Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1901-09-06
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 septembre 1901 06 septembre 1901
Description : 1901/09/06 (N11501). 1901/09/06 (N11501).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7548968w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
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NOS LEADERS
LIATIÈME
« Attendu que M. Fasquelle a édité
un livre intitulé : « Les Vingt et un
a jours d'un neurasthénique », dans le-
quel l'auteur raconte une conversa-
tion qu'il aurait eue en chemin de fer
avec M. Emile Ollivier, conversation
dans laquelle il prête à M. Emile Olli-
vier les propos les plus grotesques et les
plus sots. » — ; ainsi débute la som-
mation adressée par M. Emile Ollivier à
l'éditeur de la nouvelle œuvre d'Octave
Mirbeau.
Quand ce papier a fait, il y a quelques
jours, le tour de la presse, on a cru d'a-
bord à une fumisterie. Il paraît que
c'est on ne peut plus sérieux.
Si, dans « les vingt et un jours d'un
neurasthénique », ce livre d'une si puis-
sante et si cruelle ironie, où s'affirme,
avec une maîtrise nouvelle, le grand
talent d'Octave Mirbeau, vous n'avez
pas lu encore l'imaginaire conversation,
en wagon, avec M. Emile Ollivier, hâ-
tez-vous de la lire : c'est une page sai-
sissante.
Elle demeurera inoubliable la silhou-
ette ici tracée, d'une plume dont le bec
déchire, de cet Emile Ollivier qui a
tout oublié et qui, avec une incon-
science vraiment terrifiante, parle de
principes, de morale, de patrie.
A voir l'attitude prise par M. Emile
Ollivier, on serait tenté de croire que
cette conversation a réellement eu lieu,
que cette inconscience existe, que M.
Emile Ollivier a, en effet, tout oublié.
Nous nous souvenons, nous.
L'homme est aujourd'hui un vieil-
lard et comme il ne peut plus nuire, vo-
lontiers, étant tournés plutôt vers l'ave-
nir que vers le passé, nous accorderions
à ses derniers jours la hautaine amnis-
tie du mépris.
Mais puisqu'il semble éprouver le
besoin étrange de reparaître, puisque,
sans pudeur, il a osé récemment pren-
dre la parole à l'Institut, puisque main-
tenant il s'adresse aux tribunaux pour
obtenir d'eux un respect auquel il n'a
point droit, qu'il ne s'étonne pas si nos
deuils, nos colères, nos justes haines,
ainsi remués, montent en paroles à no-
tre bouche.
M. Emile Ollivier appartient à l'his-
toire, et cette histoire pour lui est un
pilori.
***
Quel homme, jamais, en aucun temps,
a plus que lui mérité l'exécration pu-
blique ?
Fils d'un vaillant républfcain qui
avait lutté contre Décembre, frère d'un
républicain tué dans un duel politique,
M. Emile Ollivier avait derrière lui tout
un passé d'honneur civique ; il a renié
ce passé ; il a déchiré les pages d'hon-
neur que les siens avaient écrites ; il a
manqué à sa parole ; il a souillé inefIa-
çablement. le nom qu'il porte ; il est
absolument sans atténuation possible,
sans excuse à invoquer, puisque seuls
son orgueil, son ambition l'ont fait
trahir : le traître; et au bout de sa
trahison, il y a eu pour la France, con-
duite par lui à sa perdition, l'effroyable
aventure du désastre et du démembre-
ment.
Comment peut-il ne pas se rendre
compte de l'horreur tragique qui l'en-
toure? Comment ne comprend-il pas
que l'évocation seule de son souvenir
est odieuse à tout cœur Français?
Ainsi s'exprime Mirbeau : — « Ce
nom de : Emile Ollivier, que je venais
do proférer. retentit dans le wagon
comme un écho tragique du passé. Et
je frissonnai, à ce nom, de la tête aux
pieds.Car, dans ce nom, au moment où
il était sorti de mes lèvres, j'avais perçu
nettement, distinctement, et, pour ainsi
dire un à un, les grands cris de rage,
les sanglots des veuves, les malédic-
tions des mères, les hurlantes clameurs
de la défaite. »
***
L& 9 août 70, après Wissembourg,
après Forbach, après Wœrth, lorsque
par l'éventrement de la frontière, le
flot de l'invasion se ruait en France,
l'homme fatal s'écroulait et à la foule
immense qui attendait, pleine de fièvre
et d'angoisse, place de la Concorde,
Jules Simon, en sortant du corps légis-
latif, criait:
— « Citoyens, je voudrais avoir plu-
sieurs bonnes nouvelles à vous annon-
noncer. Je n'en ai qu'une. Le ministère
Ollivier n'existe plus. »
Et une immense acclamation, réper-
cutée par toute la France, saluait la
ehutc du misérable ambitieux qui, en i,
peu de temps, avait fait tant de mal à la
patrie.
Est-ce que ces clameurs vengeresses
ont cessé de gronder sur la tête du cou-
pable ?
Est-ce que, comme le dit éloquem-
ment Mirbeau,il ne suffit pasde pronon-
cer seulement son nom pour réveiller
l'écho de ces rugissements ?
Oh ! qu'il se taise ! qu'il se taise 1
par pudeur. Qu'il achève silencieuse-
ment de traîner le fardeau de sa vieil-
lesse déshonorée, nous aurons la clé-
mence de l'ignorer.
Jadis on avait la colère plus brutale.
Pendant des années s'est dressée lamen-
tablement, sous les outrages, sous les
ordures, carrefour Bucci, la statue du
Perrinet Leclerc qui livra, par trahison,
le Paris de Charles VI aux Bourgui-
gnons, statue expiatoire mise là pour
que tout passant pût le mutiler d'un
coup de pierre, le flageller d'un cra-
chat.
Qu'est le crime de Perrinet Leolerc à
coté de celui d'Emile Ollivier ?
Certes, nous ne demandons pas un
semblable châtiment ; mais qu'il se
taise, l'homme funeste; qu'il n'avive
pas nos souffrances, qu'il ne les exas-
père pas en nous rappelant qu'il existe,
qu'il est lui-même le monument vivant
de son inexpiable honte.
***
Quelle aberration est la sienne?
A-t-il pu croire que nous oublierions,
non? Ne sait-il pas que nous le haïssons
de toute notre âme, nous républicains,
nous Français ?
Est-ce que, depuis trente ans , son
nom a été prononcé une fois sans qu'une
malédiction accompagnât l'énoncé de
ce nom infâme? Est-ce. qu'il n'y a pas
eu, est-ce qu'il n'y a pas unanimité pour
le flétrir?
Que veut-il? Qu'espère-t-il? A-t-il
fait le rêve insensé d'une impossible
réhabilitation ?
En 1880, je crois, un poète, Jean Ri-
chopin, avait entrepris dans un journal
une série de portraits rimés d'académi-
ciens ; c'était gai, épigrammatique, point
méchant, plein d'esprit, et le public
riait avec l'auteur ; mais, quand il fut
arrivé au nom d'Emile Ollivier, Richepin
sentit passer dans ses veines cet horrible
frisson dont Mirbeau vient encore de
parler, vingt ans après, et qui, tant
qu'il y aura des Français, glacera leur
sang et fera pâlir leur visage, chaque
fois que le nom d'Emile Ollivier sera
prononcé.
Alors Richepin comprit que, puisqu'il
s'agissait de cet homme, il ne pouvait
plus être question de plaisanter, de rire ;
au lieu d'une chanson alerte, ce fut une
ode furieuse qui jaillit hors de lui, une
page superbe, d'une incomparable puis-
sance d'invective, d'une envolée magni-
fique, la plus belle chose, à mon avis,
que Richepin ait jamais écrite.
Je voudrais la citer toute entière ; elle
vaut, certes ! d'être rappelée ; mais la
place me manque ; et puis elle est — à
juste titre — d'une violence inouie, et
je sens en moi, je l'avoue, cette hau-
taine pitié à laquelle je faisais allusion
tout à l'heure pour l'homme qu'écrase
à jamais l'anathème de la France.
Lucien Victor-Meunier.
Nous publierons demain un article
de M. Henry Fouquier.
LE VAIN DISCOURS DE M.. MÉLINE
Nous avions fort bien com-
pris que M. Méline avait
éprouvé le besoin d'aller péro-
rer à Remiremont, simplement
parce qu'il s'ennuyait à Paris
et qu'il avait envie de tailler
une bavette avec des amis de
son insipide politique. Tout dans son dis-
cours indiquait qu'il n'avait rien de sé-
rieux à dire, et qu'il avait proclamé n'im-
porte quoi, à l'occasion de rien du tout.
Voilà ce que nous avions expliqué dés
que nous avions eu connaissance de la
harangue de l'homme qui nous gouverna
deux ans, avec la complicité des droites.
Le Temps, qui n'a pas toujours le nez
creux, a commis cette erreur risible de croire
que si M. Méline avait causé longuement,
c'était pour exposer une idée quelconque.
Le verbiage de l'ancien président du con-
seil avait rapport, vaguement, au «malheur
des temps » où nous vivons ; à de préten-
dues attaques dirigées contre l'armée, et à
une soi-disant nécessité, méconnue, paraît-
il, -de défendre cette armée. Le Temps a
supposé que M. Méline accusait, d'accord
avec les nationalistes, le gouvernement de
M. Waldeck-Rousseau de « désorganiser la
défense nationale ».
La République, interprète de M. Méline,
répond que celui-ci se garde de rien penser
de tel.
Allons ! Nous avions donc raison : M.
Méline se complait dans l'absence des
idées ; seule, la faculté de la parole survit
chez lui à celle de la pensée.
Voilà, après nous, le Temps qui se met à
rire. Mais il rit jaune, comme les gens qui
comprennent un bon mot trop longtemps
après l'avoir entendu. — Ch. B.
LES VACANCES DE NOS ENFANTS
Les élèves des classes de vacances des écoles
(garçons et filles) du XVIIt arrondissement ont
excursionné hier.
Un train spécial a conduit les 900 enfants à
Maisons- LLf fitte où l'on a déjeuné « sur
l'herbe n. Et le soir on n'est revenu qu'à ^pt
heures.
C'est la Caisse des Ecoles du XVIIe arron-
dissement qui offrait cette promenade aux pe-
tits Baligoollais qui ne quittent pas les Bati-
goolles durant les grandes vacances.
L'INCIDENT
FRANCO-TURC
OU EN EST LA QUESTION
L'histoire du conflit. — Deux dépêches
de l'Agence Havas. — Une note
du « Temps)
Ainsi que nous l'avons annoncé, M. Cons-
tans quitte ce soir Paris, pour se rendre dans
sa propriété de l'Aveyron.
Règlement complet exigé
On télégraphie à l'agence Havas :
Constantinople, 3 septembre.
Tandis que jusqu'ici la Porte semble n'avoir
encore formulé aucune offre positive pour le
règlement des créances françaises, il paraît
certain, d'après le ton des communications
venues do Paris, que de son côté le gouverne-
ment français est fermement résolu à exiger,
non seulement le règlement des créances Lo-
rando et Tubini, mais à demander également
la solution de plusieurs autres affaires, avant
de reprendre les relations diplomatiques avec
la Turquie.
Bruit démenti
On télégraphie à l'agence Havas :
Toulon, 4 septembre.
Un journal parisien du soir annonce que des
ordres ont été envoyés au port de Toulon en
vue de l'armement da trois navires de l'esca-
dre do réserve qui auraient pour mission d'al-
ler faire une démonstration navale sur les cô-
tes turques.
Aucun ordre de cette nature n'est parvenu
jusqu'ici à la préfecture maritime.
La Société des Quais
On mande de Constantinople, 3 courant, à la
Gazette de Francfort :
M. Ghranet, président de la Société des Quais
de Constantinople, part aujourd'hui pour Paris,
où il est appelé par M. Delcassé.
On réclame des réformes
Constantinople, 3 septembre.
On estime dans les cercles financiers que le
moment actuel serait très opportun pour l'in-
troduction de quelques réformes dans l'admi-
nistration financière turque, et que les finan-
ciers français et anglais ayant des intérêts dans
les finances turques feraient bien de s'occuper
de la question.
En ce moment, le gouvernement turc ne
s'occupe pas do la question d'un emprunt, mais
il a l'intention de constituer une nouvelle
commission présidée par le sultan, qui sera
chargée d'étudier la situation financière.
Observations de la Russie
Constantinople, 3 septembre.
M. Zinoview, ambassadeur de Russie, a ap-
pelé hier l'attention de la Porte sur la situation
dans la Vieille-Serbie. Il a fait ressortir la né-
cessité do prendre de sérieuses mesures pour
le rétablissement de l'ordre.
La presse française
Le Temps publie la note suivante dont le gou-
vernement de la Porte fera bien de remarquer le
ton. et la conclusion :
Le gouvernement français ayant fait savoir
à Munir Bey que sa présence à Paris n'avait
plus d'objet, la rupture diplomatique entre la
France et la Turquie est accomplie. On attend
maintenant à Paris les résolutions que la
réflexion pourra suggérer au sultan.
Il n'a échappé à personne que l'annonce
d'une arrivée prochaine de l'escadre française
dans les eaux ottomanes avait, naguère, in-
cliné le sultan à céder aux réclamations fran-
çaises. Lorsqu'on suit au jour le jour le détail
des négociations entre M. Constans et le sul-
tan, on se rend un compte exact des seuls
arguments qui aient un poids décisif au pa-
lais d'Yildiz. C'est, en effet, le vendredi 9 août,
jour de selamlik, que le sultan assura notre
ambassadeur à Constantinople que les affaires
litigieuses qui avaient motivé, quelques se-
maines auparavant, la remise d'un note à la
Porte, seraient immédiatement réglées. On
sait qu'il n'en fut rien.
Ce jeur même, une division de l'escadre de
la Méditerrannée, mouillée au golfe Jouan et
composée des cuirassés Charles-Martel, Bouvet,
Jauréguiberry, du croiseur Galilée et du con-
tre-torpilleur Epée, avait d'urgence complété
à Villefranche, ses vivres et son combustible
en vue d'opérations imminentes. Sa destina-
tion, annoncée dans quelques journaux, de*
vail être le Levant.
Aussi le 15 août, M. Constans obtint-il du
sultan et de ses ministres la promesse for-
melle que, dans un délai de quatre jours, il
recevrait les iradés impériaux concernant le
réglement définitif des litiges.
Mais cette force armée ne quitta pas le golfe
Jouan. Bien plus, le 22 août elle revenait à
Toulon pour aller prendre part aux manœuvres
de l'Atlantique et à la revue navale de Dun-
kerque.
Si bien que les ministres ottomans, qui
avaient, dans leur séance du 18 août, com-
mencé déjà à éluder certaines des clauses de
l'entente intervenue entre le sultan et M,
Constans, montraient qu'ils pensaient pouvoir
remettre encore la complète exéention. De
sorte que le gouvernement français dut, te 26,
rappeler son ambassadeur.
Toute l'histoire du conflit tient entre ces
cinq dates. Le voyage du tsar parait en sus-
pendre pour quelques jours la conclusion na-
turelle ; mais, dans les cercles diplomatiques,
on pense que le sultan profitera de ces deux
semaines de répit pour céder.
Le Matin nous raconte cette jolie anecdote.
Il y a quelques jours, lorsque Munir-Bey
quitta Asnières — car il était tout simplement
à Asnières — pour rentrer à Paris et y donner
sa fête à l'hôtel de la rue de Presbourg, il crut
devoir aller rendre visite à M. Constans. La
visite a été soigneusement qualifiée de « visite
de courtoisie ) ; mais il va sans dire que l'en-
trevue des deux ambassadeurs ne fut pas ex..
clusivement consacrée à parler de la pluie et
dubeau temps et qu'elle ne se passa pas uni-
quement en salutations protocolaires. On
« causa » et, à un moment donné, Munir-Bey
demanda à son interlocuteur la permission de
lui lire le texte d'une dépêche qu'il se propo-
sait d'envoyer le soir même à son impérial
souverain, le sultan.
Dans cette dépêche, se trouvait la phrase
suivante:
« Quant aux autres difficultés pendantes
entre les deux pays, elles pourront être ré-
gléeslorsque M. Constans sera retourné à Con-
stantinople. »
A cette phrase, notre ambassadeur, qui avait
écouté silencieusement la lecture du factum
de Munir-Bey, interrompit :
- Vous permettez ? flt-il avec un sourire.
Et, prenant une plume qui se trouvait sur
la table, il biffa tranquillement sur le papier
de Munir-Bey la phrase qui venait d'être
lue.
Puis, avec le même sourire, il expliqua :
— Je raye parce que c'est inexact. Je ne
rentrerai à Constantinople que lorsque tout
sera réglé 1 M--à
Munir-Bey reprit la lecture de son télé-
gramme, un peu penaud. Les langues indis-
crètes oréleudent que, d'ailleurs, il télégra-
phia tout de même la phrase biffée au sul-
tan.
L'anecdote est ainsi complétée par M. Marcel
Butin dans l'Echo de Paris :
M. Constans, à qui je demandai jeudi ce que
Munir-Bey pouvait bien avoir à lui raconter,
me répondit avec son sourire :
« - Bah 1 il a voulu simplement me tirer les
vers du nez ! »
Cette réponse topique indiquait nettement le
caractère de la visite de Munir-Bey.
Or, savez-vous ce que le lendemain S. E.
l'ambassadeur turc télégraphiait à Tewfik-Pa-
cha ?
Ceci tout simplement :
« Ai vu Constans en présence de Delcassé :
tout s'arrange! »
Bien entendu, M. Delcassé n'avait pas reçu
la visite de Munir-Bey, visite à laquelle le mi-
nistre se fût opposé. Quant à la conversation
entre M. Constans et Munir-Bey, elle avait
lieu à l'hôtel du Palais d'Orsay où M. Cons-
tans était descendu,
La Liberté fait cette remarque :
Il conviendrait qu'au point où en sont ve-
nues les choses, les journaux français s'abs-
tinssent soigneusement de faire de la polémi-
que de parti à propos des incidents de Cons-
tantinople ; elle ne peut que l'encourager à la
résistance.
On raconte que M. Delcassé n'est nullement
d'accord avec M. Constans, que le ministredes
affaires étrangères a voulu louvoyer et a ter-
giversé; or, il n'y a jamais eu la moindre di-
vergence entre le ministre et l'ambassadeur;
c'est le ministre qui a donné l'ordre à M. Cons-
tans de s'embarquer pour la France, M. Cons-
tans a encore attendu six jours avant de s'y
conformer. De pareils racontars sont soigneu-
sement télégraphiés à Yldiz-Kiosk. et le sultan
ne manque pas de les prendre pour de l'argent
comptant.
La presse européenne
Londres, 4 septembre.
Dans un article, le Times dit que les termes
de la note officielle publiée hier devraient con-
vaincre le sultan que la résolution de la France
est sérieuse et que cette puissance n'hésitera
pas à soutenir ses réclamations par tous les
moyens qui seront nécessaires.
Par sa race, par son tempérament, par son
éducation et par la pratique, Abdul-Hamid
est, dit le Times, passé maître dans l'art de
tergiverser ; mais M. Delcassé n'est pas homme
à se laisser duper par lui.
M. Delcassé, depuis qu'il est au quai d'Or-
say, a montré qu'il joignait à des vues modé-
rées une grande courtoisie de manières, une
fermeté et une ténacité exceptionnelles.
Si le sultan compte sur un. appui quelcon-
que, il se trompe; les sympathies et les vœux
de la majorité des puissances sont avec la
France dans ce différend qu'elles estiment être
une querelle de la civilisation contre la bar-
barie et aucune puissance ne lèvera un doigt
pour aider les Turcs.
Vienne, 4 septembre.
Le Neues Tagblatt écrit, à propos de la rup-
ture des relations diplomatiques entre la
France et la Turquie, que le gouvernement
français a montré suffisamment de patience
avant d'inviter Munir-Bey à quitter Paris.
S'il plaît au sultan et à la sublime-Porte de
faire naître des conséquences désagréables pour
la Turquie, c'est leur affaire ; mais partout on
doit reconnaître qu'aucune grande puissance
n'aurait pu, dans un cas semblable, agir autre-
ment que la France.
Voir à la 36 page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
UN GÉNÉRAL PUDIBOND
(De notre etfrespondant particulier)
Mayence, 4 septembre.
Le général von Lindequist, chef du 18e corps
d'armée,a interdit à ses troupes de chanter des
chansons obscènes ou pouvant choquer les
bons principes.
Tout contrevenant encourt des peines sévères.
PAIEMENT DE L'ITALIE AU NÉGUS
(De notre correspondant particulier)
Rome, 4 septembre.
Au budget de lacolonie érythréenne, le gou-
vernement a fait inscrire la somme de 990,000
francs à titre de dépenses politiques, soit
728,000 plus que l'année passée.
Cette augmentation si considérable et en
même temps mystérieuse a donné lieu à quel-
ques discussions à la commission des finances.
Toutefois, M. Prinetti, ministre des affaires
étrangères, a refusé toute explication à ce
sujet.
L'augmentation du crédit en question avait
sa raison d'êtie. Sur les 990,000 francs le gou-
vernement italien a donné au Négus Ménélik
500,000 francs d'indemnité pour l'entretien et
le renvoi des nombreux prisonniers italiens
qui étaient tombés entre les mains des Abys-
sins à la bataille d'Adaoua.
DANS L'AMÊRIQUE CENTRALE
Washington, 3 septembre.
Le 24 août, avant que M. Hay s'absentât de
Washington, des télégrammes ont été adressés
aux ministres des Etats-Unis à Caracas et à
Bogota, pour les prier d'informer les secré-
taires aux affaires étrangères du Venezuela et
de la Colombie que M.Mac-Kinley avait appris
avec chagrin la probabilité de troubles dans
les relations des deux pays.
Dans ces dépêches, on prescrit auir ministres
— les relations des Etats-Unis avec ces deux
pays étant également intimes et amicales -
d'offrir pour régler le différend, les bons offi-
ces de M. Mac-Kinley, en ajoutant toutefois
que ces bons offices n'auraient aucune ef-
ficacité si la Colombie et le Venezuela n'ac-
quiesçaient point tous deux à son interven-
tion.
Néanmoins, inspirés par le sentiment com-
mun à toutes les républiques américaines, les
Etats-Unis déplorent toute rupture des relation
amicales entre les nations sœurs du monde oc-
cidenial et regretteront particulièrement toute
action de nature à menacer .le commerce dans
l'isthme et la neutralité de leurs territoires, et
qui obligerait les Etats-Unis à prendre en
considération sa responsabilité et son dévoir
conformément aux traités existants avec la
Colombie.
On croit savoir que le Venezuela a accusé
réception de cette communication. On ne con-
nalt pas les termes de sa réponse. On assure
qu'elle était amicale et, tout en dénonçant l'in-
vasion des Colombiens et faisant allusion à la
suspension provisoire des relations diplomati-
ques, elle semble indiquer que la porte reste
ouverte aux explications.
De son coté, le Venezuela n'a pas déclaré la
guerre à la Colombie.
On n'a pas reçu de réponse de Bogata. Ce
retard semble dû aux transmissions télégra-
phiques. -.' - -..
L'EXPIATION
Le prince Chun chez l'empereur
Guillaume
Les regrets de l'assassinat dubaron de
Ketteler. - A Potsdam. — L'entre-
vue d'hier. - Les deux discours
Postdam, 4 septembre.
Le prince Chun s'est rendu-ce matin avec sa
suite au mausolée de l'église de la Paix, et a
déposé des couronnes sur le tombeau de l'em-
pereur Frédéric III et sur celui de J'impéra-
trice Frédéric.
L'empereur a reçu le prince Chun à midi,
au Nouveau Palais, en présence des princes
royaux du comte Bülow, secrétaire d'Etat à
l'office des affaires étrangères, des ministres,
des généraux et des hauts fonctionnaires de la
cour.
Après l'audience, le prince chinois a passé
devant le front d'une compagnie d'infanterie
et d'un escadron de cavalerie,qui étaient venus
pendant l'entrévue prendre position devant le
palais pour lui rendr6 les honneurs.
Les Bcrliner Neneste Nachrichten rapportent
que le prince Chun s'est approché de l'empe-
reur en faisant trois inclinations et a quitté la
salle d'audience avec lesmêmes manifestations
de respect.
Les paroles prononcées par le prince ont été
traduites par l'interprète.
La lettre de l'empereur de Chine
Berlin, 4 septembre.
La lettre de l'empereur de Chine, écrite sur de la
soie jaune, et remise par le prince Chun à l'empe-
reur Guillaume, est ainsi conçue dans la tradition
allemande :
Le grand empereur de l'Empire Tatsing en-
voie ses salutations à Sa Majesté l'Empereur
d'Allemagne.
Depuis que nos empires ont été représentés
l'un auprès de l'autre par des ambassades à
demeure, nous avons entretenu l'un avec l'au-
tre les relations les plus amicales, et que rien
n'est venu interrompre.
Ces relations ont pris un caractère encore
plus intime lorsque Je prince Henri de Prusse
est venu à Pékin où nous avons eu l'avantage
de le recevoir à plusieurs reprises et do nous
entretenir familièrement avec lui.
Malheureusement, le cinquième mois de
l'année dernière, les Boxers ont envahi Pékin,
des soldats rebelles se sont joints à eux et les
choses en sont arrivées à ce point que Son
Excellence le baron de Ketteler, ambassadeur
d'Allemagne a été assassiné, lui qui occupait
ce poste à Pékin depuis si longtemps et avait
pris avec tant de chaleur la défense des inté-
rêts de nos deux pays et dont nous avons dû
reconnaître tout particulièrement les ser-
vices.
Nous regrettons très profondément que le
baron de Hetteler ait eu une fin aussi terrible
d'autant plus que nous avons le douloureux
sentiment de la responsabilité qui nous in-
combe du fait que nous n'avons pas été en état
de prendre à temps les mesures nécessaires
pour le protéger.
Pénétrès du sentiment de cette grave respon-
sabilité, nous avons ordonné qu'un monumeut
fût élevé sur le lieu du meurtre pour rappeler
que les crimes ne sauraient demeurer impu-
nis.
De plus, nous avons envoyé en Allemagne,
une ambassade spéciale, le prince Chun-Tsaï-
fong avec cette lettre de notre main.
Le prince Chun, notre propre frère, est
chargé d'assurer Votre Majesté de l'affliction
que nous ont causée les événements de l'année
dernière, et combien nous sommes encore pé-
nétrés de sentiments de repentir et de bonté.
Votre Majesté nous a envoyé de bien loin ses
troupes pour réprimer l'insurrection des Boxers
et rétablir la paix pour le bien de notre peu-
ple. Aussi, nousavons ordonné au prince Chun
d'exprimer personnellement à Votre Majesté
notre reconnaissance pour la partqu'elle a prise
au rétablissement de la paix.
Nous nous abandonnons à l'espoir que l'indi-
gnalion fait place chez Votre Majesté aux an-
ciens sentiments d'amitié, et que dans l'avenir,
les rapports entre nos deux empires devien-
dront encore plus multiples, plus intimes et.
plus féoonds qu'ils nel'ont été jusqu'à présent.
C'est là notre ferme assurance.
Les allocutions
Les paroles prononcées par le prince Chun sont
les suivantes, d'après la traduction qui en a été
faite en allemand :
Ainsi que m'en a chargé le Grand Empereur
mon très gracieux maître et seigneur, j'ai
l'honneur de remettre entre les mains impé-
riales do Votre Majesté une lettre de lui.
Après les mouvements de révolte qui se sont
produits en Chine l'année dernière, la cour
impériale a senti de son propre mouvement,
non moins que du fait de la demande des
puissances, l'obligation morale d'exprimer à
Votre Majesté, par une mission spéciale qui se
rendrait en Allemagne, le sincère regret
qu'elle éprouve de ces événements et en parti-
culier de la période de troubles dont le baron
de Ketteler, le distingué ambassadeur de Votre
Majesté, a été la victime.
Pour qu'aucun doute ne pût s'élever sur la
sincérité de ces regrets, Sa Majesté l'empereur
a désigné son plus proche parent comme de-
vant être à la tête de ceite mission.
Je suis en mesure d'assurer à Votre Majesté
que Mon Très Gracieux Seigneur a été étran-
ger,au sens le plus absolu du mot, à ces trou-
bles qui ont causé à la Chine de grands mal-
heurs et à l'Allemagne des inquiétudes et des
pertes.
Cependant, suivant l'usage existant depuis
des milliers d'années, l'Empereur de Chine en
a assumé la responsabilité sur sa propre per-
sonne sacrée. Aussi, ai-je été chargé d'expri-
mer les sentiments les plus intimes de l'em-
pereur, mon Noble Seigneur, à l'égard de
Votre Majesté en lui remettant cette lettre et je
suis chargé également d'être l'interprète au-
près de Sa Majesté l'Impératrice et de toute la
famille impériale de ces sentiments du Grand
Empereur de Chine.
J'exprime donc le vœu de voir prospérer la
maison de Votre Majesté et de la voir jouir
dans toute sa plénitude de la santé et du
bonheur.
Sa Majesté l'empereur de Chine espère que
les événements do l'année dernière n'ont été
qu'un trouble passager, et que, maintenant
que ce nuage s'est éclairci pour faire place à la
paix, les doux peuples allemand et chinois
s'entendront et s'estimeront réciproquement de
plus on plus.
C'est là également mon vœu le plus sin-
cère.
L'empereur adresse alors la répons. suivante au
prince Chun :
Ce n'est pas une occasion agréable et joyeuse
accompagnant l'accomplissement d'un simple
devoir de courtoisie qui a conduit près do moi
Votre Altesse Impériale, mais c'est un bien
déplorable et bien grave événement. Mon en-
voyé à la cour de l'empereur de Chine, le ba-
ron de Ketteler, est tombé, dans la capitale de
la Chine, la victime d'une arme meurtrière
brandie par des soldats de l'armée impériale
chinoise sur des ordres d'en haut. C'est un
crime inouï que le droit des gens et aussi les
coutumes de toutes les nations alluma lisent de
la façon la olua énergique,
Je viens d'entendre de la bouche de votre
altesse impériale l'expression du regret sincère
et profond de l'empereur de Chine au sujet de
cet événement. Je veux bien croire que le frère
de Votre Altesse royalo, l'empereur de Chine.
n'a pris aucune part à ce crime, non plus
qu'aux autres actes de violence commis contre
les légations inviolables de par leur nature et
contre les étrangers pacifiques. La culpabilité
et la responsabilité de ses conseillers, de SOIJ
gouvernement n'en sont que plus grandes.
Il faut que ceux-ci sachent que l'envoi d'une
mission expiatoire ne peut suffire à éteindre et
à faire pardonner leur culpabilité, mais qu'ils
doivent conquérir co pardon en se conduisant
à l'avenir conformément aux prescriptions da
droit des gens et aux coutumes des nations ci-
vilisées.
Si l'empereur de Chine dirige désormais le
gouvernement de son grand Empire suivant
ces préceptes, il verra alors s'accomplir son
espoir que les tristes suites des désordres de
l'an passé disparaissent et que des relations pa-
cifiques et amicales se renouent comme aupa-
ravant entre l'Allemagne et la Chine pour la
plus grand bien des doux peuples et de toute
l'humanité civilisée. C'est en exprimant mon
soudait sincère et profond qu'il puisse en être
ainsi que je souhaite la bienvenue à Votre
Altesse Impériale.
LE MAROC ET LES PUISSANCES
Londres, 4 septembre.
On mande de Tanger au Times, le 30
août :
Sidi Abdul Karim ben Slimm déclare qu'il
a la conviction d'avoir établi une base satis-
faisante d'arrangement avec le gouvernement
français relativement à la question desfrontiè-
res, mais qu'il a des raisons de croire que cet
arrangement n'a pas un caractère de perma-
nence absolue.
Toutefois, il aura un effet bienfaisant et fa-
cilitera les nouvelles négociations qui auront
lieu directement entre le sultan et le ministre
de France.
Le gouvernement espagnol, n'ayant pu obte-
nir la restitution des garçons et de la fillette
enlevés au mois de mai dernier, a élevé l'in-
demnité qu'il réclame de 100 pesetas à 1.000
dollars par jour tant que cette restitution n'au-
ra pas été opérée.
Si les prisonniers ne sont pas rendus le 12
septembre, le gouvernement espagnol exami-
nera quelles nouvelles mesures il conviendra
de prendre.
L'ARGENT DES PAUVRES
Un scandale à l'Assistance publique.
— Fonctionnaire indélicat. — L'en-
quête de M. Mourier. - En
fuite.
Un scandale vient d'êlredéeollvert à l'As aie
tance publique, grâce à la vigilance et à l'ac-
tivité du nouveau directeur M. Mourier qui,
depuis sa nomination, s'efforce de mettre un
peu d'ordre dans cette administration.
Voici les faits :
Il y a quelques jours, M. Pellicard, secré-
taire-trésorier du bureau de bienfaisance du
XI* arrondissement, était suspendu de ses
fonctions en même temps qu'une plainte en
détournements était déposée contre lui.
Ce peu délicat fonctionnnire, grassement
rétribué, trouvait moyen, à l'aide de faux.:de
s'approprier une partie de l'argent qu'il était
chargé de répartir entre les pauvres.
M. Pellicard, qui est âgé de 53 ans, était em-
ployé depuis 24 ans à l'Assistance publique et
il occupait depuis 8 ans le poste de confiance
qui lui valait, indépendamment de ses 6.000
francs d'appointements, d'être logé dans les
bâtiments mêmes de la mairie. On le considé-
rait comme un excellent employé, très intelli-
gent et très zélé. Il n'avait, croyait-on, que le
défaut d'être d'un caractère exécrable.
Comment la fraude fut découverte
Voici comment M. Mourier explique la façon
dont les agissements de M. Pollicard ont été
découverts :
Depuis que je suis ici, j'ai prescrit un contrôle
-. extrêmement minutieux de tous les comptes. Toutes
les pièces comptables sont examinées quand elles
arrivent ici, à la comptabilité générale, avec le plus
grand soin. C'est en faisant cet examen sur les
reçus envoyés par M. Pellicard qu'on a remarqué
que les signatures apposées au bas par les indigents
secourus paraissaient, au moins sur un certain
nombre de reçus, écrites par la même main.
On vint me prévenir de cette constatation le
matin, à neuf heures. Immédiatement, je fis choi-
sir une vingtaine de reçus parmi ceux dont la
signature présentait cette particularité et j'envoyai
à la recherche des indigents qui les auraient tou-
chés. A onze heures, j'étais édifié. Aucun des signa-
taires n'avait pu être retrouvé. Les adresses étaient
fausses.
Je fis mander pour deux heures, à mon cabinet,
M. Pellicard. Il vint très exactement. Devant les
faits, il avoua s'être rendu coupable de faux et de
détournements. J'ai adressé une plainte au parquet
et une demande de suspension au préfet de la
Seine.
Le soir même, M. Pellicard était suspendu.
Le directeur de l'Assistance publique explique
ainsi comment un secrétaire-trésrorier peut
commettre aussi aisément des détournements ;
Un secrétaire-trésorier, si l'on s'en tenait à l'ap-
plication stricte du décret de 1895, aurait quelque
difficulté à commettre des détournements. En effet,
il ne devrait pas accorder de secours immédiats
aux nécessiteux qui viennent le solliciter sans en
avoir référé à la délégation permacenta.
Cette délégation doit régulièrement se réunir
tous les jours pour examiner ces demandes de se-
cours immédiats. Mais, en fait, elle ne se réunit
guèro qu'une ou deux fois par semaine. Et cela
s'explique : tous ses membres, exerçant ces fonc-
tions gratuitement, ne peuvent leur sacrifier toutes
leurs matinées.
Dans ces conditions, lorsqu'il y a une demande
de secours immédiat et qu'on ne pourrait, sans
inhumanité, le retarder, le secrétaire trésorier s'a-
dresse tout simplement au maire. Mais le maire
lui-même n'est pas toujours là.
Et alors l'habitude s'est établie que le secrétaire
accorde las secours et soumette les reçus au maire,
lorsqu'il en a un certain nombre à lui faire signer.
Il y a même des maires qui, ayant une parfaite
confiance dans le secrétaire-trésorier du bureau de
bienfaisance, lui signent des reçus en blanc.
Je ne sais pas si M. Pellicard avait des recul-
signés en blanc. L'enquête l'établira.
Mais, quand nos contrôleurs vont vérifier la
comptabilité, ils ne peuvent se méfier de reçus
signés à la fois par le maire et par l'indigent.
M. Pellicard a devancé la justice. Comme
M* Maurier ne pouvait le faire arrêter immé-
diatement, puisqu'il n'y avait aucun mandat
décerné contre lui, cet indélicat fonctionnaire
a jugé prudent de prendre la faite.
On ne peut encore fixer le .nontant des dé-
tournements commis. Il faudra pour cela une
longue enquête auprès de tous les indigents se-
courus.
t M. Pellicard avait un maniement de fonds
s'élevant à 711,325 francs par an.
Une protestation
Le Comité de défense du XI* arrondissement,
pour les intérêts du travail, du commerce et de
l'industrie, nous communique une protestation
dont voici les passages essentiels :
La mairie du XI* aura fait, hélas î trop sou-
vent parler d'elle.
Aujourd'hui, on annonce qu'un sieur Pelli-
card, secrétaire-trésorier du bureau do bien-
faisance,est en fuite après avoir détouroé de - ac
caisse olal de 40.000 le
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NOS LEADERS
LIATIÈME
« Attendu que M. Fasquelle a édité
un livre intitulé : « Les Vingt et un
a jours d'un neurasthénique », dans le-
quel l'auteur raconte une conversa-
tion qu'il aurait eue en chemin de fer
avec M. Emile Ollivier, conversation
dans laquelle il prête à M. Emile Olli-
vier les propos les plus grotesques et les
plus sots. » — ; ainsi débute la som-
mation adressée par M. Emile Ollivier à
l'éditeur de la nouvelle œuvre d'Octave
Mirbeau.
Quand ce papier a fait, il y a quelques
jours, le tour de la presse, on a cru d'a-
bord à une fumisterie. Il paraît que
c'est on ne peut plus sérieux.
Si, dans « les vingt et un jours d'un
neurasthénique », ce livre d'une si puis-
sante et si cruelle ironie, où s'affirme,
avec une maîtrise nouvelle, le grand
talent d'Octave Mirbeau, vous n'avez
pas lu encore l'imaginaire conversation,
en wagon, avec M. Emile Ollivier, hâ-
tez-vous de la lire : c'est une page sai-
sissante.
Elle demeurera inoubliable la silhou-
ette ici tracée, d'une plume dont le bec
déchire, de cet Emile Ollivier qui a
tout oublié et qui, avec une incon-
science vraiment terrifiante, parle de
principes, de morale, de patrie.
A voir l'attitude prise par M. Emile
Ollivier, on serait tenté de croire que
cette conversation a réellement eu lieu,
que cette inconscience existe, que M.
Emile Ollivier a, en effet, tout oublié.
Nous nous souvenons, nous.
L'homme est aujourd'hui un vieil-
lard et comme il ne peut plus nuire, vo-
lontiers, étant tournés plutôt vers l'ave-
nir que vers le passé, nous accorderions
à ses derniers jours la hautaine amnis-
tie du mépris.
Mais puisqu'il semble éprouver le
besoin étrange de reparaître, puisque,
sans pudeur, il a osé récemment pren-
dre la parole à l'Institut, puisque main-
tenant il s'adresse aux tribunaux pour
obtenir d'eux un respect auquel il n'a
point droit, qu'il ne s'étonne pas si nos
deuils, nos colères, nos justes haines,
ainsi remués, montent en paroles à no-
tre bouche.
M. Emile Ollivier appartient à l'his-
toire, et cette histoire pour lui est un
pilori.
***
Quel homme, jamais, en aucun temps,
a plus que lui mérité l'exécration pu-
blique ?
Fils d'un vaillant républfcain qui
avait lutté contre Décembre, frère d'un
républicain tué dans un duel politique,
M. Emile Ollivier avait derrière lui tout
un passé d'honneur civique ; il a renié
ce passé ; il a déchiré les pages d'hon-
neur que les siens avaient écrites ; il a
manqué à sa parole ; il a souillé inefIa-
çablement. le nom qu'il porte ; il est
absolument sans atténuation possible,
sans excuse à invoquer, puisque seuls
son orgueil, son ambition l'ont fait
trahir : le traître; et au bout de sa
trahison, il y a eu pour la France, con-
duite par lui à sa perdition, l'effroyable
aventure du désastre et du démembre-
ment.
Comment peut-il ne pas se rendre
compte de l'horreur tragique qui l'en-
toure? Comment ne comprend-il pas
que l'évocation seule de son souvenir
est odieuse à tout cœur Français?
Ainsi s'exprime Mirbeau : — « Ce
nom de : Emile Ollivier, que je venais
do proférer. retentit dans le wagon
comme un écho tragique du passé. Et
je frissonnai, à ce nom, de la tête aux
pieds.Car, dans ce nom, au moment où
il était sorti de mes lèvres, j'avais perçu
nettement, distinctement, et, pour ainsi
dire un à un, les grands cris de rage,
les sanglots des veuves, les malédic-
tions des mères, les hurlantes clameurs
de la défaite. »
***
L& 9 août 70, après Wissembourg,
après Forbach, après Wœrth, lorsque
par l'éventrement de la frontière, le
flot de l'invasion se ruait en France,
l'homme fatal s'écroulait et à la foule
immense qui attendait, pleine de fièvre
et d'angoisse, place de la Concorde,
Jules Simon, en sortant du corps légis-
latif, criait:
— « Citoyens, je voudrais avoir plu-
sieurs bonnes nouvelles à vous annon-
noncer. Je n'en ai qu'une. Le ministère
Ollivier n'existe plus. »
Et une immense acclamation, réper-
cutée par toute la France, saluait la
ehutc du misérable ambitieux qui, en i,
peu de temps, avait fait tant de mal à la
patrie.
Est-ce que ces clameurs vengeresses
ont cessé de gronder sur la tête du cou-
pable ?
Est-ce que, comme le dit éloquem-
ment Mirbeau,il ne suffit pasde pronon-
cer seulement son nom pour réveiller
l'écho de ces rugissements ?
Oh ! qu'il se taise ! qu'il se taise 1
par pudeur. Qu'il achève silencieuse-
ment de traîner le fardeau de sa vieil-
lesse déshonorée, nous aurons la clé-
mence de l'ignorer.
Jadis on avait la colère plus brutale.
Pendant des années s'est dressée lamen-
tablement, sous les outrages, sous les
ordures, carrefour Bucci, la statue du
Perrinet Leclerc qui livra, par trahison,
le Paris de Charles VI aux Bourgui-
gnons, statue expiatoire mise là pour
que tout passant pût le mutiler d'un
coup de pierre, le flageller d'un cra-
chat.
Qu'est le crime de Perrinet Leolerc à
coté de celui d'Emile Ollivier ?
Certes, nous ne demandons pas un
semblable châtiment ; mais qu'il se
taise, l'homme funeste; qu'il n'avive
pas nos souffrances, qu'il ne les exas-
père pas en nous rappelant qu'il existe,
qu'il est lui-même le monument vivant
de son inexpiable honte.
***
Quelle aberration est la sienne?
A-t-il pu croire que nous oublierions,
non? Ne sait-il pas que nous le haïssons
de toute notre âme, nous républicains,
nous Français ?
Est-ce que, depuis trente ans , son
nom a été prononcé une fois sans qu'une
malédiction accompagnât l'énoncé de
ce nom infâme? Est-ce. qu'il n'y a pas
eu, est-ce qu'il n'y a pas unanimité pour
le flétrir?
Que veut-il? Qu'espère-t-il? A-t-il
fait le rêve insensé d'une impossible
réhabilitation ?
En 1880, je crois, un poète, Jean Ri-
chopin, avait entrepris dans un journal
une série de portraits rimés d'académi-
ciens ; c'était gai, épigrammatique, point
méchant, plein d'esprit, et le public
riait avec l'auteur ; mais, quand il fut
arrivé au nom d'Emile Ollivier, Richepin
sentit passer dans ses veines cet horrible
frisson dont Mirbeau vient encore de
parler, vingt ans après, et qui, tant
qu'il y aura des Français, glacera leur
sang et fera pâlir leur visage, chaque
fois que le nom d'Emile Ollivier sera
prononcé.
Alors Richepin comprit que, puisqu'il
s'agissait de cet homme, il ne pouvait
plus être question de plaisanter, de rire ;
au lieu d'une chanson alerte, ce fut une
ode furieuse qui jaillit hors de lui, une
page superbe, d'une incomparable puis-
sance d'invective, d'une envolée magni-
fique, la plus belle chose, à mon avis,
que Richepin ait jamais écrite.
Je voudrais la citer toute entière ; elle
vaut, certes ! d'être rappelée ; mais la
place me manque ; et puis elle est — à
juste titre — d'une violence inouie, et
je sens en moi, je l'avoue, cette hau-
taine pitié à laquelle je faisais allusion
tout à l'heure pour l'homme qu'écrase
à jamais l'anathème de la France.
Lucien Victor-Meunier.
Nous publierons demain un article
de M. Henry Fouquier.
LE VAIN DISCOURS DE M.. MÉLINE
Nous avions fort bien com-
pris que M. Méline avait
éprouvé le besoin d'aller péro-
rer à Remiremont, simplement
parce qu'il s'ennuyait à Paris
et qu'il avait envie de tailler
une bavette avec des amis de
son insipide politique. Tout dans son dis-
cours indiquait qu'il n'avait rien de sé-
rieux à dire, et qu'il avait proclamé n'im-
porte quoi, à l'occasion de rien du tout.
Voilà ce que nous avions expliqué dés
que nous avions eu connaissance de la
harangue de l'homme qui nous gouverna
deux ans, avec la complicité des droites.
Le Temps, qui n'a pas toujours le nez
creux, a commis cette erreur risible de croire
que si M. Méline avait causé longuement,
c'était pour exposer une idée quelconque.
Le verbiage de l'ancien président du con-
seil avait rapport, vaguement, au «malheur
des temps » où nous vivons ; à de préten-
dues attaques dirigées contre l'armée, et à
une soi-disant nécessité, méconnue, paraît-
il, -de défendre cette armée. Le Temps a
supposé que M. Méline accusait, d'accord
avec les nationalistes, le gouvernement de
M. Waldeck-Rousseau de « désorganiser la
défense nationale ».
La République, interprète de M. Méline,
répond que celui-ci se garde de rien penser
de tel.
Allons ! Nous avions donc raison : M.
Méline se complait dans l'absence des
idées ; seule, la faculté de la parole survit
chez lui à celle de la pensée.
Voilà, après nous, le Temps qui se met à
rire. Mais il rit jaune, comme les gens qui
comprennent un bon mot trop longtemps
après l'avoir entendu. — Ch. B.
LES VACANCES DE NOS ENFANTS
Les élèves des classes de vacances des écoles
(garçons et filles) du XVIIt arrondissement ont
excursionné hier.
Un train spécial a conduit les 900 enfants à
Maisons- LLf fitte où l'on a déjeuné « sur
l'herbe n. Et le soir on n'est revenu qu'à ^pt
heures.
C'est la Caisse des Ecoles du XVIIe arron-
dissement qui offrait cette promenade aux pe-
tits Baligoollais qui ne quittent pas les Bati-
goolles durant les grandes vacances.
L'INCIDENT
FRANCO-TURC
OU EN EST LA QUESTION
L'histoire du conflit. — Deux dépêches
de l'Agence Havas. — Une note
du « Temps)
Ainsi que nous l'avons annoncé, M. Cons-
tans quitte ce soir Paris, pour se rendre dans
sa propriété de l'Aveyron.
Règlement complet exigé
On télégraphie à l'agence Havas :
Constantinople, 3 septembre.
Tandis que jusqu'ici la Porte semble n'avoir
encore formulé aucune offre positive pour le
règlement des créances françaises, il paraît
certain, d'après le ton des communications
venues do Paris, que de son côté le gouverne-
ment français est fermement résolu à exiger,
non seulement le règlement des créances Lo-
rando et Tubini, mais à demander également
la solution de plusieurs autres affaires, avant
de reprendre les relations diplomatiques avec
la Turquie.
Bruit démenti
On télégraphie à l'agence Havas :
Toulon, 4 septembre.
Un journal parisien du soir annonce que des
ordres ont été envoyés au port de Toulon en
vue de l'armement da trois navires de l'esca-
dre do réserve qui auraient pour mission d'al-
ler faire une démonstration navale sur les cô-
tes turques.
Aucun ordre de cette nature n'est parvenu
jusqu'ici à la préfecture maritime.
La Société des Quais
On mande de Constantinople, 3 courant, à la
Gazette de Francfort :
M. Ghranet, président de la Société des Quais
de Constantinople, part aujourd'hui pour Paris,
où il est appelé par M. Delcassé.
On réclame des réformes
Constantinople, 3 septembre.
On estime dans les cercles financiers que le
moment actuel serait très opportun pour l'in-
troduction de quelques réformes dans l'admi-
nistration financière turque, et que les finan-
ciers français et anglais ayant des intérêts dans
les finances turques feraient bien de s'occuper
de la question.
En ce moment, le gouvernement turc ne
s'occupe pas do la question d'un emprunt, mais
il a l'intention de constituer une nouvelle
commission présidée par le sultan, qui sera
chargée d'étudier la situation financière.
Observations de la Russie
Constantinople, 3 septembre.
M. Zinoview, ambassadeur de Russie, a ap-
pelé hier l'attention de la Porte sur la situation
dans la Vieille-Serbie. Il a fait ressortir la né-
cessité do prendre de sérieuses mesures pour
le rétablissement de l'ordre.
La presse française
Le Temps publie la note suivante dont le gou-
vernement de la Porte fera bien de remarquer le
ton. et la conclusion :
Le gouvernement français ayant fait savoir
à Munir Bey que sa présence à Paris n'avait
plus d'objet, la rupture diplomatique entre la
France et la Turquie est accomplie. On attend
maintenant à Paris les résolutions que la
réflexion pourra suggérer au sultan.
Il n'a échappé à personne que l'annonce
d'une arrivée prochaine de l'escadre française
dans les eaux ottomanes avait, naguère, in-
cliné le sultan à céder aux réclamations fran-
çaises. Lorsqu'on suit au jour le jour le détail
des négociations entre M. Constans et le sul-
tan, on se rend un compte exact des seuls
arguments qui aient un poids décisif au pa-
lais d'Yildiz. C'est, en effet, le vendredi 9 août,
jour de selamlik, que le sultan assura notre
ambassadeur à Constantinople que les affaires
litigieuses qui avaient motivé, quelques se-
maines auparavant, la remise d'un note à la
Porte, seraient immédiatement réglées. On
sait qu'il n'en fut rien.
Ce jeur même, une division de l'escadre de
la Méditerrannée, mouillée au golfe Jouan et
composée des cuirassés Charles-Martel, Bouvet,
Jauréguiberry, du croiseur Galilée et du con-
tre-torpilleur Epée, avait d'urgence complété
à Villefranche, ses vivres et son combustible
en vue d'opérations imminentes. Sa destina-
tion, annoncée dans quelques journaux, de*
vail être le Levant.
Aussi le 15 août, M. Constans obtint-il du
sultan et de ses ministres la promesse for-
melle que, dans un délai de quatre jours, il
recevrait les iradés impériaux concernant le
réglement définitif des litiges.
Mais cette force armée ne quitta pas le golfe
Jouan. Bien plus, le 22 août elle revenait à
Toulon pour aller prendre part aux manœuvres
de l'Atlantique et à la revue navale de Dun-
kerque.
Si bien que les ministres ottomans, qui
avaient, dans leur séance du 18 août, com-
mencé déjà à éluder certaines des clauses de
l'entente intervenue entre le sultan et M,
Constans, montraient qu'ils pensaient pouvoir
remettre encore la complète exéention. De
sorte que le gouvernement français dut, te 26,
rappeler son ambassadeur.
Toute l'histoire du conflit tient entre ces
cinq dates. Le voyage du tsar parait en sus-
pendre pour quelques jours la conclusion na-
turelle ; mais, dans les cercles diplomatiques,
on pense que le sultan profitera de ces deux
semaines de répit pour céder.
Le Matin nous raconte cette jolie anecdote.
Il y a quelques jours, lorsque Munir-Bey
quitta Asnières — car il était tout simplement
à Asnières — pour rentrer à Paris et y donner
sa fête à l'hôtel de la rue de Presbourg, il crut
devoir aller rendre visite à M. Constans. La
visite a été soigneusement qualifiée de « visite
de courtoisie ) ; mais il va sans dire que l'en-
trevue des deux ambassadeurs ne fut pas ex..
clusivement consacrée à parler de la pluie et
dubeau temps et qu'elle ne se passa pas uni-
quement en salutations protocolaires. On
« causa » et, à un moment donné, Munir-Bey
demanda à son interlocuteur la permission de
lui lire le texte d'une dépêche qu'il se propo-
sait d'envoyer le soir même à son impérial
souverain, le sultan.
Dans cette dépêche, se trouvait la phrase
suivante:
« Quant aux autres difficultés pendantes
entre les deux pays, elles pourront être ré-
gléeslorsque M. Constans sera retourné à Con-
stantinople. »
A cette phrase, notre ambassadeur, qui avait
écouté silencieusement la lecture du factum
de Munir-Bey, interrompit :
- Vous permettez ? flt-il avec un sourire.
Et, prenant une plume qui se trouvait sur
la table, il biffa tranquillement sur le papier
de Munir-Bey la phrase qui venait d'être
lue.
Puis, avec le même sourire, il expliqua :
— Je raye parce que c'est inexact. Je ne
rentrerai à Constantinople que lorsque tout
sera réglé 1 M--à
Munir-Bey reprit la lecture de son télé-
gramme, un peu penaud. Les langues indis-
crètes oréleudent que, d'ailleurs, il télégra-
phia tout de même la phrase biffée au sul-
tan.
L'anecdote est ainsi complétée par M. Marcel
Butin dans l'Echo de Paris :
M. Constans, à qui je demandai jeudi ce que
Munir-Bey pouvait bien avoir à lui raconter,
me répondit avec son sourire :
« - Bah 1 il a voulu simplement me tirer les
vers du nez ! »
Cette réponse topique indiquait nettement le
caractère de la visite de Munir-Bey.
Or, savez-vous ce que le lendemain S. E.
l'ambassadeur turc télégraphiait à Tewfik-Pa-
cha ?
Ceci tout simplement :
« Ai vu Constans en présence de Delcassé :
tout s'arrange! »
Bien entendu, M. Delcassé n'avait pas reçu
la visite de Munir-Bey, visite à laquelle le mi-
nistre se fût opposé. Quant à la conversation
entre M. Constans et Munir-Bey, elle avait
lieu à l'hôtel du Palais d'Orsay où M. Cons-
tans était descendu,
La Liberté fait cette remarque :
Il conviendrait qu'au point où en sont ve-
nues les choses, les journaux français s'abs-
tinssent soigneusement de faire de la polémi-
que de parti à propos des incidents de Cons-
tantinople ; elle ne peut que l'encourager à la
résistance.
On raconte que M. Delcassé n'est nullement
d'accord avec M. Constans, que le ministredes
affaires étrangères a voulu louvoyer et a ter-
giversé; or, il n'y a jamais eu la moindre di-
vergence entre le ministre et l'ambassadeur;
c'est le ministre qui a donné l'ordre à M. Cons-
tans de s'embarquer pour la France, M. Cons-
tans a encore attendu six jours avant de s'y
conformer. De pareils racontars sont soigneu-
sement télégraphiés à Yldiz-Kiosk. et le sultan
ne manque pas de les prendre pour de l'argent
comptant.
La presse européenne
Londres, 4 septembre.
Dans un article, le Times dit que les termes
de la note officielle publiée hier devraient con-
vaincre le sultan que la résolution de la France
est sérieuse et que cette puissance n'hésitera
pas à soutenir ses réclamations par tous les
moyens qui seront nécessaires.
Par sa race, par son tempérament, par son
éducation et par la pratique, Abdul-Hamid
est, dit le Times, passé maître dans l'art de
tergiverser ; mais M. Delcassé n'est pas homme
à se laisser duper par lui.
M. Delcassé, depuis qu'il est au quai d'Or-
say, a montré qu'il joignait à des vues modé-
rées une grande courtoisie de manières, une
fermeté et une ténacité exceptionnelles.
Si le sultan compte sur un. appui quelcon-
que, il se trompe; les sympathies et les vœux
de la majorité des puissances sont avec la
France dans ce différend qu'elles estiment être
une querelle de la civilisation contre la bar-
barie et aucune puissance ne lèvera un doigt
pour aider les Turcs.
Vienne, 4 septembre.
Le Neues Tagblatt écrit, à propos de la rup-
ture des relations diplomatiques entre la
France et la Turquie, que le gouvernement
français a montré suffisamment de patience
avant d'inviter Munir-Bey à quitter Paris.
S'il plaît au sultan et à la sublime-Porte de
faire naître des conséquences désagréables pour
la Turquie, c'est leur affaire ; mais partout on
doit reconnaître qu'aucune grande puissance
n'aurait pu, dans un cas semblable, agir autre-
ment que la France.
Voir à la 36 page
les DERNIÈRES DÉPÊCHÉS
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
UN GÉNÉRAL PUDIBOND
(De notre etfrespondant particulier)
Mayence, 4 septembre.
Le général von Lindequist, chef du 18e corps
d'armée,a interdit à ses troupes de chanter des
chansons obscènes ou pouvant choquer les
bons principes.
Tout contrevenant encourt des peines sévères.
PAIEMENT DE L'ITALIE AU NÉGUS
(De notre correspondant particulier)
Rome, 4 septembre.
Au budget de lacolonie érythréenne, le gou-
vernement a fait inscrire la somme de 990,000
francs à titre de dépenses politiques, soit
728,000 plus que l'année passée.
Cette augmentation si considérable et en
même temps mystérieuse a donné lieu à quel-
ques discussions à la commission des finances.
Toutefois, M. Prinetti, ministre des affaires
étrangères, a refusé toute explication à ce
sujet.
L'augmentation du crédit en question avait
sa raison d'êtie. Sur les 990,000 francs le gou-
vernement italien a donné au Négus Ménélik
500,000 francs d'indemnité pour l'entretien et
le renvoi des nombreux prisonniers italiens
qui étaient tombés entre les mains des Abys-
sins à la bataille d'Adaoua.
DANS L'AMÊRIQUE CENTRALE
Washington, 3 septembre.
Le 24 août, avant que M. Hay s'absentât de
Washington, des télégrammes ont été adressés
aux ministres des Etats-Unis à Caracas et à
Bogota, pour les prier d'informer les secré-
taires aux affaires étrangères du Venezuela et
de la Colombie que M.Mac-Kinley avait appris
avec chagrin la probabilité de troubles dans
les relations des deux pays.
Dans ces dépêches, on prescrit auir ministres
— les relations des Etats-Unis avec ces deux
pays étant également intimes et amicales -
d'offrir pour régler le différend, les bons offi-
ces de M. Mac-Kinley, en ajoutant toutefois
que ces bons offices n'auraient aucune ef-
ficacité si la Colombie et le Venezuela n'ac-
quiesçaient point tous deux à son interven-
tion.
Néanmoins, inspirés par le sentiment com-
mun à toutes les républiques américaines, les
Etats-Unis déplorent toute rupture des relation
amicales entre les nations sœurs du monde oc-
cidenial et regretteront particulièrement toute
action de nature à menacer .le commerce dans
l'isthme et la neutralité de leurs territoires, et
qui obligerait les Etats-Unis à prendre en
considération sa responsabilité et son dévoir
conformément aux traités existants avec la
Colombie.
On croit savoir que le Venezuela a accusé
réception de cette communication. On ne con-
nalt pas les termes de sa réponse. On assure
qu'elle était amicale et, tout en dénonçant l'in-
vasion des Colombiens et faisant allusion à la
suspension provisoire des relations diplomati-
ques, elle semble indiquer que la porte reste
ouverte aux explications.
De son coté, le Venezuela n'a pas déclaré la
guerre à la Colombie.
On n'a pas reçu de réponse de Bogata. Ce
retard semble dû aux transmissions télégra-
phiques. -.' - -..
L'EXPIATION
Le prince Chun chez l'empereur
Guillaume
Les regrets de l'assassinat dubaron de
Ketteler. - A Potsdam. — L'entre-
vue d'hier. - Les deux discours
Postdam, 4 septembre.
Le prince Chun s'est rendu-ce matin avec sa
suite au mausolée de l'église de la Paix, et a
déposé des couronnes sur le tombeau de l'em-
pereur Frédéric III et sur celui de J'impéra-
trice Frédéric.
L'empereur a reçu le prince Chun à midi,
au Nouveau Palais, en présence des princes
royaux du comte Bülow, secrétaire d'Etat à
l'office des affaires étrangères, des ministres,
des généraux et des hauts fonctionnaires de la
cour.
Après l'audience, le prince chinois a passé
devant le front d'une compagnie d'infanterie
et d'un escadron de cavalerie,qui étaient venus
pendant l'entrévue prendre position devant le
palais pour lui rendr6 les honneurs.
Les Bcrliner Neneste Nachrichten rapportent
que le prince Chun s'est approché de l'empe-
reur en faisant trois inclinations et a quitté la
salle d'audience avec lesmêmes manifestations
de respect.
Les paroles prononcées par le prince ont été
traduites par l'interprète.
La lettre de l'empereur de Chine
Berlin, 4 septembre.
La lettre de l'empereur de Chine, écrite sur de la
soie jaune, et remise par le prince Chun à l'empe-
reur Guillaume, est ainsi conçue dans la tradition
allemande :
Le grand empereur de l'Empire Tatsing en-
voie ses salutations à Sa Majesté l'Empereur
d'Allemagne.
Depuis que nos empires ont été représentés
l'un auprès de l'autre par des ambassades à
demeure, nous avons entretenu l'un avec l'au-
tre les relations les plus amicales, et que rien
n'est venu interrompre.
Ces relations ont pris un caractère encore
plus intime lorsque Je prince Henri de Prusse
est venu à Pékin où nous avons eu l'avantage
de le recevoir à plusieurs reprises et do nous
entretenir familièrement avec lui.
Malheureusement, le cinquième mois de
l'année dernière, les Boxers ont envahi Pékin,
des soldats rebelles se sont joints à eux et les
choses en sont arrivées à ce point que Son
Excellence le baron de Ketteler, ambassadeur
d'Allemagne a été assassiné, lui qui occupait
ce poste à Pékin depuis si longtemps et avait
pris avec tant de chaleur la défense des inté-
rêts de nos deux pays et dont nous avons dû
reconnaître tout particulièrement les ser-
vices.
Nous regrettons très profondément que le
baron de Hetteler ait eu une fin aussi terrible
d'autant plus que nous avons le douloureux
sentiment de la responsabilité qui nous in-
combe du fait que nous n'avons pas été en état
de prendre à temps les mesures nécessaires
pour le protéger.
Pénétrès du sentiment de cette grave respon-
sabilité, nous avons ordonné qu'un monumeut
fût élevé sur le lieu du meurtre pour rappeler
que les crimes ne sauraient demeurer impu-
nis.
De plus, nous avons envoyé en Allemagne,
une ambassade spéciale, le prince Chun-Tsaï-
fong avec cette lettre de notre main.
Le prince Chun, notre propre frère, est
chargé d'assurer Votre Majesté de l'affliction
que nous ont causée les événements de l'année
dernière, et combien nous sommes encore pé-
nétrés de sentiments de repentir et de bonté.
Votre Majesté nous a envoyé de bien loin ses
troupes pour réprimer l'insurrection des Boxers
et rétablir la paix pour le bien de notre peu-
ple. Aussi, nousavons ordonné au prince Chun
d'exprimer personnellement à Votre Majesté
notre reconnaissance pour la partqu'elle a prise
au rétablissement de la paix.
Nous nous abandonnons à l'espoir que l'indi-
gnalion fait place chez Votre Majesté aux an-
ciens sentiments d'amitié, et que dans l'avenir,
les rapports entre nos deux empires devien-
dront encore plus multiples, plus intimes et.
plus féoonds qu'ils nel'ont été jusqu'à présent.
C'est là notre ferme assurance.
Les allocutions
Les paroles prononcées par le prince Chun sont
les suivantes, d'après la traduction qui en a été
faite en allemand :
Ainsi que m'en a chargé le Grand Empereur
mon très gracieux maître et seigneur, j'ai
l'honneur de remettre entre les mains impé-
riales do Votre Majesté une lettre de lui.
Après les mouvements de révolte qui se sont
produits en Chine l'année dernière, la cour
impériale a senti de son propre mouvement,
non moins que du fait de la demande des
puissances, l'obligation morale d'exprimer à
Votre Majesté, par une mission spéciale qui se
rendrait en Allemagne, le sincère regret
qu'elle éprouve de ces événements et en parti-
culier de la période de troubles dont le baron
de Ketteler, le distingué ambassadeur de Votre
Majesté, a été la victime.
Pour qu'aucun doute ne pût s'élever sur la
sincérité de ces regrets, Sa Majesté l'empereur
a désigné son plus proche parent comme de-
vant être à la tête de ceite mission.
Je suis en mesure d'assurer à Votre Majesté
que Mon Très Gracieux Seigneur a été étran-
ger,au sens le plus absolu du mot, à ces trou-
bles qui ont causé à la Chine de grands mal-
heurs et à l'Allemagne des inquiétudes et des
pertes.
Cependant, suivant l'usage existant depuis
des milliers d'années, l'Empereur de Chine en
a assumé la responsabilité sur sa propre per-
sonne sacrée. Aussi, ai-je été chargé d'expri-
mer les sentiments les plus intimes de l'em-
pereur, mon Noble Seigneur, à l'égard de
Votre Majesté en lui remettant cette lettre et je
suis chargé également d'être l'interprète au-
près de Sa Majesté l'Impératrice et de toute la
famille impériale de ces sentiments du Grand
Empereur de Chine.
J'exprime donc le vœu de voir prospérer la
maison de Votre Majesté et de la voir jouir
dans toute sa plénitude de la santé et du
bonheur.
Sa Majesté l'empereur de Chine espère que
les événements do l'année dernière n'ont été
qu'un trouble passager, et que, maintenant
que ce nuage s'est éclairci pour faire place à la
paix, les doux peuples allemand et chinois
s'entendront et s'estimeront réciproquement de
plus on plus.
C'est là également mon vœu le plus sin-
cère.
L'empereur adresse alors la répons. suivante au
prince Chun :
Ce n'est pas une occasion agréable et joyeuse
accompagnant l'accomplissement d'un simple
devoir de courtoisie qui a conduit près do moi
Votre Altesse Impériale, mais c'est un bien
déplorable et bien grave événement. Mon en-
voyé à la cour de l'empereur de Chine, le ba-
ron de Ketteler, est tombé, dans la capitale de
la Chine, la victime d'une arme meurtrière
brandie par des soldats de l'armée impériale
chinoise sur des ordres d'en haut. C'est un
crime inouï que le droit des gens et aussi les
coutumes de toutes les nations alluma lisent de
la façon la olua énergique,
Je viens d'entendre de la bouche de votre
altesse impériale l'expression du regret sincère
et profond de l'empereur de Chine au sujet de
cet événement. Je veux bien croire que le frère
de Votre Altesse royalo, l'empereur de Chine.
n'a pris aucune part à ce crime, non plus
qu'aux autres actes de violence commis contre
les légations inviolables de par leur nature et
contre les étrangers pacifiques. La culpabilité
et la responsabilité de ses conseillers, de SOIJ
gouvernement n'en sont que plus grandes.
Il faut que ceux-ci sachent que l'envoi d'une
mission expiatoire ne peut suffire à éteindre et
à faire pardonner leur culpabilité, mais qu'ils
doivent conquérir co pardon en se conduisant
à l'avenir conformément aux prescriptions da
droit des gens et aux coutumes des nations ci-
vilisées.
Si l'empereur de Chine dirige désormais le
gouvernement de son grand Empire suivant
ces préceptes, il verra alors s'accomplir son
espoir que les tristes suites des désordres de
l'an passé disparaissent et que des relations pa-
cifiques et amicales se renouent comme aupa-
ravant entre l'Allemagne et la Chine pour la
plus grand bien des doux peuples et de toute
l'humanité civilisée. C'est en exprimant mon
soudait sincère et profond qu'il puisse en être
ainsi que je souhaite la bienvenue à Votre
Altesse Impériale.
LE MAROC ET LES PUISSANCES
Londres, 4 septembre.
On mande de Tanger au Times, le 30
août :
Sidi Abdul Karim ben Slimm déclare qu'il
a la conviction d'avoir établi une base satis-
faisante d'arrangement avec le gouvernement
français relativement à la question desfrontiè-
res, mais qu'il a des raisons de croire que cet
arrangement n'a pas un caractère de perma-
nence absolue.
Toutefois, il aura un effet bienfaisant et fa-
cilitera les nouvelles négociations qui auront
lieu directement entre le sultan et le ministre
de France.
Le gouvernement espagnol, n'ayant pu obte-
nir la restitution des garçons et de la fillette
enlevés au mois de mai dernier, a élevé l'in-
demnité qu'il réclame de 100 pesetas à 1.000
dollars par jour tant que cette restitution n'au-
ra pas été opérée.
Si les prisonniers ne sont pas rendus le 12
septembre, le gouvernement espagnol exami-
nera quelles nouvelles mesures il conviendra
de prendre.
L'ARGENT DES PAUVRES
Un scandale à l'Assistance publique.
— Fonctionnaire indélicat. — L'en-
quête de M. Mourier. - En
fuite.
Un scandale vient d'êlredéeollvert à l'As aie
tance publique, grâce à la vigilance et à l'ac-
tivité du nouveau directeur M. Mourier qui,
depuis sa nomination, s'efforce de mettre un
peu d'ordre dans cette administration.
Voici les faits :
Il y a quelques jours, M. Pellicard, secré-
taire-trésorier du bureau de bienfaisance du
XI* arrondissement, était suspendu de ses
fonctions en même temps qu'une plainte en
détournements était déposée contre lui.
Ce peu délicat fonctionnnire, grassement
rétribué, trouvait moyen, à l'aide de faux.:de
s'approprier une partie de l'argent qu'il était
chargé de répartir entre les pauvres.
M. Pellicard, qui est âgé de 53 ans, était em-
ployé depuis 24 ans à l'Assistance publique et
il occupait depuis 8 ans le poste de confiance
qui lui valait, indépendamment de ses 6.000
francs d'appointements, d'être logé dans les
bâtiments mêmes de la mairie. On le considé-
rait comme un excellent employé, très intelli-
gent et très zélé. Il n'avait, croyait-on, que le
défaut d'être d'un caractère exécrable.
Comment la fraude fut découverte
Voici comment M. Mourier explique la façon
dont les agissements de M. Pollicard ont été
découverts :
Depuis que je suis ici, j'ai prescrit un contrôle
-. extrêmement minutieux de tous les comptes. Toutes
les pièces comptables sont examinées quand elles
arrivent ici, à la comptabilité générale, avec le plus
grand soin. C'est en faisant cet examen sur les
reçus envoyés par M. Pellicard qu'on a remarqué
que les signatures apposées au bas par les indigents
secourus paraissaient, au moins sur un certain
nombre de reçus, écrites par la même main.
On vint me prévenir de cette constatation le
matin, à neuf heures. Immédiatement, je fis choi-
sir une vingtaine de reçus parmi ceux dont la
signature présentait cette particularité et j'envoyai
à la recherche des indigents qui les auraient tou-
chés. A onze heures, j'étais édifié. Aucun des signa-
taires n'avait pu être retrouvé. Les adresses étaient
fausses.
Je fis mander pour deux heures, à mon cabinet,
M. Pellicard. Il vint très exactement. Devant les
faits, il avoua s'être rendu coupable de faux et de
détournements. J'ai adressé une plainte au parquet
et une demande de suspension au préfet de la
Seine.
Le soir même, M. Pellicard était suspendu.
Le directeur de l'Assistance publique explique
ainsi comment un secrétaire-trésrorier peut
commettre aussi aisément des détournements ;
Un secrétaire-trésorier, si l'on s'en tenait à l'ap-
plication stricte du décret de 1895, aurait quelque
difficulté à commettre des détournements. En effet,
il ne devrait pas accorder de secours immédiats
aux nécessiteux qui viennent le solliciter sans en
avoir référé à la délégation permacenta.
Cette délégation doit régulièrement se réunir
tous les jours pour examiner ces demandes de se-
cours immédiats. Mais, en fait, elle ne se réunit
guèro qu'une ou deux fois par semaine. Et cela
s'explique : tous ses membres, exerçant ces fonc-
tions gratuitement, ne peuvent leur sacrifier toutes
leurs matinées.
Dans ces conditions, lorsqu'il y a une demande
de secours immédiat et qu'on ne pourrait, sans
inhumanité, le retarder, le secrétaire trésorier s'a-
dresse tout simplement au maire. Mais le maire
lui-même n'est pas toujours là.
Et alors l'habitude s'est établie que le secrétaire
accorde las secours et soumette les reçus au maire,
lorsqu'il en a un certain nombre à lui faire signer.
Il y a même des maires qui, ayant une parfaite
confiance dans le secrétaire-trésorier du bureau de
bienfaisance, lui signent des reçus en blanc.
Je ne sais pas si M. Pellicard avait des recul-
signés en blanc. L'enquête l'établira.
Mais, quand nos contrôleurs vont vérifier la
comptabilité, ils ne peuvent se méfier de reçus
signés à la fois par le maire et par l'indigent.
M. Pellicard a devancé la justice. Comme
M* Maurier ne pouvait le faire arrêter immé-
diatement, puisqu'il n'y avait aucun mandat
décerné contre lui, cet indélicat fonctionnaire
a jugé prudent de prendre la faite.
On ne peut encore fixer le .nontant des dé-
tournements commis. Il faudra pour cela une
longue enquête auprès de tous les indigents se-
courus.
t M. Pellicard avait un maniement de fonds
s'élevant à 711,325 francs par an.
Une protestation
Le Comité de défense du XI* arrondissement,
pour les intérêts du travail, du commerce et de
l'industrie, nous communique une protestation
dont voici les passages essentiels :
La mairie du XI* aura fait, hélas î trop sou-
vent parler d'elle.
Aujourd'hui, on annonce qu'un sieur Pelli-
card, secrétaire-trésorier du bureau do bien-
faisance,est en fuite après avoir détouroé de - ac
caisse olal de 40.000 le
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