Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-10-15
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 octobre 1902 15 octobre 1902
Description : 1902/10/15 (N11905). 1902/10/15 (N11905).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/01/2013
CÏTtfQ C EN TI ME B le Numéro.
PARIS & DÉPARTEMENTS
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« AUX BUREAUX du JOURNAfc
RÉDACTION t f 4, rue du Mail
De 4 à 8 heures du soir et de 40 heures du soir à 1 heure du matin
Ne 11905 — Mercredi 15 Octobre 1902
24 VENDEMIAIRE AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
1Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
FIN DE CONGRBS
Lyon, 13 octobre, matin.
Avant de quitter Lyon, permettez-
moi de dire mon impression sur les der-
nières séances du Congrès qui vient de
se terminer.
Comme je le faisais prévoir, la ques-
tion de la représentation de la Seine au
comité exécutif est réglée. On le doit à
ti d iiiira le-
Charles Bos qui a expliqué admirable-
ment qu'une ville comme Paris, qu'une
grande capitale, centre intellectuel, po-
litique, commercial, industriel d'une
nation de premier rang, ne peut être
traitée comme une quelconque circons-
cription des montagnes ou des Landes,
pauvre, aride, sans négoce, et sans
communications. On doit aussi la solu-
tion du problème à Louis Puech — qui
sedébarrassa d'un si joli coup d'épaule,
aux élections législatives, de l'ennuyeux
et tenace M. Dausset. Louis Puech, à la
réunion privée des délégués de la Seine,
avait dit fort justement:
— On propose à la commission du
règlement de donner un représentant
du comité à chaque agglomération de
500.000 habitants ou à chaque fraction
supplémentaire à ce chiffre de 500.000.
Mais ce compte de 500.000 me donne
l'impression d'être tout-à-fait arbitraire.
Où l'a-t-on pris ? Sur quelles statisti-
ques s'est-on basé pour l'adopter?
«La population moyenne de nos dépar-
tements n'est pas d'un demi-million,
loin delà. De sorte qu'il n'y aura au
Comité exécutif que des « fractions »
qui soient représentées.
« La généralité de nos départements
1 compte de 150 à 400.000 habitants.
Soyons larges : accordons que la
moyenne soit de 300.000. Eh bien, c'est
à chaque total de 300.000 habitants, et
à chaque fraction de 300.000 qu'il con-
vient d'attribuer une voix à l'assemblée
permanente du Parti. »
Ainsi, par une simple rectification
logique de calcul on arrivait à donner à
Paris des droits suffisamment étendus,
sans réclamer pour la Grand'Ville un
privilège dont se serait peut-être effa-
rouché l'égalitarisme — un peu puéril
en la circonstance — de la province.
Il faudrait que nos amis des départe-
ments prissent le parti de lutter énergi-
quement contre cet esprit de suspicion,
de méfiance vis-à-vis de Paris, qui
anime encore beaucoup de régions.
Et Edouard Lockroy faisait remarquer
que ce « toile » que soulèvent à la
Chambre les députés parisiens quand
ils parlent des intérêts de la Seine
n'était peut-être pas étranger à l'éner-
vement, à l'irritation mauvaise conseil-
lère do la population de la capitale, à
l'accès de nationalisme dont la France
reste étonnée et attristée.
i En séance du Congrès, d'ailleurs, per-
sonne n'est venu chicaner Paris sur ses
justes revendications. On a même voulu
abaisser, peut-être exagérément, lechifIre
de 300.000 à 200.000. Des délégués du
sud-ouest estimaient que cette proposi-
tion leur serait plus favorable. Le Con-
grès a cependant maintenu, avec sa-
gesse croyons-nous, le chiffre adopté
après entente de la commission et de la
délégation parisienne.
.*.
La troisième réunion des groupe-
ments radicaux-socialistes, au Palais
des Arts a démontré la vérité de ce que
j'avançais hier : à savoir que c'est à un
réel congrès radical-socialiste — et non
plus « républicain » (virgule), radical,
(virgule), etc., que nous assistons à
Lyon.
On eût dit presque que le Congrès
s'était transporté au Palais des Arts.
Jamais il n'a été mieux prouvé que
nous avons pour nous le nombre.
M. G. Hubbard a détaillé avec sa pré-
cision et son éloquence ordinaires les
cinq articles du règlement du parti
adopté par la commission compé-
tente.
MM. Debierre et le rapporteur, M.
Charles Philippe, conseiller général de
l'Yonne, ont insisté sur certaines modi-
fications nécessaires.
— Vous voulez, se sont-ils écriés,
donner comme l'an passé, des représen-
tants d'office aux départements chez qui
la vie démocratique n'est pas encore
active ?
C'est peut-être nécessaire pour offrir,
suivant le mot de G. Hubbard « une
émancipation facile à ces mineurs »,
mais décidez du moins que les déléga-
tions vacantes ne pourront être prises
que par des militants des départements
intéressés.
La réunion s'est ralliée à cette vue
ilu nroblème.
- Une autre discussion intéressante
s'est élevée sur le point de savoir s'il
convenait que le Comité eût un bureau,
que ce bureau fût permanent ou non,
que le président et les assesseurs fus-
sent élus par le comité lui-même ou par
Je Congrès.
- Rien de plus délicat ; le bureau per-
manent d'un grand parti prend facile-
ment des allures dictatoriales, sans bu-
reau permanent où chercher les res-
ponsabilités nécessaires?
| On a fini par s'accorder sur la néces-
sité de laisser le comité exécniif sa
donner un bureau permanent, en in-
sistant sur ce principe de droit que le
mandataire peut, à tout instant, être
révoqué par son mandant.
Le calme d'une délibération ardue
par moments, et par moments aussi, dé-
licate, le sérieux et la discipline de la
discussion font le plus grand honneur
aux groupements radicaux-socialistes
dont l'influence sur la direction du Con-
grès aura, cette année, été prépondé-
rante.
***
Maujan. qui présidait avant-hier,
a prononcé, de sa belle et large voix
qui « passe la rampe », comme on dit
au théâtre, un beau discours. Nos pré-
sidents nous gâtent. Maujan a abordé
tant de points du programme qu'avec
tout autre orateur, l'attention du public
se fût dispersée; Or, Maujan a été
écouté avec un intérêt toujours égal, et
ses paroles restent très nettes dans ma
mémoire. Je ne saurais songer à suivre
le député de la Seine dans un si complet
exposé. Je ne puis qu'enregistrer son
gros succès, à peu près égal à celui que
notre ami Dubief avait obtenu la veille.
***
Autre événement de la journée : le
rapport de Ferdinand Buisson sur l'en-
seignement. M.Ferdinand Buisson s'ex-
cusait d'avoir à lire deux petites pages
d'explications. Prodigieuse modestie,
qui nous est d'autant plus chère qu'elle
est plus rare dans les assemblées
politiques.
La lecture faite, tout le monde regret-
tait qu'elle fût sitôt finie.Et les applau-
dissements n'ont pas été ménagé? à ce-
lui qui, de l'aveu de ses pires adversai-
res, est comptable de l'œuvre de laïci-
sation de la République.
Naturellement, M. F. Buisson a
traité de la a liberté de l'enseignement»
et de l'équivoque créée à ce sujet par le
parti clérical.
Cette « liberté de l'enseignement » a
été pendant des années une gêne terri-
ble dont la démocratie n'arrivait pas à
se débarrasser.
Notre éminent confrère, M. A. Hue,
directeur de la Dépêche de Toulouse,
auteur de travaux considérables sur
l'enseignement laïque et sur la loi Fal-
loux, me disait à ce propos :
— J'ai commencé par croire, moi le
premier,à la « liberté d'enseignement».
Je sentais bien, quelque part, un so-
phisme de l'Eglise; mais je ne distinguais
pas le défaut du raisonnement clérical.
« J'ai fouillé les archives parlemen-
taires, les collections de l'Officiel et du
Moniteur ; j'ai trouvé pour prendre au
sérieux le droit exclusif du père de fa-
mille : les militants républicains en lutte
contre le second Empire, les hommes
de 1848, ceux de 1830, et ainsi de suite
jusqu'à ceux de la grande Révolution.
Mesdoutes etmon anxiétéétaientau com-
ble quand je songeai que si quelqu'un
devait posséder un droit, c'était l'inté-
ressé, c'était l'enfant et non le père de
famille. »
L'idée de M. A. Iiuc a fait son che-
min, et le superbe rapport de M. Ferdi-
nand Buisson n'est que l'explication du
nouveau principe républicain, fonda-
mental en matière de pédagogie : le
droit de l'enfant garanti par l'Etat.
M. Ferdinand Buisson, qui vient de
prendre une part active aux travaux du
Congrès de l'enseignement, a fait adop-
ter la thèse de cette assemblée spéciale
par l'assemblée politique dont nous sui-
vons les travaux : c'est le résultat d'une
entente entre les républicains qui croient
toujours à la nécessité d'une certaine
initiative privée dans les choses de la
pédagogie, et les républicains parti-
sans du monopole. M. Armand Depper
vous a parfaitement expliqué comment
s'est accompli ce mouvement de con-
centration, et je n'y reviendrai pas.
Il me reste à tirer la morale de tout
ce que vous avez lu sur le Congrès. Cette
morale vous la trouverez dans la dé-
claration du parti, due à Charles Bos et
que vous lirez plus loin ; cette morale,
elle est aussi contenue, à lia autre point
de vue, dans le discours de Ferdinand
Buisson, à la séance de dimanche ma-
tin, et dans l'allocution de M. Auga-
gneur, au banquet qui a suivi.
Nous nous en expliquerons dans un
article d'ensemble.
Hugues Destrem.
P.-S. —Aujourd'hui, réouverture des
Chambres; les séances du Congrès de
Lyon en auront dignement préparé les
travaux.
—————————— ♦ ——————————-
L'ALLEMAGNE A CUBA
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 13 octobre.
L'Allemagne nommera prochainement un
ministre plénipotentiaire à Cuba. Les frais de
la nouvelle légation figurent déjà au prochain
budget des affaires étrangères.
■ ——i ——————i
LE SOUS-MARIN ANGLAIS
(De notre correspondant particulier)
Londres, 13 octobre.
Le nouveau sous-marin construit à Barrow
pour le compte de l'amirauté britannique pré-
sente quelques défectuosités, entre autres celle-
ci : la submersion ne se fait pas assez rapide-
ment. On sera obligé de modifier les machines
et surtout l'appareil principal qui se trouve au
centre du bateau.
On n'y emploiera que ceux deg ouvriers qui
ont travaillé à la première construction du
soua-marin. Le secret le plus absolu est gardé
sur ces travaux.
On dit que le gouvernail aussi sera complè-
Jgjnent modifié» -.,
CAUSERIE PÉDAGOGIQUE
LA FETE DE JEAN MACÉ
Une idée heureuse. — Un grand édu-
cateur. — La vocation de l'enseigne-
ment. — Un écrivain et un homme
d'action. — Le suffrage universel
et l'instruction du peuple. -
Réflexions judicieuses.
M. Gabriel Compayré vient d'émettre l'idée
heureuse et originale d'instituer, dans les éco-
les primaires, une fête annuelle en l'honneur de
Jean Macé (1).
Si une proposition, dans ce sans, était faite
au Parlement, elle serait adoptée à coup sûr.
Elle serait en effet amplement justifiée aux
yeux de tous les républicains.
Jean Macé est, à plus d'un titre, un grand
éducateur qui a droit à la reconnaissance des
écoliers et du peuple. Toute sa vie leur a été
consacrée. Sa biographie est le récit d'un vé-
ritable apostolat pédagogique.
Il avait la vocation, la passion même de l'en-
seignement. Attaché à l'institution des jeunes
filles dirigée par Mlle Vérénot à Beblenheiua
(Alsace) sous l'Empire et à Monlhiers, dans
l'Aisne, après 1871, il a montré que rien ne
pouvait le distraire de ses fonctions do profes-
seur. Ses travaux d'écrivain, de conférencier,
d'homme politique ne lui ont jamais fait ou-
blier qu'il avait dos leçons à donner régulière-
ment. En vain, ses amis, et notamment Helzel,
le suppliaient-ils de se décharger au moins
d'une partie de sa tâche. Il ne voulait rien en-
tendre.
Pendant tout le temps qu'il fut sénateur, il ne.
se découragea pas, malgré la fatigue, de faire trois
fois par semaine le voyage de Paris à Monthiers,
en chemin de fer d'abord, jusqu'à Château-Thierry,
puis en diligence, pendant une heure et demie.
Il était à ce point professeur, dit encore M. Com-
payré, qu'il avait, dans sa longue pratique quoti-
dienne, contracté des habitudes gênantes, presque
des manies.
Il ne pouvait bien parler qu'assis. Il lui arriva
do dire sérieusement à une grave assemnlée d'hom-
mes mûrs : » Mes enfants, vous avez été bien
sages !. »
Ce « Professeur de demoiselles », s'ingéniait
et parvenait dans des livres d'une lecture agré-
able à mettre les connaissances scientifiques
à la portée des enfants.
Tout le monde connaît l'Histoire d'une bou-
chée de pain. L'ouvrage a eu un succès consi-
dérable. Tous ses écrits révèlent le professeur.
S'il a composé des pièces de théâtre, c'est pour
instruire ses élèves. Leurs titres l'indiquent
assez clairement: « La loçon de géographie »,
« La composition d'histoire » sont de sim-
plès leçons présentées sous une forme drama
tique.
M. Compayré nous apprend qu'un grand
nombre de pièces sont inédites, notamment
celles où Jean Macé figure lui-même avec Mme
Macé et Mlle Vérenet. On y trouve, paraît-il,
des scènes véritablement touchantes.
Tous ces ouvrages de bonne littérature sco-
laire et de vulgarisation scientifique ne consti-
tuent, pas malgré leur réelle valeur, le meil-
leur litre de gloire de Jean Macé.
La Ligue de l'Enseignement
l'homme d'action efface ea lui l'écrivain.
Son chef-d'œuvre, c'est la « Ligue française
de l'Enseignement ».
Il l'a fondée sous l'empire d'une préoccupa-
tion qui explique toute sa vie depuis 1848 et
que lui-même a fait connaître en ces termes :
Au matin du 25 février 1848, lorsque j'aperçus le
suffrage universel affiché sur les murs de Paris,
j'eus froid dans le dos. Je ressentis un mélange do
joie folle et de terreur secrète.
Il se défiait du vote populaire insuffisam-
ment éclairé.
La ratification du coup d'Etat, trois ans plus
lard, vint légitimer ses craintes. Estimant
qu'il aurait fallu trente ans d'instruction obli-
gatoire avant la proclamation du suffrage
universel, il s'efforça d'amener ses compa-
triotes à corriger, dans une certaine mesure,
l'erreur commise en faisant décréter, après
1848, l'obligation scolaire qu'on aurait dû éta-
blir longtemps auparavant.
Il travailla avec énergie, avec habileté, avec
persévérance, avec succès, à la réalisation de
son projet.
Il fonda et fit prospérer la Ligne française de
l'enseignement, celte belle association d'éduca-
tion nationale, qu'on a appelée avec raison « la
fille immortelle de Jean Macé. »
De fait cette « association d'avant-garde »
comme l'a qualifiée dernièrement à Lyon M.
Ferdinand Buisson met sur le chantier et éla-
bore toutes les réformes, grandes ou petites,
dont l'Université éprouve le besoin. Et ses tra-
vaux ne peuvent faire autrement que d'inspi-
rer le législateur, car ils sont conduits avec
toute la compétence, toute la méthode, toute
la probité nécessaires. Devenue aujourd'hui
une fédération de 2,839 sociétés d'éducation
disséminées dans la France et nos colonies,comp-
tant au nombre de ses adhérents une multitude
d'instituteurs, professeurs, inspecteurs et rec-
teurs, elle peut se documenter sur toutes les
questions d'enseignement avec autant de sû-
reté que de rapidité.
Le rôle de la Ligue
Son rôle considérable et son influence pro-
fonde s'expliquent donc naturellement.
Elle a été l'instrument avec lequel Jean Macé
a fait créer l'école primaire telle qu'elle existe
à l'heure présente, car c'est lui qui a réclamé
l'école gratuite et obligatoire.
C'est lui qui a fait désirer l'institution par la
nation, en organisant après la chute de l'Em-
pire une vaste pétition qui recueillit 1,267,267
signatures. Ce magnifique « mouvement na-
tional du sou contre l'ignorance » comme on
l'appela — chaque signataire devait verser un
sou — fut une grandiose manifestation laïque;
l'élan qui en résulta devint irrésistible. Le
Parlement en fut impressionné. Il se conforma
au vœu d'un seul homme devenu le vœu du
pays tout entier.
Jean Macé eut la joie de voir admettre son
programme dans le domaine des lois, « L'action
qu'il a exercée, dit justement M. Compayré, a
été féconde et décisive, et de ceux qui, depuis
trente ans, ont travaillé à édifier l'école moderne
— l'école de la liberté — il n'en est pas un qui
ne lui ait rendu hommage. Jules Ferry ne ca-
chait pas qu'il s'inspirait de lui. »
veauté pédagogique.
La mort de Jean Macô
Resté homme d'action et de propagande à
l'âge de 80 ans quand la mort vint le surpren-
dre le 6 décembre 1894 il n'était point parvenu
au but où il devait trouver le repos. Il ne l'au-
rait vraisemblablement jamais atteint ; car ar-
rivé vers celui que tout d'abord il avait aperçu
il en découvrait d'autres, et allègrement, repre-
nait sa marche vers eux.
Il a eu des funérailles dignes de lui, et de-
puis deux ans, son buste a été érigé sur la
place Armand Carrel, à Paris.
Sont-ce là cependant des témoignages suffi-
sants de reconnaissance pour l'honorer comme
il convient ?
A cette quéstion beaucoup répondront non.
Le? réflexions suivantes de M. Compayré
paraîtront tout à fait judicieuses:
(t) Voir la brochure Jean Macé et l'lnstructio.
obligatoire, par Gabriel Compayré, reoteur de l'A-
cadémie de Lyon, Qelaplalle, éditeur, t volume
ta-18 rçlîj -
Ce n'est pas seulement par un buste ou par des
obsèques solennelles que nous voudrions voir hono-
rer la mémoire de Jean Macé.Aux Etats-Unis où le
culte des bienfaiteurs de l'humanité est autrement
en honneur que chez nous ont aurait certainement
ètabli un jour de fête scolaire, un « jour de Jean
Macé ».
Dans ce jour consacré à la glorification de
l'école laïque, les enfants et les adolescents dans
les villes et dans les villages apprendraient à
connaître le nom de l'homme de bien qui a usé sa
vie à leur préparer l'instruction dont ils bénéfi-
cient aujourd'hui.
L'instituteur, ou bien quelques uns des amis dé-
voués qui maintenant entourent l'école de leur sol-
licitude, prendrait la parole, devant l'enfance et la
jeunesse assemblée, pour raconter l'existence du
maître et exposer son œuvre. »
Pour honorer sa mémoire
Et M. Compayré indique brièvement ce que
diraient les conférenciers : ils rappelleraient ce
que Jean Macé a fait pour l'école des enfants,
pour les adultes, pour les enfants, pour les
femmes. On lirait quelques extraits de ses li-
vres — les « pages choisies » sont à la mode.
Cette fête scolaire aurait, on l'avouera sur la
Saint-Charlemagne des lycées et collèges ou
la Sainte-Catherine de certaines écoles de filles
l'avantage d'avoir une claire signification. —
Armand Depper.
DÉCLARATION
du Parti Républicain radical
et radical-socialiste
Voici le texte de la déclaration, rédigée et lue
par Charles Bos, à la dernière séance du Congrès :
Le premier Congrès du parti républicain ra-
dical et radical-socialiste avait surtout pour but
de faire,à la veille des élections, l'union de tous
les républicains contre l'ennemi commun.
L'union a été faite, rien n'a pu la rompre: ni
les calomnies, ni les injures, ni les outrages
abominables dont les meilleurs d'entre nous
ont été les victimes. Un éclatant succès a cou-
ronné nos efforts.
Aujourd'hui notre parti est la majorité dans
le pays et au Parlement, il est aussi au pou-
voir. Il doit en envisager toutes les respon-
sabilités et savoir les assumer. La lutte n'est
pas finie, il faut dire au contraire qu'elle com-
mence.
Ce combat, toujours le même contre la même
réllctioo, ne peut être victorieusement soutenu
qu'à une condition essentielle, c'est qu'au
groupement d'instinct des républicains se subs-
titue une organisation logique et méthodique,
seul moyen de garantir l'observation d'une
discipline obligatoire. Telle est la raison de no-
tre second Congrès.
Tou, venus de partout,nous obéissons à une
pensée commune: fils de la Révolution, nous
voulons la continuer. Nous ne connaissons
donc pas d'ennemis à gauche et nous donnons
cot exemple, après un triomphe électoral que
nul ne nous conteste, de réunir une convention
des représentants les plus qualifiés de la démo-
cratie française pour consolider notre victoire
et la rendre définitive.
Comment ? En cessant de nous défendre
pour attaquer nos adversaires ; avec l'inten-
tion bien résolue de dire ce que nous som-
mes décidés à faire : la République laïque et
républicaine.
On nous traite de sectaires et de jacobins; ce
ne sont là que dos mots. Nous n'ignorons pas
les uns et les autres que la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen a proclamé
les libertés nécessaires et qu'il faut une action
énergique pour édifier le corps social que nos
pèros ont voulu.
Ils ont détruit ce qui existait avant eux.
Ils ont créé une nouvelle société, ils ont tout
fait en réalité. Mais la dictature est venue
qui a emporté une grande part de leur œuvre.
Cette part, nous devons la reprendre. D'autres
besoins sont nés, d'ailleurs, auxquels il faut
donner satisfaction. Le pays l'exigerait, si
nous étions tentés de l'oublier.
C'est pourquoi si,avec le bon sens et les don-
nées positives de la science moderne, nous res-
tons attachés à la propriété individuelle cc dont
nous ne voulons, comme le disait notre pre-
mier congrès, ni commencer ni même préparer
la suppression, parce que son principe repose
tout entier sur le droit inviolable de la per-
sonne humaine au produit do son travail », nous
pensons que nous devons prendre des mesures
contre cette féodalité nouvelle, financière et
industrielle, qui est une menace perpétuelle
pour le monde du travail aussi bien que pour
l'Etat.
Nous entendons que l'ouvrier ait la pro-
priété do son outil, comme le paysan a le sien
depuis la Révolution, que l'Etal devienne le
maître des chemins de fer, que le domaine pu-
blic s'augmente de certains monopoles rendus
nécessaires par des manœuvres de spéculation
et d'agiotage; trop de richesses nationales ont
été concédées à des particuliers qui abusent
da leur inexplicable privilège au point d'oser
invoquer la protection gouvernementale con-
tre les travailleurs et de faire craindre, sinon
de provoquer, de cette manière, les plus épou-
vantables catastrophes. Ces richesses doivent
revenir au pays, On ne prescrit pas contre la
nation.
Est-il utile au surplus d'indiquer, môme
d'une façon su ceinte, l'ensemble du programme
de notre parti? Caisse de retraite pour les tra-
vailleurs, arbitrage obligatoire, prévoyance,
assistance et assurance sociales, suprématie du
pouvoir civil, démocratisation de l'armée, jus-
tice gratuite, égale et commune pour tous, en-
seignement national à tous les degrés, réforme
complète de notre système d'impôts, séparation
des Eglises et do l'Etat ; tout cela a été, depuis
30 ans, développé éloquemment dans toutes les
professions de foi des républicains les plus
éminents, dans la déclaration du parti l'an
dernier, dans les beaux discours de Delpech,
de Dubief, de Maujan, de Buisson, qui ont
présidé les séances de ce Congrès. C'est là
notre horizon politique et social.
Mais de ce programme, que faut-il déta-
cher? Quelles sont les réformes qu'il faut réa-
liser immédiatement?
La République souscrirait à sa perte si elle
se laissait effrayer par la colère de Rome, de
la contre révolution. La Révolution avait sup-
primé les congrégations : supprimons-les à
notre tour. La Convention avait décidé que la
République française ne paierait plus les frais
ni les salaires d'aucun culte : imitons son
exemple. Préparons dès aujourd'hui la sépa-
ration des Eglises et de l'Etat.
A propos de l'enseignement, on ne cesse de
nous parler des droits du père de famille. Il
n'a pas ici d'autre droit que celui d'exercer
ses devoirs. L'enfant seul a des droits et c'est
à l'Etal qu'il appartient de les faire valoir, car
l'Etat seul a qualité pour se substituer aux
personnes humaines incapables de se défendre.
Donc, abrogation de la loi Falloux qui a li-
vré l'enfance aux jésuites, et puis, service pu-
blic de l'enseignement.
Notre système fiscal, plus vieux qu'on ne le
dit, car il a été emprunté presque entière-
ment à la vieille monarchie, constitue un sûr
abri pour toutes les iniquités sociales. Nous
répétons une fois de plus que nous voulons
tout de suite établir cet impôt progressif sur
le capital ot sur le revenu qui instituera la
vrafè proportionnalité, car chaque citoyen
sera greva suivant ses facultés, qui déchar-
gera les ouvriers des riïjiï dfiS campagnes,
et qui nous donnera les ressources dont nous
avons besoin pour faire la caisse des retraites
depuis si longtemps promise aux vieux travail-
leurs do ce pays.
La moyenne et la petite culture ont droit à
toute notre sollicitude. Des dégrèvements s'im-
posent à son égard. Du reste, nous ne faisons
aucune différence entre le travailleur des vil.
les et celui des campagnes.
La réduction du service militaire à 2 ans, est
une réforme virtuellement acquise. Sans doute,
vos élus auront encore à livrer, au sein du Par-
lement, un dur combat contre la réaction qui
ne peut se résoudre à renoncer aux dispenses
dont elle jouit. Mais le service de 2 ans sera.
voté. En même temps, nous saurons imposer
aux généraux de coup d'Etat comme aux offi-
ciers enrégimentés par l'Eglise, le respect des
institutions républicaines.
La discipline ne peut exister dans l'armée
nationale qu'à la condition d'êlre la même pour
tous.
En disant que l'armée doit se préparer dans
13 silence à remplir tout son devoir au cas où
l'intérêt supérieur du pays l'exigerait, nous
sommes assurément plus patriotes que ceux
qui veulent la faire servir à favoriser des pro-
nunciamicntos ou bien encore à intervenir dans
les conflits si douloureux qui se produisent
entre le capital et le travail.
D'ailleurs,un gouvernement ne vaut quelque
chose que s'il est bien servi par ses fonction-
naires. Que ceux-ci appartiennent à l'armée ou
aux administrations civiles, peu importe; payés
par la République, ils ont l'impérieux devoir
de l'aimer et de la défendre.Contre ceux qui se
sont risqués à l'oublier, la suppression de
l'inamovibilité de la magistrature et des révo-
cations impitoyables donneront au pays l'im-
pression que le parti républicain entend enfin
gouverner.
Est-ce tout ? Pas encore : à côté d'une jus-
tice civile plus qu'imparfaite, il en existe une
autre, dont tant de décisions font injure au
bon sens public. Dès maintenant, nous pouvons
dire que 16s conseils de guerre, que les conseils
do corps, que les pénitenciers militaires et que
les compagnies de discipline ont vécu. Le pays
n'en veut plus. Le Parlement, saisi par nous,
les supprimera.
Le suffrage universel s'est prononcé. Il nous
a dicté ses volontés, et bien qu'une corruption
effrénée, contre laquelle nous saurons sévir en
rétablissant le scrutin de liste, ait tenté d'en
fausser le sens, le suffrage universel a parlé
d'une façon aussi nette que possible. Oui, le
pays est las de tant d'engagements qui ont été
pris et qui n'ont pas été tenus. Il veut des réa-
lisations. Notre uniou nous donne la force
d'agir et d'aboutir. C'est d'ailleurs dans la po-
litique de réformes que la République trouvera
sa puissance - et la patrie sa grandeur.
Voir à la 39 page
les DERNIERES DEPECH ES
de la nuit et -
la REVUE DES JOURNAUX
du matin
CRITIQUE INJUSTIFIÉE
U. Sigismond Lacroix écrit dans le Radical:
Je ne suis pas très sûr que la suppression des
congrégations figure dans la Déclaration finale
du Congrès, lue à la hâte, à la dernière minute,
par M. Charles Bos ; si elle y est inscrite, c'est que
j'aurai mal entendu.
M. Sigismond Lacroix a, en effet, mal en-
tendu. S'il avait bien entendu, los paroles sui-
vantes auraient frappé ses oreilles :
La Révolution avait supprimé les congrégations,
supprimons-les à notre tour; la Convention avait
décrété que la République française ne paierait
plus les frais ni les salaires d'aucun culte ; imitons
son exemple. Préparons dès aujourd'hui la sépa-
ration des églises et de l'Etat.
Si M. Sigismond Lacroix avait attendu vingt-
quatre heures, il aurait eu sous les yeux un
texte exact, qui lui aurait épargné de critiquer
à tort la Déclaration du parti.
REVEIL DE L'ESPRIT RÉPUBLICAIN
(De notre correspondant particulier)
Avranches, 13 octobre.
Pour la troisième fois, depuis quelques se-
maines, les électeurs d'Avranches viennent
d'élire un nouveau conseiller municipal répu-
blicain, M. Théault, manufacturier, qui avait
pour concurrent le clérical docteur Béchet.
La majorité républicaine de cette assemblée
se trouve ainsi assurée et, par suite, la dé-
mission du maire nationaliste, le médecin ma-
jor retraité, docteur Oberlin, parait inévitable.
C'est un véritable réveil de l'esprit républi-
cain dans une ville tenue trop longtemps sous
le joug du pire cléricalisme, et aux ouvriers
de la dernière heure nous adressons nos plus
sincères félicitations.
TOUT POUR LA PROPAGANDE RELIGIEUSE
(De naIn, correspondant particulier)
Munich, 13 octobre.
te capucin Benno Auracher, rendant compte
de l'audience que le, pape lui a accordée tout
récemment, raconte que Léon XIII, à sa der-
nière réception, aurait tenu aux évêques fran-
çais les propos suivants :
Dites à votre clergé qu'il ne se contente pas do
prononcer des sermons, mais qu'il aille dans le
monde; il faut que les prêtres aillent trouver les
gens là où l'on peut les prendre encore et qu'ils les
amènent dans les sociétés et oeroles catholiques
pour ranimer la vie religieuse.
UNE GRACE DU TSAR
(De noire correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 13 octobre.
Le grand-duc Nicola?,quiest le fils du grand-
duc Nicolas Constantinowitsch, et qui, depuis
30 ans, est exilé en Asie cenltale, se trouva
gravement atteint d'une maladie nerveuse. Le
tsar Nicolas, en apprenant le sort de son
malheureux parent, a été vivement ému et lui
a envoyé le professeur Merscheyewski, une
des illustrations de l'Université de Saint-Péters-
bourg.
Le tsar a même exprimé l'intention d'aller le
voir et de se reconcilier avec le mourant. Le
grand-duc était tombé en disgrâce sous le rè-
gne d'Alexandre II, pour avoir contracté un
mariage considéré comme mésalliance. Toute
la famille avait rompu avec lui, excepté la
reine de Grèce, sa sœur, qui lui avait toujours
conservé ses sympathies.
INCENDIE AU MINISTERE DE LA GUERRE ITALIEN
fDe notre eorretponiani particulier)
Rome, 13 octobre.
A 7 h. du soir, un incendie s'est déclaré
au ministère de la guerre, dans le bureau de
M. Diaz, commandant attaché au grand état-
major.
Les carreaux des fenêtres ont éclaté par
suite de la chaleur mais on a pu à temps étein-
dre les flammes. A côté du bureau où le feu a
pris, se trouvent les archives du grand état-
major. Elles n'ont oas été atteintes car les
gammes.
LES GÉNÉRAUX BOERS
A PARIS
-
Pour dire merci.— A la gare du Nord.
— L'arrivée. — Chaleureuse récep-
tion. — Discours de MM. Pauliat
et Herbette. — Autres discours.
— Le cortège dans Paris. — A
l'Hôtel de Hollande.- Accueil
enthousiaste.
Les trois généraux boers Dewet, Delarey et
Botha sont arrivés hier à Paris.
Les trois héros, qui sont venus uniquement
faire à leurs amis français une visite de remer-
ciements, ont reçu un accueil chaleureux et
enthousiaste do la part de la population pari-
sienne.
Dès midi, une foule énorme stationnait aux
abords de la gare du Nord. M. Lépine dirigeait
lui-même le service d'ordre.
Dans l'intérieur do la gare, la salle d'attente
des deuxièmes classes, qui se trouve juste en
face de l'extrémité du quai des rapides de Bru-
xelles,avait été transformée en un joli salon de
réception. Elle était complètement tendue d'é-
toffes rouges, que relevait la verdure do mas-
sifs d'arbustes. C'est là qu'allendeut les da-
mes déléguées; elles ont à leur tête Mme
Albert Dumont, présidante du « Sou des
Boers ».
C'est là que se réunissent :
M. Pauliat, sénateur, président du comité pour
l'indépendance des Boers, M. Piot, sénateur, admi-
nistrateur du comité pour la reconstitution du pa-
trimoine des Boers, MM. Millevoye et >.rges
Berger, députés, Herbotte, conseiller d 'LLlonel ae Ramei, pierson, Ernest Caron, C",:'lseHler
municipal.
L'accès du quai d'arrivée est strieiemeai iD..
terdit.
L'arrivée du train
Le rapide de Bruxelles arrive à midi cin-
quante, il a deux minutes d'avance. Le quai
est bientôt envahi par de nombreux curieux.
M. Scandberg,ancien aide de camp do Botha,
descend d'abord du train.. Il porte un énorme
bouquet aux couleurs française?, remis aux
généraux à Saint-Quentin.
Les trois généraux apparaissent alors. Ils
sont en redingote noire.
Aussitôt tous les fronts sa découvrent, mais
aucun cri n'est poussé.
Celte scène est absolument imposante, inou-
bliable.
Les généraux serrent les mains à la ronde.
Le silence continue à être 'complot, religieux.
On regarde les trois combattants, qui semblent
tout heureux de cette réception sympathique
et discrète ; mais aucun cri ne monte aux lè-
vres. Ce n'est que lorsque, sur les instances de
MM. Pauliat et Herbolte, le cortège a été formé
et que les trois généraux, côte à côte, se sont
avancés vers le salon de réception, que, sou-
dain, éclatent de toutes paris les cris enthou-
siastes de : a Vivent les Boers 1 Vive.la liberté!
Vivent les héros! Vive Dewot 1 Vivo Dela-
rey ! Vive Botha ! » Les généraux, surpris, et
comme intimidés, saluent à chaque pas.
La réception
tes généraux pénètrent dans le S!0n de ré-
ception où seuls quelques privilégias sont ad-
mis.
C'est là que les discours odî Mé prononcés.
Discours de M. Pauliat
M. Pauliat parle le premier et, très ému, il
prononce un discours dont nous extrayons les
passages suivants:
Je vous souhaite la bienvenue dans la capitale
do la France, dans la capitale d'un pays dont le
cœur,pendant votre lutte héroïque de deux ans et
demi, a constamment battu à l'unisson du vôtre,
qui a partagé toutes vos joies,toutes vos angoisses,
toutes vos espérances, et qui, le jour où la dure
nécessité vous a contraints de déposer les armes,
n'a certainement pas souffert moins que vous.
Dans le cours entier de son histoire, la France a
toujours été du côté de l'indépendance des peuples,
du côté des vaillants et des courageux, mettant la
liberté au-dessus de tout et prêts à tous les sacri-
fices pour résister à l'oppression.
Mais lorsqu'elle vous a vus à l'œuvre, confiante
dans votre droit et dans la justice, vous dresser
contre le plus grand empire du monde et le tenir
en échec, lorsqu'elle vous a vus surtout, en dépit
des conditions inégales que vous faisait une guerre
barbare, vous refuser à l'emploi de moyens ré--
prouvés par le droit des gens et la conscience hu-
maine, vous lui avez arraché un cri d'admiration,
et, dans son esprit comme dans son cœur, vous
avez pris une place qu'auoun autre peuple n'y avait
eue avant vous.
La caractéristique de la race française, ce qui la
distingue des autres races, c'est sa foi dans la jus-
tice et le droit, o'est sa conviction absolue que la
justice et le droit ne sont pas seulement des mots
-et ne représentent pas seulement les idées mo-
rales, mais qu'ils constituent par. eux mêmes
une puissance matérielle qui, bien conduite, finit
toujours par prévaloir et par s'imposer.
C'est pourquoi, malgré les événements en appa-
rence contraires, notre confiance devient inébran-
lable dans l'avenir des populations boers de l'Afri-
que du Sud.
Vos déclarations nous ont fait connaître que,
respectueux de la parole donnée et vous inclinant
devant les faits, vous entendez observer fidèlement
toutes les clauses du traité que vous avez signé.
Semblable résolution n'a rien qui doive surpren-
dre de la part de caractères aussi droits et aussi
loyaux que les vôtres. C'est une autre forme da
votre héroïsme.
Nous estimons que ce serait offenser vos adver-
saires d'hier, si on supposait que sur ce point ils ne
montreront pas autant de scrupules que vous.
Nous savons également que l'objet de votre
voyage à travers le monde est de faire appel aux
peuples civilisés en faveur des lamentablés infor-
tunes laissées par la guerre.
Pour ce qui regarde le concours de la France
dont vous devenez aujourd'hui les hôtes, nous pou-
vons assurer d'avance que comme par le passé.elle
fera tout ce qu'elle pourra.
Des applaudissements frénétiques ont ac-
cueilli ce discours, que M. Scandberg a en-
suite traduit dans ses grandes lignes.
Les généraux ont alors serré la main do
l'orateur et Bolha a remercié ensuite en quel-
ques mots, également traduits par M. ScaGd.
berg.
Discours de M. Herbette
M. Herbetle, conseiller d'Etat, a ensuite pris
la parole. Il a prononcé un discours admira-
ble. dont le manque do place nous oblige à ne
citer qne les extraits essentiels.
Dans notre langue, a-t il dit, humanité et bonté
sont synonymes, comme le sont francs et Français.
La grande famille française, qui a rêvé d'être
comme un commencement de famille humaine,
nous donne le droit de voir en vous des parents.
Ne retrouve-t on pas, dans la nation sud-africaine,
une large part de sang français ?
Comment ceux qui vous sentaient, même do si
loin, dans l'angoisse, n'auraient-ils pas eu le cœur
serré? Notre pays s'est trouvé un pour s'émouvoir,
comme le vôtre pour lutter. Femmes et enfants
ont pris part, chez nous, à la douleur, comme chez
vous aux efforts sublimes du patriotisme. Jamais
n'est apparue de façon plus admirable la force da
ceux qu'on appelle les faibles.
L'art, dont vous voyez ici l'éminent représen-
tant, a donné, comme le dévouement charitable des
dames, une aide puissante. L'Œuvre artistique de
secours aux victimes de la guerre sud africaine
a provoqué, à Paris, une exposition précédant celle
que vous avez pu admiïer à la Haye et qui aura
préparé des souscriptions et des loteries impor-
tantes. Ainsi le beau s'est mis au service du bien.
Les artistes étrangers, nos botes, ont fait union
avec nous.
Puisque vous remerciez notre patrie, laissez-noal
remercier la vôtre. C'est enrichir l'Humanité que
révéler des forcos nouvelles de courage, d'aboéga.
tion - d'héroïsme. Honorons en vous lço exploit*
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1Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
FIN DE CONGRBS
Lyon, 13 octobre, matin.
Avant de quitter Lyon, permettez-
moi de dire mon impression sur les der-
nières séances du Congrès qui vient de
se terminer.
Comme je le faisais prévoir, la ques-
tion de la représentation de la Seine au
comité exécutif est réglée. On le doit à
ti d iiiira le-
Charles Bos qui a expliqué admirable-
ment qu'une ville comme Paris, qu'une
grande capitale, centre intellectuel, po-
litique, commercial, industriel d'une
nation de premier rang, ne peut être
traitée comme une quelconque circons-
cription des montagnes ou des Landes,
pauvre, aride, sans négoce, et sans
communications. On doit aussi la solu-
tion du problème à Louis Puech — qui
sedébarrassa d'un si joli coup d'épaule,
aux élections législatives, de l'ennuyeux
et tenace M. Dausset. Louis Puech, à la
réunion privée des délégués de la Seine,
avait dit fort justement:
— On propose à la commission du
règlement de donner un représentant
du comité à chaque agglomération de
500.000 habitants ou à chaque fraction
supplémentaire à ce chiffre de 500.000.
Mais ce compte de 500.000 me donne
l'impression d'être tout-à-fait arbitraire.
Où l'a-t-on pris ? Sur quelles statisti-
ques s'est-on basé pour l'adopter?
«La population moyenne de nos dépar-
tements n'est pas d'un demi-million,
loin delà. De sorte qu'il n'y aura au
Comité exécutif que des « fractions »
qui soient représentées.
« La généralité de nos départements
1 compte de 150 à 400.000 habitants.
Soyons larges : accordons que la
moyenne soit de 300.000. Eh bien, c'est
à chaque total de 300.000 habitants, et
à chaque fraction de 300.000 qu'il con-
vient d'attribuer une voix à l'assemblée
permanente du Parti. »
Ainsi, par une simple rectification
logique de calcul on arrivait à donner à
Paris des droits suffisamment étendus,
sans réclamer pour la Grand'Ville un
privilège dont se serait peut-être effa-
rouché l'égalitarisme — un peu puéril
en la circonstance — de la province.
Il faudrait que nos amis des départe-
ments prissent le parti de lutter énergi-
quement contre cet esprit de suspicion,
de méfiance vis-à-vis de Paris, qui
anime encore beaucoup de régions.
Et Edouard Lockroy faisait remarquer
que ce « toile » que soulèvent à la
Chambre les députés parisiens quand
ils parlent des intérêts de la Seine
n'était peut-être pas étranger à l'éner-
vement, à l'irritation mauvaise conseil-
lère do la population de la capitale, à
l'accès de nationalisme dont la France
reste étonnée et attristée.
i En séance du Congrès, d'ailleurs, per-
sonne n'est venu chicaner Paris sur ses
justes revendications. On a même voulu
abaisser, peut-être exagérément, lechifIre
de 300.000 à 200.000. Des délégués du
sud-ouest estimaient que cette proposi-
tion leur serait plus favorable. Le Con-
grès a cependant maintenu, avec sa-
gesse croyons-nous, le chiffre adopté
après entente de la commission et de la
délégation parisienne.
.*.
La troisième réunion des groupe-
ments radicaux-socialistes, au Palais
des Arts a démontré la vérité de ce que
j'avançais hier : à savoir que c'est à un
réel congrès radical-socialiste — et non
plus « républicain » (virgule), radical,
(virgule), etc., que nous assistons à
Lyon.
On eût dit presque que le Congrès
s'était transporté au Palais des Arts.
Jamais il n'a été mieux prouvé que
nous avons pour nous le nombre.
M. G. Hubbard a détaillé avec sa pré-
cision et son éloquence ordinaires les
cinq articles du règlement du parti
adopté par la commission compé-
tente.
MM. Debierre et le rapporteur, M.
Charles Philippe, conseiller général de
l'Yonne, ont insisté sur certaines modi-
fications nécessaires.
— Vous voulez, se sont-ils écriés,
donner comme l'an passé, des représen-
tants d'office aux départements chez qui
la vie démocratique n'est pas encore
active ?
C'est peut-être nécessaire pour offrir,
suivant le mot de G. Hubbard « une
émancipation facile à ces mineurs »,
mais décidez du moins que les déléga-
tions vacantes ne pourront être prises
que par des militants des départements
intéressés.
La réunion s'est ralliée à cette vue
ilu nroblème.
- Une autre discussion intéressante
s'est élevée sur le point de savoir s'il
convenait que le Comité eût un bureau,
que ce bureau fût permanent ou non,
que le président et les assesseurs fus-
sent élus par le comité lui-même ou par
Je Congrès.
- Rien de plus délicat ; le bureau per-
manent d'un grand parti prend facile-
ment des allures dictatoriales, sans bu-
reau permanent où chercher les res-
ponsabilités nécessaires?
| On a fini par s'accorder sur la néces-
sité de laisser le comité exécniif sa
donner un bureau permanent, en in-
sistant sur ce principe de droit que le
mandataire peut, à tout instant, être
révoqué par son mandant.
Le calme d'une délibération ardue
par moments, et par moments aussi, dé-
licate, le sérieux et la discipline de la
discussion font le plus grand honneur
aux groupements radicaux-socialistes
dont l'influence sur la direction du Con-
grès aura, cette année, été prépondé-
rante.
***
Maujan. qui présidait avant-hier,
a prononcé, de sa belle et large voix
qui « passe la rampe », comme on dit
au théâtre, un beau discours. Nos pré-
sidents nous gâtent. Maujan a abordé
tant de points du programme qu'avec
tout autre orateur, l'attention du public
se fût dispersée; Or, Maujan a été
écouté avec un intérêt toujours égal, et
ses paroles restent très nettes dans ma
mémoire. Je ne saurais songer à suivre
le député de la Seine dans un si complet
exposé. Je ne puis qu'enregistrer son
gros succès, à peu près égal à celui que
notre ami Dubief avait obtenu la veille.
***
Autre événement de la journée : le
rapport de Ferdinand Buisson sur l'en-
seignement. M.Ferdinand Buisson s'ex-
cusait d'avoir à lire deux petites pages
d'explications. Prodigieuse modestie,
qui nous est d'autant plus chère qu'elle
est plus rare dans les assemblées
politiques.
La lecture faite, tout le monde regret-
tait qu'elle fût sitôt finie.Et les applau-
dissements n'ont pas été ménagé? à ce-
lui qui, de l'aveu de ses pires adversai-
res, est comptable de l'œuvre de laïci-
sation de la République.
Naturellement, M. F. Buisson a
traité de la a liberté de l'enseignement»
et de l'équivoque créée à ce sujet par le
parti clérical.
Cette « liberté de l'enseignement » a
été pendant des années une gêne terri-
ble dont la démocratie n'arrivait pas à
se débarrasser.
Notre éminent confrère, M. A. Hue,
directeur de la Dépêche de Toulouse,
auteur de travaux considérables sur
l'enseignement laïque et sur la loi Fal-
loux, me disait à ce propos :
— J'ai commencé par croire, moi le
premier,à la « liberté d'enseignement».
Je sentais bien, quelque part, un so-
phisme de l'Eglise; mais je ne distinguais
pas le défaut du raisonnement clérical.
« J'ai fouillé les archives parlemen-
taires, les collections de l'Officiel et du
Moniteur ; j'ai trouvé pour prendre au
sérieux le droit exclusif du père de fa-
mille : les militants républicains en lutte
contre le second Empire, les hommes
de 1848, ceux de 1830, et ainsi de suite
jusqu'à ceux de la grande Révolution.
Mesdoutes etmon anxiétéétaientau com-
ble quand je songeai que si quelqu'un
devait posséder un droit, c'était l'inté-
ressé, c'était l'enfant et non le père de
famille. »
L'idée de M. A. Iiuc a fait son che-
min, et le superbe rapport de M. Ferdi-
nand Buisson n'est que l'explication du
nouveau principe républicain, fonda-
mental en matière de pédagogie : le
droit de l'enfant garanti par l'Etat.
M. Ferdinand Buisson, qui vient de
prendre une part active aux travaux du
Congrès de l'enseignement, a fait adop-
ter la thèse de cette assemblée spéciale
par l'assemblée politique dont nous sui-
vons les travaux : c'est le résultat d'une
entente entre les républicains qui croient
toujours à la nécessité d'une certaine
initiative privée dans les choses de la
pédagogie, et les républicains parti-
sans du monopole. M. Armand Depper
vous a parfaitement expliqué comment
s'est accompli ce mouvement de con-
centration, et je n'y reviendrai pas.
Il me reste à tirer la morale de tout
ce que vous avez lu sur le Congrès. Cette
morale vous la trouverez dans la dé-
claration du parti, due à Charles Bos et
que vous lirez plus loin ; cette morale,
elle est aussi contenue, à lia autre point
de vue, dans le discours de Ferdinand
Buisson, à la séance de dimanche ma-
tin, et dans l'allocution de M. Auga-
gneur, au banquet qui a suivi.
Nous nous en expliquerons dans un
article d'ensemble.
Hugues Destrem.
P.-S. —Aujourd'hui, réouverture des
Chambres; les séances du Congrès de
Lyon en auront dignement préparé les
travaux.
—————————— ♦ ——————————-
L'ALLEMAGNE A CUBA
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 13 octobre.
L'Allemagne nommera prochainement un
ministre plénipotentiaire à Cuba. Les frais de
la nouvelle légation figurent déjà au prochain
budget des affaires étrangères.
■ ——i ——————i
LE SOUS-MARIN ANGLAIS
(De notre correspondant particulier)
Londres, 13 octobre.
Le nouveau sous-marin construit à Barrow
pour le compte de l'amirauté britannique pré-
sente quelques défectuosités, entre autres celle-
ci : la submersion ne se fait pas assez rapide-
ment. On sera obligé de modifier les machines
et surtout l'appareil principal qui se trouve au
centre du bateau.
On n'y emploiera que ceux deg ouvriers qui
ont travaillé à la première construction du
soua-marin. Le secret le plus absolu est gardé
sur ces travaux.
On dit que le gouvernail aussi sera complè-
Jgjnent modifié» -.,
CAUSERIE PÉDAGOGIQUE
LA FETE DE JEAN MACÉ
Une idée heureuse. — Un grand édu-
cateur. — La vocation de l'enseigne-
ment. — Un écrivain et un homme
d'action. — Le suffrage universel
et l'instruction du peuple. -
Réflexions judicieuses.
M. Gabriel Compayré vient d'émettre l'idée
heureuse et originale d'instituer, dans les éco-
les primaires, une fête annuelle en l'honneur de
Jean Macé (1).
Si une proposition, dans ce sans, était faite
au Parlement, elle serait adoptée à coup sûr.
Elle serait en effet amplement justifiée aux
yeux de tous les républicains.
Jean Macé est, à plus d'un titre, un grand
éducateur qui a droit à la reconnaissance des
écoliers et du peuple. Toute sa vie leur a été
consacrée. Sa biographie est le récit d'un vé-
ritable apostolat pédagogique.
Il avait la vocation, la passion même de l'en-
seignement. Attaché à l'institution des jeunes
filles dirigée par Mlle Vérénot à Beblenheiua
(Alsace) sous l'Empire et à Monlhiers, dans
l'Aisne, après 1871, il a montré que rien ne
pouvait le distraire de ses fonctions do profes-
seur. Ses travaux d'écrivain, de conférencier,
d'homme politique ne lui ont jamais fait ou-
blier qu'il avait dos leçons à donner régulière-
ment. En vain, ses amis, et notamment Helzel,
le suppliaient-ils de se décharger au moins
d'une partie de sa tâche. Il ne voulait rien en-
tendre.
Pendant tout le temps qu'il fut sénateur, il ne.
se découragea pas, malgré la fatigue, de faire trois
fois par semaine le voyage de Paris à Monthiers,
en chemin de fer d'abord, jusqu'à Château-Thierry,
puis en diligence, pendant une heure et demie.
Il était à ce point professeur, dit encore M. Com-
payré, qu'il avait, dans sa longue pratique quoti-
dienne, contracté des habitudes gênantes, presque
des manies.
Il ne pouvait bien parler qu'assis. Il lui arriva
do dire sérieusement à une grave assemnlée d'hom-
mes mûrs : » Mes enfants, vous avez été bien
sages !. »
Ce « Professeur de demoiselles », s'ingéniait
et parvenait dans des livres d'une lecture agré-
able à mettre les connaissances scientifiques
à la portée des enfants.
Tout le monde connaît l'Histoire d'une bou-
chée de pain. L'ouvrage a eu un succès consi-
dérable. Tous ses écrits révèlent le professeur.
S'il a composé des pièces de théâtre, c'est pour
instruire ses élèves. Leurs titres l'indiquent
assez clairement: « La loçon de géographie »,
« La composition d'histoire » sont de sim-
plès leçons présentées sous une forme drama
tique.
M. Compayré nous apprend qu'un grand
nombre de pièces sont inédites, notamment
celles où Jean Macé figure lui-même avec Mme
Macé et Mlle Vérenet. On y trouve, paraît-il,
des scènes véritablement touchantes.
Tous ces ouvrages de bonne littérature sco-
laire et de vulgarisation scientifique ne consti-
tuent, pas malgré leur réelle valeur, le meil-
leur litre de gloire de Jean Macé.
La Ligue de l'Enseignement
l'homme d'action efface ea lui l'écrivain.
Son chef-d'œuvre, c'est la « Ligue française
de l'Enseignement ».
Il l'a fondée sous l'empire d'une préoccupa-
tion qui explique toute sa vie depuis 1848 et
que lui-même a fait connaître en ces termes :
Au matin du 25 février 1848, lorsque j'aperçus le
suffrage universel affiché sur les murs de Paris,
j'eus froid dans le dos. Je ressentis un mélange do
joie folle et de terreur secrète.
Il se défiait du vote populaire insuffisam-
ment éclairé.
La ratification du coup d'Etat, trois ans plus
lard, vint légitimer ses craintes. Estimant
qu'il aurait fallu trente ans d'instruction obli-
gatoire avant la proclamation du suffrage
universel, il s'efforça d'amener ses compa-
triotes à corriger, dans une certaine mesure,
l'erreur commise en faisant décréter, après
1848, l'obligation scolaire qu'on aurait dû éta-
blir longtemps auparavant.
Il travailla avec énergie, avec habileté, avec
persévérance, avec succès, à la réalisation de
son projet.
Il fonda et fit prospérer la Ligne française de
l'enseignement, celte belle association d'éduca-
tion nationale, qu'on a appelée avec raison « la
fille immortelle de Jean Macé. »
De fait cette « association d'avant-garde »
comme l'a qualifiée dernièrement à Lyon M.
Ferdinand Buisson met sur le chantier et éla-
bore toutes les réformes, grandes ou petites,
dont l'Université éprouve le besoin. Et ses tra-
vaux ne peuvent faire autrement que d'inspi-
rer le législateur, car ils sont conduits avec
toute la compétence, toute la méthode, toute
la probité nécessaires. Devenue aujourd'hui
une fédération de 2,839 sociétés d'éducation
disséminées dans la France et nos colonies,comp-
tant au nombre de ses adhérents une multitude
d'instituteurs, professeurs, inspecteurs et rec-
teurs, elle peut se documenter sur toutes les
questions d'enseignement avec autant de sû-
reté que de rapidité.
Le rôle de la Ligue
Son rôle considérable et son influence pro-
fonde s'expliquent donc naturellement.
Elle a été l'instrument avec lequel Jean Macé
a fait créer l'école primaire telle qu'elle existe
à l'heure présente, car c'est lui qui a réclamé
l'école gratuite et obligatoire.
C'est lui qui a fait désirer l'institution par la
nation, en organisant après la chute de l'Em-
pire une vaste pétition qui recueillit 1,267,267
signatures. Ce magnifique « mouvement na-
tional du sou contre l'ignorance » comme on
l'appela — chaque signataire devait verser un
sou — fut une grandiose manifestation laïque;
l'élan qui en résulta devint irrésistible. Le
Parlement en fut impressionné. Il se conforma
au vœu d'un seul homme devenu le vœu du
pays tout entier.
Jean Macé eut la joie de voir admettre son
programme dans le domaine des lois, « L'action
qu'il a exercée, dit justement M. Compayré, a
été féconde et décisive, et de ceux qui, depuis
trente ans, ont travaillé à édifier l'école moderne
— l'école de la liberté — il n'en est pas un qui
ne lui ait rendu hommage. Jules Ferry ne ca-
chait pas qu'il s'inspirait de lui. »
veauté pédagogique.
La mort de Jean Macô
Resté homme d'action et de propagande à
l'âge de 80 ans quand la mort vint le surpren-
dre le 6 décembre 1894 il n'était point parvenu
au but où il devait trouver le repos. Il ne l'au-
rait vraisemblablement jamais atteint ; car ar-
rivé vers celui que tout d'abord il avait aperçu
il en découvrait d'autres, et allègrement, repre-
nait sa marche vers eux.
Il a eu des funérailles dignes de lui, et de-
puis deux ans, son buste a été érigé sur la
place Armand Carrel, à Paris.
Sont-ce là cependant des témoignages suffi-
sants de reconnaissance pour l'honorer comme
il convient ?
A cette quéstion beaucoup répondront non.
Le? réflexions suivantes de M. Compayré
paraîtront tout à fait judicieuses:
(t) Voir la brochure Jean Macé et l'lnstructio.
obligatoire, par Gabriel Compayré, reoteur de l'A-
cadémie de Lyon, Qelaplalle, éditeur, t volume
ta-18 rçlîj -
Ce n'est pas seulement par un buste ou par des
obsèques solennelles que nous voudrions voir hono-
rer la mémoire de Jean Macé.Aux Etats-Unis où le
culte des bienfaiteurs de l'humanité est autrement
en honneur que chez nous ont aurait certainement
ètabli un jour de fête scolaire, un « jour de Jean
Macé ».
Dans ce jour consacré à la glorification de
l'école laïque, les enfants et les adolescents dans
les villes et dans les villages apprendraient à
connaître le nom de l'homme de bien qui a usé sa
vie à leur préparer l'instruction dont ils bénéfi-
cient aujourd'hui.
L'instituteur, ou bien quelques uns des amis dé-
voués qui maintenant entourent l'école de leur sol-
licitude, prendrait la parole, devant l'enfance et la
jeunesse assemblée, pour raconter l'existence du
maître et exposer son œuvre. »
Pour honorer sa mémoire
Et M. Compayré indique brièvement ce que
diraient les conférenciers : ils rappelleraient ce
que Jean Macé a fait pour l'école des enfants,
pour les adultes, pour les enfants, pour les
femmes. On lirait quelques extraits de ses li-
vres — les « pages choisies » sont à la mode.
Cette fête scolaire aurait, on l'avouera sur la
Saint-Charlemagne des lycées et collèges ou
la Sainte-Catherine de certaines écoles de filles
l'avantage d'avoir une claire signification. —
Armand Depper.
DÉCLARATION
du Parti Républicain radical
et radical-socialiste
Voici le texte de la déclaration, rédigée et lue
par Charles Bos, à la dernière séance du Congrès :
Le premier Congrès du parti républicain ra-
dical et radical-socialiste avait surtout pour but
de faire,à la veille des élections, l'union de tous
les républicains contre l'ennemi commun.
L'union a été faite, rien n'a pu la rompre: ni
les calomnies, ni les injures, ni les outrages
abominables dont les meilleurs d'entre nous
ont été les victimes. Un éclatant succès a cou-
ronné nos efforts.
Aujourd'hui notre parti est la majorité dans
le pays et au Parlement, il est aussi au pou-
voir. Il doit en envisager toutes les respon-
sabilités et savoir les assumer. La lutte n'est
pas finie, il faut dire au contraire qu'elle com-
mence.
Ce combat, toujours le même contre la même
réllctioo, ne peut être victorieusement soutenu
qu'à une condition essentielle, c'est qu'au
groupement d'instinct des républicains se subs-
titue une organisation logique et méthodique,
seul moyen de garantir l'observation d'une
discipline obligatoire. Telle est la raison de no-
tre second Congrès.
Tou, venus de partout,nous obéissons à une
pensée commune: fils de la Révolution, nous
voulons la continuer. Nous ne connaissons
donc pas d'ennemis à gauche et nous donnons
cot exemple, après un triomphe électoral que
nul ne nous conteste, de réunir une convention
des représentants les plus qualifiés de la démo-
cratie française pour consolider notre victoire
et la rendre définitive.
Comment ? En cessant de nous défendre
pour attaquer nos adversaires ; avec l'inten-
tion bien résolue de dire ce que nous som-
mes décidés à faire : la République laïque et
républicaine.
On nous traite de sectaires et de jacobins; ce
ne sont là que dos mots. Nous n'ignorons pas
les uns et les autres que la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen a proclamé
les libertés nécessaires et qu'il faut une action
énergique pour édifier le corps social que nos
pèros ont voulu.
Ils ont détruit ce qui existait avant eux.
Ils ont créé une nouvelle société, ils ont tout
fait en réalité. Mais la dictature est venue
qui a emporté une grande part de leur œuvre.
Cette part, nous devons la reprendre. D'autres
besoins sont nés, d'ailleurs, auxquels il faut
donner satisfaction. Le pays l'exigerait, si
nous étions tentés de l'oublier.
C'est pourquoi si,avec le bon sens et les don-
nées positives de la science moderne, nous res-
tons attachés à la propriété individuelle cc dont
nous ne voulons, comme le disait notre pre-
mier congrès, ni commencer ni même préparer
la suppression, parce que son principe repose
tout entier sur le droit inviolable de la per-
sonne humaine au produit do son travail », nous
pensons que nous devons prendre des mesures
contre cette féodalité nouvelle, financière et
industrielle, qui est une menace perpétuelle
pour le monde du travail aussi bien que pour
l'Etat.
Nous entendons que l'ouvrier ait la pro-
priété do son outil, comme le paysan a le sien
depuis la Révolution, que l'Etal devienne le
maître des chemins de fer, que le domaine pu-
blic s'augmente de certains monopoles rendus
nécessaires par des manœuvres de spéculation
et d'agiotage; trop de richesses nationales ont
été concédées à des particuliers qui abusent
da leur inexplicable privilège au point d'oser
invoquer la protection gouvernementale con-
tre les travailleurs et de faire craindre, sinon
de provoquer, de cette manière, les plus épou-
vantables catastrophes. Ces richesses doivent
revenir au pays, On ne prescrit pas contre la
nation.
Est-il utile au surplus d'indiquer, môme
d'une façon su ceinte, l'ensemble du programme
de notre parti? Caisse de retraite pour les tra-
vailleurs, arbitrage obligatoire, prévoyance,
assistance et assurance sociales, suprématie du
pouvoir civil, démocratisation de l'armée, jus-
tice gratuite, égale et commune pour tous, en-
seignement national à tous les degrés, réforme
complète de notre système d'impôts, séparation
des Eglises et do l'Etat ; tout cela a été, depuis
30 ans, développé éloquemment dans toutes les
professions de foi des républicains les plus
éminents, dans la déclaration du parti l'an
dernier, dans les beaux discours de Delpech,
de Dubief, de Maujan, de Buisson, qui ont
présidé les séances de ce Congrès. C'est là
notre horizon politique et social.
Mais de ce programme, que faut-il déta-
cher? Quelles sont les réformes qu'il faut réa-
liser immédiatement?
La République souscrirait à sa perte si elle
se laissait effrayer par la colère de Rome, de
la contre révolution. La Révolution avait sup-
primé les congrégations : supprimons-les à
notre tour. La Convention avait décidé que la
République française ne paierait plus les frais
ni les salaires d'aucun culte : imitons son
exemple. Préparons dès aujourd'hui la sépa-
ration des Eglises et de l'Etat.
A propos de l'enseignement, on ne cesse de
nous parler des droits du père de famille. Il
n'a pas ici d'autre droit que celui d'exercer
ses devoirs. L'enfant seul a des droits et c'est
à l'Etal qu'il appartient de les faire valoir, car
l'Etat seul a qualité pour se substituer aux
personnes humaines incapables de se défendre.
Donc, abrogation de la loi Falloux qui a li-
vré l'enfance aux jésuites, et puis, service pu-
blic de l'enseignement.
Notre système fiscal, plus vieux qu'on ne le
dit, car il a été emprunté presque entière-
ment à la vieille monarchie, constitue un sûr
abri pour toutes les iniquités sociales. Nous
répétons une fois de plus que nous voulons
tout de suite établir cet impôt progressif sur
le capital ot sur le revenu qui instituera la
vrafè proportionnalité, car chaque citoyen
sera greva suivant ses facultés, qui déchar-
gera les ouvriers des riïjiï dfiS campagnes,
et qui nous donnera les ressources dont nous
avons besoin pour faire la caisse des retraites
depuis si longtemps promise aux vieux travail-
leurs do ce pays.
La moyenne et la petite culture ont droit à
toute notre sollicitude. Des dégrèvements s'im-
posent à son égard. Du reste, nous ne faisons
aucune différence entre le travailleur des vil.
les et celui des campagnes.
La réduction du service militaire à 2 ans, est
une réforme virtuellement acquise. Sans doute,
vos élus auront encore à livrer, au sein du Par-
lement, un dur combat contre la réaction qui
ne peut se résoudre à renoncer aux dispenses
dont elle jouit. Mais le service de 2 ans sera.
voté. En même temps, nous saurons imposer
aux généraux de coup d'Etat comme aux offi-
ciers enrégimentés par l'Eglise, le respect des
institutions républicaines.
La discipline ne peut exister dans l'armée
nationale qu'à la condition d'êlre la même pour
tous.
En disant que l'armée doit se préparer dans
13 silence à remplir tout son devoir au cas où
l'intérêt supérieur du pays l'exigerait, nous
sommes assurément plus patriotes que ceux
qui veulent la faire servir à favoriser des pro-
nunciamicntos ou bien encore à intervenir dans
les conflits si douloureux qui se produisent
entre le capital et le travail.
D'ailleurs,un gouvernement ne vaut quelque
chose que s'il est bien servi par ses fonction-
naires. Que ceux-ci appartiennent à l'armée ou
aux administrations civiles, peu importe; payés
par la République, ils ont l'impérieux devoir
de l'aimer et de la défendre.Contre ceux qui se
sont risqués à l'oublier, la suppression de
l'inamovibilité de la magistrature et des révo-
cations impitoyables donneront au pays l'im-
pression que le parti républicain entend enfin
gouverner.
Est-ce tout ? Pas encore : à côté d'une jus-
tice civile plus qu'imparfaite, il en existe une
autre, dont tant de décisions font injure au
bon sens public. Dès maintenant, nous pouvons
dire que 16s conseils de guerre, que les conseils
do corps, que les pénitenciers militaires et que
les compagnies de discipline ont vécu. Le pays
n'en veut plus. Le Parlement, saisi par nous,
les supprimera.
Le suffrage universel s'est prononcé. Il nous
a dicté ses volontés, et bien qu'une corruption
effrénée, contre laquelle nous saurons sévir en
rétablissant le scrutin de liste, ait tenté d'en
fausser le sens, le suffrage universel a parlé
d'une façon aussi nette que possible. Oui, le
pays est las de tant d'engagements qui ont été
pris et qui n'ont pas été tenus. Il veut des réa-
lisations. Notre uniou nous donne la force
d'agir et d'aboutir. C'est d'ailleurs dans la po-
litique de réformes que la République trouvera
sa puissance - et la patrie sa grandeur.
Voir à la 39 page
les DERNIERES DEPECH ES
de la nuit et -
la REVUE DES JOURNAUX
du matin
CRITIQUE INJUSTIFIÉE
U. Sigismond Lacroix écrit dans le Radical:
Je ne suis pas très sûr que la suppression des
congrégations figure dans la Déclaration finale
du Congrès, lue à la hâte, à la dernière minute,
par M. Charles Bos ; si elle y est inscrite, c'est que
j'aurai mal entendu.
M. Sigismond Lacroix a, en effet, mal en-
tendu. S'il avait bien entendu, los paroles sui-
vantes auraient frappé ses oreilles :
La Révolution avait supprimé les congrégations,
supprimons-les à notre tour; la Convention avait
décrété que la République française ne paierait
plus les frais ni les salaires d'aucun culte ; imitons
son exemple. Préparons dès aujourd'hui la sépa-
ration des églises et de l'Etat.
Si M. Sigismond Lacroix avait attendu vingt-
quatre heures, il aurait eu sous les yeux un
texte exact, qui lui aurait épargné de critiquer
à tort la Déclaration du parti.
REVEIL DE L'ESPRIT RÉPUBLICAIN
(De notre correspondant particulier)
Avranches, 13 octobre.
Pour la troisième fois, depuis quelques se-
maines, les électeurs d'Avranches viennent
d'élire un nouveau conseiller municipal répu-
blicain, M. Théault, manufacturier, qui avait
pour concurrent le clérical docteur Béchet.
La majorité républicaine de cette assemblée
se trouve ainsi assurée et, par suite, la dé-
mission du maire nationaliste, le médecin ma-
jor retraité, docteur Oberlin, parait inévitable.
C'est un véritable réveil de l'esprit républi-
cain dans une ville tenue trop longtemps sous
le joug du pire cléricalisme, et aux ouvriers
de la dernière heure nous adressons nos plus
sincères félicitations.
TOUT POUR LA PROPAGANDE RELIGIEUSE
(De naIn, correspondant particulier)
Munich, 13 octobre.
te capucin Benno Auracher, rendant compte
de l'audience que le, pape lui a accordée tout
récemment, raconte que Léon XIII, à sa der-
nière réception, aurait tenu aux évêques fran-
çais les propos suivants :
Dites à votre clergé qu'il ne se contente pas do
prononcer des sermons, mais qu'il aille dans le
monde; il faut que les prêtres aillent trouver les
gens là où l'on peut les prendre encore et qu'ils les
amènent dans les sociétés et oeroles catholiques
pour ranimer la vie religieuse.
UNE GRACE DU TSAR
(De noire correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 13 octobre.
Le grand-duc Nicola?,quiest le fils du grand-
duc Nicolas Constantinowitsch, et qui, depuis
30 ans, est exilé en Asie cenltale, se trouva
gravement atteint d'une maladie nerveuse. Le
tsar Nicolas, en apprenant le sort de son
malheureux parent, a été vivement ému et lui
a envoyé le professeur Merscheyewski, une
des illustrations de l'Université de Saint-Péters-
bourg.
Le tsar a même exprimé l'intention d'aller le
voir et de se reconcilier avec le mourant. Le
grand-duc était tombé en disgrâce sous le rè-
gne d'Alexandre II, pour avoir contracté un
mariage considéré comme mésalliance. Toute
la famille avait rompu avec lui, excepté la
reine de Grèce, sa sœur, qui lui avait toujours
conservé ses sympathies.
INCENDIE AU MINISTERE DE LA GUERRE ITALIEN
fDe notre eorretponiani particulier)
Rome, 13 octobre.
A 7 h. du soir, un incendie s'est déclaré
au ministère de la guerre, dans le bureau de
M. Diaz, commandant attaché au grand état-
major.
Les carreaux des fenêtres ont éclaté par
suite de la chaleur mais on a pu à temps étein-
dre les flammes. A côté du bureau où le feu a
pris, se trouvent les archives du grand état-
major. Elles n'ont oas été atteintes car les
gammes.
LES GÉNÉRAUX BOERS
A PARIS
-
Pour dire merci.— A la gare du Nord.
— L'arrivée. — Chaleureuse récep-
tion. — Discours de MM. Pauliat
et Herbette. — Autres discours.
— Le cortège dans Paris. — A
l'Hôtel de Hollande.- Accueil
enthousiaste.
Les trois généraux boers Dewet, Delarey et
Botha sont arrivés hier à Paris.
Les trois héros, qui sont venus uniquement
faire à leurs amis français une visite de remer-
ciements, ont reçu un accueil chaleureux et
enthousiaste do la part de la population pari-
sienne.
Dès midi, une foule énorme stationnait aux
abords de la gare du Nord. M. Lépine dirigeait
lui-même le service d'ordre.
Dans l'intérieur do la gare, la salle d'attente
des deuxièmes classes, qui se trouve juste en
face de l'extrémité du quai des rapides de Bru-
xelles,avait été transformée en un joli salon de
réception. Elle était complètement tendue d'é-
toffes rouges, que relevait la verdure do mas-
sifs d'arbustes. C'est là qu'allendeut les da-
mes déléguées; elles ont à leur tête Mme
Albert Dumont, présidante du « Sou des
Boers ».
C'est là que se réunissent :
M. Pauliat, sénateur, président du comité pour
l'indépendance des Boers, M. Piot, sénateur, admi-
nistrateur du comité pour la reconstitution du pa-
trimoine des Boers, MM. Millevoye et >.rges
Berger, députés, Herbotte, conseiller d 'LLlonel ae Ramei, pierson, Ernest Caron, C",:'lseHler
municipal.
L'accès du quai d'arrivée est strieiemeai iD..
terdit.
L'arrivée du train
Le rapide de Bruxelles arrive à midi cin-
quante, il a deux minutes d'avance. Le quai
est bientôt envahi par de nombreux curieux.
M. Scandberg,ancien aide de camp do Botha,
descend d'abord du train.. Il porte un énorme
bouquet aux couleurs française?, remis aux
généraux à Saint-Quentin.
Les trois généraux apparaissent alors. Ils
sont en redingote noire.
Aussitôt tous les fronts sa découvrent, mais
aucun cri n'est poussé.
Celte scène est absolument imposante, inou-
bliable.
Les généraux serrent les mains à la ronde.
Le silence continue à être 'complot, religieux.
On regarde les trois combattants, qui semblent
tout heureux de cette réception sympathique
et discrète ; mais aucun cri ne monte aux lè-
vres. Ce n'est que lorsque, sur les instances de
MM. Pauliat et Herbolte, le cortège a été formé
et que les trois généraux, côte à côte, se sont
avancés vers le salon de réception, que, sou-
dain, éclatent de toutes paris les cris enthou-
siastes de : a Vivent les Boers 1 Vive.la liberté!
Vivent les héros! Vive Dewot 1 Vivo Dela-
rey ! Vive Botha ! » Les généraux, surpris, et
comme intimidés, saluent à chaque pas.
La réception
tes généraux pénètrent dans le S!0n de ré-
ception où seuls quelques privilégias sont ad-
mis.
C'est là que les discours odî Mé prononcés.
Discours de M. Pauliat
M. Pauliat parle le premier et, très ému, il
prononce un discours dont nous extrayons les
passages suivants:
Je vous souhaite la bienvenue dans la capitale
do la France, dans la capitale d'un pays dont le
cœur,pendant votre lutte héroïque de deux ans et
demi, a constamment battu à l'unisson du vôtre,
qui a partagé toutes vos joies,toutes vos angoisses,
toutes vos espérances, et qui, le jour où la dure
nécessité vous a contraints de déposer les armes,
n'a certainement pas souffert moins que vous.
Dans le cours entier de son histoire, la France a
toujours été du côté de l'indépendance des peuples,
du côté des vaillants et des courageux, mettant la
liberté au-dessus de tout et prêts à tous les sacri-
fices pour résister à l'oppression.
Mais lorsqu'elle vous a vus à l'œuvre, confiante
dans votre droit et dans la justice, vous dresser
contre le plus grand empire du monde et le tenir
en échec, lorsqu'elle vous a vus surtout, en dépit
des conditions inégales que vous faisait une guerre
barbare, vous refuser à l'emploi de moyens ré--
prouvés par le droit des gens et la conscience hu-
maine, vous lui avez arraché un cri d'admiration,
et, dans son esprit comme dans son cœur, vous
avez pris une place qu'auoun autre peuple n'y avait
eue avant vous.
La caractéristique de la race française, ce qui la
distingue des autres races, c'est sa foi dans la jus-
tice et le droit, o'est sa conviction absolue que la
justice et le droit ne sont pas seulement des mots
-et ne représentent pas seulement les idées mo-
rales, mais qu'ils constituent par. eux mêmes
une puissance matérielle qui, bien conduite, finit
toujours par prévaloir et par s'imposer.
C'est pourquoi, malgré les événements en appa-
rence contraires, notre confiance devient inébran-
lable dans l'avenir des populations boers de l'Afri-
que du Sud.
Vos déclarations nous ont fait connaître que,
respectueux de la parole donnée et vous inclinant
devant les faits, vous entendez observer fidèlement
toutes les clauses du traité que vous avez signé.
Semblable résolution n'a rien qui doive surpren-
dre de la part de caractères aussi droits et aussi
loyaux que les vôtres. C'est une autre forme da
votre héroïsme.
Nous estimons que ce serait offenser vos adver-
saires d'hier, si on supposait que sur ce point ils ne
montreront pas autant de scrupules que vous.
Nous savons également que l'objet de votre
voyage à travers le monde est de faire appel aux
peuples civilisés en faveur des lamentablés infor-
tunes laissées par la guerre.
Pour ce qui regarde le concours de la France
dont vous devenez aujourd'hui les hôtes, nous pou-
vons assurer d'avance que comme par le passé.elle
fera tout ce qu'elle pourra.
Des applaudissements frénétiques ont ac-
cueilli ce discours, que M. Scandberg a en-
suite traduit dans ses grandes lignes.
Les généraux ont alors serré la main do
l'orateur et Bolha a remercié ensuite en quel-
ques mots, également traduits par M. ScaGd.
berg.
Discours de M. Herbette
M. Herbetle, conseiller d'Etat, a ensuite pris
la parole. Il a prononcé un discours admira-
ble. dont le manque do place nous oblige à ne
citer qne les extraits essentiels.
Dans notre langue, a-t il dit, humanité et bonté
sont synonymes, comme le sont francs et Français.
La grande famille française, qui a rêvé d'être
comme un commencement de famille humaine,
nous donne le droit de voir en vous des parents.
Ne retrouve-t on pas, dans la nation sud-africaine,
une large part de sang français ?
Comment ceux qui vous sentaient, même do si
loin, dans l'angoisse, n'auraient-ils pas eu le cœur
serré? Notre pays s'est trouvé un pour s'émouvoir,
comme le vôtre pour lutter. Femmes et enfants
ont pris part, chez nous, à la douleur, comme chez
vous aux efforts sublimes du patriotisme. Jamais
n'est apparue de façon plus admirable la force da
ceux qu'on appelle les faibles.
L'art, dont vous voyez ici l'éminent représen-
tant, a donné, comme le dévouement charitable des
dames, une aide puissante. L'Œuvre artistique de
secours aux victimes de la guerre sud africaine
a provoqué, à Paris, une exposition précédant celle
que vous avez pu admiïer à la Haye et qui aura
préparé des souscriptions et des loteries impor-
tantes. Ainsi le beau s'est mis au service du bien.
Les artistes étrangers, nos botes, ont fait union
avec nous.
Puisque vous remerciez notre patrie, laissez-noal
remercier la vôtre. C'est enrichir l'Humanité que
révéler des forcos nouvelles de courage, d'aboéga.
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