Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-01-31
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 janvier 1909 31 janvier 1909
Description : 1909/01/31 (N14205). 1909/01/31 (N14205).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/01/2013
- N* 14SOS.11 Pluviôse An 117.
CIXQ CENTIMES LE IVCMÉHO
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Dimanche 31 Janvier 1909. — 1qo 14205
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: AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMÈNTS
Un mois Trois mois Sii mis tri[ a
Paris 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 — 6 — 41 — 20 -
Union Postale 3 - 9 — 46 — 32 —
j Fondateur î
AUGUSTE VACQUERIE
ANNONCES'
MM. LAGRANGE, CERF & Cie
6, Place de la Boarse
et aux BUREAUX DU JOURNAL.
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TRIBUNE LIBRE
» 1 »
À#% ,
LE TACITURNE
+-«>♦<■ »
Guillaume II, désormais
devenu Guillaume le Taci-
turne, gagne beaucoup en
se taisant. Il nous faut bien
convenir que la sagesse des
nations est évidente et que
le silence est d'or.
Depuis que le Kaiser ne dit plus rien,
mais là, rien de rien, rien du tout, voilà
l'opinion qui s'inquiète. Et notez bien,
je ne dis pas l'opinion allemande, mais
l'opinion publique dans tous les pays..
Chez nous — qui sommes « l'ennemi hé-
réditaire ))--il était bien curieux de no-
ter, ces temps derniers, la sollicitude im-
prévue de certains de nos confrères à
t'égard du Kaiser.
* « Mieux vaut l'empereur Guillaume
que l'Empereur Bulow » lit-on dans le
Figaro. D'un autre côté, analysant les
difficultés de la politique extérieure de
l'Allemagne dans le moment présent,
le Journal regrette : « Une parole éner-
gique du pilote, montrant la route à sui-
vre serait tout à fait opportune. Guil-
laume ne l'a pas prononcée publique-
ment. n
On ne compte plus les publicistes qui
ne peuvent se faire au silence de l'Empe-
reur, Une Europe où Guillaume II ne
parle plus est méconnaissable.
Ce diable d'homme goûte comme Char-
les-Quint par une retraite anticipée, la
Joie des regrets qui, à son endroit, s'ex-
priment.
Et c'est sa revanche. « Vous parlez
trop ! » lui a-t-on dit dans toutes les lan-
gues. Eh! bien ! le Kaiser s'est conformé
eux vœux universels, il s'est renfermé
dans le mutisme le plus absolu et il
baisse le public se morfondre. Jadis un
prétendant au trône de France publia
;un manifeste qui commençait par ces
mots : « La France s'ennuie ». Et
certes aujourd'hui en présence de la ta.
iciturnité renforcée de Guillaume II,I'Eu-
rope s'ennuie. Pauvre Europe ! Elle n'a
plus ni (fpoudre sèche >>, ni «épée effilée»
: il paraît qu'elle n'aura plus bientôt à
sa disposition de matière première pour
ses fusils, ses canons et ses obus si l'on
ne construit pas au plus vite la ligne de
Bône au Djebel Ouenza ! Que va donc
faire l'Europe, si Guillaume II neparle
pas et si les bouches de l'orchestre
-Krupp sont, elles aussi, réduites au si-
Ifinrv» ? Evidemment c'est le péril immi -
nent : l'Europe s'ennuie. C'est l'atonie,
le marasme, les craintes de guerre au
printemps s'évanouissent. Les Bulgares
mobilisent pour rire. Les Turcs ne mobi-
lisent Iplus du tout. L'Angleterre qui de-
vait débarquer 100.000 hommes sur le
littoral du Hanovre, ne débarquera guère
que des souverains qui s'en iront à Ber-
lin congratuler et féliciter le muet im-
périal. Et ce serait la plus jolie farce in-
ternationale que l'empereur pourrait fai-
re à l'Europe s'il ne disait rien — rie&
'd'officiel, entendons-nous — à son oncle
Edouard VII.
Mais rassurons-nous, Guillaume II par-
lera. Déjà on prépare une fastueuse ré-
ception aux souverains anglais et aux
journalistes britanniques qui les accom-
pagnent. Il parlera, il parlera Et ce
sera un joli succès de presse que le suc.
cès qu'il obtiendra alors. Songez donc !
Cent jours de silence, c'est intolérable
pour les grands enfants qui dans
toutes les capitales imaginent que l'Em-
pereur peut faire telles révélations qui
intéressent l'avenir des nations.
Ali 1 certes, il faut que les intelligen-
ces humaines soient encore étrangement
imprégnées d'une religiosité monarchi-
que pour attribuer une importance consi-
dérable aux propos d'un orateur ver-
yeux à la vérité mais qui emprunte son
prestige uniquement à sa naissance. Quoi
qu'il dise, Guillaume II n'est pas le maî-
tre de l'avenir. Ceux qui n'ont pas com-
tpris qu'il y a en Allemagne une opinion
politique qui gouverne l'Empereur lui-
-même peuvent seuls croire à l'impor-
tance fatidique des propos de l'Empe-
reur.
Si paradoxal que cela puisse paraître
les Cf journées de novembre » prouvent
Surabondamment que l'Empereur n'ex-
prime pas du tout la pensée de la na-
tion. La; nation l'a bien fait sentir. N'a-
t-il pas avoué dans l'interview, cause de
tous les maux, qu'il n'était lui-même
qu'une unité unité distinguée certes—
iuaiis son pays, et peut-être seule favora-
ble, au rapprochement avec l'Angleterre?
Qu'il parle ou se taise, l'Empereur a
perdu désormais la place qu'il occupait
maguère en Europe : il l'a perdue par-
te que,- malgré la réconciliation récente
fles fêtes du cinquantenaire, le divorce
fentre l'Empereur et la nation est devenu
officiel, parce que l'Allemagne est tirail-
lée par les partis, parce qu'elle est ti-
railléé par les difficultés financières,
parce que sa situation diplomaique n'est
plus entière en présence de la déché-
ance effective d'Abdul-Hamid et en pré-
sence de la brouille de l'Auriche et de
l'Ialie.
Ceci ne signifie pas que l'Allemagne
est menacée. L' «encerclement» est vrai-
semblablement une hantise d'esprit mal
informée des réalités européennes. Ceci
signifie que la Triplice et son ancienne
annexe ottomane ont cessé de jouer sur
le continent un rôle prépondérant. L'é-
quilibre se rétablit peu à peu. C'est tant
mieux pour la paix, mais malgré tout
cela, à quoi l'Empereur ne peut rien.
Au fond, son silence est une excellente
chose. Ça n'est pas que ses paroles,plus
ou moins ardentes, l'aient empêché d'être
un pacifique -- vingt ans de règue le
montrent — mais à force de menacer.
même si l'on ne veut pas la guerre, on
la peut un jour déchaîner.
Sans croire beaucoup à un propos dé-
libéré de l'Empereur de renoncer à la pa-
role, notons que son prestige en Allema-
gne, n'a pas perdu dans sa dernière in-
carnation de personnage muet.
Mais, tout de même, Guillaume II, en
Taciturne on ne l'avait jamais vu habillé
comme ca !
- Albert MILHAUD.
LA POLITIQUE
MODE DE SCRUTIN
Il Y a dans le parti répu-
blicain trois groupes" bien
tranchés — qui sont en désac-
cord f-. sur la guestion du
mode de scrutin.
Par ordre d'ancienneté,citons
d abord les partisans du statu quo. Ils
affirment qu'on dit tout le mal qu'on
peut du scrutin d'arrondissement et
qu'on n'en dit pas du tout le bien qu'on
en pense. Les partisans du scrutin uni-
nominal accusent les députés partisans
du scrutin de liste d'être bien ingrats
vis-à-vis du père qui leur a donné le
jour
Les partisans uu scrutin de liste pur,
citent mille avantages de leur « mo-
de >7 (préféré. Ils rappellent en sa faveur
la prédilection de Gambetta et allèguent
qu'ils obtiendraient ainsi la diminution
de la pression administrative et qu'il
relèveraient, par la stute, le niveau des
préoccupations parlementaires.
Mais les partisans du scrutin 'de liste
pur et simple sont considérés par V
partisans de Ip. représentation propor-
tionnelle comme les amateurs d'un ins-
trument grossier et archaïque. Ils préfè-
rent le statu quo, en général, au scrutin
de liste simple.
Où donc est l'avenir 1 ou donc est la
sagesse l
Comme Pahurge et Ses amis, les diffé-
rents groupes s'en somt allés consulter
l'oracle : en l'espèce, c'est M. le Prési-
dent du Conseil. Ils n'ont obtenu de lui
aucune précision. Le vieil adversaire
des « députés d'arrondissement ) n'ose
plus s'avouer à lui-même, il n'ose plus
avouer aux autres qu'il n'a plus ni opi-
nion, ni doctrine en l'espèce.
Il se contente de féliciter les visiteurs
et de leur promettre à feus une réélec-
tion heureuse en 1910.
Cher docteur dont la formule agit
partout immanquablement !
Cependant les élections de l'Aveyron
et de Saône et Loire sont là pour avertir
les clients du ministre de l'Intérieur des
quelques mésaventures de sa thérapeu-
tique.
Enfin, si nous ignorons toujours, le
cas que M. Clemenceau peut faire, du
scrutin uninominal, du scrutin de liste
pure et simple ou de la R. P. Ce que
nous savons bien, c'est qu'il a trouvé
un-procédé à lui, qu'il avoue et qu'il
préconise ! C'est le syndicaf de réélec-
tion.
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
fAujourd'huj samedi :
Lever du soleil à 7 h'. 36 ; coucher à
4 h. 52.
— Matinée. == Gymnase : Samedi 3e
Madame.
— Première. - Folies-Dramatiques : Vé-
ronique.
AUTREFOIS -
Rappel du 31 janvier 1873 — On parle de
nombreuses arrestations opérées surtout à
Montmartre, et visant des personnes affi-
liées à l'Inernationale. On ne sait encore
rien de précise
Le rapport au général de Rivière sur le
procès du maréchal Bazaine est à peu près
terminè.
La commission des trente avait voulu se
faire renvoyer, pour examen, le projet de
loi électorale. A ce propos, M. Thiers au-
rait dit : — La commission des trente s'ins-
titue Conseil suprême ; elle lait de l'Assem-
blée nationale une sous-commission de la
Commission des trente.
La Seine a baissé de 40 centimètres ; si
cela continue, le service des bateaux-movr
ches pourra reprendre demain.
La Presse fusionne avec le Courrier de
France, et devient journal du matin sous
la direction de M. de la Guéronnière.
MM. Bonnat et Lefèvre sont chargés de
repeindre les plalonds détruits du nouveau
Palais de tustice.
Marion de Larme passera la semaine
prochaine à la Comédie-Française ; Victor
Hugo est à Guernesey ; c'est M. Paul Meu-
rice qui surveille les dernières répétitions.
Il y a en ce moment, au Spitzberg, dix-
huit marins norvégiens naufragés, que l'on
lente de secourir. Il y a un mois, on leur a
envoyé un petit bâtiment, i'Isbjorn, mais
ce navire est revenu sans avoir pu aborder,
vu Vétat des glacesOn va maintenant faire
partir le Groenland pour la même destina-
tion.
La mémoire de Coquelin
Elle était prodigieuse. Nous en pour-
rions donner des preuves nombreuses.
L'anecdote suivante, que nous tenons
d'un de .ses amis, en témoigne de façon
péremptoire.
C'était un .soir, à Bruxelles, chez le
vicomte de Lovenjoul, l'éminent biblio-
phile dont un legs généreux a enrichi
l'Institut d'une précieuse collection
d'œuvre manuscrites et de volumes ra-
rissimes. Il était très lié avec Coquelin
et ne manquait jamais de le prier à
dîner à chcunede ses tournées en Bel-
gique.
Les convives élaient réunis au fu-
moir et, comme on parlait de la mé-
moire ides comédiens, quelqu'un eut la
curiosité de demander à Coquelin le
nombre de rôles qu'il était capable d'in-
terpréter du jour au lendemain.
Piqué au jeu, le brillant créateur de
Cyrano nri't une feuille de papier, y
écrivit à la suite les titres des pièces
dans lesquelles U se. savait en état de
jouer le rôle principal et arriva au total
stupéfiant de cinquante-trois 1
Comme on se récriait avec étonne-
ment. sinon avec incrédulité, Coquelin
pria le vicomte de Lovenjoul de prendre
dans sa bibliothèaue les .brochures de
toutes les, pièces (du répertoire clas-
sique et moderne) dont il venait d'énu-
mérer les titres. Ce crue fit aussitôt son
amphitryon.
Lorsque tous les volumes furent réu-
nis sur une table du fumoir, Coqulelin
demanda aux convives qui l'entouraient
de choisir chacun une pièce parmi les
bina:uan't.b-tfoiR fet d'v lire au hasard
une phrase à laauelle répondait le per-
sonnage qu'il interprétait dans* cette
œuvre dramatique.
Et à chacun sans hésiter un seul ins-
tant, il donna la réolwJle.
Pension et reconnaissance
Le mot n'est peut-être pas absolu-
ment neuf, aujourd'hui, mais datait
déjà de son temps — et ce n'est pas
d'hier, le roi Salomon — « Est-il quel-
que chose de nouveau sous le So-
leil ? » — Le cardinal de Richelieu, qui
fut, on le sait, le père, en quelque
sorte de l'Académie Française dési-
rait surtout qu'elle fît un dictionnaire
de notre langue ; ce fameux diction-
naire que l'on a toujours si fort plai-
santé — « Seul, dit-on au cardinal,
M. de Vaugelas pourra nous faire me-
ner l'œuvre à bonne fin ; mais il serait
juste qu'on lui rendît sa pension de
deux mille livres qui lui fut injuste-
ment supprimée. » Richelieu la faisait
restituer tout aussitôt et comme Vau-
gelas allait le remercier : — « Eh bien,
Monsieur, lui dit le cardinal, en le
voyant entrer dans sa chambre, il est
un mot que vous n'oublierez pas dans
votre dictionnaire : celui de pension !
— « Et encore moins celui de recon-
naissance Monseigneur », répondit
ingénieusement Vaugelas.
Enquête policière
M. de Sartines, prédécesseur lointain
de M. Lépine, reçut une lettre de son
confrère le directeur de la police de
Vienne, qui lui écrivait un jour, du
de
Vienne, l'Allemagne, qu'un homme cou-
pable d'un crime s'était réfugié à Paris,
que la police de Vienne en avait la
preuve, et qu'à raison de la bonne ami.
tié qui unissait les deux cours, M. de
Sartines était prié de faire saisir le cou-
pable, dont on lui envoyait le signale-
ment. Aussitôt le lieutenant de police
donne des ordres ; ses hommes se met-
tent en campagne ; la recherche dure
plus d'un mois. Enfin, M. de Sartines
écrit au directeur de la police de Vien-
ne : « J'ai envoyé de tous cotés à la re-
cherche du coupable que vous m'aviez
signalé ; les efforts de mes agents ont
été longtemps infructueux ; mais nous
avons enfin réussi à le découvrir. ILest
à Vienne même, d'où il n'est jamais
sorti ; vous le trouverez dans tel fau-
bourg, à tel numéro ; il y a un pot de
fleurs sur sa fenêtre ».
Le bon La Fontaine
Le bon La Fontaine était toujours dis-
trait et rêveur. Dînant un jour avec
Boileau, Molière et deux ou trois autres
de ses amis, il soutenait contre Molière
que les apartés rdu théâtre sont contre
le bon sens. « Est-il possible, disait-il,
qu'on entende des loges les plus éloi-
gnées ce que dit un acteur, et que celui
qui est à' ses côtéa ne l'entende pas ? »
Après avoir soutenu son opinion, il se
plongea dans sa rêverie ordinaire. « II
faut avouer, dit tout haut Boileau, que
La Fontaine est un grand coquin ».
Puis il continua longtemps à médire de
La Fontaine sans que celui-ci s'en aper-
çut. Tout le monde éclata de rire. On
lui dit enfin qu'il devait moins que les
autres condamner les « apartés » puis-
qu'il était le seul de la compagnie qui
n'avait rien entendu de tout ce qu'on ve-
nait de dire si près de lui -
—————————— --
L'Administration
de la Marine
LE PROJET DE REORGANISATION
C'est aujourd'hui l'échéance. M. le prési-
dent du conseil a solennellement promis, en
effet,de déposer avant la fin de janvier, au
plus tard, sur le bureau de la Chambre, un
projet complet de réorganisation de la ma-
rine.
Nous ignorons quel est ce projet, et quel
est le bilan « dressé » par M. Picard.
Mais puisque M. le ministre de la ma-
rine doit, paraît-il, présenter — notamment
— une demande de crédit de 350 millions
pour la mise en chantier de cuirassés, nous
pensons lui être agréable en reproduisant
— en guise de préface — l'opinion de M.
Clemenceau lui-même, sur l'utilité de la
construction de ces navires.
Soixante-douze millions à la mer ! M. de
Lanessan vient de mettre en chantier deux
cuirassés, ;'d"un déplacement de près de
15.000 tonnes, dont le prix de revient est,
pour chacun de 35 millions et demi. Je ne
discute pas le prix qui est certainement
faux. L'un des bateaux est construit par
l'Etat, l'autre est donné à l'industrie privée.
Or tous deux sont prévus au même prix.
Chacun sait cependant que les arsenaux de
l'Etat ne comptent pas leurs frais généraux
et que le prix de revient - pour dérouter
les contribuables et rendre impossible le
contrôle de leurs mandataires — comprend
seulement les salaires ouvriers et le prix
d'achat des matières premières. Une société
industrielle qui ne ferait entrer dans son
prix de revient ni le montant de ses retrai-
tes, ni ses loyers, ni le salaire de ses in:.
génieurs, irait tout droit à la faillite. - Le
contribuable français s'accommode de tout,
et les Chambres ne sont là, si fose pronon-
cer ce mot, que pour le décor.
Pour ce qui est de la défense, il est établi
depuis longtemps que la plus sûre manière
de maintenir notre infériorité navale au re-
gard de l'Angleterre est de nous acharner
dans la construction de quelques-uns de ces
mastodontes qu'un coup de torpille peut
faire en trois minutes disparaître sous les
flots.
Dans six ans, les nouveaux cuirassés file-
ron dix-huit nœuds, résultat appréciable
quand on voit que, cette année même, les
Anglais mettent, non pas en chantier, mais
à flot, sept cuirassés, type Duncan, qui don-
nent 19 nœuds.
A supposer que l'on construise iles cui-
rassés dans six ans, lorsque les deux nô-
tres entreront en service, les Anglais au-
ront dépassé leur vitesse actuelle de 19
nœuds. Quant à la vitesse de 18 nœuds.
Elle est atteinte et même dépassée depuis
deux ou trois ans par une vingtaine au
moins de cuirassés anglais.
Tels sont les progrès de notre marine,
alors que l'impossibilité de tenir à la fois
le premier rang sur terre et sur mer, nous
incite si manifestement à donner le maxi-
mum de puissance à la force de destruc-
tion offerte par les engins nouveaux contre
des adversaires qui présentent une si large
surface de front invulnérable.
Mais loin de favoriser le développement
d'offensive de la torpille, nos amiraux ont
résisté le plus longtemps possible, comme
on sait, à l'emploi des torpilleurs. Rien n'a
chiangé depuis ce temps. et tout l'effort des
archevêques de la rue Royale s'applique au-
jour'dhui à décourager la construction des
tcrrpilsleum-tyfongcurs, tyits bateaux, sous-
marins, qui portant la mort à coup sûr
dans l'escadre ennemie, nous rendraient in-
vulnérables.
(Le Bloc, 14 avril 1901.)
Nous prions M. le ministre de la marine
de ne pas déranger son chef d'état-major
général pour nous porter ses remercie-
ments.
■ -m.s
MOBILISAI ION
DES "DJEBEL-OUENZISTES"
D'Alger la Blanche, capitale de notre
Vice-roi « magnifique », on télégraphie aux
Débats :
Le vote de la Chambre qui a ajourné la dis-
cussion du projet relatif aux minières de l'Ou-
enza afrès le vote de l'impôt sur le revenu, a
suscité une vive émotion dans la cololie. Les
journaux déplorent qu'une campagne des plus
violentes et dont le but est trop clair se pour-
suive, alors qu'on refuse au gouverneur général
le moyen de faire éclater la lumière et :a vérité
à la tribune.
Les présidents des quatre délégations finan-
cières, colons, non colons, arabe et kabyle, ont
décidé de convoquer pour lunii prochain, à une
réunion générale et privée tous les membres
des Délégations. Ils veulent dans un appel au
Parlement insister sur le préjudice irréparable
que causerait à l'Algérie le rejet des projets de
M. Revoit, confirmés par M. Jonnart.
« Le dommage matériel serait considérable,
disent-ils ; le dommage moral plus considérable
encore. les hommes d'affaires sérieux -:!le trai-
teraient plus avec l'Algérie. «
En publiant la lettre des quatre présidents.
les journaux font ressortir qu'on ne pourrait
citer un seul contrat de concession de mine où,
comme pour l'Ouenza. le gouvernement ait exi-
gé de plus sérieuses garanties en vue d'assurer
rendant toute la durée de la concession, la pré-
pondérance dans l'entreprise aux intérêts fran-
çais et une direction exclusivement française.
On voit que M. Jonnart n'a pas perdu
son temps dès son retour dans sa Vice-
Royauté. n ne s'occupe donc .pas exclusive-
ment - ainsi que le lui reprochait M. Cle-
menceau — de « mobiliser la iésuitière an-
tisémite contre les républicains restés fidè-
les à leur idéal de justice et de vérité. »
Sa Majesté s'emploie de son mieux à
« renforcer » le dossier de la détestable af-
faire, dont elle a daigné se constituer le
vice-royal avocat.
Pensez donc, messieurs les députés,
même les Kabyles qui 6"émeuVent à ter
pensée que le Trust international de la Mé-
tallurgie n'aura pas son chemin de fer pour
exploiter sa mine et sa minière 1
C'est grave. très grave 1..
Cependant MM. Krupp et Cie ne peuvent
s'empêcher de sourire derrière la culasse
de leurs canons francophiles 1
A LA CHAMBRE
L'Affaire des Officiers de Laon
..te c..
L'interpellation de M. de Ramel. — La liberté de conscience
dans l'armée. — Vif incident entre MM. Clemenceau
et de Pressensé. - Les ordres du jour.
M. Brisson préside.
Le vendredi a été consacré entière-
ment à discuter les intérpellatioins de
MM. 'de Ramlel et de Pressensé sur l'af-
faire des officiers de Laon. Le public
des tribunes était nombreux, et la
Chambre au complet.
M. de Ramel se plaint, de la surveil-
lance policière exercée dit-il sur les offi-
ciers.
M. de Ramel. — La mesure prise à l'é-
gard des officiers de Laon n'est qu'une éta-
pe dans la voie qui précipite le gouverne-
ment vers la tyrannie.
Rarement cet esprit de tyrannie s'est ma-
nifesté avec plus d'éclat que dans les faits
du 8 novembre, qui ont motivé, à Laon, le
déplacement de trois officiers et la mise en
non-activité de deux autres.
Y avait-il donc matière suffisante à Irap-
per des officiers parce qu'ils avaient assisté
à la messe du 8 novembre, à la cathédrale
de Laon ? On veut justifier ces mesures ini-
ques, on se réfugie dans les arguties.
Qu'importe que la messe de onze heures
ou de onze heures et demie, à laquelle ils
assistaient, fût aussi celle à laquelle se
pressaient des pèlerins. Et l'allocution de
l'évêque, M. Pécnenard, qu'on reproche aux
officiers d'avoir écoutée- sans même protes-
ter par leur départ, avait-elle donc un ca-
ractère politique ? Non pas, elle était pure.
ment philosophique et religieuse ; elle por-
tait sur ce texte évangélique : « La vérité
vous délivrera. »
Mais derrière chaque colonne de l'église
se dissimulait "un policier ; qu'il fût inintel-
ligent ou ignorant, il a transposé à l'époque
actuelle l'histoire du temps de Constantin
que racontait M. Péchenard, et ce sont ces
policiers qui ont dénoncé au préfet les offi-
ciers. Ceux-ci, au bas de l'église, loin de
la chaire, n'avaient même pas entendu l'o-
rateur.
DISCOURS DE M. DE PRESSENSE
M. ide Pressensé, qui voit égale.m.e,nt.
dies excuses à la faute commise par les
officiers de Laon, parle au nom de la
liberté scoiale, après M. de Ramol qui
a parlé au nom de la liberté (religieuse.
Il critique aeve sévérité l'attitude du
gouvernement :
Je compte montrer le paradoxe doulou-
reux qu'il y a entre les actes de certains
ministres et leurs déclarations d'hier, qui
vibrent encore dans le souvenir ému de
ceux qui étaient leurs amis.
M. de Pressensé reproche au général
Picquart de ne plus avoir le même res-
pect qu'autrefois pour la liberté :
Il y a dix ans, une poignée d'hommes a
cru a une grande cause, lis ont cru lutter
pour la justice, pour la France, pour ce
pays, au nom de qui on n'a pas le droit de
commettre de crimes.
Ils avaient senti quon ne pouvait nouie-
verser ce peuple que pour le protéger désor-
mais contre toute atteinte à la liberté, et
non pas se borner à une anecdote- limitée.
Nous avons alors affirmé hautement la
liberté d'opinion dans l'armée. Nous l'avons
affirmée plus tard au nom d'une ligue de
100.000 hommes, comprenant alors le lieute-
.nant-colo-nel Picquart. Nous avons obtenu,
au nom de cette liberté d'opinion, du géné-
ral de Galliffet, ministre de la guerre, la li-
bération d'un soldat frappé pour délit d'opi-
nion. Nous l'avons obtenue pour un autre
qui avait fait entendre ce cri alors sédi-
tieux, car les délits changent avec les épo-
ques, de cc Vive Picquart ( »
Arrivés au pouvoir, ceux qui défendaient
hier ces idées avec nous se font les repré-
sentants de la société dans ce qu'elle a de
mauvais, dans ce qu'ils condamnaient hier
chez elle.
Il y a deux choses que pour ma part Je
ne puis pardonner.
La première, c'est quand on a passé sa
vie à travailler à élever une barricade, de
passer à la fin de ses jours de l'autre côté
de la barricade pour garder le pouvoir.
La seconde, qui sera comprise de ceux-là,
et il y en a même aux bancs du gouverne-
ment, qui ont quelque culture musicale,
c'est qu'il est quelque chose de plus mélan-
colique que le Crépuscule des Dieux, c'est
l'Eclipse des héros, (Applaudissements à
l'extrême gauche.)
Cela gâte le passé, et cela corrompt l'a-
venir.
Qu'avez-vous fait, colonel Picquart, de la
liberté d'opinion dans l'armée ? On vous
réclamait, tout à l'heure, la libre commu-
nication entre le colonel et le Breton reli-
gieux. Où est celle entre le colonel et le
soldat prolétaire du faubourg ouvrier ?
DISCOURS
DU MINISTRE DE LA GUERRE
Le général Picquart nie que la moin-
dre atteinte ait été portée aux droits des
officiers catholiques.
S'il s'était agi à Laon, de l'exercice du
culte, auquel c'est le devoir des catholiques
d'assister, nous n'aurions point eu à inter-
venir, mais il s'est agi d'une manifestation
toute différente.
Dans le petit village où j'ai passé mon
enfance, lès exercices du culte luthérien al-
ternaient avec ceux du culte catholique. Au
lendemain de Wissembourg, les obsèques
du général Douay y étaient suivies à la fois
par le curé, le pasteur protestant et le rab-
bin.
Voix à droile. — Eh bien, la conclusion ?
Le général Picquart. - C'est que vous
avez rendu impossible la tolérance.
Quels sont les faits ?
Le 8 novembre se tenait, & Laon, le con-
jurés de l'association de la jeunesse catholi-
que française. On sait quelle est la ten-
dance politique de cette association politi-
que. Le but est de battre en brèche les con-
quêtes de TEtat laïque.
A 11 heures, avait lieu à la cathédrale la
« messe du congrès tI ; des cartes d'invita-
tion l'indiquent en toutes lettres.
M. Allard. — Dans un édifice mis pal
vous à la disposition des organisateurs
Vous êtes leurs complices et vous leur fai-
tes des reproches. (Riras et mouvements
divers.)
Le général Picquart. — On m'a dit que
les officiers s'étaient rendus à leur me
habituelle. Mais comment auraient-ils
ignoré ce qui se passait ? 11 y 1 £ quatre ou
cinq cents jeunes gens qui s'étaient rendus
à la messe, musique en tête, précédés d'un
drapeau sur lequel brillait, dit la Semaine,
religieuse, l'image du Christ rédempteur.
Cinq officiers m'ont été signalés comme
ayant assisté àcette messe, et deux autres
aux travaux du congrès, l'après-midi, au
pavillon des œuvres.
Les officiers ont donc en réalité par-
ticipé à une manifestation cléricale, et
c'est avec justice qu'ils ont été frappés.
INTERVENTION DE M. MAGNIAUDE
M. Magniaudé intervient au nom de
la représentation républicaine de l'Ais-
ne :
M. Magniaudé, — M. de Ramel a appor.
té ici les récits des journaux réactionnaires
qui on't travesti les faits.
M. de Ramel. — Mes informations ve.
naiènt de toute autre source que les jour-
naux.
M. Magniaudé. — Je m'étonne que M. de
Pressensé soit intervenu en faveur des of-
ficiers de Laon, quand je fus seul ici, jadis,
à défendre le capitaine Nercy, mis en dis-
ponibilité pour avoir dit simplement qu'il
ne tirerait jamais sur le peuple et qui, de-
puis, est mort de misère-
Pour moi, à propos des incidents de
Laon, j'ai été traité de casserole (RirôSJ-t
moi qui ai toujours été l'adversaire de ce
qui ressemble à la délation. r
L'évêque de Soissons, arrivé chez nous il
y a deux ans, y fut reçu par-les cercles,
groupements et associations catholiques.
On détela sa voiture pour le porter en
triomphe. Depuis, partout où: il passe, ses
réunions ont l'allure de réunions publiques
où il fulmine contre les: lois de la Républi-
que, l'enseignement laïque et le gouverne-
ment.
M. Lasies proteste contre la thèse du
ministre de la guerre :
M. Lasies. — A Laon voue n'aviez pas
le droit de punir les oificiers pour être allés
à une messe, cérémonie publique, même
célébrée par l'évêque, et avoir cntendU-l,Ulf}
allocution quelle qu'elle fût. Si cette allo-
cution était délictueuse, il fallait poursui-
vre l'évêque et non ses auditeurs.
Quant à ceux .qui ont assisté à une séan-
ce du congrès, le ministre s'est retranfiàé
derrière des arguties.
Nos officiers sont majeurs enfin ; il tant
qu'ils soient dans la dépendance de leuiW
supérieuns hiérarchiques. Nous croyions
que' c'était déjà fait.
: M. BALLANDE INTERPELLE
M. Ballande obtient l'autorisation de
développer son interpellation sur les
obsèques du cardinal Lecot. Il s'agit,
là encore, de la liberté des officiers.
M. Ballande. - Un ordre arrivé de Pa.
ciers de suivre en tenue le cortège furièfere
du cardinal Lecot à Bordeaux. De q-
droit cette interdiction insolite ?
D'autre part, les mesures prises uiîf
abouti à bloquer chez eux les habitantsMu
centre de la ville-
A Paris, ville autrement révolutionnaire
que Bordeaux, on n'a jamais éprouvé le
be-soin de mettre sur pied toute la garnison
pour empêcher le public d'approcher.
Qu'est-ce que cette inconvenance iaouïe
consistant à ordonner à la troupe de tour-
ner le dos au cortège ?
M. Clemenceau. — Cet ordre n'a jamais
été donné.
M. Ballande — Alors comment cette m-
ris, dans la nuit, a interdit à tous les effi-
eonvenance a-t-elle été commise ? Il y a
eu dans cette circonstance une double at-
teinte à la liberté des officiers et de la po-
pulation bordelaise.
DISCOURS DE M. CLEMENCEAU
Le président du Conseil s'attache
à répondre aux critiqués de M. Ballan-
de :
M. Clemenceau. - Lors de la mort du
cardinal Lecot, un personnage autorisé
avait prévenu que l'affluence de population
pourrait occasionner des accidents. J'ai
donc donné des ordres pour que des barra-
ges fussent prescrits. Mais pour qu'il n'y
eût pas dans ce déploiement de troupes une
sorte de manifestation cultuelle, j'ai pres-
crit que les barrages fussent établis au loin.
Quant à avoir donné aux troupes l'ordre
de tourner le dos au cortège, je ne pouvais
en avoir l'idée. Je ne l'ai pas donné.
M. Ballande. — Qui dQnc, alors ?
M. Clemenceau. — Mais ce. que je doia
dire, en rentrant dans le précédent débat,
c'est que, toujours, l'Eglise a excellé, sous
c'est que, d'actes religieux, à organiser des
prétexte
manifestatioms politiques. (Applaudisse-
ments à gauche.) Cela, nous ne le voulons
pas. Nous l'avons poursuivi à Laon. Nous
le ferons encore.
L'Eglise a toujours cherché à mettre la
main sur les officiers-
VIF INCIDENT
A ce moment, se produit un vif in-
dent entre le président du Conseil et
M. de Pressense.
M. Clémenceau dirige en effet unie
attaque contre le député socialiste,et
veut te montrer en contradiction avec
lui-même :
Je m'étonne d'autant plus de l'interven-
tion de M. de Pressensé, aujourd'hui, que.
le 20 avril 1903, la Ligue des droft. de
l'homme volait un ordre du jour protestant
contre l'insuffisance ridicule des mesure?
prises à l'égard des officiers signalés com-
CIXQ CENTIMES LE IVCMÉHO
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Dimanche 31 Janvier 1909. — 1qo 14205
L»,"" , ;;e;' « Fondateur ""0" (
: AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMÈNTS
Un mois Trois mois Sii mis tri[ a
Paris 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 — 6 — 41 — 20 -
Union Postale 3 - 9 — 46 — 32 —
j Fondateur î
AUGUSTE VACQUERIE
ANNONCES'
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6, Place de la Boarse
et aux BUREAUX DU JOURNAL.
Adresser toutes les Communications an Directeur
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ADMINISTRATION & REDACTION ; 53, rue du Château-d'Eau: Téléphone 438-14. — De 9 heures du soir à 2 heures du matin, 123, rue Montmartre: Téléphone 143-93
TRIBUNE LIBRE
» 1 »
À#% ,
LE TACITURNE
+-«>♦<■ »
Guillaume II, désormais
devenu Guillaume le Taci-
turne, gagne beaucoup en
se taisant. Il nous faut bien
convenir que la sagesse des
nations est évidente et que
le silence est d'or.
Depuis que le Kaiser ne dit plus rien,
mais là, rien de rien, rien du tout, voilà
l'opinion qui s'inquiète. Et notez bien,
je ne dis pas l'opinion allemande, mais
l'opinion publique dans tous les pays..
Chez nous — qui sommes « l'ennemi hé-
réditaire ))--il était bien curieux de no-
ter, ces temps derniers, la sollicitude im-
prévue de certains de nos confrères à
t'égard du Kaiser.
* « Mieux vaut l'empereur Guillaume
que l'Empereur Bulow » lit-on dans le
Figaro. D'un autre côté, analysant les
difficultés de la politique extérieure de
l'Allemagne dans le moment présent,
le Journal regrette : « Une parole éner-
gique du pilote, montrant la route à sui-
vre serait tout à fait opportune. Guil-
laume ne l'a pas prononcée publique-
ment. n
On ne compte plus les publicistes qui
ne peuvent se faire au silence de l'Empe-
reur, Une Europe où Guillaume II ne
parle plus est méconnaissable.
Ce diable d'homme goûte comme Char-
les-Quint par une retraite anticipée, la
Joie des regrets qui, à son endroit, s'ex-
priment.
Et c'est sa revanche. « Vous parlez
trop ! » lui a-t-on dit dans toutes les lan-
gues. Eh! bien ! le Kaiser s'est conformé
eux vœux universels, il s'est renfermé
dans le mutisme le plus absolu et il
baisse le public se morfondre. Jadis un
prétendant au trône de France publia
;un manifeste qui commençait par ces
mots : « La France s'ennuie ». Et
certes aujourd'hui en présence de la ta.
iciturnité renforcée de Guillaume II,I'Eu-
rope s'ennuie. Pauvre Europe ! Elle n'a
plus ni (fpoudre sèche >>, ni «épée effilée»
: il paraît qu'elle n'aura plus bientôt à
sa disposition de matière première pour
ses fusils, ses canons et ses obus si l'on
ne construit pas au plus vite la ligne de
Bône au Djebel Ouenza ! Que va donc
faire l'Europe, si Guillaume II neparle
pas et si les bouches de l'orchestre
-Krupp sont, elles aussi, réduites au si-
Ifinrv» ? Evidemment c'est le péril immi -
nent : l'Europe s'ennuie. C'est l'atonie,
le marasme, les craintes de guerre au
printemps s'évanouissent. Les Bulgares
mobilisent pour rire. Les Turcs ne mobi-
lisent Iplus du tout. L'Angleterre qui de-
vait débarquer 100.000 hommes sur le
littoral du Hanovre, ne débarquera guère
que des souverains qui s'en iront à Ber-
lin congratuler et féliciter le muet im-
périal. Et ce serait la plus jolie farce in-
ternationale que l'empereur pourrait fai-
re à l'Europe s'il ne disait rien — rie&
'd'officiel, entendons-nous — à son oncle
Edouard VII.
Mais rassurons-nous, Guillaume II par-
lera. Déjà on prépare une fastueuse ré-
ception aux souverains anglais et aux
journalistes britanniques qui les accom-
pagnent. Il parlera, il parlera Et ce
sera un joli succès de presse que le suc.
cès qu'il obtiendra alors. Songez donc !
Cent jours de silence, c'est intolérable
pour les grands enfants qui dans
toutes les capitales imaginent que l'Em-
pereur peut faire telles révélations qui
intéressent l'avenir des nations.
Ali 1 certes, il faut que les intelligen-
ces humaines soient encore étrangement
imprégnées d'une religiosité monarchi-
que pour attribuer une importance consi-
dérable aux propos d'un orateur ver-
yeux à la vérité mais qui emprunte son
prestige uniquement à sa naissance. Quoi
qu'il dise, Guillaume II n'est pas le maî-
tre de l'avenir. Ceux qui n'ont pas com-
tpris qu'il y a en Allemagne une opinion
politique qui gouverne l'Empereur lui-
-même peuvent seuls croire à l'impor-
tance fatidique des propos de l'Empe-
reur.
Si paradoxal que cela puisse paraître
les Cf journées de novembre » prouvent
Surabondamment que l'Empereur n'ex-
prime pas du tout la pensée de la na-
tion. La; nation l'a bien fait sentir. N'a-
t-il pas avoué dans l'interview, cause de
tous les maux, qu'il n'était lui-même
qu'une unité unité distinguée certes—
iuaiis son pays, et peut-être seule favora-
ble, au rapprochement avec l'Angleterre?
Qu'il parle ou se taise, l'Empereur a
perdu désormais la place qu'il occupait
maguère en Europe : il l'a perdue par-
te que,- malgré la réconciliation récente
fles fêtes du cinquantenaire, le divorce
fentre l'Empereur et la nation est devenu
officiel, parce que l'Allemagne est tirail-
lée par les partis, parce qu'elle est ti-
railléé par les difficultés financières,
parce que sa situation diplomaique n'est
plus entière en présence de la déché-
ance effective d'Abdul-Hamid et en pré-
sence de la brouille de l'Auriche et de
l'Ialie.
Ceci ne signifie pas que l'Allemagne
est menacée. L' «encerclement» est vrai-
semblablement une hantise d'esprit mal
informée des réalités européennes. Ceci
signifie que la Triplice et son ancienne
annexe ottomane ont cessé de jouer sur
le continent un rôle prépondérant. L'é-
quilibre se rétablit peu à peu. C'est tant
mieux pour la paix, mais malgré tout
cela, à quoi l'Empereur ne peut rien.
Au fond, son silence est une excellente
chose. Ça n'est pas que ses paroles,plus
ou moins ardentes, l'aient empêché d'être
un pacifique -- vingt ans de règue le
montrent — mais à force de menacer.
même si l'on ne veut pas la guerre, on
la peut un jour déchaîner.
Sans croire beaucoup à un propos dé-
libéré de l'Empereur de renoncer à la pa-
role, notons que son prestige en Allema-
gne, n'a pas perdu dans sa dernière in-
carnation de personnage muet.
Mais, tout de même, Guillaume II, en
Taciturne on ne l'avait jamais vu habillé
comme ca !
- Albert MILHAUD.
LA POLITIQUE
MODE DE SCRUTIN
Il Y a dans le parti répu-
blicain trois groupes" bien
tranchés — qui sont en désac-
cord f-. sur la guestion du
mode de scrutin.
Par ordre d'ancienneté,citons
d abord les partisans du statu quo. Ils
affirment qu'on dit tout le mal qu'on
peut du scrutin d'arrondissement et
qu'on n'en dit pas du tout le bien qu'on
en pense. Les partisans du scrutin uni-
nominal accusent les députés partisans
du scrutin de liste d'être bien ingrats
vis-à-vis du père qui leur a donné le
jour
Les partisans uu scrutin de liste pur,
citent mille avantages de leur « mo-
de >7 (préféré. Ils rappellent en sa faveur
la prédilection de Gambetta et allèguent
qu'ils obtiendraient ainsi la diminution
de la pression administrative et qu'il
relèveraient, par la stute, le niveau des
préoccupations parlementaires.
Mais les partisans du scrutin 'de liste
pur et simple sont considérés par V
partisans de Ip. représentation propor-
tionnelle comme les amateurs d'un ins-
trument grossier et archaïque. Ils préfè-
rent le statu quo, en général, au scrutin
de liste simple.
Où donc est l'avenir 1 ou donc est la
sagesse l
Comme Pahurge et Ses amis, les diffé-
rents groupes s'en somt allés consulter
l'oracle : en l'espèce, c'est M. le Prési-
dent du Conseil. Ils n'ont obtenu de lui
aucune précision. Le vieil adversaire
des « députés d'arrondissement ) n'ose
plus s'avouer à lui-même, il n'ose plus
avouer aux autres qu'il n'a plus ni opi-
nion, ni doctrine en l'espèce.
Il se contente de féliciter les visiteurs
et de leur promettre à feus une réélec-
tion heureuse en 1910.
Cher docteur dont la formule agit
partout immanquablement !
Cependant les élections de l'Aveyron
et de Saône et Loire sont là pour avertir
les clients du ministre de l'Intérieur des
quelques mésaventures de sa thérapeu-
tique.
Enfin, si nous ignorons toujours, le
cas que M. Clemenceau peut faire, du
scrutin uninominal, du scrutin de liste
pure et simple ou de la R. P. Ce que
nous savons bien, c'est qu'il a trouvé
un-procédé à lui, qu'il avoue et qu'il
préconise ! C'est le syndicaf de réélec-
tion.
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
fAujourd'huj samedi :
Lever du soleil à 7 h'. 36 ; coucher à
4 h. 52.
— Matinée. == Gymnase : Samedi 3e
Madame.
— Première. - Folies-Dramatiques : Vé-
ronique.
AUTREFOIS -
Rappel du 31 janvier 1873 — On parle de
nombreuses arrestations opérées surtout à
Montmartre, et visant des personnes affi-
liées à l'Inernationale. On ne sait encore
rien de précise
Le rapport au général de Rivière sur le
procès du maréchal Bazaine est à peu près
terminè.
La commission des trente avait voulu se
faire renvoyer, pour examen, le projet de
loi électorale. A ce propos, M. Thiers au-
rait dit : — La commission des trente s'ins-
titue Conseil suprême ; elle lait de l'Assem-
blée nationale une sous-commission de la
Commission des trente.
La Seine a baissé de 40 centimètres ; si
cela continue, le service des bateaux-movr
ches pourra reprendre demain.
La Presse fusionne avec le Courrier de
France, et devient journal du matin sous
la direction de M. de la Guéronnière.
MM. Bonnat et Lefèvre sont chargés de
repeindre les plalonds détruits du nouveau
Palais de tustice.
Marion de Larme passera la semaine
prochaine à la Comédie-Française ; Victor
Hugo est à Guernesey ; c'est M. Paul Meu-
rice qui surveille les dernières répétitions.
Il y a en ce moment, au Spitzberg, dix-
huit marins norvégiens naufragés, que l'on
lente de secourir. Il y a un mois, on leur a
envoyé un petit bâtiment, i'Isbjorn, mais
ce navire est revenu sans avoir pu aborder,
vu Vétat des glacesOn va maintenant faire
partir le Groenland pour la même destina-
tion.
La mémoire de Coquelin
Elle était prodigieuse. Nous en pour-
rions donner des preuves nombreuses.
L'anecdote suivante, que nous tenons
d'un de .ses amis, en témoigne de façon
péremptoire.
C'était un .soir, à Bruxelles, chez le
vicomte de Lovenjoul, l'éminent biblio-
phile dont un legs généreux a enrichi
l'Institut d'une précieuse collection
d'œuvre manuscrites et de volumes ra-
rissimes. Il était très lié avec Coquelin
et ne manquait jamais de le prier à
dîner à chcunede ses tournées en Bel-
gique.
Les convives élaient réunis au fu-
moir et, comme on parlait de la mé-
moire ides comédiens, quelqu'un eut la
curiosité de demander à Coquelin le
nombre de rôles qu'il était capable d'in-
terpréter du jour au lendemain.
Piqué au jeu, le brillant créateur de
Cyrano nri't une feuille de papier, y
écrivit à la suite les titres des pièces
dans lesquelles U se. savait en état de
jouer le rôle principal et arriva au total
stupéfiant de cinquante-trois 1
Comme on se récriait avec étonne-
ment. sinon avec incrédulité, Coquelin
pria le vicomte de Lovenjoul de prendre
dans sa bibliothèaue les .brochures de
toutes les, pièces (du répertoire clas-
sique et moderne) dont il venait d'énu-
mérer les titres. Ce crue fit aussitôt son
amphitryon.
Lorsque tous les volumes furent réu-
nis sur une table du fumoir, Coqulelin
demanda aux convives qui l'entouraient
de choisir chacun une pièce parmi les
bina:uan't.b-tfoiR fet d'v lire au hasard
une phrase à laauelle répondait le per-
sonnage qu'il interprétait dans* cette
œuvre dramatique.
Et à chacun sans hésiter un seul ins-
tant, il donna la réolwJle.
Pension et reconnaissance
Le mot n'est peut-être pas absolu-
ment neuf, aujourd'hui, mais datait
déjà de son temps — et ce n'est pas
d'hier, le roi Salomon — « Est-il quel-
que chose de nouveau sous le So-
leil ? » — Le cardinal de Richelieu, qui
fut, on le sait, le père, en quelque
sorte de l'Académie Française dési-
rait surtout qu'elle fît un dictionnaire
de notre langue ; ce fameux diction-
naire que l'on a toujours si fort plai-
santé — « Seul, dit-on au cardinal,
M. de Vaugelas pourra nous faire me-
ner l'œuvre à bonne fin ; mais il serait
juste qu'on lui rendît sa pension de
deux mille livres qui lui fut injuste-
ment supprimée. » Richelieu la faisait
restituer tout aussitôt et comme Vau-
gelas allait le remercier : — « Eh bien,
Monsieur, lui dit le cardinal, en le
voyant entrer dans sa chambre, il est
un mot que vous n'oublierez pas dans
votre dictionnaire : celui de pension !
— « Et encore moins celui de recon-
naissance Monseigneur », répondit
ingénieusement Vaugelas.
Enquête policière
M. de Sartines, prédécesseur lointain
de M. Lépine, reçut une lettre de son
confrère le directeur de la police de
Vienne, qui lui écrivait un jour, du
de
Vienne, l'Allemagne, qu'un homme cou-
pable d'un crime s'était réfugié à Paris,
que la police de Vienne en avait la
preuve, et qu'à raison de la bonne ami.
tié qui unissait les deux cours, M. de
Sartines était prié de faire saisir le cou-
pable, dont on lui envoyait le signale-
ment. Aussitôt le lieutenant de police
donne des ordres ; ses hommes se met-
tent en campagne ; la recherche dure
plus d'un mois. Enfin, M. de Sartines
écrit au directeur de la police de Vien-
ne : « J'ai envoyé de tous cotés à la re-
cherche du coupable que vous m'aviez
signalé ; les efforts de mes agents ont
été longtemps infructueux ; mais nous
avons enfin réussi à le découvrir. ILest
à Vienne même, d'où il n'est jamais
sorti ; vous le trouverez dans tel fau-
bourg, à tel numéro ; il y a un pot de
fleurs sur sa fenêtre ».
Le bon La Fontaine
Le bon La Fontaine était toujours dis-
trait et rêveur. Dînant un jour avec
Boileau, Molière et deux ou trois autres
de ses amis, il soutenait contre Molière
que les apartés rdu théâtre sont contre
le bon sens. « Est-il possible, disait-il,
qu'on entende des loges les plus éloi-
gnées ce que dit un acteur, et que celui
qui est à' ses côtéa ne l'entende pas ? »
Après avoir soutenu son opinion, il se
plongea dans sa rêverie ordinaire. « II
faut avouer, dit tout haut Boileau, que
La Fontaine est un grand coquin ».
Puis il continua longtemps à médire de
La Fontaine sans que celui-ci s'en aper-
çut. Tout le monde éclata de rire. On
lui dit enfin qu'il devait moins que les
autres condamner les « apartés » puis-
qu'il était le seul de la compagnie qui
n'avait rien entendu de tout ce qu'on ve-
nait de dire si près de lui -
—————————— --
L'Administration
de la Marine
LE PROJET DE REORGANISATION
C'est aujourd'hui l'échéance. M. le prési-
dent du conseil a solennellement promis, en
effet,de déposer avant la fin de janvier, au
plus tard, sur le bureau de la Chambre, un
projet complet de réorganisation de la ma-
rine.
Nous ignorons quel est ce projet, et quel
est le bilan « dressé » par M. Picard.
Mais puisque M. le ministre de la ma-
rine doit, paraît-il, présenter — notamment
— une demande de crédit de 350 millions
pour la mise en chantier de cuirassés, nous
pensons lui être agréable en reproduisant
— en guise de préface — l'opinion de M.
Clemenceau lui-même, sur l'utilité de la
construction de ces navires.
Soixante-douze millions à la mer ! M. de
Lanessan vient de mettre en chantier deux
cuirassés, ;'d"un déplacement de près de
15.000 tonnes, dont le prix de revient est,
pour chacun de 35 millions et demi. Je ne
discute pas le prix qui est certainement
faux. L'un des bateaux est construit par
l'Etat, l'autre est donné à l'industrie privée.
Or tous deux sont prévus au même prix.
Chacun sait cependant que les arsenaux de
l'Etat ne comptent pas leurs frais généraux
et que le prix de revient - pour dérouter
les contribuables et rendre impossible le
contrôle de leurs mandataires — comprend
seulement les salaires ouvriers et le prix
d'achat des matières premières. Une société
industrielle qui ne ferait entrer dans son
prix de revient ni le montant de ses retrai-
tes, ni ses loyers, ni le salaire de ses in:.
génieurs, irait tout droit à la faillite. - Le
contribuable français s'accommode de tout,
et les Chambres ne sont là, si fose pronon-
cer ce mot, que pour le décor.
Pour ce qui est de la défense, il est établi
depuis longtemps que la plus sûre manière
de maintenir notre infériorité navale au re-
gard de l'Angleterre est de nous acharner
dans la construction de quelques-uns de ces
mastodontes qu'un coup de torpille peut
faire en trois minutes disparaître sous les
flots.
Dans six ans, les nouveaux cuirassés file-
ron dix-huit nœuds, résultat appréciable
quand on voit que, cette année même, les
Anglais mettent, non pas en chantier, mais
à flot, sept cuirassés, type Duncan, qui don-
nent 19 nœuds.
A supposer que l'on construise iles cui-
rassés dans six ans, lorsque les deux nô-
tres entreront en service, les Anglais au-
ront dépassé leur vitesse actuelle de 19
nœuds. Quant à la vitesse de 18 nœuds.
Elle est atteinte et même dépassée depuis
deux ou trois ans par une vingtaine au
moins de cuirassés anglais.
Tels sont les progrès de notre marine,
alors que l'impossibilité de tenir à la fois
le premier rang sur terre et sur mer, nous
incite si manifestement à donner le maxi-
mum de puissance à la force de destruc-
tion offerte par les engins nouveaux contre
des adversaires qui présentent une si large
surface de front invulnérable.
Mais loin de favoriser le développement
d'offensive de la torpille, nos amiraux ont
résisté le plus longtemps possible, comme
on sait, à l'emploi des torpilleurs. Rien n'a
chiangé depuis ce temps. et tout l'effort des
archevêques de la rue Royale s'applique au-
jour'dhui à décourager la construction des
tcrrpilsleum-tyfongcurs, tyits bateaux, sous-
marins, qui portant la mort à coup sûr
dans l'escadre ennemie, nous rendraient in-
vulnérables.
(Le Bloc, 14 avril 1901.)
Nous prions M. le ministre de la marine
de ne pas déranger son chef d'état-major
général pour nous porter ses remercie-
ments.
■ -m.s
MOBILISAI ION
DES "DJEBEL-OUENZISTES"
D'Alger la Blanche, capitale de notre
Vice-roi « magnifique », on télégraphie aux
Débats :
Le vote de la Chambre qui a ajourné la dis-
cussion du projet relatif aux minières de l'Ou-
enza afrès le vote de l'impôt sur le revenu, a
suscité une vive émotion dans la cololie. Les
journaux déplorent qu'une campagne des plus
violentes et dont le but est trop clair se pour-
suive, alors qu'on refuse au gouverneur général
le moyen de faire éclater la lumière et :a vérité
à la tribune.
Les présidents des quatre délégations finan-
cières, colons, non colons, arabe et kabyle, ont
décidé de convoquer pour lunii prochain, à une
réunion générale et privée tous les membres
des Délégations. Ils veulent dans un appel au
Parlement insister sur le préjudice irréparable
que causerait à l'Algérie le rejet des projets de
M. Revoit, confirmés par M. Jonnart.
« Le dommage matériel serait considérable,
disent-ils ; le dommage moral plus considérable
encore. les hommes d'affaires sérieux -:!le trai-
teraient plus avec l'Algérie. «
En publiant la lettre des quatre présidents.
les journaux font ressortir qu'on ne pourrait
citer un seul contrat de concession de mine où,
comme pour l'Ouenza. le gouvernement ait exi-
gé de plus sérieuses garanties en vue d'assurer
rendant toute la durée de la concession, la pré-
pondérance dans l'entreprise aux intérêts fran-
çais et une direction exclusivement française.
On voit que M. Jonnart n'a pas perdu
son temps dès son retour dans sa Vice-
Royauté. n ne s'occupe donc .pas exclusive-
ment - ainsi que le lui reprochait M. Cle-
menceau — de « mobiliser la iésuitière an-
tisémite contre les républicains restés fidè-
les à leur idéal de justice et de vérité. »
Sa Majesté s'emploie de son mieux à
« renforcer » le dossier de la détestable af-
faire, dont elle a daigné se constituer le
vice-royal avocat.
Pensez donc, messieurs les députés,
même les Kabyles qui 6"émeuVent à ter
pensée que le Trust international de la Mé-
tallurgie n'aura pas son chemin de fer pour
exploiter sa mine et sa minière 1
C'est grave. très grave 1..
Cependant MM. Krupp et Cie ne peuvent
s'empêcher de sourire derrière la culasse
de leurs canons francophiles 1
A LA CHAMBRE
L'Affaire des Officiers de Laon
..te c..
L'interpellation de M. de Ramel. — La liberté de conscience
dans l'armée. — Vif incident entre MM. Clemenceau
et de Pressensé. - Les ordres du jour.
M. Brisson préside.
Le vendredi a été consacré entière-
ment à discuter les intérpellatioins de
MM. 'de Ramlel et de Pressensé sur l'af-
faire des officiers de Laon. Le public
des tribunes était nombreux, et la
Chambre au complet.
M. de Ramel se plaint, de la surveil-
lance policière exercée dit-il sur les offi-
ciers.
M. de Ramel. — La mesure prise à l'é-
gard des officiers de Laon n'est qu'une éta-
pe dans la voie qui précipite le gouverne-
ment vers la tyrannie.
Rarement cet esprit de tyrannie s'est ma-
nifesté avec plus d'éclat que dans les faits
du 8 novembre, qui ont motivé, à Laon, le
déplacement de trois officiers et la mise en
non-activité de deux autres.
Y avait-il donc matière suffisante à Irap-
per des officiers parce qu'ils avaient assisté
à la messe du 8 novembre, à la cathédrale
de Laon ? On veut justifier ces mesures ini-
ques, on se réfugie dans les arguties.
Qu'importe que la messe de onze heures
ou de onze heures et demie, à laquelle ils
assistaient, fût aussi celle à laquelle se
pressaient des pèlerins. Et l'allocution de
l'évêque, M. Pécnenard, qu'on reproche aux
officiers d'avoir écoutée- sans même protes-
ter par leur départ, avait-elle donc un ca-
ractère politique ? Non pas, elle était pure.
ment philosophique et religieuse ; elle por-
tait sur ce texte évangélique : « La vérité
vous délivrera. »
Mais derrière chaque colonne de l'église
se dissimulait "un policier ; qu'il fût inintel-
ligent ou ignorant, il a transposé à l'époque
actuelle l'histoire du temps de Constantin
que racontait M. Péchenard, et ce sont ces
policiers qui ont dénoncé au préfet les offi-
ciers. Ceux-ci, au bas de l'église, loin de
la chaire, n'avaient même pas entendu l'o-
rateur.
DISCOURS DE M. DE PRESSENSE
M. ide Pressensé, qui voit égale.m.e,nt.
dies excuses à la faute commise par les
officiers de Laon, parle au nom de la
liberté scoiale, après M. de Ramol qui
a parlé au nom de la liberté (religieuse.
Il critique aeve sévérité l'attitude du
gouvernement :
Je compte montrer le paradoxe doulou-
reux qu'il y a entre les actes de certains
ministres et leurs déclarations d'hier, qui
vibrent encore dans le souvenir ému de
ceux qui étaient leurs amis.
M. de Pressensé reproche au général
Picquart de ne plus avoir le même res-
pect qu'autrefois pour la liberté :
Il y a dix ans, une poignée d'hommes a
cru a une grande cause, lis ont cru lutter
pour la justice, pour la France, pour ce
pays, au nom de qui on n'a pas le droit de
commettre de crimes.
Ils avaient senti quon ne pouvait nouie-
verser ce peuple que pour le protéger désor-
mais contre toute atteinte à la liberté, et
non pas se borner à une anecdote- limitée.
Nous avons alors affirmé hautement la
liberté d'opinion dans l'armée. Nous l'avons
affirmée plus tard au nom d'une ligue de
100.000 hommes, comprenant alors le lieute-
.nant-colo-nel Picquart. Nous avons obtenu,
au nom de cette liberté d'opinion, du géné-
ral de Galliffet, ministre de la guerre, la li-
bération d'un soldat frappé pour délit d'opi-
nion. Nous l'avons obtenue pour un autre
qui avait fait entendre ce cri alors sédi-
tieux, car les délits changent avec les épo-
ques, de cc Vive Picquart ( »
Arrivés au pouvoir, ceux qui défendaient
hier ces idées avec nous se font les repré-
sentants de la société dans ce qu'elle a de
mauvais, dans ce qu'ils condamnaient hier
chez elle.
Il y a deux choses que pour ma part Je
ne puis pardonner.
La première, c'est quand on a passé sa
vie à travailler à élever une barricade, de
passer à la fin de ses jours de l'autre côté
de la barricade pour garder le pouvoir.
La seconde, qui sera comprise de ceux-là,
et il y en a même aux bancs du gouverne-
ment, qui ont quelque culture musicale,
c'est qu'il est quelque chose de plus mélan-
colique que le Crépuscule des Dieux, c'est
l'Eclipse des héros, (Applaudissements à
l'extrême gauche.)
Cela gâte le passé, et cela corrompt l'a-
venir.
Qu'avez-vous fait, colonel Picquart, de la
liberté d'opinion dans l'armée ? On vous
réclamait, tout à l'heure, la libre commu-
nication entre le colonel et le Breton reli-
gieux. Où est celle entre le colonel et le
soldat prolétaire du faubourg ouvrier ?
DISCOURS
DU MINISTRE DE LA GUERRE
Le général Picquart nie que la moin-
dre atteinte ait été portée aux droits des
officiers catholiques.
S'il s'était agi à Laon, de l'exercice du
culte, auquel c'est le devoir des catholiques
d'assister, nous n'aurions point eu à inter-
venir, mais il s'est agi d'une manifestation
toute différente.
Dans le petit village où j'ai passé mon
enfance, lès exercices du culte luthérien al-
ternaient avec ceux du culte catholique. Au
lendemain de Wissembourg, les obsèques
du général Douay y étaient suivies à la fois
par le curé, le pasteur protestant et le rab-
bin.
Voix à droile. — Eh bien, la conclusion ?
Le général Picquart. - C'est que vous
avez rendu impossible la tolérance.
Quels sont les faits ?
Le 8 novembre se tenait, & Laon, le con-
jurés de l'association de la jeunesse catholi-
que française. On sait quelle est la ten-
dance politique de cette association politi-
que. Le but est de battre en brèche les con-
quêtes de TEtat laïque.
A 11 heures, avait lieu à la cathédrale la
« messe du congrès tI ; des cartes d'invita-
tion l'indiquent en toutes lettres.
M. Allard. — Dans un édifice mis pal
vous à la disposition des organisateurs
Vous êtes leurs complices et vous leur fai-
tes des reproches. (Riras et mouvements
divers.)
Le général Picquart. — On m'a dit que
les officiers s'étaient rendus à leur me
habituelle. Mais comment auraient-ils
ignoré ce qui se passait ? 11 y 1 £ quatre ou
cinq cents jeunes gens qui s'étaient rendus
à la messe, musique en tête, précédés d'un
drapeau sur lequel brillait, dit la Semaine,
religieuse, l'image du Christ rédempteur.
Cinq officiers m'ont été signalés comme
ayant assisté àcette messe, et deux autres
aux travaux du congrès, l'après-midi, au
pavillon des œuvres.
Les officiers ont donc en réalité par-
ticipé à une manifestation cléricale, et
c'est avec justice qu'ils ont été frappés.
INTERVENTION DE M. MAGNIAUDE
M. Magniaudé intervient au nom de
la représentation républicaine de l'Ais-
ne :
M. Magniaudé, — M. de Ramel a appor.
té ici les récits des journaux réactionnaires
qui on't travesti les faits.
M. de Ramel. — Mes informations ve.
naiènt de toute autre source que les jour-
naux.
M. Magniaudé. — Je m'étonne que M. de
Pressensé soit intervenu en faveur des of-
ficiers de Laon, quand je fus seul ici, jadis,
à défendre le capitaine Nercy, mis en dis-
ponibilité pour avoir dit simplement qu'il
ne tirerait jamais sur le peuple et qui, de-
puis, est mort de misère-
Pour moi, à propos des incidents de
Laon, j'ai été traité de casserole (RirôSJ-t
moi qui ai toujours été l'adversaire de ce
qui ressemble à la délation. r
L'évêque de Soissons, arrivé chez nous il
y a deux ans, y fut reçu par-les cercles,
groupements et associations catholiques.
On détela sa voiture pour le porter en
triomphe. Depuis, partout où: il passe, ses
réunions ont l'allure de réunions publiques
où il fulmine contre les: lois de la Républi-
que, l'enseignement laïque et le gouverne-
ment.
M. Lasies proteste contre la thèse du
ministre de la guerre :
M. Lasies. — A Laon voue n'aviez pas
le droit de punir les oificiers pour être allés
à une messe, cérémonie publique, même
célébrée par l'évêque, et avoir cntendU-l,Ulf}
allocution quelle qu'elle fût. Si cette allo-
cution était délictueuse, il fallait poursui-
vre l'évêque et non ses auditeurs.
Quant à ceux .qui ont assisté à une séan-
ce du congrès, le ministre s'est retranfiàé
derrière des arguties.
Nos officiers sont majeurs enfin ; il tant
qu'ils soient dans la dépendance de leuiW
supérieuns hiérarchiques. Nous croyions
que' c'était déjà fait.
: M. BALLANDE INTERPELLE
M. Ballande obtient l'autorisation de
développer son interpellation sur les
obsèques du cardinal Lecot. Il s'agit,
là encore, de la liberté des officiers.
M. Ballande. - Un ordre arrivé de Pa.
ciers de suivre en tenue le cortège furièfere
du cardinal Lecot à Bordeaux. De q-
droit cette interdiction insolite ?
D'autre part, les mesures prises uiîf
abouti à bloquer chez eux les habitantsMu
centre de la ville-
A Paris, ville autrement révolutionnaire
que Bordeaux, on n'a jamais éprouvé le
be-soin de mettre sur pied toute la garnison
pour empêcher le public d'approcher.
Qu'est-ce que cette inconvenance iaouïe
consistant à ordonner à la troupe de tour-
ner le dos au cortège ?
M. Clemenceau. — Cet ordre n'a jamais
été donné.
M. Ballande — Alors comment cette m-
ris, dans la nuit, a interdit à tous les effi-
eonvenance a-t-elle été commise ? Il y a
eu dans cette circonstance une double at-
teinte à la liberté des officiers et de la po-
pulation bordelaise.
DISCOURS DE M. CLEMENCEAU
Le président du Conseil s'attache
à répondre aux critiqués de M. Ballan-
de :
M. Clemenceau. - Lors de la mort du
cardinal Lecot, un personnage autorisé
avait prévenu que l'affluence de population
pourrait occasionner des accidents. J'ai
donc donné des ordres pour que des barra-
ges fussent prescrits. Mais pour qu'il n'y
eût pas dans ce déploiement de troupes une
sorte de manifestation cultuelle, j'ai pres-
crit que les barrages fussent établis au loin.
Quant à avoir donné aux troupes l'ordre
de tourner le dos au cortège, je ne pouvais
en avoir l'idée. Je ne l'ai pas donné.
M. Ballande. — Qui dQnc, alors ?
M. Clemenceau. — Mais ce. que je doia
dire, en rentrant dans le précédent débat,
c'est que, toujours, l'Eglise a excellé, sous
c'est que, d'actes religieux, à organiser des
prétexte
manifestatioms politiques. (Applaudisse-
ments à gauche.) Cela, nous ne le voulons
pas. Nous l'avons poursuivi à Laon. Nous
le ferons encore.
L'Eglise a toujours cherché à mettre la
main sur les officiers-
VIF INCIDENT
A ce moment, se produit un vif in-
dent entre le président du Conseil et
M. de Pressense.
M. Clémenceau dirige en effet unie
attaque contre le député socialiste,et
veut te montrer en contradiction avec
lui-même :
Je m'étonne d'autant plus de l'interven-
tion de M. de Pressensé, aujourd'hui, que.
le 20 avril 1903, la Ligue des droft. de
l'homme volait un ordre du jour protestant
contre l'insuffisance ridicule des mesure?
prises à l'égard des officiers signalés com-
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