Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-12-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 décembre 1898 19 décembre 1898
Description : 1898/12/19 (N10510). 1898/12/19 (N10510).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7547070j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/01/2013
,"!N-O CEN riMES ï© Numéro. PARIS A DÉPARTEMENTS Le Numéro; CINQ CENTIMES,
foNDATEUR: AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Va mois Trois IROis Six mois h
Paris 2 fr. 5 fr* 9 fr. 18 fr.
Départements.. 2 -' 6 — 11— 20 —
- < Postale. 3 — 9 — 16 — 32 —
UR: AUGUSTE VACQUERr
ANNONCES
NNONCES
C l LAGRINGE, CERF e aié
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURNAL
REDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
N 10510. - Lundi 19 Décembre 1898
28 FRIMAIRE AN 107
ADIIINISTRATION : 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à ï Administrateur
NOS LEADERS
LA VEUVE
ET
L'ORPHELIN
Il est bon, je le crois, il est juste et
nécessaire, qu'au milieu, au-dessus de
l'effrayant tumulte des colères et des
haines, une voix s'élève pour cette
pauvre femme, pour ce malheureux
enfant.
Car, autant nous indignent, nous rér
voltent ceux qui jouent d'eux, se ser-
vent d'eux, et sans pitié, sans pudeur,
les jettent dans la bataille impitoyable,
— autant cette veuve et cet orphelin,
victimes innocentes et inconscientes,
nous inspirent de pitié.
* #
Que le lieutenant-colonel Henry soit
Je plus odieux des scélérats ; qu'il ait
commis le plus lâche des crimes, assi-
milable, dans son horreur, au coup de
couteau donné traîtreusement, par der-
rière, à l'homme terrassé; que cette
abominable action soit sans excuse,
sans atténuation pQ&siktey M que? .oe.
vant elle, la clémence elle-même, recule,
découragée, épouvantée ; cela est, et les
sophismes, les mensonges des pires jé-
suites, les Maurras et les Talmeyr, ne
pourront faire que cela ne soit pas.
Ce crime, rien, jamais ne l'effacera;
ce criminel,rien ne pourra le réhabiliter,
jamais. Quelque Dante, un jour, peut-
être, le rencontrera, dans le septième
cercle, repoussé même par les autres
ombres coupables, maudit pour l'éter-
nité.
Et lorsque des gens ont songé, car
telles peuvent être les aberrations où
chavirent les cerveaux dévoyés,à lui éri-
ger un monument, nous avons pense à
ce Perrinet-Leclerc, qui livra le Paris
de Charles VI aux Bourguignons, et
dont on dressa au centre d'un carrefour
la statue, afin que chaque passant pût
et dût, d'une poignée de boue, d'une
pierré lancée sur l'effigie déshonorée
perpétuer l'exécration de l'inexpiable
forfait.
ro-
Mais quel de nous, dites, a jamais eu
la pensée de faire retomber sur la veuve
du lieutenant-colonel Henry, sur son
fils, la responsabilité du crime com-
mis ?
Nous avons vu, cela est vrai, des na-
tionalistes insulter par leurs ricanements
obscènes au deuil tragique de Mme Al-
fred Dreyfus; et dernièrement encore,
à la Chambre, lorsqu'il a été parlé, par
M. Paschal Grousset, de l'admirable
épouse du martyr, quelques abjects drô-
les dont je regrette de ne point savoir
les noms, ont protesté.
Mais est-ce que ces mœurs honteuses
sont les nôtres? Est-ce que nous som-
mes des insulteurs, nous? Est-ce que
nous sommes de ceux qui rendent res-
ponsables les enfants des fautes pater-
nelles? Est-ce que nous sommes de
la race de ces Judet qui vont, effrénés
profanateurs de sépultures, fouiller la
terre des fosses pour en sortir les ca-
davres? .-
s En septembre dernier, lorsque fut
émise pour la première fois l'incroyable,
blasphématoire idée, d'un monument à
la mémoire du faussaire, j'écrivais
ici :
« Si le fils d'Henry devient un hon-
nête homme, seuls de honteux gredins
songeront à lui imputer à blàme le
crime de son père. »
ut jamais, par aucun de nous, une pa-
role n'a été dite — certes, elle n'était
pas dans notre cœur ; elle ne pouvait pas
être sur nos lèvres — [qui ait pu venir
troubler douloureusement dans son
deuil, dans son affliction, dans ses lar-
mes, cette femme pour laquelle nous
professions le respect dû au malheur.
-
Mais d'autres n'ont pas eu le même
respect. (
Ils ont pensé, ceux-là, qu'avec cette
veuve, qu'avec cet enfant ils pourraient,
peut-être, une fois de plus égarer,
tromper l'opinion publique.
Ils se sont dit que la vue de ces deux
pauvres êtres si cruellement frappés at-
tendrirait la foule prompte aux émo-
tions irraisonnées.
Leur devoir était, comme le nôtre, de
fairele silence autour de cette infortune,
mais leur intérêt réclamait du tapage.
Vous les connaissez bien mal si vous les
croyez capables d'avoir seulement hé-
sité.
Assurément, j'ignore comment les
choses se sont passées, mais j'imagine
que Mme Henry a dû, elle, essayer de
résister, prise de crainte, sans doute, et
de répugnance.
On lui aura dit qu'il fallait marcher,
qu'elle ne pouvait pas se dérober, se
refuser ; et si elle a supplié qu'on la
laissât tranquille, on a, croyez-le, passé
outre.
Quoi donc ! mais c'était excellent,
c'était fameux cette histoire de veuve et
d'orphelin à jeter entre les jambes des
dreyfusards. Est-ce qu'on pouvait lâcher
ç4 ? Ce long voile de crêpe, traînant
jusque terre. ce fcamMa êg deuil; il
aurait fallu n'avoir pas le moindre ins-
tinct de la mise en scène pour ne pas
comprendre quett)!t.'i'Otml1t- en
tirer.
Allons ! vite ! la grosse caisse ! les
cymbales ! et en avant le vacarme jus-
qu'à ce que les badauds s'attroupent.
Derrière l'orchestre assourdissant, nous
voyons — et notre cœur se serre, à ce
spectacle et une protestation indignée
nous monte aux lèvres — la veuve et
l'orphelin.
.-.
Et les listes de souscriptions s'allon-
gent, les offrandes pleuvent. En quel-
ques jours on a ramassé plus de trente
mille francs.
Dans ces listes, s'entre-mêlent, se
coudoient les noms de tous ceux qui
souhaitent la mort de la République, de
tout ce qu'il y a encore en France de
bonapartistes et de royalistes, de tous
les cléricaux, de tous les nationalistes,
de tous les antisémites, de tous ceux
qui ne veulent ni de la justice ni de la li-
berté.
Le général Mercier a souscrit ; M.
François Coppée a souscrit ; M. Gaston
Pollonnais a souscrit; M. Paul Dérou-
lède a souscrit; et leurs noms se trou-
vent à côté de mentions comme celles-
ci : « Un lieutenant de cuirassiers qui,
grâce aux dreyfusards, comprend la
Saint-Barthélémy. » — « Un Français
qui voudrait voir pendre la moitié des
juifs pour servir d'exemple aux au-
tres. » — « Pour acheter une bonne
cravate de chanvre à Dreyfus. » —
« Un ennemi implacable des youtresqui
attend avec impatience l'heure où son-
nera le ralliement pour l'écrasement
d'Israël ». — « Un qui demande l'état
de siège et les cours martiales ». —
« Un qui voudrait voir guillotiner cent
mille juifs et autres traîtres à la pa-
trie ». — « Pour la livraison la plus
prochaine de Reinach à Deibler ». —
« Un groupe d'officiers qui attendent
impatiemment l'ordre d'essayer sur les
cent mille iuifs qui empoisonnent le
pays les nouveaux explosifs et les nou-
veaux canons
De sorte que ces listes ne sont qu'un
long cri de rage et de haine, qu'elles
écuinent, sifflent, grincent des dents,
bavent, essayent de mordre, forcenées,
épileptiques, sauvages.
Est-ce qu'il est question d'honorer la
mémoire d'un mort, de défendre une
veuve, de protéger un orphelin ? Allons
donc! c'est de guerre civile qu'il s'agit,
pas d'autre chose.
Nous assistons, bras croisés, le front
tranquille, à ce monstrueux déborde-
ment de fureurs ; et notre cœur s'émeut
de commisération profonde pour la
femme qui a permis que son voile noir
servît pour cette guerre impie, de dra-
peau.
.*..
Nous la plaignons, voilà tout. Plus
tard, quand les fumées de la bataille
auront été emportées par le vent, elle
comprendra., sans doute, et pourra dire
alors qui, de — ceux qui maintenant la
poussent devant eux dans la mêlée, ou
de nous qui pensions qu'elle devait,
pour son fils, rester en dehors de ces
luttes affreuses, — ont eu le plus
pour elle pitié et respect.
Nous ne la rendons point responsable
de tout ce qui se fait en son nom.
Qu'elle soit bien sûte d'une chose, la
pauvre femme, c'est que plus tard, lors-
que la Vérité aura définitivement vaincu,
il n'y aura parmi nous, pour son en-
fant, que sympathie.
.*.
- Distinctement, à travers les brumes
dont s'enveloppe l'avenir, je vois ce
rêve : le fils de Dreyfus et le fils d'Henry-
se donnant la main, grandis tous deux
dans l'oubli des vieux crimes et rejetant
loin d'eux l'abominable fardeau des
vieilles haines.
Car, aux menaces que nous crient
au visage des bouches atrocement con-
vulsées, hideuses; aux gestes des poings
crispés dressés vers nous-, aux cris
d'exécration et de mort hurlés, féroces,
à nos oreilles, nous voulons — oppo-
sant aux lamentables réalités d'aujour-
d'hui les espérances sereines de de-
main — répondre par des paroles de
fraternité.
.*.-
Ah ! malheureux, vous excitez à la
guerre des Français contre les Fran-
çais ! mais les armes que nous avons
forgées pour combattre l'ennemi étran-
ger, pour reprendre le bien volé, pour
venger et punir, se briseront entre vos
mains, ne voulant pas de la besogne scé-
lérate à laquelle vous les condamnez ;
vous semez la haine l mais ce grain
maudit ne germera pas dans les entrail-
les généreuses de la France ; votre œu-
vre est morte et vous mêmes, vaincus
déjà, n'êtes plus, dans le lointain, que
des ombres vaines dont le bruit ne par-
vient plus qu'indistinctement à nos
oreilles.
Qui donc pourrait nous empêcher
de, dès à présent, regarder au delà
de la bataille actuelle et d'évo-
quer le jour promis de la réconci-
liation? Quand justice aura été faite,
quand ces deux hommes, l'un i mal
bçureux et loutre- sijgrând, §reyfus-ter
martyr et Picquart-le-héros auront reçu,
l'un la réparation, l'autre la glorification
à laquelle ils ont droit ; quand les cou-
pables, tous les coupables, grands et
petits, auraient été châtiés ; quand tout
sera rentré dans l'ordre, et que la Vé-
rité reconquise brillera, étincelante,
dans le ciel redevenu bleu, pourquoi
devrait-il rester sur notre sol et
dans nos âmes trace de ces combats,
de ces colères qui nous prennent tout
entiers aujourd'hui? Le soc des char-
rues nivellera la terre redevenue fé-
conde; nos âmes s'épureront dans la
pensée fraternelle, humaine, du mieux
social ; et sous le grand soleil de la
France, il y aura place, croyez-le, pour
tout le monde, pour tous les hommes de
bonne volonté, pour tous ceux qui souf-
frent comme pour tous ceux qui tra-
vaillent, pour toutes les veuves et pour
tous les orphelins.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
#-
Nous publiera as demain un article
de lUe J.-L. de Lauessan.
Politique d'Aveugles
M. Dupuy, dans la séance de vendredi,
quand il a si galamment jeté à la face de ses
amis de la veille le « Bonsoir, Messieurs », de
M. Arthur Meyer, a tailladé à larges cisailles
le manteau d'arlequin de sa majorité ; il doit
réfléchir en ce moment, en homme avisé,
à la façon dont il le pourra recoudre.
C'est une fort belle chose que la politicme. et
qui donne évidemment aux masses d éton-
nantes leçons de moralité.
Quand M. Mélme, alors chef du gouverne-
ment, appliquait, avec l'ardeur qu'on connaît,
son système de coalition cléricale et de men-
songe systématique, quand il affirmait à toute
occasion que « l'affaire Dreyfus n'existait
pas » et « qu'il représentait devant le parle-
ment et le pays la politique d'apaisements,
deux lourdes mains étaient toujours là pour
donner le signal des applaudissements. Ce chef
de claque, M. Dupuy lé connaît bien.
Mais ces choses-là n'embarrassent guère les
hommes qui, comme notre honorable prési-
dent du conseil, ont les épaules et la cons-
cience aisément fatiguée?. Aussi, M. Dupuy,
qui a vu dans son attitude d'hier l'occasion
d'une ovation à gauche, cherchera-t-il, par
son attitude de demain, l'occasion d'une ova-
tion à droite.
La trouvera-t-il ?
Tous ces politiciens, qui s'entendent si bien
à démêler et à faire jouer les fils compliqués
des habiletés et des lâchetés parlementaires,
ont la vue courte et l'esprit étroit. Ils ne voient
pas à travers les murs de leur Palais-Bour-
bon, l'obscur travail de la conscience natio-
nale, qui, lentement, dans l'esprit des hum-
bles, des bourgeois, de ceux qui sentent et ré-
fléchissent, crée les mépris et les indignations.
Ils ne comprennent pas que cette simple
chose, ce rien, dont M. Méline, aujourd'hui
encore, nie peut être l'existence, — l'affaire
Dreyfus — est en train de soulever la plus in-
croyable des révolutions qui ait jamais boule-
versé les classifications des partis.
Et, quand, dans quatre ans, avant peut-être,
que ce soit l'expiration de leurs pouvoirs ou
la dissolution qui les rende à leurs électeurs,
ils se rendront compte des ravages de cette
révolution; ils s'écrieront ahuris: ;« C'est à n'y
rien comprendre !»
Et, effectivement, ils n'y comprendront
rien.
-
LES ON-DIT
CHEZ NOUS
- A l'Académie des beaux arts.
Il a été procédé hier à l'élection d'un
membre titulaire de la section de peinture,
en remplacement de M. Jules Lenepveu,
décédé.
Les membres présents étaient au nom-
bre de 35. Il y a eu sept tours de scrutin.
Voici les résultats donnés par les six pre-
miers tours :
Roybet. 6 9 9 8 6 3
Cormon.. 8 9 12 13 14 17
Cormon UV ; 1 t. 4 7 11 13 15 15
Dagnan-Bouveret. 4 7 11 13 15 15
Humbert. 1 1 > » > »
Joseph Blanc 4 4 -1.» » »
Flameng 7 3 > » ]) >
Cazin » » » 1 » »
Lhermitte 1 2 1 » > »
Maignan 3 » 1 » » >
COinerre 1 * » » » »
Au septième tour, M. Cormon a été élu
par 18 voix contre 17 données à M. Dagnan-
Bouveret.
L'exécution des envois de musique des
pensionnaires de Rome aura lieu jeudi
prochain à deux heures et demie, au Con-
servatoire de musique..
A l'Ecole Normale. -
Hier matin, a eu lieu, à l'Ecole normale
supérieure, une petite cérémonie in-
time.
M. Vidal de la Blache, sous-directeur et
maître des conférences de géographie,
vient d'être nommé, on le sait, professeur
de géographie à la Sorbonne ; hier matin,il
faisait à l'école- sa dernière conférence. A
cette occasion, ses élèves, auxquels
s'étaient joints plusieurs de ses anciens
élèves, lui ont offert, en souvenir de ses
vingt années d'enseignement, un exem-
plaire de la plaquette connue de Roty : In
labore quies.
.- La Seine à faire.
M. Charles Blanc, préfet de police,
préoccupé de la fréquence relative des ac-
cidents en rivière, a fait hier après-midi,
en bateau, la traversée de Paris, de Bercy
à Auteuil, afin d'étudier sur place tésïïîe-
sures qu'il conviendrait de prendre pour
éviter le plus possible ces accidents.
Le préfet de police s'est erqbarqué, à une
heure et demie au pont de la Toumelle,
sur le bateau n° 47 de la Compagnie pari-
si enne; le bateau a remonté la Seine jus-
qu'au pont National, puis l'a redescendue
j,.us.qu'l,.4u' te'Y, pour jévegq: ensuite au
£ 9int d'ëmbar^tiçmenv y : :
M. Blanc était accompagné de MM.
Guillemin, inspecteur général de la navi-
gation, Bezançon, chef de la ae division de
la préfecture de police, Fix, chef de bu-
reau, et de plusieurs inspecteurs du service
des bateaux à vapeur.
- Le legs Carnot à l'Académie des
Sciences morales et politiques.
M. Georges Picot, secrétaire perpétuel,
a donné hier lecture de la lettre suivante
datée de la Roche-Pot, près Nolay (Côte-
d'Or) que lui adresse M. Sadi Carnot, ca-
pitaine au 3ge régiment de ligne :
Monsieur le secrétaire perpétuel,
Les diamants laissés par ma mère ont été
vendus aux enchères publiques, conformément
à ses intentions écrites, dont il avait été donné
connaissance à l'Académie.
Ils ont été adjugés au prix de 120,000 francs
dépassant ainsi de plus du double la valeur de
son legs à la fondation Carnot.
Les conditions dans lesquelles cette vente
s'est effectuée témoignent que l'acquéreur de-
meuré anonyme, a voulu s'associer, d'une
manière aussi généreuse que discrète, à l'œu-
vre humanitaire qui devait en bénéficier.
D'autre part, le commissaire-priseur et les
experts chargés de la vente ont libéralement
fait abandon de tous honoraires pour que le
prix atteint ne subit aucune réduction.
J'ai donc l'honneur de vous faire connaître
que, indépendamment du legs de Mme Carnot,
une somme de soixante-dix mille francs, nette
de tous frais, sera mise à la disposition de
l'Académie des Sciences morales et politiques)
parles soins de Mc Fontana, notaire à Paris,
pour être ajoutée au capital de la fondation
Carnot.
EN PASSANT
Esterhaçy, momentanément en déplace-
ment à Amsterdam, a, comme on sait, fait
ses confidences au reporter d'un journal
hollandais le Handelsblad. Le cher com-
mandant a proféré des paroles empreintes
du patriotisme le plus vibrant. Il aime la
France et la France seule lui est chère. Il a
mis la main sur son cœur et des larmes
dans ses yeux. Il a déploré qu'on ait entre-
pris la revision du procès Dreyfus ; non
pour lui-même, grands Dieux 1 mais pour
le pays ! Car Esterhaiy ne songe qu'à sen
pays et son intérêt propre lui importe peu.
Ah t que peu 1 « Un acquittement de Drey-
fus, » affirme-t-il, « serait la perte de la
France-, le décapitement de l'armée! Et le
bien.;;J,.tre du pays ne valait-il pas mieux
que lé bonheur ou même que la vie d'un
seul homme? » De tels sentiments surpren-
nent un peu dans la bouche du guerrier
féroce qui rêvait jadis de voir Paris, sous
un roïtge soleil de hataille, en proie à cent
mille soldats ivres. Et ce chauvinisme, levé
sur le tard dans cette âme de capitaine de
uhlans, n'est pas sans estomaquer lègère-
ment. Bah ! j'homme absurde est celui
qui ne change jamais ! et Esterhaîy veut
montrer qu'il n'est pas une bête.
LOUIS MARSOLLEAU.
-Le petit schah.
Le second fils du schah de Perse, Mou-
zaffer ed Dîne, est arrivé avec sa suite hier
soir, à six heures, à Paris, à la gare du
Nord. Il venait de Bruxelles.
Nazar-Aga, l'ambassadeur de Perse à
Paris, est allé au devant de lui, dans un
wagon-salon mis à sa disposition par le
gouvernement.
Le général Kitabgi-Khan et d'autres
notabilités de la colonie persane l'ont
reçu à la gare.
Av.J\AN Réceptions officielles.
Le président du Sénat et Mme Loubet
recevront, au Petit-Luxembourg, demain
soir lundi, à neuf heures et demie. Il ne
sera pas envoyé d'invitations person-
nelles.
"",:", Le ministre de la marine et Mme
LocKroy, ont offert hier matin un déjeu-
ner, où étaient conviés M. Le Gall, direc-
teur du cabinet civil du Président de la
République, et un certain nombre de gé-
déraux et d'amiraux, parmi lesquels les
généraux Delambre, Delloye, Brunet, Pa-
mard, Delanne. Les amiraux de Cuver-
ville, Malarmé, M. Nisard, président du
conseil judiciaire du ministère de la
guerre.
Assistaient également à ce déjeuner, M.
Ignace, directeur du cabinet civil du çai-
nistre pe la marine, le capitaine de frégate
Darrieus, chef du cabinet militaire, le lieu-
tenant de vaisseau Bérard secrétaire parti-
culier du ministre.
/www Musique !
L'Association Toulousaine de Paris
donne, cet après-midi, un concert au pro-
fit de sa caisse de secours, dans les salons
Whitecomb, 9, avenue Hoche.
De nombreux artistes méridionaux se
feront entendre.
,.,.,.,.;. On annonce la mort :
De M. Emile Chauvet, secrétaire géné-
ral adjoint de la Société nationale d'horti-
culture, décédé à l'âge de quarante-huit
ans.
En Angleterre : du baron Ferdinand de
Rothschild, décédé' presque subitement
hier matin dans sa résidence de Wallesdon
manor. Il était né à Paris en 1839. Il était
membre du Parlement anglais depuis 1885,
pour la circonscription d'Alesbury.
- Il siégeait parmi les libéraux unionistes.
fMAMV Le grand-duc de Mecklembourg-
Schwérin, venant de Vienne, est arrivé
hier à Cannes.
En présence de M. Cogordan, agent
diplomatique de France, et de plusieurs
notabilités, M. Legrain, inspecteur des
antiquités, a inauguré hier, les travaux de
restauration complète de la salle Hypos-
tile de Karnak (Egypte).
La première opération, qui consistait- à
redresser la célèbre colonne penchée, me-
naçante pour l'existence du temple, a par-
faitement réussi. -
Trois mois suffiront pour finir les tra-
-
vaux. ,'
- A -L* ÉTRANGER,.!
; ', Le. g^^r^çiçnt ie l'Inde an-
glaise a offert au roi de Siam, qui est le
seul souverain bouddhiste existant, les
reliques de Bouddha Sâkiamouni qui ont
été découvertes, il y a quelque temps, sur
la frontière du Népaul.
Le roi a envoyé, dans l'Inde anglaise, un
délégué spécial pour recueillir les reliques
dont il fera distribuer des portions aux
bouddhistes de Birmanie et de Ceylan.
- Les Kaulla abyssines.
Les officiers de la garnison italienne de
la colonie érythréenne ont l'habitude de
prendre des femmes abyssines pour la
durée de campagne.
On a constaté que ces épouses tempo-
raires usent de cette situation pour rensei-
gner régulièrement et exrctement les chefs
abyssins sur tout ce qui se passe chez les
Italiens.
Le gouvernement italien a prescrit une
surveillance spéciale.
- Les femmes ! les femmes il n'y a
que ça ! (air connu).
Un membre du haut clergé anglican ra-
conte que Gordon avait un instant formé
le projet d'évangéliser tout le Soudan. Il
était certain de convertir au christianisme
toute la population de l'empire du Mahdi,
mais à la condition qu'on laissât subsister
l'institution de la polygamie.
Gordon s'adressa donc aux lumières de
l'Eglise anglicane et demanda qu'il fût dé-
claré dans un concile que la polygamie se-
rait permise aux chrétiens du Soudan. La
réponse fut négative.
« Hélas, s'écria Gordon, en ce cas ja-
mais je ne leur pourrai faire embrasser le
christianisme. »
On annonce de Russie la mort du
métropolite de Saint-Pétersbourg, Palla-
dius.
.-"N Un poète millionnaire.
Cet heureux et rare homme était Suisse.
Chacun savait, — dit la Tribune de Ge-
néve, — que Ch. F. Meyer, notre grand
poète décédé récemment, était dans une
situation aisée, mais on ne le savait pas
millionnaire. Seule, la commlsslOif ,d Im-
pôt du canton de Zurich avait air chez.
lui, un gros sac et avait taxé le vieux te,
il y a deux ans déjà, sur une fortune de
1,117,000 francs. L'année passée, jugeant
que cette fortune s'était accrue, bien que
son propriétaire vécût dans une complète
retraite et fort simplement, elle avait
élevé son évaluation à 1,190,000. C. F.
Meyer, qui n'entendait pas grand'chose
aux affaires, s'était rebiffé et a\ait adressé
un' recours à l'autorité supérieure.
Or, l'inventaire, qui vient d'être fait
d'office, a établi que la commission d'im-
pôt, loin d'exagérer la fortune du poète,
était restée, dans ses appréciations, bien
au-dessous de la réalité.
Ce poète qui ignorait les affaires juste
assez pour se refuser à payer l'impôt pa-
raît avoir assez bien fait les siennes.
Le Passant
NOTES D'ART
AU PANTHÉON
Je suis allé, comme tout le monde, voir
l'installation, au Panthéon, des dernières pein-
tures de Puvis de Chavanncs : Le Ravitaille-
ment de Paris assiégé et Sainte Geneviève veil-
lant sur la Ville endormie, et j'ai regretté, tout
ïd'abord. qu'on n'ait pas réservé pour ces pein-
tures, qui complètent l'œuvre du maître, l'em-
placement qu'occupent celles d'Elie Delaunay,
à l'entrée du temple. C'était là, évidemment
leur vraie place, en regard de l'Enface de
Sainte-Geneviève, s'appelant, se répondant l'une
l'autre, s'harmonisant dans un même sentiiiient,
dans un même coloris — le commencement et
la fin de l'admirable légende. Au lieu de cela,
de ce groupement tout indiqué, c'est au fond
de l'édifice, en face des bitumineux et durs
panneaux de J.-P. Laurens, où elles déton-
nent sensiblement, qu'on est en train de les
installer. Mais il est écrit que tout sera dispa-
rate dans ce malheureux Panthéon. Quant à
la' frise, restée inachevée, qui devait les re-
hausser, elle ira, paraît-il, au Musée du Lu-
xembourg, tandis que les élèves du Maître en
exécuteront une toute neuve, en s'inspirant
toutefois, sous la surveillance de M. Cazin, de
l'esquisse originale.
S'il est vrai que cette esquisse que je n'ai
pas vue, masquée qu'elle était d'une bande de
calicot,soit par trop sommaire pour être appli-
quée sur la muraille, mieux vaut, en effet, s'en
priver que d'y laisser porter une main étran-
gère,encore que les plus grands maîtres n'aient
pas dédaigné la collaboration de lears élèves,
surtout dans les œuvres décoratives, et que
son déploiement — elle n'a pas moins de dix
mètres de longueur—dans les salles du Luxem-
bourg, déjà si encombrées, ne puisse guère
ajouter à la réputation du peintre Puvis de
Chavannes, du reste, malgré son puissant or-
ganisme, n'avait pas échappé à la loi com-
mune. Avec la vieillesse, la fatigue était ve-
nue. L'une et l'autre sont manifestes dans son
dernier panneau : Sainte Geneviève veillant sur
la Ville endormie, et il est à craindre qu'elles
ne se fassent sentir davantage encore dans le
travail de cette frise, où la mort qui le pres-
sait est venue 19 prendre, le pinceau à la
main.
Il y avait longtemps que je n'étais entré au
Panthéon. On y circule à l'aise. Pas un banc,
pas une chabe ou s'asseoir. Rien que les murs
et les piliers. Quelques rares visiteurs, à figu-
res étrangères, font sonner leurs chaussures
sur les dalles où deux gardiens en uniforme
promènent leur mélancolie. Et j'ai profité de
l'occasion pour passer en revue les décora-
tions muraies, tant anciennes que nouvelles,
de l'édifice.
Voilà d'abord, à gauche, en entrant, derrière
le farouche Attila marchant sur Paris, d'Elie
Delaunay, un & Décollation de saint Denis, non
moins sombre qu'académique, par; Léon Bon-
nat. Plus bas, toujours du même côté, le Saint
Louis, en pâte tendre, d'Alexandre Cabane],
fait vis-à-vis à la Jeanne d'Arc en ferblanterie
de Lenepveu. Puis à droite — je laisse dans
le fond pour les avoir déjà citées la Sainte
Geneviève, de Puvis de Chavannes, s'arranger
avec celle de J.-P. Laurens — Joseph Blanc
oppose la miraculeuse Bataille de Tolbiac —
rien de Delacroix -r- et |e Franc Çlovis iacUflé
sous l'eau sainte du baptême, au tumultueux
Couronnement de Charlemagne à Rome, par
Henri Lévy. Quant à Hébert, il a peint sur fond
d'or, à la Mentagna, un immense Christ en
robe chocolat, que vient heurter de sa tête de
plâtre une colossale statue de la République,
par Falguière.
Quel assemblage, bon Dieu ! et comment s'y
reconnaître ? Ah ! pauvre Panthéon,tu es bien,
à tout prendre, la parfaite image de notre
malheureux pays! La Révolution a eu beau
t'affranchir, graver sur ton frontispice, au-
dessous de l'admirable bas-relief de Davidr
d'Angers : Aux grands hommes, la Patrie re-
connaissante, inscrire sous ta coupole, à la
place des noms de l'équipage républicain da
Vengeur, les noms des citoyens qui s'armè-
et moururent pour la liberté aux journées de
Juillet 1830, c'est toujours l'esprit de l'Eglise
qui t'habile. C'est elle qui continue à rehaus-
ser tes murailles de ses héroïnes, de ses grands
hommes à elle, de ceux qu'elle a sacrés
et consacrés, à dresser sur tes piédestaux les
statues de ses saints et de ses saintes. Quan
aux autres, quant aux nôtres, ils dorment
dans la nuit de tes caveaux. La statue de
J.-J. Rousseau, l'hnmme de la Nature et de la
Vérité, est sur ta place ; on n'a pas encore osé
la faire entrer dans tes murs. Aussi, je crains
bien de n'y pas voir de sitôt le Victor IIugo, de
Rodin, en face du Mirabeau, d'Injalbert, et
encore moins — effroi de nos pâles gouver..
nants — la Révolution terrassant la Monarchie,
de Falguière.
CHARLES FRÉMINE.
■ —.
Coups de griffe
On a conté mille et mille anecdotes au su-
jet de l'affaire Dreyfus. En voici une, encore
inédite; croyons-nous, qui montre bien à quel-
les préoccupations purement religieuses, à
quel mot d'ordre des promoteurs de l'antisé-
mitisme, obéissaient, lors du mémorable pro-
cès de i894, nos potentats de l'état major gé-
néral.
Il y avait à cette époque, dans les rangs de
cet état-major là, un officier tout à fait bril-
lant, portant un grand nom à particule. Cet'
officier avait épousé, peu auparavant, une
belle juive qui s'était convertie au catholicisme
pour se marier et avait reçu en grande pompe.
l'eau du baptême. Sur l'ordre, assure-t-on, de
son chef M. Le Mouton de Boisdéfire, le
brave général Gonse fit appeler ledit officier
pour lui faire connaître que les événements,
récemment déroulés rendaient impossible son
maintien à l'état-major général. A son grand
regret, le général Gonse lui annonçait donc
son versement dans un corps d'armée et son
envoi dans une garnison du centre de la
France.
Comme notre officier demeurait franche-
ment stupide, ne comprenant pas du tout
quelle était cette chose mystérieuse qui pou-
vait rendre dorénavant impossible son main-
tien au ministère de la guerre, le général
Gonse lui fit comprendre avec plus ou moins
de délicatesse que sa femme, étant d'origine
juive, pouvait avoir de3 relations suspectes,
puisque sa famille était demeurée israélite.
Habitué, par discipline, à ne pas discuter
les ordrds qu'on lui donnait, notre officiet
s'inclina et se rendit dans la nouvelle rési-
dence qui lui était assignée. Un mois après, il
démissionnait. C'est aujourd'hui un gros bon-
net de l'industrie.
♦
*. >
A propos de cette anecdote, peut-être n'esta
il pas inutile, pour bien faire connaître la
psychologie du général Gonse, de rappeler que
son frère, le célèbre japonisant, avait épousé
une israélite, et que le général n'a jamais
cessé ses relations avec elle.
Ello n'est donc pas suspecte, celle-là, du
fait de ses origiues ?
Allons, allons ! il y aura toujours deux poids
et deux mesures.
♦*#
Est-il nécessaire de multiplier les preuves
de cette vérité ?
Feuilletez la collection de la libre Parole
parue en 1894, au moment du fameux procès.
Vous y pourrez lire, à la date du 21 décembre
un article de M. Edouard Drumont intitulé :
L'âme de Dreyfus, dans lequel je relève ce pas-
sage :
« Pour trahir sa Patrie, il faut en avoir une,
et la Patrie ne s'acquiert pas avec un acte de,
naturalisation. » ;
Lisez, dans la même Libre Parole, les arti-
cles que le même Edouard Drumont consacre
aujourd'hui au jeune Max Régis, cet Italien de
naissance, naturalisé d'hier, dont notre ami
Charles Bos vous coûtait avant-hier les exploits.
Lisez ces articles; et dites nous ce que vous
pensez du cas de M. Edouard Drumont? C'est
ce qu'on appelle — n'est-ce pas! — avoir de
la suite dans les idées.
#*#
N'avez vous pas été frappés devoir lors de la
dernière élection académique, qu'un homme
courageux avait, par deux fois, égaré son vote
sur le nom d'Emile Zola — lequel n'était ce-
pendant point candidat.
Sivez-vous quel était cet hemms de cou*
rage ?
Tout simplement M. Victorien Sardou 1
Cependant, M. François Coppée s'inscrit L
la souscription Henry.
VER SAC.
» —
M. Doumer
Nous lisons dans la Cloche:
Au moment où M. Doumer, venu de sa pro-
vince d'Indo-Chine pour soutenir à la Cham-
bre un-projet de chemin de fer qui est la
grande pensée de son proconsulat, recevait
les chaudes embrassades de ses anciens amis,
une voix s'est élevée dans la presse radicale,
pour rappelsr que cet homme avait trahi son
parti.
L'avait-on si vite oublié? De quelles capitu-
lations de conscience est fait le septicisme
affligeant qui, de nos jours, raccommode les
réputations aussi vite que-notre légèreté les
détruit. Seul, M. Lucien Victor-Meunier a le
courage, aujourd'hui, de protester contre l'ac-
cueil triomphal que ses amis politiques font à
un transfuge. Il faut l'en féliciter.
Le rédacteur du Rappel n'est pas de nos
amis politiques. Mais nous pensons avec lui
que les apologistes de la défection, en fêtant'
l'homme « qui a passé à l'ennemi » commet-
tent une faute grave qui n'atteint pas seule- *
ment l'honnenr de leur parti. Et de même que.
la conversion intéressée de M. Doumer ne lui
a pas valu notre estime, de même, aujour-.
d'hui, nous sommes heureux d'applaudir au'
langage d'honnête homme que notre confrère,
du Rappel a le courage de faire entendre.
GACSY..
Nous lisons dans Y Aurore :
Une fois de plus, M. Lucien Victor-Meunier.
foNDATEUR: AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
Va mois Trois IROis Six mois h
Paris 2 fr. 5 fr* 9 fr. 18 fr.
Départements.. 2 -' 6 — 11— 20 —
- < Postale. 3 — 9 — 16 — 32 —
UR: AUGUSTE VACQUERr
ANNONCES
NNONCES
C l LAGRINGE, CERF e aié
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX du JOURNAL
REDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
N 10510. - Lundi 19 Décembre 1898
28 FRIMAIRE AN 107
ADIIINISTRATION : 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à ï Administrateur
NOS LEADERS
LA VEUVE
ET
L'ORPHELIN
Il est bon, je le crois, il est juste et
nécessaire, qu'au milieu, au-dessus de
l'effrayant tumulte des colères et des
haines, une voix s'élève pour cette
pauvre femme, pour ce malheureux
enfant.
Car, autant nous indignent, nous rér
voltent ceux qui jouent d'eux, se ser-
vent d'eux, et sans pitié, sans pudeur,
les jettent dans la bataille impitoyable,
— autant cette veuve et cet orphelin,
victimes innocentes et inconscientes,
nous inspirent de pitié.
* #
Que le lieutenant-colonel Henry soit
Je plus odieux des scélérats ; qu'il ait
commis le plus lâche des crimes, assi-
milable, dans son horreur, au coup de
couteau donné traîtreusement, par der-
rière, à l'homme terrassé; que cette
abominable action soit sans excuse,
sans atténuation pQ&siktey M que? .oe.
vant elle, la clémence elle-même, recule,
découragée, épouvantée ; cela est, et les
sophismes, les mensonges des pires jé-
suites, les Maurras et les Talmeyr, ne
pourront faire que cela ne soit pas.
Ce crime, rien, jamais ne l'effacera;
ce criminel,rien ne pourra le réhabiliter,
jamais. Quelque Dante, un jour, peut-
être, le rencontrera, dans le septième
cercle, repoussé même par les autres
ombres coupables, maudit pour l'éter-
nité.
Et lorsque des gens ont songé, car
telles peuvent être les aberrations où
chavirent les cerveaux dévoyés,à lui éri-
ger un monument, nous avons pense à
ce Perrinet-Leclerc, qui livra le Paris
de Charles VI aux Bourguignons, et
dont on dressa au centre d'un carrefour
la statue, afin que chaque passant pût
et dût, d'une poignée de boue, d'une
pierré lancée sur l'effigie déshonorée
perpétuer l'exécration de l'inexpiable
forfait.
ro-
Mais quel de nous, dites, a jamais eu
la pensée de faire retomber sur la veuve
du lieutenant-colonel Henry, sur son
fils, la responsabilité du crime com-
mis ?
Nous avons vu, cela est vrai, des na-
tionalistes insulter par leurs ricanements
obscènes au deuil tragique de Mme Al-
fred Dreyfus; et dernièrement encore,
à la Chambre, lorsqu'il a été parlé, par
M. Paschal Grousset, de l'admirable
épouse du martyr, quelques abjects drô-
les dont je regrette de ne point savoir
les noms, ont protesté.
Mais est-ce que ces mœurs honteuses
sont les nôtres? Est-ce que nous som-
mes des insulteurs, nous? Est-ce que
nous sommes de ceux qui rendent res-
ponsables les enfants des fautes pater-
nelles? Est-ce que nous sommes de
la race de ces Judet qui vont, effrénés
profanateurs de sépultures, fouiller la
terre des fosses pour en sortir les ca-
davres? .-
s En septembre dernier, lorsque fut
émise pour la première fois l'incroyable,
blasphématoire idée, d'un monument à
la mémoire du faussaire, j'écrivais
ici :
« Si le fils d'Henry devient un hon-
nête homme, seuls de honteux gredins
songeront à lui imputer à blàme le
crime de son père. »
ut jamais, par aucun de nous, une pa-
role n'a été dite — certes, elle n'était
pas dans notre cœur ; elle ne pouvait pas
être sur nos lèvres — [qui ait pu venir
troubler douloureusement dans son
deuil, dans son affliction, dans ses lar-
mes, cette femme pour laquelle nous
professions le respect dû au malheur.
-
Mais d'autres n'ont pas eu le même
respect. (
Ils ont pensé, ceux-là, qu'avec cette
veuve, qu'avec cet enfant ils pourraient,
peut-être, une fois de plus égarer,
tromper l'opinion publique.
Ils se sont dit que la vue de ces deux
pauvres êtres si cruellement frappés at-
tendrirait la foule prompte aux émo-
tions irraisonnées.
Leur devoir était, comme le nôtre, de
fairele silence autour de cette infortune,
mais leur intérêt réclamait du tapage.
Vous les connaissez bien mal si vous les
croyez capables d'avoir seulement hé-
sité.
Assurément, j'ignore comment les
choses se sont passées, mais j'imagine
que Mme Henry a dû, elle, essayer de
résister, prise de crainte, sans doute, et
de répugnance.
On lui aura dit qu'il fallait marcher,
qu'elle ne pouvait pas se dérober, se
refuser ; et si elle a supplié qu'on la
laissât tranquille, on a, croyez-le, passé
outre.
Quoi donc ! mais c'était excellent,
c'était fameux cette histoire de veuve et
d'orphelin à jeter entre les jambes des
dreyfusards. Est-ce qu'on pouvait lâcher
ç4 ? Ce long voile de crêpe, traînant
jusque terre. ce fcamMa êg deuil; il
aurait fallu n'avoir pas le moindre ins-
tinct de la mise en scène pour ne pas
comprendre quett)!t.'i'Otml1t- en
tirer.
Allons ! vite ! la grosse caisse ! les
cymbales ! et en avant le vacarme jus-
qu'à ce que les badauds s'attroupent.
Derrière l'orchestre assourdissant, nous
voyons — et notre cœur se serre, à ce
spectacle et une protestation indignée
nous monte aux lèvres — la veuve et
l'orphelin.
.-.
Et les listes de souscriptions s'allon-
gent, les offrandes pleuvent. En quel-
ques jours on a ramassé plus de trente
mille francs.
Dans ces listes, s'entre-mêlent, se
coudoient les noms de tous ceux qui
souhaitent la mort de la République, de
tout ce qu'il y a encore en France de
bonapartistes et de royalistes, de tous
les cléricaux, de tous les nationalistes,
de tous les antisémites, de tous ceux
qui ne veulent ni de la justice ni de la li-
berté.
Le général Mercier a souscrit ; M.
François Coppée a souscrit ; M. Gaston
Pollonnais a souscrit; M. Paul Dérou-
lède a souscrit; et leurs noms se trou-
vent à côté de mentions comme celles-
ci : « Un lieutenant de cuirassiers qui,
grâce aux dreyfusards, comprend la
Saint-Barthélémy. » — « Un Français
qui voudrait voir pendre la moitié des
juifs pour servir d'exemple aux au-
tres. » — « Pour acheter une bonne
cravate de chanvre à Dreyfus. » —
« Un ennemi implacable des youtresqui
attend avec impatience l'heure où son-
nera le ralliement pour l'écrasement
d'Israël ». — « Un qui demande l'état
de siège et les cours martiales ». —
« Un qui voudrait voir guillotiner cent
mille juifs et autres traîtres à la pa-
trie ». — « Pour la livraison la plus
prochaine de Reinach à Deibler ». —
« Un groupe d'officiers qui attendent
impatiemment l'ordre d'essayer sur les
cent mille iuifs qui empoisonnent le
pays les nouveaux explosifs et les nou-
veaux canons
De sorte que ces listes ne sont qu'un
long cri de rage et de haine, qu'elles
écuinent, sifflent, grincent des dents,
bavent, essayent de mordre, forcenées,
épileptiques, sauvages.
Est-ce qu'il est question d'honorer la
mémoire d'un mort, de défendre une
veuve, de protéger un orphelin ? Allons
donc! c'est de guerre civile qu'il s'agit,
pas d'autre chose.
Nous assistons, bras croisés, le front
tranquille, à ce monstrueux déborde-
ment de fureurs ; et notre cœur s'émeut
de commisération profonde pour la
femme qui a permis que son voile noir
servît pour cette guerre impie, de dra-
peau.
.*..
Nous la plaignons, voilà tout. Plus
tard, quand les fumées de la bataille
auront été emportées par le vent, elle
comprendra., sans doute, et pourra dire
alors qui, de — ceux qui maintenant la
poussent devant eux dans la mêlée, ou
de nous qui pensions qu'elle devait,
pour son fils, rester en dehors de ces
luttes affreuses, — ont eu le plus
pour elle pitié et respect.
Nous ne la rendons point responsable
de tout ce qui se fait en son nom.
Qu'elle soit bien sûte d'une chose, la
pauvre femme, c'est que plus tard, lors-
que la Vérité aura définitivement vaincu,
il n'y aura parmi nous, pour son en-
fant, que sympathie.
.*.
- Distinctement, à travers les brumes
dont s'enveloppe l'avenir, je vois ce
rêve : le fils de Dreyfus et le fils d'Henry-
se donnant la main, grandis tous deux
dans l'oubli des vieux crimes et rejetant
loin d'eux l'abominable fardeau des
vieilles haines.
Car, aux menaces que nous crient
au visage des bouches atrocement con-
vulsées, hideuses; aux gestes des poings
crispés dressés vers nous-, aux cris
d'exécration et de mort hurlés, féroces,
à nos oreilles, nous voulons — oppo-
sant aux lamentables réalités d'aujour-
d'hui les espérances sereines de de-
main — répondre par des paroles de
fraternité.
.*.-
Ah ! malheureux, vous excitez à la
guerre des Français contre les Fran-
çais ! mais les armes que nous avons
forgées pour combattre l'ennemi étran-
ger, pour reprendre le bien volé, pour
venger et punir, se briseront entre vos
mains, ne voulant pas de la besogne scé-
lérate à laquelle vous les condamnez ;
vous semez la haine l mais ce grain
maudit ne germera pas dans les entrail-
les généreuses de la France ; votre œu-
vre est morte et vous mêmes, vaincus
déjà, n'êtes plus, dans le lointain, que
des ombres vaines dont le bruit ne par-
vient plus qu'indistinctement à nos
oreilles.
Qui donc pourrait nous empêcher
de, dès à présent, regarder au delà
de la bataille actuelle et d'évo-
quer le jour promis de la réconci-
liation? Quand justice aura été faite,
quand ces deux hommes, l'un i mal
bçureux et loutre- sijgrând, §reyfus-ter
martyr et Picquart-le-héros auront reçu,
l'un la réparation, l'autre la glorification
à laquelle ils ont droit ; quand les cou-
pables, tous les coupables, grands et
petits, auraient été châtiés ; quand tout
sera rentré dans l'ordre, et que la Vé-
rité reconquise brillera, étincelante,
dans le ciel redevenu bleu, pourquoi
devrait-il rester sur notre sol et
dans nos âmes trace de ces combats,
de ces colères qui nous prennent tout
entiers aujourd'hui? Le soc des char-
rues nivellera la terre redevenue fé-
conde; nos âmes s'épureront dans la
pensée fraternelle, humaine, du mieux
social ; et sous le grand soleil de la
France, il y aura place, croyez-le, pour
tout le monde, pour tous les hommes de
bonne volonté, pour tous ceux qui souf-
frent comme pour tous ceux qui tra-
vaillent, pour toutes les veuves et pour
tous les orphelins.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
#-
Nous publiera as demain un article
de lUe J.-L. de Lauessan.
Politique d'Aveugles
M. Dupuy, dans la séance de vendredi,
quand il a si galamment jeté à la face de ses
amis de la veille le « Bonsoir, Messieurs », de
M. Arthur Meyer, a tailladé à larges cisailles
le manteau d'arlequin de sa majorité ; il doit
réfléchir en ce moment, en homme avisé,
à la façon dont il le pourra recoudre.
C'est une fort belle chose que la politicme. et
qui donne évidemment aux masses d éton-
nantes leçons de moralité.
Quand M. Mélme, alors chef du gouverne-
ment, appliquait, avec l'ardeur qu'on connaît,
son système de coalition cléricale et de men-
songe systématique, quand il affirmait à toute
occasion que « l'affaire Dreyfus n'existait
pas » et « qu'il représentait devant le parle-
ment et le pays la politique d'apaisements,
deux lourdes mains étaient toujours là pour
donner le signal des applaudissements. Ce chef
de claque, M. Dupuy lé connaît bien.
Mais ces choses-là n'embarrassent guère les
hommes qui, comme notre honorable prési-
dent du conseil, ont les épaules et la cons-
cience aisément fatiguée?. Aussi, M. Dupuy,
qui a vu dans son attitude d'hier l'occasion
d'une ovation à gauche, cherchera-t-il, par
son attitude de demain, l'occasion d'une ova-
tion à droite.
La trouvera-t-il ?
Tous ces politiciens, qui s'entendent si bien
à démêler et à faire jouer les fils compliqués
des habiletés et des lâchetés parlementaires,
ont la vue courte et l'esprit étroit. Ils ne voient
pas à travers les murs de leur Palais-Bour-
bon, l'obscur travail de la conscience natio-
nale, qui, lentement, dans l'esprit des hum-
bles, des bourgeois, de ceux qui sentent et ré-
fléchissent, crée les mépris et les indignations.
Ils ne comprennent pas que cette simple
chose, ce rien, dont M. Méline, aujourd'hui
encore, nie peut être l'existence, — l'affaire
Dreyfus — est en train de soulever la plus in-
croyable des révolutions qui ait jamais boule-
versé les classifications des partis.
Et, quand, dans quatre ans, avant peut-être,
que ce soit l'expiration de leurs pouvoirs ou
la dissolution qui les rende à leurs électeurs,
ils se rendront compte des ravages de cette
révolution; ils s'écrieront ahuris: ;« C'est à n'y
rien comprendre !»
Et, effectivement, ils n'y comprendront
rien.
-
LES ON-DIT
CHEZ NOUS
- A l'Académie des beaux arts.
Il a été procédé hier à l'élection d'un
membre titulaire de la section de peinture,
en remplacement de M. Jules Lenepveu,
décédé.
Les membres présents étaient au nom-
bre de 35. Il y a eu sept tours de scrutin.
Voici les résultats donnés par les six pre-
miers tours :
Roybet. 6 9 9 8 6 3
Cormon.. 8 9 12 13 14 17
Cormon UV ; 1 t. 4 7 11 13 15 15
Dagnan-Bouveret. 4 7 11 13 15 15
Humbert. 1 1 > » > »
Joseph Blanc 4 4 -1.» » »
Flameng 7 3 > » ]) >
Cazin » » » 1 » »
Lhermitte 1 2 1 » > »
Maignan 3 » 1 » » >
COinerre 1 * » » » »
Au septième tour, M. Cormon a été élu
par 18 voix contre 17 données à M. Dagnan-
Bouveret.
L'exécution des envois de musique des
pensionnaires de Rome aura lieu jeudi
prochain à deux heures et demie, au Con-
servatoire de musique..
A l'Ecole Normale. -
Hier matin, a eu lieu, à l'Ecole normale
supérieure, une petite cérémonie in-
time.
M. Vidal de la Blache, sous-directeur et
maître des conférences de géographie,
vient d'être nommé, on le sait, professeur
de géographie à la Sorbonne ; hier matin,il
faisait à l'école- sa dernière conférence. A
cette occasion, ses élèves, auxquels
s'étaient joints plusieurs de ses anciens
élèves, lui ont offert, en souvenir de ses
vingt années d'enseignement, un exem-
plaire de la plaquette connue de Roty : In
labore quies.
.- La Seine à faire.
M. Charles Blanc, préfet de police,
préoccupé de la fréquence relative des ac-
cidents en rivière, a fait hier après-midi,
en bateau, la traversée de Paris, de Bercy
à Auteuil, afin d'étudier sur place tésïïîe-
sures qu'il conviendrait de prendre pour
éviter le plus possible ces accidents.
Le préfet de police s'est erqbarqué, à une
heure et demie au pont de la Toumelle,
sur le bateau n° 47 de la Compagnie pari-
si enne; le bateau a remonté la Seine jus-
qu'au pont National, puis l'a redescendue
j,.us.qu'l,.4u' te'Y, pour jévegq: ensuite au
£ 9int d'ëmbar^tiçmenv y : :
M. Blanc était accompagné de MM.
Guillemin, inspecteur général de la navi-
gation, Bezançon, chef de la ae division de
la préfecture de police, Fix, chef de bu-
reau, et de plusieurs inspecteurs du service
des bateaux à vapeur.
- Le legs Carnot à l'Académie des
Sciences morales et politiques.
M. Georges Picot, secrétaire perpétuel,
a donné hier lecture de la lettre suivante
datée de la Roche-Pot, près Nolay (Côte-
d'Or) que lui adresse M. Sadi Carnot, ca-
pitaine au 3ge régiment de ligne :
Monsieur le secrétaire perpétuel,
Les diamants laissés par ma mère ont été
vendus aux enchères publiques, conformément
à ses intentions écrites, dont il avait été donné
connaissance à l'Académie.
Ils ont été adjugés au prix de 120,000 francs
dépassant ainsi de plus du double la valeur de
son legs à la fondation Carnot.
Les conditions dans lesquelles cette vente
s'est effectuée témoignent que l'acquéreur de-
meuré anonyme, a voulu s'associer, d'une
manière aussi généreuse que discrète, à l'œu-
vre humanitaire qui devait en bénéficier.
D'autre part, le commissaire-priseur et les
experts chargés de la vente ont libéralement
fait abandon de tous honoraires pour que le
prix atteint ne subit aucune réduction.
J'ai donc l'honneur de vous faire connaître
que, indépendamment du legs de Mme Carnot,
une somme de soixante-dix mille francs, nette
de tous frais, sera mise à la disposition de
l'Académie des Sciences morales et politiques)
parles soins de Mc Fontana, notaire à Paris,
pour être ajoutée au capital de la fondation
Carnot.
EN PASSANT
Esterhaçy, momentanément en déplace-
ment à Amsterdam, a, comme on sait, fait
ses confidences au reporter d'un journal
hollandais le Handelsblad. Le cher com-
mandant a proféré des paroles empreintes
du patriotisme le plus vibrant. Il aime la
France et la France seule lui est chère. Il a
mis la main sur son cœur et des larmes
dans ses yeux. Il a déploré qu'on ait entre-
pris la revision du procès Dreyfus ; non
pour lui-même, grands Dieux 1 mais pour
le pays ! Car Esterhaiy ne songe qu'à sen
pays et son intérêt propre lui importe peu.
Ah t que peu 1 « Un acquittement de Drey-
fus, » affirme-t-il, « serait la perte de la
France-, le décapitement de l'armée! Et le
bien.;;J,.tre du pays ne valait-il pas mieux
que lé bonheur ou même que la vie d'un
seul homme? » De tels sentiments surpren-
nent un peu dans la bouche du guerrier
féroce qui rêvait jadis de voir Paris, sous
un roïtge soleil de hataille, en proie à cent
mille soldats ivres. Et ce chauvinisme, levé
sur le tard dans cette âme de capitaine de
uhlans, n'est pas sans estomaquer lègère-
ment. Bah ! j'homme absurde est celui
qui ne change jamais ! et Esterhaîy veut
montrer qu'il n'est pas une bête.
LOUIS MARSOLLEAU.
-Le petit schah.
Le second fils du schah de Perse, Mou-
zaffer ed Dîne, est arrivé avec sa suite hier
soir, à six heures, à Paris, à la gare du
Nord. Il venait de Bruxelles.
Nazar-Aga, l'ambassadeur de Perse à
Paris, est allé au devant de lui, dans un
wagon-salon mis à sa disposition par le
gouvernement.
Le général Kitabgi-Khan et d'autres
notabilités de la colonie persane l'ont
reçu à la gare.
Av.J\AN Réceptions officielles.
Le président du Sénat et Mme Loubet
recevront, au Petit-Luxembourg, demain
soir lundi, à neuf heures et demie. Il ne
sera pas envoyé d'invitations person-
nelles.
"",:", Le ministre de la marine et Mme
LocKroy, ont offert hier matin un déjeu-
ner, où étaient conviés M. Le Gall, direc-
teur du cabinet civil du Président de la
République, et un certain nombre de gé-
déraux et d'amiraux, parmi lesquels les
généraux Delambre, Delloye, Brunet, Pa-
mard, Delanne. Les amiraux de Cuver-
ville, Malarmé, M. Nisard, président du
conseil judiciaire du ministère de la
guerre.
Assistaient également à ce déjeuner, M.
Ignace, directeur du cabinet civil du çai-
nistre pe la marine, le capitaine de frégate
Darrieus, chef du cabinet militaire, le lieu-
tenant de vaisseau Bérard secrétaire parti-
culier du ministre.
/www Musique !
L'Association Toulousaine de Paris
donne, cet après-midi, un concert au pro-
fit de sa caisse de secours, dans les salons
Whitecomb, 9, avenue Hoche.
De nombreux artistes méridionaux se
feront entendre.
,.,.,.,.;. On annonce la mort :
De M. Emile Chauvet, secrétaire géné-
ral adjoint de la Société nationale d'horti-
culture, décédé à l'âge de quarante-huit
ans.
En Angleterre : du baron Ferdinand de
Rothschild, décédé' presque subitement
hier matin dans sa résidence de Wallesdon
manor. Il était né à Paris en 1839. Il était
membre du Parlement anglais depuis 1885,
pour la circonscription d'Alesbury.
- Il siégeait parmi les libéraux unionistes.
fMAMV Le grand-duc de Mecklembourg-
Schwérin, venant de Vienne, est arrivé
hier à Cannes.
En présence de M. Cogordan, agent
diplomatique de France, et de plusieurs
notabilités, M. Legrain, inspecteur des
antiquités, a inauguré hier, les travaux de
restauration complète de la salle Hypos-
tile de Karnak (Egypte).
La première opération, qui consistait- à
redresser la célèbre colonne penchée, me-
naçante pour l'existence du temple, a par-
faitement réussi. -
Trois mois suffiront pour finir les tra-
-
vaux. ,'
- A -L* ÉTRANGER,.!
; ', Le. g^^r^çiçnt ie l'Inde an-
glaise a offert au roi de Siam, qui est le
seul souverain bouddhiste existant, les
reliques de Bouddha Sâkiamouni qui ont
été découvertes, il y a quelque temps, sur
la frontière du Népaul.
Le roi a envoyé, dans l'Inde anglaise, un
délégué spécial pour recueillir les reliques
dont il fera distribuer des portions aux
bouddhistes de Birmanie et de Ceylan.
- Les Kaulla abyssines.
Les officiers de la garnison italienne de
la colonie érythréenne ont l'habitude de
prendre des femmes abyssines pour la
durée de campagne.
On a constaté que ces épouses tempo-
raires usent de cette situation pour rensei-
gner régulièrement et exrctement les chefs
abyssins sur tout ce qui se passe chez les
Italiens.
Le gouvernement italien a prescrit une
surveillance spéciale.
- Les femmes ! les femmes il n'y a
que ça ! (air connu).
Un membre du haut clergé anglican ra-
conte que Gordon avait un instant formé
le projet d'évangéliser tout le Soudan. Il
était certain de convertir au christianisme
toute la population de l'empire du Mahdi,
mais à la condition qu'on laissât subsister
l'institution de la polygamie.
Gordon s'adressa donc aux lumières de
l'Eglise anglicane et demanda qu'il fût dé-
claré dans un concile que la polygamie se-
rait permise aux chrétiens du Soudan. La
réponse fut négative.
« Hélas, s'écria Gordon, en ce cas ja-
mais je ne leur pourrai faire embrasser le
christianisme. »
On annonce de Russie la mort du
métropolite de Saint-Pétersbourg, Palla-
dius.
.-"N Un poète millionnaire.
Cet heureux et rare homme était Suisse.
Chacun savait, — dit la Tribune de Ge-
néve, — que Ch. F. Meyer, notre grand
poète décédé récemment, était dans une
situation aisée, mais on ne le savait pas
millionnaire. Seule, la commlsslOif ,d Im-
pôt du canton de Zurich avait air chez.
lui, un gros sac et avait taxé le vieux te,
il y a deux ans déjà, sur une fortune de
1,117,000 francs. L'année passée, jugeant
que cette fortune s'était accrue, bien que
son propriétaire vécût dans une complète
retraite et fort simplement, elle avait
élevé son évaluation à 1,190,000. C. F.
Meyer, qui n'entendait pas grand'chose
aux affaires, s'était rebiffé et a\ait adressé
un' recours à l'autorité supérieure.
Or, l'inventaire, qui vient d'être fait
d'office, a établi que la commission d'im-
pôt, loin d'exagérer la fortune du poète,
était restée, dans ses appréciations, bien
au-dessous de la réalité.
Ce poète qui ignorait les affaires juste
assez pour se refuser à payer l'impôt pa-
raît avoir assez bien fait les siennes.
Le Passant
NOTES D'ART
AU PANTHÉON
Je suis allé, comme tout le monde, voir
l'installation, au Panthéon, des dernières pein-
tures de Puvis de Chavanncs : Le Ravitaille-
ment de Paris assiégé et Sainte Geneviève veil-
lant sur la Ville endormie, et j'ai regretté, tout
ïd'abord. qu'on n'ait pas réservé pour ces pein-
tures, qui complètent l'œuvre du maître, l'em-
placement qu'occupent celles d'Elie Delaunay,
à l'entrée du temple. C'était là, évidemment
leur vraie place, en regard de l'Enface de
Sainte-Geneviève, s'appelant, se répondant l'une
l'autre, s'harmonisant dans un même sentiiiient,
dans un même coloris — le commencement et
la fin de l'admirable légende. Au lieu de cela,
de ce groupement tout indiqué, c'est au fond
de l'édifice, en face des bitumineux et durs
panneaux de J.-P. Laurens, où elles déton-
nent sensiblement, qu'on est en train de les
installer. Mais il est écrit que tout sera dispa-
rate dans ce malheureux Panthéon. Quant à
la' frise, restée inachevée, qui devait les re-
hausser, elle ira, paraît-il, au Musée du Lu-
xembourg, tandis que les élèves du Maître en
exécuteront une toute neuve, en s'inspirant
toutefois, sous la surveillance de M. Cazin, de
l'esquisse originale.
S'il est vrai que cette esquisse que je n'ai
pas vue, masquée qu'elle était d'une bande de
calicot,soit par trop sommaire pour être appli-
quée sur la muraille, mieux vaut, en effet, s'en
priver que d'y laisser porter une main étran-
gère,encore que les plus grands maîtres n'aient
pas dédaigné la collaboration de lears élèves,
surtout dans les œuvres décoratives, et que
son déploiement — elle n'a pas moins de dix
mètres de longueur—dans les salles du Luxem-
bourg, déjà si encombrées, ne puisse guère
ajouter à la réputation du peintre Puvis de
Chavannes, du reste, malgré son puissant or-
ganisme, n'avait pas échappé à la loi com-
mune. Avec la vieillesse, la fatigue était ve-
nue. L'une et l'autre sont manifestes dans son
dernier panneau : Sainte Geneviève veillant sur
la Ville endormie, et il est à craindre qu'elles
ne se fassent sentir davantage encore dans le
travail de cette frise, où la mort qui le pres-
sait est venue 19 prendre, le pinceau à la
main.
Il y avait longtemps que je n'étais entré au
Panthéon. On y circule à l'aise. Pas un banc,
pas une chabe ou s'asseoir. Rien que les murs
et les piliers. Quelques rares visiteurs, à figu-
res étrangères, font sonner leurs chaussures
sur les dalles où deux gardiens en uniforme
promènent leur mélancolie. Et j'ai profité de
l'occasion pour passer en revue les décora-
tions muraies, tant anciennes que nouvelles,
de l'édifice.
Voilà d'abord, à gauche, en entrant, derrière
le farouche Attila marchant sur Paris, d'Elie
Delaunay, un & Décollation de saint Denis, non
moins sombre qu'académique, par; Léon Bon-
nat. Plus bas, toujours du même côté, le Saint
Louis, en pâte tendre, d'Alexandre Cabane],
fait vis-à-vis à la Jeanne d'Arc en ferblanterie
de Lenepveu. Puis à droite — je laisse dans
le fond pour les avoir déjà citées la Sainte
Geneviève, de Puvis de Chavannes, s'arranger
avec celle de J.-P. Laurens — Joseph Blanc
oppose la miraculeuse Bataille de Tolbiac —
rien de Delacroix -r- et |e Franc Çlovis iacUflé
sous l'eau sainte du baptême, au tumultueux
Couronnement de Charlemagne à Rome, par
Henri Lévy. Quant à Hébert, il a peint sur fond
d'or, à la Mentagna, un immense Christ en
robe chocolat, que vient heurter de sa tête de
plâtre une colossale statue de la République,
par Falguière.
Quel assemblage, bon Dieu ! et comment s'y
reconnaître ? Ah ! pauvre Panthéon,tu es bien,
à tout prendre, la parfaite image de notre
malheureux pays! La Révolution a eu beau
t'affranchir, graver sur ton frontispice, au-
dessous de l'admirable bas-relief de Davidr
d'Angers : Aux grands hommes, la Patrie re-
connaissante, inscrire sous ta coupole, à la
place des noms de l'équipage républicain da
Vengeur, les noms des citoyens qui s'armè-
et moururent pour la liberté aux journées de
Juillet 1830, c'est toujours l'esprit de l'Eglise
qui t'habile. C'est elle qui continue à rehaus-
ser tes murailles de ses héroïnes, de ses grands
hommes à elle, de ceux qu'elle a sacrés
et consacrés, à dresser sur tes piédestaux les
statues de ses saints et de ses saintes. Quan
aux autres, quant aux nôtres, ils dorment
dans la nuit de tes caveaux. La statue de
J.-J. Rousseau, l'hnmme de la Nature et de la
Vérité, est sur ta place ; on n'a pas encore osé
la faire entrer dans tes murs. Aussi, je crains
bien de n'y pas voir de sitôt le Victor IIugo, de
Rodin, en face du Mirabeau, d'Injalbert, et
encore moins — effroi de nos pâles gouver..
nants — la Révolution terrassant la Monarchie,
de Falguière.
CHARLES FRÉMINE.
■ —.
Coups de griffe
On a conté mille et mille anecdotes au su-
jet de l'affaire Dreyfus. En voici une, encore
inédite; croyons-nous, qui montre bien à quel-
les préoccupations purement religieuses, à
quel mot d'ordre des promoteurs de l'antisé-
mitisme, obéissaient, lors du mémorable pro-
cès de i894, nos potentats de l'état major gé-
néral.
Il y avait à cette époque, dans les rangs de
cet état-major là, un officier tout à fait bril-
lant, portant un grand nom à particule. Cet'
officier avait épousé, peu auparavant, une
belle juive qui s'était convertie au catholicisme
pour se marier et avait reçu en grande pompe.
l'eau du baptême. Sur l'ordre, assure-t-on, de
son chef M. Le Mouton de Boisdéfire, le
brave général Gonse fit appeler ledit officier
pour lui faire connaître que les événements,
récemment déroulés rendaient impossible son
maintien à l'état-major général. A son grand
regret, le général Gonse lui annonçait donc
son versement dans un corps d'armée et son
envoi dans une garnison du centre de la
France.
Comme notre officier demeurait franche-
ment stupide, ne comprenant pas du tout
quelle était cette chose mystérieuse qui pou-
vait rendre dorénavant impossible son main-
tien au ministère de la guerre, le général
Gonse lui fit comprendre avec plus ou moins
de délicatesse que sa femme, étant d'origine
juive, pouvait avoir de3 relations suspectes,
puisque sa famille était demeurée israélite.
Habitué, par discipline, à ne pas discuter
les ordrds qu'on lui donnait, notre officiet
s'inclina et se rendit dans la nouvelle rési-
dence qui lui était assignée. Un mois après, il
démissionnait. C'est aujourd'hui un gros bon-
net de l'industrie.
♦
*. >
A propos de cette anecdote, peut-être n'esta
il pas inutile, pour bien faire connaître la
psychologie du général Gonse, de rappeler que
son frère, le célèbre japonisant, avait épousé
une israélite, et que le général n'a jamais
cessé ses relations avec elle.
Ello n'est donc pas suspecte, celle-là, du
fait de ses origiues ?
Allons, allons ! il y aura toujours deux poids
et deux mesures.
♦*#
Est-il nécessaire de multiplier les preuves
de cette vérité ?
Feuilletez la collection de la libre Parole
parue en 1894, au moment du fameux procès.
Vous y pourrez lire, à la date du 21 décembre
un article de M. Edouard Drumont intitulé :
L'âme de Dreyfus, dans lequel je relève ce pas-
sage :
« Pour trahir sa Patrie, il faut en avoir une,
et la Patrie ne s'acquiert pas avec un acte de,
naturalisation. » ;
Lisez, dans la même Libre Parole, les arti-
cles que le même Edouard Drumont consacre
aujourd'hui au jeune Max Régis, cet Italien de
naissance, naturalisé d'hier, dont notre ami
Charles Bos vous coûtait avant-hier les exploits.
Lisez ces articles; et dites nous ce que vous
pensez du cas de M. Edouard Drumont? C'est
ce qu'on appelle — n'est-ce pas! — avoir de
la suite dans les idées.
#*#
N'avez vous pas été frappés devoir lors de la
dernière élection académique, qu'un homme
courageux avait, par deux fois, égaré son vote
sur le nom d'Emile Zola — lequel n'était ce-
pendant point candidat.
Sivez-vous quel était cet hemms de cou*
rage ?
Tout simplement M. Victorien Sardou 1
Cependant, M. François Coppée s'inscrit L
la souscription Henry.
VER SAC.
» —
M. Doumer
Nous lisons dans la Cloche:
Au moment où M. Doumer, venu de sa pro-
vince d'Indo-Chine pour soutenir à la Cham-
bre un-projet de chemin de fer qui est la
grande pensée de son proconsulat, recevait
les chaudes embrassades de ses anciens amis,
une voix s'est élevée dans la presse radicale,
pour rappelsr que cet homme avait trahi son
parti.
L'avait-on si vite oublié? De quelles capitu-
lations de conscience est fait le septicisme
affligeant qui, de nos jours, raccommode les
réputations aussi vite que-notre légèreté les
détruit. Seul, M. Lucien Victor-Meunier a le
courage, aujourd'hui, de protester contre l'ac-
cueil triomphal que ses amis politiques font à
un transfuge. Il faut l'en féliciter.
Le rédacteur du Rappel n'est pas de nos
amis politiques. Mais nous pensons avec lui
que les apologistes de la défection, en fêtant'
l'homme « qui a passé à l'ennemi » commet-
tent une faute grave qui n'atteint pas seule- *
ment l'honnenr de leur parti. Et de même que.
la conversion intéressée de M. Doumer ne lui
a pas valu notre estime, de même, aujour-.
d'hui, nous sommes heureux d'applaudir au'
langage d'honnête homme que notre confrère,
du Rappel a le courage de faire entendre.
GACSY..
Nous lisons dans Y Aurore :
Une fois de plus, M. Lucien Victor-Meunier.
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