Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-07-26
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 26 juillet 1910 26 juillet 1910
Description : 1910/07/26 (N14746). 1910/07/26 (N14746).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7547468v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/01/2013
V-
N3 14746. — 10 THERMIDOR, AN 110.
CINQ CENTIMES LE NUMERtf
MARDI 26 JUILLET 1910. - N
Fondateur :
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Vb atif Tnit meà Six atii Ci ■
Paris. 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 - 6 - 11 - 20 —
Union Postale 3M 9 - 16 32 --
Foudatear )
AUGUSTE VACQUERIE'
ANNONtiÊ^Ufi
KM. LAGRANGB, pBlÔHifàS
i '- —_ —--.
6, Place de fa Boiïrpe^-. 'lZl
aux B URIZ EA UUX
Adresser toutes les Communications an Directeur
Adresser Lettres et Mandats au Directeur -
ADMINISTRATION & RÉDACTION ; 53, rue du Château-d'Eau : Téléphone 488-14. - De 9 heures du soir à 2 heures du matin, 123, rue Montmartre: Téléphone 143-93
TRIBUNE LIBRE
La leçon des faits
v,
i am»t ■
L'élection du XV* arrondis-
sement de Paris a été doulou-
reuse pour les socialistes et
pour tous les républicains. Un
tel résultat n'était certes pas
attendu. Le premier tour de
Scrutin en faisait, en effet, espérer un
itout différent. Les voix, — il n'est pas
inutile de le rappeler, — s'étaient ainsi
réparties entre les trois candidats en
iprésence : M. de Pressensé, socialiste
lunifié, 4.815 ; M. B. d'Aramon, républi-
cain libéral (?), 4.072 ; M. Chérioux, ra-
ilical-socialiste, 3.160.
En d'autres temps, il y a quelques
mois à peine, l'issue de la bataille n'eût
pas été douteuse. M. de Pressensé aurait
été élu haut la main et sans difficulté.
Pue dis-je ? Son heureux concurrent —
ibaptisé pour la circonstance « républi-
cain libéral », en réalité nationaliste
clérical, hier encore, affirme-t-on,
u royaliste », — n'eût pas osé, au se-
cond tour, affronter les chances du scru-
tin. Le « devoir républicain » n'était pas
alors un vain mot, et quand on parlait
Se « discipline républicaine H, tout le
monde savait ce qu'on voulait dire. C'é-
taient là des notions simples mais clai-
res, qui dictaient à chacun sa ligne de
Conduite politique.
Au premier tour, on se comptait. Cha-
que citoyen, suivant sa nuance, plus ou
moins avancée, plus ou moins modérée,
Notait pour le candidat de son choix-
On allait à la bataille, son fanion large-
ment déployé. Au second tour, les bat-
itus ralliaient le gros de l'armée républi-
caine et c'était le drapeau républicain
jgui triomphait.
C'est à cette tactique et à cette mé-
ihode que la République a dû de s'im-
iplanter en France et de repousser vic-
torieusement les assauts de toutes les
• réactions monarchiques, conservatrices
et clérioalés.
Serions-nous revenus au temps de
Molière ? Et las d'entendre dire que le
'cœur est à gauche, certains docteurs,
révolutionnaires en science médico-poli-
.itique, ont-ils entrepris de nous persua-
der que le cœur est maintenant à droi-
te ?
Ce qui est sûr, c'est que, depuis les
dernières élections législatives, un chan-
gement considérable s'est produit, qui
ressemble fort à un complet bouleverse-
ment. « Devoir républicain » ? Plaisan-
;terie ! Il n'y a que l'intérêt personnel.
*« Discipline républicaine » ? Bonne
pour les naîfs et les gogos. On l'invoque
quand on doit en bénéficier ; si c'est un
loutre qui doit en profiter, on s'empres-
fee de la violer, c'est le système de l'ar-
rivisme. - -
Il n'est, certes, pas nouveau. De tout
Ilemps, des ambitieux sans scrupules,
impatients 'd'arriver, y ont eu recours.
Mais ils étaient unanimement condam-
nés. Ledivers partis les flétrissaient i
Jqui mieux mieux, et -c'était justice Le
mal était ainsi localisé, et nul parti n'en
etait exempt.
Aux élections dernières, cette coupa-
ble défaillance a été élevée à la hauteur
t'un principe. Nombre de socialistes —
joh ! pas tous, oar il importe ici de faire
fane distinction et de séparer l'ivraie du
bon grain — se sont unifiés avec les
partis de réaction et de conservation so-
ciale : « Fatigués, disaient-ils, de ser-
ivir de marchepied au parti radical n,
ils ont trouvé un « marchepied » com-
jplaisant chez les royalistes, nationalis-
ées et cléricaux, et ils s'en sont servis.
¡Quant aux ennemis de la République,
ils ont vu en ces socialistes, unifiés avec
feux, un « balai » docile, et ils n'ont pas
hésité à l'employer. De l'estime qu'on
javait les uns pour les autres, inutile,
M'en parler- Qu'importent les moyens ?
le but seul est à considérer. Et la fin
poursuivie a été souvent atteinte.
C'est dans ces conditions, et grâce à
œtte conception nouvelle des choses de
4a politique, que le parti radical et le
parti radical-socialiste ont fait en gran-
de part les frais des dernières élec-
lions. Une émotion très vive s'en est
Suivie dans notre grand parti : elle n'est
jpas encore calmée.
Ainsi s'explique, tout naturellement
ii sans effortx l'échec de M. de Pressen-
sé. Je ne veux pas dire que cela le jus-
tifie. Mais inutile de se demander si M.
d'Aramon a répandu plus ou moins
abondamment sur les électeurs la manne
céleste. Inutile de echercher si la pres-
sion patronale ou déride, — les deux
peut-être — s'est exercée en sa faveur.
La véritable cause de l'échec, la voilà.
Le dimanche 17 fut une journée de pro-
testation et de représailles^ rien de
plus.
Certes, nul moins que l'honorable M.
(le Pressensé ne méritait d'en être la
victime. Son nom — on l'a dit fort jus-
tement et je souscris sans restriction à
cet éloge — est synonyme de « science »
et de a conscience ». Il avait, par sa
haute intelligence et par la droiture de
son caractère, sa place marquée à la
Chambre- Et notre confrère Jean Lon-
guet a raison, dans l'Humanité, de dé-
plorer la « mentalité toute spéciale »
des radicaux, qui ont mieux aimé don-
ner leurs voix à M. d'Aramon qu'à M.
de Pressensé.
Mais qui donc a créé cette « mentali-
té » ? N'est-elle pas le résultat direct,
naturel et logique, inéluctable enfin, de
ces coalitions socio-papelines, dont
nous avons maintes fois signalé le dan-
ger ?
Et lorsque M. Jaurès écrit, à propos
du radicalisme : « Il glisse de plus en
« plus vers la droite, et il ne craint pas
cc de donner ses suffrages, contre le
cc socialisme, au nationalisme le plus
« rétrograde », comment ne s'aperçoit-
il pas qu'il suffit de modifier légère-
ment sa phrase, pour que son reproche
retombe droit sur son propre parti ?
« Il glisse de plus en plus vers la droi-
« te, et il ne craint pas de demander
« ou de donner ses suffrages, contre le
« radicalisme, au nationalisme le plus
« rétrograde. » Par contre, combien M.
Jaurès voit juste, lorsqu'il ajoute : « De
plus en plus la lutte des socialistes et
des radicaux tournera au bénéfice de la
réaotion M. ,:..
C'est la tactique du « œil pour œil,
dent pour dent » qui commence. Elle est
grosse de périls. Si la R. P. peut nous
permettre d'y échapper — ce qui n'est
peut-être pas démontré - qu'on se hâte
de la faire. En parlant des sympathies
qui vont à l'honorable M. de Pressensé,
à l'occasion de cet échec si regrettable
et si injuste, Jean Longuet dit de cette
« défaite » qu'elle est « infiniment plus
honorable, certes, que la triste victoire
de son concurrent ».
Je sais un radical socialiste, qui, le
soir du 8 mai, succombant sous La coa-
lition des socio-royalistes unifiés, expri-
mait, devant les membres de son Comité,
plus abasourdis et plus écœurés que lui-
même, la même pensée, exactement
dans les mêmes termes. Dure « leçon de1
faits », comme dit encore Jaurès. Puis-
se-t-elle être entendue !
Henri MICHEL.
» «
Politique Etrangère
EN ESPAGNE
'Les divers incidents de la
rvie publique en Espagne, tels
que les relatent les journaux,
trahissent l'intensité tragique
des passions déchaînées. Que
ce soient les alentours du con-
flit avec le Vatican où les à-côtés - de
l'affaire Ferrer, ici et là nous saisissons
sur le vif le conflit des mondes divers
et- opposés qui se disputent le sort de la
péninsule.
C'est en quelque façon une triple ba-
taille qui se livre sur le territoire ibé-
rique. La vieille tradition morale et reli-
gieuse du catholicisme menacé se raidit
pour ne pas succomber, et le clergé ré-
gulier et séculier mobilise le San fit
l'arrière-ban et coalise les fidèles de la
politique de Philippe II, afin d'éviter à
l'Espagne une évolution semblable à
celle par où certains pays voisins ont
vassé.
Les tenants des principes modernes,.
les libéraux, les continuateurs des mi-
nistres du dix-huitième siècle, amis de
nos encyclopédistes, pensent que Vheu
re est venue (l'arracher leur pays à la
domination du clergé et aux influences
vaticanes. Sans doute ne pensent-ils
pas décatholiciser l'Espagne. ni la dé-
christianiser, mais la laiciser. Ils vou-
draient aussi la lancer dans la voie des
entreprises modernes, économiques, in-
dustrielles, coloniales, de toutes sorteS.
L'équipe que dirige M. Canalejas sem.
ble plus décidée que celle que présida
M. Moret à pousser le gouvernement
dans cette direction.
Mais tàndis que libéraux — d'ailleurs
divisés en deux camps — luttent contre
les conservateurs, les républicains et
les socialistes semblent faire peu de cas
de l'action « libératrice » des libéraux
défenseurs de la monarchie et de l'or-
dre établi. A leur tour, ils se déclarent
ouvertement contre une politique que
M. Canaleias croit « forte n ci qu'eux-
mêmes estiment insuffisante.
Au milieu de ces heurts l'attentat stu-
pide dirigé contre M. Maura apparaÍt
comme un incident subalterne, mais qui
marque bien l'acuité des passions Trois
Espagne, trois doctrines, trois « socié-
tés » diverses sont aux prises, et nul ne
saurait dire quel sera le succès d'une
pareille mêlée. Il est plus aisé de distin-
guer les causes du conflit et les grou-
pes en lutte, que de juger la force des.
partis et la probabilité de Vis sue. Mais
il semble bien difficile qu'une seule des
trois tendances hostiles soit assez forte
pour tenir tête à une double attaque, et
c'est ce qui rend si curieuse et si inté-
ressante la partie difficile jouée par M.
Canalcias.
Albert MILHAUD.
« —— i
LES ON-DIT
--+. ♦
Aujourd'hui lundi
Lever du soleil : 4 h., 25 du matin!.!
Coucher du soleil : 7 h. 47 du soir.
Lever de la lune : 9 h. 55 du soir.
Coucher de la lune : 7 h. 35 du matin.
Courses à Saint-Ouen. x
AUTREFOIS
Le 'Rappel du 26 juillet 1874 1
On a vu par le compte rendu de la Cham-
bre que la motion d'ajournement des lois
constitutionnelles a été votée. C'est à ce ré-
sultat qu'avaient tendu tous les efforts, de
M. de Broglie.
— La Déclaration du gouvernement, lue
par M. de Cissey, a été affichée hier à Pa-
ris, avec une profusion qui suffirait à prou-
ver que c'est nous qui payons l'affichage.
C'est par les quartiers excentriques, qu'a
commencé, dès la première heure, la pose
du placard officiel. Le centre a été 6uivi
beaucoup plus tard.
- - Un officier, de l'état-major général de
chaque corps d'armée, en vertu d'une péci-
sion ministérielle, vient d'être mandé à Pa-
ris. Ces officiers Vont prendre part à une
conférence générale, destinée à imprimer au
travail définitif sur la mobilisation de l'ar-
mée la plus grande uniformité possible.
- La Gaceta du 23 juillet confirme offi-
ciellement la nouvelle que les carlistes ont
brûlé les archives de la Recette générale de
Cuença, et ont mis la main sur l'argent des
caisses publiques.
Le bon vieux temps.
Dans oin journal datant de 1862, nous
avons relevé cette information :
« Le tribunal de simple police de La Ro-
chefoucauld a condamné, le 14 juin der-
nier, un boulanger à 10 francs d'amende,
pour vente de pain qui n'était pas assez
cuit. »
Le temps a marché.
AUJOURD'HUI
Déménagement.
Rue du Dragon, près la maison qu'habit
Victor Hugo en 1821, un vieil homme de
peine entasse avec de maladroites précau-
tions de précieux colis sur une voiture à
bras. Un homme jeune, aux veux clairs, à
la fine moustache blonde, au veston bien
coupé fleuri de la Légion d'honneur, che-
veux au vent, loin de gourmander le vieil
homme, met courageusement la main il
la pâte, sans crainde de salir ses mains
fines et son beau veston.
- Et, le populaire qui regarde ce bourgeois
décoré que le travail manuel ne dégoûte
point ne se doute guère qu'il contemple M.
Pelliot, l'explorateur du Turlcestan chinois.
Où pouvait-on, d'ailleurs, le rencontrer,
sinon, rue du Dragon ?
Vue sur l'au-delà.
La sôèrwî se passe boulevard de Clichy.
Un locataire éventuel discute avec une con-
cierge sur la distribution d'un apparte-
ment, -que oelle-ci lui présente sous le jour
le plus favorable : l
— Vous avez, sur le devant, deux pièces
admirables, et une troisième, sur le (Ar-
rière, avec une vue merveilleuse sur., ! le
cimetière Montmartre. -
♦
Heureux Curi)ul
On télégraphie de Berne :
« A la journée officielle du concours de
tir fédéral, M. d'Aunay, ambassadeur de
France, a prononcé un discours qui a été
très applaudi. »
Il arrive, en effet, à M. le comte-séna-
teur-conseiller général d'Aunay de daigner
consacrer, par ci par là; quelques instants
à l'ambassade qu'il doit à l'amitié recon-
naissante de M. QI emexwe au.,
Le reste du temjps, — 'c'est-à-dire 360
jours par an, — M. l'ambassadeur comte
d'Aunay les pa&se allègrement sur les bou-
levards-parisiens, où il aime à traîner ses
vieilles guêtres et son ingénieux cumul.
M. le comte d'Aunay a d'ailleurs réponse
à tout-
Quand un citoyen français lui demande
une audience à Berne, on répond invaria-
blement : « M. l'ambassadeur est à Paris,
au Sénat. »
Au Sénat, lorsqu'un électeur se présente,
on lui objecte : « M. le sénateur est à Ne-
vers, au conseil général », et à Nevers, on ;
éconduit le solliciteur importun en décla-
rant : « M. le conseiller général est à l'am-
bassade de Berne ».
Et le contribuable est d'accord avec l'é
lecteur pour tolérer de tels cumuls î
l. —
Ses coups de Gapeau
Un étranger qui a passé quinze jours
chez nous dé raconte le Cri de Paris, par ces
temps de visités de souverains et de
14-Juillet, nous disait :
— La première fois que j'ai vu votre pré-
fet de police, M. Lépine, précéder un cor-
tège officiel, j'ai cru à quelque distraction
de sa part. il saluait, en effet., d'un coup
de chapeau large et fort aimable, des
groupes de piétons qui n'avaient point
l'air d'être des amis personnels et d'où
n'était parti aucun vivat. On avait dit tout
bonnement : Voilà Lépine.
Une seconde, une troisième fois, je revis
votre -préfet, toujours dans sa Victoria,
toujours précédant le cortège royal ou pré-
sidentiel. De nouveau, il distribuait, avec
une inlassable bonne igrâce, des coups de
chapeau à la multitude chaque fois que,,
des rangs de celle-ci, sortait, même à ind-
voix, le nom de Lépine. Plus d'une fois
même, il me sembla qu'il prenait à son
compte les applaudissements adressés aux
grands personnages dont il éclairait la
foute. A moins qu'il ne voulût — et ceci
(partirait d'un bon sentiment — leur éviter
la ipeine de saluer eux-mêmes.
Ajouterai-je qu'au retour de la revue de
Longchamip, près de la porte Dauphine,
quelques loustics ayant cru de bon goût
de crier : cc Vive Rochette ! » M. Lépine,
entraîné par son propre élan, salua une
fois de plus.
Bref, le successeur de votre La Reynie
salue bien,, mais il salue trop. Sans man-
quer d'égard à M. Lépine au point de le
.camp are r à un piqueur. M. Mollard ne
pourrait-il lui rappeler discrètement que
Mont,jarret fut mis à pied pour moins que
cela et lui insinuer que son geste n'est
peut-être nas tout à fait protocolaire.
Que si, après quarante ans de Républi-
que, les mêmes gens qui eussent exécré la
police sous l'Empire éprouvent aujourd'hui
te besoin de l'applaudir, M. le préfet doit
ignorer ces vivats et .passer impassible
comme un soldat dans lé rang. Vovez-
vous que. tous les caporaux et sergents
soulèvent leurs képis dès qu'on crie Vive
l'arniée ?
C'est un étranger qui parle et sans dou-
te il exagère. On sait trop que l'Europe
nous jalouse notre préfet de police.
> 1 1■ 1 'm
Détente et apaisement
Nous avons signalé récemment les fras-
ques d'un iprêtre de Grenoble, l'abbé Car-
rier, qui agrémentait ses leçons de caté-
chisme de considérations politiques d'une
intolérable violence.
L'évêque de Grenoble, le seigneur Henry,
protesta violemment contre la condamna-
tion (prononcée contre l'abbé Carrier. Puis,
la mitre sur l'oreille et la crosse en l'air,
il vient de s'engager à 50n tour dans la
bataille.
Il vient, en effet, d'annoncer qu'il don-
ne de l'avancement à l'abbé Carrier en
l'appelant comme vicaire à la paroisse
Saint-Bruno de Grenoble. En outre, il en-
gage ses prêtres, en dépit du jugement
rendu, à ne rien abandonner de leur
« droit d'exercer, sans limitation arbitrai-
re », leur enseignement religieux. Il dit que
l'intégralité des explications catécliistiquès
exige parfois que le prêtre se place « sur le
terrain de l'histoire, soit que la leçon du
jour ait besoin d'être illustrée par un ou
plusieurs exemples, soit qu'elle se rapporte
à des vérités que les enfants auraient en-
tendu contester ailleurs H,
Entrez-y hardiment dans les deux cas. Mais
alors, réglez-vous d'après ces principes : agir
très simplement et de telle sorte qu'on ne puisse
vous prêler aucun intention de défi, qui, d'ail-
leurs, serait peu séante ; n'entrez ainsi dans
l'histoire annexe que lorsque vous aurez une
raison suffisante de le faire et dans la me-
sure où l'accessoire ne prendrait pas la place
du principal, et le principal, c'est le caté-
chisme.
Ces réserves faites, il les engage, pour
protester -contre l'arrêt rendu, « à consa-
crer leur leçon d'ouverture à la réfutation
des erreurs doctrinales et historiques con-
tenues dans les manuels scolaires condam-
nés par l'épiscopat H, et il ajoute qu'il le
fera lui-même, dans la cathédrale, en pré-
sence de tous les enfants de Grenoble con-
voqués.
Déèidérnent, l'Evangile selon Sàint-Cha-
mon.d fait chaque jour de nouveaux disci-
ples.
Ça marche. « la détente et l'apaise-
ment t) !
Voir en 3e page :
LES RÉSULTATS
des Elections Départementales
LA GANGRÈNE JUDICIAIRE
ne 8 sur 3118 Mette
.-- ■
Mise au point nécessaire. — Ce que l'on sait aujourd'hui.
La liberté individuelle outrageusement violée. —
Pas de diversion, — Un document.
Une arrestation illégale
•Mardi, la Commission d'enquête va
entendre de nouveaux témoins. Il im-
porte de préciser exactement le problè-
me dont elle est saisie.
Le 23 mars 1908, M. Rochelle était ar-
rêté, mis au secret, maintenu en pri-
son.,
Il était arrêté sur la plainte d'un AL
Pic-hereau. Cela résulte^ ft nous le rap"-
pelons
- 1° De la déclaration du garde des
sceaux d'alors, M. Briand, qui s'expri-
,mait en ces termes à la tribune de la
Chambre :
« Un jour arrive oit le Parquet reçoit
une plainte, non plus une dénonciation
d'un tiers, mais une plainte d'un inté-
ressé, d'un porteur d'actions. Le plai-
gnant se porte partie civile, il dépose
à l'appui de sa plainte la somme néces-
saire ; dès lors le Parquet est saisi. »
20 De la déposition de M. le procu-
reur de la République Monier, à la
Commission, d'enquête, qui déclarait, ri-
postant à M. Yves Durand, qui, on se le
rappelle, avait amené le plaignant Pi-
chereau : 0SÊf
« Je vous ai entretenu des rapports
que j'avais adresses à la chancellerie, et
dans lesquels ie disais qu'en l'état des
choses il ne me paraissait pas possible
d'ouvrir une information contre Ro-
chette. »
Et. des termes mêmes dont M. Jaurès
résumait les déclarations de M. Mo-
nier :
« D'oii l'on peut conclure que l'arres-
tation de Rochette n'aurait pas eu lieu
si M. Yves Durand n'avait pas reçu l'or.
dre de trouver un plaignant dans les
vingt-quatre heures. »
30 Du rapport même de M. le procu-
reur Monier, à la chancellerie, et que
nous publions plus loin, d'après notre
confrère Le Matin, et qui porte notam-
ment : -
« J'estime 'cependant que la person
nalité des dénonciateurs, l'imprécision
de leurs griefs, l'absence de toute plain.
te' des parties directement intéressées
à dévoiler la fraude, sont assez de rai-
sons qui, mises en parallèle avec les
risques à courir, sopposent à rouuer-
turc d'une instruction. »
Ainsi, c'est sur la plainte de M. Pi-
chereau — de M. Pichereau seul, ainsi
qu'hier encore nous le démontrions —*
que M. Rochette fut arrêté.
Or, M. Pichereau n'était pas un por-
teur d'actions, un plaignant véritable et
spontané.
Ce n'était pas un porteur d'actions.
Le rapport de M. l'expert Jullia, dont
nous citions avant-hier les conclusions,
le démontre.
L'aveu de M. Gaudrion renforce cette
preuve :
« Il (M. Yves Durand) me posa cette
question, écrivait le 1" juillet M. Gau-
drion au garde des sceaux ; « Cela ne
« suffit pas complètement, il faut pou-
« voir ouvrir une information sur tou-
« tes les a/taires Rochette ? Pichereau
« ne pourrait-il pas avoir de Manchons
« Hella ? o
« Je répondis que rien n'était plus fa-
cile, puisque possesseur, de Manchons
llelia je pouvais fut remettre quelques-
unes de ces actions, ce que je fis. »
La plainte c'est pas spontanée
M. Pichereau n'était pas davantage
un plaignant spontané.
; Qu'on se rappelle ce qu'a dit M. Yves
Durand lui-même :
« Le vendredi 20 mars, vers midi, 'M.
le préfet de police nous appela, M. Mou-
quin et moi, dans son cabinet, et nous
dit qu'il était indispensable qu'un plai-
gnant fut trouvé le même jour. t)
M. Pichereau n'écrivait-il pas, le 17
juillet, au président de la Commission
d'enquête, une lettre qui se terminait
par ces mots :
« J'entends qu'on sache que te n'ac-
cepterai pas de porter seul la responsa-
bilité d'un acte qu'on m'a arraché. »
Donc, sur la seule plainte de M. Pi-
chereau, qui n'était cependant ni un
porteur d'actions, ni un plaignant spon-
tané, M. Rochette fut arrêté-
Il est établi aujourd'hui que "ce plai-
gnant fictif fut l'œuvre de la préfecture
de police.
Et ainsi, la Commission d'enquête
était saisie de ce problème :
Est-ce que la préfecture de police peut
— de la sorte — fabriquer un plai-
gnant, peser sur la justice pour abattre
un homme quel qu'il soit ?
C'est l'inquiétude causée par un tel
acte qui a ému la conscience publique.
C'est l'indignation légitime qui a sou-
levé la Chambre lorsqu'elle a nommé
une Commission d'enquête pour recher-
cher les auteurs responsables,
Elle j6s trouvera.
Plus de rigueur que de justice
M. Rochette, étant abattu par cet in*
concevable machination, il fallait l'a-
néantir à jamais.
Ainsi s'explique la mise au secret, à'
laquelle on n'eut jamais recours contre
un banquier.
« Quand M. le juge d'instruction Beer
a vu qu'il y avait beaucoup plus d'ar-
gent qu'on aurait cru, disait M0 Maurice
Bernard, qu'il y avait une vie absente
de dissipations, de prodigalités, que
toute l'existence de Rochette se pas-
sait entre sa femme et ses enfants qu'il
adore, et le t'ravail, savez-vous ce qu'il
a fait ? Il a pris une mesure bien indi-
quée par les circonstances : il l'a mis
au secret t n
Et n est-on pas frappé de ce passage
d'une lettre que M. Rochette écrivait,
dès le 26 mars 1908, à M. le juge d'ins-
truction Beer :
« Il faut que je puisse librement,
maintenant que votre œuvre est accom-
plie, discuter mes actes, les détendre,
les justifier. M'empêcher de le faire se-
rait aujourd'hui une rigueur inutile qui
donnerait à penser que le but poursuivi
est moins de me juger que de m'abat.
tre. »
M. Rochette sentait naître ce qui de-
vait devenir une douloureuse réalité.
Par les manœuvres policières que l'on
sait, e-n lui la liberté individuelle était -
scandaleusement violée.
Peut-on, en effet, arrêter un homme,
le mettre à un régime de rigueur, à la
seule demande d'un faux plaignant
quelles que soient les consécrations of-
fertes par la préfecture de police ?
Bien plus, sa défense même ne devait
être qu'une cruelle illusion.
M® Maurice Bernard, en quitt.anf l'au-
dience avec un cri d'angoisse et d'indi-
gnation, en a donné la preuve éclatante.
Mais cette preuve, elle se retrouve
'dans les faits.
On la .voit. dans la précipitation ap-
portée par M. le juge -d'instruction Beer
à clore son, instruction, sans rechercher
auprès des témoins les plus qualifiés
kle-s renseignements éminemment uti-
les.
« Est-ce que, quelques jours après
l'arrestation de M. Rochette, vous n'a-
vez pas envoyé à M. le juge d'instruc-
tion Beer une lettre fort courtoise. dans
laquelle vous lui disiez que vous éttez
au courant des diverses affaires ? » de-
mandait, à l'audience du 4 juillet, M8
Maurice Bernard à M. Ruelle, dont lst
haute situation donnait à son témoigna-
ge une valeur particulière. Et M. Ruel-
le répondait :
« Le 24 au malin, j'écrivis à M. le
juge d'instruction, en lui disant : « Si
(t- vous êtes amené à examiner le Syn-
v dicat Minier, je suis ancien adminis-
« trateur, j'ai passé un an dans l'affaire,
a je suis à votre entière disposition
« pour vous communiquer toutes les
« notes du conseil que j'ai pu prendre
« et vous montrer comment l'affaire
« était gérée à ce moment là. Je n'ai
n jamais reçu de réponse. »
Pourquoi dealer systématiquement
des témoins ?
Pourquoi ce refus d'éclaircir la ques-
tion' des ventes a découvert opérées sur
le> valeurs Rochette ?
Et n'est-ce pas d'une ironie troublan-
te de venir dire à M. Rochette, à l'au-
dience : a Faites vous-même toutes les
preuves que vous voudrez » ?
Mais peut-il forcer, lui, les témoins
à venir, les banquiers à fournir leurs
livres ? Peut-il, au. hasard d'une ques-
tion, offrir le document qui doit le li-
bérer, lorsqu'on songe que le dossier
tronqué de cette instruction de ten-
dance contient, à lui seul, plus de 10,000
pièces 1
On lui a tout saisi, tout pris, tout bou-
leversé. Et c'est lui, lui seul qui doit
faire éclater la vérité f
Est-ce ainsi qu'il faut comprendre les
libres droits de la défense ?
Là encore le principe supérieur da
la liberté de la défense s'est trouvé
singulièrement méconnu.
Mais en même temps que Rochette
était abattu, terrassé, d'heureux privi-
légiés se partageaient ses dépouilles.
On refusa de porter la lumière sur le
crkne de ceux qui, avertis à raison de
leurs fonctions, avaient bénéficié à
coup sûr de l'arrestation prochaine.
On refusa de rechercher ceux qui,
complices ou auteurs principaux,
avaient, avec la préfecture de police,
inventé le fau, plaignant Pichereau.
Voilà encore ce qu1 émut l'opinion —;
parce que cela violait des principes su-
périeurs de justice et d'équité 1 Voilà
encore pourquoi la Commission d'eu.
N3 14746. — 10 THERMIDOR, AN 110.
CINQ CENTIMES LE NUMERtf
MARDI 26 JUILLET 1910. - N
Fondateur :
AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Vb atif Tnit meà Six atii Ci ■
Paris. 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 - 6 - 11 - 20 —
Union Postale 3M 9 - 16 32 --
Foudatear )
AUGUSTE VACQUERIE'
ANNONtiÊ^Ufi
KM. LAGRANGB, pBlÔHifàS
i '- —_ —--.
6, Place de fa Boiïrpe^-. 'lZl
aux B URIZ EA UUX
Adresser toutes les Communications an Directeur
Adresser Lettres et Mandats au Directeur -
ADMINISTRATION & RÉDACTION ; 53, rue du Château-d'Eau : Téléphone 488-14. - De 9 heures du soir à 2 heures du matin, 123, rue Montmartre: Téléphone 143-93
TRIBUNE LIBRE
La leçon des faits
v,
i am»t ■
L'élection du XV* arrondis-
sement de Paris a été doulou-
reuse pour les socialistes et
pour tous les républicains. Un
tel résultat n'était certes pas
attendu. Le premier tour de
Scrutin en faisait, en effet, espérer un
itout différent. Les voix, — il n'est pas
inutile de le rappeler, — s'étaient ainsi
réparties entre les trois candidats en
iprésence : M. de Pressensé, socialiste
lunifié, 4.815 ; M. B. d'Aramon, républi-
cain libéral (?), 4.072 ; M. Chérioux, ra-
ilical-socialiste, 3.160.
En d'autres temps, il y a quelques
mois à peine, l'issue de la bataille n'eût
pas été douteuse. M. de Pressensé aurait
été élu haut la main et sans difficulté.
Pue dis-je ? Son heureux concurrent —
ibaptisé pour la circonstance « républi-
cain libéral », en réalité nationaliste
clérical, hier encore, affirme-t-on,
u royaliste », — n'eût pas osé, au se-
cond tour, affronter les chances du scru-
tin. Le « devoir républicain » n'était pas
alors un vain mot, et quand on parlait
Se « discipline républicaine H, tout le
monde savait ce qu'on voulait dire. C'é-
taient là des notions simples mais clai-
res, qui dictaient à chacun sa ligne de
Conduite politique.
Au premier tour, on se comptait. Cha-
que citoyen, suivant sa nuance, plus ou
moins avancée, plus ou moins modérée,
Notait pour le candidat de son choix-
On allait à la bataille, son fanion large-
ment déployé. Au second tour, les bat-
itus ralliaient le gros de l'armée républi-
caine et c'était le drapeau républicain
jgui triomphait.
C'est à cette tactique et à cette mé-
ihode que la République a dû de s'im-
iplanter en France et de repousser vic-
torieusement les assauts de toutes les
• réactions monarchiques, conservatrices
et clérioalés.
Serions-nous revenus au temps de
Molière ? Et las d'entendre dire que le
'cœur est à gauche, certains docteurs,
révolutionnaires en science médico-poli-
.itique, ont-ils entrepris de nous persua-
der que le cœur est maintenant à droi-
te ?
Ce qui est sûr, c'est que, depuis les
dernières élections législatives, un chan-
gement considérable s'est produit, qui
ressemble fort à un complet bouleverse-
ment. « Devoir républicain » ? Plaisan-
;terie ! Il n'y a que l'intérêt personnel.
*« Discipline républicaine » ? Bonne
pour les naîfs et les gogos. On l'invoque
quand on doit en bénéficier ; si c'est un
loutre qui doit en profiter, on s'empres-
fee de la violer, c'est le système de l'ar-
rivisme. - -
Il n'est, certes, pas nouveau. De tout
Ilemps, des ambitieux sans scrupules,
impatients 'd'arriver, y ont eu recours.
Mais ils étaient unanimement condam-
nés. Ledivers partis les flétrissaient i
Jqui mieux mieux, et -c'était justice Le
mal était ainsi localisé, et nul parti n'en
etait exempt.
Aux élections dernières, cette coupa-
ble défaillance a été élevée à la hauteur
t'un principe. Nombre de socialistes —
joh ! pas tous, oar il importe ici de faire
fane distinction et de séparer l'ivraie du
bon grain — se sont unifiés avec les
partis de réaction et de conservation so-
ciale : « Fatigués, disaient-ils, de ser-
ivir de marchepied au parti radical n,
ils ont trouvé un « marchepied » com-
jplaisant chez les royalistes, nationalis-
ées et cléricaux, et ils s'en sont servis.
¡Quant aux ennemis de la République,
ils ont vu en ces socialistes, unifiés avec
feux, un « balai » docile, et ils n'ont pas
hésité à l'employer. De l'estime qu'on
javait les uns pour les autres, inutile,
M'en parler- Qu'importent les moyens ?
le but seul est à considérer. Et la fin
poursuivie a été souvent atteinte.
C'est dans ces conditions, et grâce à
œtte conception nouvelle des choses de
4a politique, que le parti radical et le
parti radical-socialiste ont fait en gran-
de part les frais des dernières élec-
lions. Une émotion très vive s'en est
Suivie dans notre grand parti : elle n'est
jpas encore calmée.
Ainsi s'explique, tout naturellement
ii sans effortx l'échec de M. de Pressen-
sé. Je ne veux pas dire que cela le jus-
tifie. Mais inutile de se demander si M.
d'Aramon a répandu plus ou moins
abondamment sur les électeurs la manne
céleste. Inutile de echercher si la pres-
sion patronale ou déride, — les deux
peut-être — s'est exercée en sa faveur.
La véritable cause de l'échec, la voilà.
Le dimanche 17 fut une journée de pro-
testation et de représailles^ rien de
plus.
Certes, nul moins que l'honorable M.
(le Pressensé ne méritait d'en être la
victime. Son nom — on l'a dit fort jus-
tement et je souscris sans restriction à
cet éloge — est synonyme de « science »
et de a conscience ». Il avait, par sa
haute intelligence et par la droiture de
son caractère, sa place marquée à la
Chambre- Et notre confrère Jean Lon-
guet a raison, dans l'Humanité, de dé-
plorer la « mentalité toute spéciale »
des radicaux, qui ont mieux aimé don-
ner leurs voix à M. d'Aramon qu'à M.
de Pressensé.
Mais qui donc a créé cette « mentali-
té » ? N'est-elle pas le résultat direct,
naturel et logique, inéluctable enfin, de
ces coalitions socio-papelines, dont
nous avons maintes fois signalé le dan-
ger ?
Et lorsque M. Jaurès écrit, à propos
du radicalisme : « Il glisse de plus en
« plus vers la droite, et il ne craint pas
cc de donner ses suffrages, contre le
cc socialisme, au nationalisme le plus
« rétrograde », comment ne s'aperçoit-
il pas qu'il suffit de modifier légère-
ment sa phrase, pour que son reproche
retombe droit sur son propre parti ?
« Il glisse de plus en plus vers la droi-
« te, et il ne craint pas de demander
« ou de donner ses suffrages, contre le
« radicalisme, au nationalisme le plus
« rétrograde. » Par contre, combien M.
Jaurès voit juste, lorsqu'il ajoute : « De
plus en plus la lutte des socialistes et
des radicaux tournera au bénéfice de la
réaotion M. ,:..
C'est la tactique du « œil pour œil,
dent pour dent » qui commence. Elle est
grosse de périls. Si la R. P. peut nous
permettre d'y échapper — ce qui n'est
peut-être pas démontré - qu'on se hâte
de la faire. En parlant des sympathies
qui vont à l'honorable M. de Pressensé,
à l'occasion de cet échec si regrettable
et si injuste, Jean Longuet dit de cette
« défaite » qu'elle est « infiniment plus
honorable, certes, que la triste victoire
de son concurrent ».
Je sais un radical socialiste, qui, le
soir du 8 mai, succombant sous La coa-
lition des socio-royalistes unifiés, expri-
mait, devant les membres de son Comité,
plus abasourdis et plus écœurés que lui-
même, la même pensée, exactement
dans les mêmes termes. Dure « leçon de1
faits », comme dit encore Jaurès. Puis-
se-t-elle être entendue !
Henri MICHEL.
» «
Politique Etrangère
EN ESPAGNE
'Les divers incidents de la
rvie publique en Espagne, tels
que les relatent les journaux,
trahissent l'intensité tragique
des passions déchaînées. Que
ce soient les alentours du con-
flit avec le Vatican où les à-côtés - de
l'affaire Ferrer, ici et là nous saisissons
sur le vif le conflit des mondes divers
et- opposés qui se disputent le sort de la
péninsule.
C'est en quelque façon une triple ba-
taille qui se livre sur le territoire ibé-
rique. La vieille tradition morale et reli-
gieuse du catholicisme menacé se raidit
pour ne pas succomber, et le clergé ré-
gulier et séculier mobilise le San fit
l'arrière-ban et coalise les fidèles de la
politique de Philippe II, afin d'éviter à
l'Espagne une évolution semblable à
celle par où certains pays voisins ont
vassé.
Les tenants des principes modernes,.
les libéraux, les continuateurs des mi-
nistres du dix-huitième siècle, amis de
nos encyclopédistes, pensent que Vheu
re est venue (l'arracher leur pays à la
domination du clergé et aux influences
vaticanes. Sans doute ne pensent-ils
pas décatholiciser l'Espagne. ni la dé-
christianiser, mais la laiciser. Ils vou-
draient aussi la lancer dans la voie des
entreprises modernes, économiques, in-
dustrielles, coloniales, de toutes sorteS.
L'équipe que dirige M. Canalejas sem.
ble plus décidée que celle que présida
M. Moret à pousser le gouvernement
dans cette direction.
Mais tàndis que libéraux — d'ailleurs
divisés en deux camps — luttent contre
les conservateurs, les républicains et
les socialistes semblent faire peu de cas
de l'action « libératrice » des libéraux
défenseurs de la monarchie et de l'or-
dre établi. A leur tour, ils se déclarent
ouvertement contre une politique que
M. Canaleias croit « forte n ci qu'eux-
mêmes estiment insuffisante.
Au milieu de ces heurts l'attentat stu-
pide dirigé contre M. Maura apparaÍt
comme un incident subalterne, mais qui
marque bien l'acuité des passions Trois
Espagne, trois doctrines, trois « socié-
tés » diverses sont aux prises, et nul ne
saurait dire quel sera le succès d'une
pareille mêlée. Il est plus aisé de distin-
guer les causes du conflit et les grou-
pes en lutte, que de juger la force des.
partis et la probabilité de Vis sue. Mais
il semble bien difficile qu'une seule des
trois tendances hostiles soit assez forte
pour tenir tête à une double attaque, et
c'est ce qui rend si curieuse et si inté-
ressante la partie difficile jouée par M.
Canalcias.
Albert MILHAUD.
« —— i
LES ON-DIT
--+. ♦
Aujourd'hui lundi
Lever du soleil : 4 h., 25 du matin!.!
Coucher du soleil : 7 h. 47 du soir.
Lever de la lune : 9 h. 55 du soir.
Coucher de la lune : 7 h. 35 du matin.
Courses à Saint-Ouen. x
AUTREFOIS
Le 'Rappel du 26 juillet 1874 1
On a vu par le compte rendu de la Cham-
bre que la motion d'ajournement des lois
constitutionnelles a été votée. C'est à ce ré-
sultat qu'avaient tendu tous les efforts, de
M. de Broglie.
— La Déclaration du gouvernement, lue
par M. de Cissey, a été affichée hier à Pa-
ris, avec une profusion qui suffirait à prou-
ver que c'est nous qui payons l'affichage.
C'est par les quartiers excentriques, qu'a
commencé, dès la première heure, la pose
du placard officiel. Le centre a été 6uivi
beaucoup plus tard.
- - Un officier, de l'état-major général de
chaque corps d'armée, en vertu d'une péci-
sion ministérielle, vient d'être mandé à Pa-
ris. Ces officiers Vont prendre part à une
conférence générale, destinée à imprimer au
travail définitif sur la mobilisation de l'ar-
mée la plus grande uniformité possible.
- La Gaceta du 23 juillet confirme offi-
ciellement la nouvelle que les carlistes ont
brûlé les archives de la Recette générale de
Cuença, et ont mis la main sur l'argent des
caisses publiques.
Le bon vieux temps.
Dans oin journal datant de 1862, nous
avons relevé cette information :
« Le tribunal de simple police de La Ro-
chefoucauld a condamné, le 14 juin der-
nier, un boulanger à 10 francs d'amende,
pour vente de pain qui n'était pas assez
cuit. »
Le temps a marché.
AUJOURD'HUI
Déménagement.
Rue du Dragon, près la maison qu'habit
Victor Hugo en 1821, un vieil homme de
peine entasse avec de maladroites précau-
tions de précieux colis sur une voiture à
bras. Un homme jeune, aux veux clairs, à
la fine moustache blonde, au veston bien
coupé fleuri de la Légion d'honneur, che-
veux au vent, loin de gourmander le vieil
homme, met courageusement la main il
la pâte, sans crainde de salir ses mains
fines et son beau veston.
- Et, le populaire qui regarde ce bourgeois
décoré que le travail manuel ne dégoûte
point ne se doute guère qu'il contemple M.
Pelliot, l'explorateur du Turlcestan chinois.
Où pouvait-on, d'ailleurs, le rencontrer,
sinon, rue du Dragon ?
Vue sur l'au-delà.
La sôèrwî se passe boulevard de Clichy.
Un locataire éventuel discute avec une con-
cierge sur la distribution d'un apparte-
ment, -que oelle-ci lui présente sous le jour
le plus favorable : l
— Vous avez, sur le devant, deux pièces
admirables, et une troisième, sur le (Ar-
rière, avec une vue merveilleuse sur., ! le
cimetière Montmartre. -
♦
Heureux Curi)ul
On télégraphie de Berne :
« A la journée officielle du concours de
tir fédéral, M. d'Aunay, ambassadeur de
France, a prononcé un discours qui a été
très applaudi. »
Il arrive, en effet, à M. le comte-séna-
teur-conseiller général d'Aunay de daigner
consacrer, par ci par là; quelques instants
à l'ambassade qu'il doit à l'amitié recon-
naissante de M. QI emexwe au.,
Le reste du temjps, — 'c'est-à-dire 360
jours par an, — M. l'ambassadeur comte
d'Aunay les pa&se allègrement sur les bou-
levards-parisiens, où il aime à traîner ses
vieilles guêtres et son ingénieux cumul.
M. le comte d'Aunay a d'ailleurs réponse
à tout-
Quand un citoyen français lui demande
une audience à Berne, on répond invaria-
blement : « M. l'ambassadeur est à Paris,
au Sénat. »
Au Sénat, lorsqu'un électeur se présente,
on lui objecte : « M. le sénateur est à Ne-
vers, au conseil général », et à Nevers, on ;
éconduit le solliciteur importun en décla-
rant : « M. le conseiller général est à l'am-
bassade de Berne ».
Et le contribuable est d'accord avec l'é
lecteur pour tolérer de tels cumuls î
l. —
Ses coups de Gapeau
Un étranger qui a passé quinze jours
chez nous dé raconte le Cri de Paris, par ces
temps de visités de souverains et de
14-Juillet, nous disait :
— La première fois que j'ai vu votre pré-
fet de police, M. Lépine, précéder un cor-
tège officiel, j'ai cru à quelque distraction
de sa part. il saluait, en effet., d'un coup
de chapeau large et fort aimable, des
groupes de piétons qui n'avaient point
l'air d'être des amis personnels et d'où
n'était parti aucun vivat. On avait dit tout
bonnement : Voilà Lépine.
Une seconde, une troisième fois, je revis
votre -préfet, toujours dans sa Victoria,
toujours précédant le cortège royal ou pré-
sidentiel. De nouveau, il distribuait, avec
une inlassable bonne igrâce, des coups de
chapeau à la multitude chaque fois que,,
des rangs de celle-ci, sortait, même à ind-
voix, le nom de Lépine. Plus d'une fois
même, il me sembla qu'il prenait à son
compte les applaudissements adressés aux
grands personnages dont il éclairait la
foute. A moins qu'il ne voulût — et ceci
(partirait d'un bon sentiment — leur éviter
la ipeine de saluer eux-mêmes.
Ajouterai-je qu'au retour de la revue de
Longchamip, près de la porte Dauphine,
quelques loustics ayant cru de bon goût
de crier : cc Vive Rochette ! » M. Lépine,
entraîné par son propre élan, salua une
fois de plus.
Bref, le successeur de votre La Reynie
salue bien,, mais il salue trop. Sans man-
quer d'égard à M. Lépine au point de le
.camp are r à un piqueur. M. Mollard ne
pourrait-il lui rappeler discrètement que
Mont,jarret fut mis à pied pour moins que
cela et lui insinuer que son geste n'est
peut-être nas tout à fait protocolaire.
Que si, après quarante ans de Républi-
que, les mêmes gens qui eussent exécré la
police sous l'Empire éprouvent aujourd'hui
te besoin de l'applaudir, M. le préfet doit
ignorer ces vivats et .passer impassible
comme un soldat dans lé rang. Vovez-
vous que. tous les caporaux et sergents
soulèvent leurs képis dès qu'on crie Vive
l'arniée ?
C'est un étranger qui parle et sans dou-
te il exagère. On sait trop que l'Europe
nous jalouse notre préfet de police.
> 1 1■ 1 'm
Détente et apaisement
Nous avons signalé récemment les fras-
ques d'un iprêtre de Grenoble, l'abbé Car-
rier, qui agrémentait ses leçons de caté-
chisme de considérations politiques d'une
intolérable violence.
L'évêque de Grenoble, le seigneur Henry,
protesta violemment contre la condamna-
tion (prononcée contre l'abbé Carrier. Puis,
la mitre sur l'oreille et la crosse en l'air,
il vient de s'engager à 50n tour dans la
bataille.
Il vient, en effet, d'annoncer qu'il don-
ne de l'avancement à l'abbé Carrier en
l'appelant comme vicaire à la paroisse
Saint-Bruno de Grenoble. En outre, il en-
gage ses prêtres, en dépit du jugement
rendu, à ne rien abandonner de leur
« droit d'exercer, sans limitation arbitrai-
re », leur enseignement religieux. Il dit que
l'intégralité des explications catécliistiquès
exige parfois que le prêtre se place « sur le
terrain de l'histoire, soit que la leçon du
jour ait besoin d'être illustrée par un ou
plusieurs exemples, soit qu'elle se rapporte
à des vérités que les enfants auraient en-
tendu contester ailleurs H,
Entrez-y hardiment dans les deux cas. Mais
alors, réglez-vous d'après ces principes : agir
très simplement et de telle sorte qu'on ne puisse
vous prêler aucun intention de défi, qui, d'ail-
leurs, serait peu séante ; n'entrez ainsi dans
l'histoire annexe que lorsque vous aurez une
raison suffisante de le faire et dans la me-
sure où l'accessoire ne prendrait pas la place
du principal, et le principal, c'est le caté-
chisme.
Ces réserves faites, il les engage, pour
protester -contre l'arrêt rendu, « à consa-
crer leur leçon d'ouverture à la réfutation
des erreurs doctrinales et historiques con-
tenues dans les manuels scolaires condam-
nés par l'épiscopat H, et il ajoute qu'il le
fera lui-même, dans la cathédrale, en pré-
sence de tous les enfants de Grenoble con-
voqués.
Déèidérnent, l'Evangile selon Sàint-Cha-
mon.d fait chaque jour de nouveaux disci-
ples.
Ça marche. « la détente et l'apaise-
ment t) !
Voir en 3e page :
LES RÉSULTATS
des Elections Départementales
LA GANGRÈNE JUDICIAIRE
ne 8 sur 3118 Mette
.-- ■
Mise au point nécessaire. — Ce que l'on sait aujourd'hui.
La liberté individuelle outrageusement violée. —
Pas de diversion, — Un document.
Une arrestation illégale
•Mardi, la Commission d'enquête va
entendre de nouveaux témoins. Il im-
porte de préciser exactement le problè-
me dont elle est saisie.
Le 23 mars 1908, M. Rochelle était ar-
rêté, mis au secret, maintenu en pri-
son.,
Il était arrêté sur la plainte d'un AL
Pic-hereau. Cela résulte^ ft nous le rap"-
pelons
- 1° De la déclaration du garde des
sceaux d'alors, M. Briand, qui s'expri-
,mait en ces termes à la tribune de la
Chambre :
« Un jour arrive oit le Parquet reçoit
une plainte, non plus une dénonciation
d'un tiers, mais une plainte d'un inté-
ressé, d'un porteur d'actions. Le plai-
gnant se porte partie civile, il dépose
à l'appui de sa plainte la somme néces-
saire ; dès lors le Parquet est saisi. »
20 De la déposition de M. le procu-
reur de la République Monier, à la
Commission, d'enquête, qui déclarait, ri-
postant à M. Yves Durand, qui, on se le
rappelle, avait amené le plaignant Pi-
chereau : 0SÊf
« Je vous ai entretenu des rapports
que j'avais adresses à la chancellerie, et
dans lesquels ie disais qu'en l'état des
choses il ne me paraissait pas possible
d'ouvrir une information contre Ro-
chette. »
Et. des termes mêmes dont M. Jaurès
résumait les déclarations de M. Mo-
nier :
« D'oii l'on peut conclure que l'arres-
tation de Rochette n'aurait pas eu lieu
si M. Yves Durand n'avait pas reçu l'or.
dre de trouver un plaignant dans les
vingt-quatre heures. »
30 Du rapport même de M. le procu-
reur Monier, à la chancellerie, et que
nous publions plus loin, d'après notre
confrère Le Matin, et qui porte notam-
ment : -
« J'estime 'cependant que la person
nalité des dénonciateurs, l'imprécision
de leurs griefs, l'absence de toute plain.
te' des parties directement intéressées
à dévoiler la fraude, sont assez de rai-
sons qui, mises en parallèle avec les
risques à courir, sopposent à rouuer-
turc d'une instruction. »
Ainsi, c'est sur la plainte de M. Pi-
chereau — de M. Pichereau seul, ainsi
qu'hier encore nous le démontrions —*
que M. Rochette fut arrêté.
Or, M. Pichereau n'était pas un por-
teur d'actions, un plaignant véritable et
spontané.
Ce n'était pas un porteur d'actions.
Le rapport de M. l'expert Jullia, dont
nous citions avant-hier les conclusions,
le démontre.
L'aveu de M. Gaudrion renforce cette
preuve :
« Il (M. Yves Durand) me posa cette
question, écrivait le 1" juillet M. Gau-
drion au garde des sceaux ; « Cela ne
« suffit pas complètement, il faut pou-
« voir ouvrir une information sur tou-
« tes les a/taires Rochette ? Pichereau
« ne pourrait-il pas avoir de Manchons
« Hella ? o
« Je répondis que rien n'était plus fa-
cile, puisque possesseur, de Manchons
llelia je pouvais fut remettre quelques-
unes de ces actions, ce que je fis. »
La plainte c'est pas spontanée
M. Pichereau n'était pas davantage
un plaignant spontané.
; Qu'on se rappelle ce qu'a dit M. Yves
Durand lui-même :
« Le vendredi 20 mars, vers midi, 'M.
le préfet de police nous appela, M. Mou-
quin et moi, dans son cabinet, et nous
dit qu'il était indispensable qu'un plai-
gnant fut trouvé le même jour. t)
M. Pichereau n'écrivait-il pas, le 17
juillet, au président de la Commission
d'enquête, une lettre qui se terminait
par ces mots :
« J'entends qu'on sache que te n'ac-
cepterai pas de porter seul la responsa-
bilité d'un acte qu'on m'a arraché. »
Donc, sur la seule plainte de M. Pi-
chereau, qui n'était cependant ni un
porteur d'actions, ni un plaignant spon-
tané, M. Rochette fut arrêté-
Il est établi aujourd'hui que "ce plai-
gnant fictif fut l'œuvre de la préfecture
de police.
Et ainsi, la Commission d'enquête
était saisie de ce problème :
Est-ce que la préfecture de police peut
— de la sorte — fabriquer un plai-
gnant, peser sur la justice pour abattre
un homme quel qu'il soit ?
C'est l'inquiétude causée par un tel
acte qui a ému la conscience publique.
C'est l'indignation légitime qui a sou-
levé la Chambre lorsqu'elle a nommé
une Commission d'enquête pour recher-
cher les auteurs responsables,
Elle j6s trouvera.
Plus de rigueur que de justice
M. Rochette, étant abattu par cet in*
concevable machination, il fallait l'a-
néantir à jamais.
Ainsi s'explique la mise au secret, à'
laquelle on n'eut jamais recours contre
un banquier.
« Quand M. le juge d'instruction Beer
a vu qu'il y avait beaucoup plus d'ar-
gent qu'on aurait cru, disait M0 Maurice
Bernard, qu'il y avait une vie absente
de dissipations, de prodigalités, que
toute l'existence de Rochette se pas-
sait entre sa femme et ses enfants qu'il
adore, et le t'ravail, savez-vous ce qu'il
a fait ? Il a pris une mesure bien indi-
quée par les circonstances : il l'a mis
au secret t n
Et n est-on pas frappé de ce passage
d'une lettre que M. Rochette écrivait,
dès le 26 mars 1908, à M. le juge d'ins-
truction Beer :
« Il faut que je puisse librement,
maintenant que votre œuvre est accom-
plie, discuter mes actes, les détendre,
les justifier. M'empêcher de le faire se-
rait aujourd'hui une rigueur inutile qui
donnerait à penser que le but poursuivi
est moins de me juger que de m'abat.
tre. »
M. Rochette sentait naître ce qui de-
vait devenir une douloureuse réalité.
Par les manœuvres policières que l'on
sait, e-n lui la liberté individuelle était -
scandaleusement violée.
Peut-on, en effet, arrêter un homme,
le mettre à un régime de rigueur, à la
seule demande d'un faux plaignant
quelles que soient les consécrations of-
fertes par la préfecture de police ?
Bien plus, sa défense même ne devait
être qu'une cruelle illusion.
M® Maurice Bernard, en quitt.anf l'au-
dience avec un cri d'angoisse et d'indi-
gnation, en a donné la preuve éclatante.
Mais cette preuve, elle se retrouve
'dans les faits.
On la .voit. dans la précipitation ap-
portée par M. le juge -d'instruction Beer
à clore son, instruction, sans rechercher
auprès des témoins les plus qualifiés
kle-s renseignements éminemment uti-
les.
« Est-ce que, quelques jours après
l'arrestation de M. Rochette, vous n'a-
vez pas envoyé à M. le juge d'instruc-
tion Beer une lettre fort courtoise. dans
laquelle vous lui disiez que vous éttez
au courant des diverses affaires ? » de-
mandait, à l'audience du 4 juillet, M8
Maurice Bernard à M. Ruelle, dont lst
haute situation donnait à son témoigna-
ge une valeur particulière. Et M. Ruel-
le répondait :
« Le 24 au malin, j'écrivis à M. le
juge d'instruction, en lui disant : « Si
(t- vous êtes amené à examiner le Syn-
v dicat Minier, je suis ancien adminis-
« trateur, j'ai passé un an dans l'affaire,
a je suis à votre entière disposition
« pour vous communiquer toutes les
« notes du conseil que j'ai pu prendre
« et vous montrer comment l'affaire
« était gérée à ce moment là. Je n'ai
n jamais reçu de réponse. »
Pourquoi dealer systématiquement
des témoins ?
Pourquoi ce refus d'éclaircir la ques-
tion' des ventes a découvert opérées sur
le> valeurs Rochette ?
Et n'est-ce pas d'une ironie troublan-
te de venir dire à M. Rochette, à l'au-
dience : a Faites vous-même toutes les
preuves que vous voudrez » ?
Mais peut-il forcer, lui, les témoins
à venir, les banquiers à fournir leurs
livres ? Peut-il, au. hasard d'une ques-
tion, offrir le document qui doit le li-
bérer, lorsqu'on songe que le dossier
tronqué de cette instruction de ten-
dance contient, à lui seul, plus de 10,000
pièces 1
On lui a tout saisi, tout pris, tout bou-
leversé. Et c'est lui, lui seul qui doit
faire éclater la vérité f
Est-ce ainsi qu'il faut comprendre les
libres droits de la défense ?
Là encore le principe supérieur da
la liberté de la défense s'est trouvé
singulièrement méconnu.
Mais en même temps que Rochette
était abattu, terrassé, d'heureux privi-
légiés se partageaient ses dépouilles.
On refusa de porter la lumière sur le
crkne de ceux qui, avertis à raison de
leurs fonctions, avaient bénéficié à
coup sûr de l'arrestation prochaine.
On refusa de rechercher ceux qui,
complices ou auteurs principaux,
avaient, avec la préfecture de police,
inventé le fau, plaignant Pichereau.
Voilà encore ce qu1 émut l'opinion —;
parce que cela violait des principes su-
périeurs de justice et d'équité 1 Voilà
encore pourquoi la Commission d'eu.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Collections numériques similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7547468v/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7547468v/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7547468v/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7547468v/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7547468v
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7547468v
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7547468v/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest