Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-10-17
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 17 octobre 1902 17 octobre 1902
Description : 1902/10/17 (N11907). 1902/10/17 (N11907).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7549193h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/01/2013
es Ï'N O CENTIMES le Numéro. PARÎS & DEPARTËfflfcftTS Xi© N\itoià¥ëî *C! ï M Q G E N TfME3
FONDATEUR : AUGUSTE .'VACQUERIE-
ABONNEMENTS
fD moll Trois mois 51x mO;1 Un ai
Paris 2fr. 5 fr. 9 fr. iSfr.
tMparteme:s.. 2— 6— {i - 20—,
jjasa Postais. S —• @ «» 46 — 32
LE RAPPEL.
RÉDACTEUR EN CHEF : CHARLES BOS
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF le Gt*
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURHAK
RÉDACTION 1 «4, rue du Mail
.'De 4 à 8 heures du soir el de io heures du soir à 1 heure du malin
No 11907. - Vendredi 17 Octobre 1902
26 VENDEMIAIRE AN 111,
ADJIINISTRA TION ; «4, rue du Mail .---
dressel' lettres et mandats à l'administrateur
- r
NOS LEADERS
Réression nécessaire
J'ai averti dans la séance de mardi
M. le ministre de la guerre de mon
intention de l'interpeller au sujet du
sous-officier Philibert. Au lendemain
de ce tragique événement, j'avais écrit
au général André que je lui poserais
une question ; mais voulant donner à
mon intervention toute l'ampleur qu'un
tel sujet mérite et clore le débat par un
ordre du jour motivé, je renonce à-po-
ser la question pour développer mon
interpellation,
On connaît les faits ; je ne les rappel-
lerai que pour mémoire. Un sous-offi-
cier, le maréchal des logis Philibert, du
15e chasseurs, avait commis la faute
abominable, ne trouvant plus de place
au cirque, de suivre les indications d'un
de ses amis, M. Hubert, et de s'asseoir
dans une stalle que messieurs les offi-
ciers ont trouvé bon d'interdire aux sous-
officiers. A la sortie du spectacle, le lieu-
tenant Rinkenbach, qui était de service,
sans y avoir été commandé et ne portant
pas les insignes du service commandé,
interpellale maréchal des logis Philibert
et l'invita à rentrer au quartier et à se
considérer comme puni.
Cetteinjonction cherchait uniquement
à atteindre M. Hubert à qui le lieute-
nant en voulait depuis longtemps. Une
altercation se produisit. C'est le maré-
chal de logis Philibert qui en supporta
toutes les conséquences. M. Rinkenbach,
furieux,fit porter par la place une puni-
tion de quatre jours de consigne. En
voici le motif : « occupait une place ré-
servée aux officiers et ne s'est pas inter-
posé dans une discussion intervenue à
son sujet entre cet officier et un civil. »
Mais là ne se borna pas l'incident. Le
lendemain, sur le terrain de manœuvre,
devant ses hommes, le lieutenant de
Pusy injuriait gravement Philibert.
Voici un extrait d'une lettre qu'écri-
vait ce malheureux jeune homme, rela-
tant l'incident quelques heures avant
son suicide.
« Hier matin, j'étais sur le terrain de
manœuvre, quand de Pusy vint à pas-
ser et me demanda si c'était bien moi
qui étais avec le civil qui avait invec-
tivé M. Rinkenbach. Je lui répondis
que oui, et il se mit à m'enlever, à me
traiter de cochon, de saligaud d'avoir
laissé se produire un pareil scandale.
Il a ajouté : « Si c'eût été moi, j'aurais
«commencé à vous gifler de première ».
Attends que mon affaire soit terminée,
n'écris pas, ne fais rien, car ils me san-
gleraient à fond. » On remarquera la
modération de cette lettre et le désir
qu'avait Philibert d'avoir jusqu'au bout
une attitude correcte. Par la même oc-
casion, il me sera permis de signaler à
mes lecteurs le langage choisi de M. de
Pusy, et l'extrême élégance de son lan-
gage. Il est vrai que la caserne n'est pas
le dernier salon où l'on cause.
Le soir de cet idcident, Philibert ap-
prenait qu'il était cassé. Cela lui fut
particulièrement pénible, car il vou-
lait poursuivre la carrière militaire, si
pénible même que, excédé par de tels
procédés, il se suicidait dans la nuit.
Voici la lettre qu'il écrivait à ses pa-
rents.
« Mes chers parents, pardonnez-moi
la peine que je vais vous causer.
«Je viens d'être victime d'une injustice
qui m'enlève mes galons. C'est un dés-
honneur si grand pour moi que je pré-
fère mettre une fin à ma vie. Je ne me
sens pas le courage de passer dans la
rue, avec des manches nues, alors que
j'étais si fier de porteries beaux galons
que j'avais mérités. Vous verrez des
larmes, sur ce billet, vous dire la nuit
de souffrances que je viens de passer.
Je n'ai pas mérité une telle fin. Sachez
que la dernière seconde de ma vie a été
pour vous. Adieu.» Pas un mot de re-1
proche, pas une parole de colère.
Je ne détaille pas ici la question, ce
sera pour la tribune. Cette affaire est
remplie d'obscurité, et il est nécessaire
que le ministre la tire au clair. Nous
nous demandons si un incident aussi
futile,pouvait servir à des officiers vin-
dicatifs, orgueilleux, de prétexte à une
persécution aussi odieuse, et pour sa-
voir quelle est la différence qui existe
entre un simple soldat et un officier.
Pour notre part nous n'en voyons au-
cune.
Il est indispensable que le général
André dise quels sont les rapports qui
existent entre officiers et soldats, et si
c'est la règle permanente que les offi-
ciers, qui par leur éducation et leur
instruction devraient connaître la poli-
tesse, injurient aussi gravement des
citoyens qui ne sont que temporaire-
ment sous les drapeaux.
Dans son discours au Sénat, à l'occa-
sion du service de deux ans, le ministre
de la guerre a exposé avec force détails
le programme qu'ii a imposé pour les
conférences faites à Saint-Cyr, D'abord
ce début.
« Les armées d'autrefois. L'armée
féodale, etc. - Ce qui, dans le patri-
moine légué par el!es,doit être précieu-
sement conservé : les traditions d'hon-
neur, de courage et d'abnégation.;. Ce
qui doit être exclu : l'esprit de caste.
- Par quoi il doit être remplacé ; l'es-
urit de solidarité »
Puis ces citations :
« Tout supérieur a le devoir do s'oc-
cuper de l'éducation morale de ses su-
bordonnés comme de leur éducation
physique et de leur instruction mili-
taire. Il doit non seulement faire appel
à leur mémoire, à leur intelligence,
mais encore s'adresser à leur cœur pour
y faire naître ou y développer par tous
les moyens, les sentiments de probité,
de franchise, de droiture, de bravoure,
de confiance dans leurs chefs, de dé-
vouement et de patriotisme.
(f Vous direz bien haut que ce qui
distingue notre armée républicaine, ce
qui fera sa force dans le danger, sa su-
périorité pour les armées où le soldat
est la chose des officiers, c'est que chez
nous, le citoyen, en devenant ou en re-
devenant soldat, ne cesse pas pour cela
d'être un homme libre et fier.
« D'abord, aux yeux du soldat, l'au-
torité morale du chef se trouvera consi-
dérablement grandie. Mieux instruit de
ses obligations dont il comprendra la
raison d'être, sûr d'ailleurs de trouver
toujours dans ses supérieurs des guides
bienveillants, le subordonné donnera au
devoir d'obéissance une adhésion plus
sincère et par suite moins sujette aux
défaillances.
« A nos soldats, il ne faut pas parler
uniquement de répression : nous avons
sous les drapeaux la nation entière avec
toutes les qualités et aussi toutes les
susceptibilités de tempérament de la
race ; en matière de discipline, nous en
sommes restés aux errements de l'an-
cien régime.»
C'est parfait, mais il ne faudrait pas
que l'on se cantonnât dans la pure
discussion. Il faudrait que les officiers
missent en pratique l'enseignement
qu'ils reçoivent.
J'ai confiance que le général André
saura prendre les mesures de rigueur
nécessaires pour réaliser dans l'armée
l'esprit de solidarité qui doit remplacer
l'esprit de caste.
Il est courant - nous en avions tout
à l'heure une preuve, en voici une au-
tre — que des officiers, dans des mou-
vements de mauvaise humeur, s'expri-
ment dans les observations qu'ils font
aux soldats, en termes orduriers.
C'est une pratique intolérable.
Le programme de conférences parle
de l'autorité morale du chef ; il signale
les devoirs du supérieur, qui doit s'oc-
cuper de l'éducation morale de ses su-
bordonnés, s'adresser à leur cœur.
Il ne doit plus être possible, désor-
mais, qu'un officier supérieur de l'armée
puisse énoncer à Saint-Cyr, devant les
officiers de demain, ce blâme écrasant
pour les officiers d'aujourd'hui : « En
matière de discipline, nous en sommes
restés aux errements de l'ancien ré-
gime. »
Le ministre de la guerre, en disant à
la suite de mon interpellation quelles
mesures il a prises à l'égard de MM,
Rikenbuch et de Pusy, auteurs respon-
sables du suicide du maréchal de logis
Philibert, affirmera qu'il entend que
désormais, en matière de discipline.
c'est, dans l'armée nationale, l'esprit de
solidarité qui règle les rapports des
chefs et des soldats.
A. Gervais.
A LA COmMISSION DES CONGREGATIONS
Le groupe radical-socialiste
de la Chambre a décide hier de
proposer à la délégation des
gauches la nomination de la
commission des Congrégations
au scrutin de liste. Le groupe
radical-socialiste déclare souhai-
ter aussi vivement que la commission des
congrégations soit composée exclusive-
ment de membres de la majorité républi-
caine.
Le groupe radical-socialiste montre par
là une intelligence absolument raisonnable
des difficultés de la situation actuelle.
Quelques républicains parlent de faire
« une part équitable » aux représentants
du centre et de la droite dans la commis-
sion. Ces républicains voient-ils bien le
danger auquel ils s'exposent? Même en ne
choisissant les membres de la commission
que dans les gauches, il y aura une oppo-
sition à la commission. Cette opposition
sera composée de députés que certains in-
térêts électoraux forcent à ménager telle ou
telle maison religieuse.
Si à cette opposition de fait nous ajou-
tons l'opposition de principe de la réaction,
c'en est peut-être fait de la loi sur les asso-
ciations; elle ne sera qu'un texte mort et
qui n'aura jamais connu l'application. En
effet, aussitôt qu'un différend se produira
entre les élus de la démocratie, à propos
d'un établissement ou d'une série d'établis-
sements religieux, les cléricaux feront pen-
cher la balance du côté favorable à la Con-
grégation. - ,
Cette situation même risque d'amener
des tractations entre députés favorables
exceptionnellement à quelques congréga-
tions spéciales, et députés amis des moines
en général. Il est certain, d'ailleurs, que, si
la droite et le centre ont voix au chapitre,
ils enverront à la commission des routiers
extrêmement renseignés sur la tactique et
sur la stratégie parlementaires. C'est moins
l'opposition directe que nous appréhendons
que l'obstruction. Et l'obstruction à la com-
mission préparera l'obstruction à la Cham-
bre. Admettre les élus de la droite dans la
commission des congrégations, c'est met-
tre en péril la loi sur les associations. Je
viens de le dire, mais je tiens à le répéter,
en ajoutant que la loi des associations, de-
venue inutile pour le parti républicain,
pourrait, au contraire, servir à la réaction
pour encombrer l'ordre du jour de là Cham-
bre et retarder indéfiniment l'étude des ré-
formes sociales attendues par le pays, —
Sk< B. -
QUESTIONS ACTUELLES
Interview express. — Toutes les car-
rières sont libérales. — La science
du commerce. — Esthétique
nouvelle. — Parasites et
producteurs.
Malgré les prodiges de stratégie auxquels je
me livrais pour l'éviter, mon « ami » Ravelin
parvint à me joindre hier, place de l'Opéra.
Il faut vous dire que Ravelin, quand il s'y
met, devient rasant comme une soirée au Ca-
sino de Paris. Cet être bedonnant et nul per-
sonnifie à merveille le bourgeois selon Léon
Bloy : c'est l'homme qui vil, ou parait vivre,
sans avoir été sollicité, un seul jour, par le
besoin de comprendre quoi que ce soit.
Un coup d'œil rapide m'ayant démontré la
retraite comme impossible, je me résignai pro-
visoirement. Salamalecs, paroles banales, Puis,
tout en s'épongeant — il avait dû trotter ferme
pour me rattraper, — Ravelin s'écria :
— A propos, j'ai lu tes articles du Rappel.
Des blagues, mon cher, des blagues ! Réfor-
mer les Sociétés par actions, mettre de l'ordre
dans les affaires, enrayer le mouvement ascen-
sionnel des faillites par l'application de mé-
thodes spéciales. mais c'est du rêve, cela 1
Penses-tu donc révolutionner le monde com-
mercial avec de pareils enfantillages ?
- Je ne révolutionnerai rien du tout, fis-je
en glissant un regard vers l'horloge pneuma-
tique. L'évolution se fera toute seule : elle est
inévitable. Mais j'use du droit inhérent à ma
qualité de citoyen d'un pays libre: celui de
dire co que je pense ; et si, d'aventure, les ré-
flexions qui me-eont suggérées par l'état de
choses actuel peuvent accélérer chez quelques
personnes cette évolution si désirable, je serai
satisfait.
— Ecoute, reprit mon interlocuteur, je t'as-
sure que tu perds ton temps. Que diable, je
sais bien ce que c'est que les affaires : si j'ai
aujourd'hui trente-cinq mille livres de rentes,
c'est parce que mon père en a gagné soixante-
dix dans les peaux de lapin. J'avais une
sœur, malheureusement. Eh 1 bien, tu peux
m'en croire, jamais il n'y a eu, chez nous,
autre chose qu'une espèce d'agenda tenu par
la caissière. Ce qui ne nous empêchait pas,
tous les deux ou trois ans, d'acheter une bonne
et solide maison de rapport daus un quartier
d'avenir.
— Mais. ton fils, hasardai-je, procédera-t-
il de même ?
— Mon fils ? vociféra Ravelin, dans le com-
merce? Ah! non, par exemple. Ce n'est pas
pour cela que je lui fais donner « de l'instruc-
tion ». Il aura une profession libérale » et fera
un « beau mariage ».
Un omnibus passait; j'esquissai un geste
vague et bondis sur la plateforme avec un
soupir de soulagement.
Si invraisemblable que cela paraisse, les Ra-
velins sont encore nombreux dans la société
moderne. On recherche le commerce pour les
bénéfices qu'il procure, mais, au fond, on en
rougit, on le méprise ; un homme du monde
doit être — s'il est quelque chose — avocat,
médecin, littérateur ou fonctionnaire. C'est que
le travail industriel, dirigé en vue d'un profit
pécuniaire, conserve, après des siècles, la répu-
tation de servilité qu'il avait dans la Rome
ancienne. C'est aussi — pourquoi ne pas l'a-
vouer ? — à cause des procédés rudinientaires
qui suffirent, longtemps, à l'édification des
fortunes. A son insu, l'homme est avide d'in-
lellectualité : il recherche les carrières qui lui
paraissent d'un ordre élevé. lorsqu'il s'est
enrichi dans les autres. Car l'or n'est une chi-
mère que dans les poèmes lyriques.
L'esthétique des affaires
Ne serait-il pas bon d'en finir avec tous ces
préjugés? Produire de l'utilité, accroître la
somme totale de richesse du pays, est assuré-
ment une tâche aussi noble et aussi séduisante
que celle du savant ou de l'artiste. Cette forme
de l'activité humaine n'avait, jusqu'ici, qu'un
défaut : celui d'obéir trop exclusivement à la
routine et à la tradition. Mais, qu'on le veuille
ou non, l'heure du commerce scientifique est
arrivée; il y a des règles dont l'observation
assure presque toujours le succès, dont l'ou-
bli conduit à un échec certain. Ces règles se
dégagent, se précisent tous les jours. L'ensei-
gnement technique a pour objet principal leur
propagation : voilà pourquoi nous voyons en
lui l'enseignement de l'avenir. -
« Les travaux de la production économi-
que », a dit quelqu'un, « ont, par eux mêmes,
« un attrait auprès duquel tous les plaisirs de
« l'oisiveté semblent bien fades. Si l'on éprouve
« une satisfaction réelle à diriger la course
« d'un cheval fougueux, on peut en trouver
« dans la direction d'une entreprise qui a ses
« hasards et ses émotions, ses heures d'épreuve
« et ses moments de triomphe. » Toute œuvre
humaine a son esthétique spéciale. Un marbre
antique, une pièce de vers, une phrase musi-
cale peuvent nous donner le sentiment du
beau ; mais la même impression ne se dégage-
t-elle pas en présence d'un meuble, d'une
machine, d'une construction répondant aux
règles de l'harmonie ?
On conçoit donc parfaitement la beauté d'une
organisation commerciale ou industrielle, où
chacun des rouages concourt méthodiquement
au but final ; imaginer, créer puis diriger une
œuvre semblable paraît de nature à tenter tous
ceux qui trouvent du charme dans la dificulté
vaincue. Voilà pourquoi nous souhaitons que
bien des énergies, enfouies dans l'encombre-
ment des professions dites libérales ; se tour-
nent résolument vers les affaires. Que si l'on
objectait l'encombrement non moins grand de
ces dernières, nous répondrions : Il y a, de par
le globe, d'immenses régions fécondes mais
inoccupées, qui suffiraient, pour des siècles, à
absorber l'activité humaine. En regard de ces
espaces inexploités, l'Europe apparaît comme
un minuscule enclo3 au milieu de la France
entière. Fortifions nos corps par la culture
physique raisonnée, accumulons dans nos cer-
veaux les connaissances méthodiques, fruit de
l'expérience passée,apprenons les langues étran-
gères, puis partons à la conquête du monde
inconnu: là, au moins, il y aura place pour
tous.
Le vrai commerce
Rien de ce qui sert exclusivement à satisfaire
les intérêts particuliers au détriment de l'inté-
rêt général ne peut être vraiment durable.
Nous réprouvons le commerce parasite, celui
qui déplace simplement la richesse pour enri-
chir Pierre en appauvrissant Paul.
D'ailleurs, les entreprises ds cette nature en-
gendrent toujours des crises qui finissent par
leur être fatales. Le commerce vrai est, au con-
traire, productif d'utilité : il en done aux cho-
ses qui, jusqu'alors, en étaient dépourvuos, et
devient, par suite, l'artisan de la prospérité
collective. Ainsi entendu, le commerce répond
à un besoin effectif qui durera autant que l'hu-
manité, parce que l'échange est une nécessité
primordiale sans laquelle on ne conçoit pas de
société possible.
C'est à ce commerce-là que nous convions
les générations futures. C'est pour en répandre
les bienfaits qu'il faut multiplier les écoles,
développer le goût des voyages et l'étude des
langues vivantes. Apprendre une langue nou-
velle, c'est acquérir do nouvelles idées, élar-
gir, sa pensée, assurer son jugement. Sans
doute, l'expérience personnelle ne R'acqui'JrL
doute, l'école, et rien absolument ne saur::lt fa
pas à
cijlphcer, Est-ce & dire pour cela o~ lN '\1:
des théoriques soient superflues? Et conçoit-on
un peintre voulant composer son tableau sans
connaître les principes du dessin et de la
perspective? Peut-être découvrira-t-il, de lui-
même, ces principes s'il a du génie : mais le
génie n'est pas donné à tout le monde, et puis
refaire le travail de nos devanciers n'est-ce
pas gaspiller inutilement nos efforts ?
De la méthode dans la vie, de la méthode
dans les affaires, do la méthode on tout : voilà
la formule do l'avenir.
FABRICE DURAND.
Voir à la 3° page
les DERNIERES DEPECHES
de la nuit et
la REVUE DES JOURNAUX
du matin
PRÉTENTION INJUSTIFIEE
Il y a des jours où l'on n'est pas en train do
lire la Presse ; nous ne lisons donc qu'aujour-
d'hui, parce qu'on nous le signale, le numéro
de l'autre jour, dans lequel M. Léon Bailby
lançait cette affirmation audacieuse :
Oui, ce sont nos amis (les nationalistes), nos par-
tisans qui, seuls, ont organisé les inoubliables
journées de Krûger. Ce sont eux qui, seuls, ont
défendu dans la presse le droit des opprimés et dé-
noncé les cruautés de l'Angleterre.
Il est à peine besoin de faire remarquer que
les journaux nationalistes ont été si peu les
seuls à soutenir les Boers, que tout le monde
sait, qu'à de très rares exceptions, les Boers ont
eu pour eux l'ensemble des journaux français
de toutes nuances.
Pour ce qui nous concerne, on sait générale-
ment que nous ne sommes point nationalistes,
et nous avons la prétention d'avoir constam-
ment défendu les Boers. Si M. Léon Bailby a le
temps de se livrer à cette arithmétique, nous
lui proposons de faire ic compte, chacun de
notre côté, des articles sympathiques que le
Rappel d'une part, la Presse d'autre part, ont
consacré à la cause des héros boers, au cours
de la guerre Sud-Africaine ; nous avons quel-
que raison de penser que le total que nous se-
rons en état do présenter n'aura rien à redou-
ter du total que pourra invoquor notre con-
frère.
LE GROUpt PARLEMENTAIRE DE LA LIBRE PENSEE
Le groupe parlementaire de la « Libre Pen-
sée » s'est réuni mercredi à deux heures et a
constitué un bureau provisoire ainsi composé :
Président, M. Hubbard ; vice-présidents, MM.
Rabier, Sembat, Lafferre ; secrétaires, MM.
Charles-Dumont, Bagnol, Octave Vignes ; tré-
sorier, M. Fournier (François) ; Questeur, M.
Girod.
Le groupe demandera la nomination des
commissions chargées de rapporter les projets
votés par le Sénat pour le serment judiciaire et
le servies des pompes funèbres.
Le groupe entendra mardi prochain, à une
heure et demie, sur sa demande, M. Ch. Ar-
nould, maire do Reims, et examinera les deux
projets précités.
Le groupe a délégué quelques-uns de ses
membres auprès des congrès des Jeunesses
laïques de Montauban et de Paris qui auront
lieu le 26 octobre et le 1" novembre.
Le groupe fait appel au concours de tous les
députés de gauche amis de la Libre Pensée et
de tous les libres-ponseurs du pays.
L'UNION DEMOCRATIQUE
L'Union démocratique de la Chambre a cons-
titué son bureau de la façon suivante :
MM. Etienne, président ; Codet, Muteau,
vice-présidents; Cère, Carpot, Dupuy, secré-
taires.
LAICISONS DONC 1
Le préfet de la Manche et le délégué
cantonal. peu laïque. -Les insti-
tuteurs ne sont pas les valets
des curés.
Un de nos amis de Saint-Lô nous adresse l'inté-
ressante communication qui suit :
Vous avez déjà eu souvent l'occasion de vous
occuper du préfet de la Manche, M. Lem, et
vous vous êtes étonnés à bon droit de voir
maintenir à son poste un fonctionnaire si dé-
voué aux idées cléricales. Voulez-vous, une fois
do plus, vous rendre compte de la façon dont
il comprend son devoir? Lisez le petit fait sui-
vant que vous pourrez recommander à l'atten-
tion de M. Combes.
Le Bulletin de l'instruction primaire de la
Manche publie cette semaine la liste nouvelle
des délégués cantonaux. Prenons le canton de
Carentan, qui nous intéresse spécialement. La
liste comprend les noms de MM. Doucet, Gil-
Iain, docteur Hamel, délégués depuis long-
temps déjà, et comme membres nouveaux, MM.
Lepelletier et Mellet, Eh bien, savez-vous quels
sont les titres de M. Lepelletier à la confiance
du préfet de la Manche?
La petite ville de Carentan avait autrefois
une municipalité républicaine. M. Lepelletier
s'est mis à la tête d'une liste réactionnaire, et
Carehtan a maintenant un conseil municipal et
une municipalité cléricales.
M. Lepelletier a fondé un asile congréga-
niste en opposition à l'école maternelle laïque.
M. Lepelletier, oubliant l'école primaire
laïque, envoie ses enfants à l'école CODgréga-
niste.
M. Lepelletier, aux jours de fête du Sacré-
Cœur, fait arborer le drapeau tricolore à la
porte de son usine. Y a-t-il une procession,
tous les ouvriers et employés de la maison Le-
pelletier ont l'ennui d'y assister, rangés par
ordre hiérarchique sous la surveillance de
leurs maîtres et contremaîtres.
Voilà l'homme de confiance de M. Lem, pré-
fet de la Manche, qui n'a pas de paroles trop
aigres pour les républicains éprouvés et qui
réserve ses sourires pour les cléricaux natio-
nalistes.
L'instituteur et la surveillance des
enfants à l'église
Nous tecevons d'autre part la note suivante :
Après plus de trente années de République,
après vingt ans d'enseignement laïque, il existe
encore des contrées où les instituteurs se croient
obligés de surveiller los enfants à l'église, le
dimanche ; quelques-uns même poussent le
zèle jusqu'à accompagner leurs élèves aux
processions pendant les vacaoceg.
Est-ce là de la neutralité ? On a interdit à
l'instituteur, pour le soustraire à une domes-
ticité avilissante, de se faire chantre ou be-
deau ; pourquoi ne lui serait-il pas interdit de
survoilier ses élèves aux offices religieux ou
dans toute autre circonstance où il ne peut
figurer que comme le valet du curé ?
Que l'instituteur assiste à la messe si cela
lui fait plaisir, c'est son affaire; mais qu'il y
aille pour aider le suisse à assurer la police de
rendroit. voilà ce qui nous parait inadmissible
et contraire, absolument, à l'esprit de neutra-
lité qui caractérise son rôle d'éducateur.
Aucun moyen n'est à dédaigner lorsqu'il s'
git de lu!' : â damination A
mais il est bon que, dans cette lutte de tous les
mais il est bon citie, dans cette ititte de tous les
venu de plus haut et soutenu par des déci-
sions aussi énergiques et formelles qu'autori-
sées.
La mesure que nous appelons de tous nos
vœux est légitime, elle rassurera les timorés
et en imposera à ceux qui seraient tentés d'ou-
blier que pactiser avec le presbytère, c'est tra-
hir la cause de la « laïque » ; nous la signa-
lons à qui de droit avec l'espoir de voir cesser
à bref délai un abus qui n'a que trop duré. —
Un groupe d'instituteurs vendéens.
LE COMTE NIGRA
(De notre correspondant particulier)
Rome, 15 octobre.
On a beaucoup remarqué la brusque rentrée
à Rome du comte Nigra, ambassadeur d'Italie
à Vienne. Ce déplacement est absolument in-
solite. Il nepeutpas être question d'un congé.
Le comte Nigra a quitté Vienne par suite de
l'échec des négociations de l'Autriche et de la
Hongrie pour la conclusion du pacte du dua-
lisme.
Los deux pays de la dynastie des Habsbourg
ne pouvant s'accorder, la question du renou-
vellement du traité de commerce entre l'Italie
et l'Autriche-Hongrie se trouve singulièrement
compliquée.
LE CHARBON ET LA MARINE ITALIENNE
(De notre correspondant parttculier)
RQme, 13 octobre.
En présence du mouvement gréviste des mi-
neurs qui tend à se propager en Europe, le
ministre do la marine a fait procéder à une
évaluation de tous les dépôts de charbon. On a
constaté qu'il y avait encore des provisions
pour huit mois.
Les chansons de route de l'armée suisse
(De notre. correspondant particulier)
Berne, 15 octobre.
Le département militaire a fait imprimer un
livret de chansons de route pour l'armée
suisse Il contient 30 chants, dont 28 en alle-
mand et 2 en langue romande. La musique de
-
chaque chanson est imprimée sur -des feuilles
spéciales qui sont distribuées aux clairons.
Le but de cette publication est de développer
le chant militaire parmi les miliciens.
- 4-
L'Agitation dans l'Afrique australe
(De notre, correspondant particulier)
Capelown, 15 octobre.
Un grand mouvement de boycot'.age se des-
sine parmi les Hollandais du Cap contre tous
ceux qui, pendant la guerre, ont combattu les
Boers.
Tandis que les vaincus du Transvaal et de
l'Orange ont l'air très résignés, les Boers de la
colonie du Cap se remuent. Une certaine agi-
tion règne parmi eux et les pessimistes pré-
voient même des troubles. -
♦ ————————————
LA RENTREE AU REICHSTAG
DU FILS DE BISMARCK
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 15 octobre.
Le prince Herbert de Bismarck, fils de l'an-
cien chancelier, s'est décidé à rentrer dans la
carrière politique qu'il avait désertée depuis
quelque temps. 11 posera sa candidature au
Reichstag dans la circonscription de lerichow,
son ancien siège électoral.
Le prince a l'intention de grouper autour de
lui les admirateurs de son père.
00
RÉORGANISATION DU MINISTERE
DE LA GUERRE ITALIEN
(De notre correspondant particulier)
Rome, 15 octobre.
M. le général Oltolenghi a entrepris la
réorganisation complète du ministère de la
guerre.
Les bureaux des affaires de la direction gé-
nérale ont été supprimés.
Le personnel dans diverses branches de ser-
vices a été complètement renouvelé et les ser-
vices mêmes modifiés.
Le ministre tient avant tout à simplifier les
rouages de l'administration.
———————————— ——————— p —-.——
EN TURQUIE
ILes, notes des puissances
Francfort, 15 octobre.
On télégraphie de Constantinople à la Gazette
de Francfort :
« L'ambassadeur de France a remis aujour-
d'hui à la Porte une note dans laquelle il ré-
clame le paiement immédiat de la somme de
380.000 livres turques encore due à MM. Lo-
rando et Tubini, en se basant sur la conven-
tion de l'an dernier, qui stipule que la somme
due sera payée en une seule fois, et non par
acomptes, si la Turquie entreprend une grande
opération financière.
« La Porte a reçu de Saint-Pétersbourg,
Vienne et Londres des réponses à sa nole-cir-
culaire concernant l'organisation de bandes
bulgares. Les trois puissances font savoir à la
Turquie qu'étiez ont envoyé de sérieuses ins-
tructions à Sofia. »
L'insurrection en Macédoine
Salonique, 15 octobre.
Le maréchal Chakir pacha, conseil supérieur
militaire d'Yildiz, a pris le commandement
des troupes sur les frontières de Bulgarie.
Dimanche dernier, à midi, s'est produite, à
Kizirdjilar, une rencontre avec des bandes
d'insurgés, commandés par le colonel Nikolof.
Un combat violent a été livré. Une autre ren-
contre a eu lieu à Kazlog.
Des colonnes volantes ont été organisées.
Salonique, 15 octobre.
Cette nuit, la ligne télégraphique entre Salo-
nique et Constantinople a été détériorée par
endroits sur une longueur de 20 kilomètres.
Elle est complètement détruite sur 3 kilomè-
tres. Malgré l'interruption, trois trains militai-
res et trois trains de matériel vido, qui se trou-
vaient dans cette section, ont pu circuler sans
accident. Des mesures de surveillance ont été
prises immédiatement pour éviter le retour de
pareil fait.
La situation est toujours sérieuse entre Pe-
Lritcb, Djuma, Baia et Gresna, où des troupes
sont expédiéelJ.
.——————————————————————————— < !.——————
PATRIOTISME CLÉRICAL
-
Une dépêche de Rome nous apprend que los
carmes déchaussés ont procédé à l'élection de
leur général et ont choisi un Allemand, le père
Meyer. La plupart des généraux des grands
Ordres sont étrangers, et surtout Allemands.
Les dominicains ont un Allemand, le pere
Fruhwirt; les capucins un Suisse allemand, le
père Andermatt; les frères Saint-Jean de-Dieo
un Allemand aussi, le père Gasser ; les bénédic--
lins ont un Belge; les franciscains \JQ Irlandais,
le père Fléming.
Et ce sont ces gens qui chaque jour, dans
leurs feuille?, nous Uaitent de « sans pairie. p
LES GREVES
LA GRÈVE GENERALE DES MINEURg
Dans le bassin du Gard. — Grève par-t
tielle. — Les revendications. — La
Question des salaires. — Sagea
paroles d'un ancien mineur. —
Les compagnies réactionnaires
- L'action du gouvernement.
- Dans le bassin du Nord.
- Dans les autres bassins.
— A Roanne.
(De notre envoyé spéeial) .,
Alais, 15 octobre.*V(
La grève générale est déclarée depuis jeudJ.1
mais le travail n'a pas été partout in!errompu:i
à Montceau-Ies-Mines,à Commentry et dans let
bassin du Gard, la décision du comité national
n'a pas encore été mise à exécution. A Montseau-j
Jes-Mines, l'abstention s'explique par le fait!
qu'une longue grève finit à peine. Mais il était!
intéressant de savoir ce que pensaient et ce que
feraient les mineurs du Gard. !
C'est pour renseigner les lecteurs du Rappel
à ce sujet que je prenais dimanche soir à tâ
gare de Lyon l'express du Bourbonnais et quef
je descendais lundi matin à la Grand'Combe,
centre important de l'extraction minière dit
Gard.
Le bassin houiller du Gard ;
Ce bassin compte 13.000 mineurs el 8 com-
pagnies : la Compagni3 de la Grand'Comba
(4.600 ouvriers); les Houillères de Bessèges
(2.950) : Bessèges, Molières, Rochesadoule ; les.
Houillères de Rochebelle (1.600); la icompagnie
de Trélys (1.100); celle de LaIe (550); celle de
Essons (350) et d'autres moins importantes.
La situation actuelle ;
Je viens de parcourir toutes ces concessions;
partout règne un calme absolu, aussi bien danv
les milieux grévistes que dans ceux où le tra-
vail continue, et si j'en crois les on-dit, ce ré-
sultat est dû aux intelligentes mesuras prises
par l'excellent sous-préfet d'Alais, M. Lalle-
mand, qui a admirablement compris la situa-
tion, et qui, tout en assurant l'ordre, ne pro-
voque pas les ouvriers par des envois de tron-
pes absolument inutiles; il est venu plusieurs
fois à Bessèges et à la Grand'Combe, et les
grévistes ont toujours suivi ses conseils de
prudence et de modération. ,
Les grévistes ,
Le nombre des chômeurs est d'ailleurs res-
treint : les mineurs de Laie se sont mis en
grève le premier jour, et ceux de Essons sa-
medi dernier.
Enfin depuis avant-hier 800 ouvriers deO
houillères de Bessèges ont quitté le travail; c A
sont ceux qui exploitent les puits de la viiI
même de Bessèges ; leurs camarades de Moliô
res et de Rochesadoule travaillent encore, maist
si la grève se prolongu quelque temps, ils se
joindront très probablement aux premiers,
ainsi que ceux de la Grand-Combe.
Mécontentement général
Il ne faudrait pas croire en effet que les mi.
neurs du Gard sont plus satisfaits que ceux du
Pas-de-Calais ou de ta Loire. J'ai entendu les
plaintes de beaucoup d'entre eux, et elles sont
vives. La Compagnie de la Grand-Combe et
surtout celle de Bessèges sont très dures, et se
montrent hostiles à tous ceux qui laissent voir
leurs sentiments républicains ou qui envoient
leurs enfants à l'école laïque. Elles sont par-
venues sinon à faire disparaître, du moins à
affaiblir les syndicats créés daus leurs conces-
sions, et c'est par suite du défaut d'entente et
du manque d'organisation des forces ouvrières
que le travail continue dans une grande partis
du bassin.
Mais les mineurs s'arrachent dès le matin
les journaux, et discutent avec ardeur les faits
du jour et les revendications formulées ; ici
pour la plupart, la grande question, c'est non;
pas la journée de huit heures, mais le mini-
mum des salaires. -
Le minimum des salaires
J'ai d'abord été surpris de leur insistance ai
ce sujet, mais une personne très renseignée aj
bien voulu m'en expliquer la raison et je lus
laisse la parole, car il est nécessaire que l'opi-i
nion publique connaisse l'avis des intéressé
sur cette grave réforme :
— Comme vous le savez, m'a-t-clle dit, les ou*
vriers sont payés à la tâche, par suite leurs sa!ai-
res sont tout diflérents, suivant la nature des tra-
vaux qui leur sont confiés et la richesse du sols
qu'ils fouillent : les Compagnies mettent aux bon-
nes places qui elles entendent et la politique joue
dans cette attribution un très grand rôle. Voush
voyez d'ici la situation d'un père de famille qufc
gagne 10 fr. par jour, et qui, pour une raisoa.)
plus ou moins légitime, peut-être pour un vote:
indépendant, ne va plus toucher qu'un salaire quo«
tidien de 3 fr. 50 ou 4 fr.
Dans ces conditions, nos ouvriers voudraient
que l'arbitraire ne présidât pas à l'établissemen
des salaires. Je vais d'ailleurs vous montrer que-
cette question est bien la cause déterminante de la
grève ; les journaux mélinistes et réactionnaires
disent que quelques meneurs fercent la main à la;
majorité ; c'est absolument faux ; les mineurs qui7
ont pris la direction du mouvement à Bessège.a;
sont d'excellents travailleurs qui étaient restés
toujours à l'égard de toute action politique. Ils se,
sont révoltés à la fin de subir toujours l'injustice,,
et ils ont violemment rejeté le manteau qui pesait
sur leurs épaules : tous leurs camarades de Bes-
sèges ont suivi, et ce matin la Compagnie a d\1
arrêter l'extraction.
Ces paroles, prononcées par un ancien mi-j
neur, très pondéré et point du tout révolution-
naire, résument admirablement la situation
dans le bassin du Gard, je dirai plus, dans lai
France entière.
La mentalité générale des grévistes est celle- j
ci : « obtenir un minimum de salaire qui'
« constituera pour eux une sorte d'assurance-
a contre l'arbitraire ». j
L'attitude des grévistes ;
Jusqu'ici d'ailleurs leur conduite a été par-,
faite, et leur a attiré toutes les sympathies ;j
partout ils acceptent de soumettre leur cause à1
l'arbitrage, et si les Compagnies se montrenci
conciliantes, ils ne se refuseront pas à Cet- (
laines concessions. ;
Le devoir du Gouvernement et desi
Chambres
Ils espèrent beaucoup du cabinet actuel ; ity
ont pris acte de la promesse du président dw i
conseil dans son discours au banquet du com-i
merce et de l'industrie « d'employer tout soa
« crédit à l'examen des questions pendantes
« qui passionnent à juste titre les ouvriers mi-
« neurs ». j
Les Chambres républicaines ne refuseront!
pas leur concours au ministère, et en face de
Compagnies réactionnaires que le résultat desj
élections et la politique gouvernementale ren-I
dent de plus en plus intransigeantes, elles fc-i
ront tout ce qui est du domaine législatif pour;
apporter un peu plus de justice et de bonheut;
à des citoyens si utiles au développement d#1
la richesse publique.
Et tandis que le train m'amenait rapidement,
vers Nîmes, les fortos paroles de notre éminent'
collaborateur Henri Brisson, que rappelait ui
récent éditorial de notre rédacteur en chef, me^
revenaient à l'esprit, car elles sont bien tiitee
pour stimuler l'initiative du Parlement et elle.,
résument parfaitement les espérances de la dé-
mocratie : « Héritier des générations qui ont
« souffert MM rémancipaiou de 1 esprit et <*%
FONDATEUR : AUGUSTE .'VACQUERIE-
ABONNEMENTS
fD moll Trois mois 51x mO;1 Un ai
Paris 2fr. 5 fr. 9 fr. iSfr.
tMparteme:s.. 2— 6— {i - 20—,
jjasa Postais. S —• @ «» 46 — 32
LE RAPPEL.
RÉDACTEUR EN CHEF : CHARLES BOS
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF le Gt*
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURHAK
RÉDACTION 1 «4, rue du Mail
.'De 4 à 8 heures du soir el de io heures du soir à 1 heure du malin
No 11907. - Vendredi 17 Octobre 1902
26 VENDEMIAIRE AN 111,
ADJIINISTRA TION ; «4, rue du Mail .---
dressel' lettres et mandats à l'administrateur
- r
NOS LEADERS
Réression nécessaire
J'ai averti dans la séance de mardi
M. le ministre de la guerre de mon
intention de l'interpeller au sujet du
sous-officier Philibert. Au lendemain
de ce tragique événement, j'avais écrit
au général André que je lui poserais
une question ; mais voulant donner à
mon intervention toute l'ampleur qu'un
tel sujet mérite et clore le débat par un
ordre du jour motivé, je renonce à-po-
ser la question pour développer mon
interpellation,
On connaît les faits ; je ne les rappel-
lerai que pour mémoire. Un sous-offi-
cier, le maréchal des logis Philibert, du
15e chasseurs, avait commis la faute
abominable, ne trouvant plus de place
au cirque, de suivre les indications d'un
de ses amis, M. Hubert, et de s'asseoir
dans une stalle que messieurs les offi-
ciers ont trouvé bon d'interdire aux sous-
officiers. A la sortie du spectacle, le lieu-
tenant Rinkenbach, qui était de service,
sans y avoir été commandé et ne portant
pas les insignes du service commandé,
interpellale maréchal des logis Philibert
et l'invita à rentrer au quartier et à se
considérer comme puni.
Cetteinjonction cherchait uniquement
à atteindre M. Hubert à qui le lieute-
nant en voulait depuis longtemps. Une
altercation se produisit. C'est le maré-
chal de logis Philibert qui en supporta
toutes les conséquences. M. Rinkenbach,
furieux,fit porter par la place une puni-
tion de quatre jours de consigne. En
voici le motif : « occupait une place ré-
servée aux officiers et ne s'est pas inter-
posé dans une discussion intervenue à
son sujet entre cet officier et un civil. »
Mais là ne se borna pas l'incident. Le
lendemain, sur le terrain de manœuvre,
devant ses hommes, le lieutenant de
Pusy injuriait gravement Philibert.
Voici un extrait d'une lettre qu'écri-
vait ce malheureux jeune homme, rela-
tant l'incident quelques heures avant
son suicide.
« Hier matin, j'étais sur le terrain de
manœuvre, quand de Pusy vint à pas-
ser et me demanda si c'était bien moi
qui étais avec le civil qui avait invec-
tivé M. Rinkenbach. Je lui répondis
que oui, et il se mit à m'enlever, à me
traiter de cochon, de saligaud d'avoir
laissé se produire un pareil scandale.
Il a ajouté : « Si c'eût été moi, j'aurais
«commencé à vous gifler de première ».
Attends que mon affaire soit terminée,
n'écris pas, ne fais rien, car ils me san-
gleraient à fond. » On remarquera la
modération de cette lettre et le désir
qu'avait Philibert d'avoir jusqu'au bout
une attitude correcte. Par la même oc-
casion, il me sera permis de signaler à
mes lecteurs le langage choisi de M. de
Pusy, et l'extrême élégance de son lan-
gage. Il est vrai que la caserne n'est pas
le dernier salon où l'on cause.
Le soir de cet idcident, Philibert ap-
prenait qu'il était cassé. Cela lui fut
particulièrement pénible, car il vou-
lait poursuivre la carrière militaire, si
pénible même que, excédé par de tels
procédés, il se suicidait dans la nuit.
Voici la lettre qu'il écrivait à ses pa-
rents.
« Mes chers parents, pardonnez-moi
la peine que je vais vous causer.
«Je viens d'être victime d'une injustice
qui m'enlève mes galons. C'est un dés-
honneur si grand pour moi que je pré-
fère mettre une fin à ma vie. Je ne me
sens pas le courage de passer dans la
rue, avec des manches nues, alors que
j'étais si fier de porteries beaux galons
que j'avais mérités. Vous verrez des
larmes, sur ce billet, vous dire la nuit
de souffrances que je viens de passer.
Je n'ai pas mérité une telle fin. Sachez
que la dernière seconde de ma vie a été
pour vous. Adieu.» Pas un mot de re-1
proche, pas une parole de colère.
Je ne détaille pas ici la question, ce
sera pour la tribune. Cette affaire est
remplie d'obscurité, et il est nécessaire
que le ministre la tire au clair. Nous
nous demandons si un incident aussi
futile,pouvait servir à des officiers vin-
dicatifs, orgueilleux, de prétexte à une
persécution aussi odieuse, et pour sa-
voir quelle est la différence qui existe
entre un simple soldat et un officier.
Pour notre part nous n'en voyons au-
cune.
Il est indispensable que le général
André dise quels sont les rapports qui
existent entre officiers et soldats, et si
c'est la règle permanente que les offi-
ciers, qui par leur éducation et leur
instruction devraient connaître la poli-
tesse, injurient aussi gravement des
citoyens qui ne sont que temporaire-
ment sous les drapeaux.
Dans son discours au Sénat, à l'occa-
sion du service de deux ans, le ministre
de la guerre a exposé avec force détails
le programme qu'ii a imposé pour les
conférences faites à Saint-Cyr, D'abord
ce début.
« Les armées d'autrefois. L'armée
féodale, etc. - Ce qui, dans le patri-
moine légué par el!es,doit être précieu-
sement conservé : les traditions d'hon-
neur, de courage et d'abnégation.;. Ce
qui doit être exclu : l'esprit de caste.
- Par quoi il doit être remplacé ; l'es-
urit de solidarité »
Puis ces citations :
« Tout supérieur a le devoir do s'oc-
cuper de l'éducation morale de ses su-
bordonnés comme de leur éducation
physique et de leur instruction mili-
taire. Il doit non seulement faire appel
à leur mémoire, à leur intelligence,
mais encore s'adresser à leur cœur pour
y faire naître ou y développer par tous
les moyens, les sentiments de probité,
de franchise, de droiture, de bravoure,
de confiance dans leurs chefs, de dé-
vouement et de patriotisme.
(f Vous direz bien haut que ce qui
distingue notre armée républicaine, ce
qui fera sa force dans le danger, sa su-
périorité pour les armées où le soldat
est la chose des officiers, c'est que chez
nous, le citoyen, en devenant ou en re-
devenant soldat, ne cesse pas pour cela
d'être un homme libre et fier.
« D'abord, aux yeux du soldat, l'au-
torité morale du chef se trouvera consi-
dérablement grandie. Mieux instruit de
ses obligations dont il comprendra la
raison d'être, sûr d'ailleurs de trouver
toujours dans ses supérieurs des guides
bienveillants, le subordonné donnera au
devoir d'obéissance une adhésion plus
sincère et par suite moins sujette aux
défaillances.
« A nos soldats, il ne faut pas parler
uniquement de répression : nous avons
sous les drapeaux la nation entière avec
toutes les qualités et aussi toutes les
susceptibilités de tempérament de la
race ; en matière de discipline, nous en
sommes restés aux errements de l'an-
cien régime.»
C'est parfait, mais il ne faudrait pas
que l'on se cantonnât dans la pure
discussion. Il faudrait que les officiers
missent en pratique l'enseignement
qu'ils reçoivent.
J'ai confiance que le général André
saura prendre les mesures de rigueur
nécessaires pour réaliser dans l'armée
l'esprit de solidarité qui doit remplacer
l'esprit de caste.
Il est courant - nous en avions tout
à l'heure une preuve, en voici une au-
tre — que des officiers, dans des mou-
vements de mauvaise humeur, s'expri-
ment dans les observations qu'ils font
aux soldats, en termes orduriers.
C'est une pratique intolérable.
Le programme de conférences parle
de l'autorité morale du chef ; il signale
les devoirs du supérieur, qui doit s'oc-
cuper de l'éducation morale de ses su-
bordonnés, s'adresser à leur cœur.
Il ne doit plus être possible, désor-
mais, qu'un officier supérieur de l'armée
puisse énoncer à Saint-Cyr, devant les
officiers de demain, ce blâme écrasant
pour les officiers d'aujourd'hui : « En
matière de discipline, nous en sommes
restés aux errements de l'ancien ré-
gime. »
Le ministre de la guerre, en disant à
la suite de mon interpellation quelles
mesures il a prises à l'égard de MM,
Rikenbuch et de Pusy, auteurs respon-
sables du suicide du maréchal de logis
Philibert, affirmera qu'il entend que
désormais, en matière de discipline.
c'est, dans l'armée nationale, l'esprit de
solidarité qui règle les rapports des
chefs et des soldats.
A. Gervais.
A LA COmMISSION DES CONGREGATIONS
Le groupe radical-socialiste
de la Chambre a décide hier de
proposer à la délégation des
gauches la nomination de la
commission des Congrégations
au scrutin de liste. Le groupe
radical-socialiste déclare souhai-
ter aussi vivement que la commission des
congrégations soit composée exclusive-
ment de membres de la majorité républi-
caine.
Le groupe radical-socialiste montre par
là une intelligence absolument raisonnable
des difficultés de la situation actuelle.
Quelques républicains parlent de faire
« une part équitable » aux représentants
du centre et de la droite dans la commis-
sion. Ces républicains voient-ils bien le
danger auquel ils s'exposent? Même en ne
choisissant les membres de la commission
que dans les gauches, il y aura une oppo-
sition à la commission. Cette opposition
sera composée de députés que certains in-
térêts électoraux forcent à ménager telle ou
telle maison religieuse.
Si à cette opposition de fait nous ajou-
tons l'opposition de principe de la réaction,
c'en est peut-être fait de la loi sur les asso-
ciations; elle ne sera qu'un texte mort et
qui n'aura jamais connu l'application. En
effet, aussitôt qu'un différend se produira
entre les élus de la démocratie, à propos
d'un établissement ou d'une série d'établis-
sements religieux, les cléricaux feront pen-
cher la balance du côté favorable à la Con-
grégation. - ,
Cette situation même risque d'amener
des tractations entre députés favorables
exceptionnellement à quelques congréga-
tions spéciales, et députés amis des moines
en général. Il est certain, d'ailleurs, que, si
la droite et le centre ont voix au chapitre,
ils enverront à la commission des routiers
extrêmement renseignés sur la tactique et
sur la stratégie parlementaires. C'est moins
l'opposition directe que nous appréhendons
que l'obstruction. Et l'obstruction à la com-
mission préparera l'obstruction à la Cham-
bre. Admettre les élus de la droite dans la
commission des congrégations, c'est met-
tre en péril la loi sur les associations. Je
viens de le dire, mais je tiens à le répéter,
en ajoutant que la loi des associations, de-
venue inutile pour le parti républicain,
pourrait, au contraire, servir à la réaction
pour encombrer l'ordre du jour de là Cham-
bre et retarder indéfiniment l'étude des ré-
formes sociales attendues par le pays, —
Sk< B. -
QUESTIONS ACTUELLES
Interview express. — Toutes les car-
rières sont libérales. — La science
du commerce. — Esthétique
nouvelle. — Parasites et
producteurs.
Malgré les prodiges de stratégie auxquels je
me livrais pour l'éviter, mon « ami » Ravelin
parvint à me joindre hier, place de l'Opéra.
Il faut vous dire que Ravelin, quand il s'y
met, devient rasant comme une soirée au Ca-
sino de Paris. Cet être bedonnant et nul per-
sonnifie à merveille le bourgeois selon Léon
Bloy : c'est l'homme qui vil, ou parait vivre,
sans avoir été sollicité, un seul jour, par le
besoin de comprendre quoi que ce soit.
Un coup d'œil rapide m'ayant démontré la
retraite comme impossible, je me résignai pro-
visoirement. Salamalecs, paroles banales, Puis,
tout en s'épongeant — il avait dû trotter ferme
pour me rattraper, — Ravelin s'écria :
— A propos, j'ai lu tes articles du Rappel.
Des blagues, mon cher, des blagues ! Réfor-
mer les Sociétés par actions, mettre de l'ordre
dans les affaires, enrayer le mouvement ascen-
sionnel des faillites par l'application de mé-
thodes spéciales. mais c'est du rêve, cela 1
Penses-tu donc révolutionner le monde com-
mercial avec de pareils enfantillages ?
- Je ne révolutionnerai rien du tout, fis-je
en glissant un regard vers l'horloge pneuma-
tique. L'évolution se fera toute seule : elle est
inévitable. Mais j'use du droit inhérent à ma
qualité de citoyen d'un pays libre: celui de
dire co que je pense ; et si, d'aventure, les ré-
flexions qui me-eont suggérées par l'état de
choses actuel peuvent accélérer chez quelques
personnes cette évolution si désirable, je serai
satisfait.
— Ecoute, reprit mon interlocuteur, je t'as-
sure que tu perds ton temps. Que diable, je
sais bien ce que c'est que les affaires : si j'ai
aujourd'hui trente-cinq mille livres de rentes,
c'est parce que mon père en a gagné soixante-
dix dans les peaux de lapin. J'avais une
sœur, malheureusement. Eh 1 bien, tu peux
m'en croire, jamais il n'y a eu, chez nous,
autre chose qu'une espèce d'agenda tenu par
la caissière. Ce qui ne nous empêchait pas,
tous les deux ou trois ans, d'acheter une bonne
et solide maison de rapport daus un quartier
d'avenir.
— Mais. ton fils, hasardai-je, procédera-t-
il de même ?
— Mon fils ? vociféra Ravelin, dans le com-
merce? Ah! non, par exemple. Ce n'est pas
pour cela que je lui fais donner « de l'instruc-
tion ». Il aura une profession libérale » et fera
un « beau mariage ».
Un omnibus passait; j'esquissai un geste
vague et bondis sur la plateforme avec un
soupir de soulagement.
Si invraisemblable que cela paraisse, les Ra-
velins sont encore nombreux dans la société
moderne. On recherche le commerce pour les
bénéfices qu'il procure, mais, au fond, on en
rougit, on le méprise ; un homme du monde
doit être — s'il est quelque chose — avocat,
médecin, littérateur ou fonctionnaire. C'est que
le travail industriel, dirigé en vue d'un profit
pécuniaire, conserve, après des siècles, la répu-
tation de servilité qu'il avait dans la Rome
ancienne. C'est aussi — pourquoi ne pas l'a-
vouer ? — à cause des procédés rudinientaires
qui suffirent, longtemps, à l'édification des
fortunes. A son insu, l'homme est avide d'in-
lellectualité : il recherche les carrières qui lui
paraissent d'un ordre élevé. lorsqu'il s'est
enrichi dans les autres. Car l'or n'est une chi-
mère que dans les poèmes lyriques.
L'esthétique des affaires
Ne serait-il pas bon d'en finir avec tous ces
préjugés? Produire de l'utilité, accroître la
somme totale de richesse du pays, est assuré-
ment une tâche aussi noble et aussi séduisante
que celle du savant ou de l'artiste. Cette forme
de l'activité humaine n'avait, jusqu'ici, qu'un
défaut : celui d'obéir trop exclusivement à la
routine et à la tradition. Mais, qu'on le veuille
ou non, l'heure du commerce scientifique est
arrivée; il y a des règles dont l'observation
assure presque toujours le succès, dont l'ou-
bli conduit à un échec certain. Ces règles se
dégagent, se précisent tous les jours. L'ensei-
gnement technique a pour objet principal leur
propagation : voilà pourquoi nous voyons en
lui l'enseignement de l'avenir. -
« Les travaux de la production économi-
que », a dit quelqu'un, « ont, par eux mêmes,
« un attrait auprès duquel tous les plaisirs de
« l'oisiveté semblent bien fades. Si l'on éprouve
« une satisfaction réelle à diriger la course
« d'un cheval fougueux, on peut en trouver
« dans la direction d'une entreprise qui a ses
« hasards et ses émotions, ses heures d'épreuve
« et ses moments de triomphe. » Toute œuvre
humaine a son esthétique spéciale. Un marbre
antique, une pièce de vers, une phrase musi-
cale peuvent nous donner le sentiment du
beau ; mais la même impression ne se dégage-
t-elle pas en présence d'un meuble, d'une
machine, d'une construction répondant aux
règles de l'harmonie ?
On conçoit donc parfaitement la beauté d'une
organisation commerciale ou industrielle, où
chacun des rouages concourt méthodiquement
au but final ; imaginer, créer puis diriger une
œuvre semblable paraît de nature à tenter tous
ceux qui trouvent du charme dans la dificulté
vaincue. Voilà pourquoi nous souhaitons que
bien des énergies, enfouies dans l'encombre-
ment des professions dites libérales ; se tour-
nent résolument vers les affaires. Que si l'on
objectait l'encombrement non moins grand de
ces dernières, nous répondrions : Il y a, de par
le globe, d'immenses régions fécondes mais
inoccupées, qui suffiraient, pour des siècles, à
absorber l'activité humaine. En regard de ces
espaces inexploités, l'Europe apparaît comme
un minuscule enclo3 au milieu de la France
entière. Fortifions nos corps par la culture
physique raisonnée, accumulons dans nos cer-
veaux les connaissances méthodiques, fruit de
l'expérience passée,apprenons les langues étran-
gères, puis partons à la conquête du monde
inconnu: là, au moins, il y aura place pour
tous.
Le vrai commerce
Rien de ce qui sert exclusivement à satisfaire
les intérêts particuliers au détriment de l'inté-
rêt général ne peut être vraiment durable.
Nous réprouvons le commerce parasite, celui
qui déplace simplement la richesse pour enri-
chir Pierre en appauvrissant Paul.
D'ailleurs, les entreprises ds cette nature en-
gendrent toujours des crises qui finissent par
leur être fatales. Le commerce vrai est, au con-
traire, productif d'utilité : il en done aux cho-
ses qui, jusqu'alors, en étaient dépourvuos, et
devient, par suite, l'artisan de la prospérité
collective. Ainsi entendu, le commerce répond
à un besoin effectif qui durera autant que l'hu-
manité, parce que l'échange est une nécessité
primordiale sans laquelle on ne conçoit pas de
société possible.
C'est à ce commerce-là que nous convions
les générations futures. C'est pour en répandre
les bienfaits qu'il faut multiplier les écoles,
développer le goût des voyages et l'étude des
langues vivantes. Apprendre une langue nou-
velle, c'est acquérir do nouvelles idées, élar-
gir, sa pensée, assurer son jugement. Sans
doute, l'expérience personnelle ne R'acqui'JrL
doute, l'école, et rien absolument ne saur::lt fa
pas à
cijlphcer, Est-ce & dire pour cela o~ lN '\1:
des théoriques soient superflues? Et conçoit-on
un peintre voulant composer son tableau sans
connaître les principes du dessin et de la
perspective? Peut-être découvrira-t-il, de lui-
même, ces principes s'il a du génie : mais le
génie n'est pas donné à tout le monde, et puis
refaire le travail de nos devanciers n'est-ce
pas gaspiller inutilement nos efforts ?
De la méthode dans la vie, de la méthode
dans les affaires, do la méthode on tout : voilà
la formule do l'avenir.
FABRICE DURAND.
Voir à la 3° page
les DERNIERES DEPECHES
de la nuit et
la REVUE DES JOURNAUX
du matin
PRÉTENTION INJUSTIFIEE
Il y a des jours où l'on n'est pas en train do
lire la Presse ; nous ne lisons donc qu'aujour-
d'hui, parce qu'on nous le signale, le numéro
de l'autre jour, dans lequel M. Léon Bailby
lançait cette affirmation audacieuse :
Oui, ce sont nos amis (les nationalistes), nos par-
tisans qui, seuls, ont organisé les inoubliables
journées de Krûger. Ce sont eux qui, seuls, ont
défendu dans la presse le droit des opprimés et dé-
noncé les cruautés de l'Angleterre.
Il est à peine besoin de faire remarquer que
les journaux nationalistes ont été si peu les
seuls à soutenir les Boers, que tout le monde
sait, qu'à de très rares exceptions, les Boers ont
eu pour eux l'ensemble des journaux français
de toutes nuances.
Pour ce qui nous concerne, on sait générale-
ment que nous ne sommes point nationalistes,
et nous avons la prétention d'avoir constam-
ment défendu les Boers. Si M. Léon Bailby a le
temps de se livrer à cette arithmétique, nous
lui proposons de faire ic compte, chacun de
notre côté, des articles sympathiques que le
Rappel d'une part, la Presse d'autre part, ont
consacré à la cause des héros boers, au cours
de la guerre Sud-Africaine ; nous avons quel-
que raison de penser que le total que nous se-
rons en état do présenter n'aura rien à redou-
ter du total que pourra invoquor notre con-
frère.
LE GROUpt PARLEMENTAIRE DE LA LIBRE PENSEE
Le groupe parlementaire de la « Libre Pen-
sée » s'est réuni mercredi à deux heures et a
constitué un bureau provisoire ainsi composé :
Président, M. Hubbard ; vice-présidents, MM.
Rabier, Sembat, Lafferre ; secrétaires, MM.
Charles-Dumont, Bagnol, Octave Vignes ; tré-
sorier, M. Fournier (François) ; Questeur, M.
Girod.
Le groupe demandera la nomination des
commissions chargées de rapporter les projets
votés par le Sénat pour le serment judiciaire et
le servies des pompes funèbres.
Le groupe entendra mardi prochain, à une
heure et demie, sur sa demande, M. Ch. Ar-
nould, maire do Reims, et examinera les deux
projets précités.
Le groupe a délégué quelques-uns de ses
membres auprès des congrès des Jeunesses
laïques de Montauban et de Paris qui auront
lieu le 26 octobre et le 1" novembre.
Le groupe fait appel au concours de tous les
députés de gauche amis de la Libre Pensée et
de tous les libres-ponseurs du pays.
L'UNION DEMOCRATIQUE
L'Union démocratique de la Chambre a cons-
titué son bureau de la façon suivante :
MM. Etienne, président ; Codet, Muteau,
vice-présidents; Cère, Carpot, Dupuy, secré-
taires.
LAICISONS DONC 1
Le préfet de la Manche et le délégué
cantonal. peu laïque. -Les insti-
tuteurs ne sont pas les valets
des curés.
Un de nos amis de Saint-Lô nous adresse l'inté-
ressante communication qui suit :
Vous avez déjà eu souvent l'occasion de vous
occuper du préfet de la Manche, M. Lem, et
vous vous êtes étonnés à bon droit de voir
maintenir à son poste un fonctionnaire si dé-
voué aux idées cléricales. Voulez-vous, une fois
do plus, vous rendre compte de la façon dont
il comprend son devoir? Lisez le petit fait sui-
vant que vous pourrez recommander à l'atten-
tion de M. Combes.
Le Bulletin de l'instruction primaire de la
Manche publie cette semaine la liste nouvelle
des délégués cantonaux. Prenons le canton de
Carentan, qui nous intéresse spécialement. La
liste comprend les noms de MM. Doucet, Gil-
Iain, docteur Hamel, délégués depuis long-
temps déjà, et comme membres nouveaux, MM.
Lepelletier et Mellet, Eh bien, savez-vous quels
sont les titres de M. Lepelletier à la confiance
du préfet de la Manche?
La petite ville de Carentan avait autrefois
une municipalité républicaine. M. Lepelletier
s'est mis à la tête d'une liste réactionnaire, et
Carehtan a maintenant un conseil municipal et
une municipalité cléricales.
M. Lepelletier a fondé un asile congréga-
niste en opposition à l'école maternelle laïque.
M. Lepelletier, oubliant l'école primaire
laïque, envoie ses enfants à l'école CODgréga-
niste.
M. Lepelletier, aux jours de fête du Sacré-
Cœur, fait arborer le drapeau tricolore à la
porte de son usine. Y a-t-il une procession,
tous les ouvriers et employés de la maison Le-
pelletier ont l'ennui d'y assister, rangés par
ordre hiérarchique sous la surveillance de
leurs maîtres et contremaîtres.
Voilà l'homme de confiance de M. Lem, pré-
fet de la Manche, qui n'a pas de paroles trop
aigres pour les républicains éprouvés et qui
réserve ses sourires pour les cléricaux natio-
nalistes.
L'instituteur et la surveillance des
enfants à l'église
Nous tecevons d'autre part la note suivante :
Après plus de trente années de République,
après vingt ans d'enseignement laïque, il existe
encore des contrées où les instituteurs se croient
obligés de surveiller los enfants à l'église, le
dimanche ; quelques-uns même poussent le
zèle jusqu'à accompagner leurs élèves aux
processions pendant les vacaoceg.
Est-ce là de la neutralité ? On a interdit à
l'instituteur, pour le soustraire à une domes-
ticité avilissante, de se faire chantre ou be-
deau ; pourquoi ne lui serait-il pas interdit de
survoilier ses élèves aux offices religieux ou
dans toute autre circonstance où il ne peut
figurer que comme le valet du curé ?
Que l'instituteur assiste à la messe si cela
lui fait plaisir, c'est son affaire; mais qu'il y
aille pour aider le suisse à assurer la police de
rendroit. voilà ce qui nous parait inadmissible
et contraire, absolument, à l'esprit de neutra-
lité qui caractérise son rôle d'éducateur.
Aucun moyen n'est à dédaigner lorsqu'il s'
git de lu!' : â damination A
mais il est bon que, dans cette lutte de tous les
mais il est bon citie, dans cette ititte de tous les
venu de plus haut et soutenu par des déci-
sions aussi énergiques et formelles qu'autori-
sées.
La mesure que nous appelons de tous nos
vœux est légitime, elle rassurera les timorés
et en imposera à ceux qui seraient tentés d'ou-
blier que pactiser avec le presbytère, c'est tra-
hir la cause de la « laïque » ; nous la signa-
lons à qui de droit avec l'espoir de voir cesser
à bref délai un abus qui n'a que trop duré. —
Un groupe d'instituteurs vendéens.
LE COMTE NIGRA
(De notre correspondant particulier)
Rome, 15 octobre.
On a beaucoup remarqué la brusque rentrée
à Rome du comte Nigra, ambassadeur d'Italie
à Vienne. Ce déplacement est absolument in-
solite. Il nepeutpas être question d'un congé.
Le comte Nigra a quitté Vienne par suite de
l'échec des négociations de l'Autriche et de la
Hongrie pour la conclusion du pacte du dua-
lisme.
Los deux pays de la dynastie des Habsbourg
ne pouvant s'accorder, la question du renou-
vellement du traité de commerce entre l'Italie
et l'Autriche-Hongrie se trouve singulièrement
compliquée.
LE CHARBON ET LA MARINE ITALIENNE
(De notre correspondant parttculier)
RQme, 13 octobre.
En présence du mouvement gréviste des mi-
neurs qui tend à se propager en Europe, le
ministre do la marine a fait procéder à une
évaluation de tous les dépôts de charbon. On a
constaté qu'il y avait encore des provisions
pour huit mois.
Les chansons de route de l'armée suisse
(De notre. correspondant particulier)
Berne, 15 octobre.
Le département militaire a fait imprimer un
livret de chansons de route pour l'armée
suisse Il contient 30 chants, dont 28 en alle-
mand et 2 en langue romande. La musique de
-
chaque chanson est imprimée sur -des feuilles
spéciales qui sont distribuées aux clairons.
Le but de cette publication est de développer
le chant militaire parmi les miliciens.
- 4-
L'Agitation dans l'Afrique australe
(De notre, correspondant particulier)
Capelown, 15 octobre.
Un grand mouvement de boycot'.age se des-
sine parmi les Hollandais du Cap contre tous
ceux qui, pendant la guerre, ont combattu les
Boers.
Tandis que les vaincus du Transvaal et de
l'Orange ont l'air très résignés, les Boers de la
colonie du Cap se remuent. Une certaine agi-
tion règne parmi eux et les pessimistes pré-
voient même des troubles. -
♦ ————————————
LA RENTREE AU REICHSTAG
DU FILS DE BISMARCK
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 15 octobre.
Le prince Herbert de Bismarck, fils de l'an-
cien chancelier, s'est décidé à rentrer dans la
carrière politique qu'il avait désertée depuis
quelque temps. 11 posera sa candidature au
Reichstag dans la circonscription de lerichow,
son ancien siège électoral.
Le prince a l'intention de grouper autour de
lui les admirateurs de son père.
00
RÉORGANISATION DU MINISTERE
DE LA GUERRE ITALIEN
(De notre correspondant particulier)
Rome, 15 octobre.
M. le général Oltolenghi a entrepris la
réorganisation complète du ministère de la
guerre.
Les bureaux des affaires de la direction gé-
nérale ont été supprimés.
Le personnel dans diverses branches de ser-
vices a été complètement renouvelé et les ser-
vices mêmes modifiés.
Le ministre tient avant tout à simplifier les
rouages de l'administration.
———————————— ——————— p —-.——
EN TURQUIE
ILes, notes des puissances
Francfort, 15 octobre.
On télégraphie de Constantinople à la Gazette
de Francfort :
« L'ambassadeur de France a remis aujour-
d'hui à la Porte une note dans laquelle il ré-
clame le paiement immédiat de la somme de
380.000 livres turques encore due à MM. Lo-
rando et Tubini, en se basant sur la conven-
tion de l'an dernier, qui stipule que la somme
due sera payée en une seule fois, et non par
acomptes, si la Turquie entreprend une grande
opération financière.
« La Porte a reçu de Saint-Pétersbourg,
Vienne et Londres des réponses à sa nole-cir-
culaire concernant l'organisation de bandes
bulgares. Les trois puissances font savoir à la
Turquie qu'étiez ont envoyé de sérieuses ins-
tructions à Sofia. »
L'insurrection en Macédoine
Salonique, 15 octobre.
Le maréchal Chakir pacha, conseil supérieur
militaire d'Yildiz, a pris le commandement
des troupes sur les frontières de Bulgarie.
Dimanche dernier, à midi, s'est produite, à
Kizirdjilar, une rencontre avec des bandes
d'insurgés, commandés par le colonel Nikolof.
Un combat violent a été livré. Une autre ren-
contre a eu lieu à Kazlog.
Des colonnes volantes ont été organisées.
Salonique, 15 octobre.
Cette nuit, la ligne télégraphique entre Salo-
nique et Constantinople a été détériorée par
endroits sur une longueur de 20 kilomètres.
Elle est complètement détruite sur 3 kilomè-
tres. Malgré l'interruption, trois trains militai-
res et trois trains de matériel vido, qui se trou-
vaient dans cette section, ont pu circuler sans
accident. Des mesures de surveillance ont été
prises immédiatement pour éviter le retour de
pareil fait.
La situation est toujours sérieuse entre Pe-
Lritcb, Djuma, Baia et Gresna, où des troupes
sont expédiéelJ.
.——————————————————————————— < !.——————
PATRIOTISME CLÉRICAL
-
Une dépêche de Rome nous apprend que los
carmes déchaussés ont procédé à l'élection de
leur général et ont choisi un Allemand, le père
Meyer. La plupart des généraux des grands
Ordres sont étrangers, et surtout Allemands.
Les dominicains ont un Allemand, le pere
Fruhwirt; les capucins un Suisse allemand, le
père Andermatt; les frères Saint-Jean de-Dieo
un Allemand aussi, le père Gasser ; les bénédic--
lins ont un Belge; les franciscains \JQ Irlandais,
le père Fléming.
Et ce sont ces gens qui chaque jour, dans
leurs feuille?, nous Uaitent de « sans pairie. p
LES GREVES
LA GRÈVE GENERALE DES MINEURg
Dans le bassin du Gard. — Grève par-t
tielle. — Les revendications. — La
Question des salaires. — Sagea
paroles d'un ancien mineur. —
Les compagnies réactionnaires
- L'action du gouvernement.
- Dans le bassin du Nord.
- Dans les autres bassins.
— A Roanne.
(De notre envoyé spéeial) .,
Alais, 15 octobre.*V(
La grève générale est déclarée depuis jeudJ.1
mais le travail n'a pas été partout in!errompu:i
à Montceau-Ies-Mines,à Commentry et dans let
bassin du Gard, la décision du comité national
n'a pas encore été mise à exécution. A Montseau-j
Jes-Mines, l'abstention s'explique par le fait!
qu'une longue grève finit à peine. Mais il était!
intéressant de savoir ce que pensaient et ce que
feraient les mineurs du Gard. !
C'est pour renseigner les lecteurs du Rappel
à ce sujet que je prenais dimanche soir à tâ
gare de Lyon l'express du Bourbonnais et quef
je descendais lundi matin à la Grand'Combe,
centre important de l'extraction minière dit
Gard.
Le bassin houiller du Gard ;
Ce bassin compte 13.000 mineurs el 8 com-
pagnies : la Compagni3 de la Grand'Comba
(4.600 ouvriers); les Houillères de Bessèges
(2.950) : Bessèges, Molières, Rochesadoule ; les.
Houillères de Rochebelle (1.600); la icompagnie
de Trélys (1.100); celle de LaIe (550); celle de
Essons (350) et d'autres moins importantes.
La situation actuelle ;
Je viens de parcourir toutes ces concessions;
partout règne un calme absolu, aussi bien danv
les milieux grévistes que dans ceux où le tra-
vail continue, et si j'en crois les on-dit, ce ré-
sultat est dû aux intelligentes mesuras prises
par l'excellent sous-préfet d'Alais, M. Lalle-
mand, qui a admirablement compris la situa-
tion, et qui, tout en assurant l'ordre, ne pro-
voque pas les ouvriers par des envois de tron-
pes absolument inutiles; il est venu plusieurs
fois à Bessèges et à la Grand'Combe, et les
grévistes ont toujours suivi ses conseils de
prudence et de modération. ,
Les grévistes ,
Le nombre des chômeurs est d'ailleurs res-
treint : les mineurs de Laie se sont mis en
grève le premier jour, et ceux de Essons sa-
medi dernier.
Enfin depuis avant-hier 800 ouvriers deO
houillères de Bessèges ont quitté le travail; c A
sont ceux qui exploitent les puits de la viiI
même de Bessèges ; leurs camarades de Moliô
res et de Rochesadoule travaillent encore, maist
si la grève se prolongu quelque temps, ils se
joindront très probablement aux premiers,
ainsi que ceux de la Grand-Combe.
Mécontentement général
Il ne faudrait pas croire en effet que les mi.
neurs du Gard sont plus satisfaits que ceux du
Pas-de-Calais ou de ta Loire. J'ai entendu les
plaintes de beaucoup d'entre eux, et elles sont
vives. La Compagnie de la Grand-Combe et
surtout celle de Bessèges sont très dures, et se
montrent hostiles à tous ceux qui laissent voir
leurs sentiments républicains ou qui envoient
leurs enfants à l'école laïque. Elles sont par-
venues sinon à faire disparaître, du moins à
affaiblir les syndicats créés daus leurs conces-
sions, et c'est par suite du défaut d'entente et
du manque d'organisation des forces ouvrières
que le travail continue dans une grande partis
du bassin.
Mais les mineurs s'arrachent dès le matin
les journaux, et discutent avec ardeur les faits
du jour et les revendications formulées ; ici
pour la plupart, la grande question, c'est non;
pas la journée de huit heures, mais le mini-
mum des salaires. -
Le minimum des salaires
J'ai d'abord été surpris de leur insistance ai
ce sujet, mais une personne très renseignée aj
bien voulu m'en expliquer la raison et je lus
laisse la parole, car il est nécessaire que l'opi-i
nion publique connaisse l'avis des intéressé
sur cette grave réforme :
— Comme vous le savez, m'a-t-clle dit, les ou*
vriers sont payés à la tâche, par suite leurs sa!ai-
res sont tout diflérents, suivant la nature des tra-
vaux qui leur sont confiés et la richesse du sols
qu'ils fouillent : les Compagnies mettent aux bon-
nes places qui elles entendent et la politique joue
dans cette attribution un très grand rôle. Voush
voyez d'ici la situation d'un père de famille qufc
gagne 10 fr. par jour, et qui, pour une raisoa.)
plus ou moins légitime, peut-être pour un vote:
indépendant, ne va plus toucher qu'un salaire quo«
tidien de 3 fr. 50 ou 4 fr.
Dans ces conditions, nos ouvriers voudraient
que l'arbitraire ne présidât pas à l'établissemen
des salaires. Je vais d'ailleurs vous montrer que-
cette question est bien la cause déterminante de la
grève ; les journaux mélinistes et réactionnaires
disent que quelques meneurs fercent la main à la;
majorité ; c'est absolument faux ; les mineurs qui7
ont pris la direction du mouvement à Bessège.a;
sont d'excellents travailleurs qui étaient restés
toujours à l'égard de toute action politique. Ils se,
sont révoltés à la fin de subir toujours l'injustice,,
et ils ont violemment rejeté le manteau qui pesait
sur leurs épaules : tous leurs camarades de Bes-
sèges ont suivi, et ce matin la Compagnie a d\1
arrêter l'extraction.
Ces paroles, prononcées par un ancien mi-j
neur, très pondéré et point du tout révolution-
naire, résument admirablement la situation
dans le bassin du Gard, je dirai plus, dans lai
France entière.
La mentalité générale des grévistes est celle- j
ci : « obtenir un minimum de salaire qui'
« constituera pour eux une sorte d'assurance-
a contre l'arbitraire ». j
L'attitude des grévistes ;
Jusqu'ici d'ailleurs leur conduite a été par-,
faite, et leur a attiré toutes les sympathies ;j
partout ils acceptent de soumettre leur cause à1
l'arbitrage, et si les Compagnies se montrenci
conciliantes, ils ne se refuseront pas à Cet- (
laines concessions. ;
Le devoir du Gouvernement et desi
Chambres
Ils espèrent beaucoup du cabinet actuel ; ity
ont pris acte de la promesse du président dw i
conseil dans son discours au banquet du com-i
merce et de l'industrie « d'employer tout soa
« crédit à l'examen des questions pendantes
« qui passionnent à juste titre les ouvriers mi-
« neurs ». j
Les Chambres républicaines ne refuseront!
pas leur concours au ministère, et en face de
Compagnies réactionnaires que le résultat desj
élections et la politique gouvernementale ren-I
dent de plus en plus intransigeantes, elles fc-i
ront tout ce qui est du domaine législatif pour;
apporter un peu plus de justice et de bonheut;
à des citoyens si utiles au développement d#1
la richesse publique.
Et tandis que le train m'amenait rapidement,
vers Nîmes, les fortos paroles de notre éminent'
collaborateur Henri Brisson, que rappelait ui
récent éditorial de notre rédacteur en chef, me^
revenaient à l'esprit, car elles sont bien tiitee
pour stimuler l'initiative du Parlement et elle.,
résument parfaitement les espérances de la dé-
mocratie : « Héritier des générations qui ont
« souffert MM rémancipaiou de 1 esprit et <*%
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.3%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.3%.
- Collections numériques similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7549193h/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7549193h/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7549193h/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7549193h/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7549193h
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7549193h
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7549193h/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest