Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-05-21
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 mai 1913 21 mai 1913
Description : 1913/05/21 (N15803). 1913/05/21 (N15803).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/01/2013
Wa 15803. — 28 FLOREAL, AN 121. CINQ CENTIMES LE NUMERO
MERCAENI 21 MAI 1913. - n° 15-803.
Fondateur:
AUGUSTE VACQUERIE,
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Un mois Trois mois Sii mois un il
Paris. 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
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TRIBUNE LIBRE
a
Aéronautique Militaire
oe
11. Henry 3e la Vaulx,
dont on connaît la haute
compétence en matière d'a-
viation et d'aéronautique, a
exposé, dans un article des
plus intéressants, l'enseigne-
ment à tirer de la descente involontaire
du Zeppelin à Lunéville. Nous devons
avoir, à son sens, le courage et l'intel-
ligence de reconnaître ce qu'on fait les
Allemands. « N'ayons qu'un but,. dit-il,
créer des aéronats encore plus dange-
reux pour l'ennemi et plus invulnérables
que les leurs. Ne craignons pas, nous
aussi, de créer des « rigides ».
D'autre part, le « carrousel » aérien
de Bue, en présence du roi d'Espagne
et du président, de la République, a mon-
tré tout ce qu'on peut attendre de la
virtuosité de nos aviateurs militaires et
civils.
Cette expérience, si flatteuse pour no-
tre amour-propre national, est-elle de
nature à infirmer la leçon qui se déga-
ge du Zeppelin ? Et, pour poser la ques-
tion en termes précis : l'aéroplane peut-
il remplacer l'aéronat et rend-il celui-ci
inutile ?
Le lieutenant de vaisseau Lafon, mem-
bre de la Commission sportive aéronau-
tique de France, — « l'homme qui con-
naît peut-être le mieux la question, di-
sait récemment en le citant un de nos
grands quotidiens, puisqu'il possède de-
puis longtemps déjà les deux brevets de
pilote aviateur et de pilote de dirigea-
ble et qu'il a également envisagé la va-
leur des deux engins », — le lieutenant
de vaisseau Lafon posait déjà la ques-
tion et y répondait dans la Revue aérien-
ne du 25 octobre 1912 :
« On a déclaré, écrit-il, qu'en temps
de guerre les aéroplanes survoleraient
les Jéronats et les crèveraient comme
des vessies ». — Et il ajoute : « Aujour-
d'hui que les dirigeables montent à trois
mille mètres » — ne se sontûls pas éle-
vés depuis à une bien plus grande hau-
teur ? — « de pareilles utopies ne sont
plus admissibles ».
On a dit encore que l'avion, su-
périeur en vitesse au dirigeable, abor-
derait hardiment le dreadnought aérien.
Le pourra-t-il ? M. Lafon ne le croit
guère : « Quant à aborder un dirigea-,
ble, dit-il dans le même passage de !a
Revue aérienne, il ne faut avoir aucune
idée des remous que crée le déplace-
ment d'une masse de 10.000 mètres cu-
bes dans l'air, pour avancer un propos
aussi fantaisiste. Le remous qui se trou-
ve dans le sillage d'un dirigeable, et qui
s'étend à 500 mètres au moins del'fi,:.r
l'aéronat, serait probablement fatal fi la
stabilité des avions ».
N'oublions pas, au surplus, que le
dirigeable est construit à la fois pour
la défense et pour l'attaque. Contre les
projectiles de l'avion, il sera protégé
par son compartimentage, car, pareil au
dreadnought des eaux, il est muni de
cloisons étanches. Enfin, de même que
le cuirassé est armé de canons à tir ra-
pide pour se défendre contre les torpil-
leurS, de même le dirigeable porte, au-
dessous et au-dessus de sa carène, des
mitrailleuses qui dirigeront un feu meur-
trier contre les aéroplanes.
Le plus souvent, et si l'on se place
dans les conditions ordinaires de la ren-
contre, le dirigeable ne se dérobera pas,
il combattra. C'est le sentiment général,
c'est aussi le nôtre. Mais, en admettant
que, pour une raison quelconque, il vou-
lût se dérober, les aéroplanes le gagne-
ront-ils assez de vitesse pour le forcer
au combat ? Les Zeppelin — pas nos di-
rigeables à nous, malheureusement — fi-
lent aujourd'hui 80 et 90 kilomètres à
l'heure ; les avions militaires ne volent
guère qu'à 100 et 110 kilomètres. La
supériorité de vitesse est-elle suffisante ?
Dans le même article de la Revue
aérienne, auquel nous avons déjà fait
plus d'un emprunt, M. Lafon cite un
exemple qu'il tire des dernières gran-
des manœuvres navales, qui venaient
d'avoir lieu peu de temps auparavant
dans la Manche et l'Océan. Une escadre
ennemie filant 20 nœuds, à la poursuite
d'une escadre amie qui n'en marchait
que 12, « n'a jamais pu arriver à portée
de tir avant que celle-ci ne fût rendue
dans les eaux françaises ». Il ajoute :
« Par analogie, on peut supposer que
s'il plaît à un dirigeable de se dérober
devant un avion faisant 20 kilomètres-à
l'heure de plus que lui, il ne lui sera
pas difficile (Je regagner son parti avant)
d'être rejoint ».
Mais il est une considération qui <3kH
mine toute cette partie du débat, c'est)
que l'oiseau ne vole pas la nuit. Ne suf-i
fit-elle pas pour nous déterminer, à cô-1
té de l'aéroplane, à développer le diri-)
geable ? Nous y reviendrons.
Henri MICHEL1,
Sénateur des Basses-Alpe,.i
+
La Politique
QUAND LES VIOLONS SONT PARTIS..,
Je ne voudrais troubler la,
digestion dé personne. Alors
que les joueurs de llûte ont
charmé ce banquet rituel et
triomphal du Parti radical so-
cialiste, il me coûte de ressas-
ser le respiciens post te de l'esclave an-
tique. Pourtant, on doit la vérité à ses
amis. C'est contre eux-mêmes qu'il faut
smyoir les aimer.
Sans cùoute, il était aisé — au cours
de ces agapes familiales — d'affirmer,
entre quatre mendiants, r«' une vigou-
reuse vitalité ».
« Je mange, donc je suis. »
Mais oserai-je observer que le menu
d'un banquet n'est pas le programme
d'une politique. La fourchette symboli-
que de ce bon M. Mascuraud — pour
majestueuse qu'elle soit — est peut-être
un ustensile de règne éphémère ; à coup;
sûr, pas un instrument de progrès in-
fini.
Le foin du râtelier ne saurait se subs-
tituer à l'idéal d'une doctrine. Le pire
danger qui presse le Parti radical est
que ses dirigeants s'accommodent de
n'être plus que des digérants.
Doumergue et René Renoult ont donc
été heureusement inspirés en battant —
si j'ose dire — le rappel de principes
que leur immortalité sauve mal de l'ou-
bli.
Ms ont insisté sagement sur la néces-
sité 'de réorganiser le P-arti radical.
Le Parti radical en a grand besoin.
« Il nous manque une tête », disent
volontiers ceux qui signalent la crise
des s.
Le detail a quelque importance.
Tous les yeux se tournent vers
M. Caillaux. De fait, le radicalisme ne
saurait trouver tête plus lucide et mieux
préparée à la tâche immense d'inspirer
la reconstitution d'un grand parti dé-
mocratique « également éloigné des
agitations révolutionnaires et des me-
nées de la réaction ».
Reconstituons. Mais gardons-nous de
-donne?- ce spectacle effarant d'une tête
qui ne retrouve plus son corps, après
que le corps ait cherché sa tête. ;
Ce n'est un secret pour personne, mê- ;|
me pour ceux qui le gardent, que ïa;
crise du Parti radical tient à un abus
d'étiquettes.
Le Parti radical compte effectivement.
134 députés adhérents sur 257 inscrits
aux groupes radicaux de la Chambre,
et 71 sénateurs sur 166 inscrits.
Encore ceux qui « adhèrent » ne sont
ils pas d'accord entre eux sur la plupart;
des questions essentielles. C'est pour-,
quoi, sans doute, tant de radicaux mi-
nistres nous laissent encore attendre un
ministre radical.
Etonnez-vous dès lors qu'aucune idée
maîtresse, qu'aucune pensée directrice
ne se puissent dégager d'une telle con-
fusion.
Se dégageraient-elles d'aventure que
Vanarchie parlementaire, la disconti-
nuité du pouvoir, les ruineraient infail-
liblement.
J'entends s'élever des voix éloquentes
pour dénoncer « notre beau désordre
national ».
Le diagnostic du mal est formulé en
termes lapidaires. Un détail omis : le
remède et son application.
« Il faudrait tenir tête à tous ceux qui
abusent, et mettre l'intérêt du pays au-
dessus de sa propre tranquillité. »
Sages paroles.
Mais dès qu'il s'agit de délivrer le,
suffrage universel de sa gangue d'inté-
rêts particuliers, ou 'de réviser une
Constitution bdtarde, la voix de nos
velléitaires tombe, et leur ardeur s'é-
teint.
J'admire la subtilité 'de ces grands
politiques qui veulent la fin et repous-
sent les moyens 1
C'est ainsi que l'on en vient à gou-
verner de bric et de broc, à la petite
semaine, et qu'on s'imagine avec ingé-
nuité avoir changé le système quand on
n'a que changé de ministres.
Réorganisons donc le Parti, mes
amis. J'y consens.
Mais retenez ceci :
Tant que subsistera un mode de suf-
frage discrédité et cette Constitution
informe de 1875, votée par les monar-
chistes pour empêcher l'instauration
d'une République, tout effort de démo-
cratie demeurera paralysé. L'éloquence
de nos grands hommes pourra disputer
des cautères. Elle ne parviendra à les
appliquer que sur une tête de bois.
EDMOND DU MESNIL.
LE FAIT DU JOUR : -,. -
i L'Académie française a refusé d'inscrire ;
dans le Dictionnaire ip mot « esquinter ». i *
- ÇLes Journaux.) I 1
¡::;;.;.¡ Le mot « esquinter » n'a pas été admis à l'Academie.
¡;. * Naturellement ! esquinté ne peut s'admettre qu'à l'hôpital.
Les On=Dit
NOTRe AGENDA
Aujourd'hui mardi j
Lever du soleil, à 4 h. 15 du matin.
Coucher du soleil, à 4 h. 8 du soir.
Lever de la lune, à 6 h. 7 du soir.
Coucher de la lune, à 3 h. 9 du matin.
Courses à Saint-Ouen.
AUTREFOIS
Le Rappel du 21 mai 1877:
Le Peuple annonce que M. Charles
Floquet a cessé à partir du 19 mai ses fonc-
tions de directeur politique du journal.
— On dit que l'armée roumaine, comman-
dée par le prince Charles, et renforcée de
25.000 Russes, va essayer de passer le Dar
nube à Kalafat.
— La franc-maçonnerie militante vient de
faire une importante recrue : notre ami et
collaborateur Louis Asseline a été reçu dans
la Loge des Amis de la Tolérance.
A l'Académie
Charles Nodier, dans une séance privée.
.do l'Académie, lisait l'article : Abolition du
U lie Lionnaire",
« Abolition, etc.prononcer Abolicion ».
— Votre dernière remarque me paraît
i (rutile, dit M. de Foretz, car on sait bien
(Ue devant Ti, le t a toujours le son du c.
— Mon cher confrère, ayez picié de mon
i gnorance, répondit Nodier en appuyant sur
chaque mot, et fattes-moi Vamicié de me ré-
péter la moicié de ce que voua venez de me
lire.
AUJOURDHUt
L'esprit de Catulle Mendès
A l'inauguration du monument de Catul-
le Mendès, au cimetière Montparnasse,
tous les orateuns ont rappelé la verve pro-
digieuse que le grand poète dépensait à
tout propos. Il nous souvient d'un mot ad-
mirable qu'il dit, avec autant de cœur que
d'esprit, précisément en une circonstance
de deuil pour la littérature.
C'était le jour de l'enterrement de Paul
Verlain.e. Une foule compacte remplissait
les abords de la demeure du « pauvre Lé-
lian »,. près l'église Saint-Etienne-du-Mont.
Quand le convoi se mit en marche, toutes
les sommités de l'art en prirent la tête.
En contournant le Panthéon, le corbillard
où reposait l'auteur de Sagesse, s'arrêta un
instant, à la suite d'un incident quelconque,
et repartit aussitôt.
Alors, Catulle Mendès, se tournant vers
François Coppée qui marchait à côté de lui :
- Comment 1. dit-il, on n'entre donc
pas ?
Sur un volcan !
Les amateurs d'émotions fortes n'au..
ront bientôt plus besoin d'aller au Grand-
Guignol !
Un propriétaire de terrains en Sicile a
eu l'idée de faire bâtir un hôtel sur le cra-
tère d'un volcan non éteint, mais simple-
ment inactif et voisin de l'Etna. Oui, un
hôtel où les touristes pourront dormir d'un
œil, s'ils en ont le courage !
Une des particularités de cet hôtel sera
la construction sous la salle à manger
d'une cave, munie d'une paroi vitrée don-
nant sur le cratère ; et là, en cas d'alerte,
les Américains blasés pourront assister
aux différentes phases de la prochaine
éruption.
Ce sera le véritable Il grill-room » !
*0 ———————
DERNIÈRE AMERTUME
Si, avant d'aller occuper le trône d'Alba-
nie, Lépine (du Suez) repasse dans sa bon-
ne ville de Lutèce, il y connaîtra une nou-
velle amertume.
Non seulement les bandits tragiques ne
circulent plus sur les boulevards en auto-
mobile, mais les honnêtes gens peuvent y
circuler en fiacre.
Deux petites réformes toutes simples : le
stationnement des voitures au milieu de la
chaussée, et l'interdiction de la maraude,
ont suffi à rétablir la circulation normale.
M. Lépine avait bien trouvé un moyen
d'obtenir le même résultat : c'était de pla-
cer sur deux rangs, de la Madeleine aux
Variétés, deux corps d'armée baïonnette
au canon et de faire passer entre eux des
patrouilles de cavalerie. Mais les prome-
neurs, réduits. prendre l'air dans les ca-
3
ves du Métropolitain, firent entendre de ti-
mides protestations.
C'est alors que M. Lépine fut élu à l'Aca-
démie des Sciences Morales et songea à
'poser sa candidature soit dans le quartier
de la Sorbonne, soit en Albanie.
Heureuse inspiration, elle valut aux Pa-
risiens d'avoir un véritable préfet de po-
lice.
M. Hennion n'écrit pas de mémoires à
9'Institut sur. la nécessité d'une religion
dans la démocratie ou sur la piété filiale
dans la poésie barbaresque, mais il fait
régner l'ordre dans la rue.
Et c'est l'essentiel.
Le Bloc français
Il n'y a' rien de concret dans la réponse
que veut bien nous faire M. Charles Maur-
ras, dans l'Action Française. Hélas ! elde
ne modifie pas l'opposition" de nos points
de vue.
M. Charles Maurras veut bien assurer
» qu'un évêque, avec toutes les responsa-
bilités dont il a la charge, paraîtra une per-
sonnalité plus distincte, mieux qualifiée,
plus rassurante pour l'ordre public, que
l'entité confuse appelée le Peuple et qu'il
y a cent contre un à parier qu'un dignitai-
re ainsi placé n'usera du dernier recours
du juste qu'à la dernière extrémité ». C'est
possible, mais le calcul des probabilités
est décevant, et, d'autre part, les évêques
crient à la spoliation et à la mort exacte-
ment depuis Philippe-le-Bel.
« Qui peut mieux en juger (de la néces-
sité de la révolte), dit encore M. Charles
Maurras qu'un pouvoir qui est tout spiri-
tuel par essence ? » Evidemment, on ne
sait pas. Toutefois, il y a un pouvoir au-
quel l'analyse de M. Charles Maurras ne
refusera aucun des caractères de la spiri-
tualité, c'est l'Académie des Inscriptions.
On ne voit pas MM. Bouché-Leclercq, Cler-
mont-Ganneau et Cagnat. décider de l'op-
portunité d'une émeute.
En second lieu, nous sommes bien loin
d'admettre l'assimilation que fait M. Char-
les Maurras de « l'esprit protestant » à la
« philosophie laïque » et des écrivains pro-
testants qualifiés lui signifieront probable-
ment qu'il ne l'admettent pas non plus.
Retenons, pourtant, cette phrase de M.
Charles Maurras : « On peut dire que l'es-
prit protestant, Arne de la philosophie laï-
que, a le droit de se réclamer de l'esprit
français et de la civilisation universelle,
comme on peut dire le contraire. »
A n'en point douter, dans la pensée de
M. Charles Maurras, c'est le contraire qui
est la vérité, mais il reconnaît lui-même
qu'il ne suffirait pas là où nous invoquions
Rabelais, Henri Estienne. Bayle et Voltai-
re, d'attester Bossuet, Ronsard, Pascal,
Descartes, Malesherbes, Bonald et Auguste
Comte. Il rappelle la « suite de raisons
analytiques » exposée dans son œuvre. Il
tire argument contre notre thèse de l' « ac-
cord de sa philosophie avec les traditions
les plus anciennes, les plus constantes et
les plus communes des Français. « Il se
flatte que cette philosophie « se propose
au lecteur par les moyens dialectiques ap-
propriés à l'intelligence humaine » et ne
s'impose pas « par les moyens matériels
de l'école d'Etat ».
Arrêtons-nous là. Que demain Philip-
pe VIII relève le trône de Capet, nous
osons espérer que les moyens matériels de
l'école d'Etat ne feront pas défaut à la
philosophie de M. Charles Maurras. Aussi
bien, n'ont-ils jamais manqué à l'enseigne-
ment traditionnel du catholicisme sous la
Restauration et, même, de 1873 à 1789 sous
la République.
Pour ce qui est des traditions des Fran-
çais, si M. Charles Maurras peut légitime-
ment se réclamer des plus anciennes et des
plus communes, peut-il bien les représen-
ter encore comme les plus « constantes »,
après la Renaissance, après la Réforme,
après la Monarchie gallicane, après Port-
Royal, après Y Encyclopédie, après la Révo-
lution ?
Mais réjouissons-nous que tous les Fran-
çais revendiquent l'héritage de la Franoe,
pourvu qu'ils soient résolus, selon une bel-
le expression de M. Charles Maurras lui-
même, à le garder « aussi individis que
possible », comme leur trésor commun.
S'il est vrai qu' « il y a 43 ans que la
querelle de l'émigration est terminée, vi-
dée, réglée, entre les vrais Français H,
« les descendants des compagnons de Cha-
rette et les descendants des compagnons
de Marceau » s'étant tf trouvés unis les
armes à la main contre PenvahksèUf prus-
sien », s'étant « reconnus et tenus désor-
mais pour des frères », à plus forte raison
nous sera-t-il enfin permis, entre Fran-
çais, de causer de difficultés vieilles de
trois siècles, sans haine, sinon sans tris-
tesse. Mais, que chacun y prenne garde, il
ne faut pas moins d'héroïques efforts à
certains pour oublier Louvois. qu'à d'au-
tres pour oublier Coligny, et, dans le Bloc
Français, la Révolution, comme la monar-
chie, devra avoir sa page.
Ch. B.
L'ACTUALITÉ -. ..,
Les Incidents de Toul
Certains militaires de la garni-
son manifestent contre la loi
de trois ans. — Une en-
quête est ouverte.
Toul, 19 mai. — Voici de plus amples
détails sur les malheureux incidents qui
se sont produits samedi et dimanche à
Toul et dont les auteurs sont, comme nous
le disions hier, des soldats des 146e et 153*
régiments d'infanterie.
Depuis un certain temps un esprit de
mauvaise humeur paraissait régner dans
différents corps de la place de Toul en rai-
son de l'étude du projet tendant au rétablis-
sement du service de trois ans ; il s'était
accru aussitôt que fut connu le vote de la
Chambre, approuvant le maintien de la
classe 1912 sous les drapeaux.
On signala, en effet, qu'à plusieurs re-
prises, dans les music-halls et dans cer-
tains établissements cinématographiques
fréquentés par les soldats, l'apparition, sur
un film, de M. Etienne, ministre de la
Guerre, avait été saluée par les cris de :
« A bas les trois ans ! »
DEVANT LE CERCLE MILITAIRE
Samedi, après la soupe de cinq heures du
soir, on vit descendre en ville des escoua-
des entières de soldats du 146e et du 153e
casernés au plateau Saint-Georges et à la
Justice.
Vers six heures et demie, des soldats
s'approchèrent des fenêtres du cercle mili-
taire et se mirent à pousser les cris les
plus divers, et notamment celui de « A bas
les trois ans ! » Certains fredonnaient l'In-
ternationale.
Le lieutenant Robert, du 153e, qui sortait
du cercle, voulut essayer de parlementer
avec ces hommes. Il était en civil. Ses ob-
servations n'eurent aucun effet. Il fut mê-
me bousculé et injurié par quelques-uns des
plus excités. Un capitaine vint dégager le
lieutenant.
Le lieutenant-colonel de Breuchon, du 39e
régiment d'artillerie, major de la garnison,
ayant été mis au courant de ces incidents,
fit déblayer la place de la République par
des patrouilles .fournies par les compagnies
de piquet des casernes Creil et Vauban.
La population civile, indignée de la condui-
te des soldats, se joignit aux patrouilles et
les manifestants furent bientôt dispersés.
Plusieurs arrestations furent opérées.
ON SONNE L'ALERTE
Soudain retentit dans les rues la sonne-
rie de la mobilisation par alerte. C'était le
moyen imaginé par le major de la garnison
pour éviter tout renouvellement des ma-
nifestations. On vit alors artilleurs, dra-
gons, fantassins, regagner leurs caserne-
ments au pas gymnastique.
Les officiers eux aussi rejoignirent les
casernes et y passèrent la nuit qui fut tran-
quille.
La ville rentra dans le calme.
Dimanche matin, le lieutenant-colonel de
Breuchon fit consigner les troupes et ordon-
na qu'une compagnie par régiment fût de
piquet, en armes.
A neuf heures du matin, le général Ré-
my, gouverneur de la place de Toul, convo-
quait, en un conseil de défense, tous les
officiers généraux et chefs de corps. Rien
n'a transpiré de ce qui s'est passé au cours
de cette réunion.
Une vive émotion s'empara de la popu-
lation touloise quand elle apprit par les
journaux du matin les incidents de la veille.
Dans la matinée de dimanche, tout avait
repris la physionomie habituelle.
AU CHAMP DE TIR
A deux heures, plusieurs négociants de
Toul qui se rendaient au champ de tir de
Chaudeney aperçurent, massés à l'entrée
du terrain de Dommartin, des groupes nom-
breux de soldats. Le major de la garnison,
avisé, se rendit seul, à cheval, sur le ter-
rain. Sa venue fut saluée par des huées et
par des cris hostiles au service de trois
ans. Les soldats disaient couramment :
(1 Nous ne refusons pas de nous battre.
Mais nous ne voulons pas rester trois ans
ici ».
Le major de la garnison essaya de par-
lementer. Mais les manifestants l'entourè-
rent. L'officier fut dégagé par les membres
de la Société de tir de Chaudeney. L'un de
ceux-ci, indigné de l'attitude des soldats,
saisit son fusil par le canon et exécuta des
moulinets si vigoureux, qu'il eût bientôt
frayé un passage parmi les soldats.
Le lieutenant-colonel fit mander aussitôt
l'escadron du 12e dragons. Ce fut alors une
débandade effrénée parmi les manifestants
qui s'enfuirent dans toutes les directions,
A 3 heures 45 eut lieu, sur la place de
la République, le concert donné par la mu-
sique du 160®. L'ordre fut donné à tous les
soldats d'évacuer la place.
A cinq heures, le concert prit fin sans
incident. Le major de la garnison donna
alors aux chefs de patrouilles et aux gen-
darmes l'ordre de faire rentrer dans les
casernes tous les soldats qu'ils rencontre-
raient et de faire évacuer tous les cafés.
L'intervention du service d'ordre secondé
par les habitants de Toul ou des environs,
indignés de l'attitude des soldats récalci-
trante, mit enfin ceux-ci hors d'état de con-
tinuer leurs agissements. Toutefois, une
vingaine d'arrestations furent opérées,
dont celles de plusieurs individus civils
parmi lesquels quelques étrangers & l'ar-
rondissement.
PRISE D'ARMES
Aujourd'hui, le général BajoUe vient de
faire prendre les armes aux quatre régi-
ments d'infanterie, le 156e, le 160e, le 146e
et le 1536. A partir de une heure et demie,
les régiments ont défilé dans cet ordre. en
fuce du monument élevé à Fontenoy à la
mémoire des victimes de 1870..
Ajoutons en terminant que le ministre
de la guerre a réclamé dans ta soirée un
rapport complet sur les incidents a hier*
Les Jeux à la Chambre
La majorité repousse une de-
mande d'enquête parlemen- j
taire et vote l'amendement ,'> 1
Georges Berry.
La Chambre a continué hier de discuter
laborieusement et à grands coups d'inter.
ruptions et d'amendementsl le projet dei
loi sur les jeux.
Avant d'en venir à l'examen des diverai
article, elle avait vu M. Etienne, ministre,
de la Guerre, monter à la tribune, pour,
déposer plusieurs projets intéressant son"<
département : l'un qui accorde un suppléa
ment de croix aux services de l'aéronauti-
que ; un autre concernant la nomination1
par anticipation au grade de sous-lieute-
nant des élèves de l'Ecole militaire entrés;
en MU et 1912 ; un troisième enfin autori
sant le ministre de la Guerre à engager
les dépenses à concurrence de 440 millions
en vue d'assurer les mesures d'exécution
nécessaires pour le maintien de la classa
sous les drapeaux.
Klle néglige de répondre dès maintenant
à M. Jaurès, qui crie :
— Où trouverez-vous l'argent ?
Et après avoir validé les- opérations élec-
torales de la deuxième circonscription d&
Brest, et expédié le projet de loi de M..
Maurice Colin, concernant la compétence
des juges de paix en Algérie, passe à la
question qui est à l'ordre du jour.
LES JEUX SUR LA SELLETTE
Quelques escarmouches sans importance
sur la durée pendant laquelle les casinos
pourront être ouverts : M. Pujade, M. Jus-
tin Godart, M. Klotz, ministre de l'Inté-
rieur, échangent amendements et remar..
ques ; on fait même intervenir l'Académie
de Médecine et le Conseil supérieur de
l'hygiène de qui c'est, paraît-il, l'affaire, de
décider, pour le plus grand bien de tous,,
combien de temps les salles de jeux doi-
vent tenir leurs portes ouvertes. Et enfin
par 339 voix contre 152 et sur 491 votants,
la Chambre adopte l'article 1 bis, sansi
l'addition qu'y proposait M. Leroy-Beau
lieu.
L'article est ainsi conçu :
« Par dérogation à l'article 410 du Code
pénal, il pourra être accordé aux cercles
et casinos des localités reconnues stations,
hydrominérales ou climatériques dans les
conditions prévues à l'article premier de M.
loi du 13 avril 1910, et sous quelque nom
que ces établissements soient désignas.
l'autorisation temporaire limitée à la sai-
son des étrangers d'ouvrir au public des,
locaux spéciaux distincts et séparés où se-
ront pratiqués certains jeux de hasard
sous les conditions énoncées dans les arti-
cles suivants.
« Le décret prévu par l'article premier
de la loi du 13 avril 1910 fixera pour cha-
que station la durée annuelle de la saison
des étrangers. »
M. Georges Berry développe alors son
amendement à l'article 2 : on en connaît le
texte : « Aucun casino ouvrant des salles
de jeu, ne pourra être exploité à moins de
cent kilomètres de Paris. u
Beaucoup protestent.
— Question d'espèce et mesure d'excep«
tion, disent les uns.
— La chose ne peut être traitée admi.
nistrativement. opinent les autres.
— En acceptant mon amendement, rétor-
que-t-il, la Chambre protégera à la fois'
les familles ouvrières et le petit commerce
de Paris.
L'amiral Bienaimé opine vigoureuse*
ment. Mais M. Alfred Le Roy dit qu'ayant
été mis en cause par M. Georges Berry, il
a le devoir de fournir à la Chambre lea
renseignements dont il dispose : ces ren-
seignements, ils sont contenus dans un
long rapport où l'on parle de lac, de cura-
ge et de poissons et qui a été remis à la
Sûreté générale : son auteur n'a du reste
jamais reçu de réponse à ce sujet.
LE RAPPORT ASCHWANDEN
Mais on en vient — et on a hâte d'y
venir — à la question du rapport Asch-
wamlen.
« Un communiqué du ministère de l'Inté-
rieur à la presse, dit M. Georges Berry, a
déclaré que le rapport lu à la tribune était
apocryphe. Je ne mets pas en doute la pa-
role de M. le ministre de l'Intérieur, ni
celle de M. le directeur de la Sûreté. Mais
si le rapport qui a été lu n'est pas le vrai,
il y en u un, ainsi que l'a dit M. Le Roy.
Qu'on l'apporte donc, nous saurons à quoi
nous en tenir. Peut-être ai-je été induit en
erreur ; mais il y a un moyen de faire la
lumière, c'est de nommer une commissioa
d'enquête ! »
La Chambre entre en rumeur ; ses mem-
bres s'agitent sur leurs bancs. Plusieurs
voix partent :
— Sur quoi ?
Et dès lors M. Deschanel aura fort à
faire de mener grand tapage avec sa son-
hette et sa règle pour obtenir le silence.
— Je suis prêt, reprend M. Georges Ber-
ry, a faire connaître ce que je sais de-
vant une commission d'enquête. Qu'on fas-
se la lumière complète.
M. Klotz, ministre de l'Intérieur, monte
alors à la tribune.
— Le rapport, proclame-t-il, n'a jamais
été reçu à la Sûreté Générale ; il n'a ja-
mais été écrit par M. Aschwanden. Il n'y
a pas de document datant du 24 novembre
1912.
« Il est fâcheux qu'on apporte ici de
pareHs documente surtout quand ils por-
tent en marge le mot « copie », sans ea
avoir vérifié l'authenticité.
« Une instruction judiciaire est ouverte ;
la justice fera son devoir. A quoi bon dèft
lors une enquête parlementaire ? n •
— M. Georges Berry, demande M. Jau*
rès, dira-t-il au juge d'instruction de qui il
tient ce document ?
— Je lui ai tout dit ce matin, comme
je l'avais dit à M. le ministre de l'Inté-t
rieur..
— Oui, réplique M. Klotz : mais j'ignore
si la personne que m'a indiqué M. Berry
est la même que celle qu'il a désignée au
juge d'instruction. ,.
M. Georges Berry ne se tient pas d in-
dignation : il éclate.
- Donc reprend M. le ministre de Tin-
MERCAENI 21 MAI 1913. - n° 15-803.
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De 9 heures du soir A 3 heures du matin : 143-93
TRIBUNE LIBRE
a
Aéronautique Militaire
oe
11. Henry 3e la Vaulx,
dont on connaît la haute
compétence en matière d'a-
viation et d'aéronautique, a
exposé, dans un article des
plus intéressants, l'enseigne-
ment à tirer de la descente involontaire
du Zeppelin à Lunéville. Nous devons
avoir, à son sens, le courage et l'intel-
ligence de reconnaître ce qu'on fait les
Allemands. « N'ayons qu'un but,. dit-il,
créer des aéronats encore plus dange-
reux pour l'ennemi et plus invulnérables
que les leurs. Ne craignons pas, nous
aussi, de créer des « rigides ».
D'autre part, le « carrousel » aérien
de Bue, en présence du roi d'Espagne
et du président, de la République, a mon-
tré tout ce qu'on peut attendre de la
virtuosité de nos aviateurs militaires et
civils.
Cette expérience, si flatteuse pour no-
tre amour-propre national, est-elle de
nature à infirmer la leçon qui se déga-
ge du Zeppelin ? Et, pour poser la ques-
tion en termes précis : l'aéroplane peut-
il remplacer l'aéronat et rend-il celui-ci
inutile ?
Le lieutenant de vaisseau Lafon, mem-
bre de la Commission sportive aéronau-
tique de France, — « l'homme qui con-
naît peut-être le mieux la question, di-
sait récemment en le citant un de nos
grands quotidiens, puisqu'il possède de-
puis longtemps déjà les deux brevets de
pilote aviateur et de pilote de dirigea-
ble et qu'il a également envisagé la va-
leur des deux engins », — le lieutenant
de vaisseau Lafon posait déjà la ques-
tion et y répondait dans la Revue aérien-
ne du 25 octobre 1912 :
« On a déclaré, écrit-il, qu'en temps
de guerre les aéroplanes survoleraient
les Jéronats et les crèveraient comme
des vessies ». — Et il ajoute : « Aujour-
d'hui que les dirigeables montent à trois
mille mètres » — ne se sontûls pas éle-
vés depuis à une bien plus grande hau-
teur ? — « de pareilles utopies ne sont
plus admissibles ».
On a dit encore que l'avion, su-
périeur en vitesse au dirigeable, abor-
derait hardiment le dreadnought aérien.
Le pourra-t-il ? M. Lafon ne le croit
guère : « Quant à aborder un dirigea-,
ble, dit-il dans le même passage de !a
Revue aérienne, il ne faut avoir aucune
idée des remous que crée le déplace-
ment d'une masse de 10.000 mètres cu-
bes dans l'air, pour avancer un propos
aussi fantaisiste. Le remous qui se trou-
ve dans le sillage d'un dirigeable, et qui
s'étend à 500 mètres au moins del'fi,:.r
l'aéronat, serait probablement fatal fi la
stabilité des avions ».
N'oublions pas, au surplus, que le
dirigeable est construit à la fois pour
la défense et pour l'attaque. Contre les
projectiles de l'avion, il sera protégé
par son compartimentage, car, pareil au
dreadnought des eaux, il est muni de
cloisons étanches. Enfin, de même que
le cuirassé est armé de canons à tir ra-
pide pour se défendre contre les torpil-
leurS, de même le dirigeable porte, au-
dessous et au-dessus de sa carène, des
mitrailleuses qui dirigeront un feu meur-
trier contre les aéroplanes.
Le plus souvent, et si l'on se place
dans les conditions ordinaires de la ren-
contre, le dirigeable ne se dérobera pas,
il combattra. C'est le sentiment général,
c'est aussi le nôtre. Mais, en admettant
que, pour une raison quelconque, il vou-
lût se dérober, les aéroplanes le gagne-
ront-ils assez de vitesse pour le forcer
au combat ? Les Zeppelin — pas nos di-
rigeables à nous, malheureusement — fi-
lent aujourd'hui 80 et 90 kilomètres à
l'heure ; les avions militaires ne volent
guère qu'à 100 et 110 kilomètres. La
supériorité de vitesse est-elle suffisante ?
Dans le même article de la Revue
aérienne, auquel nous avons déjà fait
plus d'un emprunt, M. Lafon cite un
exemple qu'il tire des dernières gran-
des manœuvres navales, qui venaient
d'avoir lieu peu de temps auparavant
dans la Manche et l'Océan. Une escadre
ennemie filant 20 nœuds, à la poursuite
d'une escadre amie qui n'en marchait
que 12, « n'a jamais pu arriver à portée
de tir avant que celle-ci ne fût rendue
dans les eaux françaises ». Il ajoute :
« Par analogie, on peut supposer que
s'il plaît à un dirigeable de se dérober
devant un avion faisant 20 kilomètres-à
l'heure de plus que lui, il ne lui sera
pas difficile (Je regagner son parti avant)
d'être rejoint ».
Mais il est une considération qui <3kH
mine toute cette partie du débat, c'est)
que l'oiseau ne vole pas la nuit. Ne suf-i
fit-elle pas pour nous déterminer, à cô-1
té de l'aéroplane, à développer le diri-)
geable ? Nous y reviendrons.
Henri MICHEL1,
Sénateur des Basses-Alpe,.i
+
La Politique
QUAND LES VIOLONS SONT PARTIS..,
Je ne voudrais troubler la,
digestion dé personne. Alors
que les joueurs de llûte ont
charmé ce banquet rituel et
triomphal du Parti radical so-
cialiste, il me coûte de ressas-
ser le respiciens post te de l'esclave an-
tique. Pourtant, on doit la vérité à ses
amis. C'est contre eux-mêmes qu'il faut
smyoir les aimer.
Sans cùoute, il était aisé — au cours
de ces agapes familiales — d'affirmer,
entre quatre mendiants, r«' une vigou-
reuse vitalité ».
« Je mange, donc je suis. »
Mais oserai-je observer que le menu
d'un banquet n'est pas le programme
d'une politique. La fourchette symboli-
que de ce bon M. Mascuraud — pour
majestueuse qu'elle soit — est peut-être
un ustensile de règne éphémère ; à coup;
sûr, pas un instrument de progrès in-
fini.
Le foin du râtelier ne saurait se subs-
tituer à l'idéal d'une doctrine. Le pire
danger qui presse le Parti radical est
que ses dirigeants s'accommodent de
n'être plus que des digérants.
Doumergue et René Renoult ont donc
été heureusement inspirés en battant —
si j'ose dire — le rappel de principes
que leur immortalité sauve mal de l'ou-
bli.
Ms ont insisté sagement sur la néces-
sité 'de réorganiser le P-arti radical.
Le Parti radical en a grand besoin.
« Il nous manque une tête », disent
volontiers ceux qui signalent la crise
des s.
Le detail a quelque importance.
Tous les yeux se tournent vers
M. Caillaux. De fait, le radicalisme ne
saurait trouver tête plus lucide et mieux
préparée à la tâche immense d'inspirer
la reconstitution d'un grand parti dé-
mocratique « également éloigné des
agitations révolutionnaires et des me-
nées de la réaction ».
Reconstituons. Mais gardons-nous de
-donne?- ce spectacle effarant d'une tête
qui ne retrouve plus son corps, après
que le corps ait cherché sa tête. ;
Ce n'est un secret pour personne, mê- ;|
me pour ceux qui le gardent, que ïa;
crise du Parti radical tient à un abus
d'étiquettes.
Le Parti radical compte effectivement.
134 députés adhérents sur 257 inscrits
aux groupes radicaux de la Chambre,
et 71 sénateurs sur 166 inscrits.
Encore ceux qui « adhèrent » ne sont
ils pas d'accord entre eux sur la plupart;
des questions essentielles. C'est pour-,
quoi, sans doute, tant de radicaux mi-
nistres nous laissent encore attendre un
ministre radical.
Etonnez-vous dès lors qu'aucune idée
maîtresse, qu'aucune pensée directrice
ne se puissent dégager d'une telle con-
fusion.
Se dégageraient-elles d'aventure que
Vanarchie parlementaire, la disconti-
nuité du pouvoir, les ruineraient infail-
liblement.
J'entends s'élever des voix éloquentes
pour dénoncer « notre beau désordre
national ».
Le diagnostic du mal est formulé en
termes lapidaires. Un détail omis : le
remède et son application.
« Il faudrait tenir tête à tous ceux qui
abusent, et mettre l'intérêt du pays au-
dessus de sa propre tranquillité. »
Sages paroles.
Mais dès qu'il s'agit de délivrer le,
suffrage universel de sa gangue d'inté-
rêts particuliers, ou 'de réviser une
Constitution bdtarde, la voix de nos
velléitaires tombe, et leur ardeur s'é-
teint.
J'admire la subtilité 'de ces grands
politiques qui veulent la fin et repous-
sent les moyens 1
C'est ainsi que l'on en vient à gou-
verner de bric et de broc, à la petite
semaine, et qu'on s'imagine avec ingé-
nuité avoir changé le système quand on
n'a que changé de ministres.
Réorganisons donc le Parti, mes
amis. J'y consens.
Mais retenez ceci :
Tant que subsistera un mode de suf-
frage discrédité et cette Constitution
informe de 1875, votée par les monar-
chistes pour empêcher l'instauration
d'une République, tout effort de démo-
cratie demeurera paralysé. L'éloquence
de nos grands hommes pourra disputer
des cautères. Elle ne parviendra à les
appliquer que sur une tête de bois.
EDMOND DU MESNIL.
LE FAIT DU JOUR : -,. -
i L'Académie française a refusé d'inscrire ;
dans le Dictionnaire ip mot « esquinter ». i *
- ÇLes Journaux.) I 1
¡::;;.;.¡ Le mot « esquinter » n'a pas été admis à l'Academie.
¡;. * Naturellement ! esquinté ne peut s'admettre qu'à l'hôpital.
Les On=Dit
NOTRe AGENDA
Aujourd'hui mardi j
Lever du soleil, à 4 h. 15 du matin.
Coucher du soleil, à 4 h. 8 du soir.
Lever de la lune, à 6 h. 7 du soir.
Coucher de la lune, à 3 h. 9 du matin.
Courses à Saint-Ouen.
AUTREFOIS
Le Rappel du 21 mai 1877:
Le Peuple annonce que M. Charles
Floquet a cessé à partir du 19 mai ses fonc-
tions de directeur politique du journal.
— On dit que l'armée roumaine, comman-
dée par le prince Charles, et renforcée de
25.000 Russes, va essayer de passer le Dar
nube à Kalafat.
— La franc-maçonnerie militante vient de
faire une importante recrue : notre ami et
collaborateur Louis Asseline a été reçu dans
la Loge des Amis de la Tolérance.
A l'Académie
Charles Nodier, dans une séance privée.
.do l'Académie, lisait l'article : Abolition du
U lie Lionnaire",
« Abolition, etc.prononcer Abolicion ».
— Votre dernière remarque me paraît
i (rutile, dit M. de Foretz, car on sait bien
(Ue devant Ti, le t a toujours le son du c.
— Mon cher confrère, ayez picié de mon
i gnorance, répondit Nodier en appuyant sur
chaque mot, et fattes-moi Vamicié de me ré-
péter la moicié de ce que voua venez de me
lire.
AUJOURDHUt
L'esprit de Catulle Mendès
A l'inauguration du monument de Catul-
le Mendès, au cimetière Montparnasse,
tous les orateuns ont rappelé la verve pro-
digieuse que le grand poète dépensait à
tout propos. Il nous souvient d'un mot ad-
mirable qu'il dit, avec autant de cœur que
d'esprit, précisément en une circonstance
de deuil pour la littérature.
C'était le jour de l'enterrement de Paul
Verlain.e. Une foule compacte remplissait
les abords de la demeure du « pauvre Lé-
lian »,. près l'église Saint-Etienne-du-Mont.
Quand le convoi se mit en marche, toutes
les sommités de l'art en prirent la tête.
En contournant le Panthéon, le corbillard
où reposait l'auteur de Sagesse, s'arrêta un
instant, à la suite d'un incident quelconque,
et repartit aussitôt.
Alors, Catulle Mendès, se tournant vers
François Coppée qui marchait à côté de lui :
- Comment 1. dit-il, on n'entre donc
pas ?
Sur un volcan !
Les amateurs d'émotions fortes n'au..
ront bientôt plus besoin d'aller au Grand-
Guignol !
Un propriétaire de terrains en Sicile a
eu l'idée de faire bâtir un hôtel sur le cra-
tère d'un volcan non éteint, mais simple-
ment inactif et voisin de l'Etna. Oui, un
hôtel où les touristes pourront dormir d'un
œil, s'ils en ont le courage !
Une des particularités de cet hôtel sera
la construction sous la salle à manger
d'une cave, munie d'une paroi vitrée don-
nant sur le cratère ; et là, en cas d'alerte,
les Américains blasés pourront assister
aux différentes phases de la prochaine
éruption.
Ce sera le véritable Il grill-room » !
*0 ———————
DERNIÈRE AMERTUME
Si, avant d'aller occuper le trône d'Alba-
nie, Lépine (du Suez) repasse dans sa bon-
ne ville de Lutèce, il y connaîtra une nou-
velle amertume.
Non seulement les bandits tragiques ne
circulent plus sur les boulevards en auto-
mobile, mais les honnêtes gens peuvent y
circuler en fiacre.
Deux petites réformes toutes simples : le
stationnement des voitures au milieu de la
chaussée, et l'interdiction de la maraude,
ont suffi à rétablir la circulation normale.
M. Lépine avait bien trouvé un moyen
d'obtenir le même résultat : c'était de pla-
cer sur deux rangs, de la Madeleine aux
Variétés, deux corps d'armée baïonnette
au canon et de faire passer entre eux des
patrouilles de cavalerie. Mais les prome-
neurs, réduits. prendre l'air dans les ca-
3
ves du Métropolitain, firent entendre de ti-
mides protestations.
C'est alors que M. Lépine fut élu à l'Aca-
démie des Sciences Morales et songea à
'poser sa candidature soit dans le quartier
de la Sorbonne, soit en Albanie.
Heureuse inspiration, elle valut aux Pa-
risiens d'avoir un véritable préfet de po-
lice.
M. Hennion n'écrit pas de mémoires à
9'Institut sur. la nécessité d'une religion
dans la démocratie ou sur la piété filiale
dans la poésie barbaresque, mais il fait
régner l'ordre dans la rue.
Et c'est l'essentiel.
Le Bloc français
Il n'y a' rien de concret dans la réponse
que veut bien nous faire M. Charles Maur-
ras, dans l'Action Française. Hélas ! elde
ne modifie pas l'opposition" de nos points
de vue.
M. Charles Maurras veut bien assurer
» qu'un évêque, avec toutes les responsa-
bilités dont il a la charge, paraîtra une per-
sonnalité plus distincte, mieux qualifiée,
plus rassurante pour l'ordre public, que
l'entité confuse appelée le Peuple et qu'il
y a cent contre un à parier qu'un dignitai-
re ainsi placé n'usera du dernier recours
du juste qu'à la dernière extrémité ». C'est
possible, mais le calcul des probabilités
est décevant, et, d'autre part, les évêques
crient à la spoliation et à la mort exacte-
ment depuis Philippe-le-Bel.
« Qui peut mieux en juger (de la néces-
sité de la révolte), dit encore M. Charles
Maurras qu'un pouvoir qui est tout spiri-
tuel par essence ? » Evidemment, on ne
sait pas. Toutefois, il y a un pouvoir au-
quel l'analyse de M. Charles Maurras ne
refusera aucun des caractères de la spiri-
tualité, c'est l'Académie des Inscriptions.
On ne voit pas MM. Bouché-Leclercq, Cler-
mont-Ganneau et Cagnat. décider de l'op-
portunité d'une émeute.
En second lieu, nous sommes bien loin
d'admettre l'assimilation que fait M. Char-
les Maurras de « l'esprit protestant » à la
« philosophie laïque » et des écrivains pro-
testants qualifiés lui signifieront probable-
ment qu'il ne l'admettent pas non plus.
Retenons, pourtant, cette phrase de M.
Charles Maurras : « On peut dire que l'es-
prit protestant, Arne de la philosophie laï-
que, a le droit de se réclamer de l'esprit
français et de la civilisation universelle,
comme on peut dire le contraire. »
A n'en point douter, dans la pensée de
M. Charles Maurras, c'est le contraire qui
est la vérité, mais il reconnaît lui-même
qu'il ne suffirait pas là où nous invoquions
Rabelais, Henri Estienne. Bayle et Voltai-
re, d'attester Bossuet, Ronsard, Pascal,
Descartes, Malesherbes, Bonald et Auguste
Comte. Il rappelle la « suite de raisons
analytiques » exposée dans son œuvre. Il
tire argument contre notre thèse de l' « ac-
cord de sa philosophie avec les traditions
les plus anciennes, les plus constantes et
les plus communes des Français. « Il se
flatte que cette philosophie « se propose
au lecteur par les moyens dialectiques ap-
propriés à l'intelligence humaine » et ne
s'impose pas « par les moyens matériels
de l'école d'Etat ».
Arrêtons-nous là. Que demain Philip-
pe VIII relève le trône de Capet, nous
osons espérer que les moyens matériels de
l'école d'Etat ne feront pas défaut à la
philosophie de M. Charles Maurras. Aussi
bien, n'ont-ils jamais manqué à l'enseigne-
ment traditionnel du catholicisme sous la
Restauration et, même, de 1873 à 1789 sous
la République.
Pour ce qui est des traditions des Fran-
çais, si M. Charles Maurras peut légitime-
ment se réclamer des plus anciennes et des
plus communes, peut-il bien les représen-
ter encore comme les plus « constantes »,
après la Renaissance, après la Réforme,
après la Monarchie gallicane, après Port-
Royal, après Y Encyclopédie, après la Révo-
lution ?
Mais réjouissons-nous que tous les Fran-
çais revendiquent l'héritage de la Franoe,
pourvu qu'ils soient résolus, selon une bel-
le expression de M. Charles Maurras lui-
même, à le garder « aussi individis que
possible », comme leur trésor commun.
S'il est vrai qu' « il y a 43 ans que la
querelle de l'émigration est terminée, vi-
dée, réglée, entre les vrais Français H,
« les descendants des compagnons de Cha-
rette et les descendants des compagnons
de Marceau » s'étant tf trouvés unis les
armes à la main contre PenvahksèUf prus-
sien », s'étant « reconnus et tenus désor-
mais pour des frères », à plus forte raison
nous sera-t-il enfin permis, entre Fran-
çais, de causer de difficultés vieilles de
trois siècles, sans haine, sinon sans tris-
tesse. Mais, que chacun y prenne garde, il
ne faut pas moins d'héroïques efforts à
certains pour oublier Louvois. qu'à d'au-
tres pour oublier Coligny, et, dans le Bloc
Français, la Révolution, comme la monar-
chie, devra avoir sa page.
Ch. B.
L'ACTUALITÉ -. ..,
Les Incidents de Toul
Certains militaires de la garni-
son manifestent contre la loi
de trois ans. — Une en-
quête est ouverte.
Toul, 19 mai. — Voici de plus amples
détails sur les malheureux incidents qui
se sont produits samedi et dimanche à
Toul et dont les auteurs sont, comme nous
le disions hier, des soldats des 146e et 153*
régiments d'infanterie.
Depuis un certain temps un esprit de
mauvaise humeur paraissait régner dans
différents corps de la place de Toul en rai-
son de l'étude du projet tendant au rétablis-
sement du service de trois ans ; il s'était
accru aussitôt que fut connu le vote de la
Chambre, approuvant le maintien de la
classe 1912 sous les drapeaux.
On signala, en effet, qu'à plusieurs re-
prises, dans les music-halls et dans cer-
tains établissements cinématographiques
fréquentés par les soldats, l'apparition, sur
un film, de M. Etienne, ministre de la
Guerre, avait été saluée par les cris de :
« A bas les trois ans ! »
DEVANT LE CERCLE MILITAIRE
Samedi, après la soupe de cinq heures du
soir, on vit descendre en ville des escoua-
des entières de soldats du 146e et du 153e
casernés au plateau Saint-Georges et à la
Justice.
Vers six heures et demie, des soldats
s'approchèrent des fenêtres du cercle mili-
taire et se mirent à pousser les cris les
plus divers, et notamment celui de « A bas
les trois ans ! » Certains fredonnaient l'In-
ternationale.
Le lieutenant Robert, du 153e, qui sortait
du cercle, voulut essayer de parlementer
avec ces hommes. Il était en civil. Ses ob-
servations n'eurent aucun effet. Il fut mê-
me bousculé et injurié par quelques-uns des
plus excités. Un capitaine vint dégager le
lieutenant.
Le lieutenant-colonel de Breuchon, du 39e
régiment d'artillerie, major de la garnison,
ayant été mis au courant de ces incidents,
fit déblayer la place de la République par
des patrouilles .fournies par les compagnies
de piquet des casernes Creil et Vauban.
La population civile, indignée de la condui-
te des soldats, se joignit aux patrouilles et
les manifestants furent bientôt dispersés.
Plusieurs arrestations furent opérées.
ON SONNE L'ALERTE
Soudain retentit dans les rues la sonne-
rie de la mobilisation par alerte. C'était le
moyen imaginé par le major de la garnison
pour éviter tout renouvellement des ma-
nifestations. On vit alors artilleurs, dra-
gons, fantassins, regagner leurs caserne-
ments au pas gymnastique.
Les officiers eux aussi rejoignirent les
casernes et y passèrent la nuit qui fut tran-
quille.
La ville rentra dans le calme.
Dimanche matin, le lieutenant-colonel de
Breuchon fit consigner les troupes et ordon-
na qu'une compagnie par régiment fût de
piquet, en armes.
A neuf heures du matin, le général Ré-
my, gouverneur de la place de Toul, convo-
quait, en un conseil de défense, tous les
officiers généraux et chefs de corps. Rien
n'a transpiré de ce qui s'est passé au cours
de cette réunion.
Une vive émotion s'empara de la popu-
lation touloise quand elle apprit par les
journaux du matin les incidents de la veille.
Dans la matinée de dimanche, tout avait
repris la physionomie habituelle.
AU CHAMP DE TIR
A deux heures, plusieurs négociants de
Toul qui se rendaient au champ de tir de
Chaudeney aperçurent, massés à l'entrée
du terrain de Dommartin, des groupes nom-
breux de soldats. Le major de la garnison,
avisé, se rendit seul, à cheval, sur le ter-
rain. Sa venue fut saluée par des huées et
par des cris hostiles au service de trois
ans. Les soldats disaient couramment :
(1 Nous ne refusons pas de nous battre.
Mais nous ne voulons pas rester trois ans
ici ».
Le major de la garnison essaya de par-
lementer. Mais les manifestants l'entourè-
rent. L'officier fut dégagé par les membres
de la Société de tir de Chaudeney. L'un de
ceux-ci, indigné de l'attitude des soldats,
saisit son fusil par le canon et exécuta des
moulinets si vigoureux, qu'il eût bientôt
frayé un passage parmi les soldats.
Le lieutenant-colonel fit mander aussitôt
l'escadron du 12e dragons. Ce fut alors une
débandade effrénée parmi les manifestants
qui s'enfuirent dans toutes les directions,
A 3 heures 45 eut lieu, sur la place de
la République, le concert donné par la mu-
sique du 160®. L'ordre fut donné à tous les
soldats d'évacuer la place.
A cinq heures, le concert prit fin sans
incident. Le major de la garnison donna
alors aux chefs de patrouilles et aux gen-
darmes l'ordre de faire rentrer dans les
casernes tous les soldats qu'ils rencontre-
raient et de faire évacuer tous les cafés.
L'intervention du service d'ordre secondé
par les habitants de Toul ou des environs,
indignés de l'attitude des soldats récalci-
trante, mit enfin ceux-ci hors d'état de con-
tinuer leurs agissements. Toutefois, une
vingaine d'arrestations furent opérées,
dont celles de plusieurs individus civils
parmi lesquels quelques étrangers & l'ar-
rondissement.
PRISE D'ARMES
Aujourd'hui, le général BajoUe vient de
faire prendre les armes aux quatre régi-
ments d'infanterie, le 156e, le 160e, le 146e
et le 1536. A partir de une heure et demie,
les régiments ont défilé dans cet ordre. en
fuce du monument élevé à Fontenoy à la
mémoire des victimes de 1870..
Ajoutons en terminant que le ministre
de la guerre a réclamé dans ta soirée un
rapport complet sur les incidents a hier*
Les Jeux à la Chambre
La majorité repousse une de-
mande d'enquête parlemen- j
taire et vote l'amendement ,'> 1
Georges Berry.
La Chambre a continué hier de discuter
laborieusement et à grands coups d'inter.
ruptions et d'amendementsl le projet dei
loi sur les jeux.
Avant d'en venir à l'examen des diverai
article, elle avait vu M. Etienne, ministre,
de la Guerre, monter à la tribune, pour,
déposer plusieurs projets intéressant son"<
département : l'un qui accorde un suppléa
ment de croix aux services de l'aéronauti-
que ; un autre concernant la nomination1
par anticipation au grade de sous-lieute-
nant des élèves de l'Ecole militaire entrés;
en MU et 1912 ; un troisième enfin autori
sant le ministre de la Guerre à engager
les dépenses à concurrence de 440 millions
en vue d'assurer les mesures d'exécution
nécessaires pour le maintien de la classa
sous les drapeaux.
Klle néglige de répondre dès maintenant
à M. Jaurès, qui crie :
— Où trouverez-vous l'argent ?
Et après avoir validé les- opérations élec-
torales de la deuxième circonscription d&
Brest, et expédié le projet de loi de M..
Maurice Colin, concernant la compétence
des juges de paix en Algérie, passe à la
question qui est à l'ordre du jour.
LES JEUX SUR LA SELLETTE
Quelques escarmouches sans importance
sur la durée pendant laquelle les casinos
pourront être ouverts : M. Pujade, M. Jus-
tin Godart, M. Klotz, ministre de l'Inté-
rieur, échangent amendements et remar..
ques ; on fait même intervenir l'Académie
de Médecine et le Conseil supérieur de
l'hygiène de qui c'est, paraît-il, l'affaire, de
décider, pour le plus grand bien de tous,,
combien de temps les salles de jeux doi-
vent tenir leurs portes ouvertes. Et enfin
par 339 voix contre 152 et sur 491 votants,
la Chambre adopte l'article 1 bis, sansi
l'addition qu'y proposait M. Leroy-Beau
lieu.
L'article est ainsi conçu :
« Par dérogation à l'article 410 du Code
pénal, il pourra être accordé aux cercles
et casinos des localités reconnues stations,
hydrominérales ou climatériques dans les
conditions prévues à l'article premier de M.
loi du 13 avril 1910, et sous quelque nom
que ces établissements soient désignas.
l'autorisation temporaire limitée à la sai-
son des étrangers d'ouvrir au public des,
locaux spéciaux distincts et séparés où se-
ront pratiqués certains jeux de hasard
sous les conditions énoncées dans les arti-
cles suivants.
« Le décret prévu par l'article premier
de la loi du 13 avril 1910 fixera pour cha-
que station la durée annuelle de la saison
des étrangers. »
M. Georges Berry développe alors son
amendement à l'article 2 : on en connaît le
texte : « Aucun casino ouvrant des salles
de jeu, ne pourra être exploité à moins de
cent kilomètres de Paris. u
Beaucoup protestent.
— Question d'espèce et mesure d'excep«
tion, disent les uns.
— La chose ne peut être traitée admi.
nistrativement. opinent les autres.
— En acceptant mon amendement, rétor-
que-t-il, la Chambre protégera à la fois'
les familles ouvrières et le petit commerce
de Paris.
L'amiral Bienaimé opine vigoureuse*
ment. Mais M. Alfred Le Roy dit qu'ayant
été mis en cause par M. Georges Berry, il
a le devoir de fournir à la Chambre lea
renseignements dont il dispose : ces ren-
seignements, ils sont contenus dans un
long rapport où l'on parle de lac, de cura-
ge et de poissons et qui a été remis à la
Sûreté générale : son auteur n'a du reste
jamais reçu de réponse à ce sujet.
LE RAPPORT ASCHWANDEN
Mais on en vient — et on a hâte d'y
venir — à la question du rapport Asch-
wamlen.
« Un communiqué du ministère de l'Inté-
rieur à la presse, dit M. Georges Berry, a
déclaré que le rapport lu à la tribune était
apocryphe. Je ne mets pas en doute la pa-
role de M. le ministre de l'Intérieur, ni
celle de M. le directeur de la Sûreté. Mais
si le rapport qui a été lu n'est pas le vrai,
il y en u un, ainsi que l'a dit M. Le Roy.
Qu'on l'apporte donc, nous saurons à quoi
nous en tenir. Peut-être ai-je été induit en
erreur ; mais il y a un moyen de faire la
lumière, c'est de nommer une commissioa
d'enquête ! »
La Chambre entre en rumeur ; ses mem-
bres s'agitent sur leurs bancs. Plusieurs
voix partent :
— Sur quoi ?
Et dès lors M. Deschanel aura fort à
faire de mener grand tapage avec sa son-
hette et sa règle pour obtenir le silence.
— Je suis prêt, reprend M. Georges Ber-
ry, a faire connaître ce que je sais de-
vant une commission d'enquête. Qu'on fas-
se la lumière complète.
M. Klotz, ministre de l'Intérieur, monte
alors à la tribune.
— Le rapport, proclame-t-il, n'a jamais
été reçu à la Sûreté Générale ; il n'a ja-
mais été écrit par M. Aschwanden. Il n'y
a pas de document datant du 24 novembre
1912.
« Il est fâcheux qu'on apporte ici de
pareHs documente surtout quand ils por-
tent en marge le mot « copie », sans ea
avoir vérifié l'authenticité.
« Une instruction judiciaire est ouverte ;
la justice fera son devoir. A quoi bon dèft
lors une enquête parlementaire ? n •
— M. Georges Berry, demande M. Jau*
rès, dira-t-il au juge d'instruction de qui il
tient ce document ?
— Je lui ai tout dit ce matin, comme
je l'avais dit à M. le ministre de l'Inté-t
rieur..
— Oui, réplique M. Klotz : mais j'ignore
si la personne que m'a indiqué M. Berry
est la même que celle qu'il a désignée au
juge d'instruction. ,.
M. Georges Berry ne se tient pas d in-
dignation : il éclate.
- Donc reprend M. le ministre de Tin-
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