Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-02-02
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 février 1902 02 février 1902
Description : 1902/02/02 (N11650). 1902/02/02 (N11650).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7549301z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
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Ï3IWO CENTIMES le Numéro: PARIS aDPAÃTEMENTS Ce Numéro, "CINO ClSNTÏMES
FONDATEUR ? AUGUSTE VACQUERIE ;
ABONNErÆElTS
III mail Trois icoii EiïMit Irn al -,
Paris 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
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RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 131,
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Adresser lettres et mandais à l'administrateur
NOS LEADERS
h felipaje souffrance
Comme, après le deuxième acte des
« Noces corinthiennes », nous étions,
quelques amis, sur la scène de l'Odéon,
autour d'Anatole France, je n'ai pu
m'empêcher de dire à celui qui se trou-
vait le plus près de moi : — « Tout do
même, ça fait du bien d'entendre dire un
peu de mal de Jésus-Christ. » — « N'est-
ce pas? ?, m'a-t-il été répondu, avec
un sourire qui montrait éloquemment
que l'on partageait mon sentiment.
Ce sentiment, d'ailleurs, n'était-il pas
au cœur de tous ?
Vous connaissez le sujet des « Noces
Corinthiennes ». Cela se passe à l'épo-
que où, parmi les ruines du paganisme,
pousse cette ortie : le christianisme. Une
mère, sacrifiant à la mode qui substitue
à la brilante théorie des dieux de
de l'Olympe la froide et rèche Trinité,
imagine, étant malade, de promettre à
Dieu, à ce « triste Dieu qui aime qu'on
souffre » la virginité de sa fille en
échange de sa guérison à elle.
La fille de cette rosse égoïste vou-
drait vivre, elle voudrait aimer, avoir
un mari et des mioches ; mais, chré-
tienne elle aussi, elle n'ose transgres-
ser le vœu fait par sa mère. Placée
ainsi entre ce christ qu'on lui donne
pour époux « divin », et l'époux en
chair et en os aux embrassements du-
quel elle ne saurait renoncer, elle choi-
sit la mort.
En vers harmonieux et nobles, Ana-
tole France a chanté la révolte de la
vie contre cette religion détestable qui
prêche le renoncement, le sacrifice et
la mort. Et nous avons tressailli au fond
de nous-mêmes en entendant cette
haute protestation contre des doctrines
qui sont à proprement parler un atten-
tat contre la nature.
.*..
Oh ! je sais bien qu'il y a là Théognis,
Théognis — interprété avec une su-
perbe prestance par Decaeur, l'excellent
Marcos de mon « Hors la Loi ) - c'est
le bonhomme de prêtre indulgent, qui
.accorde les dispenses et permet aux
belles mondaines dévotes de faire gras
pour peu qu'elles aient mal à l'estomac.
Ce Théognis estimant — avant Tartufe
— qu'il doit être des accommodements
avec le ciel, annule tout simplement le
vœu impie de la marâtre et permettrait
à l'enfant de se marier si elle n'avait
pas déjà le poison dans les veines.
Mais il n'est là, Théognis, vous en-
tendez bien, que pour effet de contraste,
pour faire pressentir le jésuitisme qui
suivra nécessairement ; c'est Kallista,
la mère impitoyable, qui représente le
vrai christianisme, le christianisme
intransigeant.
; A cette créature dénaturée que les
prédications malsaines des sectateurs
du Christ ont rendue aux trois-quarts
folle, qu'importe que sa fille pleure et
souffre? Au contraire ! puisque ce Dieu.
ce nouveau Dieu auquel les divinités
anciennes sont sacrifiées, aime les lar-
mes et la souffrance ; à la mère féconde
entourée de ses beaux enfants, il pré-
fère la vierge dont le sang se dessèchera
dans l'attente stérile ; il est l'ennemi de
la vie ; il hait la nature et la créature;
sur tout il veut jeter un épais voile" de
deuil sous lequel ne retentiront que des
gémissements.
Cette terre que nos bras labourent et
Que fertilisent nos sueurs, il l'appelle
une vallée de larmes ; ce travail par le-
quel nous nous ennoblissons, il le qua-
lifie de châtiment; le libre usage de nos
organes est pour lui péché ; le bonheur
à ses yeux est un crime ; il se plait, féro-
cement sadique, à voir couler nos pleurs
et notre sang ; et ses ministres ensei-
gnent que l'oubli de tous les devoirs
soucieux, le renoncement égoïste à tou-
tes les charges qui incombent à l'hom-
me, sont, avec la mortification de la
chair, le sûr moyen d'acquérir ses bon-
nes grâces. Oh ! l'abominable Dieu !
.**
Quel bonheur pour l'humanité que ce
christianisme, la plus sotte, assuré-
ment, et la plus blasphématoire de
toutes les religions que le cerveau de
l'homme ait imaginées, ait, au - bout
du compte, fait « four », qu'on me
passe l'expression. Car ce qui nous reste
de lui ce n'est plus qu'un christianisme
atténué, édulcoré, mis à la portée de
toutes les bourses. Si la sombre et fu-
neste doctrine des premiers âges avait
prévalu, si elle n'avait pas été vaincue
dans son duel avec le bon sens, avec la
raison, avec l'instinct de nature, il n'y
aurait à l'heure actuelle plus d'huma-
oité.
Quand Jésus disait à Marie la contem-
platrice, l'ancêtre en ligne directe de
tous les moines et de toutes les nonnes,
qu'elle avait « choisi la meilleure part a,
et jetait l'anathème à la laborieuse
'Marthe,commettait-iJ de propos délibéré
cet attentat. contre les hommes qu'est,
dans son essence même, le christia-
nisme? On peut le supposer.
L'homme qui enseignait la lâcheté (si
on t'a frappé la joue droite, tends ta joue
gauche) ; l'injustice (les travailleurs de la
dixième heure seront payés autant que
ceux de la première, et il y aura plus de
joie au ciel pour le visage en larmes d'un
péchcur repentant que pour la robe blan.. ,
che de. cent justes) ; la servilité (rendez à
César ce qui appartient à César); la mé-
connaissance des devoirs naturels les
plus sacrés (Femme, disait-il à sa mère,
je ne vous connais pas); cet homme-là
ne mérite qu'un nom; celui d'ennemi du
genre humain.
Songez à tout le mal qu'il a fait. « Je
suis venu apporter la guerre, disait-il. »
Et en effet, en son nom, pour sa gloire
exécrable, tant de forfaits ont été com-
mis, de tels fleuves rouges ont ruisselé,
que nul fléau ne peut être comparable à
lui.
***
Oui — et c'est beaucoup pour cela
que je remerciais, l'autre jour, Ginisty
d'avoir mis à la scène les « Noces co-
rinthiennes», — oui, l'imprécation mise
par Anatole France dans la bouche de
son Hippias répond à nos sentiments
intimes ; vengeresse, elle exprime no-
tre robuste et saine aversion pour ce
Dieu de souffrance et de deuil qu'a in-
carné le Christ.
A l'issue de la répétition générale;
toute la salle était debout, acclamant le
poète, moins certes à cause des beaux
vers qu'en raison des idées belles et parce
qu'il venait, ce poète, dans ces admira-
bles « Noces Corinthiennes » de pous-
ser, avec l'ardeur d'une foi sincère, le
cri nécessaire de révolte - contre - cette
religion maudite à l'aide de laquelle on
a voulu asservir, garrotter, humilier,
avilir les hommes ; qui n'est plus, cer-
tes, que lambeau maintenant, guenille
hideuse, haillons fangeux et sanglants ;
mais qui, malgré tout, forte de la force
acquise en tant de siècles d'ignorance
et d'erreur, nous obsède encore, nous
opprime encore, est encore comme un
rideau de crêpe entre le grand ciel libre
et nous.
Lucien Victor-Meunier.
■i e-- ---
LE BANQUET DU TRAVAIL
Encore un acte qui ne plaira
pas aux nationalistes : des ou-
vriers syndiqués, des associa-
tions coopératives, des indus-
triels, organisent un « banquet
républicain du travail » *, repré-
sentés car MM. -- Gervais et
Chauviêrê, ils ont porté à M. Waldeek-
Rousseau une invitation que celui-ci a ac-
ceptée ; les organisateurs ont également eu
l'acceptation du ministre du commerce et
celle du ministre des travaux publics.
Ainsi Waldeck-Rousseau, Millerand,
Chauviêre, Gervais, les ouvriers syndiqués,
les industriels, les associations coopérati-
ves ; toutes les nuances de la gauche du
Parlement, y compris les représentants des
opinions les plus extrêmes; y compris aussi
ceux que la modération de leur tempéra-
ment n'empêche pas d'être les fils fidèles
de la Révolution française ; des patrons
avec des ouvriers, des coopérateurs avec
des adhérents aux syndicats du travail ;
tous ces éléments se déclarent groupés, so-
lidaires, témoignent par leur cohésion que
le « bloc )) est plus uni que jamais ; qu'il
« n'est point d'ennemis à gauche » ; et que
c'est en vain que le nationalisme tenterait
de désagréger ce que le souci de la défense
républicaine a puissamment fédéré.
A la veille de la grande consultation na-
tionale de cette année, la manifestation du
banquet du travail aura un retentissement
considérable, parce qu'elle présente un
symbole clair : union de toutes les frac-
tions dugrand parti républicain contre l'en-
nemi d'hier et de toujours, contre la réac-
tion, de quelque masque qu'elle se couvre
le visage. — Ch. B.
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DEPÊCRES
LES RETRAITES OUVRIÈRES
A la commission d'assurance et de
prévoyance sociales. — Décisions
diverses.
La commission d'assurance et de prévoyance
sociales s'est réuniehier,sous laprésidencedeM.
Louis Ricard, et a achevé l'examen des propo-
sitions ayant pour objet de modifier le projet
do loi relatif aux retraites ouvrières.
Elle a statué sur la situation des ouvriers
étrangers au regard de la loi.
Elle a décidé que, pour les ouvriers résidant
et immatriculés en France, le patron serait
tenu de verser une contribution égala à 4 UIU
du salaire.
2 OiO seraient portés pur le livret de l'ou-
vrier et seraient hic et nunc sa propriété.
Les 2 010 représentant la contribution patro-
nale seraient versés au fonds do bonification.
Après dix ans d'immatriculation, l'ouvrier
étranger recovra rétroactivement la contribu-
tion patronale afférente à ses cotisations qui
aura été portée au fonds de bonification aug-
mentée des intérêts.
La commission a décidé, d'autre part, que
les ouvriers étrangers ne résidant pas en
France ne seraient pas admis au bénéfice do la
loi des retraites.
Le bénéfice des dispositions transitoires et
des pensions d'âge ne sera accordé qu'aux ou-
vriers jouissant depuis dix ans au moins de la
qualité de Français."
L'ensemble du projet de loi a été adopté.
M. Guieysse a donné immédiatement lecture
du rapport qu'il avait préparé. Ce rapport a
été approuvé à l'unanimité par la commission.
Il sera déposé aujourd'hui sur le bureau de la
Chambre.
La commission a ensuite abordé l'examen
des propositions de loi tendant à modifier la loi
du 29 juin 1894 sur les caisses dos mines. Elle
a repoussé le principe de la proposition de M.
Odilon Barrot qui a pour but d'organiser les
retraites par le système de la répartition. Elle
a décidé d'examiner dans une prochaine séance
toutes autres propositions tendant à améliorer
le système organisé par la loi du 19 juin 1894.
LES PRIMES AUX AGENTS OU FISC
MM. Pommeray et Gérald ont déposé à la 101
de finances l'article additionnel que voici :
« A partir de la promulgation de la présente
loi, les primes accordées sur les amendes et
confiscations aux agàntà- des contributions in"
directes seront supprimées. D -
LES ENTERRES VIVANTS
Les inhumations précipitées. — Pour
éviter les erreurs. — Les médecins
des morts. - Comment on re-
connaît la mort. — Des faits
— Le Livre d'or de la vie.
— Mesures à prendre.
Nous n'avons eu que trop souvent l'occasion
de citer des cas, beaucoup plus fréquents qu'on
ne le croit généralement, d'inhumations pré-
maturées.
Voici qu'aujourd'hui encore nous parvient de
Tunisie le récit de la découverte d'une victime
de la hâte excessive avec laquelle beaucoup de
gens font inhumer les morts ou ceux qu'ils con-
sidèrent comme tels.
A Monastier, ces jours-ci, des ouvriers, qui
travaillaient dans le cimetière indigène, ont
trouvé, en fouillant le sol. un cadavreassis, la
tête penchée sur l'épaule.
Les parois de la tombe étaient égratignées et
sur la chaux on voyait encore les marques des
genoux et des mains du malheureux qui, en
s'éveillant sans doute d'une léthargie, s'était
vu enseveli et avait fait des efforts désespérés
pour se dégager.
Les musulmans ont la funeste habitude, en
Tunisie, plus particulièrement, d'ensevelir
leurs parents décédés aussitôt que ceux-ci ont
rendu le dernier soupir; de cette précipitation
peuvent résulter et résultent les plus terribles
erreurs.
Et ce n'est pas seulement en Tunisie:ce n'est
pas seulement chez les musulmans que l'on
doit déplorer cet empressement à affirmer que
des êtres parfaitement vivants sont morts.
Ce qui a été fait
En 1863, le cardinal Donnet, archevêque de
Bordeaux, relatait à la tribune du Sénat les
cas de ceux qu'il avait arrachés au tombeau
et aussi son propre exemple, exposant com-
ment il avait été lui-même enseveli deux fois
dans sa vie. Il suppliait les dépositaires du
pouvoir de formuler des prescriptions légales
pour prévenir des malheurs irréparables.
En 1873, dans un rapport présenté par le doc-
teur Devergie à l'Académie de médecine, se
trouvait cette déclaration :
La plus grande partie des personnes qui meu-
rent chaque année en France sont déclarée mortes
et enterrées sans aucun examen médical et, sur une
population totale de 38 millions, plus de la moitié
des inhumations ont lieu sans vérification.
L'académie de médecine a maintes fois re-
connu que beaucoup de médecins ne sont pas
à même d'établir le diagnostic de la mort ;
elle a émis un vœu tendant à ce que dans le
programme des examens du doctorat figure
une épreuve pratique, afin que le candidat
puisse faire, sur ce point, la prouve de ses
connaissances. Ce vœu est demeuré lettre
morte et la situation est aujourd'hui ce qu'elle
était en 1863 et en 1873.
Tous les jours, des êtres humains sont des-
cendus vivants dans la terre ou brûlés dans
les fours crématoires.
De temps à autre, un journal signale un cas
constaté à la suite d'une exhumation — les
exhumations sont rares — ou quelque résur-
rection d'enseveli due à un miraculeux con-
cours de circonstances.
On frissonne un instant et. l'on oublie.
Chacun est persuadé que pareille aventure est
réservée au voisin.
Et cependant, l'époque n'a guère changé, où
Bruhier publiait son effroyable statistique :
Cinquante deux personnes enterrées vivantes,
quatre autopsiées ou embaumées avant leur mort,
cent trois revenant à la vie, après avoir été en-
fermées dans le cercueil, etc.
Rien que dans le courant de 1894-95, l'ir-
gus de la Presse releva quarante-cinq cas
d'inhumations précipitées constatées fortuite-
ment. Quel peut être le nombre de ceux qui
sont enterrés ou brûlés vivants ?
La constatation des décès
Il a été démontré que la vérification des
décès n'existe réellement pas et que, lorsque
cette vérification est pratiquée, elle ne cons-
titue le plus souvent qu'une garantie illusoire,
car elle s'accomplit avec une légèreté incroya-
ble.
Qui prouve cependant que celui qui est mort
n'est pas la victime de parents cupides ou de
misérables ayant intérêt à le faire disparaî -
tre?
Est-ce la visite officielle du médecin de l'état
éi v il ?
Assurément non 1
Le médecin des morts se rend au domicile
mortuaire, pour y accomplir une banale for-
malité et n'accorde à « ses clients » qu'une
attention plus que vague.
Un coup d'œil sur le visage constitue à peu
près tout l'examen auquel il se livre :
— De quoi est-il mort?
— D'une pleurésie.
— Très bien.
Et tout est dit ! Le médecin appose sa signa-
ture au bas d'un petit carré do papier et la fa-
mille, en règle avec la loi, peut, sans craintes
et sans remords, faire enterrer celui que le re-
présentant de l'administration a rayé du nom-
bre des vivants.
Les signes de la mort
Il est depuis longtemps reconnu que rien
n'est plus trompeur que les signes certains de
la mort ; on peut confondre la rigidité cada-
vérique avec les roideurs articulaires ou con-
vulsives ; on peut confondre la putréfaction
cadavérique avec des putréfactions locales, des
putridités morbides. Tous les signes dits pro-
bants do la mort ne prouvent rien.
Ces signes doivent être , en général,
considérés comme nuls; teissont : le refroidis-
sement du corps, l'immobilité, l'absence de
respiration, la cessation des battements du
cœur, l'insensibilité, la chute de la mâchoire
inférieure, la perte de transparence de la main,
la flexion du pouce, l'état des sphincte t, les
tâches se formant sur l'œil et, en général, tous
les changements de l'organe oculaire; tous ces
signes visibles de la mort peuvent n'être que
les manifestations de diverses maladies.
Il n'existe qu'un unique signe absolu de la
mort ; il consiste dans la disparition du sang
dans les artères; non pas dans les veines, qui,
en cas de syncope, pouvent se trouver vides.
La seule opération pratique et concluante,
qui puisse être faite sans danger, pour dé-
montrer la réalité de la mort, est la section de
l'artère temporale superficielle.
S'il se produit la plus légère hémorragie, il
faut en conclure à la persistance de la vie.
Certaines personnes, parfois des médecins,
ont recours à un moyen barbare, autant qu'i-
nutile, puisqu'il ne prouve rien, de s'assurer
de la mort, en brûlant en un point quelconque
le corps.
Or, selon la nature de la syncope, l'insensi-
bilité peut être complète et la brûlure no pro-
duira qu'une mutilation.
Voici un fait quidémontre péremptoirement
cette constatation.
Au mois de décembre 1895, M. Ch., de-
meurant à Paris, rue de la Paix, fut asphyxié
par les émanations d'unpoèle.
Pour s'assurer qu'il était bloa mort, on eut
l'idée slupide de lui brûler les pieds ; pendant
l'opération, Ill. Ch. demeura insensible et
inanimé. Quelques heures après, il revint à la
vie et commença à rossentir d'atroces dou-
leurs. Après six semaines de souffrances, les
pieds furent envahis p* ia gangrène ot durent
- être emputéa. - ";
Si chacun se doutait de ce que doit être le
supplice enduré par l'enterré vivant, si chacun
se rendait compte que ce supplice peut être un
jour lâ sien, il n'est pas un être qui pourrait
songer stfhs frémir h l'erreur possible,—
On peut vivre dans la tombe pendant plu-
sieurs heures et même pendant plusieurs
jours.
Le docteur R.cite le cas d'une femme inhu-
mée à cinq heufes du soir et respirant encore
à minuit; le docteur B. d'Abl., celui d'un
homme exhumé après trois jours et expirant
en vomissant le sang, après un quart d'heure
d'exposition à l'air ; le The Lancet, de Lon-
dres, dit qu'un attorney, Edward Saple-
ton, fut exhumé après trois jours, pour autop-
sie, et revint à la vie sur la table de dissoc-
tion.
Quelques cas
Voici d'ailleurs quelques cas destinés à ap-
puyer notre argumentation ; il y en aurait des
centaines à citer.
Ils donnent une idée de ce que doit endurer
l'enterré vivant:
En 1895, M. V. D. avocat, maire de la ville
de D. n'était pas mort lorsqu'on l'enterra ;
exhumé quelques jours après, on le trouva le
bras rongé et la bouche encore pleine de
sang.
La même année, le consul d'Italie à Cons-
tantinople. M. 0. R. est trouvé dans son ca-
chot, couché à plat ventre, les pieds tordus,
les poings crispés, remplis do cheveux arra-
chés.
A Baltimore, on a trouvé, pressée contre la
porte de fer de son caveau, le squelette d'une
jeune femme sortie de son cercueil.
Après avoir été exposé au dépôt mortuaire,
un ouvrier ressuscita et se rendit à la mairie,
pour y faire annuler son acte de décès.
Dans le Rappel du 21 juillet 1894, M. Noël
Amodra s'exprimait ainsi :
Trois heures après l'inhumation, on ouvre le cer-
cueil de Mme B., qui expire, après avoir ouvert
les yeux et s'être tournée sur le côté. Cela vient de
se passer sous mes yeux à St-Laurent (Jura).
Approbations et encouragements
Si. malheureusement, beaucoup de personnes
demeurent indifférentes à l'idée de la possibi-
lité d'être inhumées ou brûlées avant leur
mort, par contro, il en est d'autres, et non des
moindres, qui se sont rendu compte de la né-
cessité qu'il y a de prendre toutes les précau-
tions possibles.
Une intéressante publication, le Livre d'or
de la vie, a été éditée en ces dernières années
et contient, outre de nombreux et lamentables
exemples. les approbations adressées aux pro-
moteurs d'une ligue contre les inhumations
moteurs
précipitées.
Dans cette liste figurent des noms dont quel-
ques-uns valent d'être cités.
On y voil:la signature du cardinal Rampolla,
autorisé par le pape Léon XIII, un encoura-
gement de l'institut Pasteur; le nom de M.
Carnot, président de la République ; y figu-
rent encore les félicitations de Jules Simon, du
grand-duc Alexis, de. Mme Adam, de Glads-
tone, du roi des Belges, Léopold II, de la reine
Victoria, etc., elc.
Ce qu'il faudrait faire
Mourir est assurément pénible — il est per-
mis de le supposer - Bossuet l'avait si bien
compris que, dans une oraison funèbre pro-
noncée devant « le Roy » il se crut obligé d'a-
jouter à cette déclaration: « nous sommes tous
mortels » le palliatif « ou presque tous ».
Louis XIV redoutait la mort et, courtisan
tout autant que prélat, « l'Aigle de Meaux »
tenait à flatter les sentiments de son puissant,
mais incommensurablement orgueilleux mo-
naraue.
Louis XIV craignait peut-être l'inhumation
précipitée, il craignait d'assister a presque
mort » à ses propres funérailles.
Combien, parmi ceux que nous coudoyons
chaque jour, subissent la même hantise? Pour
ramener le calme dans beaucoup d'esprits,
pour mettre fin aux angoisses de quantité de
malades — ce qui pourrait souvent être une
cause de guérison - il faudrait une législation
spéciale, il faudrait modifier les articles 77, 80
et 84 du Code civil,qui laissent une trop grande
latitude à ceux qui sont chargés de constater
les décès et n'assurent aucune garantie à ceux
« qui s'en vont ».
En arrivera-t-on à cette modifleation?
Peut-être ! I f
Mais au train dont ont marché jusqu'à pré-
sent les choses, rien ne permet d'espérer que
ce sera bientôt. — L.-C.
1
LA CROIX DE M. ADOR
(De notre correspondant particulier)
Berne, 31 janvier.
Le conseil fédéral est, dit-on, résolu à déci-
der M. Ador, ancien président de la section
suisse de l'Exposition de 1900, soit à renvoyer
la croix de la Légion d'honneur, soit à démis-
sionner de son mandat de conseiller national,
la constitution ne permettant pas qu'un man-
dataire de la République accepte une décora-
tion étrangère.
M. Ador de son côté préfère donner sa dé-
mission de conseiller national plutôt que de
renoncer au ruban rouge.
Il est bon de rappeler à ce propos que le con-
seil fédéral de Berne fut moins rigoureux lors-
que M. Roth, ministre plénipotentiaire suisse
à Berlin, reçut l'Aigle-Rouge pour des ser-
vices plus où moins. connus rendus à M. de
Bismarck.
—————————— ———————————
LE CHANT DU TRAVAIL »
(De notre correspondant particulierI
Vienne, 31 janvier.
Hier est mort M. Joseph Zapf, directeur de
l'Ecole professionnelle des ciseleurs ot graveurs.
M. Zapf est l'auteur du Lied der Arbeit (chant
du travail) qui depuis plusieurs années est
devenu l'hymne du parti socialiste autrichien,
A toute manifestation ouvrière ce chant est
entamé par des milliers de voix. Des orches-
tres et même des orguès do barbarie contri-
buent,eux aussi,à vulgariser la composition de
M. Zapf.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Les ministres se sont réunis hier matin à
l'Elysée sous la présidence de M. Loubet.
Le conseil s'est occupé de diverses questions
inscrites à l'ordre du jour de la Chambre et
notamment de l'interpellation de M. Stanislas
Ferrand sur les fortifications de Paris.
Le gouvernement demandera l'ajournement
de cette interpellation jusqu'au dépôt du
projet de loi dont la Chambre va être sai-
sie.
Le ministre de l'instruction publique et des
beaux-arts a entretenu le conseil des fêtes du
centenaire de Victor-Hugo.
La cérémonie sera célébrée au Panthéon le
26 février à 10 heures du matin.
Deux discours seront prononcés : l'un au
nom du gouvernement, l'autre au nom de
l'Académie française.
Le programme se composera de morceaux
de musique exécutés par l'orchestre de la
Société des concerts, la garde républicaine,
des chœurs et los poésies de Victor Hugo dites
par des artistes do la Comédie-inçaise,
M. Nériot, architecte, sera chargé de Jft déco-
ration du PaDtbéoo./ ;
Le ministre des colonies a présenté à la
signature du Président de la République un
décret qui nommeM. Roume, conseiller d'Etat,
en service extraordinaire, directeur au minis-
tère. des .jcolgtfjies, gouverneur général de
l'Afrique occidentale. -. - ,
Le ministre des travaux publics a attiré l'at-
tention de ses collègues sur l'augmentation des
indemnités que les réseaux de chemins de fer
paient au public pour pertes, retards et ava-
ries des colis de messageries et des colis pos-
taux.
Dans lademièrepériode décennale cesindem-
nités se sont accrues de 200 OiO,
La question sera soumise à l'examen d'une
commission où seront représentés les ministres
compétents.
ON NE DANSERA PAS.
Les salons du faubourg Saint-Germain se-
ront, parait-il, fermés cet hiver; muets, les
violons; éteints,les lustres éblouissants; morte,
la joie des cotillons et des valses lentes. Les
couverts d'or sommeilleront dans leurs écrins
chiffrés et les antiques joyaux manqueront aux
fronts des douairières. On ne dansera point.
Deuil do prince ? Oh ! non.
Dans une circulaire adressée au Tout Paris
aristocrate et élégant, et signée * comtesse de
la Rochefoucauld, comtesse de Castellane,
comtesse de Chabrillan, comtesse de Rohan-
Chabot., j'en passe, cette abstention est ainsi
expliquée :
En présence de la crise que traverse la France,
de ses intérêts matériels et moraux menacés, de ses
libertés violées et du spectre grandissant du socia-
lisme, nous tenons à signaler à nos amies, qui
comprennent la gravité des circonstances, ta ligne
de conduite que nous avons adoptée :
Supprimer chacune, suivant nos situations et
les convenances, toute dépense superflue, telles que
parties, réceptions, toilettes ;
La post-scriptum est intéressant :
Les sommes non dépensées devront être versées
à une des caisses réunissant des fonds pour des
candidatures honnêtes et antisectaires.
Or, donc, les jolies mondaines entrent en
lice, on ne recevra pas. Quel sacrifice ? Rassu-
rez-vous, ma chère, on recevra l'an prochain
quand les honnêtes gens auront triomphé de
la canaille.
Ainsi l'or apporté à flots, les bijoux dont on
se sera, non sans regret, séparé, vont, avec le
produit des quêtes journalières, grossir le tré-
sor des réactionnaires, mais cela ne suffit point
à nos politiciennes de salon. :
Il faudra — ajoutent-elles — :
2" Eclairer nos fournisseurs sur le mobile qui
dicte momentanément notre conduite, afin que par
leurs votes ils coopèrent, eux aussi)ÍI. l'œuvre com-
mune du salut de la France.
Votez contre les candidats républicains et
vous aurez notre argent - sinon, la faillite
vous guette! On ne met pas, avec plus de co-
quetterie, le poignard sur la gorge.
Une cause qui ne peut se soutenir que par de
pareils moyens doit être bien compromise. -
A. Armbrustev.
ÉTRANGE ÉCONOMIE
(De notre, correspondant particulier)
Bucharest, 31 janvier. i
A en croire plusieurs journaux, le gouver-
nement aurait l'intention do supprimer l'Uni-
versité de Yassy, pour des raisons budgétaires.
Le projet est vivement critiqué, même parmi
les partisans du ministère.
--- - 0- -
DE NOUVEAUX UNIFORMES ALLEMANDS
(De notre correspondant particulier)
Strasbourg, 31 janviér.
Sur l'ordre de l'empereur on fait dans plu-
sieursgarnisons des essais de nouveaux uni-
formes. Les chasseurs mecklembourgeois, en
garnison à Colmar, portent unesorte de blouse
verte sans bouton métallique, On cherche
actuellement une combinaison de couleurs qui
puisse offrir les mêmes avantages que le lthaki.
— «o-
Les Etudiantes allemandes
(De notre, correspondant particulier)
Berlin, 31 janvier.
Les nombreuses jeunes filles qui suivent les
cours de l'Université de Heidelberg ont décidé
de constituer une corporation analogue à celles
des étudiants allemands. Comme ceux-ci, elles
auront un képi dacoulsur et une sorte d'échar-
pe en bandoulière; de mémo elles fréquente-
ront la salle d'armes.
Quant à la consommation obligatoire de la
bière, il n'en est pas parlé dans les statuts.
LES TAXES DE REMPLACEMENT
La Chambre est saisie, on le sait, du projet
de loi qui a pour objet d'autoriser la Ville de
Paris à percevoir une taxe sur les valeurs en
capital des propriétés bâties et non bâties, et
rapportant l'autorisation de percevoir diverses
autres taxes de remplacement.
MM. Berry, Muzet et Ferrand ont déposé un
contre-projet qui substitue à la taxe sur les
propriétés bâties et non bâties : 1* une taxe
d'incendie ; 2' une taxe sur les opérations de
Bourse ; 3* une taxe do mutation sur les tran-
sactions, à titre onéreux ou gratuit, d'immeu-
bles situés à Paris; 4" une taxe de mainmorte
et une taxe de 0 fr. 125 sur la valeur vénale d9
la propriété non bâtie.
— ■ ■ o ■ -..
LES ENFANTS ASSIST£S
La commission des finances, réunie sous la
présidence de M. Magnien, a examiné, au point
de vue de ses conséquences budgétaires, la
proposition de M. Roussel relative à l'assis-
tance des enfants du premier âge. La commis-
sion a émis un avis favorable à la proposition.
.——————-—- ——————————-
LE CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE
Le vice-amiral Bienaimé, chef d'étalmajor
général, est nommé commandant en chef pré-
fet maritime à Lorient.
Le contre-amiral Marquer, sous-chef d'état-
major général, est nommé faisant fonctions de
chef d'état-major général.
INCIDENT DIPLOMATIQUE A LISBONNE
Madrid, 31 janvier.
Suivant la Correspondencia Militar, le géné-
ral de Bourbon Castelli, cousin du roi, aurait
provoqué un incident diplomatique à Lisbonne
en prenant dans ses visites officielles le titre de
duc d'Anjou.
Le journal ajoute que le ministre de France
à Lisbonne aurait adressé une réclamation au
représentant de l'Espagne, qui a demandé des
instructions au ministredes affaires étrangères.
Le conseil des ministres se serait occupé de
cet incident, qui produit une mauvaise impres-
sion en haut lieu.
Le titre que prétend porter le général Bour-
bon n'est oas reconnu en Espagne.
A LA CHAMBRE
Le cléricalisme dans l'Université
Les interpellations Pastré, Zévaès,
Allemane. — Les professeurs répu-
blicains et socialistes. — Leurs
collègues réactionnaires. — L'or-
dre du jour Levraud. — La ma-
nœuvre nationaliste. — Le
gouvernement approuvé.
Voici achevée la discussion sur les interpel-
lations Pastre, Zévaès, Allemane, relatives aux
tracasseries dont des professeurs républicains
et socialistes auraient souffert. Le débat, qui a
occupé entièrement deux vendredis, a pris une.
ampleur à laquelle on ne s'attendait pas d'a-
bord. C'est, toute entière, la question du cléri-
calisme dans l'Université qui s'est trouvée po-
sée. Les discours prononcés ont fait assez con-
naître que la Chambre sent le danger qu'il y
aurait à laisser la propagande nationaliste se
donner libre cours parmi les maîtres à qui est
confiée l'éducation de la jeunesse. Sans enta-
mer en rien la liberté de conscience des pro-
fesseurs, il est permis de ne pas souffrir que les
chaires des lycées deviennent des succursales
des autres chaires où Dérorent les émules des
P P. Ollivieret Didon.*
Il est regrettable que M. Leygues ait voulu
s'en tenir à la simple approbation que lui ac-
cordaient MM. Henri Ricard et Guillemet. Le
ministre de l'instruction publique eût été
mieux inspiré en acceptant l'ordre du jour de
M. Levraud, ainsi conçu :
La Chambre, comptant sur le gouvernement pour
combattre l'infiltration cléricale et défendre l'Uni-
versité laïque et républicaine, etc.
Un tel ordre du jour ne comportait aucune
apparence de blàme qui pût choquer legouver-
nement. M. Leygues se fût trouvé même beau-
coup p!us fort devant le pays et devant le corps
enseignant, après avoir adhéré à un texte d'une
rédaction si clairement républicaine. D'autre
part, la discussion se fût trouvée sanctionnée
ue taçon a sausiaire complètement cette admi-
rable majorité de gauche dont, seul, le suffrage
doit importer au minislère. Enfin, les quelques
professeurs entrés dans l'Université pour y
faire le jeu dss établissements congréganistes
eussent reçu un avertissement dont le besoin
se fait sentir; et c'est surtout en matière d'en-
seignement qu'il est vrai de dire avec le pro-
verbe : mieux vaut prévenir que punir.
Des députés. démocrates, très dévoués à
l'œuvre de défense et d'aclion républicaines,
ont senli si profondément les vérités aux-
quelles je me réfère, qu'ils ont pris le parti de
s'abstenir sur l'ordre du jour Ricard et Guille-
met.
Il faut dire que les nationalistes ont fait leur
possible pour embrouiller les choses : un mo-
ment, ils se sont figurés que le cabinet allait
tomber entre les tronçons do sa majorité cou-
pée en deux. J'expliquerai plus loin la ma-
nœuvre: je tiens à féliciter, dès le début de
cet article, M. Jourde ; celui-ci a dit leur fait
aux réactionnaires, leur reprochant, avec une
juste sévérité,de forcer la main à la Chambre,
de vouloir l'amener à voter contre la politique
généraledugouvernemént, quand son intention
était de s'opposer aux ingérenees du clergé
dans les établissements d'éducation laïque.
Les droits du suffrage universel
Vite, maintenant, racontons la séance. D'ac-
cord avec le ministre, M. Allemane a jointaux
interpellations Pastro et Zévaès, sa propre in-
terpellation sur la mesure prise contre M. La-
picque, l'éminent professeur do la faculté des
sciences. M. Zévaès est venu se plaindre de
punitions infligées à des professeurs investis
de mandats électifs.
Aucun article de loi ne crée une incompatibilité
entre la fonction d'éducateur public et de conseiller
municipal : aucun no dit que ceux qui enseignent
à la jeunesse les droits et les devoirs du citoyen se-
ront dépossédés de leurs droits de citoyen ; aucun
n'oblige ceux qui, au nom de la science moderne,
sont chargés de refouler des cerveaux de la jeunesse
un scepticisme mortel aux idées de progrès, aucun
ne les oblige à se confluer eux-mêmes dans une
indifférence desséchante.
Malheureusement, chez M. Zévaès la décla-
mation l'emporte toujours sur la conduite
rationnelle de la discussion. Il s'est mis à par-
ler de Babeuf, de Saint-Simon, de Fourrier, de
Karl Marx, de Blanqui.
L'affaire Lapicque
Avec M. Jean Allemane, nous avons quitlé
l'empire des morts.
M. Lapicque a été frappé pour avoir organisé une
caisse en vue d'indemniser les professeurs ou insti-
tuteurs frappés de mesures qui les privent de leurs
ressources.
Ici se pose une question de droit : qu'est-
ce que la juridiotion des conseils académiques?
M. le ministre de l'instruction publique s'est cru
obligé de considérer le conseil académique comme
un tribunal ordinaire, et il a frappé M. Lapicque
comme s'il avait commis le délit d'ouvrir une sous-
cription en faveur d'un citoyen condamné par un
tribunal ordinaire.
M. Lapicque est un des hommes les plus méri-
tants de l'Université, un travailleur éminent qui,
jeane, a conquis tous ses grades. (Très bien ! très
bien! à l'extrême gauche.)
Il honore la corporation à laquelle il appartient.
(Très bien ! très bien !) A peine âgé de vingt ans,
il était de la vingtaine de braves étudiants qui se
dressèrent contre le général Boulanger conspirant
contre les libertés publiques. (Applaudissements à
l'extrême gauche et à gauche.)
Un membre à gauche. Ils étaient plus de vingt.
M. Lapicque est'allé dans les Vosges, pour s'op.
poser à un homme que la Chambre et le pays con.
naissent bien. (Exclamations au centre.)
Plusieurs voix au centre. Qui ? Qui?
M. Allemane. — Puisqu'on veut que je cite
le nom d'un collègue, je nommerai M. Méline.
Il est certain que M. Méline a dû être con-
tent de la mesure prise à l'égard de M. Lapic-
que; et nous n'aimons pas que le chef des
progressistes approuve jamais un acte du
ministère actuel. C'est inquiétant.
Propagande confessionnelle
M. Lafferre a prononcé un réquisitoire ven-
geur contre l'élément clérical de l'Univer-
sité:
Il y a un an et demi ou deux ans, je voulais
vous interpeller sur un fait qui s'est passé dans
une ville du Midi. Un professeur, devant des étu
diants républicains et socialistes, à propos d'une
affaire que je no veux pas rappeler et au moment
où les professeurs de l'Ecole de droit prenaient
part à un mouvement en faveur do la revision, ce
professeur, dans son cours, a traité ses collègues
d'hommes ivres, qui s'étaient réunis la veille
dans un mauvais lieu. (Exclamations à l'extrême
gauche.)
Qu'avez-vous fait, monsieur le ministre, contre
ce professeur ? Il parait que vous lui avez infligé
un blâme secret ; il ne s'en est pas plaint, et trois
mois après, pour panser sa blessure secrete vous
lui avez donné les palmes académiques. (Exclama-
tions à l'extrême gauche.)
C'est là une vieille affaire que Je réveille ; mais
a cette heure que se passe-il à l'Ecole de droit de
Paris ? J'ai là sous les yeux des leçons qui sont un
véritable scandale. Elles ont été signalées à la
commission du budget par M. Ilubbard et M. Mau-
rice Faurey fait allusion dans son rapport.
Un professeur, parlant de la loi des associations,
dit qu'elle est inspirée par des considérations op-
posées à la justice (très bien ! très bien ! à droite.)
et qu'elle a tous les aspects d'une loi scélérate.
(Très bien ! très bien ! à droite. — Exclamations à
gauche.)
Devant les protestations des étudiants, on dut
suspendre le cours.
Le même professeur, dans son cours de droit
constitutionnel, traitant de l'imprescriptibilité de
la souveraineté, dit que si un tyran s'empaiait da
t
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ADMINISTRATION ; 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandais à l'administrateur
NOS LEADERS
h felipaje souffrance
Comme, après le deuxième acte des
« Noces corinthiennes », nous étions,
quelques amis, sur la scène de l'Odéon,
autour d'Anatole France, je n'ai pu
m'empêcher de dire à celui qui se trou-
vait le plus près de moi : — « Tout do
même, ça fait du bien d'entendre dire un
peu de mal de Jésus-Christ. » — « N'est-
ce pas? ?, m'a-t-il été répondu, avec
un sourire qui montrait éloquemment
que l'on partageait mon sentiment.
Ce sentiment, d'ailleurs, n'était-il pas
au cœur de tous ?
Vous connaissez le sujet des « Noces
Corinthiennes ». Cela se passe à l'épo-
que où, parmi les ruines du paganisme,
pousse cette ortie : le christianisme. Une
mère, sacrifiant à la mode qui substitue
à la brilante théorie des dieux de
de l'Olympe la froide et rèche Trinité,
imagine, étant malade, de promettre à
Dieu, à ce « triste Dieu qui aime qu'on
souffre » la virginité de sa fille en
échange de sa guérison à elle.
La fille de cette rosse égoïste vou-
drait vivre, elle voudrait aimer, avoir
un mari et des mioches ; mais, chré-
tienne elle aussi, elle n'ose transgres-
ser le vœu fait par sa mère. Placée
ainsi entre ce christ qu'on lui donne
pour époux « divin », et l'époux en
chair et en os aux embrassements du-
quel elle ne saurait renoncer, elle choi-
sit la mort.
En vers harmonieux et nobles, Ana-
tole France a chanté la révolte de la
vie contre cette religion détestable qui
prêche le renoncement, le sacrifice et
la mort. Et nous avons tressailli au fond
de nous-mêmes en entendant cette
haute protestation contre des doctrines
qui sont à proprement parler un atten-
tat contre la nature.
.*..
Oh ! je sais bien qu'il y a là Théognis,
Théognis — interprété avec une su-
perbe prestance par Decaeur, l'excellent
Marcos de mon « Hors la Loi ) - c'est
le bonhomme de prêtre indulgent, qui
.accorde les dispenses et permet aux
belles mondaines dévotes de faire gras
pour peu qu'elles aient mal à l'estomac.
Ce Théognis estimant — avant Tartufe
— qu'il doit être des accommodements
avec le ciel, annule tout simplement le
vœu impie de la marâtre et permettrait
à l'enfant de se marier si elle n'avait
pas déjà le poison dans les veines.
Mais il n'est là, Théognis, vous en-
tendez bien, que pour effet de contraste,
pour faire pressentir le jésuitisme qui
suivra nécessairement ; c'est Kallista,
la mère impitoyable, qui représente le
vrai christianisme, le christianisme
intransigeant.
; A cette créature dénaturée que les
prédications malsaines des sectateurs
du Christ ont rendue aux trois-quarts
folle, qu'importe que sa fille pleure et
souffre? Au contraire ! puisque ce Dieu.
ce nouveau Dieu auquel les divinités
anciennes sont sacrifiées, aime les lar-
mes et la souffrance ; à la mère féconde
entourée de ses beaux enfants, il pré-
fère la vierge dont le sang se dessèchera
dans l'attente stérile ; il est l'ennemi de
la vie ; il hait la nature et la créature;
sur tout il veut jeter un épais voile" de
deuil sous lequel ne retentiront que des
gémissements.
Cette terre que nos bras labourent et
Que fertilisent nos sueurs, il l'appelle
une vallée de larmes ; ce travail par le-
quel nous nous ennoblissons, il le qua-
lifie de châtiment; le libre usage de nos
organes est pour lui péché ; le bonheur
à ses yeux est un crime ; il se plait, féro-
cement sadique, à voir couler nos pleurs
et notre sang ; et ses ministres ensei-
gnent que l'oubli de tous les devoirs
soucieux, le renoncement égoïste à tou-
tes les charges qui incombent à l'hom-
me, sont, avec la mortification de la
chair, le sûr moyen d'acquérir ses bon-
nes grâces. Oh ! l'abominable Dieu !
.**
Quel bonheur pour l'humanité que ce
christianisme, la plus sotte, assuré-
ment, et la plus blasphématoire de
toutes les religions que le cerveau de
l'homme ait imaginées, ait, au - bout
du compte, fait « four », qu'on me
passe l'expression. Car ce qui nous reste
de lui ce n'est plus qu'un christianisme
atténué, édulcoré, mis à la portée de
toutes les bourses. Si la sombre et fu-
neste doctrine des premiers âges avait
prévalu, si elle n'avait pas été vaincue
dans son duel avec le bon sens, avec la
raison, avec l'instinct de nature, il n'y
aurait à l'heure actuelle plus d'huma-
oité.
Quand Jésus disait à Marie la contem-
platrice, l'ancêtre en ligne directe de
tous les moines et de toutes les nonnes,
qu'elle avait « choisi la meilleure part a,
et jetait l'anathème à la laborieuse
'Marthe,commettait-iJ de propos délibéré
cet attentat. contre les hommes qu'est,
dans son essence même, le christia-
nisme? On peut le supposer.
L'homme qui enseignait la lâcheté (si
on t'a frappé la joue droite, tends ta joue
gauche) ; l'injustice (les travailleurs de la
dixième heure seront payés autant que
ceux de la première, et il y aura plus de
joie au ciel pour le visage en larmes d'un
péchcur repentant que pour la robe blan.. ,
che de. cent justes) ; la servilité (rendez à
César ce qui appartient à César); la mé-
connaissance des devoirs naturels les
plus sacrés (Femme, disait-il à sa mère,
je ne vous connais pas); cet homme-là
ne mérite qu'un nom; celui d'ennemi du
genre humain.
Songez à tout le mal qu'il a fait. « Je
suis venu apporter la guerre, disait-il. »
Et en effet, en son nom, pour sa gloire
exécrable, tant de forfaits ont été com-
mis, de tels fleuves rouges ont ruisselé,
que nul fléau ne peut être comparable à
lui.
***
Oui — et c'est beaucoup pour cela
que je remerciais, l'autre jour, Ginisty
d'avoir mis à la scène les « Noces co-
rinthiennes», — oui, l'imprécation mise
par Anatole France dans la bouche de
son Hippias répond à nos sentiments
intimes ; vengeresse, elle exprime no-
tre robuste et saine aversion pour ce
Dieu de souffrance et de deuil qu'a in-
carné le Christ.
A l'issue de la répétition générale;
toute la salle était debout, acclamant le
poète, moins certes à cause des beaux
vers qu'en raison des idées belles et parce
qu'il venait, ce poète, dans ces admira-
bles « Noces Corinthiennes » de pous-
ser, avec l'ardeur d'une foi sincère, le
cri nécessaire de révolte - contre - cette
religion maudite à l'aide de laquelle on
a voulu asservir, garrotter, humilier,
avilir les hommes ; qui n'est plus, cer-
tes, que lambeau maintenant, guenille
hideuse, haillons fangeux et sanglants ;
mais qui, malgré tout, forte de la force
acquise en tant de siècles d'ignorance
et d'erreur, nous obsède encore, nous
opprime encore, est encore comme un
rideau de crêpe entre le grand ciel libre
et nous.
Lucien Victor-Meunier.
■i e-- ---
LE BANQUET DU TRAVAIL
Encore un acte qui ne plaira
pas aux nationalistes : des ou-
vriers syndiqués, des associa-
tions coopératives, des indus-
triels, organisent un « banquet
républicain du travail » *, repré-
sentés car MM. -- Gervais et
Chauviêrê, ils ont porté à M. Waldeek-
Rousseau une invitation que celui-ci a ac-
ceptée ; les organisateurs ont également eu
l'acceptation du ministre du commerce et
celle du ministre des travaux publics.
Ainsi Waldeck-Rousseau, Millerand,
Chauviêre, Gervais, les ouvriers syndiqués,
les industriels, les associations coopérati-
ves ; toutes les nuances de la gauche du
Parlement, y compris les représentants des
opinions les plus extrêmes; y compris aussi
ceux que la modération de leur tempéra-
ment n'empêche pas d'être les fils fidèles
de la Révolution française ; des patrons
avec des ouvriers, des coopérateurs avec
des adhérents aux syndicats du travail ;
tous ces éléments se déclarent groupés, so-
lidaires, témoignent par leur cohésion que
le « bloc )) est plus uni que jamais ; qu'il
« n'est point d'ennemis à gauche » ; et que
c'est en vain que le nationalisme tenterait
de désagréger ce que le souci de la défense
républicaine a puissamment fédéré.
A la veille de la grande consultation na-
tionale de cette année, la manifestation du
banquet du travail aura un retentissement
considérable, parce qu'elle présente un
symbole clair : union de toutes les frac-
tions dugrand parti républicain contre l'en-
nemi d'hier et de toujours, contre la réac-
tion, de quelque masque qu'elle se couvre
le visage. — Ch. B.
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DEPÊCRES
LES RETRAITES OUVRIÈRES
A la commission d'assurance et de
prévoyance sociales. — Décisions
diverses.
La commission d'assurance et de prévoyance
sociales s'est réuniehier,sous laprésidencedeM.
Louis Ricard, et a achevé l'examen des propo-
sitions ayant pour objet de modifier le projet
do loi relatif aux retraites ouvrières.
Elle a statué sur la situation des ouvriers
étrangers au regard de la loi.
Elle a décidé que, pour les ouvriers résidant
et immatriculés en France, le patron serait
tenu de verser une contribution égala à 4 UIU
du salaire.
2 OiO seraient portés pur le livret de l'ou-
vrier et seraient hic et nunc sa propriété.
Les 2 010 représentant la contribution patro-
nale seraient versés au fonds do bonification.
Après dix ans d'immatriculation, l'ouvrier
étranger recovra rétroactivement la contribu-
tion patronale afférente à ses cotisations qui
aura été portée au fonds de bonification aug-
mentée des intérêts.
La commission a décidé, d'autre part, que
les ouvriers étrangers ne résidant pas en
France ne seraient pas admis au bénéfice do la
loi des retraites.
Le bénéfice des dispositions transitoires et
des pensions d'âge ne sera accordé qu'aux ou-
vriers jouissant depuis dix ans au moins de la
qualité de Français."
L'ensemble du projet de loi a été adopté.
M. Guieysse a donné immédiatement lecture
du rapport qu'il avait préparé. Ce rapport a
été approuvé à l'unanimité par la commission.
Il sera déposé aujourd'hui sur le bureau de la
Chambre.
La commission a ensuite abordé l'examen
des propositions de loi tendant à modifier la loi
du 29 juin 1894 sur les caisses dos mines. Elle
a repoussé le principe de la proposition de M.
Odilon Barrot qui a pour but d'organiser les
retraites par le système de la répartition. Elle
a décidé d'examiner dans une prochaine séance
toutes autres propositions tendant à améliorer
le système organisé par la loi du 19 juin 1894.
LES PRIMES AUX AGENTS OU FISC
MM. Pommeray et Gérald ont déposé à la 101
de finances l'article additionnel que voici :
« A partir de la promulgation de la présente
loi, les primes accordées sur les amendes et
confiscations aux agàntà- des contributions in"
directes seront supprimées. D -
LES ENTERRES VIVANTS
Les inhumations précipitées. — Pour
éviter les erreurs. — Les médecins
des morts. - Comment on re-
connaît la mort. — Des faits
— Le Livre d'or de la vie.
— Mesures à prendre.
Nous n'avons eu que trop souvent l'occasion
de citer des cas, beaucoup plus fréquents qu'on
ne le croit généralement, d'inhumations pré-
maturées.
Voici qu'aujourd'hui encore nous parvient de
Tunisie le récit de la découverte d'une victime
de la hâte excessive avec laquelle beaucoup de
gens font inhumer les morts ou ceux qu'ils con-
sidèrent comme tels.
A Monastier, ces jours-ci, des ouvriers, qui
travaillaient dans le cimetière indigène, ont
trouvé, en fouillant le sol. un cadavreassis, la
tête penchée sur l'épaule.
Les parois de la tombe étaient égratignées et
sur la chaux on voyait encore les marques des
genoux et des mains du malheureux qui, en
s'éveillant sans doute d'une léthargie, s'était
vu enseveli et avait fait des efforts désespérés
pour se dégager.
Les musulmans ont la funeste habitude, en
Tunisie, plus particulièrement, d'ensevelir
leurs parents décédés aussitôt que ceux-ci ont
rendu le dernier soupir; de cette précipitation
peuvent résulter et résultent les plus terribles
erreurs.
Et ce n'est pas seulement en Tunisie:ce n'est
pas seulement chez les musulmans que l'on
doit déplorer cet empressement à affirmer que
des êtres parfaitement vivants sont morts.
Ce qui a été fait
En 1863, le cardinal Donnet, archevêque de
Bordeaux, relatait à la tribune du Sénat les
cas de ceux qu'il avait arrachés au tombeau
et aussi son propre exemple, exposant com-
ment il avait été lui-même enseveli deux fois
dans sa vie. Il suppliait les dépositaires du
pouvoir de formuler des prescriptions légales
pour prévenir des malheurs irréparables.
En 1873, dans un rapport présenté par le doc-
teur Devergie à l'Académie de médecine, se
trouvait cette déclaration :
La plus grande partie des personnes qui meu-
rent chaque année en France sont déclarée mortes
et enterrées sans aucun examen médical et, sur une
population totale de 38 millions, plus de la moitié
des inhumations ont lieu sans vérification.
L'académie de médecine a maintes fois re-
connu que beaucoup de médecins ne sont pas
à même d'établir le diagnostic de la mort ;
elle a émis un vœu tendant à ce que dans le
programme des examens du doctorat figure
une épreuve pratique, afin que le candidat
puisse faire, sur ce point, la prouve de ses
connaissances. Ce vœu est demeuré lettre
morte et la situation est aujourd'hui ce qu'elle
était en 1863 et en 1873.
Tous les jours, des êtres humains sont des-
cendus vivants dans la terre ou brûlés dans
les fours crématoires.
De temps à autre, un journal signale un cas
constaté à la suite d'une exhumation — les
exhumations sont rares — ou quelque résur-
rection d'enseveli due à un miraculeux con-
cours de circonstances.
On frissonne un instant et. l'on oublie.
Chacun est persuadé que pareille aventure est
réservée au voisin.
Et cependant, l'époque n'a guère changé, où
Bruhier publiait son effroyable statistique :
Cinquante deux personnes enterrées vivantes,
quatre autopsiées ou embaumées avant leur mort,
cent trois revenant à la vie, après avoir été en-
fermées dans le cercueil, etc.
Rien que dans le courant de 1894-95, l'ir-
gus de la Presse releva quarante-cinq cas
d'inhumations précipitées constatées fortuite-
ment. Quel peut être le nombre de ceux qui
sont enterrés ou brûlés vivants ?
La constatation des décès
Il a été démontré que la vérification des
décès n'existe réellement pas et que, lorsque
cette vérification est pratiquée, elle ne cons-
titue le plus souvent qu'une garantie illusoire,
car elle s'accomplit avec une légèreté incroya-
ble.
Qui prouve cependant que celui qui est mort
n'est pas la victime de parents cupides ou de
misérables ayant intérêt à le faire disparaî -
tre?
Est-ce la visite officielle du médecin de l'état
éi v il ?
Assurément non 1
Le médecin des morts se rend au domicile
mortuaire, pour y accomplir une banale for-
malité et n'accorde à « ses clients » qu'une
attention plus que vague.
Un coup d'œil sur le visage constitue à peu
près tout l'examen auquel il se livre :
— De quoi est-il mort?
— D'une pleurésie.
— Très bien.
Et tout est dit ! Le médecin appose sa signa-
ture au bas d'un petit carré do papier et la fa-
mille, en règle avec la loi, peut, sans craintes
et sans remords, faire enterrer celui que le re-
présentant de l'administration a rayé du nom-
bre des vivants.
Les signes de la mort
Il est depuis longtemps reconnu que rien
n'est plus trompeur que les signes certains de
la mort ; on peut confondre la rigidité cada-
vérique avec les roideurs articulaires ou con-
vulsives ; on peut confondre la putréfaction
cadavérique avec des putréfactions locales, des
putridités morbides. Tous les signes dits pro-
bants do la mort ne prouvent rien.
Ces signes doivent être , en général,
considérés comme nuls; teissont : le refroidis-
sement du corps, l'immobilité, l'absence de
respiration, la cessation des battements du
cœur, l'insensibilité, la chute de la mâchoire
inférieure, la perte de transparence de la main,
la flexion du pouce, l'état des sphincte t, les
tâches se formant sur l'œil et, en général, tous
les changements de l'organe oculaire; tous ces
signes visibles de la mort peuvent n'être que
les manifestations de diverses maladies.
Il n'existe qu'un unique signe absolu de la
mort ; il consiste dans la disparition du sang
dans les artères; non pas dans les veines, qui,
en cas de syncope, pouvent se trouver vides.
La seule opération pratique et concluante,
qui puisse être faite sans danger, pour dé-
montrer la réalité de la mort, est la section de
l'artère temporale superficielle.
S'il se produit la plus légère hémorragie, il
faut en conclure à la persistance de la vie.
Certaines personnes, parfois des médecins,
ont recours à un moyen barbare, autant qu'i-
nutile, puisqu'il ne prouve rien, de s'assurer
de la mort, en brûlant en un point quelconque
le corps.
Or, selon la nature de la syncope, l'insensi-
bilité peut être complète et la brûlure no pro-
duira qu'une mutilation.
Voici un fait quidémontre péremptoirement
cette constatation.
Au mois de décembre 1895, M. Ch., de-
meurant à Paris, rue de la Paix, fut asphyxié
par les émanations d'unpoèle.
Pour s'assurer qu'il était bloa mort, on eut
l'idée slupide de lui brûler les pieds ; pendant
l'opération, Ill. Ch. demeura insensible et
inanimé. Quelques heures après, il revint à la
vie et commença à rossentir d'atroces dou-
leurs. Après six semaines de souffrances, les
pieds furent envahis p* ia gangrène ot durent
- être emputéa. - ";
Si chacun se doutait de ce que doit être le
supplice enduré par l'enterré vivant, si chacun
se rendait compte que ce supplice peut être un
jour lâ sien, il n'est pas un être qui pourrait
songer stfhs frémir h l'erreur possible,—
On peut vivre dans la tombe pendant plu-
sieurs heures et même pendant plusieurs
jours.
Le docteur R.cite le cas d'une femme inhu-
mée à cinq heufes du soir et respirant encore
à minuit; le docteur B. d'Abl., celui d'un
homme exhumé après trois jours et expirant
en vomissant le sang, après un quart d'heure
d'exposition à l'air ; le The Lancet, de Lon-
dres, dit qu'un attorney, Edward Saple-
ton, fut exhumé après trois jours, pour autop-
sie, et revint à la vie sur la table de dissoc-
tion.
Quelques cas
Voici d'ailleurs quelques cas destinés à ap-
puyer notre argumentation ; il y en aurait des
centaines à citer.
Ils donnent une idée de ce que doit endurer
l'enterré vivant:
En 1895, M. V. D. avocat, maire de la ville
de D. n'était pas mort lorsqu'on l'enterra ;
exhumé quelques jours après, on le trouva le
bras rongé et la bouche encore pleine de
sang.
La même année, le consul d'Italie à Cons-
tantinople. M. 0. R. est trouvé dans son ca-
chot, couché à plat ventre, les pieds tordus,
les poings crispés, remplis do cheveux arra-
chés.
A Baltimore, on a trouvé, pressée contre la
porte de fer de son caveau, le squelette d'une
jeune femme sortie de son cercueil.
Après avoir été exposé au dépôt mortuaire,
un ouvrier ressuscita et se rendit à la mairie,
pour y faire annuler son acte de décès.
Dans le Rappel du 21 juillet 1894, M. Noël
Amodra s'exprimait ainsi :
Trois heures après l'inhumation, on ouvre le cer-
cueil de Mme B., qui expire, après avoir ouvert
les yeux et s'être tournée sur le côté. Cela vient de
se passer sous mes yeux à St-Laurent (Jura).
Approbations et encouragements
Si. malheureusement, beaucoup de personnes
demeurent indifférentes à l'idée de la possibi-
lité d'être inhumées ou brûlées avant leur
mort, par contro, il en est d'autres, et non des
moindres, qui se sont rendu compte de la né-
cessité qu'il y a de prendre toutes les précau-
tions possibles.
Une intéressante publication, le Livre d'or
de la vie, a été éditée en ces dernières années
et contient, outre de nombreux et lamentables
exemples. les approbations adressées aux pro-
moteurs d'une ligue contre les inhumations
moteurs
précipitées.
Dans cette liste figurent des noms dont quel-
ques-uns valent d'être cités.
On y voil:la signature du cardinal Rampolla,
autorisé par le pape Léon XIII, un encoura-
gement de l'institut Pasteur; le nom de M.
Carnot, président de la République ; y figu-
rent encore les félicitations de Jules Simon, du
grand-duc Alexis, de. Mme Adam, de Glads-
tone, du roi des Belges, Léopold II, de la reine
Victoria, etc., elc.
Ce qu'il faudrait faire
Mourir est assurément pénible — il est per-
mis de le supposer - Bossuet l'avait si bien
compris que, dans une oraison funèbre pro-
noncée devant « le Roy » il se crut obligé d'a-
jouter à cette déclaration: « nous sommes tous
mortels » le palliatif « ou presque tous ».
Louis XIV redoutait la mort et, courtisan
tout autant que prélat, « l'Aigle de Meaux »
tenait à flatter les sentiments de son puissant,
mais incommensurablement orgueilleux mo-
naraue.
Louis XIV craignait peut-être l'inhumation
précipitée, il craignait d'assister a presque
mort » à ses propres funérailles.
Combien, parmi ceux que nous coudoyons
chaque jour, subissent la même hantise? Pour
ramener le calme dans beaucoup d'esprits,
pour mettre fin aux angoisses de quantité de
malades — ce qui pourrait souvent être une
cause de guérison - il faudrait une législation
spéciale, il faudrait modifier les articles 77, 80
et 84 du Code civil,qui laissent une trop grande
latitude à ceux qui sont chargés de constater
les décès et n'assurent aucune garantie à ceux
« qui s'en vont ».
En arrivera-t-on à cette modifleation?
Peut-être ! I f
Mais au train dont ont marché jusqu'à pré-
sent les choses, rien ne permet d'espérer que
ce sera bientôt. — L.-C.
1
LA CROIX DE M. ADOR
(De notre correspondant particulier)
Berne, 31 janvier.
Le conseil fédéral est, dit-on, résolu à déci-
der M. Ador, ancien président de la section
suisse de l'Exposition de 1900, soit à renvoyer
la croix de la Légion d'honneur, soit à démis-
sionner de son mandat de conseiller national,
la constitution ne permettant pas qu'un man-
dataire de la République accepte une décora-
tion étrangère.
M. Ador de son côté préfère donner sa dé-
mission de conseiller national plutôt que de
renoncer au ruban rouge.
Il est bon de rappeler à ce propos que le con-
seil fédéral de Berne fut moins rigoureux lors-
que M. Roth, ministre plénipotentiaire suisse
à Berlin, reçut l'Aigle-Rouge pour des ser-
vices plus où moins. connus rendus à M. de
Bismarck.
—————————— ———————————
LE CHANT DU TRAVAIL »
(De notre correspondant particulierI
Vienne, 31 janvier.
Hier est mort M. Joseph Zapf, directeur de
l'Ecole professionnelle des ciseleurs ot graveurs.
M. Zapf est l'auteur du Lied der Arbeit (chant
du travail) qui depuis plusieurs années est
devenu l'hymne du parti socialiste autrichien,
A toute manifestation ouvrière ce chant est
entamé par des milliers de voix. Des orches-
tres et même des orguès do barbarie contri-
buent,eux aussi,à vulgariser la composition de
M. Zapf.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Les ministres se sont réunis hier matin à
l'Elysée sous la présidence de M. Loubet.
Le conseil s'est occupé de diverses questions
inscrites à l'ordre du jour de la Chambre et
notamment de l'interpellation de M. Stanislas
Ferrand sur les fortifications de Paris.
Le gouvernement demandera l'ajournement
de cette interpellation jusqu'au dépôt du
projet de loi dont la Chambre va être sai-
sie.
Le ministre de l'instruction publique et des
beaux-arts a entretenu le conseil des fêtes du
centenaire de Victor-Hugo.
La cérémonie sera célébrée au Panthéon le
26 février à 10 heures du matin.
Deux discours seront prononcés : l'un au
nom du gouvernement, l'autre au nom de
l'Académie française.
Le programme se composera de morceaux
de musique exécutés par l'orchestre de la
Société des concerts, la garde républicaine,
des chœurs et los poésies de Victor Hugo dites
par des artistes do la Comédie-inçaise,
M. Nériot, architecte, sera chargé de Jft déco-
ration du PaDtbéoo./ ;
Le ministre des colonies a présenté à la
signature du Président de la République un
décret qui nommeM. Roume, conseiller d'Etat,
en service extraordinaire, directeur au minis-
tère. des .jcolgtfjies, gouverneur général de
l'Afrique occidentale. -. - ,
Le ministre des travaux publics a attiré l'at-
tention de ses collègues sur l'augmentation des
indemnités que les réseaux de chemins de fer
paient au public pour pertes, retards et ava-
ries des colis de messageries et des colis pos-
taux.
Dans lademièrepériode décennale cesindem-
nités se sont accrues de 200 OiO,
La question sera soumise à l'examen d'une
commission où seront représentés les ministres
compétents.
ON NE DANSERA PAS.
Les salons du faubourg Saint-Germain se-
ront, parait-il, fermés cet hiver; muets, les
violons; éteints,les lustres éblouissants; morte,
la joie des cotillons et des valses lentes. Les
couverts d'or sommeilleront dans leurs écrins
chiffrés et les antiques joyaux manqueront aux
fronts des douairières. On ne dansera point.
Deuil do prince ? Oh ! non.
Dans une circulaire adressée au Tout Paris
aristocrate et élégant, et signée * comtesse de
la Rochefoucauld, comtesse de Castellane,
comtesse de Chabrillan, comtesse de Rohan-
Chabot., j'en passe, cette abstention est ainsi
expliquée :
En présence de la crise que traverse la France,
de ses intérêts matériels et moraux menacés, de ses
libertés violées et du spectre grandissant du socia-
lisme, nous tenons à signaler à nos amies, qui
comprennent la gravité des circonstances, ta ligne
de conduite que nous avons adoptée :
Supprimer chacune, suivant nos situations et
les convenances, toute dépense superflue, telles que
parties, réceptions, toilettes ;
La post-scriptum est intéressant :
Les sommes non dépensées devront être versées
à une des caisses réunissant des fonds pour des
candidatures honnêtes et antisectaires.
Or, donc, les jolies mondaines entrent en
lice, on ne recevra pas. Quel sacrifice ? Rassu-
rez-vous, ma chère, on recevra l'an prochain
quand les honnêtes gens auront triomphé de
la canaille.
Ainsi l'or apporté à flots, les bijoux dont on
se sera, non sans regret, séparé, vont, avec le
produit des quêtes journalières, grossir le tré-
sor des réactionnaires, mais cela ne suffit point
à nos politiciennes de salon. :
Il faudra — ajoutent-elles — :
2" Eclairer nos fournisseurs sur le mobile qui
dicte momentanément notre conduite, afin que par
leurs votes ils coopèrent, eux aussi)ÍI. l'œuvre com-
mune du salut de la France.
Votez contre les candidats républicains et
vous aurez notre argent - sinon, la faillite
vous guette! On ne met pas, avec plus de co-
quetterie, le poignard sur la gorge.
Une cause qui ne peut se soutenir que par de
pareils moyens doit être bien compromise. -
A. Armbrustev.
ÉTRANGE ÉCONOMIE
(De notre, correspondant particulier)
Bucharest, 31 janvier. i
A en croire plusieurs journaux, le gouver-
nement aurait l'intention do supprimer l'Uni-
versité de Yassy, pour des raisons budgétaires.
Le projet est vivement critiqué, même parmi
les partisans du ministère.
--- - 0- -
DE NOUVEAUX UNIFORMES ALLEMANDS
(De notre correspondant particulier)
Strasbourg, 31 janviér.
Sur l'ordre de l'empereur on fait dans plu-
sieursgarnisons des essais de nouveaux uni-
formes. Les chasseurs mecklembourgeois, en
garnison à Colmar, portent unesorte de blouse
verte sans bouton métallique, On cherche
actuellement une combinaison de couleurs qui
puisse offrir les mêmes avantages que le lthaki.
— «o-
Les Etudiantes allemandes
(De notre, correspondant particulier)
Berlin, 31 janvier.
Les nombreuses jeunes filles qui suivent les
cours de l'Université de Heidelberg ont décidé
de constituer une corporation analogue à celles
des étudiants allemands. Comme ceux-ci, elles
auront un képi dacoulsur et une sorte d'échar-
pe en bandoulière; de mémo elles fréquente-
ront la salle d'armes.
Quant à la consommation obligatoire de la
bière, il n'en est pas parlé dans les statuts.
LES TAXES DE REMPLACEMENT
La Chambre est saisie, on le sait, du projet
de loi qui a pour objet d'autoriser la Ville de
Paris à percevoir une taxe sur les valeurs en
capital des propriétés bâties et non bâties, et
rapportant l'autorisation de percevoir diverses
autres taxes de remplacement.
MM. Berry, Muzet et Ferrand ont déposé un
contre-projet qui substitue à la taxe sur les
propriétés bâties et non bâties : 1* une taxe
d'incendie ; 2' une taxe sur les opérations de
Bourse ; 3* une taxe do mutation sur les tran-
sactions, à titre onéreux ou gratuit, d'immeu-
bles situés à Paris; 4" une taxe de mainmorte
et une taxe de 0 fr. 125 sur la valeur vénale d9
la propriété non bâtie.
— ■ ■ o ■ -..
LES ENFANTS ASSIST£S
La commission des finances, réunie sous la
présidence de M. Magnien, a examiné, au point
de vue de ses conséquences budgétaires, la
proposition de M. Roussel relative à l'assis-
tance des enfants du premier âge. La commis-
sion a émis un avis favorable à la proposition.
.——————-—- ——————————-
LE CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE
Le vice-amiral Bienaimé, chef d'étalmajor
général, est nommé commandant en chef pré-
fet maritime à Lorient.
Le contre-amiral Marquer, sous-chef d'état-
major général, est nommé faisant fonctions de
chef d'état-major général.
INCIDENT DIPLOMATIQUE A LISBONNE
Madrid, 31 janvier.
Suivant la Correspondencia Militar, le géné-
ral de Bourbon Castelli, cousin du roi, aurait
provoqué un incident diplomatique à Lisbonne
en prenant dans ses visites officielles le titre de
duc d'Anjou.
Le journal ajoute que le ministre de France
à Lisbonne aurait adressé une réclamation au
représentant de l'Espagne, qui a demandé des
instructions au ministredes affaires étrangères.
Le conseil des ministres se serait occupé de
cet incident, qui produit une mauvaise impres-
sion en haut lieu.
Le titre que prétend porter le général Bour-
bon n'est oas reconnu en Espagne.
A LA CHAMBRE
Le cléricalisme dans l'Université
Les interpellations Pastré, Zévaès,
Allemane. — Les professeurs répu-
blicains et socialistes. — Leurs
collègues réactionnaires. — L'or-
dre du jour Levraud. — La ma-
nœuvre nationaliste. — Le
gouvernement approuvé.
Voici achevée la discussion sur les interpel-
lations Pastre, Zévaès, Allemane, relatives aux
tracasseries dont des professeurs républicains
et socialistes auraient souffert. Le débat, qui a
occupé entièrement deux vendredis, a pris une.
ampleur à laquelle on ne s'attendait pas d'a-
bord. C'est, toute entière, la question du cléri-
calisme dans l'Université qui s'est trouvée po-
sée. Les discours prononcés ont fait assez con-
naître que la Chambre sent le danger qu'il y
aurait à laisser la propagande nationaliste se
donner libre cours parmi les maîtres à qui est
confiée l'éducation de la jeunesse. Sans enta-
mer en rien la liberté de conscience des pro-
fesseurs, il est permis de ne pas souffrir que les
chaires des lycées deviennent des succursales
des autres chaires où Dérorent les émules des
P P. Ollivieret Didon.*
Il est regrettable que M. Leygues ait voulu
s'en tenir à la simple approbation que lui ac-
cordaient MM. Henri Ricard et Guillemet. Le
ministre de l'instruction publique eût été
mieux inspiré en acceptant l'ordre du jour de
M. Levraud, ainsi conçu :
La Chambre, comptant sur le gouvernement pour
combattre l'infiltration cléricale et défendre l'Uni-
versité laïque et républicaine, etc.
Un tel ordre du jour ne comportait aucune
apparence de blàme qui pût choquer legouver-
nement. M. Leygues se fût trouvé même beau-
coup p!us fort devant le pays et devant le corps
enseignant, après avoir adhéré à un texte d'une
rédaction si clairement républicaine. D'autre
part, la discussion se fût trouvée sanctionnée
ue taçon a sausiaire complètement cette admi-
rable majorité de gauche dont, seul, le suffrage
doit importer au minislère. Enfin, les quelques
professeurs entrés dans l'Université pour y
faire le jeu dss établissements congréganistes
eussent reçu un avertissement dont le besoin
se fait sentir; et c'est surtout en matière d'en-
seignement qu'il est vrai de dire avec le pro-
verbe : mieux vaut prévenir que punir.
Des députés. démocrates, très dévoués à
l'œuvre de défense et d'aclion républicaines,
ont senli si profondément les vérités aux-
quelles je me réfère, qu'ils ont pris le parti de
s'abstenir sur l'ordre du jour Ricard et Guille-
met.
Il faut dire que les nationalistes ont fait leur
possible pour embrouiller les choses : un mo-
ment, ils se sont figurés que le cabinet allait
tomber entre les tronçons do sa majorité cou-
pée en deux. J'expliquerai plus loin la ma-
nœuvre: je tiens à féliciter, dès le début de
cet article, M. Jourde ; celui-ci a dit leur fait
aux réactionnaires, leur reprochant, avec une
juste sévérité,de forcer la main à la Chambre,
de vouloir l'amener à voter contre la politique
généraledugouvernemént, quand son intention
était de s'opposer aux ingérenees du clergé
dans les établissements d'éducation laïque.
Les droits du suffrage universel
Vite, maintenant, racontons la séance. D'ac-
cord avec le ministre, M. Allemane a jointaux
interpellations Pastro et Zévaès, sa propre in-
terpellation sur la mesure prise contre M. La-
picque, l'éminent professeur do la faculté des
sciences. M. Zévaès est venu se plaindre de
punitions infligées à des professeurs investis
de mandats électifs.
Aucun article de loi ne crée une incompatibilité
entre la fonction d'éducateur public et de conseiller
municipal : aucun no dit que ceux qui enseignent
à la jeunesse les droits et les devoirs du citoyen se-
ront dépossédés de leurs droits de citoyen ; aucun
n'oblige ceux qui, au nom de la science moderne,
sont chargés de refouler des cerveaux de la jeunesse
un scepticisme mortel aux idées de progrès, aucun
ne les oblige à se confluer eux-mêmes dans une
indifférence desséchante.
Malheureusement, chez M. Zévaès la décla-
mation l'emporte toujours sur la conduite
rationnelle de la discussion. Il s'est mis à par-
ler de Babeuf, de Saint-Simon, de Fourrier, de
Karl Marx, de Blanqui.
L'affaire Lapicque
Avec M. Jean Allemane, nous avons quitlé
l'empire des morts.
M. Lapicque a été frappé pour avoir organisé une
caisse en vue d'indemniser les professeurs ou insti-
tuteurs frappés de mesures qui les privent de leurs
ressources.
Ici se pose une question de droit : qu'est-
ce que la juridiotion des conseils académiques?
M. le ministre de l'instruction publique s'est cru
obligé de considérer le conseil académique comme
un tribunal ordinaire, et il a frappé M. Lapicque
comme s'il avait commis le délit d'ouvrir une sous-
cription en faveur d'un citoyen condamné par un
tribunal ordinaire.
M. Lapicque est un des hommes les plus méri-
tants de l'Université, un travailleur éminent qui,
jeane, a conquis tous ses grades. (Très bien ! très
bien! à l'extrême gauche.)
Il honore la corporation à laquelle il appartient.
(Très bien ! très bien !) A peine âgé de vingt ans,
il était de la vingtaine de braves étudiants qui se
dressèrent contre le général Boulanger conspirant
contre les libertés publiques. (Applaudissements à
l'extrême gauche et à gauche.)
Un membre à gauche. Ils étaient plus de vingt.
M. Lapicque est'allé dans les Vosges, pour s'op.
poser à un homme que la Chambre et le pays con.
naissent bien. (Exclamations au centre.)
Plusieurs voix au centre. Qui ? Qui?
M. Allemane. — Puisqu'on veut que je cite
le nom d'un collègue, je nommerai M. Méline.
Il est certain que M. Méline a dû être con-
tent de la mesure prise à l'égard de M. Lapic-
que; et nous n'aimons pas que le chef des
progressistes approuve jamais un acte du
ministère actuel. C'est inquiétant.
Propagande confessionnelle
M. Lafferre a prononcé un réquisitoire ven-
geur contre l'élément clérical de l'Univer-
sité:
Il y a un an et demi ou deux ans, je voulais
vous interpeller sur un fait qui s'est passé dans
une ville du Midi. Un professeur, devant des étu
diants républicains et socialistes, à propos d'une
affaire que je no veux pas rappeler et au moment
où les professeurs de l'Ecole de droit prenaient
part à un mouvement en faveur do la revision, ce
professeur, dans son cours, a traité ses collègues
d'hommes ivres, qui s'étaient réunis la veille
dans un mauvais lieu. (Exclamations à l'extrême
gauche.)
Qu'avez-vous fait, monsieur le ministre, contre
ce professeur ? Il parait que vous lui avez infligé
un blâme secret ; il ne s'en est pas plaint, et trois
mois après, pour panser sa blessure secrete vous
lui avez donné les palmes académiques. (Exclama-
tions à l'extrême gauche.)
C'est là une vieille affaire que Je réveille ; mais
a cette heure que se passe-il à l'Ecole de droit de
Paris ? J'ai là sous les yeux des leçons qui sont un
véritable scandale. Elles ont été signalées à la
commission du budget par M. Ilubbard et M. Mau-
rice Faurey fait allusion dans son rapport.
Un professeur, parlant de la loi des associations,
dit qu'elle est inspirée par des considérations op-
posées à la justice (très bien ! très bien ! à droite.)
et qu'elle a tous les aspects d'une loi scélérate.
(Très bien ! très bien ! à droite. — Exclamations à
gauche.)
Devant les protestations des étudiants, on dut
suspendre le cours.
Le même professeur, dans son cours de droit
constitutionnel, traitant de l'imprescriptibilité de
la souveraineté, dit que si un tyran s'empaiait da
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