Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-03-09
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 mars 1902 09 mars 1902
Description : 1902/03/09 (N11685). 1902/03/09 (N11685).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75493365
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
CSIJMO CENTIMES le Numéro.'
PARIS & DÉPARTEMENTS
4LO Numé*«o: CINQ CSNTIBS
fMDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
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Paris 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Département • • 2 - 6 — il — 20-
f £ itk Postale. 3— 9—4.6— 32 —
ÂFIITO|TEiiB en CHEF : Charles BQF
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eMM h. LAGRANGE, CERF & Ctt
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURN&&
RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 13111
De 4 à 8 heures du soir et de 40 heures du soir à 1 heure du matin
No 11685. — Dimaxiclie 9 Mars 1902
18 VENTOSE AN 110
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
- emain
Tel est le titre d'une élude publiée dans la
Nouvelle Revue par M. Jules Delvaille, profes-
seur au lycée d'Angoulêmo et rééditée en ce
moment par la librairie Cornély: nous ne sau-
rions trop recommander à nos amis la lec-
ture de ce travail dû à l'un des maîtres de la
jeune Université.
Bannir des programmes, classiques ou pra-
tiques, tout ce qui est une surcharge pour la
mémoire, tout ce qui n'a pas pour On essen-
tielle le développement de la réflexion; —
faire du baccalauréat un examen d'aptitudes
intellectuelles ; — former des esprits et prépa-
rer des citoyens ; — orienter do plus en plus
son enseignement moral et civique dans le sens
du principe même du régime démocratique :
tels sont les principes qui, suivant M. Del-
vaille, doivent servir de guide à l'Université
de demain.
La nouvelle édition est précédée de la lettre
suivante :
MONSIEUR,
/ous vous proposez de rééditer votre
étude sur l'Université de demain, que j'ai
lue l'été dernier dans la Nouvelle Revue ; je
suis heureux de votre résolution. Il im-
porte en effet, au début du xxe siècle, d'ac-
tiver la propagande sur les questions d'en-
seignement. Vous recherchez les moyens
d'assurer de plus en plus l'égalité des en-
fants devant l'instruction et, pour em-
ployer votre expression, de constituer en
notre pays, dès l'école primaire et par
l'école primaire, une démocratie homo-
gène.
Ce sera un grand service que vous au-
rez rendu, plusieurs de vos collègues et
vous.
Malgré tout ce qui a été fait de grand en
France dans le siècle précédent, on peut
regretter que nos dirigeants n'aient pas
su ou pas pu donner à la nation un idéal
commun.
A la fin du XVIIIe siècle, la coalition des
rois contre notre Révolution, en jetant
toute la France sur les champs de bataille,
nous avait trop distraits du but démocra-
tique de cette révolution. L'ambition dé-
mesurée de Bonaparte, qui ne pouvait se
soutenir que par la guerre à outrance, l'a-
charnement avec lequel l'Angleterre, dans
l'intérêt de sa grandeur commerciale, sou-
doya et prolongea la coalition, nous écar-
tèrent de plus en plus de la pensée des
hommes de 89 et de 92. Le retour des Bour-
bons assura la réaction commencée par
Napoléon; la lutte entre la Révolution et
la Contre-Révolution accapara tous 4es
efforts.
On avait vu la Prusse, après 1806, pré-
senter à l'Allemagne, comme un idéal com-
mun, la revanche contre l'ennemi hérédi-
taire et l'unité sous son hégémonie, comme
moyens de réaliser cet idéal, l'enseigne-
ment national avait été conçu dans ce
sens, tendu dans cette direction ; le
service militaire obligatoire avait été
inauguré. En France, les classes diri-
geantes crurent pouvoir s'isoler du peuple
uu double point de vue de l'enseignement
et de l'impôt du sang la culture de leurs
propres fils leur parut assez précieuse pour
légitimer un ordre particulier d'enseigne-
ment et la libération du service militaire à
prix d'argent. Cette criante inégalité avait
peut--être déjà dessiné le fossé que la loi
Falloux devait élargir et creuser entre ce
que l'on a nomme « les deux France ». La
patrie a durement expié ce retour d'esprit
aristocratique dû. aux Napoléon et aux
Bourbons. Malgré les dures leçons de 1814
et 1815, après plus d'un demi-siècle, la
guerre de 1870 devait nous trouver en-
core dans cet état militaire étonnant où les
fils du peuple faisaient sept années de ser-
vice, tandis que ceux des classes riches ou
aisées se dispensaient de l'impôt du sang
par un sacrifice pécuniaire ; du moins la
catastrophe nous surprit-elle au moment où
le second empire ébauchait une organisa-
lion légèrement différente ; plus de cin-
quante annees avaient été perdues par une
série de gouvernements dont la tâche, ce-
pendant, était relativement facile. En ce
qui concerne l'enseignement, un quart au
moins des Français de vingt ans était com-
plètement illettré,
La troisième République essaie, depuis
trente ans, de reprendre les traditions d'éga-
lité de la Révolution ; sa marche est d'ail-
leurs entravée par des embarras de toutes
Bortes par des obstacles sans cesse renou-
velés, par une conspiration toujours renais-
sante : 1873,1877,1889,1899. Elle est gê-
née surtout par le manque de ressources :
les vingt milliards de dettes que lui a lé-
gués l'empire plébiscitaire et les réfections
onéreuses qu'elle a dû entreprendre pèsent
lourdement sur elle et paralysent en partie
ses élans. Elle a beaucoup fait toutefois. En
1872, en 1889, elle a marqué deux étapes
vers l'égalité dans le service militaire. Dans
l'enseignement, elle a établi la neutralité
religieuse, l'obligation, la gratuité de l'é-
cole primaire; mais non l'harmonie et la
suite. L'esprit qui a dominé presque tout le
siècle dernier garde de fortes survivances :
l'enseignement supérieur semble avoir été,
en certaines parties, assoupli de façon à
se prêter à des dispenses du service mili-
taire ; hier encore, la grande commission
de l'enseignement à la Chambre des dépu-
tés, éluj pour examiner et réformer l'en-
semble de notre système général d'instruc-
tion, ne s'est attachée, durant quatre an-
nées, qu'à l'enseignement secondaire et,
dans cet ordre, qu'aux réformes pédago-
giques. -
L' « Enquête » et les propositions qui
l'ont suivie témoignent des préoccupations
les plus hautes et les plus louables. On
aurait pu les imaginer moins exclusives,
plus générales : une centaine de mille jeu-
nes gens ont comme caché à la commis-
sion les six millions d'enfants qui ne re-
çoivent pas l'enseignement secondaire ;
treize cent mille sont encore dans la main
des congréganistes dont nous connaissons
l'esprit par le discours de M. Léon Bour-
geois ; cinq à six mille professeurs, très
méritants et du sort desquels elle a bien
fait de se préoccuper, l'ont empêchée de
voir les cent ou cent cinquante mille insti-
tuteurs ou institutrices qui, en somme,
élèvent le gros de la nation. Reconnais-
sons d'ailleurs que l'ensemble de la ques-
tion était bien vaste.
Tout en étant peut-être un peu opti-
miste, en ce qui regarde l'enseignement
primaire et sa situation gré®saterreras avez
cependant vu, vous, Monsieur, tout le pro-
blème; vous en avez, à la fin de votre étude,
marqué le caractère national et social. Le
recrutement des élèves de l'enseignement se-
secondaire vous préoccupe et vous montrez
que la réforme doit avoir, ce sont vos ex-
pressions, son contre-coup sur l'enseigne-
ment primaire. Ici, il faut vous lire et je ne
veux pas vous analyser. Il faudrait surtout
que beaucoup de pères de famille, je dirais
plus volontiers encore de mères de famille se
pénétrassent de vos idéeset,qu'à cettelecture
leur tendresse se fit plus clairvoyante. Les
enfants qui grandissent à cette heure, si
des habitudes démocratiques ne leur sont
pas données,risquent fort de devenir mau-
vais ou d'être malheureux ; ils auront de
pénibles surprises. Vous n'êtes pas sans en
avoir le pressentiment. Il est partagé dans
l'Université, dans l'enseignement, par nom-
bre d'esprits attentifs. Puissent vos vues
l'emporter! Si les enfants du peuple de
France tout entier se mêlent et se pénè-
trent, on vous le devra en grande partie.
C'est là l'idéal que vous proposez ; il ne
faudrait pas trop attendre pour en com-
mencer la réalisation.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de
mes sentiments distingués et dévoués.
Henri Brisson.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meunier.
HEUREUSE JNTERVENTION
Depuis quelques jours, on
n'entendait plus parler à la
Chambre que du répartement
de la cote mobilière et de l'a-
mendement Lemoigne. Ce que
ce pauvre M. Lemoigne était
maudit par tous ses collègues 1
En deux mots, voici pourquoi : M. Lemoi-
gne,député de Cherbourg, avait jugé à pro-
pos, l'an dernier, au cours du vote de la loi
de finances, de faire modifier la répartition
de l'impôt mobilier parce qu'il trouvait que
son département était trop chargé. Son
opération fut des plus simples : il dégreva
56 départements et en surchargea 30. La
Seine était parmi les trente. Nous succom-
bâmes sous une énorme majorité.Coût pour
la Seine: 1.800,000 francs.
Mais il se produisit quelque chose que
M. Lemoigne n'avait pas prévu. Dans les
départements dégrevés, les conseils géné-
raux, chargés de la répartition, agirent de
telle sorte qu'on vit des châtelains très ri-
ches payer moins qu'avant et de pauvres
diables payer deux fois plus. D'où colères,
réclamations. Le Parlement avait commis
une grosse faute, à la veille des élections
surtout. Il fallait la réparer, mais comment?
Chacun avait sa formule, sa paoacée,son
amendement. Henri Brisson, Georges
Berry et moi, nous avions par exemple une
proposition d'une nettetée absolue. Elle
consistait à dégrever tous les contribuables
dont les cotes étaient augmentées,par suite
de l'amendement Lemoigne, du total de
l'augmentation.
C'est elle qui a passé à une majorité de
130 voix et à la suite d'une intervention des
plus heureuses de M. Rouvier que nous
avions supplié de prendre la parole pour
opposer sa grande autorité è celle du mi-
nistre, expliquer clairement là question et
amener la Chambre à guérir elle-même la
plaie qu'elle avait faite. Ce grand finan-
cier, comme l'a appele M. Caillaux — et
c'est très juste — a prononcé à cette occa-
sion un discours admirable de simplicité,
de clarté, de clairvoyance politique et de
bonhommie conquérante qui a charmé tout
le monde et enlevé le vote. Aussi bien
après cette éloquente improvisation, ap-
plaudie par tous et qui même a valu un
véritable triomphe à M. Rouvier, amis po
litiques et adversaires étaient-ils tous d'ac-
cord pour regretter que l'ancien ministre
des finances ne parlât pas plus souvent
sur ces questions budgétaires dont plus
que personne il possède tous les secrets.
Le résultat, on le connaît, et tous les
Parisiens s'en féliciteront, les petits com-
merçants principalement qui étaient gra-
vement atteints et qui ne paieront pas ce
supplément de taxes venant s'ajouter aux
contributions déjà si lourdes qui les frap-
pent. — Ch. B.
LA DISCUSSION OU BUDGET
Fin du débat. — Dépôt sur le bureau
du Sénat.
La Chambre pareil devoir terminer bientôt
la discussion du budget. On considère que
l'examen de la loi de finances pourra être
achevé lundi soir, de telle façon que le budget
pourra être déposé mardi prochain, sur le bu-
reau du Sénat.
M. LOUBET EN RUSSIE
Dans les milieux officiels on donne comme
à peu près certaine la date du 15 mai comme
devant être celle du départ du Président de la
République pour son voyage en Russie.
On compte que l'absence du Président de la
République sera d'environ quatorze jours. M.
Loubet restera à la cour de Russie pendant
quatre jours,la durée du voyage en mer serait
donc de dix jours pour l'aller et le retour.
———————————
LES THEATRES SUBVENTIONNÉS
M. Couybaa déposé l'amendement suivant
à la loi de finances
Les cahiers des charges des théâtres subvention-
nés devront être soumis à l'approbation des deux
Chambres un an avant leur renouvellement.
LE PRINCE HERITIER DE SIAM
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 7 mars.
LA grince héritier de Siam, qui représentera
le "'h u" Siam au couronnement d'Edouard VII,
visifura Berlin avant de se rendre à Londres.
Il passera deux ou trois jours dans la capitale
allemande et sera reçu par l'empereul' Guil-
laume,
UNE CENTENAIRE <
EN CHEVEUX NOIRS
Hypothèses et controverses. — I*e mi-
crobe du cheveu blalrc. - Une inter-
view qui fera autorité. — Cent un
ans. — La doyenne de la Salpê-
trière. — Cheveux noirs — Su-
prêmes coquetteries.
Tout de suite introduit, j'explique mon
cas à M. Montreuil, le directeur de la Salpê-
trière : Un débat s'est élevé dans la pressa sur
l'existence possible d'un microbe du cheveu
blanc. Certain de nos confrères les plus graves
s'est fait l'écho de cette théorie, révolution-
naire, puisqu'elle ne tend rien moins qu'à la
suppression radicale des chevelures blanches,
couronnes des grands-papas, orgueil des sages
messieurs du pont des Arts. De vieux chroni-
queurs—et je pense aussi des fabricants de
teintures lésés dans leur industrie — ont pro-
testé contre cette mesure de rajeunissement ap-
parent qui abolirait la traditionnelle démarca-
tion des âges. Or, il exista à la Salpêtrière
une centenaire authentique qui a encore des
cheveux noirs, authentiques. Si on lui deman-
dait son avis en la matière et sa fabuleuse re-
cette? M. Montreuil consent avec un sourire,
puis fait une réserve légitime : £ /ie ? voudra-
t elle vous recevoir?,.. On va donc lui deman-
der, de ma part, une minute d'entretien. ., du
Je cause avec le directeur dans le salon du
rez-de-chaussée d'où l'on a vue par la baie des
grandes fenêtres sur l'enfilade des cours de
l'hôpital, cours désertes illuminées ce matin
d'hiver par une franche éclaircie de soleil et
les apparitions furtives — silhouettes blanches
trottinant le long des murs mélancoliques —
de jeunes infirmières laïques à bonnets et ta-
bliers blancs.
Le docteur Mentchikoff, de l'institut Pasteur, qui
étudie en ce moment quelques points du probléme
qui vous intéresse, est venu récemment, me dit
M. Montreuil, visiter notre hospitalisée et lui a
même demandé quelques mèches de ces cheveux
précieux., cadeau qu'elle lui a de bonne grâce
accordé. Pour ma part, j'ignorais jusqu'à ce jour
que les cheveux de l'unique centenaire de notre
établissement fussent noirs, Sa tête est constam-
ment enveloppée d'un bonnet et je n'avais pas
prêté attention outre mesure.
A ce moment on me rapporte la réponse at-
tendue. La centenaire n'est pas rebelle à l'in-
terview. Bien au contraire, me répète en riant
l'infirmière, elle veut voir tout le monde,
hommes et femmes.
Une page de roman
Aimablement cicéroné, je traverse les cours,
franchis les dédales, grimpe les étages et m'ar-
rête sur le seuil de la salle Lavoisier. La porte
s'ouvre et soudain une impression de blan-
cheur me pénètre : tout au long de l'immense
salle baignée de lumière et de soleil, ce sont
les files de petits lits blancs autour desquels
vont et viennent, circulent en ombres grises,
s'attardent en groupes chuchoteurs, des vieilles
humbles et proprettes, de chères petites vieilles
aux figures ratatinées, aux voix effacées, aux
châles noirs : un chapitre vivant de Marni.
Sous les regards intrigués de cette compagnie
je suis le passage ouvert entre les couchettes,
et l'on me conduit devant notre centenaire. Sa
bonne figure rougeaude émerge du lit où elle
trône, le regard tourné vers le jour, un peu
méprisante de ce que ses compagnes papolont
autour d'elle. Je m'approche, elle écarquille
les yeux, chercha ma main et, grossissant à
peine ma voix, je lui cause, un peu ému,
comme à une grand-maman ;
— Quel âge avez-vous ?
Elle affirme avec force : « Cent deux ans 1 a
L'infirmière me murmure à l'oreille : « Elle
n'a que cent un ans, elle se vieillit. par co-
quetterie. » -
J'aborde la question capitale :
— Et vous avez des cheveux noirs ?.
Alors, ragaillardie, elle se redresse, d'un
geste brusque do ses mains recroquevillées elle
rejette en arrière son bonnet: et c'est vrai.
ses cheveux sont noirs. noirs, à peine grison-
nants aux tempos.
Je la félicite. Ravie, elle me dit, à la grande
hilarité de ses voisines de lit : 1 Vous pouvez
en couper une mèche ! »
— Merci, je ne suis pas dooteur, moi ! Ct vous ne
les avez jamais teints ?
Elle me regarde sans comprendre, dans son
ignorance des teintures et des truquages.
— Et vos parents ? Les avez-vous oonnus, vieu,
avec des cheveux noirs ?
Elle se recueille, fouille dans le plus lointain
de ses souvenirs, puis secoue la tôle :
— Non! papa et maman sont morts jeunes, & soi-
xante-neuf ans et à soixante ans; ils avaient des
cheveux blancs.
Puis elle me bredouille toute sa jeunesse,
péle-mêle = Elle est de Seine-et-Oise, elle a vu
Bonaparte « oui, monsieur, j'ai vu passer Bo-
naparte à la Madeleine, j'avais neuf ans ». Elle
est à la Salpétrière depuis de longues an-
nées :
— Vous vous y trouvez bien, vous êtes heu-
reuse?
— Beaucoup; on m'appelle grand'mère.
Aucune idée féministe ne la hante ; c'est une
vieille très joviale,s'accommodant à tout, à qui
la vie pèse peu.
Une question me brûle les lèvres :
— Ne préféreriez-vous pas avoir les cheveux
blancs ?
Ses mains tremblantes ébauchent autour de
son bonnet de guipure l'ébouriffement d'une
chevelure blanche imaginaire :
— Oui se serait joli. Mais — elle se ravise - Je
préfère être comme çà !
— Savez vous qu'on parle de vous dans les jour-
naux ? — non, elle ne sait pas — Vous devez être
t: re d'être presque un phénomène ?
— Je vous crois ! C'est admirable 4 mon
âge !".
Enfantillages
J3 prends congé en remerciant, et, à la porte,
l'infirmière me confie les petites manies, les
goûts et le3 radotages innocents de la doyenne
de la Salpétrière. Elle commet souvent, dans
ses contes sans fin, d'énormes erreurs histori-
ques, de charmants anachronismes, car tout se
brouille en cette cervelle confuse ; elle a aussi
de petits défauts : elle est gourmande, adore
le sucre et — surtout — tient à être flattée et
vénérée.
Mais ce sont des enfantillages que l'on doit
pardonner à ses cent un ans et à ses cheveux.
noirs. - Ch. Armeret.
CES MÉTÉOROLOGISTES 1
Nous soupçonnons fort M. Brunetière d'être
l'expéditeur anonyme de l'exemplaire du 22 fé-
vrier de la Revue de Viticulture, que nous
recevons sous pli cacheté! C'est, en effet, la
faillite. du thermomètre qu'elle nous ensei-
gne. Nous y lisons ;
Météorologie : La tempête froidè du 7 mars
400%. — Comme nous l'avons fait connaître depuis
longtemps, l'échéance de la grande tempête froide
du printemps occasionnée par leminimun des mu-
tations solaires doit se réaliser le 7 mars prochain.
Elle commencera très probablement le 7 mars au
soir entre quatre et cinq heures et nous fournira
de la neige outre le 7 et le 8 et entre le 9 et le 10.
La tempête n'est pas venue. Nous ne nous en
plaindrons pas; mais, sceptiques, nous ne pi-
lirons pas non plus sur les savantes disserta-
tions qui suivent et mènent le météorologiste
de la Revue de Viticulture à conclure :
Cependant la température s'élèvera rapidement
erîre les 4 et 12 avril ; aussi l'on peut prévoir des
mandations à peu près générales dans- les régions
basses, en raison de la grande quantité de neige
qui s'est amoncelée sur nos montagnes pendant
l'hiver. — Hallauer.
Le baromètre de M. Ballauer devait être en
retard 1
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
De Luther à Liebknecht
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 1 mars.
A plusieurs reprises on a dit que Liebknecht
était un descendant de Luther, mais on ne
pouvait citer à l'appui de cette assertion que
des affirmations verbalement transmises de
père en fils. Un journal religieux protestant, la
Çhristliche Welt publie un document qui parait
corroborer les dires des ancêtres du disciple de
Karl Marx.
Le grand-père de Liebknecht était professeur
à l'Université de Giessen. Dans les archives de
l'Université se trouve un document consi-
gnant la mort de Jean-Georges Liebknecht, le
19 septembre 1779, dans les termes suivants :
Natus igitur et in lucem editus est noster
IVasungar Hennebergicar ann. 1679 d. 23
aprilis, pâtre viro doctissimo Michaele Liebk-
necht, scholae trivialis illius oppidi praecep-
tore et collega per 53 annos bene merito, cujus
majores beato Luthero nostro consanguinitate
juncti fuerunt.
C'est-à-dire : Notre Liebknecht est né et a vu
le jour à Wasungen dans l'Henneberg, le 23
avril 1679. Son père était le très savant Micael
Liebknecht, précepteur et collègue à l'Ecole
bourgeoise de cette ville pendant 53 ans ; ce
fut un homme méritant, dont les ancêtres
étaient liés avec notre béatifié Luther par les
liens de la parenté.
GUILLAUME Il APRËS M. LOUBET
(De notre. correspondant particulier)
Berlin, 1 mars.
Dans les cercles de la cour, on croit savoir
qu'aussitôt après le voyage de M. Loubet à
Saint-Pétersbourg, l'empereur Guillaume fera
une visite au tsar. A cette occasion il assiste-
rait à une grande revue navale.
qw
LE SCANDALE DE NAPLES
(De notre. correspondant particulier)
Napies, 7 mar?.
Le fourrier Giuseppe Adami, impliqué dans
le scandale militaire de Napies, est mort subi-
tement et d'une manière mystérieuse, dans la
prison de San Efremo, où il était détenu. A la
veille de sa mort il avait avoué avoir, dans le
bureau de recrutement, falsifié environ 800
pièces. Il a nommé de nombreux jeunes gens
exemptés du service frauduleusement et il a
désigné plusieurs complices haut placés.
LES JOURNAUX ET LA POSTE
La Chambre va se prononcer sur un amen-
dement au budget des postes et télégraphes,
qui tend à fixer la taxe des journaux et écrits
périodiques par exemplaire à un centime, ces
mêmes journaux et écrits périodiques ne payant
que la moitié de ce prix quand ils circulent
dans le département de publication ou les dé-
partements limitrophes. Les auteurs de l'amen-
dement représentent tous les partis politiques:
ce sont MM. Audiffred, Paul de Cassagnac, Cu-
néo d'Ornano, Drumont, Fournière, Lockroy,
Marcel SembaL et Viviani.
La presse.française, sans distinction d'opi-
nion, a présenté à la Chambre un rapport qui
appuie avec beaucoup d'énergie la proposition
dont il s'agit. Ce rapport réunit les signatures
de MM. Paul de Cassagnac (Autorité), prési-
dent ; de Nalèche f Journal des Débats), secré-
taire ; Fernand de Rodays (Figaro), trésorier ;
Georges Berthoulat (Liberté), Victor Simond
(Radical), membres délégués du comité du
Syndicat de la Presse parisienne ; et celles de
MM. Dubar (Echo du Nord), président, Fer-
rouillat (Lyon-Républicain), Lafond (Journal
de Rouen), Maurice Sarraut (Dépêche, de Tou- ,
louse), et Maurice Schwob (Phare de la boire),
délégués du Comité du Syndicat de la Presse
républicaine départementale.
Devant la commission de la Chambre char-
gée d'étudier la question, c'est M. Maurice
Sarraut qui; avec beaucoup de talent et de
compétence, a été le porte-parole de l'unani-
mité de ses confrères.
Il a expliqué par suite de quelles circons-
tances, le prix du journal en France est géné-
ralement tombé de 15 ou 20 centimes à 5 cen-
Urnes, à un sou.
times, il faut compter par exemplaire do jour-
Or,
nal un centime de dépense de papier, un cen-
time et demi de remise au vendeur ou au dé-
positaire; il resterait donc à peine deux cen-
times et demi pour couvrir les frais de rédac-
t ion, d'information, d'adminis tration,de compo-
sition et d'impression. Mais la poste intervient
alors et prélève deux centimes par exemplaire
pour les départements non limitrophes, un cen-
time pour les autres: c'est-à-dire la dime for-
midable de 40 0[0 ou de 80 OiO, suivant le cas,
sur la valeur brute qu'elle transporte. Aucune
matière première, aucun produit ne sont, en
France, par l'impôt ni les tarifs de transport,
pareillement frappés.
Le résultat le plus clair de cette énorme
charge imposée aux journaux, c'est de ne pas
leur permettre de vivre de leur seul tirage etde
les acculer à la recherche de la publicité.
L'administration a fait observer que la ré-
forme réclamée produirait une diminution de
recettes qu'elle évalue à trois millions. Elle ne
songe pas que l'abaissement des tarifs postaux
amènerait une recrudescence très considérable
de la circulation des journaux. Il se produirait
pour le papier imprimé ce qui s'est produit
pour les lettres et pour les cartes postales.
Ces considérations ne peuvent manquer de
faire comprendre à la Chambre la nécessité de
voter l'amendement qui lui est présenté. Elle
rendra aussi moins précaire l'existence des
journaux — pour la plupart desquels la vie,
en France du moins, est si difficile — et elle
améliorera considérablement la moralité do la
presse.
LES CONGREGA riONS
Avis défavorables
Niort, 7 mars.
Le conseil municipal de Saint-Jouin-de-Mar-
nes a émis un avis défavorable sur la demande
en autorisation des religieuses qui dirigent
l'école.
Celui de Niort, par 8 voix contre 4, a expri-
mé sa confiance envers le gouvernement et lui
a laissé la latitude d'appliquer la loi sur les as-
sociaUonl.
A LA CHAMBRE
DISCOURS DE M. ROUVIER
La contribution mobilière. — L'amen-
dement Le Moigne. — Ruineux dé-
grèvements. — L'alliance anglo-
japonaise. — La conférence des
sucres.
La Chambre a consacré la plus grande par-
tie de sa journée à faire disparaître les mau-
vais effets de l'amendement Le Moigne. Vous
rappelez-vous ce qu'est l'amendement Le Moi-
gne ? Rafraîchissons-nous la mémoire. L'année
dernière, - exacteruent le 10 juillet 1901, -
M. Le Moigne faisait adopter une nouvelle ré-
partition de la cote mobilière. La majorité des
départements étaient déchargés et trente-cinq
étaient condamnés à acquitter la presque to-
talité de l'impôt. La Seine, le Rhône, le Nord,
deux ou trois autres départements, suppor-
taient un poids si considérable de la charge
nationale, qu'à vrai dire c'étaient eux seuls
qui étaient frappés.
Ceci est la théorie. En pratique, les réparti-
tions des conseils généraux concentrèrent l'im-
pôt sur quelques communes seulement par dé-
partement. De sorte qu'il y eut des protesta-
tions très vives, même au sein des régions
que l'on avait privilégiées.
En juillet 1901, deux orateurs avaient seuls
protesté, à la Chambre, contre l'amendement
Le Moigne, et annoncé les résultats qu'il don-
nerait : c'étaient M. Caillaux, ministre des
finances, et notre ami et rédacteur en chef,
M. Charles Bos.
C'est à propos de l'article 2 de la loi de fi-
nances que la question s'est posée.
M. Decker-David se contentait de demander
au ministre des finances comment il se faisait
que,dans la ville d'Aucb, l'archevêque eût été
dégrevé de 321 francs, le préfet de 140 francs,
les couvents de sommes également importantes,
et que les petits contribuables eussent été
écrasés.
M. Caillaux a expliqué que l'Etat avait été
forcé de renoncer à ses anciennes évaluations
locatives, le fisc ayant eu le dessous dans plu-
sieurs procès.
Discours de M. Chauvin
Ce n'était qu'une escarmouche. M. Emile
Chauvin a posé le débat sur des bases plus
larges.
Un certain parti s'est emparé de cette question
purement fiscale pour en faire une arme contre le
gouvernement actuel. On a pu lire le i" février
dans l'Autorité un article contenant cette phrase :
« C'est dans les habitudes de ce gouvernement
d'appliquer arbitrairement des lois que le Parle-
ment n'a jamais votées ou de fausser l'application
des lois existantes. D
Le même article ajoute que les feuilles des con-
tribuables qui comportent des augmentations ont
été augmentées par des machinations de ce gou-
vernement, sans qu'aucun impôt fût voté et que
les contrôleurs des finances ont, par ordre supé-
rieur, majoré les bordereaux.
Voilà de quelle façon les résultats financiers ont
été interprétés contre le gouvernement. Je suis
heureux de saisir cette occasion de rendre hom-
mage aux efforts de M. le ministre des finances qui,
dans la séance du 5 juillet 1901, avait mis la Cham.
bre en garde contre ces conséquences. (Très bien !
très bien ! )
M. Gauthier de Clagny a avoué lui-même
qu'il n'avait qu'à refaire le discours de M. Chau-
vin et il l'a refait.
MM. Raymond Poincare et Charles Bos
avaient dit à M. Caillaux *
— Aviez-vous suffisamment invité le Sénat
à écarter l'amendement Le Moigne?
Discours de M. Caillaux
M. Caillaux a repondm
M. le ministre. — Au Sénat, et je réponds
Ici à M. Poincaré et à M. Bos, j'ai répété les objec-
tions que j'avais faites à la Chambre et que je
viens de rappeler.
Malgré ma résistance, l'amendement fut voté le
5 juillet et nt corps avec la loi des contributions
directes.
On a reproché au gouvernement d'avoir adressé,
à la suite de oe vote, des instructions peu pruden-
tes aux préfets.
Dans la" circulaire que j'ai adressée aux préfets
et dont j'ai remis un exemplaire à plusieurs de mes
collègues, je disais qua la décision prise par le
Parlement présentait cette année un intérêt particu-
lier pour les départements et sous-départements, et
j'ajoutais que le directeur des contributions direc.
tes remettrait au Conseil général un tableau, par
arrondissaient et par commune, des valeurs loca-
tives résultant de la re vision décennale.
M. Caillaux a fait d'autre part une étude
tr4g complète du problème.
M. Rouvier à la tribune
M. Rouvier a prononcé le soir le discours
véritablement définitif, le discours qu'on atten-
dait.
L'éloquence vigoureuse, la profonde connais-
sance de la science financière et le sens politi-
que aignisé dont il a fait preuve — non pour
la première fois — ont été unaninement ap-
prouvés. Il a été applaudi, pour ainsi dire, à
chaque phrase. M. Rouvier se réservait depuis
assez longtemps. Sa rentrée a été fêlée par la
Chambre.
M. Rouvier. — Après la discussion si lumi-
neuse, si claire et si précise de M. le ministre des
finances, la question, qui apparaissait complexe,
s'est singulièrement éclaircie.
A cette heure, il est clair pour tous que l'émotion
qui s'est emparée du corps électoral et qui a eu sa
répercussion ioi, procède de deux faits diffé-
rents.
Le fait générateur a été le vote de l'amendement
Le Moigne, qui a imposé une surcharge à trente ou
trente-cinq départements. C'est le fait dont à mon
sens — et sur ce point je me sépare de AI. le mi-
nistre des finances — nous sommes responsables,
et que nous avons le devoir de corriger.
Le second fait n'engage pas directement notre
responsabilité.
Les conseils généraux ont agi dans la limite de
leurs droits ; leur activité a été éveillée par ce fait
que la Chambre a porté peut-être une main impru-
dente sur une matière imposable qu'il vaut mieux
laisser dormir quand on ne peut pas faire la ré-
forme par voiede dégrèvement. (Applaudissements.)
Ils ont fait, & leur tour, la péréquation entre ar-
rondissements.
De là l'émotion qui s'est emparée du corps élec-
toral.
Peut-être, si la Chambre avait été moins animée
d'un esprit de réforme hâtive, eût-elle considéré,
au moment où l'amendement de M. Le Moigne lui
a été représenté, qu'il ne s'était pas bonifié avec
l'âge.
Toujours est-il que les conseils généraux ont ag-
gravé le-mal dont se plaignent certains de nos col-
lègues. A cela nous ne pouvons rien.
M. le ministre des finances a été peut-être un peu
sévère pour le rôle des conseils généraux. Ces as-
semblées ont fait ce qu'avait fait la Chambre. Elles
se sont trouvées en présence d'opinions très diffé-
rentes.
EUes avaient la statistique de la matière impo-
sable avec son infinie variété. L'autre élément de la
question était la représentation proportionnelle de
ces intérêts dans chacune d'elles.
Elles ont statué dans un état d'esprit qui est le
môme, sans doute, que celui qui a déterminé la
Chambre. C'est aux électeurs à régler cela avec les
conseillers généraux
Ce qui est notre affaire, ce qu'on peut nous re-
procher, c'est d'avoir, par un vote hâtif, oréé la sur-
charge qui, du fait de l'Etat, pèse sur plus de trente
départements.
M. le ministre a apporté ce matin un talent
extrême à la défense d'une thèse qui n'en valait
peut être pas la peine (sourires), car la somme sur
laquelle roule le débat est infinitésimale si on la
compare au chiffre énorme du budget.
Mais M. le ministre n'a pas ébranlé chez moi ce
sentiment que nous avons le droit de revenir sur ce
qu'il y a de trop lourd pour certains départements
dans l'amendement Lo Moigne. Il ne s'agit pas de
revenir sur le vote de eet amendement ; mais, pas
un nouveau texte, de panser la blessure que nous
avons faite nous-mêmes.
La sécheresse de l'analyse officielle ne sau.
rait rendre l'humour que M. Rouvier a dé.
pensé avec prodigalité dans ce discouUo La
Chambre était ravie et le montrait bien.
Plusieurs amendements étaient déposés:
l'un de MM. Sarrien et Chauvin ; un autre de
M. Gauthier de Ckgny, un autre encore.
mais je laisse la parole à M. Charles Bos :
Les votes
M. Charles Bos. — Il me semble que la
Chambre doit discuter d'abord les amendements
les plus larges. Celui de MM. Georges Berry, Le-
rolle, Girou, Mille voye, Muzet, Charles Bernard,
Puech, Charles Bos, Henri Brisson et Ferrettc df-
mande que, tout contribuable qui, du fait de la
loi du 10 juillet 1901, aura à supporter une augv
mentation du taux de sa cote personnelle mobi.
lière, obtienne d'office la remise du montant de
cette augmentation.
M. Georges Berry a défendu avec assez de
vigueur l'amendement dont il s'agit. M. Kloiz
s'est fait l'avocat de celui de M. Sarrien.
M.Jules Mercier a fait une dernière observa-
tion :
M. Jules Mercier. — Après les discours si
complets et si intéressants que nous venons d'en-
tendre, il n'y a plus qu'à tirer de ce débat la mo-
rale qui s'en dégage.
Une faute a été commise, M. le ministre l'a dé-
claré,et cette faute engendre une injustice puisque
les départements -les moins fortunés comme les
plus riches se trouvent frappés.
Quand une faute ou une erreur a été commise.
il faut la réparer. C'est le devoir d'une assembla
comme la nôtre. Pour cela, il n'y a qu'à voter l'a-
mendement de M. Georges Berry. (Applaudisse-
ments sur divers bancs.)
L'amendement G. Berry a été adopté à la
majorité de 322 voix contre 184. La proclama-
tion de ce résultat a été accueillie par des ap-
plaudissements sur un grand nombre de
bancs.
M. Emile Chauvin a remis entre les ma;"
de M. Deschauel la disposition additionnelle
suivante :
Toutefois, seront exceptés du dégrèvement
d'office les contribuables dont la cote mobilière,
antérieure à l'application de la loi du (0 juillet
1901, était supérieure à 150 fr. (Part de l'Stat),
Elle a été adoptée par 312 voix contre 214.
Diverses dispositions complémentaires, dues
à l'initiative de M. Sarrien, ont été aussi adop-
tées.
Un projet do résolution de MM. Sarrien..
Léon Bourgeois, etc., a été retiré, après expli.
cations du ministre des finances, M. Caillaux;
s'était en effet montré disposé à présenter, au
cours de la prochaine session, un projet de
réforme de la contribution personnelle mobi,
lière.
Autres discussions
Résumons, maintenant, les quelques discus-
sions. - dont toutes n'ont pas manqué d'inté-
rêt — qui ont interrompu à deux ou trois re-
prises les débats que nous venons de rapporter.
On a adopté, après observations de MM.
Aynard et Pourquery de Boisserin, le projet de
loi approuvant la convention passée entre
l'Etat et la ville d'Avignon au sujet de la ces.
sion de l'usufruit du château des papes.
M. Denis Guibert questionnait M. Delcassd
au sujet de l'alliance anglo-japonnaise. Le
ministre des affaires étrangères répondit que
cette alliance ne modifiait aucunement notre
politique en Extrême-Orient.
M. Denis Guibert, insatisfait, voulut inter*
peller. Alors son interpellation fut renvoyée,
par 339 voix contre 190, à la suite des autres.
M. Ribot enfin questionna M. Caillaux au
sujet de la conférence des sucres. M. Caillaux.
sans se faire prier, répondit:
M. Caillaux. — Je n'ai pas besoin de dire tout
l'in térét que j'apporte à la question qui vient de
m'être posée. Le gouvernement de la République a
abouti à faire signer avec les autres puissances une
convention pour supprimer toutes les primes sur
les sucres. (Applaudissements.)
Pas plus que M. Ribot, je ne veux apprécier l'oeu-
vre de la conférence. Mais je suis en droit de dire
qu'au point de vue de tous les intérêts générât* du
pays il n'a pas été fait depuis longtemps œuvre
plus salutaire. (Applaudissements.)
M. Ribot prit acte de cette déclaration. A jou-
tons à ces menus événements le vote de plu-
sieurs articles do la loi de finances, l'échec de
M. Fachard qui voulait affranchir les bouilleurs;
de cru de la déclaration et nous aurons tout
dit.
Séance ce matin, à neuf heures, pour taire
avancer le budget.
Hugues Destrem.
AU SÉNAT **
Le Sénat a poursuivi l'examen de la question
de la marine marchande.
La commission, qui s'était entendue avec M'
Dubost, auteur d'un amendement pris en con-
sidération la veille, a proposé la rédaction que
voici :
Le montant total des compensations d'armement
et des primes à la navigation à accorder en vertu
de la présente loi est limité au chiffre total de 150
millions. Le montant total des primps à li cons.
truction ne pourra dépasser le chiffre global de 50
millions.
Ce texte a été adopté après observations do
MM. Monestier, Raynal, Millerand.
Seconde délibération jeudi prochain, —ff. D«
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Ligue de la Jeunesse radie aie-socia-
liste.
Le Comité central de la Ligue française de tet
Jeunesse républicaine, radicale et radicale-so-
cialiste, s'est réuni hier soir vendredi au siège
social, 12, rue Port-Mahon, sous la présidence
de M. Louis Henrique-Duluc, député.
Après avoir adopté le procès-verbal de ift
séance précédente, le comité a examiné les
diverses questions inscrites à l'ordre du jour.
Il a décidé de poursuivre la création de
nouvelles sections à Paris et dans les- départe*,
ments.
Le Comité a ensuite examiné l'attitude & ob-
server par les membres de la ligue pendant ie
cours de la période électorale, et décidé la pu*
blication d'un manifeste dont les termes s.
ront discutés à la prochaine séance.
Le Comité a désigné les conférenciers qui
devront se rendre à l'appel des sections des dt.
parlements.
Afia de pouvoir lutter efficacement contre la
réaction, il a décidé de faire appel au concours
moral et financier de tous les républicains.
Les fonds seront reçus chez M. Hugues Des*
trem, trésorier général, 124, rue d'Assas, Pal
ris (6').
Pour tous renseignements s'adresser au sé*
crétariat général, 12, rue Port-Mahon, Pa«?
ris (2e).
La prochaine réunion du Comité a été fixât
au vendredi 14 mars. u
LES BANDITS DE PARIS
Entre rôdeurs. — Terrible bagarre.
Agents blessés. j
Une bagarre sanglonte, à laquelle ont pris
part des individus appartenant aux bandes de
Leca et de Manda, s'est produit, hier soir, rue
Dénoyez. - >
Trois malfaiteurs, Louis RolUier, £ 3 ans*
PARIS & DÉPARTEMENTS
4LO Numé*«o: CINQ CSNTIBS
fMDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
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6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURN&&
RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 13111
De 4 à 8 heures du soir et de 40 heures du soir à 1 heure du matin
No 11685. — Dimaxiclie 9 Mars 1902
18 VENTOSE AN 110
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
- emain
Tel est le titre d'une élude publiée dans la
Nouvelle Revue par M. Jules Delvaille, profes-
seur au lycée d'Angoulêmo et rééditée en ce
moment par la librairie Cornély: nous ne sau-
rions trop recommander à nos amis la lec-
ture de ce travail dû à l'un des maîtres de la
jeune Université.
Bannir des programmes, classiques ou pra-
tiques, tout ce qui est une surcharge pour la
mémoire, tout ce qui n'a pas pour On essen-
tielle le développement de la réflexion; —
faire du baccalauréat un examen d'aptitudes
intellectuelles ; — former des esprits et prépa-
rer des citoyens ; — orienter do plus en plus
son enseignement moral et civique dans le sens
du principe même du régime démocratique :
tels sont les principes qui, suivant M. Del-
vaille, doivent servir de guide à l'Université
de demain.
La nouvelle édition est précédée de la lettre
suivante :
MONSIEUR,
/ous vous proposez de rééditer votre
étude sur l'Université de demain, que j'ai
lue l'été dernier dans la Nouvelle Revue ; je
suis heureux de votre résolution. Il im-
porte en effet, au début du xxe siècle, d'ac-
tiver la propagande sur les questions d'en-
seignement. Vous recherchez les moyens
d'assurer de plus en plus l'égalité des en-
fants devant l'instruction et, pour em-
ployer votre expression, de constituer en
notre pays, dès l'école primaire et par
l'école primaire, une démocratie homo-
gène.
Ce sera un grand service que vous au-
rez rendu, plusieurs de vos collègues et
vous.
Malgré tout ce qui a été fait de grand en
France dans le siècle précédent, on peut
regretter que nos dirigeants n'aient pas
su ou pas pu donner à la nation un idéal
commun.
A la fin du XVIIIe siècle, la coalition des
rois contre notre Révolution, en jetant
toute la France sur les champs de bataille,
nous avait trop distraits du but démocra-
tique de cette révolution. L'ambition dé-
mesurée de Bonaparte, qui ne pouvait se
soutenir que par la guerre à outrance, l'a-
charnement avec lequel l'Angleterre, dans
l'intérêt de sa grandeur commerciale, sou-
doya et prolongea la coalition, nous écar-
tèrent de plus en plus de la pensée des
hommes de 89 et de 92. Le retour des Bour-
bons assura la réaction commencée par
Napoléon; la lutte entre la Révolution et
la Contre-Révolution accapara tous 4es
efforts.
On avait vu la Prusse, après 1806, pré-
senter à l'Allemagne, comme un idéal com-
mun, la revanche contre l'ennemi hérédi-
taire et l'unité sous son hégémonie, comme
moyens de réaliser cet idéal, l'enseigne-
ment national avait été conçu dans ce
sens, tendu dans cette direction ; le
service militaire obligatoire avait été
inauguré. En France, les classes diri-
geantes crurent pouvoir s'isoler du peuple
uu double point de vue de l'enseignement
et de l'impôt du sang la culture de leurs
propres fils leur parut assez précieuse pour
légitimer un ordre particulier d'enseigne-
ment et la libération du service militaire à
prix d'argent. Cette criante inégalité avait
peut--être déjà dessiné le fossé que la loi
Falloux devait élargir et creuser entre ce
que l'on a nomme « les deux France ». La
patrie a durement expié ce retour d'esprit
aristocratique dû. aux Napoléon et aux
Bourbons. Malgré les dures leçons de 1814
et 1815, après plus d'un demi-siècle, la
guerre de 1870 devait nous trouver en-
core dans cet état militaire étonnant où les
fils du peuple faisaient sept années de ser-
vice, tandis que ceux des classes riches ou
aisées se dispensaient de l'impôt du sang
par un sacrifice pécuniaire ; du moins la
catastrophe nous surprit-elle au moment où
le second empire ébauchait une organisa-
lion légèrement différente ; plus de cin-
quante annees avaient été perdues par une
série de gouvernements dont la tâche, ce-
pendant, était relativement facile. En ce
qui concerne l'enseignement, un quart au
moins des Français de vingt ans était com-
plètement illettré,
La troisième République essaie, depuis
trente ans, de reprendre les traditions d'éga-
lité de la Révolution ; sa marche est d'ail-
leurs entravée par des embarras de toutes
Bortes par des obstacles sans cesse renou-
velés, par une conspiration toujours renais-
sante : 1873,1877,1889,1899. Elle est gê-
née surtout par le manque de ressources :
les vingt milliards de dettes que lui a lé-
gués l'empire plébiscitaire et les réfections
onéreuses qu'elle a dû entreprendre pèsent
lourdement sur elle et paralysent en partie
ses élans. Elle a beaucoup fait toutefois. En
1872, en 1889, elle a marqué deux étapes
vers l'égalité dans le service militaire. Dans
l'enseignement, elle a établi la neutralité
religieuse, l'obligation, la gratuité de l'é-
cole primaire; mais non l'harmonie et la
suite. L'esprit qui a dominé presque tout le
siècle dernier garde de fortes survivances :
l'enseignement supérieur semble avoir été,
en certaines parties, assoupli de façon à
se prêter à des dispenses du service mili-
taire ; hier encore, la grande commission
de l'enseignement à la Chambre des dépu-
tés, éluj pour examiner et réformer l'en-
semble de notre système général d'instruc-
tion, ne s'est attachée, durant quatre an-
nées, qu'à l'enseignement secondaire et,
dans cet ordre, qu'aux réformes pédago-
giques. -
L' « Enquête » et les propositions qui
l'ont suivie témoignent des préoccupations
les plus hautes et les plus louables. On
aurait pu les imaginer moins exclusives,
plus générales : une centaine de mille jeu-
nes gens ont comme caché à la commis-
sion les six millions d'enfants qui ne re-
çoivent pas l'enseignement secondaire ;
treize cent mille sont encore dans la main
des congréganistes dont nous connaissons
l'esprit par le discours de M. Léon Bour-
geois ; cinq à six mille professeurs, très
méritants et du sort desquels elle a bien
fait de se préoccuper, l'ont empêchée de
voir les cent ou cent cinquante mille insti-
tuteurs ou institutrices qui, en somme,
élèvent le gros de la nation. Reconnais-
sons d'ailleurs que l'ensemble de la ques-
tion était bien vaste.
Tout en étant peut-être un peu opti-
miste, en ce qui regarde l'enseignement
primaire et sa situation gré®saterreras avez
cependant vu, vous, Monsieur, tout le pro-
blème; vous en avez, à la fin de votre étude,
marqué le caractère national et social. Le
recrutement des élèves de l'enseignement se-
secondaire vous préoccupe et vous montrez
que la réforme doit avoir, ce sont vos ex-
pressions, son contre-coup sur l'enseigne-
ment primaire. Ici, il faut vous lire et je ne
veux pas vous analyser. Il faudrait surtout
que beaucoup de pères de famille, je dirais
plus volontiers encore de mères de famille se
pénétrassent de vos idéeset,qu'à cettelecture
leur tendresse se fit plus clairvoyante. Les
enfants qui grandissent à cette heure, si
des habitudes démocratiques ne leur sont
pas données,risquent fort de devenir mau-
vais ou d'être malheureux ; ils auront de
pénibles surprises. Vous n'êtes pas sans en
avoir le pressentiment. Il est partagé dans
l'Université, dans l'enseignement, par nom-
bre d'esprits attentifs. Puissent vos vues
l'emporter! Si les enfants du peuple de
France tout entier se mêlent et se pénè-
trent, on vous le devra en grande partie.
C'est là l'idéal que vous proposez ; il ne
faudrait pas trop attendre pour en com-
mencer la réalisation.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de
mes sentiments distingués et dévoués.
Henri Brisson.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meunier.
HEUREUSE JNTERVENTION
Depuis quelques jours, on
n'entendait plus parler à la
Chambre que du répartement
de la cote mobilière et de l'a-
mendement Lemoigne. Ce que
ce pauvre M. Lemoigne était
maudit par tous ses collègues 1
En deux mots, voici pourquoi : M. Lemoi-
gne,député de Cherbourg, avait jugé à pro-
pos, l'an dernier, au cours du vote de la loi
de finances, de faire modifier la répartition
de l'impôt mobilier parce qu'il trouvait que
son département était trop chargé. Son
opération fut des plus simples : il dégreva
56 départements et en surchargea 30. La
Seine était parmi les trente. Nous succom-
bâmes sous une énorme majorité.Coût pour
la Seine: 1.800,000 francs.
Mais il se produisit quelque chose que
M. Lemoigne n'avait pas prévu. Dans les
départements dégrevés, les conseils géné-
raux, chargés de la répartition, agirent de
telle sorte qu'on vit des châtelains très ri-
ches payer moins qu'avant et de pauvres
diables payer deux fois plus. D'où colères,
réclamations. Le Parlement avait commis
une grosse faute, à la veille des élections
surtout. Il fallait la réparer, mais comment?
Chacun avait sa formule, sa paoacée,son
amendement. Henri Brisson, Georges
Berry et moi, nous avions par exemple une
proposition d'une nettetée absolue. Elle
consistait à dégrever tous les contribuables
dont les cotes étaient augmentées,par suite
de l'amendement Lemoigne, du total de
l'augmentation.
C'est elle qui a passé à une majorité de
130 voix et à la suite d'une intervention des
plus heureuses de M. Rouvier que nous
avions supplié de prendre la parole pour
opposer sa grande autorité è celle du mi-
nistre, expliquer clairement là question et
amener la Chambre à guérir elle-même la
plaie qu'elle avait faite. Ce grand finan-
cier, comme l'a appele M. Caillaux — et
c'est très juste — a prononcé à cette occa-
sion un discours admirable de simplicité,
de clarté, de clairvoyance politique et de
bonhommie conquérante qui a charmé tout
le monde et enlevé le vote. Aussi bien
après cette éloquente improvisation, ap-
plaudie par tous et qui même a valu un
véritable triomphe à M. Rouvier, amis po
litiques et adversaires étaient-ils tous d'ac-
cord pour regretter que l'ancien ministre
des finances ne parlât pas plus souvent
sur ces questions budgétaires dont plus
que personne il possède tous les secrets.
Le résultat, on le connaît, et tous les
Parisiens s'en féliciteront, les petits com-
merçants principalement qui étaient gra-
vement atteints et qui ne paieront pas ce
supplément de taxes venant s'ajouter aux
contributions déjà si lourdes qui les frap-
pent. — Ch. B.
LA DISCUSSION OU BUDGET
Fin du débat. — Dépôt sur le bureau
du Sénat.
La Chambre pareil devoir terminer bientôt
la discussion du budget. On considère que
l'examen de la loi de finances pourra être
achevé lundi soir, de telle façon que le budget
pourra être déposé mardi prochain, sur le bu-
reau du Sénat.
M. LOUBET EN RUSSIE
Dans les milieux officiels on donne comme
à peu près certaine la date du 15 mai comme
devant être celle du départ du Président de la
République pour son voyage en Russie.
On compte que l'absence du Président de la
République sera d'environ quatorze jours. M.
Loubet restera à la cour de Russie pendant
quatre jours,la durée du voyage en mer serait
donc de dix jours pour l'aller et le retour.
———————————
LES THEATRES SUBVENTIONNÉS
M. Couybaa déposé l'amendement suivant
à la loi de finances
Les cahiers des charges des théâtres subvention-
nés devront être soumis à l'approbation des deux
Chambres un an avant leur renouvellement.
LE PRINCE HERITIER DE SIAM
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 7 mars.
LA grince héritier de Siam, qui représentera
le "'h u" Siam au couronnement d'Edouard VII,
visifura Berlin avant de se rendre à Londres.
Il passera deux ou trois jours dans la capitale
allemande et sera reçu par l'empereul' Guil-
laume,
UNE CENTENAIRE <
EN CHEVEUX NOIRS
Hypothèses et controverses. — I*e mi-
crobe du cheveu blalrc. - Une inter-
view qui fera autorité. — Cent un
ans. — La doyenne de la Salpê-
trière. — Cheveux noirs — Su-
prêmes coquetteries.
Tout de suite introduit, j'explique mon
cas à M. Montreuil, le directeur de la Salpê-
trière : Un débat s'est élevé dans la pressa sur
l'existence possible d'un microbe du cheveu
blanc. Certain de nos confrères les plus graves
s'est fait l'écho de cette théorie, révolution-
naire, puisqu'elle ne tend rien moins qu'à la
suppression radicale des chevelures blanches,
couronnes des grands-papas, orgueil des sages
messieurs du pont des Arts. De vieux chroni-
queurs—et je pense aussi des fabricants de
teintures lésés dans leur industrie — ont pro-
testé contre cette mesure de rajeunissement ap-
parent qui abolirait la traditionnelle démarca-
tion des âges. Or, il exista à la Salpêtrière
une centenaire authentique qui a encore des
cheveux noirs, authentiques. Si on lui deman-
dait son avis en la matière et sa fabuleuse re-
cette? M. Montreuil consent avec un sourire,
puis fait une réserve légitime : £ /ie ? voudra-
t elle vous recevoir?,.. On va donc lui deman-
der, de ma part, une minute d'entretien. ., du
Je cause avec le directeur dans le salon du
rez-de-chaussée d'où l'on a vue par la baie des
grandes fenêtres sur l'enfilade des cours de
l'hôpital, cours désertes illuminées ce matin
d'hiver par une franche éclaircie de soleil et
les apparitions furtives — silhouettes blanches
trottinant le long des murs mélancoliques —
de jeunes infirmières laïques à bonnets et ta-
bliers blancs.
Le docteur Mentchikoff, de l'institut Pasteur, qui
étudie en ce moment quelques points du probléme
qui vous intéresse, est venu récemment, me dit
M. Montreuil, visiter notre hospitalisée et lui a
même demandé quelques mèches de ces cheveux
précieux., cadeau qu'elle lui a de bonne grâce
accordé. Pour ma part, j'ignorais jusqu'à ce jour
que les cheveux de l'unique centenaire de notre
établissement fussent noirs, Sa tête est constam-
ment enveloppée d'un bonnet et je n'avais pas
prêté attention outre mesure.
A ce moment on me rapporte la réponse at-
tendue. La centenaire n'est pas rebelle à l'in-
terview. Bien au contraire, me répète en riant
l'infirmière, elle veut voir tout le monde,
hommes et femmes.
Une page de roman
Aimablement cicéroné, je traverse les cours,
franchis les dédales, grimpe les étages et m'ar-
rête sur le seuil de la salle Lavoisier. La porte
s'ouvre et soudain une impression de blan-
cheur me pénètre : tout au long de l'immense
salle baignée de lumière et de soleil, ce sont
les files de petits lits blancs autour desquels
vont et viennent, circulent en ombres grises,
s'attardent en groupes chuchoteurs, des vieilles
humbles et proprettes, de chères petites vieilles
aux figures ratatinées, aux voix effacées, aux
châles noirs : un chapitre vivant de Marni.
Sous les regards intrigués de cette compagnie
je suis le passage ouvert entre les couchettes,
et l'on me conduit devant notre centenaire. Sa
bonne figure rougeaude émerge du lit où elle
trône, le regard tourné vers le jour, un peu
méprisante de ce que ses compagnes papolont
autour d'elle. Je m'approche, elle écarquille
les yeux, chercha ma main et, grossissant à
peine ma voix, je lui cause, un peu ému,
comme à une grand-maman ;
— Quel âge avez-vous ?
Elle affirme avec force : « Cent deux ans 1 a
L'infirmière me murmure à l'oreille : « Elle
n'a que cent un ans, elle se vieillit. par co-
quetterie. » -
J'aborde la question capitale :
— Et vous avez des cheveux noirs ?.
Alors, ragaillardie, elle se redresse, d'un
geste brusque do ses mains recroquevillées elle
rejette en arrière son bonnet: et c'est vrai.
ses cheveux sont noirs. noirs, à peine grison-
nants aux tempos.
Je la félicite. Ravie, elle me dit, à la grande
hilarité de ses voisines de lit : 1 Vous pouvez
en couper une mèche ! »
— Merci, je ne suis pas dooteur, moi ! Ct vous ne
les avez jamais teints ?
Elle me regarde sans comprendre, dans son
ignorance des teintures et des truquages.
— Et vos parents ? Les avez-vous oonnus, vieu,
avec des cheveux noirs ?
Elle se recueille, fouille dans le plus lointain
de ses souvenirs, puis secoue la tôle :
— Non! papa et maman sont morts jeunes, & soi-
xante-neuf ans et à soixante ans; ils avaient des
cheveux blancs.
Puis elle me bredouille toute sa jeunesse,
péle-mêle = Elle est de Seine-et-Oise, elle a vu
Bonaparte « oui, monsieur, j'ai vu passer Bo-
naparte à la Madeleine, j'avais neuf ans ». Elle
est à la Salpétrière depuis de longues an-
nées :
— Vous vous y trouvez bien, vous êtes heu-
reuse?
— Beaucoup; on m'appelle grand'mère.
Aucune idée féministe ne la hante ; c'est une
vieille très joviale,s'accommodant à tout, à qui
la vie pèse peu.
Une question me brûle les lèvres :
— Ne préféreriez-vous pas avoir les cheveux
blancs ?
Ses mains tremblantes ébauchent autour de
son bonnet de guipure l'ébouriffement d'une
chevelure blanche imaginaire :
— Oui se serait joli. Mais — elle se ravise - Je
préfère être comme çà !
— Savez vous qu'on parle de vous dans les jour-
naux ? — non, elle ne sait pas — Vous devez être
t: re d'être presque un phénomène ?
— Je vous crois ! C'est admirable 4 mon
âge !".
Enfantillages
J3 prends congé en remerciant, et, à la porte,
l'infirmière me confie les petites manies, les
goûts et le3 radotages innocents de la doyenne
de la Salpétrière. Elle commet souvent, dans
ses contes sans fin, d'énormes erreurs histori-
ques, de charmants anachronismes, car tout se
brouille en cette cervelle confuse ; elle a aussi
de petits défauts : elle est gourmande, adore
le sucre et — surtout — tient à être flattée et
vénérée.
Mais ce sont des enfantillages que l'on doit
pardonner à ses cent un ans et à ses cheveux.
noirs. - Ch. Armeret.
CES MÉTÉOROLOGISTES 1
Nous soupçonnons fort M. Brunetière d'être
l'expéditeur anonyme de l'exemplaire du 22 fé-
vrier de la Revue de Viticulture, que nous
recevons sous pli cacheté! C'est, en effet, la
faillite. du thermomètre qu'elle nous ensei-
gne. Nous y lisons ;
Météorologie : La tempête froidè du 7 mars
400%. — Comme nous l'avons fait connaître depuis
longtemps, l'échéance de la grande tempête froide
du printemps occasionnée par leminimun des mu-
tations solaires doit se réaliser le 7 mars prochain.
Elle commencera très probablement le 7 mars au
soir entre quatre et cinq heures et nous fournira
de la neige outre le 7 et le 8 et entre le 9 et le 10.
La tempête n'est pas venue. Nous ne nous en
plaindrons pas; mais, sceptiques, nous ne pi-
lirons pas non plus sur les savantes disserta-
tions qui suivent et mènent le météorologiste
de la Revue de Viticulture à conclure :
Cependant la température s'élèvera rapidement
erîre les 4 et 12 avril ; aussi l'on peut prévoir des
mandations à peu près générales dans- les régions
basses, en raison de la grande quantité de neige
qui s'est amoncelée sur nos montagnes pendant
l'hiver. — Hallauer.
Le baromètre de M. Ballauer devait être en
retard 1
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
De Luther à Liebknecht
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 1 mars.
A plusieurs reprises on a dit que Liebknecht
était un descendant de Luther, mais on ne
pouvait citer à l'appui de cette assertion que
des affirmations verbalement transmises de
père en fils. Un journal religieux protestant, la
Çhristliche Welt publie un document qui parait
corroborer les dires des ancêtres du disciple de
Karl Marx.
Le grand-père de Liebknecht était professeur
à l'Université de Giessen. Dans les archives de
l'Université se trouve un document consi-
gnant la mort de Jean-Georges Liebknecht, le
19 septembre 1779, dans les termes suivants :
Natus igitur et in lucem editus est noster
IVasungar Hennebergicar ann. 1679 d. 23
aprilis, pâtre viro doctissimo Michaele Liebk-
necht, scholae trivialis illius oppidi praecep-
tore et collega per 53 annos bene merito, cujus
majores beato Luthero nostro consanguinitate
juncti fuerunt.
C'est-à-dire : Notre Liebknecht est né et a vu
le jour à Wasungen dans l'Henneberg, le 23
avril 1679. Son père était le très savant Micael
Liebknecht, précepteur et collègue à l'Ecole
bourgeoise de cette ville pendant 53 ans ; ce
fut un homme méritant, dont les ancêtres
étaient liés avec notre béatifié Luther par les
liens de la parenté.
GUILLAUME Il APRËS M. LOUBET
(De notre. correspondant particulier)
Berlin, 1 mars.
Dans les cercles de la cour, on croit savoir
qu'aussitôt après le voyage de M. Loubet à
Saint-Pétersbourg, l'empereur Guillaume fera
une visite au tsar. A cette occasion il assiste-
rait à une grande revue navale.
qw
LE SCANDALE DE NAPLES
(De notre. correspondant particulier)
Napies, 7 mar?.
Le fourrier Giuseppe Adami, impliqué dans
le scandale militaire de Napies, est mort subi-
tement et d'une manière mystérieuse, dans la
prison de San Efremo, où il était détenu. A la
veille de sa mort il avait avoué avoir, dans le
bureau de recrutement, falsifié environ 800
pièces. Il a nommé de nombreux jeunes gens
exemptés du service frauduleusement et il a
désigné plusieurs complices haut placés.
LES JOURNAUX ET LA POSTE
La Chambre va se prononcer sur un amen-
dement au budget des postes et télégraphes,
qui tend à fixer la taxe des journaux et écrits
périodiques par exemplaire à un centime, ces
mêmes journaux et écrits périodiques ne payant
que la moitié de ce prix quand ils circulent
dans le département de publication ou les dé-
partements limitrophes. Les auteurs de l'amen-
dement représentent tous les partis politiques:
ce sont MM. Audiffred, Paul de Cassagnac, Cu-
néo d'Ornano, Drumont, Fournière, Lockroy,
Marcel SembaL et Viviani.
La presse.française, sans distinction d'opi-
nion, a présenté à la Chambre un rapport qui
appuie avec beaucoup d'énergie la proposition
dont il s'agit. Ce rapport réunit les signatures
de MM. Paul de Cassagnac (Autorité), prési-
dent ; de Nalèche f Journal des Débats), secré-
taire ; Fernand de Rodays (Figaro), trésorier ;
Georges Berthoulat (Liberté), Victor Simond
(Radical), membres délégués du comité du
Syndicat de la Presse parisienne ; et celles de
MM. Dubar (Echo du Nord), président, Fer-
rouillat (Lyon-Républicain), Lafond (Journal
de Rouen), Maurice Sarraut (Dépêche, de Tou- ,
louse), et Maurice Schwob (Phare de la boire),
délégués du Comité du Syndicat de la Presse
républicaine départementale.
Devant la commission de la Chambre char-
gée d'étudier la question, c'est M. Maurice
Sarraut qui; avec beaucoup de talent et de
compétence, a été le porte-parole de l'unani-
mité de ses confrères.
Il a expliqué par suite de quelles circons-
tances, le prix du journal en France est géné-
ralement tombé de 15 ou 20 centimes à 5 cen-
Urnes, à un sou.
times, il faut compter par exemplaire do jour-
Or,
nal un centime de dépense de papier, un cen-
time et demi de remise au vendeur ou au dé-
positaire; il resterait donc à peine deux cen-
times et demi pour couvrir les frais de rédac-
t ion, d'information, d'adminis tration,de compo-
sition et d'impression. Mais la poste intervient
alors et prélève deux centimes par exemplaire
pour les départements non limitrophes, un cen-
time pour les autres: c'est-à-dire la dime for-
midable de 40 0[0 ou de 80 OiO, suivant le cas,
sur la valeur brute qu'elle transporte. Aucune
matière première, aucun produit ne sont, en
France, par l'impôt ni les tarifs de transport,
pareillement frappés.
Le résultat le plus clair de cette énorme
charge imposée aux journaux, c'est de ne pas
leur permettre de vivre de leur seul tirage etde
les acculer à la recherche de la publicité.
L'administration a fait observer que la ré-
forme réclamée produirait une diminution de
recettes qu'elle évalue à trois millions. Elle ne
songe pas que l'abaissement des tarifs postaux
amènerait une recrudescence très considérable
de la circulation des journaux. Il se produirait
pour le papier imprimé ce qui s'est produit
pour les lettres et pour les cartes postales.
Ces considérations ne peuvent manquer de
faire comprendre à la Chambre la nécessité de
voter l'amendement qui lui est présenté. Elle
rendra aussi moins précaire l'existence des
journaux — pour la plupart desquels la vie,
en France du moins, est si difficile — et elle
améliorera considérablement la moralité do la
presse.
LES CONGREGA riONS
Avis défavorables
Niort, 7 mars.
Le conseil municipal de Saint-Jouin-de-Mar-
nes a émis un avis défavorable sur la demande
en autorisation des religieuses qui dirigent
l'école.
Celui de Niort, par 8 voix contre 4, a expri-
mé sa confiance envers le gouvernement et lui
a laissé la latitude d'appliquer la loi sur les as-
sociaUonl.
A LA CHAMBRE
DISCOURS DE M. ROUVIER
La contribution mobilière. — L'amen-
dement Le Moigne. — Ruineux dé-
grèvements. — L'alliance anglo-
japonaise. — La conférence des
sucres.
La Chambre a consacré la plus grande par-
tie de sa journée à faire disparaître les mau-
vais effets de l'amendement Le Moigne. Vous
rappelez-vous ce qu'est l'amendement Le Moi-
gne ? Rafraîchissons-nous la mémoire. L'année
dernière, - exacteruent le 10 juillet 1901, -
M. Le Moigne faisait adopter une nouvelle ré-
partition de la cote mobilière. La majorité des
départements étaient déchargés et trente-cinq
étaient condamnés à acquitter la presque to-
talité de l'impôt. La Seine, le Rhône, le Nord,
deux ou trois autres départements, suppor-
taient un poids si considérable de la charge
nationale, qu'à vrai dire c'étaient eux seuls
qui étaient frappés.
Ceci est la théorie. En pratique, les réparti-
tions des conseils généraux concentrèrent l'im-
pôt sur quelques communes seulement par dé-
partement. De sorte qu'il y eut des protesta-
tions très vives, même au sein des régions
que l'on avait privilégiées.
En juillet 1901, deux orateurs avaient seuls
protesté, à la Chambre, contre l'amendement
Le Moigne, et annoncé les résultats qu'il don-
nerait : c'étaient M. Caillaux, ministre des
finances, et notre ami et rédacteur en chef,
M. Charles Bos.
C'est à propos de l'article 2 de la loi de fi-
nances que la question s'est posée.
M. Decker-David se contentait de demander
au ministre des finances comment il se faisait
que,dans la ville d'Aucb, l'archevêque eût été
dégrevé de 321 francs, le préfet de 140 francs,
les couvents de sommes également importantes,
et que les petits contribuables eussent été
écrasés.
M. Caillaux a expliqué que l'Etat avait été
forcé de renoncer à ses anciennes évaluations
locatives, le fisc ayant eu le dessous dans plu-
sieurs procès.
Discours de M. Chauvin
Ce n'était qu'une escarmouche. M. Emile
Chauvin a posé le débat sur des bases plus
larges.
Un certain parti s'est emparé de cette question
purement fiscale pour en faire une arme contre le
gouvernement actuel. On a pu lire le i" février
dans l'Autorité un article contenant cette phrase :
« C'est dans les habitudes de ce gouvernement
d'appliquer arbitrairement des lois que le Parle-
ment n'a jamais votées ou de fausser l'application
des lois existantes. D
Le même article ajoute que les feuilles des con-
tribuables qui comportent des augmentations ont
été augmentées par des machinations de ce gou-
vernement, sans qu'aucun impôt fût voté et que
les contrôleurs des finances ont, par ordre supé-
rieur, majoré les bordereaux.
Voilà de quelle façon les résultats financiers ont
été interprétés contre le gouvernement. Je suis
heureux de saisir cette occasion de rendre hom-
mage aux efforts de M. le ministre des finances qui,
dans la séance du 5 juillet 1901, avait mis la Cham.
bre en garde contre ces conséquences. (Très bien !
très bien ! )
M. Gauthier de Clagny a avoué lui-même
qu'il n'avait qu'à refaire le discours de M. Chau-
vin et il l'a refait.
MM. Raymond Poincare et Charles Bos
avaient dit à M. Caillaux *
— Aviez-vous suffisamment invité le Sénat
à écarter l'amendement Le Moigne?
Discours de M. Caillaux
M. Caillaux a repondm
M. le ministre. — Au Sénat, et je réponds
Ici à M. Poincaré et à M. Bos, j'ai répété les objec-
tions que j'avais faites à la Chambre et que je
viens de rappeler.
Malgré ma résistance, l'amendement fut voté le
5 juillet et nt corps avec la loi des contributions
directes.
On a reproché au gouvernement d'avoir adressé,
à la suite de oe vote, des instructions peu pruden-
tes aux préfets.
Dans la" circulaire que j'ai adressée aux préfets
et dont j'ai remis un exemplaire à plusieurs de mes
collègues, je disais qua la décision prise par le
Parlement présentait cette année un intérêt particu-
lier pour les départements et sous-départements, et
j'ajoutais que le directeur des contributions direc.
tes remettrait au Conseil général un tableau, par
arrondissaient et par commune, des valeurs loca-
tives résultant de la re vision décennale.
M. Caillaux a fait d'autre part une étude
tr4g complète du problème.
M. Rouvier à la tribune
M. Rouvier a prononcé le soir le discours
véritablement définitif, le discours qu'on atten-
dait.
L'éloquence vigoureuse, la profonde connais-
sance de la science financière et le sens politi-
que aignisé dont il a fait preuve — non pour
la première fois — ont été unaninement ap-
prouvés. Il a été applaudi, pour ainsi dire, à
chaque phrase. M. Rouvier se réservait depuis
assez longtemps. Sa rentrée a été fêlée par la
Chambre.
M. Rouvier. — Après la discussion si lumi-
neuse, si claire et si précise de M. le ministre des
finances, la question, qui apparaissait complexe,
s'est singulièrement éclaircie.
A cette heure, il est clair pour tous que l'émotion
qui s'est emparée du corps électoral et qui a eu sa
répercussion ioi, procède de deux faits diffé-
rents.
Le fait générateur a été le vote de l'amendement
Le Moigne, qui a imposé une surcharge à trente ou
trente-cinq départements. C'est le fait dont à mon
sens — et sur ce point je me sépare de AI. le mi-
nistre des finances — nous sommes responsables,
et que nous avons le devoir de corriger.
Le second fait n'engage pas directement notre
responsabilité.
Les conseils généraux ont agi dans la limite de
leurs droits ; leur activité a été éveillée par ce fait
que la Chambre a porté peut-être une main impru-
dente sur une matière imposable qu'il vaut mieux
laisser dormir quand on ne peut pas faire la ré-
forme par voiede dégrèvement. (Applaudissements.)
Ils ont fait, & leur tour, la péréquation entre ar-
rondissements.
De là l'émotion qui s'est emparée du corps élec-
toral.
Peut-être, si la Chambre avait été moins animée
d'un esprit de réforme hâtive, eût-elle considéré,
au moment où l'amendement de M. Le Moigne lui
a été représenté, qu'il ne s'était pas bonifié avec
l'âge.
Toujours est-il que les conseils généraux ont ag-
gravé le-mal dont se plaignent certains de nos col-
lègues. A cela nous ne pouvons rien.
M. le ministre des finances a été peut-être un peu
sévère pour le rôle des conseils généraux. Ces as-
semblées ont fait ce qu'avait fait la Chambre. Elles
se sont trouvées en présence d'opinions très diffé-
rentes.
EUes avaient la statistique de la matière impo-
sable avec son infinie variété. L'autre élément de la
question était la représentation proportionnelle de
ces intérêts dans chacune d'elles.
Elles ont statué dans un état d'esprit qui est le
môme, sans doute, que celui qui a déterminé la
Chambre. C'est aux électeurs à régler cela avec les
conseillers généraux
Ce qui est notre affaire, ce qu'on peut nous re-
procher, c'est d'avoir, par un vote hâtif, oréé la sur-
charge qui, du fait de l'Etat, pèse sur plus de trente
départements.
M. le ministre a apporté ce matin un talent
extrême à la défense d'une thèse qui n'en valait
peut être pas la peine (sourires), car la somme sur
laquelle roule le débat est infinitésimale si on la
compare au chiffre énorme du budget.
Mais M. le ministre n'a pas ébranlé chez moi ce
sentiment que nous avons le droit de revenir sur ce
qu'il y a de trop lourd pour certains départements
dans l'amendement Lo Moigne. Il ne s'agit pas de
revenir sur le vote de eet amendement ; mais, pas
un nouveau texte, de panser la blessure que nous
avons faite nous-mêmes.
La sécheresse de l'analyse officielle ne sau.
rait rendre l'humour que M. Rouvier a dé.
pensé avec prodigalité dans ce discouUo La
Chambre était ravie et le montrait bien.
Plusieurs amendements étaient déposés:
l'un de MM. Sarrien et Chauvin ; un autre de
M. Gauthier de Ckgny, un autre encore.
mais je laisse la parole à M. Charles Bos :
Les votes
M. Charles Bos. — Il me semble que la
Chambre doit discuter d'abord les amendements
les plus larges. Celui de MM. Georges Berry, Le-
rolle, Girou, Mille voye, Muzet, Charles Bernard,
Puech, Charles Bos, Henri Brisson et Ferrettc df-
mande que, tout contribuable qui, du fait de la
loi du 10 juillet 1901, aura à supporter une augv
mentation du taux de sa cote personnelle mobi.
lière, obtienne d'office la remise du montant de
cette augmentation.
M. Georges Berry a défendu avec assez de
vigueur l'amendement dont il s'agit. M. Kloiz
s'est fait l'avocat de celui de M. Sarrien.
M.Jules Mercier a fait une dernière observa-
tion :
M. Jules Mercier. — Après les discours si
complets et si intéressants que nous venons d'en-
tendre, il n'y a plus qu'à tirer de ce débat la mo-
rale qui s'en dégage.
Une faute a été commise, M. le ministre l'a dé-
claré,et cette faute engendre une injustice puisque
les départements -les moins fortunés comme les
plus riches se trouvent frappés.
Quand une faute ou une erreur a été commise.
il faut la réparer. C'est le devoir d'une assembla
comme la nôtre. Pour cela, il n'y a qu'à voter l'a-
mendement de M. Georges Berry. (Applaudisse-
ments sur divers bancs.)
L'amendement G. Berry a été adopté à la
majorité de 322 voix contre 184. La proclama-
tion de ce résultat a été accueillie par des ap-
plaudissements sur un grand nombre de
bancs.
M. Emile Chauvin a remis entre les ma;"
de M. Deschauel la disposition additionnelle
suivante :
Toutefois, seront exceptés du dégrèvement
d'office les contribuables dont la cote mobilière,
antérieure à l'application de la loi du (0 juillet
1901, était supérieure à 150 fr. (Part de l'Stat),
Elle a été adoptée par 312 voix contre 214.
Diverses dispositions complémentaires, dues
à l'initiative de M. Sarrien, ont été aussi adop-
tées.
Un projet do résolution de MM. Sarrien..
Léon Bourgeois, etc., a été retiré, après expli.
cations du ministre des finances, M. Caillaux;
s'était en effet montré disposé à présenter, au
cours de la prochaine session, un projet de
réforme de la contribution personnelle mobi,
lière.
Autres discussions
Résumons, maintenant, les quelques discus-
sions. - dont toutes n'ont pas manqué d'inté-
rêt — qui ont interrompu à deux ou trois re-
prises les débats que nous venons de rapporter.
On a adopté, après observations de MM.
Aynard et Pourquery de Boisserin, le projet de
loi approuvant la convention passée entre
l'Etat et la ville d'Avignon au sujet de la ces.
sion de l'usufruit du château des papes.
M. Denis Guibert questionnait M. Delcassd
au sujet de l'alliance anglo-japonnaise. Le
ministre des affaires étrangères répondit que
cette alliance ne modifiait aucunement notre
politique en Extrême-Orient.
M. Denis Guibert, insatisfait, voulut inter*
peller. Alors son interpellation fut renvoyée,
par 339 voix contre 190, à la suite des autres.
M. Ribot enfin questionna M. Caillaux au
sujet de la conférence des sucres. M. Caillaux.
sans se faire prier, répondit:
M. Caillaux. — Je n'ai pas besoin de dire tout
l'in térét que j'apporte à la question qui vient de
m'être posée. Le gouvernement de la République a
abouti à faire signer avec les autres puissances une
convention pour supprimer toutes les primes sur
les sucres. (Applaudissements.)
Pas plus que M. Ribot, je ne veux apprécier l'oeu-
vre de la conférence. Mais je suis en droit de dire
qu'au point de vue de tous les intérêts générât* du
pays il n'a pas été fait depuis longtemps œuvre
plus salutaire. (Applaudissements.)
M. Ribot prit acte de cette déclaration. A jou-
tons à ces menus événements le vote de plu-
sieurs articles do la loi de finances, l'échec de
M. Fachard qui voulait affranchir les bouilleurs;
de cru de la déclaration et nous aurons tout
dit.
Séance ce matin, à neuf heures, pour taire
avancer le budget.
Hugues Destrem.
AU SÉNAT **
Le Sénat a poursuivi l'examen de la question
de la marine marchande.
La commission, qui s'était entendue avec M'
Dubost, auteur d'un amendement pris en con-
sidération la veille, a proposé la rédaction que
voici :
Le montant total des compensations d'armement
et des primes à la navigation à accorder en vertu
de la présente loi est limité au chiffre total de 150
millions. Le montant total des primps à li cons.
truction ne pourra dépasser le chiffre global de 50
millions.
Ce texte a été adopté après observations do
MM. Monestier, Raynal, Millerand.
Seconde délibération jeudi prochain, —ff. D«
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Ligue de la Jeunesse radie aie-socia-
liste.
Le Comité central de la Ligue française de tet
Jeunesse républicaine, radicale et radicale-so-
cialiste, s'est réuni hier soir vendredi au siège
social, 12, rue Port-Mahon, sous la présidence
de M. Louis Henrique-Duluc, député.
Après avoir adopté le procès-verbal de ift
séance précédente, le comité a examiné les
diverses questions inscrites à l'ordre du jour.
Il a décidé de poursuivre la création de
nouvelles sections à Paris et dans les- départe*,
ments.
Le Comité a ensuite examiné l'attitude & ob-
server par les membres de la ligue pendant ie
cours de la période électorale, et décidé la pu*
blication d'un manifeste dont les termes s.
ront discutés à la prochaine séance.
Le Comité a désigné les conférenciers qui
devront se rendre à l'appel des sections des dt.
parlements.
Afia de pouvoir lutter efficacement contre la
réaction, il a décidé de faire appel au concours
moral et financier de tous les républicains.
Les fonds seront reçus chez M. Hugues Des*
trem, trésorier général, 124, rue d'Assas, Pal
ris (6').
Pour tous renseignements s'adresser au sé*
crétariat général, 12, rue Port-Mahon, Pa«?
ris (2e).
La prochaine réunion du Comité a été fixât
au vendredi 14 mars. u
LES BANDITS DE PARIS
Entre rôdeurs. — Terrible bagarre.
Agents blessés. j
Une bagarre sanglonte, à laquelle ont pris
part des individus appartenant aux bandes de
Leca et de Manda, s'est produit, hier soir, rue
Dénoyez. - >
Trois malfaiteurs, Louis RolUier, £ 3 ans*
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