Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-07-15
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 juillet 1903 15 juillet 1903
Description : 1903/07/15 (N12178). 1903/07/15 (N12178).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75472759
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
CINQ CENTIMES le Nuœ&KS MRS « DÉPARTEMENTS Le Numéro OINQ CENTIMES
FORDATEUR: AUGUSTE VACQUERIE
* ABONNEMENTS
, hMttïtttttM TA M* Ii III
Paria .,.,-.. 2 fr. Sfr. 9 fr. 18 û8
Départements.. 2 -- 6 - i i - 20 —
Union Postale. 3 - 9 — 16 — 32-
- T~~ A T~~ t~t? TT
RÉDACTEUR El CHEF : CHARLES BOS
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF & Cle
C, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAX*
REDACTION : 14, rue du MaU, Paris
De 1 à 8 heures du sotr et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
N. 12178. — Mercredi 15 Juillet lISOS
27 MESSIDOR AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS
On prête à Guillaume II, empereur,
des paroles de mauvaise humeur con-
tre les socialistes allemands. Quoi ! ;
trois millions de suffrages !.
Ainsi, tandis que la France, la vain-'
eue de 70, celle que l'on croyait bles-
sée à mort, s'épanouit dans sa force et
dans sa liberté, l'héritier des vain-
queurs songe, soucieux, ayant senti
dans sa chair même le tressaillement
des charpentes recouvertes de velours
sur lesquelles il est assis, et que ronge
et mine, par en dessous, obstinément,
le sourd travail des adversaires.
Nous autres, ici, nous célébrons gaî-
ment la fête nationale, l'anniversaire
du grand jour où tomba la prison féo-
dale ; et, glorieux des souvenirs qu'é-
voquent nos annales, nous regardons
l'avenir avec sérénité.
Depuis des années, déjà, l'amitié de.
la Russie est la pierre sur laquelle
s'accoude notre puissance ; d'éclatantes
manifestations viennent de consacrer
notre bon accord avec l'Angleterre ; et
voici que l'Italie, tout entière, poussée
par un courant d'irrésistible sympa-
thie, vient à nous qui lui tendons les
bras.
De sorte que, comme aux jours les
plus superbes de notre histoire, la
'- France est redevenue le foyer d'attrac-
tion vers lequel de toutes parts on se
tourne, comme ces fleurs qui avides
de clarté suivent le soleil dans sa
course à travers le ciel.
Peu à peu, par sa vitalité souveraine,
plus forte que tous les désastres, la
France a repris sa place, au sommet.
***
Spectacle bien fait assurément pour
sxciter la méditation que celui de cet
empereur qui, à côté de cette France si
belle, prospère, ayant le sourire sur
le front et l'espoir dans le cœur, songe
Bt d'un geste nerveux tortille ses
moustaches cirées.
Longtemps, sans doute, dans l'eni-
vrement de sa toute-puissance, il a cru
Indestructible, hors de toute atteinte,
I'oeuvre qui lui a été léguée, dont il est
le gardien orgueilleux; longtemps,
sans doute, il n'a pas porté ses re-
gards au delà du cercle de baïonnet-
tes qui l'entourait ; et le bruit des ca-
nons qu'il aimait à faire évoluer autour
de son trône, l'a empêché de rien en-
tendre de ce qui s'accomplissait au de-
hors et au dedans.
Maintenant que les sympathies
franco-italiennes s'affirment haute-
ment; que reste-t-il de cette Triple-
Alliance qui était dirigée contre la
France, que son fondateur — Bismarck
- a voulue pour tenir en respect, en
échec la France? Et la bonne entente
de la France et de l'Angleterre sur le
terrain économique n'est-elle pas le
coup le plus sensible à l'orgueil comme
aux intérêts allemands?
Juste retour des choses ! Les vain-
queurs ont voulu que cette France,
qu'ils ne croyaient jamais assez humi-
liée, jamais assez vaincue, restât iso-
lée dans le monde, traitée, elle Répu-
blique, en paria parles monarchies voi-
sines; et c'est l'Allemagne, aujour-
d'hui, qui éprouve cette impression
glacée et morne d'isolement.
Et tandis que les nations se détour-
nent, pour venir à la France souriante,
de cette Allemagne autoritaire et som-
bre, le bloc impérial lui-même se dé-
sagrège; Bavarois, Badois, tous ceux
que, de force, le vainqueur a incorpo-
porés dans son armée, souffrent de
plus en plus impatiemment le joug du
caporal prussien.
Et Guillaume Il doit se dire que
d'autres empires, fondés comme le
sien à coups de victoires, se - sont,-
comme le sien s'écroulera, écroulés..
L'empire français qu'avait édifié le,
Corse frénétique, Napoléon, est tombé- ,
en , ruines; ainsi que sont tombés en
ruines l'empire autrichien et tous ceux
que l'on rencontre en remontant le
cours de l'histoire. Car rien de ce qui
se fonde en dehors de la justice et du
droit n'est durable, et les œuvres de i
la force sont fragiles.
***
L'Allemagne souffre, l'Allemagne se
plaint, l'Allemagne fait entendre les
rugissements sourds du lion captif
L'énorme accroissement annuel de sa
population est pour elle un danger qu
grossit d'heure en heure ; déjà sa pro-
duction en céréales est manifestement
insuffisante ; si, par suite d'un conflit
avec la Russie, elle ne pouvait recevoir
d'Odessa les rations de blé qui lui sont
indispensables, elle connaîtrait : la fa-'
mine. Elle connaît déjà la misèrev
Les impôts sont lourds; les difficultés
de vivre augmentent sans cesse. Ne;
cherchez pas ailleurs les causes des-
progrès rapides du socialisme. Guil-j
îaume II a-t-il vraiment tenu les pro:";
pos que nous rapportions hier, dit qu'il.
fallait exterminer la bande socialiste;
par le fer et par le feu ? Mais quel au-
tocrate, quel despote, lorsqu'il enten-
dait grôûder eutour de lui le flot popu-
ilairo, a'a eu cette pensée de mâter pari
la violence cette multitude, d'imposer,
J)jrn massacre, sa volonté-? Beaucoup
on! essayé de ce dérivatif : une guerre;
'ont dirigé vers les champs de bataille.
leurs sujets qui devenaient pour eux
redoutables ; ont voulu engloutir dans
de vastes hécatombes, en terre étran-
gère, la révolution dont ils se sentaient
menacés. Le dernier Napoléon a usé de
cet expédient désespéré ; il lui a mal :
réussi.
Il serait bien difficile à Guillaume II
de déchaîner la guerre dans l'Europe.
Quelle coalition se formerait, pour
la paix, au nom des droits sacrés de
l'humanité, contre l'agresseur ? Et,
sans l'expédient d'une guerre, arrive-
ra-t-il à opposer une digue aux pro-
grès du socialisme? Ce sont de bien
redoutables problèmes qui se posent
devant cet empereur.
Pour lui, l'heure de l'orgueil est
;passée ; il lui faut regarder en face
les difficultés, les périls. Je ne serais
pas étonné si sa songerie se tour-
nait du côté de la France. N'est-ce
pas là en effet qu'est, pour l'Allemagne,
le salut ? Bismark le disait : « Lorsque
l'Allemagne et la France marcheront
la main dans la main, elles domine-
ront le monde M.
Soit. La République française, alliée
de la Russie, sœur de l'Italie, amie de
l'Angleterre, est trop grande pour
avoir de la haine au cœur. Elle veut
la paix, la paix sincère, véritable, fé-
conde, qui donnera aux peuples le
bonheur d'aujourd'hui ef la confiance
de demain. Et l'empereur allemand
sait de quel prix il doit acheter l'ou-
bli de la généreuse France.
Lucien Victor-Meunier.
»
LES CONCESSIONS DU CONGO
Voici M. Delcassé retour de
Londres. Je lis dans le Daily Te-
legraph le récit de ses impres-
sions de voyage. Il se déclare
enchanté. Il dit que le rappro-
chement de l'Angleterre et de la
France est excellent pour les deux pays,
pour tout le monde , pour la paix euro-
péenne. Cet avis n'est pas critiquable. Il est
même certain que M. Delcassé à dû profiter
de son séjour en Angleterre pour régler,
avec M. Balfour et M. Chamberlain, le prin-
cipe de certaines questions, toujours irri-
tantes parce qu'elles durent depuis long-
temps. L'important est qu'un ministre aussi
avisé que lui n'ait pas jugé à propos de faire
des concessions inopportunes.
C'est pourquoi je me refuse à croire quoi
que ce soit d'un bruit qui court, vague en-
core, il est vrai, mais qu'il serait bien en-
nuyeux d'apprendre un jour qu'il est fondé.
On dit que M. Delcassé accepterait ou serait
disposé à accepter la demande d'arbitrage
formulée par l'Angleterre à propos des con-
cessions du Congo, et même qu'il ne serait
pas éloigné de consentir à une seconde con-
férence qui reprendrait les travaux de la
Conférence de Berlin. Une pareille décision
serait d'une gravité exceptionnelle. Les
droits de souveraineté que possède la France
sur le Congo seraient profondément at-
teints. Elle ne serait plus, dans notre colo-
nie devenue internationale, qu'une sorte de:
gendarme commis à sa garde par l'Europe,
qui n'a eu à assumer aucune des dépenses
d'exploration, de conquête et d'établisse-
ment.
J'ai expliqué, l'autre jour, les origines du
différend. Je n'y reviens pas. Je me borne
à rappeler que des commerçants anglais
se prétendant lésés dans leurs intérêts, con-
testent au gouvernement français le droit
de concéder des terres à des Français Cette
aliénation constitue à leurs yeux un mono-
pole commercial. Or, tout monopole com-
mercial,ajoutent-ils,est interdit par l'article
5 de la conférence de Berlin.
Monopole commercial ? Où a-t-on vu
cela dans les concessions du Congo ? Le
vrai est que, bien avant que le gouverne-
ment français ne songeât à exploiter direc-
tement ou indirectement les richesses de
son domaine colonial, des commerçants
anglais, établis dans la région et to lérés,
simplement tolérés par le gouvernement
'français qui ne les y avait jamais autori-
sés, utilisaient ces richesses et fais aient ra-
pidement, surtout avec le caoutchouc, de
grosses fortunes.
-.sien entendu, lorsque les concession-
naires se sont installés sur leurs nouvelles
propriétés, ils ont tout de suite défendu
leurs intérêts et interdit à qui que ce fût,
l'exploitation des. fruits de leur sol. C'est
le droit absolu de tout propriétaire. En
quoi la tolérance dont avaient joui des An-
-glais de la part des autorités congolaises,
leur avait-elle constitué des droits ac-
quis >
- A cè compte, tout serait monopole com-
mercial. La concession d'une ligne de che-
min de fer; la vente d'une propriété, etc.
Est-ce que le propriétaire d'une étendue de
terrain quelconque, en France ou en An-
gleterre, vendant à sa guise les produits de
ses récoltes, jouit d'un monopole commer-
cial ? Il exerce simplement son droit de
propriétaire. Il fait des marchés civils.
Dans toutes les confiées du monde, les
contestations qui proviennent de ses achats
, et de ses ventes sont jugées par les tribu-
naux civils.
Que deviennent, avec une pareille thèse,
:le5 droits de souveraineté de la France sur
le Congo ? Comment? La France n'aurait
: pas le droit d'annexer à son domaine les
terres volantes et sans maître, ce qu'ont
fait partout toutes les nations colonisatri-'
ces > Et ce sont les Anglais qui contestent
çe droit, eux qui ont toujours procédé de
icette-façon > Voyez plutôt l'Australie où la
race indigène a déjà disparu, le Canada,
,le Ctlp, le Transvaai, etc.
Il n'est pas possible que M, Delcassé ait*
iconsenti à un pareil abandon. Il faut, aussi
bien, espérer qu'un démenti ne se rra pas
longtemps attendre. — Ch. B
LA CLÉMENCE INJUSTE
A propos de deux verdicts récents. —
Tout et rien. — Coupable mais ac-
quitté. — Souvenirs de causes
célèbres.
Chaque jour j'entends dire, et je dis moi-
même, qu'il devient très difficile de s'enrichir
en France. On conserve à grand'peine ce qu'on
a, on gagne de quoi « joindre les douxèoufs M,
mais « la forte somme » échappe à tous, même
à ceux qui l'ont soustraite. (Voir pour plus de
renseignements l'affaire H.., dont on ne parle
pas après en avoir tant parlé.)
Eh bien, laissez-moi vous l'avouer, c'est que
nous ne savons pas nous y prendre.
Car il est un moyen sùr,sinon très facile, au-
quel la mère Loi nous incite à penser : faire de
faux billets sans se faire pincer. ",
Ce n'est qu'une question d'habileté, voyez
plutôt :
Vous êtes dessinateur ou photographe — le
photographe sera préféré au dessinateur et
; parfaitement apte à fabriquer de faux billets de
! banque. Ou même, vous n'êtes ni photographe
ni dessinateur, mais affilié à une bande, soyons
poli, à une. société ayant pour but l'exploi-
tation. de la confiance humaine. Les billets
sont prêts à effectuer leur tour de France.Mais,
vous l'avez écrit ou fait écrire sur les papiers
inauthentiques : « L'art. 139 du Code pénal
« punit des travaux forcés ceux qui auront
« contrefait ou falsifié les billets de banque au-
« torisés par la loi. »
Et la perspective d'un voyage gratuit en
Nouvelle-Calédonie ne vous sourit guère, dus-
siez-vous obtenir de la cour d'assises — tou-
jours gratuitement, cela va de soi — un billet
d'aller et retour réductible ét non prolongea-
ble.
Ruse légale
Donc, vous hésitez, vous hésitez. lorsque
vous êtes inhabile. Mais lorsque vous êtes un
habile homme, vous remerciez la mère loi qui
protège les malins, vous souriez à vos compli-
ces — car il est de toute nécessité que vous
ayez des complices, sans quoi la loi ne mar-
che plus — vous plastronnez devant eux, vous
.jouez les grands premiers rôles et, d'une voix
,où dominent les trémolos, vous vous écriez :
— Oui, mes amis, à moi tous les risques ! A
vaincre sans péril. C'est moi qui passerai les
petits bleus. Vous en savez le nombre et la va-
leur, vous savez aussi que je suis un honnête
homme. Du reste je vous autorise à me sur-
veiller. Le jour où je vous priverai d'une sim-
ple semeuse, retirez-moi votre confiance et pre-
nez les billets !
Les complices acceptent avec enthousiasme
cette chevaleresque proposition, tout en trai-
tant in petto l'orateur de « poire ».
— Poires vous-mêmes, pense le Démosthène
de la société. Et poires, parce que vous igno-
rez la loi.
Et il entame la série des fructueuses opéra-
tions. Avant d'être « cueilli », il obtient du
« change » une fortune plus ou moins ron-
delette que, d'ailleurs - le jeu est franc et
loyal — il partage avec ses associés. Son pé-
cule personnel, il le met en lieu sûr. Comme
tout a une fin, arrive le jour où les agenfc* de
l'autorité — à pied, à cheval ou à bicyclette,
cela n'a aucune importance — s'emparent du
délinquant et le jettent, non plus sur la paille
antique et humide d'un cachot, mais sur les
coussins d'une charmante cellule pourvue de
tout le confort moderne et, est-ce la peine de le
redire ? gratuite (électricité et service com-
pris ; lift).
Les complices qui ont appris l'arrestation
s'en amusent, et au vooaWa de « poire » dont
ils gratifiaient déjà leur collègue, ils ajoutent
l'exclamation connue et bien digne de l'esprit
français : « T'en as un œil 1 » ou « Viens, Eu-
sèbe 1 » Mais « pendant ce temps-là » Eusèbe
les dénonce, les fait arrêter, passe avec eux en
cour d'assises, leur procure les travaux forcés,
puis, non plus Démosthène, mais Achille, se
retire sous sa tente et, muni d'un verdict d'ac-
quittement, retrouve son pécule, car — c'est là
que j'en voulais venir — celui qui a favorisé
l'arrestation de ses complices en fausse monnaie
est, en vertu de la loi, exempt de toute pénalité.
Il est donc un moyen, sûr sinon très fa-
cile.
Prime utile, mais exagérée
J'ignore, cher lecteur, si vous partagez ma
mauière de voir, mais j'estime que ce texte de
loi est une prime à la fabrication des faux bil-
lets de banque. La cause qui en a déterminé la
rédaction ne saurait nous échapper, ni à vous,
ni à moi. Il est aisé de deviner que ce fut une
mesure de défense octroyée à l'Etat ; que l'Etat,
ayant tout intérêt à empêcher le retour d'une
fabrication frauduleuse, n'hésite pas à relâcher
un individu pour capturer une bande. Eh I
oui, nous discernons, aussi bien que l'Etat
lui-même, son intérêt.
N'empêche que l'acquittement du délateur est
immoral, injuste et dangereux au premier
chef. C'est une récompense décernée, non-
seulement à la fabrication des faux billets,
mais à la trahison, à la lâcheté humaine. Et
qui nous dit que tous les faux-monnayeurs ne
.s'eri souviendront pas, qu'il ne s'établira pas,
entre ceux d'une même bande, un concours où
triomphera le premier qui aura su se faire ar-
rêter? En outre, qui a bu, boira, qui a. fa-
briqué, fabriquera. L'acquitté, après avoir dis-
'sipé le produit de son vol, reprendra uno tâ -
che dont il évita les risques et goûta les émo-
luments.
Et vous pensez bien que si je traite aujour-
d'hui cette question, c'est qu'elle est d'actualité
.et que deux verdicts tout récents l'ont triste-
ment remise en lumière.
Non moins que l'intérêt de l'Etat, la cons-
cience individuelle y doit avoir sa place. Com.,
-ment mettre les deux d'accord ? Par une tran-
saction. Que la loi, au lieu d'affranchir de toute
pénalité le délateur, le frappe — moins sévè-
rement queses complices'— mais le frappe.
Quand je vois en raison d'un crime de même
nature, d'un même crime, des assassins guillo-
tinés, d'autres emprisonnés puis graciés, je
suis tenté de crier : A l'injustice 1 La clémence
n'est vertu souveraine qu'autant qu'elle s'ap-
plique équitablement ; sinon elle est injuste,
elle abdique.
Autrefois, lorsque tout jeune avocat stagiaire
je suivais les drames de cours d'assises, je m'é-
tonnais déjà que, non plus la loi, mais le jury
se laissât prendre à des distinctions trop sub-
tiles. Un jour, je vis plusieurs accusés bénéfi-
cier de circonstances atténuantes parce que,
n'ayant pas frappé la victime, ils l'avaient
simplement maintenue à terre et bâillonnée,
tandis qu'on l'égorgeait. Le juré qui m'en par-
lait, ajouta : ,' ,
— Eux ne l'auraient pas frappé 1
Et moi, de lui répondre :
Et moi, n'eût pas été frappé, sans eux l
— Il
Fernand GENDRIEK
, ,, .—. ; ■■
LES TRAVAILLEURS DES ARSENAUX
A maintes reprises, les ouvriers des arse-
naux ont demandé à être réintégrés dans los
ateliers après accomplissement de leur service
militaire. La circulaire suivante du ministre
de la marine leur donne satisfaction sur ce
point
Il est impossible d'admettre que las ouvriers
rayant quitté les arsenaux pour satisfaire aux obli-
étions de la loi de recrutement n'y retrouvent pas
d'emploi lorsqu'ils ont accompli leur service mili-
taire.
L'Etat doit, dans ce cas, donner l'exemple.
En conséquence, j'ai décidé que tous ceux de ces
i ouvriers qui réunissent les conditions voulues et
ont fait leur demande de réadmission seront re-
pris dans les arsenaux à compter du 1" août pro-
chain.
■■ »
L'IRRÉPARABLE
C'en est fait. Voici qu'une terrible, qu'une
: épouvantable nouvelle se répand soudaine-
ment. Loizement, l'employé des contributions
indirectes condamné à mort, sous l'incul-
pation d'assassinat, par la cour d'assises de
l'Aisne, est devenu fou.
J'ai exposé ici quelles raisons pouvaient faire
douter de la culpabilité de ce malheureux.
Jamais présomptions plus ténues, preuves
plus fragiles, arguments plus faibles n'ont été
amoncelés contre un prévenu. Tout l'échafau-
dage construit par l'accusation s'écroule au
moindre examen sérieux, tel un château de
cartes qui s'effondre au souffle d'un enfant.
Les haines locales, les ramassis de cancans
et de potins, les radotages de vieilles femmes,
toute cette mixture inommable de jalousies
mesquines,de basses rancunes et d'idées étroites
'ont accompli leur besogne barbare et parfait
l'œuvre L'assassinat cette fois est perpétré.
Loizement n'a plus sa raison.
L'espoir a quitté l'humble demeure où deux
'femmes éplorées, la fille et l'épouse, se conso-
laient pou à peu, soutenues par les encourage-
ments venus de toutes parts. Si maintenant la
grâce intervient, et elle interviendra à coup sûr
— on n'exécute pas les fous — c'est pis qu'un,
cadavre qui sera rendu aux parents atterrés.
une effroyable loque humaine à l'esprit absent,
aux yeux hagards, au rire idiot, aux gestes
imbéciles. Voilà ce que la justice aura fait de
Loizement.
On comprend la surexcitation qui peut s'em-
parer d'un homme chargé de famille, et jusque
là irréprochable, lorsqu'une condamnation
qu'il juge inique vient le frapper. Séparé des
siens pour toujours, marqué pour la guillotine,
enfermé entre les quatre murs d'une prison, il
se casse la tête à chercher un moyen de salut.
Une tempête sous un crâne. Dire qu'il est
: impuissant, qu'il aura beau crier et beau sup-
plier, qu'il ne lui servira à rien de clamer son
innocence et de demander pitié. c'est la lutte
du pot de terre contre le pot de fer. C'est la
défaite inexorable et l'irrémédiable chute.
Loizement a manifesté les premiers signes
de dérangement mental lorsqu'il apprit la grâce
de Moort condamné après lui par la même cour
d'assises de Laon. Il crut tout perdu, ce fut le
dernier coup. Mais il se remettait pourtant,
lorsqu'un incident en apparence insignifiant se
, produisit.
Deux de ses codétenus s'évadèrent de la pri-
'son. Le remue-ménage occasionné par cette
fuite, les allées et venues des gardiens, empli-
rent Loizement de terreur, il crut son dernier
moment arrivé, il eut la vision de l'échafaud
dressé et sa raison sombra.
Il y aura bientôt, dans les maisons d'alié-
nés, un pensionnaire de plus. Il y a déjà quel-
que part deux femmes folles de douleur, les
yeux secs, car elles ont tellement pleuré qu'el-
les n'ont plus de larmes. Je leur envoie, avec
un salut respectueux, l'expression de ma sym-
pathie attendrie.
Mais il y a aussi de par le monde un coupa-
ble qui a tout fait pour qu'un innocent soit
condamné à sa place, il y a les artisans volon-
taires ou involontaires de cet effroyable mal-
heur, ceux dont les témoignages mensongers'
ou irréfléchis ont trompé les juges. Je voudrais
pour eux d'autres châtiments que ceux que
leur réserve leur conscience. — L. Armbruster.
L'ELECTION DE VINCENNES-MONTREUIL
Une grande réunion publique a eu lieu hier
à Fontenay.
Plus de 1.200 personnes y assistaient. Char-
les Deloncle, candidat d'Union républicaine, y
a développé son programme.
Un ordre du jour a été voté à l'unanimité
acclamant sa candidature.
Le candidat nationaliste, M. Hémard, se dé-
robe à toute discussion et perd chaque jour du
terrain.
UN GENDARME RÉVOLUTIONNAIRE RUSSE
rD6 notre correspondant particuliert
Saint-Pétersbourg, 13 juillet.
M. Svorykine, colonel de gendarmerie à
Mourom, dans la Russie ceutrale, avait reçu du
gouvernement l'ordre de surveiller particuliè-
rement les menées révolutionnaires. Pour lui
faciliter sa tâche, on lui envoyait, suivant
l'habitude, un des spécimens de chaque im-
primé révolutionnaire.
M. Svorykine se mit à les étudier tous et,
trouvant leur lecture intéressante, il prêtait
ces opuscules à des amis.
Peu à peu il s'était formé chez lui un salon
de lecture où des amis venaient se régaler des
brochures et manifestes séditieux.
Un médecin qui s'est brouillé avec le colonel
à la table de jeu, l'ayant dénoncé, le gouverne-
ment donna à M. Svorykine un successeur.
Le nouveau colonel se trouve dans une si-,
tuation délicate. Les gens du monde qu'il fré-
quente craignent toujours qu'il ae laissé tom-
ber un imprimé révolutionnaire. Après chacun
de ses visites on explore le salon pour voir
s'il n'a pas a oublié » quelque chose.
ACADÉMIE DES SCIENCES
Le géant des oiseaux -
Une fort intéressante note a été présentée par
M. Edmond Perrier, au nom de M. Guillaume
Graftdidier, sur la reconstitution de la partie
inférieure: du squelette de l'Œpyornis ingens
de Madagascar.
.L'OEpyornis ingens est à l'heure actuelle le
plus grand des oiseaux connus ; c'est un oi-
seau coureur, voisin des Aptoryx et des Dinor-
nis de la Nouvelle-Zélande et de- l'émeu ou.
casoar de la Nouvelle-Hollande. La partie dit,
squelette reconstituée avec des documents en.
partie nouveaux rapportés par M. G. Grandi-
dier de la côte occidentale de l'ile, permet de
supposer que l'œpyornis avait une hauteur de
trois mètres. Il est remarquable par la massi-
vité do ses jambes et sa puissance muscu-
laire.
L'aspect de l'QEpyornis tel que cotte unique
pièce paléontologique peut le faire présumer
devait être celui d'un dindon de dimensions co-
lossales;
C'est à cet oiseau qu'il convient d'attribuer,
les œufs énormes, d'une contenance de 8 à 10
litres,dont l'illustre naturaliste Geoffroy Saint-
Hilaire présenta, en 1851, à l'Académie des
sciences, deux exemplaires qui font aujour-
d'hui partie des collections du Museum d'his-,
toire naturelle.
Questions diverses
A mentionner encore : une note de M. Yves
Delage sur le mouvement de torsion du globe ;
de l'œil chez certains mammifères de l'ordre
des Primates, genre hominien ; la présentation
par M. Armand Gautier d'un travail de M.
Hanriot sur l'argent colloïdal et celle d'un ihé-
moire de M. Boiternach relatif à la forme sous
laquelle l'acide phosphorique et le carbone
s'introduisent dans les végétaux ; un travail de
-M. Charpy sur l'action de l'oxyde de carbone
.,n:Ii' le fer et ses oxydes et une note de M.
fDhurst présentée par M. Ed. Perrier, relative à
: l'action qu'exerce la présence des cornes sur la
:conformation du squelette crânien des rumi-
nants.
Enfin, il nous reste à noter la présentation
:par M. Alfred Picard du 3e volume de son rap-
port général sur l'Exposition universelle de
de 1900. Ce volume est consacré spécialement
à l'examen des installations hydrauliques, mé-
caniques et électriques des grands palais élevés
'afc Champ de Mars. — G. Y.
Voir à la 3° page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
RÉACTIONNAIRE !
Je ne sais si la petite polémique engagée en-
tre M. Albert Surier et moi, intéresse beaucoup
les lecteurs du Rappel.
Il semble, au premier abord, que, seuls, les
membres de l'enseignement puissent s'émou-
voir de nos petites querelles.
Néanmoins, qu'il me soit permis de tirer de
ce débat quelques conclusions nécessaires. Au
fond, notre polémique est grave, car elle met
en question certains points de doctrine que les
républicains sincères ne peuvent dédaigner.
Je ne me donnerai pas le malin plaisir de
continuer une petite lutte à coups d'épingles,
agréable peut-être pour les intéressés, mais
profondément indifférente aux lecteurs impar-
tiaux.
M. Surier, sous des dehors fougueux, ne
cache pas une âme méchante. Il est, je pense,
aussi convaincu que moi-même. Et nous pour-
rons, sinon tomber d'accord, du moins com-
prendre les divergenées de nos intimes pensées.
Aujourd'hui je retiens un mot, un seul,
tombé de la plume de M. Surier. Je fais, parait-
il, œuvre « réactionnairm)
Remarquons, en passant, que cette épithète
fera sourire tous ceux qui me connaissent. Il
serait fastidieux de rappeler les luttes que je
soutiens, depuis tantôt quatorze ans, pour la
République et le progrès social.
Je ne m'attarderai pas à défendre ma petite
personnalité et j'élargirai le débat.
Il est une vérité évidente : on est toujours le
« réactionnaire » de quelqu'un.
Vers la fin du second empire, les socialistes
traitaient de réactionnaires les simples répu-
blicains. Et ceux-ci ne se faisaient pas faute
d'accuser les premiers de faire le jeu de l'em-
'pire.
Aujourd'hui, les libertaires incriminent les
socialistes.
C'est là l'éternel jeu des passions soulevées.
L'arène politique est une course aux obsta-
cles. On veut être plus avancé que son voisin.
Et quand, essoufflé, hors d'haleine, on arrive
au but que l'on s'est assigné, on s'aperçoit avec
, douleur que le gros du bataillon ne vous a pas
'suivi. Il est bien loin derrière, solidement en-
régimenté, cette fois, par la véritable réaction,
consciente de son pouvoir.
Laissons donc aux amuseurs de foules les
épithètes sonores. Ayons conscience de nos de-
voirs. Et sachons lutter pour les immédiates
réalisations.
Mais. pardon. J'oubliais M. Surier. Il m'ac-
cuse de calomnier sa jeune société.
Nous en reparlerons en détail dans nos pro-
chains articles.
Nous examinerons avec sang-froid la situa-
tion de l'Enseignement laïque. Et nous essaie-
rons de démontrer que les intérêts du corps
'enseignant se confondent avec ceux de notre
grande et dévouée démocratie. - Georges
Moitet.
♦ ————————————.
INDICATEU R CÉLESTE
On a bien raison de dire que le temps qu'on
passe à la lecture n'est pas du temps perdu. Je
viens de lire le Pèlerin de la semaine dernière et
voici ce que j'y ai trouvé :
Saint. Anloine m'a exaucée en me faisant trou-
ver l'appartement que je cherchais. A moi donc
:d'acquitter ma dette de reconnaissance en vous
Adressant 1 franc pour l'œuvre du pain des pau-
vres.
Ainsi, saint Antoine s'occupe do chercher
des appartements pour ceux de ses fidèles qui
sont dans l'intention de démcnager?
Mais c'est charmant tout simplement. Et
20 sous c'est pour rien I
Voilà certes un tuyau qui ne tombe pas dans
l'oreille d'un soard. Fichtre oui ! Si jamais
l'intention me vient de changer d'appartement,
je laisserai de côté agences et indicateurs pour
m'adresser à ce bon saint.
Et vous verrez si je ne suis pas logé comme
un prince et à bon marché.
Du reste, je vous inviterai à pendre la cré-
maillère et vous jugerez de visu. — 11.4N.
AU VATICAN
Guillaume II se remue
(De notre correspondant particulier} ■
Rome, 13 juillet.
Le cardinal Rampolla souffre de frissons de
fièvre présentant des symptômes étranges qui
ne laissent pas de préoccuper le D'Lapponi. On
commente vivement les nombreux cas de ma-
ladie qui se produisent dans l'entourage du
pape.
Guillaume Il a adressé des lettres autogra-
phes à plusieurs cardinaux qui 90 trouvent ac-
tuellement à Rome. C'est un de ses aides de
camp qui est venu les remettre personnelle-
ment aux destinataires.
DÉCOUVERTE ARCHÉOLOGIQUE
DANS L'AFRIQUE ITALIENNE
fDe notre correspondant particulier)
Massaouah, 13 juillet.
Sur la rive droito du Barca, l'archéologue
Conti-Rossini a découvert dans un rocher des
incisions taillées dans la roche et représentant
des figures- de girafes, de chameaux, de che-
ivaux et de serpents. Il y a là aussi une inscrip-
tion en caractères vieil-éthiopien sans voyelles
et qui fait allusion à la tribu des Kasous du
'temps du royaume de Meroc.
On a. découvert aussi sur le plateau, près du
fleuve, plusieurs tombes du XV siècle appar-
tenant aux Fœings, peuple qui avait fondé un
royaume dans le Senaar.
,
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Le comité républicain radical-socialiste,
■quailier du Père-Lachaise (M arrondisse-
ment), se réunira le jeudi 16 juillet, à 8 h. Ij2
'du soir, salle Pouyet, 146, bouîovM ds Ménil-
;m'Ontarit
Les adhésions y seront reçues.
LE 14 JUILLET
Coup d'œil en arrière. — Pourquoi cette
date 9— Dans les arrondissements.
Réhabilitation de la fête natio-
nale. — La revue. — En pro-
vince. Les préfets ré-
publicains.
Pendant l'Empire,*la fête nationale — natio-
nale est ici un qualificatif bien impropre —
.était le 15 août, jour de l'Assomption, fête
:essentielloment catholique, apostolique et ro- k
maine, puisquo fête de la Vierge Marie
Vint la guerre franco-allemande, l'année ter-
rible et les désastres de 1870-71 ; il ne fut plus
.question de fêtes.- Adieu, lampions et pavoise-
•ments ! D'ailleurs ceux-ci avaient, depuis quel-
ques années surtout, plutôt un caractère offi-
ciel. Il y avait trop de morts à pleurer. La
"France tout entière était en deuil ; il lui fallait
aussi et surtout travailler à son relèvement. On
ne pensait guère aux réjouissances.
La République répara les fautes de l'Empire ;
en 1878, quelques-unes des blessures étant ci
catrisées, elle crut devoir montrer à l'Europe,
,au monde entier, que la France, grâce à elle,
.existait toujours, que son industrie, son com-
'merce et son agriculture avaient repris le des-
sus et qu'elle était une nation forte et puissante,
avec laquelle il fallait compter.
L'Exposition do 1878 fut la manifestation pre-
mière de cette puissance que la République
avait donnée à la France meurtrie, anéantie
presque par Napoléon le Petit. Le 30 juin 1878,
dans un élan spontané, inopinément, sans
qu'aucun programme odiciel eut été préala
blement élaboré. Paris se donna une fête pai-
sible et splendide à la fois. Le peuple pavoisa
et illumina. Ce fut la première fête populaire
de la République ; elle doit marquer dans ses
annales, parce qu'elle est comme la constata-
tion par la Nation du relèvement et de la force
de la France nouvelle, de la patrie répu-
blicaine.
Le 14 juillet 1880, la France célébrait la pref
mière fête nationale officielle. Elle fut splen-
dide, parce qu'elle marquait la date de l'amnis-
tie plénière, enfin proclamée après tant d'an-
nées d'attente, et la date de la remise des dra-
peaux à l'armée, qui, depuis les désastres, se
trouvait pour la première fois en contact officiel
et direct avec le pouvoir. Paris se montra su-
perbe, et magnifique fut son enthousiasme ; la
province tout entière, avec une unanimité pres-
que complète, s'associa à cette grande mani-
festation républicaine, parce que le 14 Juillet
était bien la date qu'il convient à une démo-
cratie de fêter.
Pourquoi ?
La « Révolution tout entière»
On avait songé au 4 août, dato de l'abolit ion
des privilèges. D'aucuns avaient une prédilec-
tion pour le 21 septembre, date de la procla-
mation do la République. Certains prônaient le
10 août, anniversaire de la prise des Tuileries.
La Chambre et le Sénat choisirent le 14 juillet.,
arce que, comme l'a fait remarquer l'émi
rient historien, Henri Martin, la date du 14
juillet, « c'est la Révolution tout entière. C'est
•« la victoire décisive do l'ère nouvelle sur l'an-
« cien régime »
Le 14 juillet, date de la prise do la Bastille,
fut suivi du 14 juillet 1790, qui consacra le
premier par l'adhésion de la France entiiJre.
« Cette seconde journée, dit Henri Martin,
qui n'a coûté ni une goutte de sang, ni une
larme ; c'est la journée de la grande fédéra,
tion, symbole do l'union fraternelle do tous los
partis do la France et de tous les citoyens fran-
çais, dans la liberté et l'égalité. »
Certes, le 14 Juillet est le plus beau jour de
notre Histoire. C'est la mort d'un passé de
souffrances et d'iniquités et l'éclosion d'un
avenir nouveau d'amour et de justice. C'est la
domination qui s'en va, pour faire place à une
ère nouvelle de liberté et de fraternité. C est la
porte ouverte au soleil régénérateur et bien-
faisant, aux revendications. des petits et des
humbles. C'est l'égalité qui commence ; c'est la
société nouvelle qui se forme sur les ruines du
passé ; c'est le triomphe de la démocratie ;
c'est la République humanitaire de demain. —
W. D.
LES FÊTES DE. QUARTIER
La Fête Nationale a commencé officiellement
hier dans le 3f arrondissement par une magni-,
.fique retraite aux flambeaux organisée par la
municipalité, avec le concours de l'Harmonie
municipale, président, M. H. Monin, directeur ;
M. Rivolier et la Société de tambours et clai-
rons. Itinéraire : rues Cafarelli, Archives,
Temple, N.-D. de Nazareth, boulevard Sébas-
.topol, Beaubourg, Parc-Royal, Turenne, rue
de Bretagne, pour se rendre à la mairie. La
Marseillaise, exécutée d'une façon remarqua-
ble, a été bissée par une foule nombreuse, à
l'issuo, un feu d'artifice a été tiré dans le square
du Temple ; embrasement général, le coup d'œil
était féerique ; partout on a dansé et tout par-
ticulièrement dans les bals organisés : rues du
Temple, carrefour des Gravilliers, Pastourelle,
Bourg-Labbé, Archives, Saint-Martin, Mont-
morency, Quatre-Fils, Franche-Comté, etc.Au-
jourd'hui, à 8 h. du matin, aura lieu la distri-
bution des prix aux enfants des écoles dans la
cour d'honneur de la mairie.
Voici le programme do la fête du carrefour
Archives et Bretagne, dont est président d'hon-
neur M. Puech :
Grandes illuminalions,, bal de nuit, sous ta
direction dû M. Ch. Fourdrain. jeux de la poêle,
de la farine, courses aux grenouilles, jeux do
ciseaux, etc.
MM. Busson, président, Vasseur, vice-prési-
dent, Hepzog, trésorier, Mari us, secrétaire ;
commissaires: Sahtreau, Anguérac. MuUer,
Siry, -
Au carrefour Beaubourg-Michel-Le-Comto,
Grande fête foraine sur l'emplacement de la
rue Beaubourg, sous le patronnée de M. Pucch,
député, M. Brenot, conseiller municipal, M.
Billet, délégué de la municipalité. Illumina-
tions générales, éclairage électrique, grande
retraite aux flambeaux, grand bal de nuit au
carrefour Beaubourg, à 2 heures, jeux de bi-
cyclettes, le picador, courses à pied, jeu da
baquet, etc.- "T
Président d'honneur. M. Chapet, président,
M. Pierre Gallois, vice-président, M. Delà-
place, secrétaires, MM. Rioux, Liesse, adjoint,
M. Louis Gallois, trésorier, M. Vergez, mon
bres : MM. Décaudin, Dages, Cbaumarlill,
Maitret, Dubois, Felgioes, Charbonnier, Le-
moine, Manteau, Jerry, Lebrun, Guénard
Etienne.
Au carrefour Bourg-Labbé, Saint-Martin et
Montmorency, Grandes illuminations, grand
bal, fête enfantine, course à la grenouille, jeu
du rouleau, jeu du baquet, jeu do ciseaux, etc.
-bal d'enfants, sous la direction de M. Servais,
feu d'artifices.
Président, ,M." A;-Feuillet, vices-présidents,
Boudvillain, Naudin, Mme Desnier; tlésorior,
Boileau; secrétaire, Colas; archiviste, Grosprê-
tre; commissaires généraux: LebalUy. Moreau,
Brunschwig.
Au carrefour Temple, Gravilliers, Pastou-
relle, président d'honneur, M. Puech, député'
grand feu d'artifice, bal do nuit, concert d'a-
mateurs, etc.. distribution de gAteaux et ra*
fraîohissements aux enfante,
Président, M. Charbonnier, 119, rue du Tom
pie; vice-prudents, itfoalet, Mouquet; trés#j?
FORDATEUR: AUGUSTE VACQUERIE
* ABONNEMENTS
, hMttïtttttM TA M* Ii III
Paria .,.,-.. 2 fr. Sfr. 9 fr. 18 û8
Départements.. 2 -- 6 - i i - 20 —
Union Postale. 3 - 9 — 16 — 32-
- T~~ A T~~ t~t? TT
RÉDACTEUR El CHEF : CHARLES BOS
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF & Cle
C, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAX*
REDACTION : 14, rue du MaU, Paris
De 1 à 8 heures du sotr et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
N. 12178. — Mercredi 15 Juillet lISOS
27 MESSIDOR AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS
On prête à Guillaume II, empereur,
des paroles de mauvaise humeur con-
tre les socialistes allemands. Quoi ! ;
trois millions de suffrages !.
Ainsi, tandis que la France, la vain-'
eue de 70, celle que l'on croyait bles-
sée à mort, s'épanouit dans sa force et
dans sa liberté, l'héritier des vain-
queurs songe, soucieux, ayant senti
dans sa chair même le tressaillement
des charpentes recouvertes de velours
sur lesquelles il est assis, et que ronge
et mine, par en dessous, obstinément,
le sourd travail des adversaires.
Nous autres, ici, nous célébrons gaî-
ment la fête nationale, l'anniversaire
du grand jour où tomba la prison féo-
dale ; et, glorieux des souvenirs qu'é-
voquent nos annales, nous regardons
l'avenir avec sérénité.
Depuis des années, déjà, l'amitié de.
la Russie est la pierre sur laquelle
s'accoude notre puissance ; d'éclatantes
manifestations viennent de consacrer
notre bon accord avec l'Angleterre ; et
voici que l'Italie, tout entière, poussée
par un courant d'irrésistible sympa-
thie, vient à nous qui lui tendons les
bras.
De sorte que, comme aux jours les
plus superbes de notre histoire, la
'- France est redevenue le foyer d'attrac-
tion vers lequel de toutes parts on se
tourne, comme ces fleurs qui avides
de clarté suivent le soleil dans sa
course à travers le ciel.
Peu à peu, par sa vitalité souveraine,
plus forte que tous les désastres, la
France a repris sa place, au sommet.
***
Spectacle bien fait assurément pour
sxciter la méditation que celui de cet
empereur qui, à côté de cette France si
belle, prospère, ayant le sourire sur
le front et l'espoir dans le cœur, songe
Bt d'un geste nerveux tortille ses
moustaches cirées.
Longtemps, sans doute, dans l'eni-
vrement de sa toute-puissance, il a cru
Indestructible, hors de toute atteinte,
I'oeuvre qui lui a été léguée, dont il est
le gardien orgueilleux; longtemps,
sans doute, il n'a pas porté ses re-
gards au delà du cercle de baïonnet-
tes qui l'entourait ; et le bruit des ca-
nons qu'il aimait à faire évoluer autour
de son trône, l'a empêché de rien en-
tendre de ce qui s'accomplissait au de-
hors et au dedans.
Maintenant que les sympathies
franco-italiennes s'affirment haute-
ment; que reste-t-il de cette Triple-
Alliance qui était dirigée contre la
France, que son fondateur — Bismarck
- a voulue pour tenir en respect, en
échec la France? Et la bonne entente
de la France et de l'Angleterre sur le
terrain économique n'est-elle pas le
coup le plus sensible à l'orgueil comme
aux intérêts allemands?
Juste retour des choses ! Les vain-
queurs ont voulu que cette France,
qu'ils ne croyaient jamais assez humi-
liée, jamais assez vaincue, restât iso-
lée dans le monde, traitée, elle Répu-
blique, en paria parles monarchies voi-
sines; et c'est l'Allemagne, aujour-
d'hui, qui éprouve cette impression
glacée et morne d'isolement.
Et tandis que les nations se détour-
nent, pour venir à la France souriante,
de cette Allemagne autoritaire et som-
bre, le bloc impérial lui-même se dé-
sagrège; Bavarois, Badois, tous ceux
que, de force, le vainqueur a incorpo-
porés dans son armée, souffrent de
plus en plus impatiemment le joug du
caporal prussien.
Et Guillaume Il doit se dire que
d'autres empires, fondés comme le
sien à coups de victoires, se - sont,-
comme le sien s'écroulera, écroulés..
L'empire français qu'avait édifié le,
Corse frénétique, Napoléon, est tombé- ,
en , ruines; ainsi que sont tombés en
ruines l'empire autrichien et tous ceux
que l'on rencontre en remontant le
cours de l'histoire. Car rien de ce qui
se fonde en dehors de la justice et du
droit n'est durable, et les œuvres de i
la force sont fragiles.
***
L'Allemagne souffre, l'Allemagne se
plaint, l'Allemagne fait entendre les
rugissements sourds du lion captif
L'énorme accroissement annuel de sa
population est pour elle un danger qu
grossit d'heure en heure ; déjà sa pro-
duction en céréales est manifestement
insuffisante ; si, par suite d'un conflit
avec la Russie, elle ne pouvait recevoir
d'Odessa les rations de blé qui lui sont
indispensables, elle connaîtrait : la fa-'
mine. Elle connaît déjà la misèrev
Les impôts sont lourds; les difficultés
de vivre augmentent sans cesse. Ne;
cherchez pas ailleurs les causes des-
progrès rapides du socialisme. Guil-j
îaume II a-t-il vraiment tenu les pro:";
pos que nous rapportions hier, dit qu'il.
fallait exterminer la bande socialiste;
par le fer et par le feu ? Mais quel au-
tocrate, quel despote, lorsqu'il enten-
dait grôûder eutour de lui le flot popu-
ilairo, a'a eu cette pensée de mâter pari
la violence cette multitude, d'imposer,
J)jrn massacre, sa volonté-? Beaucoup
on! essayé de ce dérivatif : une guerre;
'ont dirigé vers les champs de bataille.
leurs sujets qui devenaient pour eux
redoutables ; ont voulu engloutir dans
de vastes hécatombes, en terre étran-
gère, la révolution dont ils se sentaient
menacés. Le dernier Napoléon a usé de
cet expédient désespéré ; il lui a mal :
réussi.
Il serait bien difficile à Guillaume II
de déchaîner la guerre dans l'Europe.
Quelle coalition se formerait, pour
la paix, au nom des droits sacrés de
l'humanité, contre l'agresseur ? Et,
sans l'expédient d'une guerre, arrive-
ra-t-il à opposer une digue aux pro-
grès du socialisme? Ce sont de bien
redoutables problèmes qui se posent
devant cet empereur.
Pour lui, l'heure de l'orgueil est
;passée ; il lui faut regarder en face
les difficultés, les périls. Je ne serais
pas étonné si sa songerie se tour-
nait du côté de la France. N'est-ce
pas là en effet qu'est, pour l'Allemagne,
le salut ? Bismark le disait : « Lorsque
l'Allemagne et la France marcheront
la main dans la main, elles domine-
ront le monde M.
Soit. La République française, alliée
de la Russie, sœur de l'Italie, amie de
l'Angleterre, est trop grande pour
avoir de la haine au cœur. Elle veut
la paix, la paix sincère, véritable, fé-
conde, qui donnera aux peuples le
bonheur d'aujourd'hui ef la confiance
de demain. Et l'empereur allemand
sait de quel prix il doit acheter l'ou-
bli de la généreuse France.
Lucien Victor-Meunier.
»
LES CONCESSIONS DU CONGO
Voici M. Delcassé retour de
Londres. Je lis dans le Daily Te-
legraph le récit de ses impres-
sions de voyage. Il se déclare
enchanté. Il dit que le rappro-
chement de l'Angleterre et de la
France est excellent pour les deux pays,
pour tout le monde , pour la paix euro-
péenne. Cet avis n'est pas critiquable. Il est
même certain que M. Delcassé à dû profiter
de son séjour en Angleterre pour régler,
avec M. Balfour et M. Chamberlain, le prin-
cipe de certaines questions, toujours irri-
tantes parce qu'elles durent depuis long-
temps. L'important est qu'un ministre aussi
avisé que lui n'ait pas jugé à propos de faire
des concessions inopportunes.
C'est pourquoi je me refuse à croire quoi
que ce soit d'un bruit qui court, vague en-
core, il est vrai, mais qu'il serait bien en-
nuyeux d'apprendre un jour qu'il est fondé.
On dit que M. Delcassé accepterait ou serait
disposé à accepter la demande d'arbitrage
formulée par l'Angleterre à propos des con-
cessions du Congo, et même qu'il ne serait
pas éloigné de consentir à une seconde con-
férence qui reprendrait les travaux de la
Conférence de Berlin. Une pareille décision
serait d'une gravité exceptionnelle. Les
droits de souveraineté que possède la France
sur le Congo seraient profondément at-
teints. Elle ne serait plus, dans notre colo-
nie devenue internationale, qu'une sorte de:
gendarme commis à sa garde par l'Europe,
qui n'a eu à assumer aucune des dépenses
d'exploration, de conquête et d'établisse-
ment.
J'ai expliqué, l'autre jour, les origines du
différend. Je n'y reviens pas. Je me borne
à rappeler que des commerçants anglais
se prétendant lésés dans leurs intérêts, con-
testent au gouvernement français le droit
de concéder des terres à des Français Cette
aliénation constitue à leurs yeux un mono-
pole commercial. Or, tout monopole com-
mercial,ajoutent-ils,est interdit par l'article
5 de la conférence de Berlin.
Monopole commercial ? Où a-t-on vu
cela dans les concessions du Congo ? Le
vrai est que, bien avant que le gouverne-
ment français ne songeât à exploiter direc-
tement ou indirectement les richesses de
son domaine colonial, des commerçants
anglais, établis dans la région et to lérés,
simplement tolérés par le gouvernement
'français qui ne les y avait jamais autori-
sés, utilisaient ces richesses et fais aient ra-
pidement, surtout avec le caoutchouc, de
grosses fortunes.
-.sien entendu, lorsque les concession-
naires se sont installés sur leurs nouvelles
propriétés, ils ont tout de suite défendu
leurs intérêts et interdit à qui que ce fût,
l'exploitation des. fruits de leur sol. C'est
le droit absolu de tout propriétaire. En
quoi la tolérance dont avaient joui des An-
-glais de la part des autorités congolaises,
leur avait-elle constitué des droits ac-
quis >
- A cè compte, tout serait monopole com-
mercial. La concession d'une ligne de che-
min de fer; la vente d'une propriété, etc.
Est-ce que le propriétaire d'une étendue de
terrain quelconque, en France ou en An-
gleterre, vendant à sa guise les produits de
ses récoltes, jouit d'un monopole commer-
cial ? Il exerce simplement son droit de
propriétaire. Il fait des marchés civils.
Dans toutes les confiées du monde, les
contestations qui proviennent de ses achats
, et de ses ventes sont jugées par les tribu-
naux civils.
Que deviennent, avec une pareille thèse,
:le5 droits de souveraineté de la France sur
le Congo ? Comment? La France n'aurait
: pas le droit d'annexer à son domaine les
terres volantes et sans maître, ce qu'ont
fait partout toutes les nations colonisatri-'
ces > Et ce sont les Anglais qui contestent
çe droit, eux qui ont toujours procédé de
icette-façon > Voyez plutôt l'Australie où la
race indigène a déjà disparu, le Canada,
,le Ctlp, le Transvaai, etc.
Il n'est pas possible que M, Delcassé ait*
iconsenti à un pareil abandon. Il faut, aussi
bien, espérer qu'un démenti ne se rra pas
longtemps attendre. — Ch. B
LA CLÉMENCE INJUSTE
A propos de deux verdicts récents. —
Tout et rien. — Coupable mais ac-
quitté. — Souvenirs de causes
célèbres.
Chaque jour j'entends dire, et je dis moi-
même, qu'il devient très difficile de s'enrichir
en France. On conserve à grand'peine ce qu'on
a, on gagne de quoi « joindre les douxèoufs M,
mais « la forte somme » échappe à tous, même
à ceux qui l'ont soustraite. (Voir pour plus de
renseignements l'affaire H.., dont on ne parle
pas après en avoir tant parlé.)
Eh bien, laissez-moi vous l'avouer, c'est que
nous ne savons pas nous y prendre.
Car il est un moyen sùr,sinon très facile, au-
quel la mère Loi nous incite à penser : faire de
faux billets sans se faire pincer. ",
Ce n'est qu'une question d'habileté, voyez
plutôt :
Vous êtes dessinateur ou photographe — le
photographe sera préféré au dessinateur et
; parfaitement apte à fabriquer de faux billets de
! banque. Ou même, vous n'êtes ni photographe
ni dessinateur, mais affilié à une bande, soyons
poli, à une. société ayant pour but l'exploi-
tation. de la confiance humaine. Les billets
sont prêts à effectuer leur tour de France.Mais,
vous l'avez écrit ou fait écrire sur les papiers
inauthentiques : « L'art. 139 du Code pénal
« punit des travaux forcés ceux qui auront
« contrefait ou falsifié les billets de banque au-
« torisés par la loi. »
Et la perspective d'un voyage gratuit en
Nouvelle-Calédonie ne vous sourit guère, dus-
siez-vous obtenir de la cour d'assises — tou-
jours gratuitement, cela va de soi — un billet
d'aller et retour réductible ét non prolongea-
ble.
Ruse légale
Donc, vous hésitez, vous hésitez. lorsque
vous êtes inhabile. Mais lorsque vous êtes un
habile homme, vous remerciez la mère loi qui
protège les malins, vous souriez à vos compli-
ces — car il est de toute nécessité que vous
ayez des complices, sans quoi la loi ne mar-
che plus — vous plastronnez devant eux, vous
.jouez les grands premiers rôles et, d'une voix
,où dominent les trémolos, vous vous écriez :
— Oui, mes amis, à moi tous les risques ! A
vaincre sans péril. C'est moi qui passerai les
petits bleus. Vous en savez le nombre et la va-
leur, vous savez aussi que je suis un honnête
homme. Du reste je vous autorise à me sur-
veiller. Le jour où je vous priverai d'une sim-
ple semeuse, retirez-moi votre confiance et pre-
nez les billets !
Les complices acceptent avec enthousiasme
cette chevaleresque proposition, tout en trai-
tant in petto l'orateur de « poire ».
— Poires vous-mêmes, pense le Démosthène
de la société. Et poires, parce que vous igno-
rez la loi.
Et il entame la série des fructueuses opéra-
tions. Avant d'être « cueilli », il obtient du
« change » une fortune plus ou moins ron-
delette que, d'ailleurs - le jeu est franc et
loyal — il partage avec ses associés. Son pé-
cule personnel, il le met en lieu sûr. Comme
tout a une fin, arrive le jour où les agenfc* de
l'autorité — à pied, à cheval ou à bicyclette,
cela n'a aucune importance — s'emparent du
délinquant et le jettent, non plus sur la paille
antique et humide d'un cachot, mais sur les
coussins d'une charmante cellule pourvue de
tout le confort moderne et, est-ce la peine de le
redire ? gratuite (électricité et service com-
pris ; lift).
Les complices qui ont appris l'arrestation
s'en amusent, et au vooaWa de « poire » dont
ils gratifiaient déjà leur collègue, ils ajoutent
l'exclamation connue et bien digne de l'esprit
français : « T'en as un œil 1 » ou « Viens, Eu-
sèbe 1 » Mais « pendant ce temps-là » Eusèbe
les dénonce, les fait arrêter, passe avec eux en
cour d'assises, leur procure les travaux forcés,
puis, non plus Démosthène, mais Achille, se
retire sous sa tente et, muni d'un verdict d'ac-
quittement, retrouve son pécule, car — c'est là
que j'en voulais venir — celui qui a favorisé
l'arrestation de ses complices en fausse monnaie
est, en vertu de la loi, exempt de toute pénalité.
Il est donc un moyen, sûr sinon très fa-
cile.
Prime utile, mais exagérée
J'ignore, cher lecteur, si vous partagez ma
mauière de voir, mais j'estime que ce texte de
loi est une prime à la fabrication des faux bil-
lets de banque. La cause qui en a déterminé la
rédaction ne saurait nous échapper, ni à vous,
ni à moi. Il est aisé de deviner que ce fut une
mesure de défense octroyée à l'Etat ; que l'Etat,
ayant tout intérêt à empêcher le retour d'une
fabrication frauduleuse, n'hésite pas à relâcher
un individu pour capturer une bande. Eh I
oui, nous discernons, aussi bien que l'Etat
lui-même, son intérêt.
N'empêche que l'acquittement du délateur est
immoral, injuste et dangereux au premier
chef. C'est une récompense décernée, non-
seulement à la fabrication des faux billets,
mais à la trahison, à la lâcheté humaine. Et
qui nous dit que tous les faux-monnayeurs ne
.s'eri souviendront pas, qu'il ne s'établira pas,
entre ceux d'une même bande, un concours où
triomphera le premier qui aura su se faire ar-
rêter? En outre, qui a bu, boira, qui a. fa-
briqué, fabriquera. L'acquitté, après avoir dis-
'sipé le produit de son vol, reprendra uno tâ -
che dont il évita les risques et goûta les émo-
luments.
Et vous pensez bien que si je traite aujour-
d'hui cette question, c'est qu'elle est d'actualité
.et que deux verdicts tout récents l'ont triste-
ment remise en lumière.
Non moins que l'intérêt de l'Etat, la cons-
cience individuelle y doit avoir sa place. Com.,
-ment mettre les deux d'accord ? Par une tran-
saction. Que la loi, au lieu d'affranchir de toute
pénalité le délateur, le frappe — moins sévè-
rement queses complices'— mais le frappe.
Quand je vois en raison d'un crime de même
nature, d'un même crime, des assassins guillo-
tinés, d'autres emprisonnés puis graciés, je
suis tenté de crier : A l'injustice 1 La clémence
n'est vertu souveraine qu'autant qu'elle s'ap-
plique équitablement ; sinon elle est injuste,
elle abdique.
Autrefois, lorsque tout jeune avocat stagiaire
je suivais les drames de cours d'assises, je m'é-
tonnais déjà que, non plus la loi, mais le jury
se laissât prendre à des distinctions trop sub-
tiles. Un jour, je vis plusieurs accusés bénéfi-
cier de circonstances atténuantes parce que,
n'ayant pas frappé la victime, ils l'avaient
simplement maintenue à terre et bâillonnée,
tandis qu'on l'égorgeait. Le juré qui m'en par-
lait, ajouta : ,' ,
— Eux ne l'auraient pas frappé 1
Et moi, de lui répondre :
Et moi, n'eût pas été frappé, sans eux l
— Il
Fernand GENDRIEK
, ,, .—. ; ■■
LES TRAVAILLEURS DES ARSENAUX
A maintes reprises, les ouvriers des arse-
naux ont demandé à être réintégrés dans los
ateliers après accomplissement de leur service
militaire. La circulaire suivante du ministre
de la marine leur donne satisfaction sur ce
point
Il est impossible d'admettre que las ouvriers
rayant quitté les arsenaux pour satisfaire aux obli-
étions de la loi de recrutement n'y retrouvent pas
d'emploi lorsqu'ils ont accompli leur service mili-
taire.
L'Etat doit, dans ce cas, donner l'exemple.
En conséquence, j'ai décidé que tous ceux de ces
i ouvriers qui réunissent les conditions voulues et
ont fait leur demande de réadmission seront re-
pris dans les arsenaux à compter du 1" août pro-
chain.
■■ »
L'IRRÉPARABLE
C'en est fait. Voici qu'une terrible, qu'une
: épouvantable nouvelle se répand soudaine-
ment. Loizement, l'employé des contributions
indirectes condamné à mort, sous l'incul-
pation d'assassinat, par la cour d'assises de
l'Aisne, est devenu fou.
J'ai exposé ici quelles raisons pouvaient faire
douter de la culpabilité de ce malheureux.
Jamais présomptions plus ténues, preuves
plus fragiles, arguments plus faibles n'ont été
amoncelés contre un prévenu. Tout l'échafau-
dage construit par l'accusation s'écroule au
moindre examen sérieux, tel un château de
cartes qui s'effondre au souffle d'un enfant.
Les haines locales, les ramassis de cancans
et de potins, les radotages de vieilles femmes,
toute cette mixture inommable de jalousies
mesquines,de basses rancunes et d'idées étroites
'ont accompli leur besogne barbare et parfait
l'œuvre L'assassinat cette fois est perpétré.
Loizement n'a plus sa raison.
L'espoir a quitté l'humble demeure où deux
'femmes éplorées, la fille et l'épouse, se conso-
laient pou à peu, soutenues par les encourage-
ments venus de toutes parts. Si maintenant la
grâce intervient, et elle interviendra à coup sûr
— on n'exécute pas les fous — c'est pis qu'un,
cadavre qui sera rendu aux parents atterrés.
une effroyable loque humaine à l'esprit absent,
aux yeux hagards, au rire idiot, aux gestes
imbéciles. Voilà ce que la justice aura fait de
Loizement.
On comprend la surexcitation qui peut s'em-
parer d'un homme chargé de famille, et jusque
là irréprochable, lorsqu'une condamnation
qu'il juge inique vient le frapper. Séparé des
siens pour toujours, marqué pour la guillotine,
enfermé entre les quatre murs d'une prison, il
se casse la tête à chercher un moyen de salut.
Une tempête sous un crâne. Dire qu'il est
: impuissant, qu'il aura beau crier et beau sup-
plier, qu'il ne lui servira à rien de clamer son
innocence et de demander pitié. c'est la lutte
du pot de terre contre le pot de fer. C'est la
défaite inexorable et l'irrémédiable chute.
Loizement a manifesté les premiers signes
de dérangement mental lorsqu'il apprit la grâce
de Moort condamné après lui par la même cour
d'assises de Laon. Il crut tout perdu, ce fut le
dernier coup. Mais il se remettait pourtant,
lorsqu'un incident en apparence insignifiant se
, produisit.
Deux de ses codétenus s'évadèrent de la pri-
'son. Le remue-ménage occasionné par cette
fuite, les allées et venues des gardiens, empli-
rent Loizement de terreur, il crut son dernier
moment arrivé, il eut la vision de l'échafaud
dressé et sa raison sombra.
Il y aura bientôt, dans les maisons d'alié-
nés, un pensionnaire de plus. Il y a déjà quel-
que part deux femmes folles de douleur, les
yeux secs, car elles ont tellement pleuré qu'el-
les n'ont plus de larmes. Je leur envoie, avec
un salut respectueux, l'expression de ma sym-
pathie attendrie.
Mais il y a aussi de par le monde un coupa-
ble qui a tout fait pour qu'un innocent soit
condamné à sa place, il y a les artisans volon-
taires ou involontaires de cet effroyable mal-
heur, ceux dont les témoignages mensongers'
ou irréfléchis ont trompé les juges. Je voudrais
pour eux d'autres châtiments que ceux que
leur réserve leur conscience. — L. Armbruster.
L'ELECTION DE VINCENNES-MONTREUIL
Une grande réunion publique a eu lieu hier
à Fontenay.
Plus de 1.200 personnes y assistaient. Char-
les Deloncle, candidat d'Union républicaine, y
a développé son programme.
Un ordre du jour a été voté à l'unanimité
acclamant sa candidature.
Le candidat nationaliste, M. Hémard, se dé-
robe à toute discussion et perd chaque jour du
terrain.
UN GENDARME RÉVOLUTIONNAIRE RUSSE
rD6 notre correspondant particuliert
Saint-Pétersbourg, 13 juillet.
M. Svorykine, colonel de gendarmerie à
Mourom, dans la Russie ceutrale, avait reçu du
gouvernement l'ordre de surveiller particuliè-
rement les menées révolutionnaires. Pour lui
faciliter sa tâche, on lui envoyait, suivant
l'habitude, un des spécimens de chaque im-
primé révolutionnaire.
M. Svorykine se mit à les étudier tous et,
trouvant leur lecture intéressante, il prêtait
ces opuscules à des amis.
Peu à peu il s'était formé chez lui un salon
de lecture où des amis venaient se régaler des
brochures et manifestes séditieux.
Un médecin qui s'est brouillé avec le colonel
à la table de jeu, l'ayant dénoncé, le gouverne-
ment donna à M. Svorykine un successeur.
Le nouveau colonel se trouve dans une si-,
tuation délicate. Les gens du monde qu'il fré-
quente craignent toujours qu'il ae laissé tom-
ber un imprimé révolutionnaire. Après chacun
de ses visites on explore le salon pour voir
s'il n'a pas a oublié » quelque chose.
ACADÉMIE DES SCIENCES
Le géant des oiseaux -
Une fort intéressante note a été présentée par
M. Edmond Perrier, au nom de M. Guillaume
Graftdidier, sur la reconstitution de la partie
inférieure: du squelette de l'Œpyornis ingens
de Madagascar.
.L'OEpyornis ingens est à l'heure actuelle le
plus grand des oiseaux connus ; c'est un oi-
seau coureur, voisin des Aptoryx et des Dinor-
nis de la Nouvelle-Zélande et de- l'émeu ou.
casoar de la Nouvelle-Hollande. La partie dit,
squelette reconstituée avec des documents en.
partie nouveaux rapportés par M. G. Grandi-
dier de la côte occidentale de l'ile, permet de
supposer que l'œpyornis avait une hauteur de
trois mètres. Il est remarquable par la massi-
vité do ses jambes et sa puissance muscu-
laire.
L'aspect de l'QEpyornis tel que cotte unique
pièce paléontologique peut le faire présumer
devait être celui d'un dindon de dimensions co-
lossales;
C'est à cet oiseau qu'il convient d'attribuer,
les œufs énormes, d'une contenance de 8 à 10
litres,dont l'illustre naturaliste Geoffroy Saint-
Hilaire présenta, en 1851, à l'Académie des
sciences, deux exemplaires qui font aujour-
d'hui partie des collections du Museum d'his-,
toire naturelle.
Questions diverses
A mentionner encore : une note de M. Yves
Delage sur le mouvement de torsion du globe ;
de l'œil chez certains mammifères de l'ordre
des Primates, genre hominien ; la présentation
par M. Armand Gautier d'un travail de M.
Hanriot sur l'argent colloïdal et celle d'un ihé-
moire de M. Boiternach relatif à la forme sous
laquelle l'acide phosphorique et le carbone
s'introduisent dans les végétaux ; un travail de
-M. Charpy sur l'action de l'oxyde de carbone
.,n:Ii' le fer et ses oxydes et une note de M.
fDhurst présentée par M. Ed. Perrier, relative à
: l'action qu'exerce la présence des cornes sur la
:conformation du squelette crânien des rumi-
nants.
Enfin, il nous reste à noter la présentation
:par M. Alfred Picard du 3e volume de son rap-
port général sur l'Exposition universelle de
de 1900. Ce volume est consacré spécialement
à l'examen des installations hydrauliques, mé-
caniques et électriques des grands palais élevés
'afc Champ de Mars. — G. Y.
Voir à la 3° page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
RÉACTIONNAIRE !
Je ne sais si la petite polémique engagée en-
tre M. Albert Surier et moi, intéresse beaucoup
les lecteurs du Rappel.
Il semble, au premier abord, que, seuls, les
membres de l'enseignement puissent s'émou-
voir de nos petites querelles.
Néanmoins, qu'il me soit permis de tirer de
ce débat quelques conclusions nécessaires. Au
fond, notre polémique est grave, car elle met
en question certains points de doctrine que les
républicains sincères ne peuvent dédaigner.
Je ne me donnerai pas le malin plaisir de
continuer une petite lutte à coups d'épingles,
agréable peut-être pour les intéressés, mais
profondément indifférente aux lecteurs impar-
tiaux.
M. Surier, sous des dehors fougueux, ne
cache pas une âme méchante. Il est, je pense,
aussi convaincu que moi-même. Et nous pour-
rons, sinon tomber d'accord, du moins com-
prendre les divergenées de nos intimes pensées.
Aujourd'hui je retiens un mot, un seul,
tombé de la plume de M. Surier. Je fais, parait-
il, œuvre « réactionnairm)
Remarquons, en passant, que cette épithète
fera sourire tous ceux qui me connaissent. Il
serait fastidieux de rappeler les luttes que je
soutiens, depuis tantôt quatorze ans, pour la
République et le progrès social.
Je ne m'attarderai pas à défendre ma petite
personnalité et j'élargirai le débat.
Il est une vérité évidente : on est toujours le
« réactionnaire » de quelqu'un.
Vers la fin du second empire, les socialistes
traitaient de réactionnaires les simples répu-
blicains. Et ceux-ci ne se faisaient pas faute
d'accuser les premiers de faire le jeu de l'em-
'pire.
Aujourd'hui, les libertaires incriminent les
socialistes.
C'est là l'éternel jeu des passions soulevées.
L'arène politique est une course aux obsta-
cles. On veut être plus avancé que son voisin.
Et quand, essoufflé, hors d'haleine, on arrive
au but que l'on s'est assigné, on s'aperçoit avec
, douleur que le gros du bataillon ne vous a pas
'suivi. Il est bien loin derrière, solidement en-
régimenté, cette fois, par la véritable réaction,
consciente de son pouvoir.
Laissons donc aux amuseurs de foules les
épithètes sonores. Ayons conscience de nos de-
voirs. Et sachons lutter pour les immédiates
réalisations.
Mais. pardon. J'oubliais M. Surier. Il m'ac-
cuse de calomnier sa jeune société.
Nous en reparlerons en détail dans nos pro-
chains articles.
Nous examinerons avec sang-froid la situa-
tion de l'Enseignement laïque. Et nous essaie-
rons de démontrer que les intérêts du corps
'enseignant se confondent avec ceux de notre
grande et dévouée démocratie. - Georges
Moitet.
♦ ————————————.
INDICATEU R CÉLESTE
On a bien raison de dire que le temps qu'on
passe à la lecture n'est pas du temps perdu. Je
viens de lire le Pèlerin de la semaine dernière et
voici ce que j'y ai trouvé :
Saint. Anloine m'a exaucée en me faisant trou-
ver l'appartement que je cherchais. A moi donc
:d'acquitter ma dette de reconnaissance en vous
Adressant 1 franc pour l'œuvre du pain des pau-
vres.
Ainsi, saint Antoine s'occupe do chercher
des appartements pour ceux de ses fidèles qui
sont dans l'intention de démcnager?
Mais c'est charmant tout simplement. Et
20 sous c'est pour rien I
Voilà certes un tuyau qui ne tombe pas dans
l'oreille d'un soard. Fichtre oui ! Si jamais
l'intention me vient de changer d'appartement,
je laisserai de côté agences et indicateurs pour
m'adresser à ce bon saint.
Et vous verrez si je ne suis pas logé comme
un prince et à bon marché.
Du reste, je vous inviterai à pendre la cré-
maillère et vous jugerez de visu. — 11.4N.
AU VATICAN
Guillaume II se remue
(De notre correspondant particulier} ■
Rome, 13 juillet.
Le cardinal Rampolla souffre de frissons de
fièvre présentant des symptômes étranges qui
ne laissent pas de préoccuper le D'Lapponi. On
commente vivement les nombreux cas de ma-
ladie qui se produisent dans l'entourage du
pape.
Guillaume Il a adressé des lettres autogra-
phes à plusieurs cardinaux qui 90 trouvent ac-
tuellement à Rome. C'est un de ses aides de
camp qui est venu les remettre personnelle-
ment aux destinataires.
DÉCOUVERTE ARCHÉOLOGIQUE
DANS L'AFRIQUE ITALIENNE
fDe notre correspondant particulier)
Massaouah, 13 juillet.
Sur la rive droito du Barca, l'archéologue
Conti-Rossini a découvert dans un rocher des
incisions taillées dans la roche et représentant
des figures- de girafes, de chameaux, de che-
ivaux et de serpents. Il y a là aussi une inscrip-
tion en caractères vieil-éthiopien sans voyelles
et qui fait allusion à la tribu des Kasous du
'temps du royaume de Meroc.
On a. découvert aussi sur le plateau, près du
fleuve, plusieurs tombes du XV siècle appar-
tenant aux Fœings, peuple qui avait fondé un
royaume dans le Senaar.
,
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Le comité républicain radical-socialiste,
■quailier du Père-Lachaise (M arrondisse-
ment), se réunira le jeudi 16 juillet, à 8 h. Ij2
'du soir, salle Pouyet, 146, bouîovM ds Ménil-
;m'Ontarit
Les adhésions y seront reçues.
LE 14 JUILLET
Coup d'œil en arrière. — Pourquoi cette
date 9— Dans les arrondissements.
Réhabilitation de la fête natio-
nale. — La revue. — En pro-
vince. Les préfets ré-
publicains.
Pendant l'Empire,*la fête nationale — natio-
nale est ici un qualificatif bien impropre —
.était le 15 août, jour de l'Assomption, fête
:essentielloment catholique, apostolique et ro- k
maine, puisquo fête de la Vierge Marie
Vint la guerre franco-allemande, l'année ter-
rible et les désastres de 1870-71 ; il ne fut plus
.question de fêtes.- Adieu, lampions et pavoise-
•ments ! D'ailleurs ceux-ci avaient, depuis quel-
ques années surtout, plutôt un caractère offi-
ciel. Il y avait trop de morts à pleurer. La
"France tout entière était en deuil ; il lui fallait
aussi et surtout travailler à son relèvement. On
ne pensait guère aux réjouissances.
La République répara les fautes de l'Empire ;
en 1878, quelques-unes des blessures étant ci
catrisées, elle crut devoir montrer à l'Europe,
,au monde entier, que la France, grâce à elle,
.existait toujours, que son industrie, son com-
'merce et son agriculture avaient repris le des-
sus et qu'elle était une nation forte et puissante,
avec laquelle il fallait compter.
L'Exposition do 1878 fut la manifestation pre-
mière de cette puissance que la République
avait donnée à la France meurtrie, anéantie
presque par Napoléon le Petit. Le 30 juin 1878,
dans un élan spontané, inopinément, sans
qu'aucun programme odiciel eut été préala
blement élaboré. Paris se donna une fête pai-
sible et splendide à la fois. Le peuple pavoisa
et illumina. Ce fut la première fête populaire
de la République ; elle doit marquer dans ses
annales, parce qu'elle est comme la constata-
tion par la Nation du relèvement et de la force
de la France nouvelle, de la patrie répu-
blicaine.
Le 14 juillet 1880, la France célébrait la pref
mière fête nationale officielle. Elle fut splen-
dide, parce qu'elle marquait la date de l'amnis-
tie plénière, enfin proclamée après tant d'an-
nées d'attente, et la date de la remise des dra-
peaux à l'armée, qui, depuis les désastres, se
trouvait pour la première fois en contact officiel
et direct avec le pouvoir. Paris se montra su-
perbe, et magnifique fut son enthousiasme ; la
province tout entière, avec une unanimité pres-
que complète, s'associa à cette grande mani-
festation républicaine, parce que le 14 Juillet
était bien la date qu'il convient à une démo-
cratie de fêter.
Pourquoi ?
La « Révolution tout entière»
On avait songé au 4 août, dato de l'abolit ion
des privilèges. D'aucuns avaient une prédilec-
tion pour le 21 septembre, date de la procla-
mation do la République. Certains prônaient le
10 août, anniversaire de la prise des Tuileries.
La Chambre et le Sénat choisirent le 14 juillet.,
arce que, comme l'a fait remarquer l'émi
rient historien, Henri Martin, la date du 14
juillet, « c'est la Révolution tout entière. C'est
•« la victoire décisive do l'ère nouvelle sur l'an-
« cien régime »
Le 14 juillet, date de la prise do la Bastille,
fut suivi du 14 juillet 1790, qui consacra le
premier par l'adhésion de la France entiiJre.
« Cette seconde journée, dit Henri Martin,
qui n'a coûté ni une goutte de sang, ni une
larme ; c'est la journée de la grande fédéra,
tion, symbole do l'union fraternelle do tous los
partis do la France et de tous les citoyens fran-
çais, dans la liberté et l'égalité. »
Certes, le 14 Juillet est le plus beau jour de
notre Histoire. C'est la mort d'un passé de
souffrances et d'iniquités et l'éclosion d'un
avenir nouveau d'amour et de justice. C'est la
domination qui s'en va, pour faire place à une
ère nouvelle de liberté et de fraternité. C est la
porte ouverte au soleil régénérateur et bien-
faisant, aux revendications. des petits et des
humbles. C'est l'égalité qui commence ; c'est la
société nouvelle qui se forme sur les ruines du
passé ; c'est le triomphe de la démocratie ;
c'est la République humanitaire de demain. —
W. D.
LES FÊTES DE. QUARTIER
La Fête Nationale a commencé officiellement
hier dans le 3f arrondissement par une magni-,
.fique retraite aux flambeaux organisée par la
municipalité, avec le concours de l'Harmonie
municipale, président, M. H. Monin, directeur ;
M. Rivolier et la Société de tambours et clai-
rons. Itinéraire : rues Cafarelli, Archives,
Temple, N.-D. de Nazareth, boulevard Sébas-
.topol, Beaubourg, Parc-Royal, Turenne, rue
de Bretagne, pour se rendre à la mairie. La
Marseillaise, exécutée d'une façon remarqua-
ble, a été bissée par une foule nombreuse, à
l'issuo, un feu d'artifice a été tiré dans le square
du Temple ; embrasement général, le coup d'œil
était féerique ; partout on a dansé et tout par-
ticulièrement dans les bals organisés : rues du
Temple, carrefour des Gravilliers, Pastourelle,
Bourg-Labbé, Archives, Saint-Martin, Mont-
morency, Quatre-Fils, Franche-Comté, etc.Au-
jourd'hui, à 8 h. du matin, aura lieu la distri-
bution des prix aux enfants des écoles dans la
cour d'honneur de la mairie.
Voici le programme do la fête du carrefour
Archives et Bretagne, dont est président d'hon-
neur M. Puech :
Grandes illuminalions,, bal de nuit, sous ta
direction dû M. Ch. Fourdrain. jeux de la poêle,
de la farine, courses aux grenouilles, jeux do
ciseaux, etc.
MM. Busson, président, Vasseur, vice-prési-
dent, Hepzog, trésorier, Mari us, secrétaire ;
commissaires: Sahtreau, Anguérac. MuUer,
Siry, -
Au carrefour Beaubourg-Michel-Le-Comto,
Grande fête foraine sur l'emplacement de la
rue Beaubourg, sous le patronnée de M. Pucch,
député, M. Brenot, conseiller municipal, M.
Billet, délégué de la municipalité. Illumina-
tions générales, éclairage électrique, grande
retraite aux flambeaux, grand bal de nuit au
carrefour Beaubourg, à 2 heures, jeux de bi-
cyclettes, le picador, courses à pied, jeu da
baquet, etc.- "T
Président d'honneur. M. Chapet, président,
M. Pierre Gallois, vice-président, M. Delà-
place, secrétaires, MM. Rioux, Liesse, adjoint,
M. Louis Gallois, trésorier, M. Vergez, mon
bres : MM. Décaudin, Dages, Cbaumarlill,
Maitret, Dubois, Felgioes, Charbonnier, Le-
moine, Manteau, Jerry, Lebrun, Guénard
Etienne.
Au carrefour Bourg-Labbé, Saint-Martin et
Montmorency, Grandes illuminations, grand
bal, fête enfantine, course à la grenouille, jeu
du rouleau, jeu du baquet, jeu do ciseaux, etc.
-bal d'enfants, sous la direction de M. Servais,
feu d'artifices.
Président, ,M." A;-Feuillet, vices-présidents,
Boudvillain, Naudin, Mme Desnier; tlésorior,
Boileau; secrétaire, Colas; archiviste, Grosprê-
tre; commissaires généraux: LebalUy. Moreau,
Brunschwig.
Au carrefour Temple, Gravilliers, Pastou-
relle, président d'honneur, M. Puech, député'
grand feu d'artifice, bal do nuit, concert d'a-
mateurs, etc.. distribution de gAteaux et ra*
fraîohissements aux enfante,
Président, M. Charbonnier, 119, rue du Tom
pie; vice-prudents, itfoalet, Mouquet; trés#j?
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