. Quand, à
midi, le train qui l'amène stoppe en gare, les
sifflets font rage. Les orateurs nationalistes
sont conspués ferme à leur passage, et derrière
les murs où ils tiennent, à trois heures, leur
réunion privée, ils doivent entendre les huées
de la foale qui organise bientôt un meeting en
plein air. Cellli-ci obtient plein succès. Une
adresse d'attachement au gouvernement est
volée par acclamation. Au départ, les incidents
de l'arrivée se reproduisent, plus violents;
quelques coups sont échangés. Je vous enver-
rai par lettre des détails.
UNE RACE DE GÉANTS
(De notre correspondant particulier)
New-York, 9 mars.
On a découvert dans une caverne, aux en-
virons de Mesa-Reco (Nouveau Mexique), le
squelette d'un homme mesurant quatre mètres
de longueur. L'avant-bras n'avait pas moins
d'un mètre dix centimètres ; la circonférence
de la cage thoracique mesurait deux mètres
dix centimètres.
On assure qu'il y a encore enfoui plus d'un
millier de squelettes de géants dont la légende
a transmis le souvenir aux Indiens.
LA CAISSE DE SAINT-ANTOINE
(De notre correspondant particulier)
Berne, 9 mars.
Il y a quelques années un moine français,
M. Barail, avait fondé à Kussnacht un « Insti-
tut Belhleem », et fait une émission d'obliga-
tions de Saint-Antoine, munies de coupons.
Chaque coupon portait cette mention :«50 cen-
times à payer ici en numéraire et remboursa-
bles : au ciel à la caisse de Saint-Antoine.»
Dernièrement encore le P. Barail a ouvert
une nouvelle souscription. Plusieurs journaux
catholiques même désapprouvent ces procé-
dés et demandent l'intervention des autori-
tés.
LES ManIONS EH ANGLETERRE
(De notre correspondant particulier)
Londres, 9 mars.
Les autorités ecclésiastiques de Salisbury ont
constaté avec une vive consternation que des
émissaires mormons qui parcouraient depuis
quelques mois cotte région ont réussi à y créer
une communauté de la secte des Polygames.
Les adeptes ont été baptisés, à minuit, dans
la rivière d'Avon. La propagande se poursuit
aussi dans les contrées avoisinajites de Salis-
bury. -
LES ZEBRES DOMESTIQUES
(De notre correspondant particulier)
Londres. 9 mars.
Le Journal Officiel de Mombassa annonce
que le baron Bronsart von Schellendorff qui
depuis quelques années est établi dans la région
de Kilimanjaro, a réussi à apprivoiser et à
dresser des zèbres.
Ces animaux seraient assure-t-on supérieurs
aux chevaux. Le baron vendra les zèbres à des
prix variant entre 200 et 300 roupies.
UNE LETTRE
M. Turinaz, évêque de Nancy, honore l'é-
piscopat français.
Ce prélat courageux qui, jadis, dénonça à
l'opinion publique les scandales dos bagnes
hermaphrodites, mi-pieux, mi-commerçants,
placés sous la protection de la religion, vient
de publier une lettre qui est destinée à un cer-
tain retentissement.
Traitant de la décadence de l'Eglise fran-
çaise, M. Turinaz détermine les causes de l'a-
baissement du catholicisme, et s efforce de re-
chercher les remèdes à un état de choses qui
le désespère.
Nous nous accordons avec lui pour dire que
le mal ne vient pas d'une foi, qui, comme
toute croyance, comme toute conviction, doit
être respectée quand elle est sincère, mais des
ingérences du clergé dans la politique etdes in-
terventions des laïques dans la religion. Voici
d'ailleurs comment l'évêque s'exprime :
En France, certains laïques se sont arrogés de-
puis longtemps le droit de diriger et d'enseigner
non seulement les jeunes prêtres et les séminaristes
mais tout le clergé et los évôques eux-mêmes.
Et, ce qui est prodigieux, c'est la docilité,la sou-
mission, l'abnégation, l'humiliation d'un grand
nombre de catholiques et de prêtres sous la verge
de ces maîtres, sous leurs leçons hautaines, et par-
fois sous leurs accusations et leurs injures.
k- - - -
Le pape, lui noc plus, n'est pas content des
catholiques français. Dans une lettre récem-
ment adressée à M. Servonnet, archevêque de
Bourges, il blâme vigoureusement les journa-
listes cléricaux qui ne sont point dociles à sa
voix : « Nous l'avouons avec douleur, écrit-il,
il y a encore plusieurs journalistes qui, d'une
manière ouverte ou dissimulée, continuent
à contrecarrer nos enseignements et nos exhor-
tations. »
M. Turinaz — et c'est un courage assez rare
à notre époque — a la franchise de dire ce
qu'il pense. Aussi, s'il doit s'attendre à ce que
les faux dévots et les Tartufes modem-style ne
lui ménagent ni leurs attaques perfides ni leurs
injurieuses insinuations, recevra-t-il du moins
l'approbation et i'eofiouraeemftni {[3 :i.is iÕs
gens de bn* sSfts. -
ut cela seul, s'il en était besoin, affermirait
la conviction qu'il s'e8t faite : Le péril ne vient
point du dehors ; « il ne vient pas des épreuves
que nous font subir les ennemis de Dieu. Le
danger est au dedans, dans l'Eglise même ; ce
sont les catholiques qui tuent les catholi-
ques 0.
- - StaOjJ'Evôquo! — André Armbrusltr.
LES AMIS
---DE ftBOLtSCEHEE
Discours de M. Henri Brisson
Une matinée à la mairie du 18*.— Elo-
quente allocution. — L'œuvre de
la République. — Une fête ar-
tistique. — De 1 Odéon à
l'Opéra.
Les commissaires de la fête donnée hier au
bénéfice de l'Œuvre des Amis de l'Adolescence
ont eu fort à faire. Bien avant deux heures il
n'y avait plus un fauteuil, plus une chaise
inoccupé dans la coquette salle des fêtes de la
mairie du 18' arrondissement. Hors l'intérêt
porté à l'Œuvre, un programme des mieux
composés, le régal d'une allocution de M. Henri
Brisson avaient attiré un public si nombreux
que beaucoup d'invités n'ont pu assister à la
fête promise. Hâtons-nous de dire que les pro-
messes des organisateurs n'ont pas été trom-
peuses : l'ancien président du conseil des mi-
nistres a parlé avec son éloquence coutumière
au milieu des applaudissements de l'auditoire;
le concert a été d'une haute tenue artistique.
Remarqué dans l'assistance : MM. Joly, se-
crétaire de M. Brisson ; A. Weber : Heppen-
heimer,président du conseil des prud'hommes;
Josset, Kleinmann, Hanebelle, ajoinls au
maire : Mlle Bonnevial, vice-présidente de la
Société.
Le discours de M. Srisson
Après des remerciements adressés à M.Henri
Brisson par M. Pugeault, notre éminent colla-
borateur se lève et prononce le discours sui-
vant :
Mesdames, messieurs,
Grâce à votre extrême bienveillance, me voici de
nouveau à cette place où vous m'aviez appelé déjà
l'an passé; aussi ai-je presque envie de commencer
par exprimer un regret: c'est que Montmartre
ait été annexé à Paris. S'il était encore commune
indépendante j'aurais sollicité l'honneur d'être
nommé citoyen de Montmartre ; j'aurais été fier de
mon droit de cité dans cdtte démocratie vaillante
fier aussi de posséder un diplôme signé de M. Pu-
geault, maire de Montmartre.
Permettez-moi de le saluer tout d'abord. Depuis
votre dernière fête, il a subi l'assaut de la maladie
et il a sa la braver comme il sait défier les années;
le voilà plus ami, plus compagnon, plus camarade
de l'adolescence, plus jeune lui-môme encore que
l'an passé.
Pour moi, si j'ai accepté avec empressement de
venir présider votre fête cette année, o'est surtout
pour vous dire à vous, publiquement, les impres-
sions fralches et fortes, charmantes et sérieuses
que j'avais emportées de celle de l'an dernier.
LES LUTTES PASSEES
Nulle part plus de cordialité, plus de gr&ce et plus
d'allégresse dans une œuvre utile et féconde; tout
le monde s'en mêle: votre administration, vos élus,
vos artistes, votre jeunesse et vous tous; on se sent
comme enveloppé par une camaraderie délicate et
joyeuse qui vous met tout de suite en confiance,
vous pénétre et vous repose des luttes que nous livrons
ailleurs.
Et cependant, même ici, il faut évoquer le souve-
nir de ces luttes. Qu'ont-elles, en effet, pour objet?
Non pas, comme on vous l'a dit, la possession du
pouvoir. Non, ou du moins, la possession du pou-
voir elle-même n'a pour objet, de la part des démo-
crates sincères, que la protection, la défense, l'éclo-
sion, la floraison sans cesse plus épanouie de cette
société nouvelle dont la troisième République, re-
prenant les traditions de ses devancières, se flatte
d'avoir suscité l'avènement.
Oui, mes amis, une société nouvelle.
Ce n'est pas ici que l'on prêterait l'oreille & ces
perfides ou à ces sots qui prétendent, pour la ren-
verser, que la République n'a rien fait. Laissons de
côté, si vous le voulez, son œuvre législative, si
importante pourtant et si progressive par tant de
côtés. Ne parlons que du spectacle que vous donnez
en ce moment, que donnent partout en province,
comme à Paris, ces associations infinies de prévoy-
ance, de mutualité, de patronage, d'éducation so-
ciale, dont le résultat principal est moins dans leur
objet direct et tangible que dans la participation
étroite, fraternelle, des générations qui se suivent
et des catégories les plus diverses de citoyens à cette
œuvre de solidarité sans laquelle il n'y aurait pas
de démocratie, pas de République.
LA RÉPONSE DE LA RÉPUBLIQUE
A cette œuvre d'égalité et de fraternité, la libert é
a suffi ; car c'est la gloire, c'est l'honneur de la
République, d'avoir répondu à chaque agression
nouvelle de ses adversaires parl'octroi d'une liberté
nouvelle : liberté municipale, liberté de réunion,
liberté de la presse, liberté d'association ; celle-
ci passée en usage et dans les mœurs, grâce au
libéralisme du gouvernement républicain, avant
même de prendre place dans nos lois. Grâce à elle
on a vu tomber ces barrières que la tyrannie, ré-
gnant parla division,maintenait entre les citoyens.
De loin en loin, aux jours de discordes civiles,
on voyait bien la jeunesse des écoles et la popula-
tion laborieuse des villes fraterniser dans quelque
élan révolutionnaire ; aujourd'hui, o'est dans la
paix, c'est dans l'ordre, dans la fraternité, dans
l'émulation féconde que se fait ce rapprochement ;
il ne se fait plus seulement entre la jeunesse stu-
dieuse et les citoyens adonnés aux travaux manuels;
la fusion s'opère entre ceux-ci et les maîtres de
l'esprit français, professeurs des facultés, profes-
seurs des lycées, tous viennent à l'envi retremper
leur science aux sources de l'attention et de l'en-
thousiasme populaires.
Je sais bien que je ne suis pas ici dans une Uni-
versité populaire, mais laissez-moi penser que tou-
tes ces institutions se ressemblent par un dessein
commun; celui de donner aux enfants, aux jeunes
gens, aux adultes, aux hommes faits, cette série
d'habitudes, de doctrines morales, destinées, par
l'éducation civique des hommes et des femmes, à
former enfin une nation unie par des traditions
vigoureuses et par un haut idéal.
LA MISSION DE LA FRANCE
La patrie, en effet, mes amis, c'est sans doute,
avant tout, le sol sacré des ancêtres: mais o'est
aussi cet idéal qui marque notre place dans le
monde, qui fait depuis plus de cent ans le fond de
la conscieno nationale.
Oui, à la fin de l'autre siècle, la France s'est
donné pour mission d'élever sans cesse, par plus
de liberté, la personne humaine à plus do justice,
de dignité et de bonheur.
Cette mission, elle la poursuit dans la bonne et
dans la mauvaise fortune. L'école laïque avec ses
œuvres d'hygiène, d'assistance, de mutualité, de
protection de l'adolescence et de la jeunesse, d'é-
ducation sociale ; l'école laïque et les institutions
comme celle-ci, tout en développant les qualités
les plus cordiales et les plus aimables de la race
sont aussi nos plus puissants agents pour l'enfan-
tement de cotte société nouvelle.
Eh bien, mes chers amis — et je m'adresse ici
surtout à la jeunesse, aux adolescents qui m'en.
tourent - cette société nouvelle, toujours plus pé-
nétrée d'égalité et de fraternité, cette société nou-
velle où sera rendue la joie de vivre à des millions
de créatures humaines qui n'en connaissent trop
souvent que la tristesse, cette société nouvelle qui
s'ébauche va subir l'un des plus rudes assauts que
la République française ait subis depuis longtemps.
Encore une fois,sous lo nom de plébiscite,on va pro-
poser à ce peuple d'abandonner la souveraineté
réelle dant il jouit pour courir après la grossière
illusion dont tout le résultat serait de se donner
un maître irresponsable, empressé de nous con-
duire, après avoir détruit toutes nos libertés, à
quelque nouveau Waterloo, à quoique nouveau Se-
dan, à la ruine plus irrémédiable encore do la pa-
trie.
AURORE CREPUSCULAIRE !
La patrie, dont nos adversaires prétendent acca-
parer la nom. la pQÎfl", C'"!Î "î!?, 11^3 têmpS
J -- 1" ", .I.&.I.,JJ(j iLtHl1p
que la République, c'est elle quo nous avons à dé-
fendre contre les héritiers de ceux qui, dans le
dernier siècle, l'ont exposée, trois fois, à de cruel-
les mutilations. Il na nous en resterait plus une
parcelle s'ils pouvaient égarer encore la nation.
Serrons donc les rangs, jeunes et vieux, républi-
cains do toutes nuances, citoyens et citoyennes
serrons les rangs pour ne pas laisser passer l'en-
nemi.
Et, puisque nous sommes à Montmartre, pen-
sons^ ; jse donnons pas au 20' siècle e
et singulière aurore : l'ombre du Saoro-CoMM
étendue sur la France de Voltaire et de Viotor
Hugo.
Une longue ovation est faite à M. Henrr
Brisson lorsque, appelé à la Chambre, il
doit quitter la sal!e sans pouvoir applaudir lu-
artistes.
Le concert
Ceux-ci, les meilleurs de nos théâtres, tour
à tour enchantent l'auditoire. Ils seraient tous
à complimenter, tous à citer. Au hasard gla-
nonsles noms de Mlle Blanche Hugnet.du théâ-
tre Lyrique, de M. Paul Séguy, de l'Opéra, qui,
après s'être fait applaudir successivement vien-
nent chanter avec un entrain endiablé et une
maîtrise incomparable le duo du « Maître do
Chapelle»; M.et Mme Sadi-Pety,de l'Odéon.M.
Louis Tune, du théâtre Antoine qui désopilent'
agréablement la rate du spectateur ; le chan-
sonnier Lafaire, très verveux ; la sympathique
Mlle Magdeleine Godard, qui fait chanter si
joliment les cordes de son violon et enfin lest
charmantes danseuses de l'Opéra, Miles San-
drini, Régnier et Léa Piron, qui interprètent*
avec infiniment de grâce le conte de fée d'Er-
nest Depret.
-
UN DISCOURS DE
M. LÉON BOURGEOIS
- k
M. Léon Bourgeois a présidé hier à Ponloise
une conférence de M. G. Lefèvre, candidat du'
parti républicain démocratique contre M. la ,
vicomte Cornudet, député sortant.
Après quelques mots de M. le docteur Pay.
ron , ancien directeur de l'Assistance publique
de Paris, doyen des conseillers généraux répu-
blicains de la région, M. G. Lefèvre développe
le programme du parti républicain démocra-
tique. Il est fort applaudi. M. Léon Bourgeois
prend ensuite la parole.
Il remercie les nombreux électeurs et féli-
cite le conférencier de son très clair et très
éloquent exposé. Il définit ensuite les condi-
tions dans lesquelles va s'engager la prochaine
bataille: d'un côté, une armée républicaine,
unie, disciplinée, tranquille, forte; en face
d'elle des groupes agités, venus de tous les
points, cherchant ce qui pourrait les réunir'
et ne le trouvant pas, cherchant un nom et ne
trouvant qu'un masque.
M. L. Bourgeois fait allusion & la polémiquf
do M. Baragnon et de M. Lemaitre sur les in<
cidents de Nîmes et à la situation faite à M,
Méline dans son département.
Il trace ensuite à grands traits le DrOŒram
me républicain. - - -
Ce programme se résume & ces deux grao..
des idées : une politique intérieure de liber.
et de justice, une politique extérieure vrai-
ment nationale.
C'est la doctrine qui a été l'âme de la Franec
au cours de ce siècle, celle qu'ont formulât
les philosophes de la fin du dix-huitième siè.
cle, celle qui a animé la Révolution,.qui a inlt
piré les historiens, les penseurs et les poèlei
comme Michelet, Quinet et V. Hugo, qui a élit
formulée par les grands orateurs de la Répu-
blique, comme J. Favre et Gambetta. Pour la
défendre, il faut que tous les vrais démocrate.
soient unis. Les républicains les plus modé.
rés, du moins ceux qui sont clairvoyants, ont
rallié le gros de l'armée. Des hommes comme
M. Isambert ont tenu à marcher au combat
avec les républicains qui, sur certaines ques-
tions, sont en désaccord avec eux, mais qu'ils,
veulent aider à défendre les institutions répuJ
blicaines et la politique de progrès social.D'au
très républicains modérés se sont laissés ab-
sorber par les adversaires de la République.
Quelques uns enfin essaient de créer un parti
modéré entre ces deux extrêmes « du parti qui
n'est pas extrême ». C'est une illusion, il faut
se décider, être avec ou contre la Révolution,
la liberté, la fraternité, la justice et l'égalité.
M. Léon Bourgeois, après une allusion aux
habitudes d'injures, de diffamations et de ca-
lomnies des nationalistes, esquisse à grands
traits les réformes politiques, fiscales et so-
ciales qu'a déjà réalisées la République et celle;
qu'on peut attendre d'elle. La République a
donné au pays la liberté de la presse, de réu-
nion, d'association. Cette loi des associations si
féconde déjà,dont les résultats seront inappré-
ciables, est une loi de liberté et une loi de dé-
fense contre les congrégations internationales.
Et l'orateur rappelle la campagne des assomp-
tionnistes. L'auditoire souligne particulière-
ment ces paroles.
M. Léon Bourgeois appelle l'attention sur la
nécessité de protéger, entre toutes les libertés;
celles de l'enfant, du pauvre, de l'infirme, du
vieillard. Il évoque les grandes idées sociale&
qui lui sont familières. A l'aumône qui dimi-
nue et déprime, il faut substituer la solidarité
qui relève.
Chacun doit contribuer par son versement à
l'assurance qui le garantira contre les acci-
dents, contre l'invalidité, contre la vieillesse-
il faut que le contrat soit réglé de telle sorte
que chacun le trouve juste,quelle que soit la si-
tuation qu'il aura, que le contrat soit à son
avantage ou à sa charge.
Au dehors, une politique vraiment nationale
dit M. Bourgeois. On sait la belle définition
qu'il a déjà donnée de l'armée: « l'épée vivante
de la France mise entre des mains loyales pour
la défense du droit». Peut-il y avoir un m6"en-
tendu entre l'armée et la démocratie? L'arma,
c'est la nation tout entière. Et comment ose-t-
on jeler dans la mêlée des partis le nom sacré
de la patrie ? On ne sert pas la patrie en criant :
Vive l'arméol dans les rues,on la sert en faisant
son - devoir - militaire à l'heure - voulue, - en ré-
pondant à son appel au jour du danger, et les
représentants du pays la servent en faisant
attentivement, silencieusement, modestement
tous los jours ce qu'ils peuvent pour perfec-
tionner l'organisation de la défense nationale.
A ce devoir les républicains n'ont jamais man.
qué et ne manqueront jamais.
Cette armée, elle doit défendre la liberté de
la France, elle ne doit jamais servir d'autres
causes que la cause française. Il ne faut pas
que ses actions extérieures pénètrent jamais
dans la direction de nos affaires nationales; il
ne faut pas que, pour avoir voulu défendre
d'autres intérêts, nous risquions de nous trou-
ver quoique jour isolés comme nous l'avons été
en 1870.
Voilà ce programme que les républicains
soutiendront ouvertement; ils sccapteront la
discussion partout, sans jamais recourir aux
procédés dont on se sert contre eux. 11 triom-
phera aux prochaines élections,et la République
pourra vivre à l'abri des assauts do ses adver-
saires et devenir enfin une vérité.
L'auditoire acclame M. Léon Bourgeois. De
longs applaudissements soulignent ses paroles.
L'assemblée vote ensuite une adresse au gou-
vernement de défense républicaine et un ordro
du jour approuvant le programma de parti
démocratique.
L'INCIDENT AUGÉ-OESCHANEL
La ïetlrô suivante de M. Augé, député, à ses
témoins, fait connailro ainsi lo litige i
Je lis dans le Temps do ce soir qu'au cours de Ir. ,
séance de co matin M. Deschanel aurait prononcé à
mon adresse les paroles suivantes : a Je vais faire
appeler le médecin. »
Ne les ayant pas entendues, io vous prie de de-
mander au président do la Chambre s'il les a réelle-
ment prononcées.
Si, oui, considérant ces parolescemrao QUQUUutest
e Numéro. CINQ CENTIMES
FONDATEUR AUGUSTE VACQUERHE
ABONNEMENTS
Si aoli Trolilloia Six mnii UI d
Paris 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Dépa.rtemen.. 2 - 6 - ii - 20 -
Postale. 3 — 9 — 40 — 32 —
LE RAPPEL
CHEF : CHARLES 601
Set~ 1
^2^-I)AI| NONCES
h. GRANGE, CERF & Cl
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOUBKAfc
RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure dit mat-in
No 11687. - Mardi 11 Mars 1902
-- 20 VENTOSE - AU --- 110
ADIIINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
Fin hjpii
Le carvaval finit, les élections com-
mencent. C'est simplement le régne des
faux-nez qui se transporte de la rue
dans la politique.
« Cherchez devant le suffrage univer-
sel des candidats monarchistes, disait
l'autre jour M. Waldeck-Rousseau, vous
n'en trouverez pas deux douzaines. »
Et cependant, il y a quelque part une
presse monarchiste ; le bonapartisme
n'est pas tellement mort qu'on ne lui
trouve encore quelques organes; au delà
des frontières, on compte au moinsdeux
prétendants officiels au trône de France,
sans compter ceux qui laissent les pré-
tendants officiels se dépenser en efforts
et en frais de propagande, avec l'espoir
d'en tirer protit. Si l'on écoute ces jour-
naux parlant de leurs princes, ou ces
princes parlant de leur cause, on croi-
rait toujours que les temps sont proches
où le suffrage universel manifestera sa
lassitude d'être libre, et sa volonté de
confier aux familiers d'un empereur ou
d'un roi le soin de conduire ses desti-
nées.
Aussi est-ce une surprise, quand
l'heure vient d'en faire l'épreuve, et de
courir à la victoire, de voir ces allures
conquérantes se faire toutes discrètes,
ot ces belles assurances baisser do ton.
Deux douzaines de monarchistes sur
près de six cents champs de bataille !
Où sont les autres chevaliers du trône ?
Qu'est devenue l'armée innombrable et
criminelle à laquelle étaient promis
tant de lauriers ?
Les chevaliers du trône ne sont plus
que des chevaliers de l'autel. Tous les
déguisements sont bons pour cacher aux
yeux du public un uniforme qui ne passe
décidément point pour conduire au tri-
omphe. Tous les masques, tous les ac-
cessoires du carnaval qui vient de finir
vont retrouver un emploi, et faire des
élections prochainesunesorte de prolon-
gement de la mi-carême.
C'est le bonnet phrygien qui va coif-
fer toutes les têtes, c'est la promesse
d'une République intangible qui fera le
îondde toutesles professions de foi; c'est
le progrès, le patriotisme et la liberté
qui seront inscrits sur toutes les co-
cardes.
Cette histoire est celle de toutes les
élections générales. Avec une invariable
perfidie, qui devient presque de la naï-
veté, elle se renouvelle périodiquement
à chaque consultation du suffrage uni-
versel. Chaque fois la même conspira-
tion audacieuse tente de surprendre la
clairvoyance du pays. Chaque fois, la
République doit se défendre, moins
contre des attaques ouvertes que contre
toutes les entreprises de la ruse et du
Mensonge.
Ce fut d'abord l'ordre moral, qui ca-
chait un roi éventuel dans la coulisse,
et qui placardait sur les murs : « On
vous dit que je veux renverser la Répu-
blique; vous ne le croirez pas. » Puis ce
fut la tourmente électorale de 1883, où
les ennemis de la République enlevèrent
deux cents sièges, sous prétexte de pro-
testercontre la conquête de l'Indo-Chine
et les « expéditions lointaines ». Ce fut
cette lamentable aventure boulangiste,
dont les partis de réaction cléricale, cé-
sarienne et royaliste, cachés derrière un
aventurier pitoyable, n'ont pas encore
secoué la boue. Ce fut la campagne de
1893, dans laquelle le « Panama » ser-
vit de déguisement à toutes les haines
antirépublicaines, et où se distinguè-
rent spécialement les feuilles réaction-
naires qui avaient le plus activement
travaillé à opérer le drainage do l'épar-
gne publique. Ce furent enfin les élec-
tions de 1898, qui nous montrèrent les
ennemis de la République déguisés en
mélinistes, et quittant pour la première
fois le rôle d'un parti d'opposition, pour
se présenter à l'opinion avec la propre
estampille gouvernementale.
Chaque fois la manœuvre a échoué.
Sous tous les noms, sous tous les cos-
tumes, le suffrage universel reconnais-
sait toujours les mêmes hommes, et
leur infligeait le même traitement.
La leçon n'a pas servi. Voici la co-
médie qui recommence. Voyez-les pas-
ser aujourd'hui, ces partisans de la
liberté, qui, au fond de tous leurs no-
viciats ou séminaires, enseignent
que le « libéralisme » est un péché, et
que tous les moyens de coercition par
lesquels l'Eglise peut imposer ses
croyances lui appartiennent de droit,
fussent-ils les plus cruels et les plus
sanglants ; — ces partisans du progrès,
qui cassent leurs tirelires entre les
mains des quêteurs et des quêteuses du
parti conservateur, moins pour défen-
dre des croyances que pour protéger
des intérêts ; — ces défenseurs de l'ar-
mée, ponr lesquels le respect de l'ar-
mée, s'arrête à des officiers de guerre
civile, à ceux dont la façon de servir
l'armée consistait à la compromettre
dans le crime. — Entendez ces bandes
de moines crier : Vive la liberté ! ces
conservateurs dos privilèges fiscaux
prier : Vive le progrès ! ces faussaires et
ges rebelles crier : Vive l'armée !
Le carnaval durera deux mois encore.
(La mascarade va passer, bruyante, inso-
lente, bariolant jusqu'aux murailles,
£ 0HiPlissagt la rue de son vacarme inju-
rieux, insultant les plus honnêtes gens,
assaillant les plus tranquilles do ses
violences. Cela n'est pas bien long.
Quand la mi-carême a rempli de ses
folies, de ses serpentins multicolores,
de ses confettis de plâtre ou de papier,
les chaussées des rues et des boulevards,
arrive l'armée des balayeurs, et le large
flot qui emporte d'un coup ces immon-
dices. C'est l'affaire d'un jour.
Attendez le jour du scrutin.
Georges Trouillot.
! -
TROIS DISCOURS
Trois discours politiques ont
été prononcés hier par des per-
sonnalités marquantes du Par-
lement. Nos lecteurs trouveront
plus loin le texte de l'un de ces
discours,celui de notre éminent
ami Henri Brisson, et l'analyse
très complète d'un autre discours, émanant
également d'un éminent ami politique des
idées de ce journal : M. Léon Bourgeois.
Nous reviendrons sur ces deux superbes
harangues, qui méritent l'une et l'autre de
retenir l'attention du parti républicain.
Le troisième discours est celui que M.
Raymond Poincaré a prononcé hier à
Rouen ; il appelle quelques réflexions.
Nous ne songeons pas, certes, à refuser
à M. Poincaré la faculté de se placer,
comme il le fait délibérément, à la droite,
nous pourrions dire à l'extrême droite du
parti républicain. Il débute par des affir-
mations républicaines très nettes dont
nous ne mettons nullement en doute la
parfaite sincérité. M. Poincaré paraît vou-
loir fonder un parti tory républicain, avec
M. Ribot dont il refait, avec un talent très
grand, le discours de Marseille. Soit, tout
cela est de son droit, et nous verrons en
avril si l'électeur français est disposé, dans
les circonstances décisives que nous tra-
versons, à opter pour une solution centre
gauche. A vrai dire nous en serions surpris
au delà de toute expression.
Ce qui nous étonne un peu de la part
de M. Poincaré, c'est la vivacité — cour-
toise pourtant — mais excessive tout de
même, avec laquelle il se lance dans les
récriminations contre l'oeuvre de salut ac-
complie par la majorité républicaine pour
briser l'effort de la coalition boulangeo-
nationalo-antisémite, laquelle, M. Poincaré
n'en peut pas douter plus que nous, est
purement la réaction cléricale dans tout
son entêtement incoercible.
Feignantdonc d'ignorer cequ'il sait aussi
bien que personne, M. Poincaré qui garde
(t à l'Université son affection reconnais
santé » s'élève en faveur de « la liberté
d'enseignement » lisez : la hideuse loi Fal-
loux ; s'élève contre le socialisme même
« modéré» ; s'élève contre le rôle « vrai -
ment usurpateur » attribué aux syndi-
cats ouvriers dans les conseils du tra-
vail ; veut « réduire l'initiative parle-
mentaire »; et enfin, lui qui sait que l'ar-
mée actuelle, son budget si riche, sa
reconstitution après 1870, sont l'œuvre du
parti républicain, et non l'œuvre des réac-
teurs dont l'amour hystérique pour certains
chefs militaires se traduit par des injures
quotidiennes au général ministre de la
guerre, lui qui sait cela très bien, répétons-
le,il éprouve le besoin de terminer son al-
locution par un mauvais couplet de facture
destiné à se concilier la vivelarmerie.
Eh bien, nous disons que, lorsque l'élec-
teur sera séduit par le corps de doctrines
professé hier par M. Poincaré, c'est qu'il
sera bien près d'écouter non plus M. Poin-
caré, mais les hommes de la droite cléri-
cale.
Ce ne sera pas pour aujourd'hui ni pour
avril prochain. — Ch. B.
LA RÉGENCE D ESPAGNE
(De notre correspondant particulier)
Madrid, 9 mars.
Le bruit court, dans les milieux bien infor-
més de Madrid, qu'il est question, pour des
raisons qu'on dit graves, de prolonger la pé-
riode de la régence. Quant à la nature de ces
raisons, on se borne à des allusions mysté-
rieuses.
Il est à remarquer que la prolongation de la
régence ne peut avoir lieu qu'en vertu de l'ar-
ticle 71 de la Constitution, qui dit : « Quand
le roi est empêché d'exercer son pouvoir, les
Corlès peuvent s'occuper de la question de
créer une régence. »
——1 ■
LA MUTUALITÉ COMMERCIALE
Allocution du ministre des travaux
publics
M. Pierre Baudin, ministre des travaux pu-
blics, a présidé hier, à 2 h., dans lo grand am-
phithéâtre de la Sorbonne, l'assemblée géné-
rale de la Mutualité commerciale, à laquelle
assistaient environ 1.000 personnes.
Après une allocution de M. Hollenderski,
président de la Société, qui a remercié le mi-
nistro de sa présence, il est donné lecture du
rapport financier.
Les recettes ont atteint, en 1901, le chiffre,
total de 192.445 fr. sur lesquels 147.935 fr.
ont été fournis par les cotisations des mem-
bres participants ; divers dons ont été re-
cueillis, dont quelques-uns de 2.000 et 5.000
francs. Le3 dépenses ont été de 172.053 fr.,
les plus fortes ont été celles causées par les
maladies (41.176 fr. aux pharmaciens, 37.580
francs aux médecins, 23.857 fr. aux maisons
de sauté et de convaléscenle). Au 31 décorabro
1901, l'association possédait un capital de
293.712 fr.; on comptait 270 membres hono-
raires et 6.616 membres participants.
Ces chiffres, si satisfaisants, ont été ac-
cueilllis par des applaudissements qui n'ont
cessé que lorsque M. Pierre Baudin s'est levé,
pour prendre la parole, au milieu des acclama-
tions de l'auditoire.
M. Pierre Baudin a plus particulièrement
félicité les membres de la Mutualité commer-
ciale d'avoir été les premiers à admettre les
femmes dans leur société.
Vous avez ainsi prouvé, leur a-t-il, dit toute la
valeur du mutualisme, qui ne distinguo pas, qui
va droit à son but d'égalitairo fraternité. Nos com-
pagnes de labeur, qui chaque jour travaillent et
peinent à nos côtés, ont été appelées par vous à
bénéficier des bienfaits de l'association. Ce faisant,
vous avez réalisé ce que vous vouliez être ; une
grande falLilIo, > groupant toutes les activités du
coinmerco parisien.
L'allocution du ministre a été fort applaudie.
Lo ministre a remis lu insignes d'officir
d'académie à M. Hippolyle Dusserro, délégué-
administrateur do la société. -
Une partie de concert a mis fin à CoTle fête
apuuqllû des employés du commerce parisien.
CAUSERIE PÉDAGOGIQUE
« L'ÉCOLE DU MÉNAGE »
Une école d'éducation. — Pour former
des ménagères. — Tant vaut la fem-
me. — L'œuvre des instituteurs.
— L'école des femmes. — Cuisine
et ravaudage. — Un program-
me varié. — Une science utile
aux hommes. — Pensées à
méditer.
« L'école du ménage » est une association
d'éducation domestique et familiale, dont le
siège est à l' « Ecole du Centre D, à Saint-
Ouen.
Comme toutes les associations semblables,
ello est née du souci do former des ménagères,
en initiant les jeunes filles à la science et à
l'art do conduire une maison. Ce souci est jus-
tifié par l'incapacité actuelle des jeunes fem-
mes à cet égard. La plupart d'entre elles, hé-
las! ne savent ni rendre leurs logis agréables
par l'ordre, la propreté, la bonne préparation
des mets, ni équilibrer leurs budgets par une
prévoyance approximative des recettes et des
dépenses, ni élever leurs enfants suivant les
règles d'une bonne hygiène. La visite des in-
térieurs d'ouvriers,à la ville ou à la campagne,
fait trop facilement comprendre pourquoi
l'homme fréquente si volontiers le cabaret. Il y
est attiré par l'espèce do confortable qui y rè-
gne et manque chez lui. S'y trouvant bien il y
reste. Il consomme, Et tandis que la misère
augmente dans sa demeure, l'alcoolisme en
lui poursuit ses ravages.
Une vérité
Tant vaut la femme, tant vaut l'homme,
tant vaut la famille.
Cette vérité se propage. Des écoles ména-
gères ont été fondées à l'étranger et en France.
Il y en a à Paris, dans les départements. Elles
sont dues aux initiatives privées en général. Ce
sont des membres de l'enseignement primaire
qui sont habituellement à leur tête. Nos insti-
tuteurs et nos institutrices se dévouent, on le
sait, pour faire de toutes façons l'éducation du
peuple.
Leur mérite est d'autant plus grand qu'il
leur faut lutter contre la raillerie des uns, l'op-
position des autres. On les persifle, on les
combat. Leur désir de faire un peu plus debien
autour d'eux leur attire ainsi des ennuis. La
récompense de leurs efforts vient un jour, mais
en boitant. La recennaissance est sœur de la
justice.
Souhaitons qu'aile ne se fasse pas attendre
pour les promoteurs de l'a Ecole du ménage ».
Le fonctionnement de l'Ecole
Un joli titre pour une association. C'est pro-
prement l'école des femmes, Les écolières —
pardon I les auditrices ! — sont au nombre de
90. Il y a cinq jours de classe par semaine. Le
lundi de 8 heures et demie à 10 heures otus'oc-
cupe de repassage. C'est Mme Delorme qui
donne les leçons. Le mardi de 8 h. 112 à
9 h. 112 M. le Dr Oupoux vient parler d'hy-
giène pratique.
Le mercredi de 8 h. à 9 h. Mme Lecat en-
seigne le ravaudage (raccomodage et entretien
des vêtements et du linge).
Le jeudi de 8 h. à 10 h. M. Poulain, ancien
chef de cuisine, directeur de l'école profession-
nelle de cuisine du Palais Royal, vient ensei-
gner la cuisine et la pâtisserie du ménage. Le
lendemain vendredi aux mêmes heures M. Du-
four, caissier- comptable.enfeigne la comptabi-
lité et ledroit usuel. M. Grassoreille,ingénieur-
chimiste,lui succède. Il exposa les principes
d'économie domestique.
Le programme est varié, complet. Il est fait
pour allécher la curiosité du public. Il est
assez intéressant pour faire vivre l'œuvre.
Cette œuvre a été conçue par des hommes
qui connaissent les besoins de Saint-Ouen. Ils
ont su la fonder, ils en assureront l'existence.
C'est notre vœu bien sincère. M.Lesesne, insti-
tuteur, qui en est le vaillant secrétaire, nous
a demandé de vouloir bien en entretenir nos
lecteurs,si l'occasion s'en présentait à propos de
l'enseignement ménager en général. Il nous a
paru bon de consacrer à son école une Causerie
spéciale.
Explication d'un paradoxe
Aussi bien est-il un fait qui prête à des ré-
flexions générales.
Les cours de 1' « Ecole du Ménage 0 sont
exclusivement réservés aux dames et aux de-
moiselles.
Pourquoi les hommes en sont-ils exclus? Des
raisons locales l'exigent peut-être. En tous cas
c'est regrettable.
L'enseignement ménager est utile aux hom-
mes comme aux femmes, et il conviendrait de
le donner aux deux sexes. Ceci semble un pa-
radoxe, c'est pourtant l'évidence même.
L'objection contre laquelle se beurle celte
idée est ancrée dans les cerveaux comme tous
les préjugés : « Le ménage n'est pas l'affaire
des hommes », s'écrie-t-on. Et sans plus réflé-
chir, on passe à un autre sujet do conver-
sation.
Or, parmi les personnes qui parlent ainsi, il
y a souvent des femmes qui se plaignent que
tours maris ne leur donnent pas assez pour les
provisions de la semaine ou du mois. Elles ne
se rendent pas compte que l'avarice du mari
provient de son ignorance. Il évalue mal les
dépenses de sa maison. S'il se fâche, c'est
parce qu'il se trompe. Il voit la prodigalité là
où se trouve l'économie.
D'autre part, beaucoup d'hommes contraints
do vivre seuls ou de remplacer leurs femmes,
seraient heureux d'avoir été initiés à l'art du
ménage ! Pensez aux veufs ou à ceux qui de-
vant une compagne mourante se voient sur le
point do le devenir ! Leur incapacité à rem-
placer la mère, même dans une certaine me-
sure, fait pâlir physiquement leurs enfants
comme eux-mêmes. Le remède obligatoire est
un second mariage : autrement dit l'affliction
dos garçonnets et des fillettes. A défaut de la
marâtre, c'est la bonne qui survient, et avec
elle la danse du panier.
Faut-il parler encore des besoins que peu-
vent éprouver ceux qui vont au loin coloniser
dans des lieux où il faut se débrouiller tout
seul comme on peut ?
Non, la science du ménage n'est pas inutile
aux hommes. Aussi bien que les femmes, les
hommes ont intérêt à savoir diriger et admi-
nistrer une maison.
Il n'est pas question, on le comprend, de
leur faire partager tous les jours avec la femme
les travaux ordinaires du ménage. Il leur suf-
fit d'être en état de comprendre ces travaux,de
les surveiller et, le cas échéant, si c'est indis-
pensable, de les faire eux-mêmes.
Ils peuvent s'y montrer aussi habiles que
les femmes comme le prouvent péremptoire-
ment les tailleurs, couturiers, cuisiniers, pâtis-
siers et maîtres d'hôtels.
Une juste remarque
On répète à satiété que la femme est l'ange
du foyer, il serait doux pourtant de rencontrer
deux anges au foyer : l'homme et la femme.
La remarque en a été justement faite D-ir
Mlle Brès (1) qui ajouto avec inîhiimenf de
raison :
Lo savoir et. lo savoir-faire ménager ne sont
inutiles à personne; l'ouvrier sera plus digne s'il a
(1) Rapport au Congrès international de l'ensei-
gnement gni^aire tenu en 4900 à la Sftrboaoe.
des habitudes d'ordre; il se nourrira mieux, même
au r&teurant, s'il sait la valeur nutritive des ait-
uu.tbisr'ti.mMi lfaflin^ dépondant et dépensera moins
s'il a quelques notions de ManiAts«at5fe'€t mêHw 'd&
couture. Girardin ne proclamait il pas la supé.
riorité de l'homme qui n'a pas sans cesse besoin de
mettre les mains d'autrui au bout des siennes?
Pourquoi donc croire l'homme déchargé de ces
soins par sa qualité d'homme?
Serait-ce parce qu'il travaille au dehors? L'ou-
vrière aussi, hélas! Serait-ce parce que ses travaux
sont plus fatigants? La journée d'une blanchisseuse
ne doit guère être plus reposante que la pluspart
des journées masculines.
Ces pensées méritent d'être livrées à la mé-
ditation des ouvriers parisiens. Je suis per-
suadé que par leur justesse elles les frapperont
et feront d'eux des adeptes de l'enseignement
ménager. Si elles déterminaient l' « Ecole du
ménage » de Saint-Ouen à devenir une école
mixte, ce serait parfait. — Armand Depper.
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
LES NATIONALISTES CONSPUÉS
(De notre correspondant particulier)
Caen, 9 mars.
Le général Mercier n'attendait sans doute
pas la réception qui lui a été faite ici. Quand, à
midi, le train qui l'amène stoppe en gare, les
sifflets font rage. Les orateurs nationalistes
sont conspués ferme à leur passage, et derrière
les murs où ils tiennent, à trois heures, leur
réunion privée, ils doivent entendre les huées
de la foale qui organise bientôt un meeting en
plein air. Cellli-ci obtient plein succès. Une
adresse d'attachement au gouvernement est
volée par acclamation. Au départ, les incidents
de l'arrivée se reproduisent, plus violents;
quelques coups sont échangés. Je vous enver-
rai par lettre des détails.
UNE RACE DE GÉANTS
(De notre correspondant particulier)
New-York, 9 mars.
On a découvert dans une caverne, aux en-
virons de Mesa-Reco (Nouveau Mexique), le
squelette d'un homme mesurant quatre mètres
de longueur. L'avant-bras n'avait pas moins
d'un mètre dix centimètres ; la circonférence
de la cage thoracique mesurait deux mètres
dix centimètres.
On assure qu'il y a encore enfoui plus d'un
millier de squelettes de géants dont la légende
a transmis le souvenir aux Indiens.
LA CAISSE DE SAINT-ANTOINE
(De notre correspondant particulier)
Berne, 9 mars.
Il y a quelques années un moine français,
M. Barail, avait fondé à Kussnacht un « Insti-
tut Belhleem », et fait une émission d'obliga-
tions de Saint-Antoine, munies de coupons.
Chaque coupon portait cette mention :«50 cen-
times à payer ici en numéraire et remboursa-
bles : au ciel à la caisse de Saint-Antoine.»
Dernièrement encore le P. Barail a ouvert
une nouvelle souscription. Plusieurs journaux
catholiques même désapprouvent ces procé-
dés et demandent l'intervention des autori-
tés.
LES ManIONS EH ANGLETERRE
(De notre correspondant particulier)
Londres, 9 mars.
Les autorités ecclésiastiques de Salisbury ont
constaté avec une vive consternation que des
émissaires mormons qui parcouraient depuis
quelques mois cotte région ont réussi à y créer
une communauté de la secte des Polygames.
Les adeptes ont été baptisés, à minuit, dans
la rivière d'Avon. La propagande se poursuit
aussi dans les contrées avoisinajites de Salis-
bury. -
LES ZEBRES DOMESTIQUES
(De notre correspondant particulier)
Londres. 9 mars.
Le Journal Officiel de Mombassa annonce
que le baron Bronsart von Schellendorff qui
depuis quelques années est établi dans la région
de Kilimanjaro, a réussi à apprivoiser et à
dresser des zèbres.
Ces animaux seraient assure-t-on supérieurs
aux chevaux. Le baron vendra les zèbres à des
prix variant entre 200 et 300 roupies.
UNE LETTRE
M. Turinaz, évêque de Nancy, honore l'é-
piscopat français.
Ce prélat courageux qui, jadis, dénonça à
l'opinion publique les scandales dos bagnes
hermaphrodites, mi-pieux, mi-commerçants,
placés sous la protection de la religion, vient
de publier une lettre qui est destinée à un cer-
tain retentissement.
Traitant de la décadence de l'Eglise fran-
çaise, M. Turinaz détermine les causes de l'a-
baissement du catholicisme, et s efforce de re-
chercher les remèdes à un état de choses qui
le désespère.
Nous nous accordons avec lui pour dire que
le mal ne vient pas d'une foi, qui, comme
toute croyance, comme toute conviction, doit
être respectée quand elle est sincère, mais des
ingérences du clergé dans la politique etdes in-
terventions des laïques dans la religion. Voici
d'ailleurs comment l'évêque s'exprime :
En France, certains laïques se sont arrogés de-
puis longtemps le droit de diriger et d'enseigner
non seulement les jeunes prêtres et les séminaristes
mais tout le clergé et los évôques eux-mêmes.
Et, ce qui est prodigieux, c'est la docilité,la sou-
mission, l'abnégation, l'humiliation d'un grand
nombre de catholiques et de prêtres sous la verge
de ces maîtres, sous leurs leçons hautaines, et par-
fois sous leurs accusations et leurs injures.
k- - - -
Le pape, lui noc plus, n'est pas content des
catholiques français. Dans une lettre récem-
ment adressée à M. Servonnet, archevêque de
Bourges, il blâme vigoureusement les journa-
listes cléricaux qui ne sont point dociles à sa
voix : « Nous l'avouons avec douleur, écrit-il,
il y a encore plusieurs journalistes qui, d'une
manière ouverte ou dissimulée, continuent
à contrecarrer nos enseignements et nos exhor-
tations. »
M. Turinaz — et c'est un courage assez rare
à notre époque — a la franchise de dire ce
qu'il pense. Aussi, s'il doit s'attendre à ce que
les faux dévots et les Tartufes modem-style ne
lui ménagent ni leurs attaques perfides ni leurs
injurieuses insinuations, recevra-t-il du moins
l'approbation et i'eofiouraeemftni {[3 :i.is iÕs
gens de bn* sSfts. -
ut cela seul, s'il en était besoin, affermirait
la conviction qu'il s'e8t faite : Le péril ne vient
point du dehors ; « il ne vient pas des épreuves
que nous font subir les ennemis de Dieu. Le
danger est au dedans, dans l'Eglise même ; ce
sont les catholiques qui tuent les catholi-
ques 0.
- - StaOjJ'Evôquo! — André Armbrusltr.
LES AMIS
---DE ftBOLtSCEHEE
Discours de M. Henri Brisson
Une matinée à la mairie du 18*.— Elo-
quente allocution. — L'œuvre de
la République. — Une fête ar-
tistique. — De 1 Odéon à
l'Opéra.
Les commissaires de la fête donnée hier au
bénéfice de l'Œuvre des Amis de l'Adolescence
ont eu fort à faire. Bien avant deux heures il
n'y avait plus un fauteuil, plus une chaise
inoccupé dans la coquette salle des fêtes de la
mairie du 18' arrondissement. Hors l'intérêt
porté à l'Œuvre, un programme des mieux
composés, le régal d'une allocution de M. Henri
Brisson avaient attiré un public si nombreux
que beaucoup d'invités n'ont pu assister à la
fête promise. Hâtons-nous de dire que les pro-
messes des organisateurs n'ont pas été trom-
peuses : l'ancien président du conseil des mi-
nistres a parlé avec son éloquence coutumière
au milieu des applaudissements de l'auditoire;
le concert a été d'une haute tenue artistique.
Remarqué dans l'assistance : MM. Joly, se-
crétaire de M. Brisson ; A. Weber : Heppen-
heimer,président du conseil des prud'hommes;
Josset, Kleinmann, Hanebelle, ajoinls au
maire : Mlle Bonnevial, vice-présidente de la
Société.
Le discours de M. Srisson
Après des remerciements adressés à M.Henri
Brisson par M. Pugeault, notre éminent colla-
borateur se lève et prononce le discours sui-
vant :
Mesdames, messieurs,
Grâce à votre extrême bienveillance, me voici de
nouveau à cette place où vous m'aviez appelé déjà
l'an passé; aussi ai-je presque envie de commencer
par exprimer un regret: c'est que Montmartre
ait été annexé à Paris. S'il était encore commune
indépendante j'aurais sollicité l'honneur d'être
nommé citoyen de Montmartre ; j'aurais été fier de
mon droit de cité dans cdtte démocratie vaillante
fier aussi de posséder un diplôme signé de M. Pu-
geault, maire de Montmartre.
Permettez-moi de le saluer tout d'abord. Depuis
votre dernière fête, il a subi l'assaut de la maladie
et il a sa la braver comme il sait défier les années;
le voilà plus ami, plus compagnon, plus camarade
de l'adolescence, plus jeune lui-môme encore que
l'an passé.
Pour moi, si j'ai accepté avec empressement de
venir présider votre fête cette année, o'est surtout
pour vous dire à vous, publiquement, les impres-
sions fralches et fortes, charmantes et sérieuses
que j'avais emportées de celle de l'an dernier.
LES LUTTES PASSEES
Nulle part plus de cordialité, plus de gr&ce et plus
d'allégresse dans une œuvre utile et féconde; tout
le monde s'en mêle: votre administration, vos élus,
vos artistes, votre jeunesse et vous tous; on se sent
comme enveloppé par une camaraderie délicate et
joyeuse qui vous met tout de suite en confiance,
vous pénétre et vous repose des luttes que nous livrons
ailleurs.
Et cependant, même ici, il faut évoquer le souve-
nir de ces luttes. Qu'ont-elles, en effet, pour objet?
Non pas, comme on vous l'a dit, la possession du
pouvoir. Non, ou du moins, la possession du pou-
voir elle-même n'a pour objet, de la part des démo-
crates sincères, que la protection, la défense, l'éclo-
sion, la floraison sans cesse plus épanouie de cette
société nouvelle dont la troisième République, re-
prenant les traditions de ses devancières, se flatte
d'avoir suscité l'avènement.
Oui, mes amis, une société nouvelle.
Ce n'est pas ici que l'on prêterait l'oreille & ces
perfides ou à ces sots qui prétendent, pour la ren-
verser, que la République n'a rien fait. Laissons de
côté, si vous le voulez, son œuvre législative, si
importante pourtant et si progressive par tant de
côtés. Ne parlons que du spectacle que vous donnez
en ce moment, que donnent partout en province,
comme à Paris, ces associations infinies de prévoy-
ance, de mutualité, de patronage, d'éducation so-
ciale, dont le résultat principal est moins dans leur
objet direct et tangible que dans la participation
étroite, fraternelle, des générations qui se suivent
et des catégories les plus diverses de citoyens à cette
œuvre de solidarité sans laquelle il n'y aurait pas
de démocratie, pas de République.
LA RÉPONSE DE LA RÉPUBLIQUE
A cette œuvre d'égalité et de fraternité, la libert é
a suffi ; car c'est la gloire, c'est l'honneur de la
République, d'avoir répondu à chaque agression
nouvelle de ses adversaires parl'octroi d'une liberté
nouvelle : liberté municipale, liberté de réunion,
liberté de la presse, liberté d'association ; celle-
ci passée en usage et dans les mœurs, grâce au
libéralisme du gouvernement républicain, avant
même de prendre place dans nos lois. Grâce à elle
on a vu tomber ces barrières que la tyrannie, ré-
gnant parla division,maintenait entre les citoyens.
De loin en loin, aux jours de discordes civiles,
on voyait bien la jeunesse des écoles et la popula-
tion laborieuse des villes fraterniser dans quelque
élan révolutionnaire ; aujourd'hui, o'est dans la
paix, c'est dans l'ordre, dans la fraternité, dans
l'émulation féconde que se fait ce rapprochement ;
il ne se fait plus seulement entre la jeunesse stu-
dieuse et les citoyens adonnés aux travaux manuels;
la fusion s'opère entre ceux-ci et les maîtres de
l'esprit français, professeurs des facultés, profes-
seurs des lycées, tous viennent à l'envi retremper
leur science aux sources de l'attention et de l'en-
thousiasme populaires.
Je sais bien que je ne suis pas ici dans une Uni-
versité populaire, mais laissez-moi penser que tou-
tes ces institutions se ressemblent par un dessein
commun; celui de donner aux enfants, aux jeunes
gens, aux adultes, aux hommes faits, cette série
d'habitudes, de doctrines morales, destinées, par
l'éducation civique des hommes et des femmes, à
former enfin une nation unie par des traditions
vigoureuses et par un haut idéal.
LA MISSION DE LA FRANCE
La patrie, en effet, mes amis, c'est sans doute,
avant tout, le sol sacré des ancêtres: mais o'est
aussi cet idéal qui marque notre place dans le
monde, qui fait depuis plus de cent ans le fond de
la conscieno nationale.
Oui, à la fin de l'autre siècle, la France s'est
donné pour mission d'élever sans cesse, par plus
de liberté, la personne humaine à plus do justice,
de dignité et de bonheur.
Cette mission, elle la poursuit dans la bonne et
dans la mauvaise fortune. L'école laïque avec ses
œuvres d'hygiène, d'assistance, de mutualité, de
protection de l'adolescence et de la jeunesse, d'é-
ducation sociale ; l'école laïque et les institutions
comme celle-ci, tout en développant les qualités
les plus cordiales et les plus aimables de la race
sont aussi nos plus puissants agents pour l'enfan-
tement de cotte société nouvelle.
Eh bien, mes chers amis — et je m'adresse ici
surtout à la jeunesse, aux adolescents qui m'en.
tourent - cette société nouvelle, toujours plus pé-
nétrée d'égalité et de fraternité, cette société nou-
velle où sera rendue la joie de vivre à des millions
de créatures humaines qui n'en connaissent trop
souvent que la tristesse, cette société nouvelle qui
s'ébauche va subir l'un des plus rudes assauts que
la République française ait subis depuis longtemps.
Encore une fois,sous lo nom de plébiscite,on va pro-
poser à ce peuple d'abandonner la souveraineté
réelle dant il jouit pour courir après la grossière
illusion dont tout le résultat serait de se donner
un maître irresponsable, empressé de nous con-
duire, après avoir détruit toutes nos libertés, à
quelque nouveau Waterloo, à quoique nouveau Se-
dan, à la ruine plus irrémédiable encore do la pa-
trie.
AURORE CREPUSCULAIRE !
La patrie, dont nos adversaires prétendent acca-
parer la nom. la pQÎfl", C'"!Î "î!?, 11^3 têmpS
J -- 1" ", .I.&.I.,JJ(j iLtHl1p
que la République, c'est elle quo nous avons à dé-
fendre contre les héritiers de ceux qui, dans le
dernier siècle, l'ont exposée, trois fois, à de cruel-
les mutilations. Il na nous en resterait plus une
parcelle s'ils pouvaient égarer encore la nation.
Serrons donc les rangs, jeunes et vieux, républi-
cains do toutes nuances, citoyens et citoyennes
serrons les rangs pour ne pas laisser passer l'en-
nemi.
Et, puisque nous sommes à Montmartre, pen-
sons^ ; jse donnons pas au 20' siècle e
et singulière aurore : l'ombre du Saoro-CoMM
étendue sur la France de Voltaire et de Viotor
Hugo.
Une longue ovation est faite à M. Henrr
Brisson lorsque, appelé à la Chambre, il
doit quitter la sal!e sans pouvoir applaudir lu-
artistes.
Le concert
Ceux-ci, les meilleurs de nos théâtres, tour
à tour enchantent l'auditoire. Ils seraient tous
à complimenter, tous à citer. Au hasard gla-
nonsles noms de Mlle Blanche Hugnet.du théâ-
tre Lyrique, de M. Paul Séguy, de l'Opéra, qui,
après s'être fait applaudir successivement vien-
nent chanter avec un entrain endiablé et une
maîtrise incomparable le duo du « Maître do
Chapelle»; M.et Mme Sadi-Pety,de l'Odéon.M.
Louis Tune, du théâtre Antoine qui désopilent'
agréablement la rate du spectateur ; le chan-
sonnier Lafaire, très verveux ; la sympathique
Mlle Magdeleine Godard, qui fait chanter si
joliment les cordes de son violon et enfin lest
charmantes danseuses de l'Opéra, Miles San-
drini, Régnier et Léa Piron, qui interprètent*
avec infiniment de grâce le conte de fée d'Er-
nest Depret.
-
UN DISCOURS DE
M. LÉON BOURGEOIS
- k
M. Léon Bourgeois a présidé hier à Ponloise
une conférence de M. G. Lefèvre, candidat du'
parti républicain démocratique contre M. la ,
vicomte Cornudet, député sortant.
Après quelques mots de M. le docteur Pay.
ron , ancien directeur de l'Assistance publique
de Paris, doyen des conseillers généraux répu-
blicains de la région, M. G. Lefèvre développe
le programme du parti républicain démocra-
tique. Il est fort applaudi. M. Léon Bourgeois
prend ensuite la parole.
Il remercie les nombreux électeurs et féli-
cite le conférencier de son très clair et très
éloquent exposé. Il définit ensuite les condi-
tions dans lesquelles va s'engager la prochaine
bataille: d'un côté, une armée républicaine,
unie, disciplinée, tranquille, forte; en face
d'elle des groupes agités, venus de tous les
points, cherchant ce qui pourrait les réunir'
et ne le trouvant pas, cherchant un nom et ne
trouvant qu'un masque.
M. L. Bourgeois fait allusion & la polémiquf
do M. Baragnon et de M. Lemaitre sur les in<
cidents de Nîmes et à la situation faite à M,
Méline dans son département.
Il trace ensuite à grands traits le DrOŒram
me républicain. - - -
Ce programme se résume & ces deux grao..
des idées : une politique intérieure de liber.
et de justice, une politique extérieure vrai-
ment nationale.
C'est la doctrine qui a été l'âme de la Franec
au cours de ce siècle, celle qu'ont formulât
les philosophes de la fin du dix-huitième siè.
cle, celle qui a animé la Révolution,.qui a inlt
piré les historiens, les penseurs et les poèlei
comme Michelet, Quinet et V. Hugo, qui a élit
formulée par les grands orateurs de la Répu-
blique, comme J. Favre et Gambetta. Pour la
défendre, il faut que tous les vrais démocrate.
soient unis. Les républicains les plus modé.
rés, du moins ceux qui sont clairvoyants, ont
rallié le gros de l'armée. Des hommes comme
M. Isambert ont tenu à marcher au combat
avec les républicains qui, sur certaines ques-
tions, sont en désaccord avec eux, mais qu'ils,
veulent aider à défendre les institutions répuJ
blicaines et la politique de progrès social.D'au
très républicains modérés se sont laissés ab-
sorber par les adversaires de la République.
Quelques uns enfin essaient de créer un parti
modéré entre ces deux extrêmes « du parti qui
n'est pas extrême ». C'est une illusion, il faut
se décider, être avec ou contre la Révolution,
la liberté, la fraternité, la justice et l'égalité.
M. Léon Bourgeois, après une allusion aux
habitudes d'injures, de diffamations et de ca-
lomnies des nationalistes, esquisse à grands
traits les réformes politiques, fiscales et so-
ciales qu'a déjà réalisées la République et celle;
qu'on peut attendre d'elle. La République a
donné au pays la liberté de la presse, de réu-
nion, d'association. Cette loi des associations si
féconde déjà,dont les résultats seront inappré-
ciables, est une loi de liberté et une loi de dé-
fense contre les congrégations internationales.
Et l'orateur rappelle la campagne des assomp-
tionnistes. L'auditoire souligne particulière-
ment ces paroles.
M. Léon Bourgeois appelle l'attention sur la
nécessité de protéger, entre toutes les libertés;
celles de l'enfant, du pauvre, de l'infirme, du
vieillard. Il évoque les grandes idées sociale&
qui lui sont familières. A l'aumône qui dimi-
nue et déprime, il faut substituer la solidarité
qui relève.
Chacun doit contribuer par son versement à
l'assurance qui le garantira contre les acci-
dents, contre l'invalidité, contre la vieillesse-
il faut que le contrat soit réglé de telle sorte
que chacun le trouve juste,quelle que soit la si-
tuation qu'il aura, que le contrat soit à son
avantage ou à sa charge.
Au dehors, une politique vraiment nationale
dit M. Bourgeois. On sait la belle définition
qu'il a déjà donnée de l'armée: « l'épée vivante
de la France mise entre des mains loyales pour
la défense du droit». Peut-il y avoir un m6"en-
tendu entre l'armée et la démocratie? L'arma,
c'est la nation tout entière. Et comment ose-t-
on jeler dans la mêlée des partis le nom sacré
de la patrie ? On ne sert pas la patrie en criant :
Vive l'arméol dans les rues,on la sert en faisant
son - devoir - militaire à l'heure - voulue, - en ré-
pondant à son appel au jour du danger, et les
représentants du pays la servent en faisant
attentivement, silencieusement, modestement
tous los jours ce qu'ils peuvent pour perfec-
tionner l'organisation de la défense nationale.
A ce devoir les républicains n'ont jamais man.
qué et ne manqueront jamais.
Cette armée, elle doit défendre la liberté de
la France, elle ne doit jamais servir d'autres
causes que la cause française. Il ne faut pas
que ses actions extérieures pénètrent jamais
dans la direction de nos affaires nationales; il
ne faut pas que, pour avoir voulu défendre
d'autres intérêts, nous risquions de nous trou-
ver quoique jour isolés comme nous l'avons été
en 1870.
Voilà ce programme que les républicains
soutiendront ouvertement; ils sccapteront la
discussion partout, sans jamais recourir aux
procédés dont on se sert contre eux. 11 triom-
phera aux prochaines élections,et la République
pourra vivre à l'abri des assauts do ses adver-
saires et devenir enfin une vérité.
L'auditoire acclame M. Léon Bourgeois. De
longs applaudissements soulignent ses paroles.
L'assemblée vote ensuite une adresse au gou-
vernement de défense républicaine et un ordro
du jour approuvant le programma de parti
démocratique.
L'INCIDENT AUGÉ-OESCHANEL
La ïetlrô suivante de M. Augé, député, à ses
témoins, fait connailro ainsi lo litige i
Je lis dans le Temps do ce soir qu'au cours de Ir. ,
séance de co matin M. Deschanel aurait prononcé à
mon adresse les paroles suivantes : a Je vais faire
appeler le médecin. »
Ne les ayant pas entendues, io vous prie de de-
mander au président do la Chambre s'il les a réelle-
ment prononcées.
Si, oui, considérant ces parolescemrao QUQUUutest
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