Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-02-16
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 février 1902 16 février 1902
Description : 1902/02/16 (N11664). 1902/02/16 (N11664).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75493150
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
CINQ CENTIMES le Mumnêro.
PARIS & DÉPARTEMENTS
Le Numéro, CINO CENTIMES
- ÎÜNDATEUR - AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
0a sels trois mois Six 8011 Va ai
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LI&ÇT ---
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5^tS37 Ch. ] LAGRANGE, CERF & C%
, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURNA&
RÉDACTION: 1319 rue lUontanartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Ne 11664. - Dimanche 16 Février 1902
27 PLUVIOSE AN 110
ADIIINISTRATION: 131, rue Ifonlmarfre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
L'ktofa iijpto
Après le magistral discours pro-
noncé, hier, par M. Georges Leygues,
ministre de l'instruction publique, à la
tribune de la Chambre des députés, je
ne vois point, je le déclare, quelle ob-
jection pourrait être encore formulée
contre la réforme de l'enseignement se-
condaire.
Il y a environ deux mois, au banquet
de l'Association générale des membres
de la Presse de l'enseignement, chez
Marguery, M. Leygues, dans une im-
provisation brillante, traça les grandes
lignes de cette réforme; il prononça
alors les mots d' « élite intellectuelle »,
d* « aristocratie intellectuelle », qu'il a
répétés hier à la Chambre ; et je me sou-
viens parfaitement d'avoir, une fois le
fracas des applaudissements éteint, en-
tendu autour de moi des murmures.
Car ce mot d' « aristocratie», à cause
des funestes souvenirs qu'il évoque,
sonne mal, il faut bien l'avouer, à nos
oreilles.
Je n'étais point, je me hâte de le dire,
de ceux qui murmuraient ; mais je ne
pouvais me défendre d'une certaiue in-
quiétude.
Aristocratie, soit ; n'ayons point peur
des mots ; mais comment l'entendez-
vous, cette aristocratie ? comment la
recruterez-vous ?
M. Leygues en disant hier, à la Cham-
bre : — « La vérité est que l'enseigne-
ment secondaire et même l'enseigne-
ment supérieur doivent être largement
ouverts aux enfants du peuple, à la dis-
position desquels il faut mettre le plus
de bourses possible » ; — a parlé de
façon à faire disparaître toute équivoque
et aussi toute hésitation.
.*.
Lorsque nous réclamons l'instruction
intégrale, c'est-à-dire l'instruction ou-
verte à tous, accessible à tous, nous
n'entendons point dire, assurément, que
la même instruction doive être donnée
à tous.
Quand M. Leygues a ajouté : « L'idéal
ne doit pas être de donner la même ins-
truction à tous ; il faut, au contraire,
laisser chaque enfant se diriger selon
ses goûts »; il a, à notre avis, énoncé
une vérité évidente.
Ce que nous voulons, c'est que pas un
enfant du peuple ne puisse être entravé
par le manque de ressources pécuniairès
dans son ascension vers les hautes ré-
gions de la science où l'entraînent ses
ambitions, sa vocation.
Volontiers dans les ouvrages destinés
à la jeunesse — en général si stupides,
ces ouvrages ! — on offre en exemple
aux enfants les fils d'ouvriers, de pay-
sans qui, à force de labeur et de volonté,
se sont élevés au-dessus de la condition
où le hasard de la naissance les avait
jetés, ont surmonté tous les obstacles
placés entre eux et les destinées qu'ils
ont voulues, qu'ils ont conquises.
Rien n'est plus absurde.
Ces gens-là sont tout tranquillement
des héros ; pour triompher de toutes les
forces sociales qui semblaient les con-
damner à vivre là où ils étaient nés, il
leur a fallu une énergie, une continuité
de vouloir que l'on peut qualifier de
surhumaines. Il est profondément inepte
de les proposer en exemple aux autres
hommes, par cette simple et bonne rai-
son qu'il est ridicule de demander à tout
le monde d'être des héros.
Et c'est précisément parce que tout le
monde n'est pas des héros que nous
voulons que les difficultés, les obstacles
contre lesquels ont eu à lutter les en-
fants-prodiges soient aplanis.
Jaloux de ne laisser se perdre aucune
parcelle de la vraie richesse, la richesse
intellectuelle et morale de la France,
BOUS voulons que les plus grandes, les
plus larges facilités soient assurées à
quiconque manifeste l'intelligence et la
volonté de s'élever au-dessus du niveau
commun ; nous voulons que tous ceux
qui affirment par leurs actes, par leur
volonté réfléchie, cette ambition, la
plus noble de toutes, soient puissam-
ment encouragés, aidés, soutenus; nous
ne voulons pas qu'il puisse être dit
qu'un génie ait été empêché de se pro-
duire, annihilé, tué par des difficultés
matérielles, disons le mot : par le man-
que d'argent ; nous voulons que pas un
champ ne demeure en friche, que pas
une plante ayant fait le premier effort
de percer la terre et do montrer au so-
leil la verte promesse de ses feuilles,
ne reste sans cultnre ; que pas une force
ne demeure inutilisée ; nous voulons,
en un mot, que l'accès des carrières di-
tes libérales soit largement ouvert à
toutes les bonnes volontés, et que les
plus altières régions du savoir ne soient
à priori interdites à personne.
.*.
A l'issue de ce banquet dont je parlais
tout à l'heure, je disais à l'un de ceux
qui avaient murmuré :
a — Oui, le ministre de l'instruction
publique a raison ; je crois à la nécessité
d'une élite intellectuelle.
« A ce grand et noble pays qu'est la
France, il faut non-seulement des ou-
vriers, des commerçants, des industriels;
mais aussi des artistes — et, bien en-
tendu, ie prends ce mot dans la plus.
large, dans la plus haute acception —
des artistes chargés—on peut donner
cette définition de leur rôle — d'entre-
tenir parmi DOua le culte et les tradi-
tions du beau. -
Mais si j'accepte, quant à moi, la
conception très discutée de cette élite,
c'est à la condition formelle qu'aucune
considération autre que la valeur per-
sonnelle, intrinsèque, ne concourraà son
recrutement ; je n'hésiterais pas à la re-
pousser si elle ne devait se composer
que d'hommes ayant trouvé dans leur
berceau les moyens de poursuivre leurs
études à l'abri de toutes préoccupations
matérielles ; je l'accepte si les mesures
libérales qui doivent nous donner l'ins-
truction intégrale : concours ouverts à
tous, bourses généreusement accordées,
pensions servies par l'Etat aux plus di-
gnes jusqu'à l'achèvement complet de
leurs études, permettent à tous, au fils
de l'ouvrier et du paysan comme à ce-
lui du millionnaire, d'aspirer à prendre
place dans cette élite que l'on pourra
vraiment alors appeler l'élite de la na-
tion, et dont à juste titre la France s'en-
orgueillira.
Le discours prononcé hier par M.
Leygues a répondu aux préoccupations
ainsi formulées, et qu'assurément je
n'étais pas seul à ressentir. C'est pour-
quoi je dis que, maintenant, la situation
étant éclaircie, et satisfaction étant
donnée à ceux qui revendiquaient le
droit sacré des pauvres, il n'y a plus
qu'à approuver la réforme de l'en-
seignement secondaire.
Il appartenait à la République de met-
tre les plus hautes situations morales à
la portée de l'ambition des plus humbles;
je dis : humbles, quant à leur situation
sociale. Parlez-nous maintenant des
classes et de la lutte des classes ! Les
barrières élevées par le hideux argent
entre les hommes s'écroulent, tous sont
égaux devant l'esprit; à l'aristocratie de
la naissance, à celle , aussi détestable,
de l'or, l'aristocratie de l'intelligence
est substituée.
Croyez que le gouvernement et la
Chambre sont en train de réaliser une
grande réforme dont ceux qui viendront
après nous récolteront les fruits su-
perbes.
Lucien Victor-Meunier.
.———.———————.
A BAS LA LOI FALLOUX
Honneur à Henri Brisson qui
nous débarrasse de la loi Fal
loux; nous ne voulons pas at-
tendre vingt quatre heurespour
nous réjouir du beau succès
que notre éminent ami aob
tenu hier à la Chambre : grâce
à lui, la loi Falloux, déjà blessée au Sénat,
est aujourd'hui morte. Aucun gouverne-
ment ne pourra plus défendre une loi que
le Sénat et la Chambre ont solennellement
condamnée. Le grand débat sur l'instruc-
tion qui occupe depuis deux jours les séan
ces de la Chambre aura donc porté ses
fruits.
Henri Brisson avait déjà rendu à la dé-
mocratie un service inoubliable en prépa-
rant — par sa savante enquête sur la con-
grégation, qui a paru dans le Rappel — et
par ses nombreux travaux législatifs, la
loi qui nous libère des jésuites ; le vote
qu'il a obtenu hier va libérer les généra-
tions futures, du cléricalisme dans l'école.
Ce que, depuis la loi Falloux, on appelait
l'école libre, c'était l'enfant éduqué par le
prêtre, par le « cher frère ». Tout cela va
disparaître ; car il ne serait pas acceptable
que le vote d'hier n'eût aucune sanction.
Le Parlement se doit à lui-même de répa-
rer, aussi promptement que possible, le
mal qui a été fait, depuis cinquante-trois
ans, par la meurtrière législation scolaire,
œuvre de la réaction de 1849.
Cette loi, machinée par toutes les forces
cléricales qui, trois années plus tard, de-
vaient soutenir le coup d'Etat de Louis Bo
naparte, cette loi qui était l'organisation
de la servitude nationale, et qui avait pour
tâche de verser de la nuit dans les cerveaux
des enfants; cette loi néfaste n'existe plus
virtuellement. Son abrogation légale n'est
plus qu'une questionde semaines.Républi
cains,travaillons sans tarder à la remplacer
par une législation conforme aux aspirations
de la démocratie. — Ch. B.
L'OUTILLAGE NATIONAL
La commission sénatoriale de dix-huit mem-
bres chargée d'examiner le projet relatif à
l'outillage national s'est réunie pour se cons-
tituer.
Elle a élu président M. de Freycinet; vice-
présidents, MM. Barbey et Edouard Millaud :
secrétaires, MM. Moneslier et Gauthier (de
l'Aude).
La commission a décidé en outre do se par-
tager en sous-corainissions qui examineront
chacun des projets coutonus dans la loi.
I III ■■
LE PARI MUTUEL
M. Abel Bernard et plusieurs de ses collè-
gues ont déposé l'amendement suivant à la loi
de finances:
Un prélèvement supplémentaire de un pour
cent sera fait sur la masse des sommes versées au
pari mutuel de chaque hippodrome et affecté à des
travaux d'adduction d'eau potable.
1» ■ -
LES RETRAITES DES MINEURS
La commission d'assurance et de prévoyance
sociales a examiné la projet du gouvernement
tendant à l'amélioration des retraites des mi-
neurs.
Elle a décidé, après une discussion qui a
occupé plusieurs séances, qu'il n'y avait pas
lieu d'édicter un régime spécial pour les ou-
vriers mineurs.
Elle a en même temps résolu de détacher du
projet général sur les retraites ouvrières, pour
en faire l'objet d'un projet spécial, les dispo-
sitions prévues pour la périoçie transitoire. Ces
dispositions seraient dès à présent rendues ap-
plicables aux ouvriers mineurs CQmme aux
autres ouvriers.
LA MEDECINE
- - CHARITABLE
-
LE MARTYRE DES MONSTRES
Une conséquence de la séparation de
Radica - Doodica. — Cliniques et
dispensaires. - Lesspéciàlistes.
- — Les philanthropes
L'opération chirurgicale pratiquée sur Ra-
dica-Doodica est encore le sujet a passion-
nant » de maintes conversations. S'il ne s'était
pas agi del'existence même des pauvres petites,
on dirait volontiers que ce fut une «séparation
de corps » à sensation. Il n'est donc pas trop
tard, pour tirer do cet événement les consé-
quences générales qu'il comporte.
On sait que le cas de Radica-Doodica est ex-
ceptionnel, mais non unique : le plus illustre
de ses devanciers porta le nom de frères-sia-
mois. Après les frères-siamois, les sœurs hin-
doues ; après le sexe fort, le faible. Ce qui —
je le crois, au moins — ne s'est jamais produit
ou n'a jamais été révélé, c'est l'union aussi in-
time, mais plus anormale encore, de deux
êtres et de deux sexes. Rien n'est impossible, et
ce qui ne fut pas peut être. Eh bien, la vie en
pareils cas est un martyre que la médecine (et
plus spécialement ici la chirurgie) devrait em-
pêcher en temps utile, c'est-à-dire dès la nais-
sance ou les premiers ans des jumeaux-liés:
Les cirques et les foires y perdraient des phé-
nomènes lucratifs, mais la conscience publique
n'aurait rien à se reprocher.
D'autant que, fatalement et tôt ou tard, les
martyrs de ce genre doivent aborder le dilem
me, l'opération ou la mort, et que devant
celle-là celle-ci ne recule pas toujours. Puis-
que l'opération est inévitable, mieux vaut la
faire ab ovo, à l'origine du mal. Si le patient
meurt, il n'eut guère conscience de la souf-
france : s'il vit, la blessure se cicatrise, il n'est
plus un être ou un demi-être,monstrueux, des-
tiné par son mal à constituer l'agrément de
tout autre que lui. Il faudrait donc que le
médecin-accoucheur ou la sage-femme fissent
auprès de l'officier de l'état civil une déclara-
tion bien nette de ces anomalies ; et un texte
législatif contraindrait le praticien à séparer
deux êtres condamnés, sans cela, à souffrir et
à mourir l'un par l'autre. Les chirurgiens, par
humanité, devraient provoquer cette loi.
lia médecine meurtrière et les
spécialités
Aussi bien toute philanthropie devrait-elle
passer à l'état de règle chez les « hommes de
l'art ». Trop souvent la gratuité entraine la
négligence. Tel « docteur » est médecin de
nuit ou de dispensaire, uniquement pour obte-
nir la clientèle et la décoration. J'en ai connu
dont les « cliniques » étaient, faute de soins et
de diagnostic, de véritables officines d'empoi-
sonneurs. Un de ceux-tà fut chargé un jour de
procurer à un malade le sommeil perdu depuis
nombre d'années : il fit ce sommeil éterne!. Le
pharmacien le prouva, après coup, à qui vou-
lait l'entendre. Ce qui n'empêcha pas le « doc-
teur » d'avoir à quelque temps de là un des
cabinets les plus mondains, et de compter plus
encore do clients que de victimes.
Non moins dangereuse que la gratuité,est la
spécialité. Un médecin spécialiste peut avoir la
compétence nécessaire pour les maladies qu'à
l'exclusion de toutes autres il se charge de
calmer ou de guérir, Mais sa fonction involon-
taire est de déplacer le mal plutôt que de l'ef-
facer. Souffrez-vous de l'estomac? Voyez le
« prince de la science » pour qui l'estomac n'a
plus de secrets. Le jour où cet organe sera re-
mis en état, vous constaterez dans votre orga-
nisme l'éclosion d'un deuxième mal qui, guéri
à son tour par un nouveau spécialiste al hoc,
en aura engendré un troisième. N'essayez pas,
même timidement, de manifester ces appré-
hensions : guérissant le mal qu'il traite, Escu-
lape prétend vous garantir de tout autre. Et
les découvertes médicales les plus belles et les
moins incontestées produisent do semblables
effets, car leurs auteurs — des spécialistes
aussi, et les premiers d'entro eux — se sont
préoccupés de cicatriser une plaie, sans s'in-
quiéter d'en creuser d'autres.
Volontairement ou non, effet de l'ambition
cherchée ou atteinte, cette médecine manque
de charité. Et le malade est sa victime*
La médecine générale
Toute autre est la médecine courante, la mé-
decine de campagne si vous voulez. Pratiquée
avec le. cœur et l'érudition nécessaires, elle
constitue un réel apostolat. D'abord, à tout
prendre,un tel médecin est plus fort qu'un spé-
cialiste; car son domaine est infiniment plus
vaste, et son attention seporte, non pas sur un
organe, mais sur l'organisme entier, qu'il se
donne la mission de protéger. Il possède donc
une des plus grandes. qualités médicales : la
circonspection. Et traitant toutes les maladies,
il n'est pas tenté, comme le juge qui voit un
malfaiteur dans tout prévenu, de diagnosti-
quer toujours le même cas, pour n'avoir d'or-
dinaire que celui-là sous les yeux.
Trois nobles exemples
Dans cette voie de progrès et de charité mar-
chent depuis longtemps les petits, je veux dire
certains méconnus ou besogneux ; ils y atten-
dent leurs « célèbres confrères ». Je prononçais
tout à l'heure le mot d'« apostolat ». Je le ré-
pète. Le médecin, au sens élevé du mot, est
souvent lui-même un martyr, un esclave ou
un amoureux de son art. Je vous en citerai
trois exemples que j'ai pu moi-même contrôler.
Dans Seine-et-Marne, l'un de ces zélés part,
une nuit d'hiver,où il gelait à pierre fendre,sur
une terre couverte de neige. Il a toute une
étape à franchir, parmi l'obscurité d'une cam-
pagne lugubre,dans une voiture mal close,avec
la seule protection d'une couverture. Il arrive
à destination. Ce sont de pauvres gens qui l'ont
fait appeler pour leurs enfants atteints de ma-
ladie contagieuse. Dans un lit sans draps, les
petits grelottent ; nouveau saint Martin, le bon
docteur les réchauffe dans sa propre couver-
ture. Non sans l'avoir fait à ses frais remplacer
par une autre, il la reprend, le jour venu, la
remporte avec l'idée de la désinfecter sans re-
tard. Mais la consultation l'attend dès son re-
tour : force lui est d'ajourner son projet, et ce
laps de temps suffit pour que ses propres en-
fants jouent avec la laine empoisonnée, y ga-
gnent le germe de la contagion et en meu-
rent.
Le deuxième exemple est celui d'un théori-
cien do Neuilly-sur-Seine, qui se fait praticien
par humanité. Ordonne-t-il des sangsues, un
vésicatoire, ou dos sinapismes? 11 ne laisse pas
à d'autres le soin de les poser. Et, pour récom-
pense de ses efforts, il oublie de remettre sa
note d'honoraires à ceux de ses protégés qui
sont dans l'indigence.
Le dernier exemple enfin, est celui d'un troi-
sième omi, mort récemment.
Son testament portait qu* a avant con-
« sacré sa passion à soigner ses clients,
« ayant eu le bonheur d'en sauver un assez
« grand nombre, il voulait que sa mort cons-
« tituat remise de dette à tous et qu'il ne leur
« tlit r~ njcsame v»
Do tels philanthropes ont droit a notre re-
connaissance ômue. Si leurs exemples ne se
généraient pas comme il conviendrait, que
du - i oins à défaut des hommes tes lois devien-
nent Etttsjiorûbreuâeaj quUassôatdela mégo-,
cine, non pas seulement une nécessité ou un
art, mais une charité. - Fernand Gendrier.
CRISPI ET LES CARDINAUX INDICATEURS
(De notre, correspondant particulier)
Rome, 14 février.
On sait que plusieurs Monsignori et même
quelques cardinaux d'origine sicilienne entre-
tenaient des relations secrètes avec M. Crispi
et lui rapportaient tout ce qui se passait au
Vatican. Ces hauts personnages du clergé ne
pouvaient envisager qu'avec terreur la possi-
bilité d'une publication des papiers posthumes
de l'ancien président du conseil. Ils sont en-
trés en négociations avec dona Lina, veuve du
défunt homme d'Etat. Leur intermédiaire, un
historien allemand bien connu, qui vit depuis
des années à Rome, était sur le point d'aboutir
quand les jésuites ont fait échouer tous les
pourparlers.
On dit qu'ils ont surenchéri sur les autres,
sachant bien que dona Lina est fort sensible
aux arguments sonnants et trébuchants.
—
RFFAIRE MYSTÉRIEUSE AU PALAIS-ROYAL SERBE
(De notre correspondant particuUer)
Belgrade, 14 février.
Dans la nuit de lundi à mardi derniers, les
deux factionnaires placés devant l'appartement
du roi ont été trouvés dans un état d'assou-
pissement complet. Au médecin de la cour qui
leur a fait recouvrer les sens, ils ont déclaré ne
se souvenir que d'avoir vu passer une dame
suivie d'un officier.L'aide de camp du roi a em-
pêché les deux soldats d'en dire davantage.
Depuis, les deux factionnaires ont disparu de
Belgrade.
BANQUET CHINOIS EN L'HONNEUR
DU MAIRE DE NEW-YORK
(De notre correspondant particulier)
New-York, 14 février.
M. Low, le nouveau maire de New-York, a
accepté l'invitation au banquet monstre que les
négociants chinois donneront lundi prochain
dans la Halle du commerce pour célébrer la
nouvelle année.
Un grand orchestre chinois jouera pendant
le repas et 100.000 pétards annonceront le com-
mencement de la fête.
Le menu se composera de 27 plats; il y aura
entre autres des nids d'hirondelles qu'on a
fait venir directement de Chine ; des canards,
du porc, de la chair de requin ; heureusement
— ou malheureusement — quelques plats na-
tionaux, tels que rats et asticots ne figureront
pas au menu.
Chaque convive recavra un objet en porce-
laine.
AUX ÉCOLES MILITAIRES ALLEMANDES
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 14 février.
Sur l'ordre du ministère de la guerre, le mo-
dèle des fortifications de la place de Longwy.
construites en 1683, par Vauban,sera rethé du
musée des ingénieurs et envoyé à l'Ecole de
guerre de Neisse.
LE NOUVEL EXPLOSIF ANGLAIS
(De notre correspondant particulier)
Londres, 14 février.
Le War Office a donné ordre de commencer
la fabrication du nouvel explosif destiné aux
armes d'infanterie.
Voir à la 3° page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
Tolstoï
Saint-Pétersbourg: 14 février.
Une légère amélioration s'est produite dans
l'état du comte Tolstoï. Cepondant tout danger
n'est pas écarté.
00
LA HAUTE COUR
La commission d'instruction de la Haute
Cour de justice a choisi pour président M. Jules
Cazot.
» H»——»
LE SERVICE MILITAIRE
La commission do l'armée, réunie sous la
présidence de Camille Krantz, a examiné les
propositions dont elle a été saisie par MM. Le
Hérissé, Raiberti, de Montebello et d'Alsace,
tendant, soit à une réduction progressive du
service militaire, soit à la suppression des dis-
penses, soit au rengagement des sous-officiers
et des simples soldats.
Après un examen sommaire, plusieurs mem-
bres ont émis l'avis que la commission ayant
volé il y a un an une résolution par laquelle
elle invitait le gouvernement à lui apporter un
projet de loi : 1* sur la réorganisation des ca-
dres et effectifs; 2" sur le rengagement des
sous-officiers et soldats, et le ministre de la
guerre n'ayant pas déféré à cette invitation, la
commission n'avait qu'à se maintenir sur le
terrain où elle s'était placée en vue d'arriver
à une réduction progressive du service mi-
litaire.
La commission a donné mandat à son près!..
dent d'exposer cette situation à la Cham-
bre lors de la discussion du budget de la
guerre.
L'AUGMENTATION
DE LA CONTRIBUTION MOBILIÈRE
On nous communique le procès-verbal sui-
vant:
Les représentants des départements dégrevés par
l'amendement Le Moigno se sont réunis, au Pa-
lais-Bourbon, aujourd'hui, pour examiner l'atti-
tude qu'il leur appartient de prendre en présence
des réclamations auxquelles a donné lieu, dans un
certain nombre de départements, les répartitions
adoptées en suite du vote de cet amendement par
les conseils généraux et d'arrondissement.
La réunion, présidée par M. Le Moigne, a décidé
qu'il y avait lieu :
1* De maintenir le vote du Parlement en faveur
de l'amendement Le Moigne et d'empêcher tout re-
tour sur les dégrèvements qu'il a opérés au profit
de 56 départements ; 2° De s'entendre avec le gou-
vernement et la commission qui représente les dé-
partements surchargés pour résoudre les difficultés
pratiques soulevées par la sous-repartement tel
qu'il a été appliqué.
Une commission a été constituée pour exécuter
ces décisions. Elle se compose de MM. Lo Moigne,
Trouillot, Hubbard, Klotz, Bouctot, Massabuau,
Emile Rey, Lachaud, Clémente], Ronault-Morlière
et Decker-David.
- eo
EN TURQUIE
Ou écrit do ConstaQliaopIe & l'agence
Bavas:
La Deutsche Bank a consenti une avance de
400.000 livres turques au gouvernement, mais on
ne dit pas à quel usage cette somme sera affectée.
Ce que l'on sait, o'est que l'Allemagne insiste pour
le règlement de créances et IqjD&iCHWllt do fourni-
tures de siaroasûrUssaats, - «
A LA CHAMBRE
CONTRE LA LOI FALLOUX
La morale du débat sur l'enseigne-
ment secondaire. — Intervention de
M. Henri Brisson. - La gauche
affirme sa volonté anticlé-
ricale
Jusqu'à près de cinq heures, la Chambre a
discuté, sans grande conviction, sur divers
amendements au projet de résolution proposé
pour sanctionner le débat sur l'enseignement
secondaire. Une trentaine d'amendements ont
été examinés. Je résumerai plus loin les échan-
ges d'observations qui se sont faits. Tout do
suite, arrivons à la partie de la séance qui a
comporté de la lutte et de l'émotion.
On s'attendait, à vrai dire, au vif engage-
ment qui s'est produit, et les leaders des deux
fractions adverses de la Chambre se prépa-
raient au combat.
11 se fit tout à coup le plus profond silence.
Quand M. Deschanel se leva, disant :
MM. Henri Brisson, Maurice Faure et un certain
nombre de leurs collègues proposent l'ordre du
jour suivant : 1
« La Chambre, considérant que, si l'enseigne-
ment secondaire est une fraction importante du
système de l'éducation nationale, il ne saurait ce-
pendant être isolé des autres parties ;
« Qu'il conviendrait de faciliter l'accès à cet
ordre d'enseignement des élèves les plus méritants
des écoles primaires publiques, afin d'arriver à
l'égalité de tous les enfants devant l'instruction ;
qu'il importe également de relever la condition
morale et matérielle des instituteurs et des institu-
trices comme des maîtres et professeurs des autres
ordres ;
« Adhérant au principe de 14 proposition faite au
Sénat et déjà favorablement accueillie par cette
assemblée pour l'abrogation de la loi Falloux,
passe à l'ordre du jour. »
M. Viviani, qui avait également déposé un ordre
du jour, se rallie à celui de M. Brisson.
La parole est à M. Brisson.
Les applaudissements de la gauche ont ac-
compagné M. Henri Brisson pendant qu'il mon-
tait à la tribune. On est toujours heureux de
voir se dresser contre la réaction le vétéran qui
a mené tant de belles batailles parlementaires.
M. Henri Brisson a poussé droit à l'ennemi.
Discours de M. Henri Brisson
La première partie de mon ordre du jour se jus-
tifie par cette considération qu'il parait impossible
de laisser se terminer un débat de cette impor-
tance pour l'ensemble de notre enseignsment,
sans qu'il ait été question de l'enseignement pri-
maire.
Personne plus que moi ne rend hommage aux
travaux considérables de la commission. Mais
il me semble qu'elle n'a pas fait de rapports sur
les propositions qui lui avaient été renvoyées,
relativement à l'enseignement primaire. Il ne
me parait pas possible que les 90 000 ou 100 000
élèves do l'enseignement secondaire nous cachent
les 5 ou 6 millions d'enfants des écoles pri-
maires.(Très bien! très bien! à gauche. — Interrup-
tions. )
M. le président de la commission. -
A quelles propositions l'honorable M. Brisson fait-il
allusion ?
M. Henri Brisson. — A l'amendement de
M. Carnaud. Je ne voudrais pas non plus que les
quatre ou cinq mille professeurs de l'enseignement
secondaire, si intéressants qu'ils soient, nous fissent
oublier les 100,000 ou 120,000 instituteurs et insti-
tutrices de l'enseignement primaire. C'est pourquoi
j'ai songé à demander à la Chambre une manifes-
tation de sympathie en faveur de ces derniers.
(Très bien! très bien ! à gauche.)
Quant au dernier paragraphe de mon ordre du
jour, j'ai l'honneur de propuser à la Chambre d'a-
dhérer à la proposition déjà prise en considération
par le Sénat, do faire disparaître de nos codes la
loi du 15 mars 1850, connue sous le nom de loi
Falloux. (Applaudissements à gauche.)
Il est possible d'imaginer plusieurs manières
d'abroger la loi Falloux. Les uns proposent le re-
tour au statu quo ante, c'est-à-dire au monopole
universitaire; d'autres réclament l'assimilation des
grades et diplômes exigés des membres do l'Uni-
versité et des membres de l'enseignement libre ;
alors que, en vertu des articles qui n'exigent le
grade de bachelier que du seul directeur d'un éta-
blissement libre, il arrive aujourd'hui que dans un
de ces établissements, sur 38 professeurs, 7 seule-
ment sont bacheliers.
D'autres veulent joindre à cette assimilation des
grades et diplômes une surveillance sévère pour
empêcher que l'éducation et l'instruction dans les
établissements libres soient hostiles à l'état répu-
blicain. (Applaudissements à gauche.)
D'autres proposent, dans une loi générale, de dé-
finir ce qui serait exigé des directeurs et profes-
seurs de l'enseignement. D'autres encore, do reve-
nir aux lois de la première Révolution, de suppri-
mer toutes les congrégations religieuses et de ré-
tablir ensuite la loi Daunou sur la liberté de l'en-
seignement. D'autres enfin proposent de décider
que la liberté do l'enseignement existera seulement
en ce qui concerne les adultes âgés de plus de seize
ans.
Je ne me prononce pas sur ces diverses solutions.
Je demande à la Chambre de faire comme le Sénat,
une déclaration manifestant son désir de voir abro-
ger la loi Falloux, organe, germe et ferment do la
division entre les Français.
La majorité républicaine, debout, a applaudi
et acclamé longuement le vaillant et grand
orateur radical.
L'attitude de M. Waldeck-Rousseau
M. Waldeck-Rousseau, écouté avec l'atten-
tion que l'on devine, fait, en somme, une dé-
claration de neutralité — limitée au vote de
l'ordre du jour, naturellement; car, en ce qui
concerne la question cléricale et l'abolition de
la loi Falloux. il s'est prononcé avec une net-
teté admirable pour les solutions républicaines.
M. Waldeck-Rousseau. — Il me sera fa-
cile de répondre rapidement à l'honorable M. Bris-
son ; car sur les idées qu'il a abordées à la tribune,
le gouvernement s'est expliqué, non par des décla-
rations, mais par un texte de loi. M. Brisson a
parlé d'une façon générale de l'abrogation de la loi
Falloux, ce qui ne répond sous une forme précise à
la pensée de personne.
La proposition, prise en considération par le
Sénat, à laquelle il a fait allusion, s'est assimilé le
texte d'un projet de loi déposé parle gouvernement
le 14 novembre 1899 en méma temps que la loi sur
les associations. D'après ce projet, aucun élève d'un
établissement privé ne pouvait prendre d'inscrip-
tion dans une faculté de l'Etat ni concourir pour les
écoles du gouvernement, s'il n'avait pas passé ses
trois dernières années d'études dans un lycée ou col-
lège de l'Etat Sur cette idée, il n'y a donc aucun
désaccord entre le gouvernement et la commission
du Sénat.
Dans ces conditions, le gouvernement n'a pas
d'opposition à faire à l'adoption de l'ordre du jour
dont la Chambre est saisie.
De chaleureux applaudissements ont accueilli
ces paroles. On savait gré, du reste, au chef du
cabinet, de laisser la Chambre entièrement
maîtresse de sa décision. C'est d'elle-même,
sans l'appoint d'aucune influence gouverne-
mentale, que devait se former, une heure plus
tard, une majorité de gauche, décidée à exiger
des actes contre les menées de Ici Congréga-
tion.
Les modérés sentaient dès lors combien se-
rait grave une défaite essuyée dans de telles
conditions.
Discours de M. Aynard
C'est M. Aynard que les « libéraux » ont
fait marcher au feu. M. Aynard s'est surpassé,
tour à tour, fin, ardent, mordant; il a dépensé
infiniment d'esprit et d'ingéniosité, il a ravi
tout le monde et n'a gagné personne à sa mau-
vaise cause.
J'espèrc que la Chambre ne voudra pas s'associer
à une manifestation vaine. Cette liberté, si péni-
blement conquise et qui fonctionne depuis un
demi-siècle, n'a d'inconvénient à vos yeux que
parce qu'elle fonctionne au profit do personnes qui
ne sont pas do voira opinion, Gsla ag uqu3 su tût
pas. Je considérerais comme une honte pour le ré-
gime parlementaire, qui est un régime de libre
discussion, de s'appliquer à détruire une liberté.
C'est le contraire de votre rôle.
Votre rôle, à vous, est de créer des libertés. Mal.
porter la main sur une liberté acquise, c'est ma
outrage au régime de libre discussion, Hier, M. Vi-
viani rappelait une parole de Thiers à Cousin, pa-
role que je n'admire pas et qui s'inspirait de je M
sais quelle nécessité de salut public.
Je rappellerai à mon tour une interruption, par*
tie en 1850 de la Montagne, l'extrême gauche
d'alors, pendant une tirade éloquente de M. Thiers
où il définissait la République : « La République, :
s'écria l'interrupteur de votre parti, c'est la liberté
donnée à tout le monde ! » Je vous somme de tenir1
votre promesse.
Le centre et la droite ont payé d'une ovation
la valeur de leur champion.
Incident Ribot-Brisson
Il semblait qu'il n'y eût plus qu'à passer du
vote. M. Ribot n'en a pas jugé ainsi. M. Gau-i
thier de Clagny demandait la division sur l'or."
dre du jour. M. Ribot demanda à parler de sflTi
place et voici ce qu'il dit :
M. Ilibot. — C'est la démission de la Cham- *
bre devant le Sénat. Vous pouvez voter cet ordre
du jour. Le pays jugera ce qu'il vaut. Au nom du
régime parlementaire, j'ai le droit de protesterez
de constater que vous, qui êtes le parti qui a log.
jours demandé la suppression du Sénat, vous êtes
arrivés à ce degré d'humilité vis-à-vis de l'autre;
Chambre, de déclarer votre adhésion non à une loi !
librement discutée à. la tribune mais à quelques
mots tombés dans le mystère d'une commission de
cette assemblée.
Je dis que cela n'est cas digne de la Chambre l
Ces paroles violentes provoquèrent l'enthou-
siasme vibrant des réactionnaires. Eux-mêmes
sentaient bien, cependant, ce qu'il y avait
d'excessif dans la thèse démagogique soutenue
par M. Ribot. Comment l'orateur du centre
pouvail-il espérer amener la Chambre à pen-
ser qu'une réforme devrait être repoussée —
chaque fois qu'elle serait due à l'initiative du
Sénat ? Il y a dans cette conception quelque
chose d'insensé.
M. Henri Brisson, de sa place aussi, répon-
dit. De sa belle et profonde voir grave, il pro-
nonça les paroles suivantes :
M. Henri Brisson. — Je n'ai jamais, pour
ma part, demandé la suppression du Sénat. J'ajoute
que j'ai voté à l'Assemblee nationale la loi consti
tutionnelle établissant les deux Chambres. Ceb ms
permet, quand je rencontre dans l'assemblée qut
siège au Luxembourg un exemple républicain, de
le suivre.
Ce n'est pas là de l'humilité Et, dans tousïescas,
je préfère cette humilité, que j'appellerais plutôt
de la modestie, à celle d'anciens républicains qui
cherchent à se mettre à la tête des partis de le
droit..
Après cette réplique indignée, si nette, si
précise, si vigoureuse, les républicains ont une
fois encore fait une longue ovation à celui qui
venait de se montrer, en celte occasion comme
en d'autres, l'honneur de notre parti et par le
talent, et par le caractère.
Les votes
La première partie de l'ordre du jour, jus-
qu'au dernier paragraphe exclusivement; a été
adoptée par 523 voix contre 20. -
Le scrutin auquel il a été procédé sur la sé-
conde partie a donné lieu à pointage, et, fina-
lement, cette seconde partie — condamnation
de la loi Falloux — a été adoptée par 266 voix
contre 242.
L'cnsemble. a été adopté par 282 voix contre
239.
Ces votes ont été salués par les applaudisse.
ments des démocrates.
LA REFORME DE
L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
Avant l'ardente mêlée dont je viens d'essayer
de donner une idée, la Chambre avait achevé
d'examiner la réforme de l'enseignement se-
condaire. Laissons la séance se dérouler sous
nos yeux.
Discourfl de M. G. Leygues
M. Georges Leygues répond d'abord aux
discours prononcés la veille par MM. Viviani
et Ribot.
De forme élégamment classique et de fonds
moderne, le discours — la causerie plutôt —
du ministre de l'instruction publique est en-
tendu avec intérêt :
L'idéal ne doit pas être de donner la même ins-
truction à tous. Il faut, au contraire, laisser cha-
que enfant se diriger selon ses goûls.
La gratuité absolue demandée par M. Viviani au-
rait pour résultats de donner à tous une instruction
égale et de faire de la France une nation de mé-
decins sans clients, d'avocats sans cause, de fonc-
tionnaires, de parasites sociaux. (Vifs applaudisse-
ments.)
Le paysan courbé sur son sillon accomplit une
tâche sociale aussi noble que celle du savant. (Ap-
plaudissements.)
Une longue série d'amendements est sou-
mise à la Chambre ; sont repoussés ceux qui
avaient été déposés par MM. Carnaud. Vaillant.
Paschal Grousset — qui dénonce les abus da
l'internat; Couyba — pour réduire à six ans la
durée des études.
M. Ldvraud dépose, en plus, un amende-
ment tondant à rendre le grec obligatoire à
partir de la 4' dans une des sections du pre-
mier cycle, amendement qui est repoussé ;
puis un projet de résolution additionnel ten-
dant à organiser la gratuité de l'enseignement
secondaire et supérieur, et comme mesuretran-
sitoire, à attribuer à la fin de cette innée 500
bourses aux meilleurs élèves des écoles pri-
maires.
Soutenue par M. Berteaux, la motion de M.
Levraud est renvoyée à la commission du
budget.
Le projet de résolution de la commission est
adoplé à mains levées.
Hugues Destrem.
LE CENTENAIRE DE VICTOR HUGO
A la Bourse du Travail
Voici le programme exact de la fête organi.
sée par le syndicat des membres de renseigne-
ment, fête dont nous avons déjà parlé et qui
sera donnée demain dimanche dans la grande
sal!e de la Bourse du Travail sous la présidence
de M. Grol:lss:er député du 108,
Avant-propos par Jean Psichari, directeur d'éta-
des à l'école des Hautes-EtudtJs.- Hymne à Victor-
Hugo, par t'orchestru, sous la direction de RaphaSl
Wibier. — Le Centenaire, d'Eugène Corsin, dit
par M. Brunsewig. - Un poète au poète, de Le-
conte de Lisle, par Mlle Rabuteau. — Ilugo vivra,
de Séverine, par M. F. Noël. — Fragments des
Feuilles d'Automne, des Chants du Crépuscule, des
Contemplations, des Orientales, de la Légende des
Siècles, des Odes et ballades. — Le 4* acte de Tor-
quemada, joué par MM. Leger, Noël Brunsewicg
et Mlle Rabuteau. — La fin du Conventionnel, la
Mort de Gavroche, le finale do Claude Gueux. —
Le monologue de Saint Vallier et le ballet. du Rot
s'amuse. — Marat, Danton et Robespierre au ca-
baret de la rue du Paon, le Réveil des Enfants,
Gaucam et Ctmourdam de Quatre-vingt-treize.
— L'apostrophe de Ruy Blas. — Le choral de la
Bourse du Travail. — Les Chansons dee Rues et
des Bois (Le vrai dans le vin). — L'Année terrible
(Sur une barricade). — L'Art d'être grand-père
(Jeanne était au pain sec et ce que dit le public),
— L'homme qui rit (Gwynptaine à la Chambre des
Lords). — Les Châtiments (le Sacre, Stella, l'Obéis..
sance passive, l'Art et lo peuple, Souvenir de la
nuit du 4, Lux), et pour terminer, par l'orchestre,
Solitude, de Gounod.
La Société d'enseignement moderne
La. section d'éducation sociale de la Société
d'enseignement moderne pour l'instruction des
adultes donnera ce soir à 8 b. Ii2. au préau do
l'école, 36. rue de Tourtille, une soirée GJll'jjQft'
neur du centenaire de Victor Uuo.
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ADIIINISTRATION: 131, rue Ifonlmarfre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
L'ktofa iijpto
Après le magistral discours pro-
noncé, hier, par M. Georges Leygues,
ministre de l'instruction publique, à la
tribune de la Chambre des députés, je
ne vois point, je le déclare, quelle ob-
jection pourrait être encore formulée
contre la réforme de l'enseignement se-
condaire.
Il y a environ deux mois, au banquet
de l'Association générale des membres
de la Presse de l'enseignement, chez
Marguery, M. Leygues, dans une im-
provisation brillante, traça les grandes
lignes de cette réforme; il prononça
alors les mots d' « élite intellectuelle »,
d* « aristocratie intellectuelle », qu'il a
répétés hier à la Chambre ; et je me sou-
viens parfaitement d'avoir, une fois le
fracas des applaudissements éteint, en-
tendu autour de moi des murmures.
Car ce mot d' « aristocratie», à cause
des funestes souvenirs qu'il évoque,
sonne mal, il faut bien l'avouer, à nos
oreilles.
Je n'étais point, je me hâte de le dire,
de ceux qui murmuraient ; mais je ne
pouvais me défendre d'une certaiue in-
quiétude.
Aristocratie, soit ; n'ayons point peur
des mots ; mais comment l'entendez-
vous, cette aristocratie ? comment la
recruterez-vous ?
M. Leygues en disant hier, à la Cham-
bre : — « La vérité est que l'enseigne-
ment secondaire et même l'enseigne-
ment supérieur doivent être largement
ouverts aux enfants du peuple, à la dis-
position desquels il faut mettre le plus
de bourses possible » ; — a parlé de
façon à faire disparaître toute équivoque
et aussi toute hésitation.
.*.
Lorsque nous réclamons l'instruction
intégrale, c'est-à-dire l'instruction ou-
verte à tous, accessible à tous, nous
n'entendons point dire, assurément, que
la même instruction doive être donnée
à tous.
Quand M. Leygues a ajouté : « L'idéal
ne doit pas être de donner la même ins-
truction à tous ; il faut, au contraire,
laisser chaque enfant se diriger selon
ses goûts »; il a, à notre avis, énoncé
une vérité évidente.
Ce que nous voulons, c'est que pas un
enfant du peuple ne puisse être entravé
par le manque de ressources pécuniairès
dans son ascension vers les hautes ré-
gions de la science où l'entraînent ses
ambitions, sa vocation.
Volontiers dans les ouvrages destinés
à la jeunesse — en général si stupides,
ces ouvrages ! — on offre en exemple
aux enfants les fils d'ouvriers, de pay-
sans qui, à force de labeur et de volonté,
se sont élevés au-dessus de la condition
où le hasard de la naissance les avait
jetés, ont surmonté tous les obstacles
placés entre eux et les destinées qu'ils
ont voulues, qu'ils ont conquises.
Rien n'est plus absurde.
Ces gens-là sont tout tranquillement
des héros ; pour triompher de toutes les
forces sociales qui semblaient les con-
damner à vivre là où ils étaient nés, il
leur a fallu une énergie, une continuité
de vouloir que l'on peut qualifier de
surhumaines. Il est profondément inepte
de les proposer en exemple aux autres
hommes, par cette simple et bonne rai-
son qu'il est ridicule de demander à tout
le monde d'être des héros.
Et c'est précisément parce que tout le
monde n'est pas des héros que nous
voulons que les difficultés, les obstacles
contre lesquels ont eu à lutter les en-
fants-prodiges soient aplanis.
Jaloux de ne laisser se perdre aucune
parcelle de la vraie richesse, la richesse
intellectuelle et morale de la France,
BOUS voulons que les plus grandes, les
plus larges facilités soient assurées à
quiconque manifeste l'intelligence et la
volonté de s'élever au-dessus du niveau
commun ; nous voulons que tous ceux
qui affirment par leurs actes, par leur
volonté réfléchie, cette ambition, la
plus noble de toutes, soient puissam-
ment encouragés, aidés, soutenus; nous
ne voulons pas qu'il puisse être dit
qu'un génie ait été empêché de se pro-
duire, annihilé, tué par des difficultés
matérielles, disons le mot : par le man-
que d'argent ; nous voulons que pas un
champ ne demeure en friche, que pas
une plante ayant fait le premier effort
de percer la terre et do montrer au so-
leil la verte promesse de ses feuilles,
ne reste sans cultnre ; que pas une force
ne demeure inutilisée ; nous voulons,
en un mot, que l'accès des carrières di-
tes libérales soit largement ouvert à
toutes les bonnes volontés, et que les
plus altières régions du savoir ne soient
à priori interdites à personne.
.*.
A l'issue de ce banquet dont je parlais
tout à l'heure, je disais à l'un de ceux
qui avaient murmuré :
a — Oui, le ministre de l'instruction
publique a raison ; je crois à la nécessité
d'une élite intellectuelle.
« A ce grand et noble pays qu'est la
France, il faut non-seulement des ou-
vriers, des commerçants, des industriels;
mais aussi des artistes — et, bien en-
tendu, ie prends ce mot dans la plus.
large, dans la plus haute acception —
des artistes chargés—on peut donner
cette définition de leur rôle — d'entre-
tenir parmi DOua le culte et les tradi-
tions du beau. -
Mais si j'accepte, quant à moi, la
conception très discutée de cette élite,
c'est à la condition formelle qu'aucune
considération autre que la valeur per-
sonnelle, intrinsèque, ne concourraà son
recrutement ; je n'hésiterais pas à la re-
pousser si elle ne devait se composer
que d'hommes ayant trouvé dans leur
berceau les moyens de poursuivre leurs
études à l'abri de toutes préoccupations
matérielles ; je l'accepte si les mesures
libérales qui doivent nous donner l'ins-
truction intégrale : concours ouverts à
tous, bourses généreusement accordées,
pensions servies par l'Etat aux plus di-
gnes jusqu'à l'achèvement complet de
leurs études, permettent à tous, au fils
de l'ouvrier et du paysan comme à ce-
lui du millionnaire, d'aspirer à prendre
place dans cette élite que l'on pourra
vraiment alors appeler l'élite de la na-
tion, et dont à juste titre la France s'en-
orgueillira.
Le discours prononcé hier par M.
Leygues a répondu aux préoccupations
ainsi formulées, et qu'assurément je
n'étais pas seul à ressentir. C'est pour-
quoi je dis que, maintenant, la situation
étant éclaircie, et satisfaction étant
donnée à ceux qui revendiquaient le
droit sacré des pauvres, il n'y a plus
qu'à approuver la réforme de l'en-
seignement secondaire.
Il appartenait à la République de met-
tre les plus hautes situations morales à
la portée de l'ambition des plus humbles;
je dis : humbles, quant à leur situation
sociale. Parlez-nous maintenant des
classes et de la lutte des classes ! Les
barrières élevées par le hideux argent
entre les hommes s'écroulent, tous sont
égaux devant l'esprit; à l'aristocratie de
la naissance, à celle , aussi détestable,
de l'or, l'aristocratie de l'intelligence
est substituée.
Croyez que le gouvernement et la
Chambre sont en train de réaliser une
grande réforme dont ceux qui viendront
après nous récolteront les fruits su-
perbes.
Lucien Victor-Meunier.
.———.———————.
A BAS LA LOI FALLOUX
Honneur à Henri Brisson qui
nous débarrasse de la loi Fal
loux; nous ne voulons pas at-
tendre vingt quatre heurespour
nous réjouir du beau succès
que notre éminent ami aob
tenu hier à la Chambre : grâce
à lui, la loi Falloux, déjà blessée au Sénat,
est aujourd'hui morte. Aucun gouverne-
ment ne pourra plus défendre une loi que
le Sénat et la Chambre ont solennellement
condamnée. Le grand débat sur l'instruc-
tion qui occupe depuis deux jours les séan
ces de la Chambre aura donc porté ses
fruits.
Henri Brisson avait déjà rendu à la dé-
mocratie un service inoubliable en prépa-
rant — par sa savante enquête sur la con-
grégation, qui a paru dans le Rappel — et
par ses nombreux travaux législatifs, la
loi qui nous libère des jésuites ; le vote
qu'il a obtenu hier va libérer les généra-
tions futures, du cléricalisme dans l'école.
Ce que, depuis la loi Falloux, on appelait
l'école libre, c'était l'enfant éduqué par le
prêtre, par le « cher frère ». Tout cela va
disparaître ; car il ne serait pas acceptable
que le vote d'hier n'eût aucune sanction.
Le Parlement se doit à lui-même de répa-
rer, aussi promptement que possible, le
mal qui a été fait, depuis cinquante-trois
ans, par la meurtrière législation scolaire,
œuvre de la réaction de 1849.
Cette loi, machinée par toutes les forces
cléricales qui, trois années plus tard, de-
vaient soutenir le coup d'Etat de Louis Bo
naparte, cette loi qui était l'organisation
de la servitude nationale, et qui avait pour
tâche de verser de la nuit dans les cerveaux
des enfants; cette loi néfaste n'existe plus
virtuellement. Son abrogation légale n'est
plus qu'une questionde semaines.Républi
cains,travaillons sans tarder à la remplacer
par une législation conforme aux aspirations
de la démocratie. — Ch. B.
L'OUTILLAGE NATIONAL
La commission sénatoriale de dix-huit mem-
bres chargée d'examiner le projet relatif à
l'outillage national s'est réunie pour se cons-
tituer.
Elle a élu président M. de Freycinet; vice-
présidents, MM. Barbey et Edouard Millaud :
secrétaires, MM. Moneslier et Gauthier (de
l'Aude).
La commission a décidé en outre do se par-
tager en sous-corainissions qui examineront
chacun des projets coutonus dans la loi.
I III ■■
LE PARI MUTUEL
M. Abel Bernard et plusieurs de ses collè-
gues ont déposé l'amendement suivant à la loi
de finances:
Un prélèvement supplémentaire de un pour
cent sera fait sur la masse des sommes versées au
pari mutuel de chaque hippodrome et affecté à des
travaux d'adduction d'eau potable.
1
LES RETRAITES DES MINEURS
La commission d'assurance et de prévoyance
sociales a examiné la projet du gouvernement
tendant à l'amélioration des retraites des mi-
neurs.
Elle a décidé, après une discussion qui a
occupé plusieurs séances, qu'il n'y avait pas
lieu d'édicter un régime spécial pour les ou-
vriers mineurs.
Elle a en même temps résolu de détacher du
projet général sur les retraites ouvrières, pour
en faire l'objet d'un projet spécial, les dispo-
sitions prévues pour la périoçie transitoire. Ces
dispositions seraient dès à présent rendues ap-
plicables aux ouvriers mineurs CQmme aux
autres ouvriers.
LA MEDECINE
- - CHARITABLE
-
LE MARTYRE DES MONSTRES
Une conséquence de la séparation de
Radica - Doodica. — Cliniques et
dispensaires. - Lesspéciàlistes.
- — Les philanthropes
L'opération chirurgicale pratiquée sur Ra-
dica-Doodica est encore le sujet a passion-
nant » de maintes conversations. S'il ne s'était
pas agi del'existence même des pauvres petites,
on dirait volontiers que ce fut une «séparation
de corps » à sensation. Il n'est donc pas trop
tard, pour tirer do cet événement les consé-
quences générales qu'il comporte.
On sait que le cas de Radica-Doodica est ex-
ceptionnel, mais non unique : le plus illustre
de ses devanciers porta le nom de frères-sia-
mois. Après les frères-siamois, les sœurs hin-
doues ; après le sexe fort, le faible. Ce qui —
je le crois, au moins — ne s'est jamais produit
ou n'a jamais été révélé, c'est l'union aussi in-
time, mais plus anormale encore, de deux
êtres et de deux sexes. Rien n'est impossible, et
ce qui ne fut pas peut être. Eh bien, la vie en
pareils cas est un martyre que la médecine (et
plus spécialement ici la chirurgie) devrait em-
pêcher en temps utile, c'est-à-dire dès la nais-
sance ou les premiers ans des jumeaux-liés:
Les cirques et les foires y perdraient des phé-
nomènes lucratifs, mais la conscience publique
n'aurait rien à se reprocher.
D'autant que, fatalement et tôt ou tard, les
martyrs de ce genre doivent aborder le dilem
me, l'opération ou la mort, et que devant
celle-là celle-ci ne recule pas toujours. Puis-
que l'opération est inévitable, mieux vaut la
faire ab ovo, à l'origine du mal. Si le patient
meurt, il n'eut guère conscience de la souf-
france : s'il vit, la blessure se cicatrise, il n'est
plus un être ou un demi-être,monstrueux, des-
tiné par son mal à constituer l'agrément de
tout autre que lui. Il faudrait donc que le
médecin-accoucheur ou la sage-femme fissent
auprès de l'officier de l'état civil une déclara-
tion bien nette de ces anomalies ; et un texte
législatif contraindrait le praticien à séparer
deux êtres condamnés, sans cela, à souffrir et
à mourir l'un par l'autre. Les chirurgiens, par
humanité, devraient provoquer cette loi.
lia médecine meurtrière et les
spécialités
Aussi bien toute philanthropie devrait-elle
passer à l'état de règle chez les « hommes de
l'art ». Trop souvent la gratuité entraine la
négligence. Tel « docteur » est médecin de
nuit ou de dispensaire, uniquement pour obte-
nir la clientèle et la décoration. J'en ai connu
dont les « cliniques » étaient, faute de soins et
de diagnostic, de véritables officines d'empoi-
sonneurs. Un de ceux-tà fut chargé un jour de
procurer à un malade le sommeil perdu depuis
nombre d'années : il fit ce sommeil éterne!. Le
pharmacien le prouva, après coup, à qui vou-
lait l'entendre. Ce qui n'empêcha pas le « doc-
teur » d'avoir à quelque temps de là un des
cabinets les plus mondains, et de compter plus
encore do clients que de victimes.
Non moins dangereuse que la gratuité,est la
spécialité. Un médecin spécialiste peut avoir la
compétence nécessaire pour les maladies qu'à
l'exclusion de toutes autres il se charge de
calmer ou de guérir, Mais sa fonction involon-
taire est de déplacer le mal plutôt que de l'ef-
facer. Souffrez-vous de l'estomac? Voyez le
« prince de la science » pour qui l'estomac n'a
plus de secrets. Le jour où cet organe sera re-
mis en état, vous constaterez dans votre orga-
nisme l'éclosion d'un deuxième mal qui, guéri
à son tour par un nouveau spécialiste al hoc,
en aura engendré un troisième. N'essayez pas,
même timidement, de manifester ces appré-
hensions : guérissant le mal qu'il traite, Escu-
lape prétend vous garantir de tout autre. Et
les découvertes médicales les plus belles et les
moins incontestées produisent do semblables
effets, car leurs auteurs — des spécialistes
aussi, et les premiers d'entro eux — se sont
préoccupés de cicatriser une plaie, sans s'in-
quiéter d'en creuser d'autres.
Volontairement ou non, effet de l'ambition
cherchée ou atteinte, cette médecine manque
de charité. Et le malade est sa victime*
La médecine générale
Toute autre est la médecine courante, la mé-
decine de campagne si vous voulez. Pratiquée
avec le. cœur et l'érudition nécessaires, elle
constitue un réel apostolat. D'abord, à tout
prendre,un tel médecin est plus fort qu'un spé-
cialiste; car son domaine est infiniment plus
vaste, et son attention seporte, non pas sur un
organe, mais sur l'organisme entier, qu'il se
donne la mission de protéger. Il possède donc
une des plus grandes. qualités médicales : la
circonspection. Et traitant toutes les maladies,
il n'est pas tenté, comme le juge qui voit un
malfaiteur dans tout prévenu, de diagnosti-
quer toujours le même cas, pour n'avoir d'or-
dinaire que celui-là sous les yeux.
Trois nobles exemples
Dans cette voie de progrès et de charité mar-
chent depuis longtemps les petits, je veux dire
certains méconnus ou besogneux ; ils y atten-
dent leurs « célèbres confrères ». Je prononçais
tout à l'heure le mot d'« apostolat ». Je le ré-
pète. Le médecin, au sens élevé du mot, est
souvent lui-même un martyr, un esclave ou
un amoureux de son art. Je vous en citerai
trois exemples que j'ai pu moi-même contrôler.
Dans Seine-et-Marne, l'un de ces zélés part,
une nuit d'hiver,où il gelait à pierre fendre,sur
une terre couverte de neige. Il a toute une
étape à franchir, parmi l'obscurité d'une cam-
pagne lugubre,dans une voiture mal close,avec
la seule protection d'une couverture. Il arrive
à destination. Ce sont de pauvres gens qui l'ont
fait appeler pour leurs enfants atteints de ma-
ladie contagieuse. Dans un lit sans draps, les
petits grelottent ; nouveau saint Martin, le bon
docteur les réchauffe dans sa propre couver-
ture. Non sans l'avoir fait à ses frais remplacer
par une autre, il la reprend, le jour venu, la
remporte avec l'idée de la désinfecter sans re-
tard. Mais la consultation l'attend dès son re-
tour : force lui est d'ajourner son projet, et ce
laps de temps suffit pour que ses propres en-
fants jouent avec la laine empoisonnée, y ga-
gnent le germe de la contagion et en meu-
rent.
Le deuxième exemple est celui d'un théori-
cien do Neuilly-sur-Seine, qui se fait praticien
par humanité. Ordonne-t-il des sangsues, un
vésicatoire, ou dos sinapismes? 11 ne laisse pas
à d'autres le soin de les poser. Et, pour récom-
pense de ses efforts, il oublie de remettre sa
note d'honoraires à ceux de ses protégés qui
sont dans l'indigence.
Le dernier exemple enfin, est celui d'un troi-
sième omi, mort récemment.
Son testament portait qu* a avant con-
« sacré sa passion à soigner ses clients,
« ayant eu le bonheur d'en sauver un assez
« grand nombre, il voulait que sa mort cons-
« tituat remise de dette à tous et qu'il ne leur
« tlit r~ njcsame v»
Do tels philanthropes ont droit a notre re-
connaissance ômue. Si leurs exemples ne se
généraient pas comme il conviendrait, que
du - i oins à défaut des hommes tes lois devien-
nent Etttsjiorûbreuâeaj quUassôatdela mégo-,
cine, non pas seulement une nécessité ou un
art, mais une charité. - Fernand Gendrier.
CRISPI ET LES CARDINAUX INDICATEURS
(De notre, correspondant particulier)
Rome, 14 février.
On sait que plusieurs Monsignori et même
quelques cardinaux d'origine sicilienne entre-
tenaient des relations secrètes avec M. Crispi
et lui rapportaient tout ce qui se passait au
Vatican. Ces hauts personnages du clergé ne
pouvaient envisager qu'avec terreur la possi-
bilité d'une publication des papiers posthumes
de l'ancien président du conseil. Ils sont en-
trés en négociations avec dona Lina, veuve du
défunt homme d'Etat. Leur intermédiaire, un
historien allemand bien connu, qui vit depuis
des années à Rome, était sur le point d'aboutir
quand les jésuites ont fait échouer tous les
pourparlers.
On dit qu'ils ont surenchéri sur les autres,
sachant bien que dona Lina est fort sensible
aux arguments sonnants et trébuchants.
—
RFFAIRE MYSTÉRIEUSE AU PALAIS-ROYAL SERBE
(De notre correspondant particuUer)
Belgrade, 14 février.
Dans la nuit de lundi à mardi derniers, les
deux factionnaires placés devant l'appartement
du roi ont été trouvés dans un état d'assou-
pissement complet. Au médecin de la cour qui
leur a fait recouvrer les sens, ils ont déclaré ne
se souvenir que d'avoir vu passer une dame
suivie d'un officier.L'aide de camp du roi a em-
pêché les deux soldats d'en dire davantage.
Depuis, les deux factionnaires ont disparu de
Belgrade.
BANQUET CHINOIS EN L'HONNEUR
DU MAIRE DE NEW-YORK
(De notre correspondant particulier)
New-York, 14 février.
M. Low, le nouveau maire de New-York, a
accepté l'invitation au banquet monstre que les
négociants chinois donneront lundi prochain
dans la Halle du commerce pour célébrer la
nouvelle année.
Un grand orchestre chinois jouera pendant
le repas et 100.000 pétards annonceront le com-
mencement de la fête.
Le menu se composera de 27 plats; il y aura
entre autres des nids d'hirondelles qu'on a
fait venir directement de Chine ; des canards,
du porc, de la chair de requin ; heureusement
— ou malheureusement — quelques plats na-
tionaux, tels que rats et asticots ne figureront
pas au menu.
Chaque convive recavra un objet en porce-
laine.
AUX ÉCOLES MILITAIRES ALLEMANDES
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 14 février.
Sur l'ordre du ministère de la guerre, le mo-
dèle des fortifications de la place de Longwy.
construites en 1683, par Vauban,sera rethé du
musée des ingénieurs et envoyé à l'Ecole de
guerre de Neisse.
LE NOUVEL EXPLOSIF ANGLAIS
(De notre correspondant particulier)
Londres, 14 février.
Le War Office a donné ordre de commencer
la fabrication du nouvel explosif destiné aux
armes d'infanterie.
Voir à la 3° page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
Tolstoï
Saint-Pétersbourg: 14 février.
Une légère amélioration s'est produite dans
l'état du comte Tolstoï. Cepondant tout danger
n'est pas écarté.
00
LA HAUTE COUR
La commission d'instruction de la Haute
Cour de justice a choisi pour président M. Jules
Cazot.
» H»——»
LE SERVICE MILITAIRE
La commission do l'armée, réunie sous la
présidence de Camille Krantz, a examiné les
propositions dont elle a été saisie par MM. Le
Hérissé, Raiberti, de Montebello et d'Alsace,
tendant, soit à une réduction progressive du
service militaire, soit à la suppression des dis-
penses, soit au rengagement des sous-officiers
et des simples soldats.
Après un examen sommaire, plusieurs mem-
bres ont émis l'avis que la commission ayant
volé il y a un an une résolution par laquelle
elle invitait le gouvernement à lui apporter un
projet de loi : 1* sur la réorganisation des ca-
dres et effectifs; 2" sur le rengagement des
sous-officiers et soldats, et le ministre de la
guerre n'ayant pas déféré à cette invitation, la
commission n'avait qu'à se maintenir sur le
terrain où elle s'était placée en vue d'arriver
à une réduction progressive du service mi-
litaire.
La commission a donné mandat à son près!..
dent d'exposer cette situation à la Cham-
bre lors de la discussion du budget de la
guerre.
L'AUGMENTATION
DE LA CONTRIBUTION MOBILIÈRE
On nous communique le procès-verbal sui-
vant:
Les représentants des départements dégrevés par
l'amendement Le Moigno se sont réunis, au Pa-
lais-Bourbon, aujourd'hui, pour examiner l'atti-
tude qu'il leur appartient de prendre en présence
des réclamations auxquelles a donné lieu, dans un
certain nombre de départements, les répartitions
adoptées en suite du vote de cet amendement par
les conseils généraux et d'arrondissement.
La réunion, présidée par M. Le Moigne, a décidé
qu'il y avait lieu :
1* De maintenir le vote du Parlement en faveur
de l'amendement Le Moigne et d'empêcher tout re-
tour sur les dégrèvements qu'il a opérés au profit
de 56 départements ; 2° De s'entendre avec le gou-
vernement et la commission qui représente les dé-
partements surchargés pour résoudre les difficultés
pratiques soulevées par la sous-repartement tel
qu'il a été appliqué.
Une commission a été constituée pour exécuter
ces décisions. Elle se compose de MM. Lo Moigne,
Trouillot, Hubbard, Klotz, Bouctot, Massabuau,
Emile Rey, Lachaud, Clémente], Ronault-Morlière
et Decker-David.
- eo
EN TURQUIE
Ou écrit do ConstaQliaopIe & l'agence
Bavas:
La Deutsche Bank a consenti une avance de
400.000 livres turques au gouvernement, mais on
ne dit pas à quel usage cette somme sera affectée.
Ce que l'on sait, o'est que l'Allemagne insiste pour
le règlement de créances et IqjD&iCHWllt do fourni-
tures de siaroasûrUssaats, - «
A LA CHAMBRE
CONTRE LA LOI FALLOUX
La morale du débat sur l'enseigne-
ment secondaire. — Intervention de
M. Henri Brisson. - La gauche
affirme sa volonté anticlé-
ricale
Jusqu'à près de cinq heures, la Chambre a
discuté, sans grande conviction, sur divers
amendements au projet de résolution proposé
pour sanctionner le débat sur l'enseignement
secondaire. Une trentaine d'amendements ont
été examinés. Je résumerai plus loin les échan-
ges d'observations qui se sont faits. Tout do
suite, arrivons à la partie de la séance qui a
comporté de la lutte et de l'émotion.
On s'attendait, à vrai dire, au vif engage-
ment qui s'est produit, et les leaders des deux
fractions adverses de la Chambre se prépa-
raient au combat.
11 se fit tout à coup le plus profond silence.
Quand M. Deschanel se leva, disant :
MM. Henri Brisson, Maurice Faure et un certain
nombre de leurs collègues proposent l'ordre du
jour suivant : 1
« La Chambre, considérant que, si l'enseigne-
ment secondaire est une fraction importante du
système de l'éducation nationale, il ne saurait ce-
pendant être isolé des autres parties ;
« Qu'il conviendrait de faciliter l'accès à cet
ordre d'enseignement des élèves les plus méritants
des écoles primaires publiques, afin d'arriver à
l'égalité de tous les enfants devant l'instruction ;
qu'il importe également de relever la condition
morale et matérielle des instituteurs et des institu-
trices comme des maîtres et professeurs des autres
ordres ;
« Adhérant au principe de 14 proposition faite au
Sénat et déjà favorablement accueillie par cette
assemblée pour l'abrogation de la loi Falloux,
passe à l'ordre du jour. »
M. Viviani, qui avait également déposé un ordre
du jour, se rallie à celui de M. Brisson.
La parole est à M. Brisson.
Les applaudissements de la gauche ont ac-
compagné M. Henri Brisson pendant qu'il mon-
tait à la tribune. On est toujours heureux de
voir se dresser contre la réaction le vétéran qui
a mené tant de belles batailles parlementaires.
M. Henri Brisson a poussé droit à l'ennemi.
Discours de M. Henri Brisson
La première partie de mon ordre du jour se jus-
tifie par cette considération qu'il parait impossible
de laisser se terminer un débat de cette impor-
tance pour l'ensemble de notre enseignsment,
sans qu'il ait été question de l'enseignement pri-
maire.
Personne plus que moi ne rend hommage aux
travaux considérables de la commission. Mais
il me semble qu'elle n'a pas fait de rapports sur
les propositions qui lui avaient été renvoyées,
relativement à l'enseignement primaire. Il ne
me parait pas possible que les 90 000 ou 100 000
élèves do l'enseignement secondaire nous cachent
les 5 ou 6 millions d'enfants des écoles pri-
maires.(Très bien! très bien! à gauche. — Interrup-
tions. )
M. le président de la commission. -
A quelles propositions l'honorable M. Brisson fait-il
allusion ?
M. Henri Brisson. — A l'amendement de
M. Carnaud. Je ne voudrais pas non plus que les
quatre ou cinq mille professeurs de l'enseignement
secondaire, si intéressants qu'ils soient, nous fissent
oublier les 100,000 ou 120,000 instituteurs et insti-
tutrices de l'enseignement primaire. C'est pourquoi
j'ai songé à demander à la Chambre une manifes-
tation de sympathie en faveur de ces derniers.
(Très bien! très bien ! à gauche.)
Quant au dernier paragraphe de mon ordre du
jour, j'ai l'honneur de propuser à la Chambre d'a-
dhérer à la proposition déjà prise en considération
par le Sénat, do faire disparaître de nos codes la
loi du 15 mars 1850, connue sous le nom de loi
Falloux. (Applaudissements à gauche.)
Il est possible d'imaginer plusieurs manières
d'abroger la loi Falloux. Les uns proposent le re-
tour au statu quo ante, c'est-à-dire au monopole
universitaire; d'autres réclament l'assimilation des
grades et diplômes exigés des membres do l'Uni-
versité et des membres de l'enseignement libre ;
alors que, en vertu des articles qui n'exigent le
grade de bachelier que du seul directeur d'un éta-
blissement libre, il arrive aujourd'hui que dans un
de ces établissements, sur 38 professeurs, 7 seule-
ment sont bacheliers.
D'autres veulent joindre à cette assimilation des
grades et diplômes une surveillance sévère pour
empêcher que l'éducation et l'instruction dans les
établissements libres soient hostiles à l'état répu-
blicain. (Applaudissements à gauche.)
D'autres proposent, dans une loi générale, de dé-
finir ce qui serait exigé des directeurs et profes-
seurs de l'enseignement. D'autres encore, do reve-
nir aux lois de la première Révolution, de suppri-
mer toutes les congrégations religieuses et de ré-
tablir ensuite la loi Daunou sur la liberté de l'en-
seignement. D'autres enfin proposent de décider
que la liberté do l'enseignement existera seulement
en ce qui concerne les adultes âgés de plus de seize
ans.
Je ne me prononce pas sur ces diverses solutions.
Je demande à la Chambre de faire comme le Sénat,
une déclaration manifestant son désir de voir abro-
ger la loi Falloux, organe, germe et ferment do la
division entre les Français.
La majorité républicaine, debout, a applaudi
et acclamé longuement le vaillant et grand
orateur radical.
L'attitude de M. Waldeck-Rousseau
M. Waldeck-Rousseau, écouté avec l'atten-
tion que l'on devine, fait, en somme, une dé-
claration de neutralité — limitée au vote de
l'ordre du jour, naturellement; car, en ce qui
concerne la question cléricale et l'abolition de
la loi Falloux. il s'est prononcé avec une net-
teté admirable pour les solutions républicaines.
M. Waldeck-Rousseau. — Il me sera fa-
cile de répondre rapidement à l'honorable M. Bris-
son ; car sur les idées qu'il a abordées à la tribune,
le gouvernement s'est expliqué, non par des décla-
rations, mais par un texte de loi. M. Brisson a
parlé d'une façon générale de l'abrogation de la loi
Falloux, ce qui ne répond sous une forme précise à
la pensée de personne.
La proposition, prise en considération par le
Sénat, à laquelle il a fait allusion, s'est assimilé le
texte d'un projet de loi déposé parle gouvernement
le 14 novembre 1899 en méma temps que la loi sur
les associations. D'après ce projet, aucun élève d'un
établissement privé ne pouvait prendre d'inscrip-
tion dans une faculté de l'Etat ni concourir pour les
écoles du gouvernement, s'il n'avait pas passé ses
trois dernières années d'études dans un lycée ou col-
lège de l'Etat Sur cette idée, il n'y a donc aucun
désaccord entre le gouvernement et la commission
du Sénat.
Dans ces conditions, le gouvernement n'a pas
d'opposition à faire à l'adoption de l'ordre du jour
dont la Chambre est saisie.
De chaleureux applaudissements ont accueilli
ces paroles. On savait gré, du reste, au chef du
cabinet, de laisser la Chambre entièrement
maîtresse de sa décision. C'est d'elle-même,
sans l'appoint d'aucune influence gouverne-
mentale, que devait se former, une heure plus
tard, une majorité de gauche, décidée à exiger
des actes contre les menées de Ici Congréga-
tion.
Les modérés sentaient dès lors combien se-
rait grave une défaite essuyée dans de telles
conditions.
Discours de M. Aynard
C'est M. Aynard que les « libéraux » ont
fait marcher au feu. M. Aynard s'est surpassé,
tour à tour, fin, ardent, mordant; il a dépensé
infiniment d'esprit et d'ingéniosité, il a ravi
tout le monde et n'a gagné personne à sa mau-
vaise cause.
J'espèrc que la Chambre ne voudra pas s'associer
à une manifestation vaine. Cette liberté, si péni-
blement conquise et qui fonctionne depuis un
demi-siècle, n'a d'inconvénient à vos yeux que
parce qu'elle fonctionne au profit do personnes qui
ne sont pas do voira opinion, Gsla ag uqu3 su tût
pas. Je considérerais comme une honte pour le ré-
gime parlementaire, qui est un régime de libre
discussion, de s'appliquer à détruire une liberté.
C'est le contraire de votre rôle.
Votre rôle, à vous, est de créer des libertés. Mal.
porter la main sur une liberté acquise, c'est ma
outrage au régime de libre discussion, Hier, M. Vi-
viani rappelait une parole de Thiers à Cousin, pa-
role que je n'admire pas et qui s'inspirait de je M
sais quelle nécessité de salut public.
Je rappellerai à mon tour une interruption, par*
tie en 1850 de la Montagne, l'extrême gauche
d'alors, pendant une tirade éloquente de M. Thiers
où il définissait la République : « La République, :
s'écria l'interrupteur de votre parti, c'est la liberté
donnée à tout le monde ! » Je vous somme de tenir1
votre promesse.
Le centre et la droite ont payé d'une ovation
la valeur de leur champion.
Incident Ribot-Brisson
Il semblait qu'il n'y eût plus qu'à passer du
vote. M. Ribot n'en a pas jugé ainsi. M. Gau-i
thier de Clagny demandait la division sur l'or."
dre du jour. M. Ribot demanda à parler de sflTi
place et voici ce qu'il dit :
M. Ilibot. — C'est la démission de la Cham- *
bre devant le Sénat. Vous pouvez voter cet ordre
du jour. Le pays jugera ce qu'il vaut. Au nom du
régime parlementaire, j'ai le droit de protesterez
de constater que vous, qui êtes le parti qui a log.
jours demandé la suppression du Sénat, vous êtes
arrivés à ce degré d'humilité vis-à-vis de l'autre;
Chambre, de déclarer votre adhésion non à une loi !
librement discutée à. la tribune mais à quelques
mots tombés dans le mystère d'une commission de
cette assemblée.
Je dis que cela n'est cas digne de la Chambre l
Ces paroles violentes provoquèrent l'enthou-
siasme vibrant des réactionnaires. Eux-mêmes
sentaient bien, cependant, ce qu'il y avait
d'excessif dans la thèse démagogique soutenue
par M. Ribot. Comment l'orateur du centre
pouvail-il espérer amener la Chambre à pen-
ser qu'une réforme devrait être repoussée —
chaque fois qu'elle serait due à l'initiative du
Sénat ? Il y a dans cette conception quelque
chose d'insensé.
M. Henri Brisson, de sa place aussi, répon-
dit. De sa belle et profonde voir grave, il pro-
nonça les paroles suivantes :
M. Henri Brisson. — Je n'ai jamais, pour
ma part, demandé la suppression du Sénat. J'ajoute
que j'ai voté à l'Assemblee nationale la loi consti
tutionnelle établissant les deux Chambres. Ceb ms
permet, quand je rencontre dans l'assemblée qut
siège au Luxembourg un exemple républicain, de
le suivre.
Ce n'est pas là de l'humilité Et, dans tousïescas,
je préfère cette humilité, que j'appellerais plutôt
de la modestie, à celle d'anciens républicains qui
cherchent à se mettre à la tête des partis de le
droit..
Après cette réplique indignée, si nette, si
précise, si vigoureuse, les républicains ont une
fois encore fait une longue ovation à celui qui
venait de se montrer, en celte occasion comme
en d'autres, l'honneur de notre parti et par le
talent, et par le caractère.
Les votes
La première partie de l'ordre du jour, jus-
qu'au dernier paragraphe exclusivement; a été
adoptée par 523 voix contre 20. -
Le scrutin auquel il a été procédé sur la sé-
conde partie a donné lieu à pointage, et, fina-
lement, cette seconde partie — condamnation
de la loi Falloux — a été adoptée par 266 voix
contre 242.
L'cnsemble. a été adopté par 282 voix contre
239.
Ces votes ont été salués par les applaudisse.
ments des démocrates.
LA REFORME DE
L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
Avant l'ardente mêlée dont je viens d'essayer
de donner une idée, la Chambre avait achevé
d'examiner la réforme de l'enseignement se-
condaire. Laissons la séance se dérouler sous
nos yeux.
Discourfl de M. G. Leygues
M. Georges Leygues répond d'abord aux
discours prononcés la veille par MM. Viviani
et Ribot.
De forme élégamment classique et de fonds
moderne, le discours — la causerie plutôt —
du ministre de l'instruction publique est en-
tendu avec intérêt :
L'idéal ne doit pas être de donner la même ins-
truction à tous. Il faut, au contraire, laisser cha-
que enfant se diriger selon ses goûls.
La gratuité absolue demandée par M. Viviani au-
rait pour résultats de donner à tous une instruction
égale et de faire de la France une nation de mé-
decins sans clients, d'avocats sans cause, de fonc-
tionnaires, de parasites sociaux. (Vifs applaudisse-
ments.)
Le paysan courbé sur son sillon accomplit une
tâche sociale aussi noble que celle du savant. (Ap-
plaudissements.)
Une longue série d'amendements est sou-
mise à la Chambre ; sont repoussés ceux qui
avaient été déposés par MM. Carnaud. Vaillant.
Paschal Grousset — qui dénonce les abus da
l'internat; Couyba — pour réduire à six ans la
durée des études.
M. Ldvraud dépose, en plus, un amende-
ment tondant à rendre le grec obligatoire à
partir de la 4' dans une des sections du pre-
mier cycle, amendement qui est repoussé ;
puis un projet de résolution additionnel ten-
dant à organiser la gratuité de l'enseignement
secondaire et supérieur, et comme mesuretran-
sitoire, à attribuer à la fin de cette innée 500
bourses aux meilleurs élèves des écoles pri-
maires.
Soutenue par M. Berteaux, la motion de M.
Levraud est renvoyée à la commission du
budget.
Le projet de résolution de la commission est
adoplé à mains levées.
Hugues Destrem.
LE CENTENAIRE DE VICTOR HUGO
A la Bourse du Travail
Voici le programme exact de la fête organi.
sée par le syndicat des membres de renseigne-
ment, fête dont nous avons déjà parlé et qui
sera donnée demain dimanche dans la grande
sal!e de la Bourse du Travail sous la présidence
de M. Grol:lss:er député du 108,
Avant-propos par Jean Psichari, directeur d'éta-
des à l'école des Hautes-EtudtJs.- Hymne à Victor-
Hugo, par t'orchestru, sous la direction de RaphaSl
Wibier. — Le Centenaire, d'Eugène Corsin, dit
par M. Brunsewig. - Un poète au poète, de Le-
conte de Lisle, par Mlle Rabuteau. — Ilugo vivra,
de Séverine, par M. F. Noël. — Fragments des
Feuilles d'Automne, des Chants du Crépuscule, des
Contemplations, des Orientales, de la Légende des
Siècles, des Odes et ballades. — Le 4* acte de Tor-
quemada, joué par MM. Leger, Noël Brunsewicg
et Mlle Rabuteau. — La fin du Conventionnel, la
Mort de Gavroche, le finale do Claude Gueux. —
Le monologue de Saint Vallier et le ballet. du Rot
s'amuse. — Marat, Danton et Robespierre au ca-
baret de la rue du Paon, le Réveil des Enfants,
Gaucam et Ctmourdam de Quatre-vingt-treize.
— L'apostrophe de Ruy Blas. — Le choral de la
Bourse du Travail. — Les Chansons dee Rues et
des Bois (Le vrai dans le vin). — L'Année terrible
(Sur une barricade). — L'Art d'être grand-père
(Jeanne était au pain sec et ce que dit le public),
— L'homme qui rit (Gwynptaine à la Chambre des
Lords). — Les Châtiments (le Sacre, Stella, l'Obéis..
sance passive, l'Art et lo peuple, Souvenir de la
nuit du 4, Lux), et pour terminer, par l'orchestre,
Solitude, de Gounod.
La Société d'enseignement moderne
La. section d'éducation sociale de la Société
d'enseignement moderne pour l'instruction des
adultes donnera ce soir à 8 b. Ii2. au préau do
l'école, 36. rue de Tourtille, une soirée GJll'jjQft'
neur du centenaire de Victor Uuo.
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