Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-07-13
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 juillet 1903 13 juillet 1903
Description : 1903/07/13 (N12176). 1903/07/13 (N12176).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7547273g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
CINQ CENTIMES le Numéro PARIS & DÉPARTEMENTS Le Numéro - Q CIFI%wlrImise -
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N* 121*76. — Lundi 13 Juillet 1903
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NOS LEADERS
UNE BXÉCUTION
On ne saurait trop approuver, à
mon sens, le blâme que le comité exé-
cutif du parti radical-socialiste vient
d'infliger à ce docteur Dupuy qui, can-
didat, récemment, dans le Tarn-et-
Garonne, refusa, au second tour de
scrutin, de se retirer devant son con-
current républicain, bien que celui-ci
eût obtenu plus de voix que lui au
premier tour, et assura ainsi le succès
du candidat nationaliste.
Le fait, quand il se produisit, pro-
voqua, dans tout le pays républicain,
une vive et légitime indignation. Quoil
par la faute d'un homme qui se pré-
tendait républicain radical, une cir-
conscription où les électeurs républi-
cains étaient en incontestable majo-
rité, allait être représentée à la Cham-
bre par un nationaliste 1 Et quel? Cet
ex-lieutenant Arnal connu seulement
par la lettre de grossières injures qu'il
avait adressée au président de la Ré-
publique.
Le mot de trahison fut prononcé ;
certes, il n'était point trop fort.
Le docteur Dupuy, bien entendu,
essaya de se défendre, prétendit, si mes
souvenirs sont exacts, que son con-
current, M. Bergougnan, était plus ou
moins étranger à la circonscription,
essaya de contester l'autorité du con-
grès oui avait désigné M. Bergougnan,
etc. Au fond, ce que le docteur Dupuy
reprochait à M. Bergougnan c'était d'a-
voir, par sa candidature, dérangé les
combinaisons que lui, docteur Dupuy,
avait préparées de longue main pour
le succès de sa petite ambition person-
nelle.
Avec juste raison, le comité exécu-
tif du parti radical-socialiste a écar-
té tous ses arguments. Il n'a voulu
voir que le fait brutal qui est celui-ci:
M. Bergougnan était au second tour
de scrutin le candidat désigné par le
suffrage universel ; donc le devoir
strict de son concurrent républicain
était de se désister en sa faveur pour
assurer la défaite de la réaction ; le
docteur Dupuy s'est dérobé à ce de-
voir ; il a trahi. Son exclusion du parti
radical-socialiste — qui sera à coup
sûr prononcée par le prochain congrès
—sera la sanc.tion nécessaire du blâme
que vient de lui infliger le comité exé-
cutif.
Voilà qui est bien.
***
Et si je trouve un intérêt exception-
nel à l'équitable décision qui frappe le
docteur Dupuy, c'est qu'elle me parait
venir très heureusement pour rappe-
ler à tous ceux qui sont tentés de l'ou-
blier que, très au-dessus de tous les
intérêts particuliers, locaux, régionaux,
il y a l'intérêt général de la Républi-
que.
C'est le grand vice du scrutin d'ar-
rondissement de rapetisser presque
forcément l'élection, de circonscrire
les préoccupations électorales dans de
si étroites limites qu'élus et électeurs
se trouvent presque fatalement ame-
, nés à perdrede vue les idées générales
qui devraient constamment rester les
idées directrices. - --
Il n'est certes pas exagéré de dire
que, quand ils ont à faire choix d'un
représentant à la Chambre des dé-
piitésle-s comités quidisposent de l'in-
> tlwnce locale. songent uniquement
à jeter leur dévolu sur unhomme qui,
bien au courant, comme ils disent, des
besoins de la circonscription —lisez :
de leurs besoins à eux — sera apte à
veiller sur leurs propres intérêts.
Qui songe à se rappeler que ce dé-
puté devra être aussi — que dis-je ?
devra être surtout le représentant de
la France ?
Puisque la loi électorale — très fâ-
cheusement à mon avis — ordonne ce
morcellement nu pays politique, mor-
cellement qui ne peut avoir d'autre ré-
sultat que d'abaisser progressivement
le niveau intellectuel et moral aussi
bien des élua^que de leurs commettants,
il est excellent, il est salutaire-qu'un
groupement central existe — ici, c'est
le comité exécutif du parti radical so-
; ciâliste — pour forcer ceux qui vivotent
dans l'ombre étroite des clochers à se
souvenir qu'il y a des idées générales
et des intérêts supérieurs. -
Qu'importe, je vous le demande, aur
républicains du restede la France, que ce
soit M. Bergougnan ou le docteur Dupuy
qui soit député de la circonscription de.
Idolssac? Nous, à Paris/nous connais-
sons Bergougnan, qui est un bon et
va^Ua^t * urnatiste t faisions
ahi vœtfx sîncèV^s pwr son succès :,
mais prenez n'importe quel électeur
républicain du Nord, de l'Ouest. Il voit
dans son journal qu'une élection légis-
lative va avoir lieu en Tarn-et-Ga-;
ronne; le seul vœu qu'il puisse etdoive
former, n'est-il pas que les républcains
battent le nationaliste ? <
Qu'est-ce que cela lui fait, Bergou-
gnan ou Dupuy ? Il ignore l'un et l'au-
tre ; il est tout à fait hors d'état de ju-
ger des mérites particuliers de l'un ou
de l'autre ; les rivalités entrvrépubli-
cains lui sont profondément indifféren-
tes, étrangères. ,/
Quand lui parviennent les résultats
du premier tour, il fait le compte des
voix et s'endort tranquille, étant sûr
que la concentration dont il ne saurait
douter assurera la victoire de la Répu-
blique au second tour. Cette concen-
tration ne se faisant pas, il s'estime tra-
hi, volé. Il a raison.
Ce qu'il fallait, en effet, impérieuse-
ment, ce n'était pas que X. ou Y.
fût élu — question secondaire, — c'é-
tait que le nationaliste ne fut pas élu.
Quel qu'il soit, et quelques circons-
tances accessoires et négligeables qu'il
lui plaise d'invoquer, le candidat répu-
plicain qui a refusé de se désister en
faveur de son concurrent désigné par
le suffrage universel, a servi la cause
et les intérêts nationalistes. Il a subor-
donné les intérêts de la République à
-sa misérable ambition personnelle, à
à sa rancune plus misérable encore; il
a passé à l'ennemi.
Il importe que la plus grande publi-
cité possible soit donnée à la décision
.prise par le Comité exécutif du parti
radical-socialiste ; il importe qu'au
prochain congrès, le docteur Dupuy
soit définitivement exécuté ; cela pour
rappeler aux petits politiciens de quar-
tiers et de villages qu'eux, leurs appé-
tits, leurs querelles, leurs haines, ne
sont rien, moins que rien, que la Ré-
publique est tout.
Lucien Victor-Meunier.
——————————— —————————-
POLICE PRIVÉE
On sait ce que deviennent les
vieilles lunes : on les casse pour
en faire des étoiles. Que devien-
nent les anciens policiers ? Ils
continuent à exercer leurs fonc-
tions, mais d'une façon non offi-
cielle et avec un moindre éclat; ils restent
policiers, simplement au titre civil.
Ils offrent leurs services (( aux familles »,
et recueillent des renseignements sur les
jeunes filles à marier, sur les femmes dont
les maris soupçonnent la fidélité, sur les
plaideurs et sur les caissiers en butte à la
suspicion de leurs patrons.
Les agents compromis dans l'affaire Fo-
rissier et qu'il ne saurait être question de
charger encore de la surveillance des bou-
levards imiteront vraisemblablement leurs
confrètes ; à leur tour —célérité, discré-
tion — ils entreront dans la brigade de la
police privée.
Eh bien, je ris d'avance des déconvenues'
-que subiront « les familles » qui se seront
fiées au flair des « limiers»,en question. Les
«policiers privés» renseigneront leurs clients
de la même façon qu'ils informaient la pré-
fecture de police. Ce sera du propre !
Naturellement je ne perdrai pas mon
-temps à plaindre les dupes qui n'hésitent
point à employer des intermédiaires de ce
genre. Je serais plutôt tenté de gémir sur
le sort des honnêtes gens que le premier
venu a le droit dans l'état actuel de notre
législation de faire moucharder par des pro-
fessionnels de la filature.
Ce qui me console, c'est que les profes-
sionnels en question sont hors d'état, quand
ils ont cessé d'être investis d'un caractère
officiel, de faire du mal à d'autres qu'à
leurs employeurs.
Quant à ces derniers, ils ne sont, je le ré-
pète, aucunement intéressants : ils sont
odieux, en favorisant l'espionnage de leurs
concitoyens; ils sont grotesques, en prêtant
foi à ces rapports de policiers.-amateurs. —
Ch. B: .-
————————— —————————
LE DIVORCE
La commission nommée pour examiner las
projets relatifs à la séparation de l'Eglise et de
l'Etat a voté, à la majorité d'une voix,le prin-
cipe de cette importante réforme. En rêstora-
t-elle là ? ■
Il est regrettable que des hommes autorisés;
partisans résolus de la séparation, sçjsoient
tenus à l'écart, et ne se soient pas fait nommer
commissaires. Les chefs de groupe se sont te-
nus cois et sont restés dans l'ombre. Tout le
pays républicain pourtant désire que le di-
vorce soit prononcé au plus tôt. L'ont-ils ou-
blié?
S'ils l'ont oublié, les électeurs seront là pour
le leur rappeler. Précisément ils sont en ce*
moment dans leurs circonscriptions. C'est à
leurs partisans, c'est aux militants de toutes
les fractions de l'armée républicaine qu'il ap-
partient d'insister auprès d'eux et de "leur de-
mander do rompre leur silence voiontaire.
Le gouvernement a refusé de manifester son
opinion sur ce point capital. Il a eu tort. Il a
eu d'autant plus tort, qu'en dépit de l'action
parfois énergique du président du Coaseil, on.
n'a pas oublié certain discours qu'il prononça
à la Chambre, et où il développa cette théorie
fameuse de la bourgeoisie cléricale et réaction-
naire : a il faut une religion pour le peuplé ».
Or le peuple ne veut plus de religion. Il a
soif d'émancipation et da liberté. Il no se laisse
plus duper par le mirage trpmpeur d'une ré-,
compenso dans. l'au-delà et/d'un paradis supra
terrestre, il veut, ici bas, le bien-être auquel il
a droit. La résignation chrétienne va rejoin-
dre l'armoire aux accessoires démodés.
A un état de choses nouveau,il faut une or-
ganisation nouvelle, et cetto organisation ne
sera possible que lorsque l'Etat aura définiti-
vement secoué la tutelle de l'Eglise, qui est
au vingtième siècle un anachronisme. —
Charles Darcv
A LA CAMPAGNE
A travers champs. — Une maladie de
la vigne : l'oïdium. — Un peu d'his-
toire. - L'origine de l'oïdium. -
Son développement. — Trai-
tement par l'emploi du
soufre en pulvérisa-
, tion.
Nos champs sont, en ce mois, dans toute
leur splendeur. L'heure est arrivée pour eux
où leur physionomie prend un caractère spé..
cial dont la poésie, monotone sans doute, n'en
a pas moins, pourtant, un air de grandeur qui
cadre bien avec l'immensité de la plaine en-
soleillée.
Sous les ombrages verdoyants qui bordent
nos chemins, perdu entre les haies aux fron-
daisons vigoureuses, on n'aperçoit plus guère
qu'un océan d'épis qui ondulent et aui com-
mencent déjà à jaunir. Çà et là — mais c'est
maintenant presque de l'histoire ancienne —
quelques prairies restent encore debout, alors
que — semblables à de gros pains de sucre —
les meulons de foin blanchissent sous l'action
combinée de la rosée et du soleil. Devant cette
immensité, devant cette mer de moissons qui'
s'étend à l'infini, on ne peut s'empêcher de
songer à la puissance du travail qui fécondant
la terre, a, de son sein, fait sortir tant de
bonnes choses.
Nous voilà donc arrivés A un moment des
plus intéressants. Dans quelques jours nous
serons en pleine moisson. En attendant l'heure
décisive, nous pouvons, en nous recueillant,
songer à des travaux de moindre importance,
quoique ayant néanmoins une utilité dos moins
contestables.
Parmi ces travaux, il en est qui tels les sou-
frages, sont en quelque sorte urgents pour nos
vignobles.
L'oïdium est une maladie de la vigne due au
développement d'un petit champignon du genre
Erysiphe.
Scientifiquement, ce champignon porte le
nom d'Erysiphe Tuckcri.
L'oïdium fut découvert en 1845, par un jar-
dinier anglais, Tùcker, dans ses serres à rai-
sins situées à Margate, près de l'embouchure
de la Tamise. Quelques années après, cette ma-
ladie faisait son apparition en France et on l'y
découvrait pour la première fois, dans les
serres de M. James de Rothschild, à Suresne:
De là, la maladie s'étendit d'abord aux environs
de Paris, dans le Nord et dans la Belgique, puis
soudainement, en 1850, on signala sa présence
dans la Gironde, l'Hérault, l'Espagne et l'Italie.
En 1851, l'invasion des vignobles par ce fléau
était à peu près général dans toute l'Europe. De
1851 à 1856, il causa dé très grands ravages
dans le vignoble français, ét la plus grande
partie des récoltes était anéantie chaque année.
L'origine de cette maladie a fait pendant
[longtemps l'objet de nombreuses discussions.
Il est admis généralement que ïErysiphe Tuc-
tkeri a été introduit de l'Amérique septentrio-
nale en Europe, mais on n'en est pas absolu-
ment certain.
Comment l'oïdium se développe
Le système végétatif de l'oïdium consiste en
un mycélium (blanc de champignon) qui rampe
à la surface des organes verts (tigeg et feuilles)
sans pénétrer à l'intérieur des tissus.
Le mycélium est surmonté par des filaments
dont un certain nombre est susceptible de pro-
duire des graines (spores) qui, pendant toute
la durée de la végétation de la vigne, peuvent
germer et propager la maladie.
Les graines de l'oïdium, qu'il est plus exact
de désigner sous le nom de spores ou de cor-
ridiés, ont une forme ovoïde et sont un peu
renflées; le vent les dissémine avec facilité,
aussi la contamination d'un vignoble indemne
peut-elle se faire à de grandes distances.
L'oïdium, ou Erysiphe Tuckeri se manifeste
sur les vignes par des efflorescences grisâtres'
ternes, d'une faible épaisseur, qui se montren
sur les rameaux, les feuilles, les fleurs et les
fruits.
Cette maladie apparaît quelquefois dès les
mois d'avril et de mai, alors que la tempéra-
ture a atteint 11 ou 121. En général, c'est en
juin ou juillet qu'elle se montre avec le plus
d'intensité.
Les vignes atteintes par YErysiphe Tuckeri
: ont un aspect languissant, le feuillage en est
terne et on remarque des efflorescences en
forme de plaques disséminées, de couleur
'blanchâtre d'abord et qui deviennent ensuite
grisâtres, puis brunâtres.
La maladie peut attaquer les grains de rai-
sins, depuis le moment où ils commencent
'à se former, jusqu'à leur complet développe-
ment.
Lorsque les jeunes gratns, a peine noués,
i sont attaqués, ils se dessèchent généralement
"et tombent avec leurs pédicelles. Si l'atteinte
;a lieu lorsque les grains ont atteint un certain
volume, ils continuent à grossir, mais d'une
manière irrégulière. Enfin, quand la maladie
se développe après la vèraison, c'est-à-dire au
moment où les raisins commencent à mûrir,
il arrive assez souvent que les grains parvien-
nent à maturité sans subir de trop graves pré-,
judices du fait de la maladie. L'oïdium se dé-
veloppe avec Rapidité sous l'influence d'une
température chaude et humide. Ses effets sont
parfois assez bizarres ; tantôt il se localise
sur quelques ceps, tantôt, an contraire, il at-
teint simultanément tous les ceps du vi-
'gnoHe.
La région méridionale de la Francs est celle
qui, chaque année, a le plus à souffrir du dé-
veloppement deJLm'dium.
D'une maniée générale, les vignes en treil-
les sont plus souvent atteintes que les souches
basses et elles le sont aussi avec plus d'inten-
sité que ces dernières. c
< Le soufrage des vignea ,.
Lorsque l'oïdium fit son apparition dsrns les
vignobles, on essaya de nombreux procédés
pour enrayer la propagation de cette maladie.
De tous ces procédés,, un seul a donné des ré-
sultats concluants ; c est le soufrage dont on
doit la paternité au botaniste français Du-
chartre,
L'opération du soufrage des vignes 'consiste à
projeter du soufre en poudre (soufre en fleur
ou soufre trituré) au moyen d'un soufflet ou
d'un sablier, sur les tiges, feuilles et raisins
susceptibles d'être attaqués par l'oïdium. Une
température sèche convient tout spécialement
pour le soufrage. Il faut attendre que la rosée
soit disparue pour soufrer, car la poudre se
répand beaucoup mioux, quand les feuilles
sont bien sèches.
Trois soufrages sont généralement nécessaires
pour empêcher l'envahissement des vignes par
rodium: Le premier doit être donné à la pre-
mière végétation de la vigne, c'est-à-dire quand
les pousses ont de 15 à 20 centimètres delQn-
gueur. L6 second se donne habituellement en
juin, et le troisième en juillet.
Par lds années sèehes, un seul soufragesuf-
fit paJfÓis. Les quantités de soufre à employer
par hectare varient suivant 1 époque des sou-
frages ; on en met d'autant plus que les tiges
sont plus développées.
Pour les trois soufrages, on estime qu'il faut
environ 90 kil. de soufre par hectare, se répar-
tissant de la manière suivante :
Premier soufrage. 20 kit.
Deuxième soufrage. 30 —
Troisièmo soufrage. 40 —
Pour que le soufrage soit efficace, il faut
Iquei'épandage du soufre soit exécuté très rô-
!nt, aussi bien sur le dessus des fouil-
les qu'en dessous.
La moindre négligence conduisant à un échec,
ton ne saurait trop recommander d'opérer avec
'le plus grand soin : le succès est à ce prix
A. MONTOUX.
LA MAISON DES COMEDIENS
Grâce à M. Coquelin aîné, les comédiens au-;
,ront, à Poht-aux-Dames, leur château des
mille et un plaisirs, où ils pourront, en toute
quiétude, regarder un ciel qui ne sera pas en
peinture, et se promener dans un parc qui ne
sera point fixé sur toile.
Ah l que cette pensée de réunir sous un
même toit tant d'indigences décentes, discrè-
tes et artistiques, qui peut-être furent jadis de
l'insolence, de l'orgueil, de la gloire et aussi de
l'opulence, est belle, humaine et louable 1
Et je songe à la vie que ces retraités de l'im-
prévoyance mèneront en leur demeure collec-
tive.
Que vous direz-vous, le soir, sous la char-
mille, lorsque sous les rayons lunaires qui vous
argenteront, tels les rayons de la rampe, vous
vous attarderez à répéter des propos de théâtre?
Que vous direz-vous, ô vieilles gloires ?. Ah !
prenez garde, soyez discrets. ne parlez point
trop de vous, songez-y : des oreilles envieuses
vous écoutent. Rêverez-vous alors aux salles
toules remplies de dorures, de lumières et de
robes, où les femmes sont plus belles, les do-
iruros plus éclatantes, et les lumières plus aveu-
glantes qu'ailleurs. Mais subitement vous
aypi p^li. Ayez-vous entendu des applaudisse-
: ments, car ce sont eux que la brise vous en-
voie, au lieu de vous envelopper de l'haleine
des fleurs ?.Avez-vous entendu les tirades que
: récitent l'ingénue et le jeune premier, car ce
sont leurs mots que vous apporte le vent, frois-
sant le feuillage ainsi qu'une main indiscrète
! froisse une jupe rux mille plis?. Cette mar-
: geHo, n'est-ce point celle où Camille et Perdi-
can s'assirent pour y échanger la bague d'or
des fiançailles ! Et cette lune, même, n'est-ce
point celle qui rôdait autour du balcon de Ju-
liette, à Vérone ?
0 Lisette, Silvia, Rosine, Pauline, Chimène,
Esthor, ô vous qui êtes tout le répertoire, la
tendresse, l'amour, la poésie, le génie et la
jeunesse, est-il vrai que vous ayez pu vieillir
et que vous ne soyez plus aimées ? Mais non,
vous avez encore des coquetteries d'amante,
'vous marivaudez. souriez, riez, jouez des yeux
et de la voix, comme jadis. Vos amoureux sont
toujours là, à côté de vous. Regardez : Voici
Dorante, Almaviva, Polyeucte, Rodrigue, As-
suérus; et voici vos valets, vos Frontin, vos
Arlequin, vos Figaro. Au milieu de toutes ces
célébrités en cheveux blancs, les vôtres ne se
remarquent plus ; vos sourires ont toujours
vingt ans ; vous êtes toujours aimées ! Et tenez,
faites-en l'expérience, afin de mettre en rage
l'éternelle duègne : laissez tomber votre éven-
tail, et vous verrez à vos pieds un peuple en-
tier de Don Juans, de Léandres et de Perdi-
calls.
Ah ! chères omédiennes, allez à Pont-aux-
Dames, vous n'y vieillirez jamais l — René
Wimer.
Voir à la 3® page
les Dernières Dépêches
L'ÉLECTION DE LA 2e tlKCOHSCrllP 1 10 Ii
DE SCEAUX
-
On nous donne communication de la lettre ci-
rdossous adressée sous pli recommandé eu citoyen
Rochefort :
Vincennes, le 10 juillet 1903.
Au citoyen Rochefort,
Prenant au sérieux vos articles des 7 et 12
août 1903, intitulés « Les Causes de la défaite »
et or Le Groupe des sincères », j'ai pris parti,
dans la 2e circonscription de Sceaux, pour les
candidats républicains, contre le candidat con-
servateur et clérical.
J'ai pensé notamment, que vous aviez ici
une occasion unique d'appliquer vos principes,
puisque vous pouviez soutenir par exemple, le
citoyen Fabérot, socialiste anticlérical, et com-
battre le citoyen Hémard, candidat du « Comité
l'des Marguillers » de la paroisse, dont il a mé-
dité la confiance, en se vantant publiquement,
d'avoir son fils élevé dansdes écoles religieuses,
un frère prêtre et sa femme dans las Bonnes
OEuvres,
Je me suis parait-il trompé, puisque votre
journal me traite, pour ce fait, de renégat et de
'traître (numéro du 11 juillet), ma je n'ensuis
pas très convaincu, et je me demande qui de
nous deux mérite ces épithètes ?
Je compte sur votre courtoisie pour faire in-
sérer cette réponse dans l'Intransigeant et vous
: prie de croire à la sincérité de mes opinions ré-
publicaines, socialistes et anticléricales.
L. FATOUX.
LE VOYAGE DE M. JONNART
Alger, 11 juillet.
M. Jonnart, gouverneur général, s'est em-
barqué aujourd'hui à midi pour la France, à
bord de l'Eugène-Pereire.
UN BAL CHEZ LORD KITCHENER
rDe notre correspondant particulier)
Simla, 11 juillet.
Lord Kitchener, le généralissime de l'armée.
.anglo-indienne, a donné son premier bal de
fgala. Il y avait environ 600 invités, auxquels
He général a fait lui seul les honneurs. Il n'y
'avait pas de maîtresse de. maison, puisque le
général est célibataire. La sallo de danse était
ornée de drapeaux, de lances et de trophées
apportés du Transvaal.
La danse a été ouverte par lord et lady
Curzon.
AUTOUR DU CONCLAVE
(De notre correspondant particulier}
Rome, 11 juillet.
Le cardinal Matthieu, le cardinal Vives et le
cardinal Steinhuber se sont réunis et ont dé-
cidé que le futur pape doit être de nationa-
lité italienne. On dit que tous les trois travail-
lent pour l'élection de Rampolla ce qui ne veut
pas encore dire que celui-ci aura la tiare. Ce
qui est certain, c'est que les Allemands, cardi-
nal Kopp et cardinal Fischer, joueront un rôle
effacé au conclave..
-UN PRÉLAT- INVENTEUR
(De notre correspondant particulier)
Hambourg, 11 juillet.
M. Cerebotani, chambellan pontifical rési-
dant à Munich, a inventé un appareil qui per-
met aux personnes à bord d'un navire en mou-
vement de mesurer exactement la distance qui
les sépare d'un objet mobile quelconque.
L'empereur Guillaume s'intéresse beaucoup
à cette invention et a donné au département de
la marine l'ordre de faire des expériences avec
ta nouvel instrument & mesurer dM distancel
PORNOGRAPHIE
MONDAINE
-
Le scandale grossit. - Entre mère et
fils. — M. d'Adelsward malade. —
: Professionnels du vice. — Détails
rétrospectifs. — Lia haute noce.
— Deux amis. — Noblesse du
: pape. — Romans intimes. —
Littérature et sadisme.
Chaque jour apporte un complément d'in-
formation aux renseignements si curieux que
/nous avons déjà publiés au sujet du scandale
où sont mêlés des noms connus d'hommes du
monde, de littérateurs, d'ecclésiastiques, d'é-
toiles de café-concerts. Ces noms n'ont pas
encore été imprimés: ils ne le seront peut-
être jamais, mais ils sont connus à l'heure
actuelle.
Si nous en croyons les renseignements que
nous avons recueillis, loin d'avoir été exagéré,
le scandale de l'avenue Friedland semble de-
voir prendre encore une plus grande extension.
Il est certain que de nouveaux mandats d'ame-
ner ont été lancés par le juge contre des per-
sonnages dont l'arrestation né se fera certai-
nement pas sans tapage.
M. de Valles a donné commission rogatoire
à l'effet de rechercher tous les enfants et tous
les jeunes gens attirés par de Warren et en-
voyés par lui à d'Adelsward. Il est établi
qu'en dehors des quelques petits lycéens qui
fréquentaient la garçonnière de. ce dernier, se
trouvaient des gamins professionnels connus
sur les grands boulevards.
Les renseignements recueillis permettent de
croire que quelques femmes étaient admises
aux séances de l'avenue Friedland. Il peut se
faire que ces personnes soient poursuivies pour
outrages publics à la pudeur.
Au nombre des objets saisis chez d'Adels-
-ward se trouvent un grand nombre de fiches
anthropométriques et aussi des photographies
obscènes. Cette découverte a amené une perqui-
sition chez un photographe amateur qui a son
atelier boulevard Pereiro, perquisition qui n'a,
.d'ailleurs, donné aucun résultat. On n'a
trouvé, à cette adresse, que des photographies
sportives.
Un ancien domestique au service de M. d'A-
delsward, qui habite actuellement en province,
a été mandé à Paris. Il sera entendu par le
juge,
M. d'Adelsward chez le juge
Hier, après-midi, Jacques d'Adelsward a été
amené à 3 heures dans le cabinet du juge.
Le col du long pardessus qu'il portait était
baissé et le prévenu avait été autorisé hier à
mettre un faux-col et une cravate.
Pendant quelques minutes, M. d'Adelsward
resta dans le couloir de l'instruction, cherchant
-en se retournant à éviter les regards indis-
crets.
Introduit dans le cabinet de M. de Vallès, à 3
h. 25, d'Adelsward a été mis en demeure par le
juge de choisir un avocat. D'Adelsward a
avancé le nom de M' Chenu, mais la mère de
l'inculpé, qui est venue voir son enfant, en
compagnie de l'ancien subrogé-tuteur de son
fils, et de M' B., un ami do la famille, lui a
conseillé de confier ses intérêts à M' Demange.
Enfin, un troisième nom a été mis en avant,
c'est celui de Me Martini, qui s'est toujours oc-
cupé des intérêts de la famille d'Adelsward. Il
est fort douteux que Me Martini accepte la dé-
fense du jeune homme, attendu qu'il ne s'oc-
; cupe exclusivement que de procès civils, et no
plaide jamais ni en correctionnelle, ni aux as-
sises.
Mis en présence de sa mère, Jacques d'A-
, delsward a été pris d'une violente crise de lar-
âmes, et il s'est trouvé mal. On a dû appeler
on toute hâte le médecin du Palais, le Dr Flo-
quet. Pondant 20 minutes le docteur a donné
ses soins empressés à l'inculpé, qui a pris un
calmant à base de bromure de potassium. Le
Dr Floquet, en raison de l'état de faiblesse très,
grande du jeune homme, a conseillé à M. de;
Valles de remettre son interrogatoire à une
date ultérieure.
Mais d'Adelsward ayant réagi sur lui-même
a demandé au juge la permission de rester
quelques instants avec sa mère. M. de Vallès
l'y a autorisé. Le jeune homme, très calme, a
alors discuté longuement avec sa mère du
ohoix d'un avocat. Cependant aucune décision
n'a été prise à cet égard.
Au moment où sa mère l'a quitté, Jacques
d'Adelsward s'est jeté à ses pieds en pleurant
etlui a juré sur cequ'il avait de plus sacré qu'il
était innocent des crimes qu'on lui reprochait.
Une scène d'orgie
M. de Vallès a confronté ensuite l'inculpé
avec trois jeunes garçons de 10 ans, 13 ans et
14 ans, dont les mœurs très douteuses leur ont
valu d'être envoyés en correction à la Ro-
quette.
Ces trois garçonnets, professionnels du vice,
vont raconté au juge les scènes auxquelles ils
avaient assisté dans la garçonnière de M. d'A-
delsward.
Voici un passage du récit de ces jeunes vi-
i cieux:
Nous entrons dans une pièce absolument som-
bre. Vraisemblablement, d'épaisses tentures ont été;
placées devant les fenêtres pour arrêter la lumière,
du jour. On nous fait placer près do la porte et on;
nous dit d'attendre. Au bout de quelques minutes,!
nous entendons des chants s'élever à quelques
ipas de nous. En même temps, une lueur apparatt,
une portière se soulève et nous voyons une théorie
d'une trentaine de jeunes garçons, couronnés de
;fleur9, pénétrer un & un dans la pièce. Chacun
d'eux tenait à la main une torche et la salle fut!
bientôt éclairée d'une vive lumière.
Au fond, élevé sur trois marches, un vaste lit,
tendu de rouge, était dressé en forme d'autel.
Partout, sur les murs, des fleurs retombaient en
longues guirlandes, entouraient des têtes de mort
placées sur dès consoles. Des roses jonchaient) le.
sol. :
Le propriétaire et ses amis arrivèrent t leur
tour, vêtus de longs peignoirs roses. Les jeunes
gens déposèrent leurs torches, et l'un d'eux vint
prendre place sur l' a autel ». Aussitôt les chants
cessèrent.
Alors commença une scène que ces jeunes.
voyous racontèrent au juge avec forces détails,
mais que nous ne saurions décrire ici.
Jacques d'Adelsward
Nous avons publié hier d'intéressants rensei-
gnements biographiques sur Jacques d'Axel
d'Adelsward. Nous avons dit que, littérateur
distingué, il avait publié plusieurs volumes de
vers et des plaquettes de « proses » : Ebauches
et Débauches, Notre-Dame des Mm Mortes. Il
est aussi l'auteur de : Contes d'amour, Chan-
son légères, et on raconte qu'il achevait, ces
jours derniers, deux œuvres nouvelles : Les lys
de, Gàliîéf et Lèvres jàihtes.
C'est sous le nom de Fersen qu'il a publié ces
différents volumes. C'est d'ailleurs le nom de.
comte de Fersen qu'il prenait dans ses satur-
nales et dans ses orgies.
Ainsi que nous l'avons dit hier, il fit son ser-
vice militaire dans les Ardennes. Tout Charle-
ville a encore devant les yeux les débauches de
ce jeune blasé. Dans la ville et à la caserne, sa
générosité lui créa bientôt une popularité. Elle
t passer sur ses habitudes de grand luxe, et
pflrdonner l'automobilo qui attendait chaque
soir devant la porte du quartier, et la garçon-
nière, tapissée do vieilles soieries,véritablcs- re-
liques collectionnées à grand prix. Mais dotà.
paraît-il, M. Jacques d'Adelsward s'oubliait
dans des amitiés qui surprenaient, et faisait pa-
raitro des goûts particuliers. C'est au régiment
qu'il connut Pierre, ce domestique dont nous
avons parlé hier, et dont 1t3 renvoi devait ame-
ner, plus ou moins directement, l'arrestation
du jeune baron. On parlait d'un certain sergent
corse avec lequel celui-ci s'était intimement lié,
iet avec lequel il devait entretenir une corres-
pondance suivie.
Jacques d'Adelsward avait fréquenté do
.bonne heure les milieux les plus divers de la
noce parisienne, où sa richesse et son élégance
lui avaient valu de nombreux succès.
On n'avait pas tardé à rencontrer ce blasé
avant l'âge dans certaines brasseries d'ordre
spécial, dans des établissements où se pratique
un commerce sur lequel il est impossible d'in-
sister.
C'est dans l'un d'eux qu'il rencontra Albert
de Warren, un autre névrosé appartenant, lui
aussi, à une excellente famille.
Lorsque, l'an dernier, M. Jacques d'Adels-
ward revint à Paris, il se trouvait, par la mort
de son père, riche d'une quarantaine do mille
francs de rente. Il reprit la vie fastueuse qu'il
avait menée avant son départ pour le service
militaire. Il habita d'abord avec sa mère et ses
sœurs, puis, en janvier, loua le rez-de-chaussée
de l'avenue de Friedland, dont le loyer annuel
était de 2,500 fr.
Il dépensa des sommes considérables pour le
décorer à son goût, transformer plusieurs piè-
ces en cabinets de toilette, multipliant les ca-
napés et les chaises longues sous les colonnes
de marbre blanc ou rose qui supportaient dos
statues antiques : des Apollons. des Vénus, des
Amours luttant pour s'emparer d'un cœur tom-
bé à leurs pieds. Parmi les toiles, on signale le
portrait en pied du jeune baron, signé d'un
peintraconnu, et Vénus sortant du bain.
Dès Te lendemainde son installation dans son
nouvel appartement, M. Jacques d'Adelsward
reçut d'étranges visites : c'étaient des individus
en casquette, d'autres en blouses de boucher,
d'autres avaient la mise des familiers de cer-
tains bars interlopes. Quelques-uns demandè-
rent le comte de Fersen. Le concierge, leur
barrant la route, leur disait qu'aucun de sss
locataires ne portait ce nom, M. Jacques d'A-
delsward intervint, déclara que c'était lui la
comte de Fersen.
Le concierge et les autres locataires de cetto
aristocratique demeure devaient avoir encore
d'autres étonnements.
Albert de Warren
Albert de Warren était d'un an plus jeune
que Jacques d'Adelsward.
La comtesse douairière de Warren, grand'-
mère de M. Hamelin de Warren, habite Nancy.
Elle a eu quatre enfants : M. Anselme do Wor-
ren, père de M. Hamelin de Warren, l'inculpé,
est l'un d'eux.
Son fils aîné, qui habite, comme elle, actuel-
lement Nancy, fut consul au Cambodge. Un
troisième fils qu'elle eut vit de ses rentes à
Nancy. Enfin, son quatrième enfant est une
fille, Mme de Lesseux, qui habite Saint-Dié,
dans la plus belle situation.
Rien à dire que du bien sur toute cette par-
tie de la famille de Warren, non plus d'ailleurs
que sur M. Anselme de Warren ; ce dernier
peut seulement passer pour un peu bizarre.
La famille est originaire d'Irlande et de très
bonne noblesse
Quant au titre de duc, il a été accordé au
frère aîné d'Hamelin de Warren par le pape.
Et voilà pourquoi lui-même est devenu mar-
quis.
A la suite de revers de fortune, la famille
do Warren avait dû se diviser : le père, M. An-
selme de Warren était resté dans les Vosges,
au château de Bouilly,.à Nompatelize, avec ses
trois fils. La mère, Mme Anselme de Warren.
vint habiter à Paris, rue Alfred-de-Vigny,dans
une maison appartenant à M. Gavarry, minis-
tre plénipotentiaire, l'appartement que venait
de quitter Mlle Lavallière, la pensionnaire du
théâtre des Variétés.
Mais les fils do M. Anselme de Warren, pour
qui la tranquillité de la campagne n'offrait au-
cun attrait, quittèrent le château de Bouilly et
vinrent à Paris.
Livré à lui-même, Albert de Warren, qui
n'avait, pour vivre, d'autres ressources quo
son titre, dut avoir recours à divers moyens.
Il fut obligé, de postuler, dans un journal du
soir, pour une place de cycliste-porteur.
Grâce à son intelligence et à son nom, il ne
resta que fort peu de temps confiné dans ce
modeste emploi, et on le vit réapparaître peu
à peu dans les sphères plus élevées.
La marquis de Warren a une sœur, fort jolie
femme, dont la vie ne serait en rien mêlée au
scandale présent, si Mlle Monique do Warren
n'avait fait à Paris la connaissance d'un M.
d'Aubusson, et de sa femme,C'ost M. d'Aubus-
son qui maria Monique de Warren.
L'enquête judiciaire révélera toutes sortes de
détails caractéristiques sur ces romans intimes
qui se nouaient et se dénouaient dans un
monde d'apparence imposante.
Un des proches parents d'Albert Hamelin de
Warren a donné sur ce personnage, que re-
cherche actuellement M. de Vallès, les rensei-
gnements suivants :
- Hamelin de Warren est un jeune homme de
vingt et un an,qui, par certains côtés de son ca-
ractère, est resté un enfant. Il a eu autrefois la fiè-
vre typhoïde, et c'est peut-être à cause do cela
que son cerveau est resté puéril. Il a, d'ailleurs,
été réformé lorsqu'il a passé au conseil de revision.
Rien de spécial ne l'intéressait dans la vie. Sanl
être très riche, il avait toujours suffisamment d'ar-
gent sur lui pour vivre en flâneur.Mmede Warren.
sa mère, qui a sept enfants, lui fait, depuis deux
ansr une rente de 200 fr. par mois pour qu'il
puisse louer une chambre en ville-; mais n. prend
tous ses repas chez sa mère, et n'a pas d'autres fixas
que son loyer.
Je l'ai souvent trouvé aux Champs-Elysées,
jouant avec des enfants à faire des tas de sable.
Sa mère, avertie il y a huit jours quo le scan-
dale était sur le point d'éclater, a eu tort, à mou
avis, de le faire partir.'
Parmi les amis du marquis fugitif on signala
l'administrateur d'un journal de province, et
l'ancien précepteur du jeune homme, l'abbé
L., ancien chanoine d'une paroisse de Paris,
aujourd'hui aumônier militairo dans une gar-
nison de banlieue.
Le jeune homme sortait souvent avec le
prêtre et le journaliste, qui tous deux jouissent
d'une honorabilité absolue.
Rue Desrenaudes
D'autre part, avant do louer la garçonnière
de l'avenue de Mac-Mahon, de Warren occu-
pait au n* 12 de la rue Desrenaudes une cham-
bre du rez-de-chaussée d'un loyer annuel de
630 fr.
Il s'était recommandé, auprès des concierges
.de l'immeuble, du nom de Mme d'Aubusson.
Et effectivement cette dame vint fréquemment
rendre visite à de Warren, ainsi d'ailleurs
qu'une dame C..,, que l'abbé L.,,, que Jacques
d'Adelsward, et qu'un grand nombre d'enfants.
La concierge de cet immeuble fait des décla-
rations sur la vie de Hamelin de Warren qui
concordent aveo celles que nous donnons plus
haut, émanant d'un de ses parents :
- Ce qui se passait, dit-elle, dans la garçon-
nière quand ces enfants s'y trouvaient, je ne puis
le dire, n'ayant l'habitude ni d'écouter aux portes,
ni de regarder par les trous des serrures. Mais je
n'eus pas besoin de commettre une indiscrétion
pour me rendre compte de la nature de ces réu-
nions. M. de-Warren, eu effet, laissait grande m.
verte la fenêtre donnant sur la rue. fit c'est oliuf
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— 20 — 1 fr. »»
- 30 — 1 fr. 50
NOS LEADERS
UNE BXÉCUTION
On ne saurait trop approuver, à
mon sens, le blâme que le comité exé-
cutif du parti radical-socialiste vient
d'infliger à ce docteur Dupuy qui, can-
didat, récemment, dans le Tarn-et-
Garonne, refusa, au second tour de
scrutin, de se retirer devant son con-
current républicain, bien que celui-ci
eût obtenu plus de voix que lui au
premier tour, et assura ainsi le succès
du candidat nationaliste.
Le fait, quand il se produisit, pro-
voqua, dans tout le pays républicain,
une vive et légitime indignation. Quoil
par la faute d'un homme qui se pré-
tendait républicain radical, une cir-
conscription où les électeurs républi-
cains étaient en incontestable majo-
rité, allait être représentée à la Cham-
bre par un nationaliste 1 Et quel? Cet
ex-lieutenant Arnal connu seulement
par la lettre de grossières injures qu'il
avait adressée au président de la Ré-
publique.
Le mot de trahison fut prononcé ;
certes, il n'était point trop fort.
Le docteur Dupuy, bien entendu,
essaya de se défendre, prétendit, si mes
souvenirs sont exacts, que son con-
current, M. Bergougnan, était plus ou
moins étranger à la circonscription,
essaya de contester l'autorité du con-
grès oui avait désigné M. Bergougnan,
etc. Au fond, ce que le docteur Dupuy
reprochait à M. Bergougnan c'était d'a-
voir, par sa candidature, dérangé les
combinaisons que lui, docteur Dupuy,
avait préparées de longue main pour
le succès de sa petite ambition person-
nelle.
Avec juste raison, le comité exécu-
tif du parti radical-socialiste a écar-
té tous ses arguments. Il n'a voulu
voir que le fait brutal qui est celui-ci:
M. Bergougnan était au second tour
de scrutin le candidat désigné par le
suffrage universel ; donc le devoir
strict de son concurrent républicain
était de se désister en sa faveur pour
assurer la défaite de la réaction ; le
docteur Dupuy s'est dérobé à ce de-
voir ; il a trahi. Son exclusion du parti
radical-socialiste — qui sera à coup
sûr prononcée par le prochain congrès
—sera la sanc.tion nécessaire du blâme
que vient de lui infliger le comité exé-
cutif.
Voilà qui est bien.
***
Et si je trouve un intérêt exception-
nel à l'équitable décision qui frappe le
docteur Dupuy, c'est qu'elle me parait
venir très heureusement pour rappe-
ler à tous ceux qui sont tentés de l'ou-
blier que, très au-dessus de tous les
intérêts particuliers, locaux, régionaux,
il y a l'intérêt général de la Républi-
que.
C'est le grand vice du scrutin d'ar-
rondissement de rapetisser presque
forcément l'élection, de circonscrire
les préoccupations électorales dans de
si étroites limites qu'élus et électeurs
se trouvent presque fatalement ame-
, nés à perdrede vue les idées générales
qui devraient constamment rester les
idées directrices. - --
Il n'est certes pas exagéré de dire
que, quand ils ont à faire choix d'un
représentant à la Chambre des dé-
piitésle-s comités quidisposent de l'in-
> tlwnce locale. songent uniquement
à jeter leur dévolu sur unhomme qui,
bien au courant, comme ils disent, des
besoins de la circonscription —lisez :
de leurs besoins à eux — sera apte à
veiller sur leurs propres intérêts.
Qui songe à se rappeler que ce dé-
puté devra être aussi — que dis-je ?
devra être surtout le représentant de
la France ?
Puisque la loi électorale — très fâ-
cheusement à mon avis — ordonne ce
morcellement nu pays politique, mor-
cellement qui ne peut avoir d'autre ré-
sultat que d'abaisser progressivement
le niveau intellectuel et moral aussi
bien des élua^que de leurs commettants,
il est excellent, il est salutaire-qu'un
groupement central existe — ici, c'est
le comité exécutif du parti radical so-
; ciâliste — pour forcer ceux qui vivotent
dans l'ombre étroite des clochers à se
souvenir qu'il y a des idées générales
et des intérêts supérieurs. -
Qu'importe, je vous le demande, aur
républicains du restede la France, que ce
soit M. Bergougnan ou le docteur Dupuy
qui soit député de la circonscription de.
Idolssac? Nous, à Paris/nous connais-
sons Bergougnan, qui est un bon et
va^Ua^t * urnatiste t faisions
ahi vœtfx sîncèV^s pwr son succès :,
mais prenez n'importe quel électeur
républicain du Nord, de l'Ouest. Il voit
dans son journal qu'une élection légis-
lative va avoir lieu en Tarn-et-Ga-;
ronne; le seul vœu qu'il puisse etdoive
former, n'est-il pas que les républcains
battent le nationaliste ? <
Qu'est-ce que cela lui fait, Bergou-
gnan ou Dupuy ? Il ignore l'un et l'au-
tre ; il est tout à fait hors d'état de ju-
ger des mérites particuliers de l'un ou
de l'autre ; les rivalités entrvrépubli-
cains lui sont profondément indifféren-
tes, étrangères. ,/
Quand lui parviennent les résultats
du premier tour, il fait le compte des
voix et s'endort tranquille, étant sûr
que la concentration dont il ne saurait
douter assurera la victoire de la Répu-
blique au second tour. Cette concen-
tration ne se faisant pas, il s'estime tra-
hi, volé. Il a raison.
Ce qu'il fallait, en effet, impérieuse-
ment, ce n'était pas que X. ou Y.
fût élu — question secondaire, — c'é-
tait que le nationaliste ne fut pas élu.
Quel qu'il soit, et quelques circons-
tances accessoires et négligeables qu'il
lui plaise d'invoquer, le candidat répu-
plicain qui a refusé de se désister en
faveur de son concurrent désigné par
le suffrage universel, a servi la cause
et les intérêts nationalistes. Il a subor-
donné les intérêts de la République à
-sa misérable ambition personnelle, à
à sa rancune plus misérable encore; il
a passé à l'ennemi.
Il importe que la plus grande publi-
cité possible soit donnée à la décision
.prise par le Comité exécutif du parti
radical-socialiste ; il importe qu'au
prochain congrès, le docteur Dupuy
soit définitivement exécuté ; cela pour
rappeler aux petits politiciens de quar-
tiers et de villages qu'eux, leurs appé-
tits, leurs querelles, leurs haines, ne
sont rien, moins que rien, que la Ré-
publique est tout.
Lucien Victor-Meunier.
——————————— —————————-
POLICE PRIVÉE
On sait ce que deviennent les
vieilles lunes : on les casse pour
en faire des étoiles. Que devien-
nent les anciens policiers ? Ils
continuent à exercer leurs fonc-
tions, mais d'une façon non offi-
cielle et avec un moindre éclat; ils restent
policiers, simplement au titre civil.
Ils offrent leurs services (( aux familles »,
et recueillent des renseignements sur les
jeunes filles à marier, sur les femmes dont
les maris soupçonnent la fidélité, sur les
plaideurs et sur les caissiers en butte à la
suspicion de leurs patrons.
Les agents compromis dans l'affaire Fo-
rissier et qu'il ne saurait être question de
charger encore de la surveillance des bou-
levards imiteront vraisemblablement leurs
confrètes ; à leur tour —célérité, discré-
tion — ils entreront dans la brigade de la
police privée.
Eh bien, je ris d'avance des déconvenues'
-que subiront « les familles » qui se seront
fiées au flair des « limiers»,en question. Les
«policiers privés» renseigneront leurs clients
de la même façon qu'ils informaient la pré-
fecture de police. Ce sera du propre !
Naturellement je ne perdrai pas mon
-temps à plaindre les dupes qui n'hésitent
point à employer des intermédiaires de ce
genre. Je serais plutôt tenté de gémir sur
le sort des honnêtes gens que le premier
venu a le droit dans l'état actuel de notre
législation de faire moucharder par des pro-
fessionnels de la filature.
Ce qui me console, c'est que les profes-
sionnels en question sont hors d'état, quand
ils ont cessé d'être investis d'un caractère
officiel, de faire du mal à d'autres qu'à
leurs employeurs.
Quant à ces derniers, ils ne sont, je le ré-
pète, aucunement intéressants : ils sont
odieux, en favorisant l'espionnage de leurs
concitoyens; ils sont grotesques, en prêtant
foi à ces rapports de policiers.-amateurs. —
Ch. B: .-
————————— —————————
LE DIVORCE
La commission nommée pour examiner las
projets relatifs à la séparation de l'Eglise et de
l'Etat a voté, à la majorité d'une voix,le prin-
cipe de cette importante réforme. En rêstora-
t-elle là ? ■
Il est regrettable que des hommes autorisés;
partisans résolus de la séparation, sçjsoient
tenus à l'écart, et ne se soient pas fait nommer
commissaires. Les chefs de groupe se sont te-
nus cois et sont restés dans l'ombre. Tout le
pays républicain pourtant désire que le di-
vorce soit prononcé au plus tôt. L'ont-ils ou-
blié?
S'ils l'ont oublié, les électeurs seront là pour
le leur rappeler. Précisément ils sont en ce*
moment dans leurs circonscriptions. C'est à
leurs partisans, c'est aux militants de toutes
les fractions de l'armée républicaine qu'il ap-
partient d'insister auprès d'eux et de "leur de-
mander do rompre leur silence voiontaire.
Le gouvernement a refusé de manifester son
opinion sur ce point capital. Il a eu tort. Il a
eu d'autant plus tort, qu'en dépit de l'action
parfois énergique du président du Coaseil, on.
n'a pas oublié certain discours qu'il prononça
à la Chambre, et où il développa cette théorie
fameuse de la bourgeoisie cléricale et réaction-
naire : a il faut une religion pour le peuplé ».
Or le peuple ne veut plus de religion. Il a
soif d'émancipation et da liberté. Il no se laisse
plus duper par le mirage trpmpeur d'une ré-,
compenso dans. l'au-delà et/d'un paradis supra
terrestre, il veut, ici bas, le bien-être auquel il
a droit. La résignation chrétienne va rejoin-
dre l'armoire aux accessoires démodés.
A un état de choses nouveau,il faut une or-
ganisation nouvelle, et cetto organisation ne
sera possible que lorsque l'Etat aura définiti-
vement secoué la tutelle de l'Eglise, qui est
au vingtième siècle un anachronisme. —
Charles Darcv
A LA CAMPAGNE
A travers champs. — Une maladie de
la vigne : l'oïdium. — Un peu d'his-
toire. - L'origine de l'oïdium. -
Son développement. — Trai-
tement par l'emploi du
soufre en pulvérisa-
, tion.
Nos champs sont, en ce mois, dans toute
leur splendeur. L'heure est arrivée pour eux
où leur physionomie prend un caractère spé..
cial dont la poésie, monotone sans doute, n'en
a pas moins, pourtant, un air de grandeur qui
cadre bien avec l'immensité de la plaine en-
soleillée.
Sous les ombrages verdoyants qui bordent
nos chemins, perdu entre les haies aux fron-
daisons vigoureuses, on n'aperçoit plus guère
qu'un océan d'épis qui ondulent et aui com-
mencent déjà à jaunir. Çà et là — mais c'est
maintenant presque de l'histoire ancienne —
quelques prairies restent encore debout, alors
que — semblables à de gros pains de sucre —
les meulons de foin blanchissent sous l'action
combinée de la rosée et du soleil. Devant cette
immensité, devant cette mer de moissons qui'
s'étend à l'infini, on ne peut s'empêcher de
songer à la puissance du travail qui fécondant
la terre, a, de son sein, fait sortir tant de
bonnes choses.
Nous voilà donc arrivés A un moment des
plus intéressants. Dans quelques jours nous
serons en pleine moisson. En attendant l'heure
décisive, nous pouvons, en nous recueillant,
songer à des travaux de moindre importance,
quoique ayant néanmoins une utilité dos moins
contestables.
Parmi ces travaux, il en est qui tels les sou-
frages, sont en quelque sorte urgents pour nos
vignobles.
L'oïdium est une maladie de la vigne due au
développement d'un petit champignon du genre
Erysiphe.
Scientifiquement, ce champignon porte le
nom d'Erysiphe Tuckcri.
L'oïdium fut découvert en 1845, par un jar-
dinier anglais, Tùcker, dans ses serres à rai-
sins situées à Margate, près de l'embouchure
de la Tamise. Quelques années après, cette ma-
ladie faisait son apparition en France et on l'y
découvrait pour la première fois, dans les
serres de M. James de Rothschild, à Suresne:
De là, la maladie s'étendit d'abord aux environs
de Paris, dans le Nord et dans la Belgique, puis
soudainement, en 1850, on signala sa présence
dans la Gironde, l'Hérault, l'Espagne et l'Italie.
En 1851, l'invasion des vignobles par ce fléau
était à peu près général dans toute l'Europe. De
1851 à 1856, il causa dé très grands ravages
dans le vignoble français, ét la plus grande
partie des récoltes était anéantie chaque année.
L'origine de cette maladie a fait pendant
[longtemps l'objet de nombreuses discussions.
Il est admis généralement que ïErysiphe Tuc-
tkeri a été introduit de l'Amérique septentrio-
nale en Europe, mais on n'en est pas absolu-
ment certain.
Comment l'oïdium se développe
Le système végétatif de l'oïdium consiste en
un mycélium (blanc de champignon) qui rampe
à la surface des organes verts (tigeg et feuilles)
sans pénétrer à l'intérieur des tissus.
Le mycélium est surmonté par des filaments
dont un certain nombre est susceptible de pro-
duire des graines (spores) qui, pendant toute
la durée de la végétation de la vigne, peuvent
germer et propager la maladie.
Les graines de l'oïdium, qu'il est plus exact
de désigner sous le nom de spores ou de cor-
ridiés, ont une forme ovoïde et sont un peu
renflées; le vent les dissémine avec facilité,
aussi la contamination d'un vignoble indemne
peut-elle se faire à de grandes distances.
L'oïdium, ou Erysiphe Tuckeri se manifeste
sur les vignes par des efflorescences grisâtres'
ternes, d'une faible épaisseur, qui se montren
sur les rameaux, les feuilles, les fleurs et les
fruits.
Cette maladie apparaît quelquefois dès les
mois d'avril et de mai, alors que la tempéra-
ture a atteint 11 ou 121. En général, c'est en
juin ou juillet qu'elle se montre avec le plus
d'intensité.
Les vignes atteintes par YErysiphe Tuckeri
: ont un aspect languissant, le feuillage en est
terne et on remarque des efflorescences en
forme de plaques disséminées, de couleur
'blanchâtre d'abord et qui deviennent ensuite
grisâtres, puis brunâtres.
La maladie peut attaquer les grains de rai-
sins, depuis le moment où ils commencent
'à se former, jusqu'à leur complet développe-
ment.
Lorsque les jeunes gratns, a peine noués,
i sont attaqués, ils se dessèchent généralement
"et tombent avec leurs pédicelles. Si l'atteinte
;a lieu lorsque les grains ont atteint un certain
volume, ils continuent à grossir, mais d'une
manière irrégulière. Enfin, quand la maladie
se développe après la vèraison, c'est-à-dire au
moment où les raisins commencent à mûrir,
il arrive assez souvent que les grains parvien-
nent à maturité sans subir de trop graves pré-,
judices du fait de la maladie. L'oïdium se dé-
veloppe avec Rapidité sous l'influence d'une
température chaude et humide. Ses effets sont
parfois assez bizarres ; tantôt il se localise
sur quelques ceps, tantôt, an contraire, il at-
teint simultanément tous les ceps du vi-
'gnoHe.
La région méridionale de la Francs est celle
qui, chaque année, a le plus à souffrir du dé-
veloppement deJLm'dium.
D'une maniée générale, les vignes en treil-
les sont plus souvent atteintes que les souches
basses et elles le sont aussi avec plus d'inten-
sité que ces dernières. c
< Le soufrage des vignea ,.
Lorsque l'oïdium fit son apparition dsrns les
vignobles, on essaya de nombreux procédés
pour enrayer la propagation de cette maladie.
De tous ces procédés,, un seul a donné des ré-
sultats concluants ; c est le soufrage dont on
doit la paternité au botaniste français Du-
chartre,
L'opération du soufrage des vignes 'consiste à
projeter du soufre en poudre (soufre en fleur
ou soufre trituré) au moyen d'un soufflet ou
d'un sablier, sur les tiges, feuilles et raisins
susceptibles d'être attaqués par l'oïdium. Une
température sèche convient tout spécialement
pour le soufrage. Il faut attendre que la rosée
soit disparue pour soufrer, car la poudre se
répand beaucoup mioux, quand les feuilles
sont bien sèches.
Trois soufrages sont généralement nécessaires
pour empêcher l'envahissement des vignes par
rodium: Le premier doit être donné à la pre-
mière végétation de la vigne, c'est-à-dire quand
les pousses ont de 15 à 20 centimètres delQn-
gueur. L6 second se donne habituellement en
juin, et le troisième en juillet.
Par lds années sèehes, un seul soufragesuf-
fit paJfÓis. Les quantités de soufre à employer
par hectare varient suivant 1 époque des sou-
frages ; on en met d'autant plus que les tiges
sont plus développées.
Pour les trois soufrages, on estime qu'il faut
environ 90 kil. de soufre par hectare, se répar-
tissant de la manière suivante :
Premier soufrage. 20 kit.
Deuxième soufrage. 30 —
Troisièmo soufrage. 40 —
Pour que le soufrage soit efficace, il faut
Iquei'épandage du soufre soit exécuté très rô-
!nt, aussi bien sur le dessus des fouil-
les qu'en dessous.
La moindre négligence conduisant à un échec,
ton ne saurait trop recommander d'opérer avec
'le plus grand soin : le succès est à ce prix
A. MONTOUX.
LA MAISON DES COMEDIENS
Grâce à M. Coquelin aîné, les comédiens au-;
,ront, à Poht-aux-Dames, leur château des
mille et un plaisirs, où ils pourront, en toute
quiétude, regarder un ciel qui ne sera pas en
peinture, et se promener dans un parc qui ne
sera point fixé sur toile.
Ah l que cette pensée de réunir sous un
même toit tant d'indigences décentes, discrè-
tes et artistiques, qui peut-être furent jadis de
l'insolence, de l'orgueil, de la gloire et aussi de
l'opulence, est belle, humaine et louable 1
Et je songe à la vie que ces retraités de l'im-
prévoyance mèneront en leur demeure collec-
tive.
Que vous direz-vous, le soir, sous la char-
mille, lorsque sous les rayons lunaires qui vous
argenteront, tels les rayons de la rampe, vous
vous attarderez à répéter des propos de théâtre?
Que vous direz-vous, ô vieilles gloires ?. Ah !
prenez garde, soyez discrets. ne parlez point
trop de vous, songez-y : des oreilles envieuses
vous écoutent. Rêverez-vous alors aux salles
toules remplies de dorures, de lumières et de
robes, où les femmes sont plus belles, les do-
iruros plus éclatantes, et les lumières plus aveu-
glantes qu'ailleurs. Mais subitement vous
aypi p^li. Ayez-vous entendu des applaudisse-
: ments, car ce sont eux que la brise vous en-
voie, au lieu de vous envelopper de l'haleine
des fleurs ?.Avez-vous entendu les tirades que
: récitent l'ingénue et le jeune premier, car ce
sont leurs mots que vous apporte le vent, frois-
sant le feuillage ainsi qu'une main indiscrète
! froisse une jupe rux mille plis?. Cette mar-
: geHo, n'est-ce point celle où Camille et Perdi-
can s'assirent pour y échanger la bague d'or
des fiançailles ! Et cette lune, même, n'est-ce
point celle qui rôdait autour du balcon de Ju-
liette, à Vérone ?
0 Lisette, Silvia, Rosine, Pauline, Chimène,
Esthor, ô vous qui êtes tout le répertoire, la
tendresse, l'amour, la poésie, le génie et la
jeunesse, est-il vrai que vous ayez pu vieillir
et que vous ne soyez plus aimées ? Mais non,
vous avez encore des coquetteries d'amante,
'vous marivaudez. souriez, riez, jouez des yeux
et de la voix, comme jadis. Vos amoureux sont
toujours là, à côté de vous. Regardez : Voici
Dorante, Almaviva, Polyeucte, Rodrigue, As-
suérus; et voici vos valets, vos Frontin, vos
Arlequin, vos Figaro. Au milieu de toutes ces
célébrités en cheveux blancs, les vôtres ne se
remarquent plus ; vos sourires ont toujours
vingt ans ; vous êtes toujours aimées ! Et tenez,
faites-en l'expérience, afin de mettre en rage
l'éternelle duègne : laissez tomber votre éven-
tail, et vous verrez à vos pieds un peuple en-
tier de Don Juans, de Léandres et de Perdi-
calls.
Ah ! chères omédiennes, allez à Pont-aux-
Dames, vous n'y vieillirez jamais l — René
Wimer.
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les Dernières Dépêches
L'ÉLECTION DE LA 2e tlKCOHSCrllP 1 10 Ii
DE SCEAUX
-
On nous donne communication de la lettre ci-
rdossous adressée sous pli recommandé eu citoyen
Rochefort :
Vincennes, le 10 juillet 1903.
Au citoyen Rochefort,
Prenant au sérieux vos articles des 7 et 12
août 1903, intitulés « Les Causes de la défaite »
et or Le Groupe des sincères », j'ai pris parti,
dans la 2e circonscription de Sceaux, pour les
candidats républicains, contre le candidat con-
servateur et clérical.
J'ai pensé notamment, que vous aviez ici
une occasion unique d'appliquer vos principes,
puisque vous pouviez soutenir par exemple, le
citoyen Fabérot, socialiste anticlérical, et com-
battre le citoyen Hémard, candidat du « Comité
l'des Marguillers » de la paroisse, dont il a mé-
dité la confiance, en se vantant publiquement,
d'avoir son fils élevé dansdes écoles religieuses,
un frère prêtre et sa femme dans las Bonnes
OEuvres,
Je me suis parait-il trompé, puisque votre
journal me traite, pour ce fait, de renégat et de
'traître (numéro du 11 juillet), ma je n'ensuis
pas très convaincu, et je me demande qui de
nous deux mérite ces épithètes ?
Je compte sur votre courtoisie pour faire in-
sérer cette réponse dans l'Intransigeant et vous
: prie de croire à la sincérité de mes opinions ré-
publicaines, socialistes et anticléricales.
L. FATOUX.
LE VOYAGE DE M. JONNART
Alger, 11 juillet.
M. Jonnart, gouverneur général, s'est em-
barqué aujourd'hui à midi pour la France, à
bord de l'Eugène-Pereire.
UN BAL CHEZ LORD KITCHENER
rDe notre correspondant particulier)
Simla, 11 juillet.
Lord Kitchener, le généralissime de l'armée.
.anglo-indienne, a donné son premier bal de
fgala. Il y avait environ 600 invités, auxquels
He général a fait lui seul les honneurs. Il n'y
'avait pas de maîtresse de. maison, puisque le
général est célibataire. La sallo de danse était
ornée de drapeaux, de lances et de trophées
apportés du Transvaal.
La danse a été ouverte par lord et lady
Curzon.
AUTOUR DU CONCLAVE
(De notre correspondant particulier}
Rome, 11 juillet.
Le cardinal Matthieu, le cardinal Vives et le
cardinal Steinhuber se sont réunis et ont dé-
cidé que le futur pape doit être de nationa-
lité italienne. On dit que tous les trois travail-
lent pour l'élection de Rampolla ce qui ne veut
pas encore dire que celui-ci aura la tiare. Ce
qui est certain, c'est que les Allemands, cardi-
nal Kopp et cardinal Fischer, joueront un rôle
effacé au conclave..
-UN PRÉLAT- INVENTEUR
(De notre correspondant particulier)
Hambourg, 11 juillet.
M. Cerebotani, chambellan pontifical rési-
dant à Munich, a inventé un appareil qui per-
met aux personnes à bord d'un navire en mou-
vement de mesurer exactement la distance qui
les sépare d'un objet mobile quelconque.
L'empereur Guillaume s'intéresse beaucoup
à cette invention et a donné au département de
la marine l'ordre de faire des expériences avec
ta nouvel instrument & mesurer dM distancel
PORNOGRAPHIE
MONDAINE
-
Le scandale grossit. - Entre mère et
fils. — M. d'Adelsward malade. —
: Professionnels du vice. — Détails
rétrospectifs. — Lia haute noce.
— Deux amis. — Noblesse du
: pape. — Romans intimes. —
Littérature et sadisme.
Chaque jour apporte un complément d'in-
formation aux renseignements si curieux que
/nous avons déjà publiés au sujet du scandale
où sont mêlés des noms connus d'hommes du
monde, de littérateurs, d'ecclésiastiques, d'é-
toiles de café-concerts. Ces noms n'ont pas
encore été imprimés: ils ne le seront peut-
être jamais, mais ils sont connus à l'heure
actuelle.
Si nous en croyons les renseignements que
nous avons recueillis, loin d'avoir été exagéré,
le scandale de l'avenue Friedland semble de-
voir prendre encore une plus grande extension.
Il est certain que de nouveaux mandats d'ame-
ner ont été lancés par le juge contre des per-
sonnages dont l'arrestation né se fera certai-
nement pas sans tapage.
M. de Valles a donné commission rogatoire
à l'effet de rechercher tous les enfants et tous
les jeunes gens attirés par de Warren et en-
voyés par lui à d'Adelsward. Il est établi
qu'en dehors des quelques petits lycéens qui
fréquentaient la garçonnière de. ce dernier, se
trouvaient des gamins professionnels connus
sur les grands boulevards.
Les renseignements recueillis permettent de
croire que quelques femmes étaient admises
aux séances de l'avenue Friedland. Il peut se
faire que ces personnes soient poursuivies pour
outrages publics à la pudeur.
Au nombre des objets saisis chez d'Adels-
-ward se trouvent un grand nombre de fiches
anthropométriques et aussi des photographies
obscènes. Cette découverte a amené une perqui-
sition chez un photographe amateur qui a son
atelier boulevard Pereiro, perquisition qui n'a,
.d'ailleurs, donné aucun résultat. On n'a
trouvé, à cette adresse, que des photographies
sportives.
Un ancien domestique au service de M. d'A-
delsward, qui habite actuellement en province,
a été mandé à Paris. Il sera entendu par le
juge,
M. d'Adelsward chez le juge
Hier, après-midi, Jacques d'Adelsward a été
amené à 3 heures dans le cabinet du juge.
Le col du long pardessus qu'il portait était
baissé et le prévenu avait été autorisé hier à
mettre un faux-col et une cravate.
Pendant quelques minutes, M. d'Adelsward
resta dans le couloir de l'instruction, cherchant
-en se retournant à éviter les regards indis-
crets.
Introduit dans le cabinet de M. de Vallès, à 3
h. 25, d'Adelsward a été mis en demeure par le
juge de choisir un avocat. D'Adelsward a
avancé le nom de M' Chenu, mais la mère de
l'inculpé, qui est venue voir son enfant, en
compagnie de l'ancien subrogé-tuteur de son
fils, et de M' B., un ami do la famille, lui a
conseillé de confier ses intérêts à M' Demange.
Enfin, un troisième nom a été mis en avant,
c'est celui de Me Martini, qui s'est toujours oc-
cupé des intérêts de la famille d'Adelsward. Il
est fort douteux que Me Martini accepte la dé-
fense du jeune homme, attendu qu'il ne s'oc-
; cupe exclusivement que de procès civils, et no
plaide jamais ni en correctionnelle, ni aux as-
sises.
Mis en présence de sa mère, Jacques d'A-
, delsward a été pris d'une violente crise de lar-
âmes, et il s'est trouvé mal. On a dû appeler
on toute hâte le médecin du Palais, le Dr Flo-
quet. Pondant 20 minutes le docteur a donné
ses soins empressés à l'inculpé, qui a pris un
calmant à base de bromure de potassium. Le
Dr Floquet, en raison de l'état de faiblesse très,
grande du jeune homme, a conseillé à M. de;
Valles de remettre son interrogatoire à une
date ultérieure.
Mais d'Adelsward ayant réagi sur lui-même
a demandé au juge la permission de rester
quelques instants avec sa mère. M. de Vallès
l'y a autorisé. Le jeune homme, très calme, a
alors discuté longuement avec sa mère du
ohoix d'un avocat. Cependant aucune décision
n'a été prise à cet égard.
Au moment où sa mère l'a quitté, Jacques
d'Adelsward s'est jeté à ses pieds en pleurant
etlui a juré sur cequ'il avait de plus sacré qu'il
était innocent des crimes qu'on lui reprochait.
Une scène d'orgie
M. de Vallès a confronté ensuite l'inculpé
avec trois jeunes garçons de 10 ans, 13 ans et
14 ans, dont les mœurs très douteuses leur ont
valu d'être envoyés en correction à la Ro-
quette.
Ces trois garçonnets, professionnels du vice,
vont raconté au juge les scènes auxquelles ils
avaient assisté dans la garçonnière de M. d'A-
delsward.
Voici un passage du récit de ces jeunes vi-
i cieux:
Nous entrons dans une pièce absolument som-
bre. Vraisemblablement, d'épaisses tentures ont été;
placées devant les fenêtres pour arrêter la lumière,
du jour. On nous fait placer près do la porte et on;
nous dit d'attendre. Au bout de quelques minutes,!
nous entendons des chants s'élever à quelques
ipas de nous. En même temps, une lueur apparatt,
une portière se soulève et nous voyons une théorie
d'une trentaine de jeunes garçons, couronnés de
;fleur9, pénétrer un & un dans la pièce. Chacun
d'eux tenait à la main une torche et la salle fut!
bientôt éclairée d'une vive lumière.
Au fond, élevé sur trois marches, un vaste lit,
tendu de rouge, était dressé en forme d'autel.
Partout, sur les murs, des fleurs retombaient en
longues guirlandes, entouraient des têtes de mort
placées sur dès consoles. Des roses jonchaient) le.
sol. :
Le propriétaire et ses amis arrivèrent t leur
tour, vêtus de longs peignoirs roses. Les jeunes
gens déposèrent leurs torches, et l'un d'eux vint
prendre place sur l' a autel ». Aussitôt les chants
cessèrent.
Alors commença une scène que ces jeunes.
voyous racontèrent au juge avec forces détails,
mais que nous ne saurions décrire ici.
Jacques d'Adelsward
Nous avons publié hier d'intéressants rensei-
gnements biographiques sur Jacques d'Axel
d'Adelsward. Nous avons dit que, littérateur
distingué, il avait publié plusieurs volumes de
vers et des plaquettes de « proses » : Ebauches
et Débauches, Notre-Dame des Mm Mortes. Il
est aussi l'auteur de : Contes d'amour, Chan-
son légères, et on raconte qu'il achevait, ces
jours derniers, deux œuvres nouvelles : Les lys
de, Gàliîéf et Lèvres jàihtes.
C'est sous le nom de Fersen qu'il a publié ces
différents volumes. C'est d'ailleurs le nom de.
comte de Fersen qu'il prenait dans ses satur-
nales et dans ses orgies.
Ainsi que nous l'avons dit hier, il fit son ser-
vice militaire dans les Ardennes. Tout Charle-
ville a encore devant les yeux les débauches de
ce jeune blasé. Dans la ville et à la caserne, sa
générosité lui créa bientôt une popularité. Elle
t passer sur ses habitudes de grand luxe, et
pflrdonner l'automobilo qui attendait chaque
soir devant la porte du quartier, et la garçon-
nière, tapissée do vieilles soieries,véritablcs- re-
liques collectionnées à grand prix. Mais dotà.
paraît-il, M. Jacques d'Adelsward s'oubliait
dans des amitiés qui surprenaient, et faisait pa-
raitro des goûts particuliers. C'est au régiment
qu'il connut Pierre, ce domestique dont nous
avons parlé hier, et dont 1t3 renvoi devait ame-
ner, plus ou moins directement, l'arrestation
du jeune baron. On parlait d'un certain sergent
corse avec lequel celui-ci s'était intimement lié,
iet avec lequel il devait entretenir une corres-
pondance suivie.
Jacques d'Adelsward avait fréquenté do
.bonne heure les milieux les plus divers de la
noce parisienne, où sa richesse et son élégance
lui avaient valu de nombreux succès.
On n'avait pas tardé à rencontrer ce blasé
avant l'âge dans certaines brasseries d'ordre
spécial, dans des établissements où se pratique
un commerce sur lequel il est impossible d'in-
sister.
C'est dans l'un d'eux qu'il rencontra Albert
de Warren, un autre névrosé appartenant, lui
aussi, à une excellente famille.
Lorsque, l'an dernier, M. Jacques d'Adels-
ward revint à Paris, il se trouvait, par la mort
de son père, riche d'une quarantaine do mille
francs de rente. Il reprit la vie fastueuse qu'il
avait menée avant son départ pour le service
militaire. Il habita d'abord avec sa mère et ses
sœurs, puis, en janvier, loua le rez-de-chaussée
de l'avenue de Friedland, dont le loyer annuel
était de 2,500 fr.
Il dépensa des sommes considérables pour le
décorer à son goût, transformer plusieurs piè-
ces en cabinets de toilette, multipliant les ca-
napés et les chaises longues sous les colonnes
de marbre blanc ou rose qui supportaient dos
statues antiques : des Apollons. des Vénus, des
Amours luttant pour s'emparer d'un cœur tom-
bé à leurs pieds. Parmi les toiles, on signale le
portrait en pied du jeune baron, signé d'un
peintraconnu, et Vénus sortant du bain.
Dès Te lendemainde son installation dans son
nouvel appartement, M. Jacques d'Adelsward
reçut d'étranges visites : c'étaient des individus
en casquette, d'autres en blouses de boucher,
d'autres avaient la mise des familiers de cer-
tains bars interlopes. Quelques-uns demandè-
rent le comte de Fersen. Le concierge, leur
barrant la route, leur disait qu'aucun de sss
locataires ne portait ce nom, M. Jacques d'A-
delsward intervint, déclara que c'était lui la
comte de Fersen.
Le concierge et les autres locataires de cetto
aristocratique demeure devaient avoir encore
d'autres étonnements.
Albert de Warren
Albert de Warren était d'un an plus jeune
que Jacques d'Adelsward.
La comtesse douairière de Warren, grand'-
mère de M. Hamelin de Warren, habite Nancy.
Elle a eu quatre enfants : M. Anselme do Wor-
ren, père de M. Hamelin de Warren, l'inculpé,
est l'un d'eux.
Son fils aîné, qui habite, comme elle, actuel-
lement Nancy, fut consul au Cambodge. Un
troisième fils qu'elle eut vit de ses rentes à
Nancy. Enfin, son quatrième enfant est une
fille, Mme de Lesseux, qui habite Saint-Dié,
dans la plus belle situation.
Rien à dire que du bien sur toute cette par-
tie de la famille de Warren, non plus d'ailleurs
que sur M. Anselme de Warren ; ce dernier
peut seulement passer pour un peu bizarre.
La famille est originaire d'Irlande et de très
bonne noblesse
Quant au titre de duc, il a été accordé au
frère aîné d'Hamelin de Warren par le pape.
Et voilà pourquoi lui-même est devenu mar-
quis.
A la suite de revers de fortune, la famille
do Warren avait dû se diviser : le père, M. An-
selme de Warren était resté dans les Vosges,
au château de Bouilly,.à Nompatelize, avec ses
trois fils. La mère, Mme Anselme de Warren.
vint habiter à Paris, rue Alfred-de-Vigny,dans
une maison appartenant à M. Gavarry, minis-
tre plénipotentiaire, l'appartement que venait
de quitter Mlle Lavallière, la pensionnaire du
théâtre des Variétés.
Mais les fils do M. Anselme de Warren, pour
qui la tranquillité de la campagne n'offrait au-
cun attrait, quittèrent le château de Bouilly et
vinrent à Paris.
Livré à lui-même, Albert de Warren, qui
n'avait, pour vivre, d'autres ressources quo
son titre, dut avoir recours à divers moyens.
Il fut obligé, de postuler, dans un journal du
soir, pour une place de cycliste-porteur.
Grâce à son intelligence et à son nom, il ne
resta que fort peu de temps confiné dans ce
modeste emploi, et on le vit réapparaître peu
à peu dans les sphères plus élevées.
La marquis de Warren a une sœur, fort jolie
femme, dont la vie ne serait en rien mêlée au
scandale présent, si Mlle Monique do Warren
n'avait fait à Paris la connaissance d'un M.
d'Aubusson, et de sa femme,C'ost M. d'Aubus-
son qui maria Monique de Warren.
L'enquête judiciaire révélera toutes sortes de
détails caractéristiques sur ces romans intimes
qui se nouaient et se dénouaient dans un
monde d'apparence imposante.
Un des proches parents d'Albert Hamelin de
Warren a donné sur ce personnage, que re-
cherche actuellement M. de Vallès, les rensei-
gnements suivants :
- Hamelin de Warren est un jeune homme de
vingt et un an,qui, par certains côtés de son ca-
ractère, est resté un enfant. Il a eu autrefois la fiè-
vre typhoïde, et c'est peut-être à cause do cela
que son cerveau est resté puéril. Il a, d'ailleurs,
été réformé lorsqu'il a passé au conseil de revision.
Rien de spécial ne l'intéressait dans la vie. Sanl
être très riche, il avait toujours suffisamment d'ar-
gent sur lui pour vivre en flâneur.Mmede Warren.
sa mère, qui a sept enfants, lui fait, depuis deux
ansr une rente de 200 fr. par mois pour qu'il
puisse louer une chambre en ville-; mais n. prend
tous ses repas chez sa mère, et n'a pas d'autres fixas
que son loyer.
Je l'ai souvent trouvé aux Champs-Elysées,
jouant avec des enfants à faire des tas de sable.
Sa mère, avertie il y a huit jours quo le scan-
dale était sur le point d'éclater, a eu tort, à mou
avis, de le faire partir.'
Parmi les amis du marquis fugitif on signala
l'administrateur d'un journal de province, et
l'ancien précepteur du jeune homme, l'abbé
L., ancien chanoine d'une paroisse de Paris,
aujourd'hui aumônier militairo dans une gar-
nison de banlieue.
Le jeune homme sortait souvent avec le
prêtre et le journaliste, qui tous deux jouissent
d'une honorabilité absolue.
Rue Desrenaudes
D'autre part, avant do louer la garçonnière
de l'avenue de Mac-Mahon, de Warren occu-
pait au n* 12 de la rue Desrenaudes une cham-
bre du rez-de-chaussée d'un loyer annuel de
630 fr.
Il s'était recommandé, auprès des concierges
.de l'immeuble, du nom de Mme d'Aubusson.
Et effectivement cette dame vint fréquemment
rendre visite à de Warren, ainsi d'ailleurs
qu'une dame C..,, que l'abbé L.,,, que Jacques
d'Adelsward, et qu'un grand nombre d'enfants.
La concierge de cet immeuble fait des décla-
rations sur la vie de Hamelin de Warren qui
concordent aveo celles que nous donnons plus
haut, émanant d'un de ses parents :
- Ce qui se passait, dit-elle, dans la garçon-
nière quand ces enfants s'y trouvaient, je ne puis
le dire, n'ayant l'habitude ni d'écouter aux portes,
ni de regarder par les trous des serrures. Mais je
n'eus pas besoin de commettre une indiscrétion
pour me rendre compte de la nature de ces réu-
nions. M. de-Warren, eu effet, laissait grande m.
verte la fenêtre donnant sur la rue. fit c'est oliuf
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