Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-03-09
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 mars 1906 09 mars 1906
Description : 1906/03/09 (N13146). 1906/03/09 (N13146).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75460707
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
N 13143. — 18 VENTOSE AS 114
CINq cssmaixa ls :'t'CREnG
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VENDREDI 9 MARS 1908.:
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS -
hMt TiibMb IhMk A m
fcaris 2 fr. 6fr. 9fr. la trà
Départements.. - 6— Il - 20 -
llnion Postale. 3— 8 - i8 32—»
OlRECTEUR POLITIQUE: CmBlES BOS
ANNONCES:
■M. CH. LAGRANGE, CERI» A O»
t, Place de la Bourse, 6
CT AUX BUREAUX DU JOURNAL
Secrétaire Général : A.-F. CECCALDl
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ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL. - TÉLÉPHONB 102.81
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LA DÉI SSION DU MINISTÈRE Ro UVI ER
LA CHUTE
Le ministère Rouvier est tombé. Il
pouvait encore durer, bien qu'il traî-
nat depuis quelque temps une exis-
tence misérable. Il fallait que son chef
dit un mot décisif : ou il était contre
la continuation des inventaires ; ou il
était pour. Il n'a pas su le dire. Il a
répondu non, d'abord, oui, ensuite,
si bien que tout le monde a compris à
merveille que le cabinet n'avait pas
de politique.
M. Ribot lui avait pourtant tendu lft
perche. « Assurez-nous donc que vous
allez arrêter ces tracasseries ridicules
qui amènent des effusions de sang. Et
nous votons avec vous. »
M. Ribot avait raison. Les inventai-
res, plutôt fictifs que réels, se font
d'une façon odieuse. Sont-ils néces-
saires ? Personne n'oserait le soutenir.
Il fallait, d'ailleurs, les ajourner jus-
qu'à la dévolution des biens aux asso-
ciations cultuelles. A-t-on vraiment le
droit, pour quelques chaises et quel-
ques chandeliers de fer, d'ameuter la
population, defroisser leurs sentiments
religieux et de tirer sur la foule ? Je ne
connais aucun inventaire qui vaille la
vie d'un seul citoyen.
***
On pouvait inventorier les trésors
connus des grandes églises, empê-
cher la vente des œuvres d'art, des re-
tables, etc., mais bouleverser les cam-
pagnes pour recueillir sur un registre
la nomenclature de bancs, de confes-
sionnaux et de chasubles, vraiment
c'était trop et ce n'était plus appliquer
la loi dans un sens libéral.
D'ailleurs, l'inventaire était tout fait.
U existe dans chaque mairie, Alors, à
quoi bon ?
C'était là du bien mauvais Rouvier.
On devinait à de nombreuses impa-
tiences, à un énervement inaccou-
tumé, à des éclats de voix intempestifs
que le président du conseil en avait
assez. Evidemment, ces brimades ne
sont pas dans son caractère. Il ne les
a acceptées que parce que, faible de
son naturel, il cédait aux gens qui
pesaient sur lui.
Il est tout de même singulier qu'une
sorte de soupir de soulagement ait été
poussé par tous les partis lorsqu'il a
été mis en minorité. 34 voix. C'est une
belle minorité, en effet.
.**
Chose étonnante ! Et comme on voit
que la Mi-Carême est proche 1 Le mi-
nistre est tombé après que la Cham-
bre avait voté l'affichage du discours
de Du bief.
Dirai-jeqaela chute était inattendue?
Non. Elle était prévue et escomptée.
Lo ministère n'aurait pas été renversé
sur les inventaires qu'il l'eût été de-
main sous une autre question. L'équi-
voque ne dure jamais bien longtemps.
Et à force de jouer à la balançoire, on
Unit par se rompre le cou.
.**
Les élections sont proches. Tout le
monde était inquiet. Pas de plate-forme
électorale en réalité. Un malaise géné-
ral ; la question religieuse à l'état
aigu ; les passions surexcitées. On ne
pouvait donner la parole au suffrage
universel dans de pareilles conditions.
D'autant que beaucoup de républi-
cains eux-mêmes ne paraissent pas
rassurés. Les inventaires, ordonnés
presque au moment où la période
électorale s'ouvrait, ont provoqué une
telle émotion et les troupes, chargées
d'assurer l'ordre, ont dû obéir à des
instructions tellement brutales qu'on
s'aperçoit aujourd'hui combien il est
dangereux de toucher, même sans le
vouloir, aux croyances des popula-
tions attachées à leur foi
Tout cela rend rêveur. La Répu-
blique se serait-elle trompée? N'au-
rait-elle pas dû négocier avec Rome?
Ne jsera-t-elle pas obligé de le faire
pour que la séparation soit plus faci-
lement acceptée ? Ces questions se
posent aujourd'hui avec un caractère
suffisamment impérieux pour que je
n'insiste pas.
.**
Dans tous les cas, on ne peut, sous
quelque prétexte que ce soit, songer à
continuer les inventaires.
Que fera M. Fallières? C'est pour la
première fois qu'il a un ministère à
former. Un cabinet combiste est im-
possible. Il n'aurait pas de majorité, et
ce serait un cabinet de combat qui
allumerait tout de suite la guerre reli-
gieuse. Un cabinet avancé, sans s'ins-
pirer de la politique du prédécesseur
de M. Rouvier, ne réussirait pas da-
vantage. On ne voit guère qu'un mi-
nistère composé d'hommes pacifiques,
radicaux ou tout au moins à tendances
radicales, n'ayant qu'un souci, celui
de réconcilier les républicains sans
tenir compte des exigences impatien-
tes des exaltés, tant de droite que de
gauche.
Nous serons, j'imagine, bientôt fixés
et il importe que nous le soyons. A
deux mois des élections, une crise mi-
nistérielle ne saurait durer longtemps.
CHARLES BOS.
-- ———————————————— TTl
LES ON-DIT
LES DIPLOMATES SE VANTENT
M. de Tattenbach disait hier
à un rédacteur de l'Agence Ha-
vas : « Les polémiques de presse
font beaucoup de mal et retar-
dent la solution. Sans la presse,
nous serions arrivés à cette so-
lution en quinze jours. Pourquoi les jour-
naux ne nous laissent-ils pas travailler
tranquillement ? »
Les diplomates se vantent: s'ils étaient
en état d'aboutir en quinze jours, ils abou-
tiraient dans ce laps. Rappelez-vous les
conférences de Portsmouth, pour le traité
russo-japonais ; est-ce que les « indiscré-
tions » de la presse, — lesquelles ne sont
pas autre chose que la publication de ren-
seignements consentis par leurs auteurs
— est-ce que les publications de la presse,
dis-je, ont gêné quelqu'un ou quelque
chose ?
Mais les diplomates tiennent beaucoup à
ce que l'on se figure qu'ils existent ; ils se
vantent; ils sont d'intelligents agents de
transmission, mais ils ne sont pas autre
chose que ceci : des courroies dé trans-
mission.
Autrefois, — au temps d'Homère — on
leur disait: « Va et dis à un tel ceci, etc. ))
Ils partaient, et ils récitaient mot pour mot,
et sans modifier une syllabe, - car ils
avaient bonne mémoire, — ce qu'on les
avait chargés de réciter.
Aujourd'hui, on leur dit: Je veux obtenir
60 pour ioo du total que voici ; marchan-
dez au mieux pour arriver à ce chiffre. Ils
partent, demandent 120 pour 100 au début
et finissent par accepter 58. C'est ce que
toutes les marchandes de volailles savent
réussir en leurs rapports avec les cuisiniè-
res et avec les petites bonnes.
Mais ni cuisinières, ni marchandes de
volailles, ni petites bonnes n'oseraient
crier aux passants :
- Allez-vous en, c'est parce que vous
nous regardez que nous n'arrivons pas à
nous mettre d'accord.
Au fond, les diplomates savent bien,
tout comme les cuisinières, que, si l'accord
ne se fait pas, ceux qui les regardent dis-
cuter n'y sont pour rien.
LE PROGRÈS
Ne plaisantons pas : chaque jour du 208
siècle se signale par un nouveau progrès.
Exemple : On ne connaissait jadis que
trois maladies éruptives : la scarlatine, la
rougeole et la rubéole. On vient d'y ajou-
ter le mégalerythème épidémique, espèce
de fièvre éruptive spéciale, à poussée con-
gestive seulement vers les téguments ex-
ternes.
Le voilà bien, le progrès r
BÉVUES ACADÉMIQUES
Ils sont quarante, au bout du Pont des
Arts, qui sont b. comme soixante, dit la
chanson de Raoul Ponchon. En voulez-
vous cent preuves choisies ? Vous n'avez
qu'à ouvrir le Dictionnaire qu'aca.démi-
que on nomme. M. P. Clairin, membre du
Conseil supérieur de l'Instruction publi-
que, a eu l'idée de publier un recueil d'exer-
cices nouveaux, dont les exemples sont
pris du fameux lexique. Glanons quelques
traits délicieux de l'état d'esprit de nos
immortels :
« Frère, dit l'Académie, est le titre que
tout religieux prend dans les actes pu-
blics ».
Exemples : dom Calmet, le Père Di-
don 111
Blé ergoté, se dit de éertains grains
noirs qui, dans les épis de seigle, sont al-
longés en forme d'ergot.
« Corniche. Tout ornement saillant qui
règne au-dessus d'un plafond. » Une cor-
niche - au-dessus - d'un plafond, Je - n'ai ia-
mais vu ça 1 -
« Bossu — dérivé du latin Gibbosus »
(comme cheval vient d'equus).
« Caractéristique — la lettre qui se con-
serve dans les dérivés d'un mot comme
le p dans les dérivés de corps. (Exemples:
corsage, corset, corser, dérivés de corps).
Pour finir — car ils sout trop — la bar-
be, d'après les quarante:
« Barbe. Poil du menton et des joues.
« iWowltache. Partie de barbe qu'on laisse
pousser au-dessus de la lèvre supérieure
(Comment peut-on laisser pousser au-des-
sus de la lèvre supérieure le poil du men-
ton et des joues ?) »
AU JARDIN DES PLANTES
Il y a foule, en ce moment, au Jardin des
Plantes. Les familles vont faire une cure
d'altitude au labyrinthe. La rotonde des
éléphants est toujours assiégée. Sahib,
l'éléphant meurtrier, se montre d'une hu-
meur charmante; on jurerait qu'il désire
effacer le souvenir de son méfait. Il fait le
beau à volonté, ou l-aposie restante, ne se-
coue plus ses barreaux et onre gentiment
sa trompe aux enfants munis de friandises.
Par contre, le lion et la lionne d'Abyssinic
semblent ressentir les effets de ce coquin
de printemps ; on a dû les sêpaear et ils
rugissent à ébranler lejir rage, Lea pan-
thères ont mal aux dsnts.Les singes, cruel-
lement éprouvés par le long hiver que nous
avons traversé, ne se hasardent pas à sor-
tir de la puante retraite où ils languissent.
Quand donc se décidéra-t-on à leur assurer
une baraque plus confortable? Toujours
remis aux calendes, le fameux plan de re-
construction de la Ménagerie. A peine a-t-
on esquissé quelques minces réparations
aux bâtiments, d'ailleurs tout neufs, de
l'hivernage et encore il s'agissait d'une
cheminée qui fumait.
Le Passant.
Ll CRISE MINISTERIELLE
A l'issue de la séance de la Chambre, les
ministres se sont rendus au ministère des af-
faires étrangères et, réunis sous la présidence
de M. Rouvier, ils ont décidé de démis-
sionner.
M. Rouvier ira dans la soirée remettre à M.
Fallières la démission du cabinet.
La majorité de 267 voix qui a renversé le
cabinet Rouvier compte la droite tout entière,
la moitié des républicains progressistes avec
M. Ribot, la plupart des socialistes et un cer-
tain nombre de radicaux-socialistes.
D'autre part, l'Agence Havas communique les
notes suivantes :
A l'issue de la séance de la Chambre, les
ministres se sont réunis au ministère des af-
faires étrangères en conseil de cabinet. Ils
ont signé leur lettre de démission, que M.
Rouvier a portée immédiatement à M. le Pré-
sident de la République.
A l'Elysée
M. Rouvier a été reçu à 8 h. et demie par
M. le président de la République, à qui il a
remis la démission du cabinet.
M. Fallières a accepté cette démission et a
prié les ministres de rester en fonctions pour
l'expédition des affaires courantes.
Il recevra demain matin, à l'Elysée, M. An-
tonin Dubost; président du Sénat qu'il con-
sultera sur la situation politique. Il fera en-
suite mander M. Paul Doumer, président de
la Chambre.
♦ ■■ -
NÈCROPHILIE ET SUPERSTITION
(De notre correspondant particuUerj
Posen, 7 mars.
La police a arrêté un propriétaire à Mos-
chin, qui coupait et enlevait les têtes des ca-
davres qu'il déterrait au cimetière. Il croyait
que c'était un moyen de conserver le bétail
en bonne santé et de le préserver contre les
sortilèges.
POUR UN QUI SOUFFRE
Deuxième liste
Mme Hupé, 93, rue Denfert-Roche-
chereau ., 20 »
Mlle Marguerite Bodin, institutrice à
Versailles, auteur des Surprtses de
l'Ecole mixte. 5 »
E. P., avenue de la République. 5 »
Albert et Elie Sineux fils, 20, avenue
de l'Opéra. 20 »
Adler, artiste peintre 5 »
Jacques May, secrétaire de l'Auto 5 »
C. Lèjeube, avocat, homme de lettres 5 »
F. Lefèvre, président du Conseil d'ad.
ministration du Rappel. - 10 »
Jean Destrem, rédacteur au Rappel.. 5 »
ACeccaldi, - - 5 »
Hugues Destrem .-- - 2 »
J. Lecocq - — 2 »
X. - — 2 »
X. — — 2 »
S. Csapo - - 2 »
E. Casanova - - 2 »
Marville, boucher, rue Clignancourt. 2 »
Daragon, impr.-éditeur, 30, rue Du-
perré, Paris 10 »
G. Sch.-Gros-Noyer. 5 »
R. Bergeron, receveur-buraliste à
Argeot(Cber). 2 »
Ad. Geoffroy, Paris 5 »
Frédéric Boussard, 26, rue Fessart,
Belleville. 2 »
Troussot, à Boulogne. 2 »
Mme Moutié, rue Demours, Paris. 5 »
Léon Riotor, homme de-lettres 5 »
135 »
Montant de Ta 1" liste. 160 »
2 9 »
29;) »
Merci à tous pour ces touchants témoigna-
ges de solidarité. Il ne reste plus à faire qu'un
bien léger effort, et l'infortuné poète et sa
vieille maman vont pouvoir bientôl renaître
à la santé, au travail, à la joie. — G. de V.
LES maRïAGES RELIGIEUX
Rocroi, 7 mars.
L'abbé Ludet, curé d'Eteignères, qui avait
célébré deux mariages religieux avant que les
cérémonies Civiles aient eu lieu, était pour-
suivi hier devant le tribunal correctionnel
pour infraction à l'article 199 du code pénal.
L'inculpé s'est défendu lui-même. Il a dé-
claré qu'il voulait faire juger la question de
principe. Suivant loi, le Gonc.ordat ayant été
dénoncé et l'Etat ne reconnaissant plus aucun
culte, l'articlo serait implicitement abrogé.
L'abbé Ludet revendique, en conséquence,
pour les ministres du culte, le droit de célé-
brer les mariages religieux sans se préoccu-
per du mariage civil.
Le procureur. M. Goffinet, a soutenu que
cet article n'était nullement abrogé, la Parle-
ment avant repoussé des amendements dans
ce sons et l'esprit de la loi indiquant que
l'article doit survivre à la rupture du Con-
cordat.
La législature a voulu empêcher la substi-
tution de l'acte religieux à l'acte civil, en ce
qui concerne lo mariage, dans un intérêt
d'ordro public.
Lo procureur a demandé en terminant
pour l'abbé Ludet une condamnation légère.
Le jugement a été renvoyé à huitaine.
A SANCERRE
Vrais et faux républicains
M. Foucher Cousin, conseiller général du can-
ton d'Henrichemont.nous adresse, avec prière d'in-
sérer, la note suivante :
Vrais et faux républicains,
Nous sommes à la veille des élections :
Le moment est grave 1 la situation cri-
tique :
Grande partie à jouer:
Si nous sommes de véritables Républicains
nous devons suivre les principes de la Démo-
cratie :
Liberté, Egalité, Fraternité.
Méfiez-vous: tous les Républicains qui dé-
sirent remplacer le citoyen Henry Maret sont
de la couleur d'Arlequin, et se moquent de
Colombine pour arriver à leurs fins.
Votre député actuel a compris ses devoirs
d'homms libre. Personne ne pourra le faire
dévier de ses sentiments de liberté d'enseigne-
ment, liberté de conscience, liberté pour tous
— sans pression, sans froissement: les seuls
moyens pour faire aimer le gouvernement de
la République: quelques insensés le traitent de
Réactionnaire, parce qu'il ne veut pas descen-
dre aux aberrations des uns, et aux désirs
irréalisables des autres.
Je vous le répète, gara au casse-cou.
Si vous voulez la tranquillité,la bonne ges-
tiou de vosafIaires, le respeci de vos revendi-
cations, en un mot être libre sous le gouver-
nement de tous par tous, n'hésitez pas :
Votez pour Henry Maret. Vous prouverez une
fois de plus que vous marchez avec le progrès
et la liberté :
FOUCHER COUSIN.
CHRONIQUE
Les pansements payants
UNE NOUVELLE CIRCULAIRE DE L'ASSISTANCE
PUBLIQUE.
Dans notre sièle d'activité, de labeur, de
travail, de production et partant d'impôts
chacun songe à équilibrer son budget.
Chacun songe à diminuer ses charges pour
augmenter son bien-être, pour jouir un
peu plus pour soi-même du gain acquis.
Il en est de même des grandes adminis-
trations.
Si les petits ménages ont des charges,
quelques impôts à payer ou des vieux pa-
rents à aider, l'Assistance publique, elle,a
tous les vieux à ne pas laisser mourrir de
faim, tous les enfants abandonnés à re-
cueillir, tous les malades à soigner, tous
les chroniques à guérir et tous les tuber-
culeux à rendre à la vie.
Je sais- bien que l'Assistance publique
est riche, très riche même, c'est une sorte
de grande pauvresse qui cache sa fortune
aux regards indiscrets. Sa boule de neige
va croissant sans cesse, car d'année en an-
née elle accumule legs sur legs, héritage
sur héritage, succession sur succession.
Elle a des ressourcts multiples pour ne
pas dire infinies. Elle a un portefeuille
pansu, rembourré, gonflé à crever, éva-
lué à 230 millions, des terrains pour
14.700.000 truelle prélève par an 3.600.000
francs comme droit des pauvres. C'est un
des plus beaux services de l'Assistance
publique, qui ne nécessite que 159.000 fr.
de dépenses par an et qui rapporte près
de 4 millions, quelque chose comme du
2.450 OjO.
Mais l'Assistance Publique, que l'on
peut comparer à un Rothschild adminis-
tratif, est très accueillante. Comme le
grand et philanthrope financier,elle ne re-
pousse jamais les malheureux. Elle doit
cela à son nom et son assistance est inhé-
rente à ses fonctions, elh assiste grande-
ment, très grandement, trop grandement.
C'est pourquoi nos édiles émus des dé-
penses sans cesse croissantes de l'A. P.
ont jeté le cri d'alarme. M. Ranson, le dis-
tingué rapporteur, a signalé les abus et les
remèdes à y apporter.
***
La récente circulaire de M. Mesureur
vient confirmer les assertions de nos con-
seillers.
De 1880 il 1903 les objets de pansement
et instruments de chirurgie utilisés dans
les hôpitaux ont varié de 400.000 francs à
1.600.000 francs. M. le conseiller Houdé a
signalé le gaspillage du coton hydrophile,
de la gaze, etc.., l'augmentation se tradui-
sant par une dépense supplémentaire de
1.400 fr. par jour. Il est vrai que la ban-
lieue déverse quotidiennement sur Paris
quantité de malades. Il est incontestable
aussi que la médecine nouvelle et les me-
sures prophylactiques prises pour éviter
la contagion imposent se surcroît de dé-
pense, mais ce qui est flagrant ce sont
tous les soins gratuits, tous les panse-
ments faits quotidiennement à quantité de
malades qui pourraient et qui peuvent dé-
sintéresser l'hôpital qui les accueille.
, Cette récente circulaire prévoit que cha-
que personne qui viendra se faire panser
dans un établissement hospitalier sera re-
devable de la somme de 0 fr. 75. 15 sous,
c'est pour rien, et ce sera beaucoup si, hon-
nêtemenl, chacun ne cherche à se dérober.
Il arrive journellement qu'en travaillant
on se coupe îe doigt, ou qu'en se prome-
nant, on reçoive sur la tête une belle-mère
à qui un gendre furieux apprend la trajec-
toire et la pesanteur des corps. Vous êtes
transporté dans un hôpital et pansé, non
pas pansé à la légère, mais lavé et relavé,
passé au sublimé, désinfecté. Vous en sor-
tez soulagé, presque guéri, la tête entourée
de bandelettes à rendre jaloux une momie.
Franchement, ne donnerez-vous pas les 15
sous de grand cœur ? Si, vous donnerez
même la pièce ronde sans en attendre la
monnaie.
***
Il est certain que l'on ne vous mettra pas
le couteau sur la gorge en vous disant :
Payez d'abord et vous serez soigné. Non.
Ceci est bon pour les offices religieux où
l'on vous dit : Payez et vous aurez des priè-
res. Payez, et elles seront d'autant plus
belles, d'autant plus durables qu'elles se-
ront subordonnées au prix convenu.
Votre pansement sera fait consciencieu-
sement, savamment, et si, une fois sou-
lagé, l'infirmière ou l'économe vous de-
mande si vous êtes en état de payer, je
suis, certain que nombre de malades don-
neront de grand cœur la somme exigible et
qui bien souvent sera inférieure au prix
des médicaments dépensés.
Cette mesure ne sera pas vexante pour
les gens peu fortunés. Pauvreté n'est pas
vice, chacun le sait. Mais elle permettra,
j'en suis sûr, de soulager d'autres malades
en dégrevant, oh ! pourtant légèrement, le
budget énorme de l'Assistance publique, ce
budget formidable qui constitue des fortu-
nes et qui pourtant, eu égard au nombre
de patients à soulager, est encore inférieur
à ce qu'il faudrait pour être tout à fait
efficace.
Paul Goguet.
A LA CHAMBRE
LE CABINET RENVERSÉ
t'affaire de Bœsehepe. — Les in-
ventaires. — Mèlée confuse,
M. Paul Doumer préside.
Des interpellations ont été déposées sur
les inventaires et notamment sur le triste
accident de Bœschepe, par MM. Plichon et
Henry Cochin, l'abbé Lemire et M.
Guieysse.
M.Plichon rappelle dans quelles circons-
tances l'accident s'est produit.
M. Plichon. — Hier, un homme de trente
ans a été tué. On a dit que la loi de séparation
était une loi de liberté et d'apaisement; jus-
qu'à présent c'est une loi de meurtre. (Ap-
plaudissements à droite.)
M. Guieysse invite le gouvernement à se
montrer ferme.
M. Guieysse. — La mesure qui a été prise
par le gouvernement pour surseoir aux in-
ventaires serait excellente. s'il n'y avait pas
des centres de résistance à la loi ; mais je de-
mande au gouvernement ce qu'il fera en ce
qui concerne les églises pour lesquelles il n'y
a pas d'anciens inventaires.
A Saint-Servan on a vu des officiers refu-
ser d'obéir aux réquisitions écrites de l'auto-
rité civile. Que diriez-vous si les soldats en
faisaient autant? Quelles mesures prendrez-
vous contre les officiers de Poitiers qui ont
félicité ceux de Saint-Servan ?
M. Etienne. — C'est inexact. Je ne l'au-
rais pas supporté un instant.
M, Guieysse. — Il s'agit de savoir si le
gouvernement de la République capituler de-
vant un souverain étranger. (Protestations à
droite.)
M. Briand, rapporteur de la loi de sépa-
ration, défend le principe des inventaires :
M. Briand, — Les populations sont fana-
tisées.
M. Lasies. — Non ! non!
M. Briand. — Elles croient défendre leur
foi. J'ai quelque admiration pour elles, car
elles sont sincères.
M. Lasies. — Nous aussi.
A gauche. - Non ! non 1
M. Briand. — J'ai le profond désir que
ces malheureux ne soient pas victimes de leur
erreur.
M. Charles Benoist. — De la vôtra.
(Très bien ! au centre.)
M. Briand. — En les atteignant, on n'at-
teindra pas les vrais coupables. Les vrais cou-
pables sont ceux qui, depuis des jours et des
jours, répandent le mensonge. (Vives protes-
tations à droite.)
On peut les entendre, quand le sang va cou-
ler, adresser des paroles à ceux qu'ils ont ex-
cités.
La responsabilité des événements douloureux
qui se produisent.
A droite. — Retombe sur vous.
M. Briand. — Si, dans l'application d'une
loi d'apaisement, vous voulez faire une loi de
meurtre, la responsabilité retombera sur vous
et les populations, fanatisées aujourd'hui, re-
connaîtront que vous avez abusé de leur cré-
dulité. (Applaudissements à gauche.)
Dans tout ceci, il est beaucoup moins ques-
tion de religion que de politique. (Vifs applau-
dissements à gauche, protestations à droite.)
M. Lasies reproche au gouvernement
d'avoir manqué de tact.
L'affichage du discours de M. Briand,
demandé par plusieurs voix, est voté par
307 voix contre 225.
On adopte la proposition de M. Charles
Benoist, ordonnant l'affichage; à la suite
du discours de M. Briand, du scrutin sur
l'article 3 de la loi de séparation.
DISCOURS DE L'ABSÉ LEMIRE
L'abbé Lemire prononce un discours très
modéré de forme et de fond, qui est ap-
plaudi jusque sur les bancs de la gauche.
L'abbé Lemire. - Les protestataires
n'ont eu .qu'un but, c'est de défendra leur
foi. La malheureuse victime n'est pas un clé-
rical ; ce n'était pas un agitateur profession-
nal; il voulait que le cura reste dans son
église, mais il venait défendre sa foi.
M. Jaurès disait, en Belgique, qu'il avait le
respect des convictions religieuses.
Le ministre de l'intérieur, le président du
conseil ne vont-ils pas trouver un moyen
pour que ces déplorables événements cessent?
Vous ne voulez pas de guerre de religion ?
Nous non plus. Nous voulons défendre la
France et la République, respecter la Consti-
tution et l'autorité. Nous savons respecter les
lois. Nous savons que certaines lois consa-
crent des injustices. Nous savons qu'il ya dos
lois pour lesquelles un parti a rompu un con-
trat parce qu'il était le plus fort, sans dire à
l'autre parti : « Vous êtes libre. » Mais nous
respectons les lois* Je demande au gouverne-
ment de respecter nos consciences, toutes Jel
consciences. (Applaudissements à gauche.)
DISCOURS DE M. DU BIEF
Voici le ministre de l'Intérieur à la tri"
bune :
M. Dubief. — Les inventaires, comme l'a
dit M. Briand, ne sont qu'une mesure conser-
vatoire, nullement attributive de propriété.
(Applaudissements à gauche.)
Pour éviter les incidents violents nous avons
pris des précautions. Mais il y a eu des exci-
tations. soit dans la presse, soit quelquefois
au Parlement. Le langage qu'a tenu le Père
Doré est à ce sujet significatif.
Pour les villes où il y a de la résistance, j'ai
demandé aux préfets de procéder à la fois aux
inventaires de toutes los églises afin de diviser
les manifestants. Nous avons diminué les
causes de conflit. Mais pouvions-nous incliner
la loi devant la rébellion? Non, messieurs.
(Applaudissements à gauche.)
Nous redoublerons de prudence, de précau-
tions ; mais la loi sera appliquée et il ne sera
procédé à aucune dévolution de biens tant que
l'inventaire n'aura pas été accompli. (Vifs ap-
plaudissements à gauche.)
M. RIBOT
M. Ribot lui répond. Il regrette que le
gouvernement ait rompu toute rclatioa
avec le pape et avec les évêques. Se tour-
nant vers la droite, il conseille le calme
aux catholiques.
M. Ribot. — Comme le disait M. Allard.
il ne fallait pas mettre en mouvement toute
l'armée française pour faire procéder aux in-
ventaires. Il n'y aurait que les violents pour
vous blâmer si vous arrêtiez l'effusion du
sang.
Dans quelques jours, les évêquâs de France
vont délibérer sur las intérêts de l'Eglise. Je
souhaite aue les conseils de sagesso préva-
lent. Je les engage à accepter la loi, car une
loi qui permet aux évêques de France de dé-
libérer sans contrôle sur les intérêts de l'E-
glisé et qui laisse au pape le droit de nommer
les évêques n'est pas une loi de vio!once,(Ap-
plaudissements à gauche.)
Avec cette loi, l'égliss catholique peut vivre
et prendre une place dans le domaine moral
en prenant contact avec les forces vivifiante#
de la liberté. (Applaudissements à gauche.)
La loi doit être appliquée. Mais l'apaise-
ment s'impose d'autant plus que nous som-
mes entourés de danger. Je le dis avec con-
fiance : pas de violence, car, ni d'un côté ni
de l'autre, il ne reste plus une faute à com-
mettre. (Applaudissements vifs ot répétés sur
un grand nombre de bancs. L'orateur en re-
tournant à son banc est vivement félicité par
ses collègues.)
M. Fiandin. - Je demande l'affichage du
discours de M. Ribot.
L'affichage du discours de M. Ribot est
ordonné par 275 contre 211.
M. Mill. — Nous demandons aussi l'affi-
chage des discours de M. Dubief et de l'abbé
Lemire.
M. Pasqual appuie cette proposition :
l'abbé Lemire, dit-il, est un démocrate, très
aimé dans le Nord où son discours produira
le meilleur elfe t
M. de Gailhard-Bancel. — Il vaudrait
mieux envoyer le Journal officiel à tous let
électeurs.
Après pointage l'affichage est ordonné
par 203 voix contre 184.
L'affichage du discours de M. Dubief.
ministre de l'intérieur, est également voté
par 313 voix contre 257.
M. Lerolle défend les catholiques contre
le reproche de violence. Plusieurs ordre.
du jour ont été déposés.
M. Rouvier. — Le gouvernement ne peut
accepter aucun des ordres du jour qui de-
mandent qu'il soit sursis aux inventaires. Il a
le devoir d'appliquer la loi. Il l'appliquera
sans faiblesse, mais aussi avec la prudence, le
tact, la sagesse que comporte le souci de ia
tranquillité publique.
Aussi demande-je à la Chambre d'adopter
l'ordre du jour de M. Péret qui approuve les
déclarations du gouvernement. J'espère que
cet ordre du jour ralliera la grande majorité
de cette Chambre.
M, Péret. — Mon ordre du jour approuve
les déclarations du gouvernement qui a pro-
mis d'appliquer la loi avec tact et modéra-
tion.
M. Coutant..- Il faudrait que le gouver-
nement ne sa montre pas plus sévèra vis-à-
vis des ouvriers en grève que vis-à-vis der
catholiques.
M. Rouvier. — Nous appliquons la même
politique.
M. Sembat. — Non, puisque, à l'instant
même, on use de violence vis-à-vis d'ouvriers
en grève eil Meurthe-et-Moselle et qu'il y a
quelques jours on faisait saisir le journal an-
timilitsrisle la Voix du Pcuple.
Les catholiques, qui encouragent le gou-
vernement à fouler aux pieds les libertés ou-
vrières, soat ruai venus à se plaindre.
Après quelques mois de l'abbé Gayrand,
M. Massé intervient.
M. Masse. — Nous avons le drill. cI l de-
mander au gouverna ment s'il ontend exécatoc
la loi, ou capituler devant eaux qui té.?istent
à la loi.
L'ordre du jour de M. Péret ne repond pas.
comme le croit lo président du conseil, à l'opi-
nion de la majorité de la Chambre.
M. Rouvier pense-t il comme M. Hibot, a i
sujet du règlement d'administration publique
et des négociations avec Rome ?
M. Rouvier. — Je me suis borné à cons-
tater que M. Ribot avait rsndu hommage au
caractère libéral de la loi. Il a ajouté qu'il n'y
avait aucune raison de résister violemmenl à
la loi. Ce sont là les deux idées maîtresse de
son discours qui n'ont rien de contraire aux
idées de M. Briand, et c'est pour cela que j'ai
accepté Tordro du jour de M. Péret.
J'appliquerai la loi, n'en doute?, pas; mais
c'est mon devoir de chef du gouverne m tint de
l'appliquer avec tact et avec modération poar
maintenir la paix et la tranquillité daus le
pa}!.
M.Ribot. — îî us doit pas y avoir d atncar-
propre ministériel en une pareille question ot
la paix du pays et en jeu. Ce que nous vau
Ions, c'est évibr la guerre religieuse.
M. Misse déclare qu'il votera contre l'or-
dre du jour Péret.
Par 387 voix contre ÎS5, la Chambre re-
fuse la priorité à l'ordre du jour de M. Da-
ville.
M. Fiandin (Yonne) déclare que sel
amis de l'union républicaine et lui voteronf
l'ordre du iour de M. Péret eu Drc;¡aY\
CINq cssmaixa ls :'t'CREnG
.1 À - 1 --w
VENDREDI 9 MARS 1908.:
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS -
hMt TiibMb IhMk A m
fcaris 2 fr. 6fr. 9fr. la trà
Départements.. - 6— Il - 20 -
llnion Postale. 3— 8 - i8 32—»
OlRECTEUR POLITIQUE: CmBlES BOS
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Secrétaire Général : A.-F. CECCALDl
RÉDACTION : 14, RUE DU MAIL, PARIS. - TÉLÉPHONÉ 102.88
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Rédacteur en Chef : HENRY MARET
ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL. - TÉLÉPHONB 102.81
Adresser lettres et mandats à VAdministrateur
LA DÉI SSION DU MINISTÈRE Ro UVI ER
LA CHUTE
Le ministère Rouvier est tombé. Il
pouvait encore durer, bien qu'il traî-
nat depuis quelque temps une exis-
tence misérable. Il fallait que son chef
dit un mot décisif : ou il était contre
la continuation des inventaires ; ou il
était pour. Il n'a pas su le dire. Il a
répondu non, d'abord, oui, ensuite,
si bien que tout le monde a compris à
merveille que le cabinet n'avait pas
de politique.
M. Ribot lui avait pourtant tendu lft
perche. « Assurez-nous donc que vous
allez arrêter ces tracasseries ridicules
qui amènent des effusions de sang. Et
nous votons avec vous. »
M. Ribot avait raison. Les inventai-
res, plutôt fictifs que réels, se font
d'une façon odieuse. Sont-ils néces-
saires ? Personne n'oserait le soutenir.
Il fallait, d'ailleurs, les ajourner jus-
qu'à la dévolution des biens aux asso-
ciations cultuelles. A-t-on vraiment le
droit, pour quelques chaises et quel-
ques chandeliers de fer, d'ameuter la
population, defroisser leurs sentiments
religieux et de tirer sur la foule ? Je ne
connais aucun inventaire qui vaille la
vie d'un seul citoyen.
***
On pouvait inventorier les trésors
connus des grandes églises, empê-
cher la vente des œuvres d'art, des re-
tables, etc., mais bouleverser les cam-
pagnes pour recueillir sur un registre
la nomenclature de bancs, de confes-
sionnaux et de chasubles, vraiment
c'était trop et ce n'était plus appliquer
la loi dans un sens libéral.
D'ailleurs, l'inventaire était tout fait.
U existe dans chaque mairie, Alors, à
quoi bon ?
C'était là du bien mauvais Rouvier.
On devinait à de nombreuses impa-
tiences, à un énervement inaccou-
tumé, à des éclats de voix intempestifs
que le président du conseil en avait
assez. Evidemment, ces brimades ne
sont pas dans son caractère. Il ne les
a acceptées que parce que, faible de
son naturel, il cédait aux gens qui
pesaient sur lui.
Il est tout de même singulier qu'une
sorte de soupir de soulagement ait été
poussé par tous les partis lorsqu'il a
été mis en minorité. 34 voix. C'est une
belle minorité, en effet.
.**
Chose étonnante ! Et comme on voit
que la Mi-Carême est proche 1 Le mi-
nistre est tombé après que la Cham-
bre avait voté l'affichage du discours
de Du bief.
Dirai-jeqaela chute était inattendue?
Non. Elle était prévue et escomptée.
Lo ministère n'aurait pas été renversé
sur les inventaires qu'il l'eût été de-
main sous une autre question. L'équi-
voque ne dure jamais bien longtemps.
Et à force de jouer à la balançoire, on
Unit par se rompre le cou.
.**
Les élections sont proches. Tout le
monde était inquiet. Pas de plate-forme
électorale en réalité. Un malaise géné-
ral ; la question religieuse à l'état
aigu ; les passions surexcitées. On ne
pouvait donner la parole au suffrage
universel dans de pareilles conditions.
D'autant que beaucoup de républi-
cains eux-mêmes ne paraissent pas
rassurés. Les inventaires, ordonnés
presque au moment où la période
électorale s'ouvrait, ont provoqué une
telle émotion et les troupes, chargées
d'assurer l'ordre, ont dû obéir à des
instructions tellement brutales qu'on
s'aperçoit aujourd'hui combien il est
dangereux de toucher, même sans le
vouloir, aux croyances des popula-
tions attachées à leur foi
Tout cela rend rêveur. La Répu-
blique se serait-elle trompée? N'au-
rait-elle pas dû négocier avec Rome?
Ne jsera-t-elle pas obligé de le faire
pour que la séparation soit plus faci-
lement acceptée ? Ces questions se
posent aujourd'hui avec un caractère
suffisamment impérieux pour que je
n'insiste pas.
.**
Dans tous les cas, on ne peut, sous
quelque prétexte que ce soit, songer à
continuer les inventaires.
Que fera M. Fallières? C'est pour la
première fois qu'il a un ministère à
former. Un cabinet combiste est im-
possible. Il n'aurait pas de majorité, et
ce serait un cabinet de combat qui
allumerait tout de suite la guerre reli-
gieuse. Un cabinet avancé, sans s'ins-
pirer de la politique du prédécesseur
de M. Rouvier, ne réussirait pas da-
vantage. On ne voit guère qu'un mi-
nistère composé d'hommes pacifiques,
radicaux ou tout au moins à tendances
radicales, n'ayant qu'un souci, celui
de réconcilier les républicains sans
tenir compte des exigences impatien-
tes des exaltés, tant de droite que de
gauche.
Nous serons, j'imagine, bientôt fixés
et il importe que nous le soyons. A
deux mois des élections, une crise mi-
nistérielle ne saurait durer longtemps.
CHARLES BOS.
-- ———————————————— TTl
LES ON-DIT
LES DIPLOMATES SE VANTENT
M. de Tattenbach disait hier
à un rédacteur de l'Agence Ha-
vas : « Les polémiques de presse
font beaucoup de mal et retar-
dent la solution. Sans la presse,
nous serions arrivés à cette so-
lution en quinze jours. Pourquoi les jour-
naux ne nous laissent-ils pas travailler
tranquillement ? »
Les diplomates se vantent: s'ils étaient
en état d'aboutir en quinze jours, ils abou-
tiraient dans ce laps. Rappelez-vous les
conférences de Portsmouth, pour le traité
russo-japonais ; est-ce que les « indiscré-
tions » de la presse, — lesquelles ne sont
pas autre chose que la publication de ren-
seignements consentis par leurs auteurs
— est-ce que les publications de la presse,
dis-je, ont gêné quelqu'un ou quelque
chose ?
Mais les diplomates tiennent beaucoup à
ce que l'on se figure qu'ils existent ; ils se
vantent; ils sont d'intelligents agents de
transmission, mais ils ne sont pas autre
chose que ceci : des courroies dé trans-
mission.
Autrefois, — au temps d'Homère — on
leur disait: « Va et dis à un tel ceci, etc. ))
Ils partaient, et ils récitaient mot pour mot,
et sans modifier une syllabe, - car ils
avaient bonne mémoire, — ce qu'on les
avait chargés de réciter.
Aujourd'hui, on leur dit: Je veux obtenir
60 pour ioo du total que voici ; marchan-
dez au mieux pour arriver à ce chiffre. Ils
partent, demandent 120 pour 100 au début
et finissent par accepter 58. C'est ce que
toutes les marchandes de volailles savent
réussir en leurs rapports avec les cuisiniè-
res et avec les petites bonnes.
Mais ni cuisinières, ni marchandes de
volailles, ni petites bonnes n'oseraient
crier aux passants :
- Allez-vous en, c'est parce que vous
nous regardez que nous n'arrivons pas à
nous mettre d'accord.
Au fond, les diplomates savent bien,
tout comme les cuisinières, que, si l'accord
ne se fait pas, ceux qui les regardent dis-
cuter n'y sont pour rien.
LE PROGRÈS
Ne plaisantons pas : chaque jour du 208
siècle se signale par un nouveau progrès.
Exemple : On ne connaissait jadis que
trois maladies éruptives : la scarlatine, la
rougeole et la rubéole. On vient d'y ajou-
ter le mégalerythème épidémique, espèce
de fièvre éruptive spéciale, à poussée con-
gestive seulement vers les téguments ex-
ternes.
Le voilà bien, le progrès r
BÉVUES ACADÉMIQUES
Ils sont quarante, au bout du Pont des
Arts, qui sont b. comme soixante, dit la
chanson de Raoul Ponchon. En voulez-
vous cent preuves choisies ? Vous n'avez
qu'à ouvrir le Dictionnaire qu'aca.démi-
que on nomme. M. P. Clairin, membre du
Conseil supérieur de l'Instruction publi-
que, a eu l'idée de publier un recueil d'exer-
cices nouveaux, dont les exemples sont
pris du fameux lexique. Glanons quelques
traits délicieux de l'état d'esprit de nos
immortels :
« Frère, dit l'Académie, est le titre que
tout religieux prend dans les actes pu-
blics ».
Exemples : dom Calmet, le Père Di-
don 111
Blé ergoté, se dit de éertains grains
noirs qui, dans les épis de seigle, sont al-
longés en forme d'ergot.
« Corniche. Tout ornement saillant qui
règne au-dessus d'un plafond. » Une cor-
niche - au-dessus - d'un plafond, Je - n'ai ia-
mais vu ça 1 -
« Bossu — dérivé du latin Gibbosus »
(comme cheval vient d'equus).
« Caractéristique — la lettre qui se con-
serve dans les dérivés d'un mot comme
le p dans les dérivés de corps. (Exemples:
corsage, corset, corser, dérivés de corps).
Pour finir — car ils sout trop — la bar-
be, d'après les quarante:
« Barbe. Poil du menton et des joues.
« iWowltache. Partie de barbe qu'on laisse
pousser au-dessus de la lèvre supérieure
(Comment peut-on laisser pousser au-des-
sus de la lèvre supérieure le poil du men-
ton et des joues ?) »
AU JARDIN DES PLANTES
Il y a foule, en ce moment, au Jardin des
Plantes. Les familles vont faire une cure
d'altitude au labyrinthe. La rotonde des
éléphants est toujours assiégée. Sahib,
l'éléphant meurtrier, se montre d'une hu-
meur charmante; on jurerait qu'il désire
effacer le souvenir de son méfait. Il fait le
beau à volonté, ou l-aposie restante, ne se-
coue plus ses barreaux et onre gentiment
sa trompe aux enfants munis de friandises.
Par contre, le lion et la lionne d'Abyssinic
semblent ressentir les effets de ce coquin
de printemps ; on a dû les sêpaear et ils
rugissent à ébranler lejir rage, Lea pan-
thères ont mal aux dsnts.Les singes, cruel-
lement éprouvés par le long hiver que nous
avons traversé, ne se hasardent pas à sor-
tir de la puante retraite où ils languissent.
Quand donc se décidéra-t-on à leur assurer
une baraque plus confortable? Toujours
remis aux calendes, le fameux plan de re-
construction de la Ménagerie. A peine a-t-
on esquissé quelques minces réparations
aux bâtiments, d'ailleurs tout neufs, de
l'hivernage et encore il s'agissait d'une
cheminée qui fumait.
Le Passant.
Ll CRISE MINISTERIELLE
A l'issue de la séance de la Chambre, les
ministres se sont rendus au ministère des af-
faires étrangères et, réunis sous la présidence
de M. Rouvier, ils ont décidé de démis-
sionner.
M. Rouvier ira dans la soirée remettre à M.
Fallières la démission du cabinet.
La majorité de 267 voix qui a renversé le
cabinet Rouvier compte la droite tout entière,
la moitié des républicains progressistes avec
M. Ribot, la plupart des socialistes et un cer-
tain nombre de radicaux-socialistes.
D'autre part, l'Agence Havas communique les
notes suivantes :
A l'issue de la séance de la Chambre, les
ministres se sont réunis au ministère des af-
faires étrangères en conseil de cabinet. Ils
ont signé leur lettre de démission, que M.
Rouvier a portée immédiatement à M. le Pré-
sident de la République.
A l'Elysée
M. Rouvier a été reçu à 8 h. et demie par
M. le président de la République, à qui il a
remis la démission du cabinet.
M. Fallières a accepté cette démission et a
prié les ministres de rester en fonctions pour
l'expédition des affaires courantes.
Il recevra demain matin, à l'Elysée, M. An-
tonin Dubost; président du Sénat qu'il con-
sultera sur la situation politique. Il fera en-
suite mander M. Paul Doumer, président de
la Chambre.
♦ ■■ -
NÈCROPHILIE ET SUPERSTITION
(De notre correspondant particuUerj
Posen, 7 mars.
La police a arrêté un propriétaire à Mos-
chin, qui coupait et enlevait les têtes des ca-
davres qu'il déterrait au cimetière. Il croyait
que c'était un moyen de conserver le bétail
en bonne santé et de le préserver contre les
sortilèges.
POUR UN QUI SOUFFRE
Deuxième liste
Mme Hupé, 93, rue Denfert-Roche-
chereau ., 20 »
Mlle Marguerite Bodin, institutrice à
Versailles, auteur des Surprtses de
l'Ecole mixte. 5 »
E. P., avenue de la République. 5 »
Albert et Elie Sineux fils, 20, avenue
de l'Opéra. 20 »
Adler, artiste peintre 5 »
Jacques May, secrétaire de l'Auto 5 »
C. Lèjeube, avocat, homme de lettres 5 »
F. Lefèvre, président du Conseil d'ad.
ministration du Rappel. - 10 »
Jean Destrem, rédacteur au Rappel.. 5 »
ACeccaldi, - - 5 »
Hugues Destrem .-- - 2 »
J. Lecocq - — 2 »
X. - — 2 »
X. — — 2 »
S. Csapo - - 2 »
E. Casanova - - 2 »
Marville, boucher, rue Clignancourt. 2 »
Daragon, impr.-éditeur, 30, rue Du-
perré, Paris 10 »
G. Sch.-Gros-Noyer. 5 »
R. Bergeron, receveur-buraliste à
Argeot(Cber). 2 »
Ad. Geoffroy, Paris 5 »
Frédéric Boussard, 26, rue Fessart,
Belleville. 2 »
Troussot, à Boulogne. 2 »
Mme Moutié, rue Demours, Paris. 5 »
Léon Riotor, homme de-lettres 5 »
135 »
Montant de Ta 1" liste. 160 »
2 9 »
29;) »
Merci à tous pour ces touchants témoigna-
ges de solidarité. Il ne reste plus à faire qu'un
bien léger effort, et l'infortuné poète et sa
vieille maman vont pouvoir bientôl renaître
à la santé, au travail, à la joie. — G. de V.
LES maRïAGES RELIGIEUX
Rocroi, 7 mars.
L'abbé Ludet, curé d'Eteignères, qui avait
célébré deux mariages religieux avant que les
cérémonies Civiles aient eu lieu, était pour-
suivi hier devant le tribunal correctionnel
pour infraction à l'article 199 du code pénal.
L'inculpé s'est défendu lui-même. Il a dé-
claré qu'il voulait faire juger la question de
principe. Suivant loi, le Gonc.ordat ayant été
dénoncé et l'Etat ne reconnaissant plus aucun
culte, l'articlo serait implicitement abrogé.
L'abbé Ludet revendique, en conséquence,
pour les ministres du culte, le droit de célé-
brer les mariages religieux sans se préoccu-
per du mariage civil.
Le procureur. M. Goffinet, a soutenu que
cet article n'était nullement abrogé, la Parle-
ment avant repoussé des amendements dans
ce sons et l'esprit de la loi indiquant que
l'article doit survivre à la rupture du Con-
cordat.
La législature a voulu empêcher la substi-
tution de l'acte religieux à l'acte civil, en ce
qui concerne lo mariage, dans un intérêt
d'ordro public.
Lo procureur a demandé en terminant
pour l'abbé Ludet une condamnation légère.
Le jugement a été renvoyé à huitaine.
A SANCERRE
Vrais et faux républicains
M. Foucher Cousin, conseiller général du can-
ton d'Henrichemont.nous adresse, avec prière d'in-
sérer, la note suivante :
Vrais et faux républicains,
Nous sommes à la veille des élections :
Le moment est grave 1 la situation cri-
tique :
Grande partie à jouer:
Si nous sommes de véritables Républicains
nous devons suivre les principes de la Démo-
cratie :
Liberté, Egalité, Fraternité.
Méfiez-vous: tous les Républicains qui dé-
sirent remplacer le citoyen Henry Maret sont
de la couleur d'Arlequin, et se moquent de
Colombine pour arriver à leurs fins.
Votre député actuel a compris ses devoirs
d'homms libre. Personne ne pourra le faire
dévier de ses sentiments de liberté d'enseigne-
ment, liberté de conscience, liberté pour tous
— sans pression, sans froissement: les seuls
moyens pour faire aimer le gouvernement de
la République: quelques insensés le traitent de
Réactionnaire, parce qu'il ne veut pas descen-
dre aux aberrations des uns, et aux désirs
irréalisables des autres.
Je vous le répète, gara au casse-cou.
Si vous voulez la tranquillité,la bonne ges-
tiou de vosafIaires, le respeci de vos revendi-
cations, en un mot être libre sous le gouver-
nement de tous par tous, n'hésitez pas :
Votez pour Henry Maret. Vous prouverez une
fois de plus que vous marchez avec le progrès
et la liberté :
FOUCHER COUSIN.
CHRONIQUE
Les pansements payants
UNE NOUVELLE CIRCULAIRE DE L'ASSISTANCE
PUBLIQUE.
Dans notre sièle d'activité, de labeur, de
travail, de production et partant d'impôts
chacun songe à équilibrer son budget.
Chacun songe à diminuer ses charges pour
augmenter son bien-être, pour jouir un
peu plus pour soi-même du gain acquis.
Il en est de même des grandes adminis-
trations.
Si les petits ménages ont des charges,
quelques impôts à payer ou des vieux pa-
rents à aider, l'Assistance publique, elle,a
tous les vieux à ne pas laisser mourrir de
faim, tous les enfants abandonnés à re-
cueillir, tous les malades à soigner, tous
les chroniques à guérir et tous les tuber-
culeux à rendre à la vie.
Je sais- bien que l'Assistance publique
est riche, très riche même, c'est une sorte
de grande pauvresse qui cache sa fortune
aux regards indiscrets. Sa boule de neige
va croissant sans cesse, car d'année en an-
née elle accumule legs sur legs, héritage
sur héritage, succession sur succession.
Elle a des ressourcts multiples pour ne
pas dire infinies. Elle a un portefeuille
pansu, rembourré, gonflé à crever, éva-
lué à 230 millions, des terrains pour
14.700.000 truelle prélève par an 3.600.000
francs comme droit des pauvres. C'est un
des plus beaux services de l'Assistance
publique, qui ne nécessite que 159.000 fr.
de dépenses par an et qui rapporte près
de 4 millions, quelque chose comme du
2.450 OjO.
Mais l'Assistance Publique, que l'on
peut comparer à un Rothschild adminis-
tratif, est très accueillante. Comme le
grand et philanthrope financier,elle ne re-
pousse jamais les malheureux. Elle doit
cela à son nom et son assistance est inhé-
rente à ses fonctions, elh assiste grande-
ment, très grandement, trop grandement.
C'est pourquoi nos édiles émus des dé-
penses sans cesse croissantes de l'A. P.
ont jeté le cri d'alarme. M. Ranson, le dis-
tingué rapporteur, a signalé les abus et les
remèdes à y apporter.
***
La récente circulaire de M. Mesureur
vient confirmer les assertions de nos con-
seillers.
De 1880 il 1903 les objets de pansement
et instruments de chirurgie utilisés dans
les hôpitaux ont varié de 400.000 francs à
1.600.000 francs. M. le conseiller Houdé a
signalé le gaspillage du coton hydrophile,
de la gaze, etc.., l'augmentation se tradui-
sant par une dépense supplémentaire de
1.400 fr. par jour. Il est vrai que la ban-
lieue déverse quotidiennement sur Paris
quantité de malades. Il est incontestable
aussi que la médecine nouvelle et les me-
sures prophylactiques prises pour éviter
la contagion imposent se surcroît de dé-
pense, mais ce qui est flagrant ce sont
tous les soins gratuits, tous les panse-
ments faits quotidiennement à quantité de
malades qui pourraient et qui peuvent dé-
sintéresser l'hôpital qui les accueille.
, Cette récente circulaire prévoit que cha-
que personne qui viendra se faire panser
dans un établissement hospitalier sera re-
devable de la somme de 0 fr. 75. 15 sous,
c'est pour rien, et ce sera beaucoup si, hon-
nêtemenl, chacun ne cherche à se dérober.
Il arrive journellement qu'en travaillant
on se coupe îe doigt, ou qu'en se prome-
nant, on reçoive sur la tête une belle-mère
à qui un gendre furieux apprend la trajec-
toire et la pesanteur des corps. Vous êtes
transporté dans un hôpital et pansé, non
pas pansé à la légère, mais lavé et relavé,
passé au sublimé, désinfecté. Vous en sor-
tez soulagé, presque guéri, la tête entourée
de bandelettes à rendre jaloux une momie.
Franchement, ne donnerez-vous pas les 15
sous de grand cœur ? Si, vous donnerez
même la pièce ronde sans en attendre la
monnaie.
***
Il est certain que l'on ne vous mettra pas
le couteau sur la gorge en vous disant :
Payez d'abord et vous serez soigné. Non.
Ceci est bon pour les offices religieux où
l'on vous dit : Payez et vous aurez des priè-
res. Payez, et elles seront d'autant plus
belles, d'autant plus durables qu'elles se-
ront subordonnées au prix convenu.
Votre pansement sera fait consciencieu-
sement, savamment, et si, une fois sou-
lagé, l'infirmière ou l'économe vous de-
mande si vous êtes en état de payer, je
suis, certain que nombre de malades don-
neront de grand cœur la somme exigible et
qui bien souvent sera inférieure au prix
des médicaments dépensés.
Cette mesure ne sera pas vexante pour
les gens peu fortunés. Pauvreté n'est pas
vice, chacun le sait. Mais elle permettra,
j'en suis sûr, de soulager d'autres malades
en dégrevant, oh ! pourtant légèrement, le
budget énorme de l'Assistance publique, ce
budget formidable qui constitue des fortu-
nes et qui pourtant, eu égard au nombre
de patients à soulager, est encore inférieur
à ce qu'il faudrait pour être tout à fait
efficace.
Paul Goguet.
A LA CHAMBRE
LE CABINET RENVERSÉ
t'affaire de Bœsehepe. — Les in-
ventaires. — Mèlée confuse,
M. Paul Doumer préside.
Des interpellations ont été déposées sur
les inventaires et notamment sur le triste
accident de Bœschepe, par MM. Plichon et
Henry Cochin, l'abbé Lemire et M.
Guieysse.
M.Plichon rappelle dans quelles circons-
tances l'accident s'est produit.
M. Plichon. — Hier, un homme de trente
ans a été tué. On a dit que la loi de séparation
était une loi de liberté et d'apaisement; jus-
qu'à présent c'est une loi de meurtre. (Ap-
plaudissements à droite.)
M. Guieysse invite le gouvernement à se
montrer ferme.
M. Guieysse. — La mesure qui a été prise
par le gouvernement pour surseoir aux in-
ventaires serait excellente. s'il n'y avait pas
des centres de résistance à la loi ; mais je de-
mande au gouvernement ce qu'il fera en ce
qui concerne les églises pour lesquelles il n'y
a pas d'anciens inventaires.
A Saint-Servan on a vu des officiers refu-
ser d'obéir aux réquisitions écrites de l'auto-
rité civile. Que diriez-vous si les soldats en
faisaient autant? Quelles mesures prendrez-
vous contre les officiers de Poitiers qui ont
félicité ceux de Saint-Servan ?
M. Etienne. — C'est inexact. Je ne l'au-
rais pas supporté un instant.
M, Guieysse. — Il s'agit de savoir si le
gouvernement de la République capituler de-
vant un souverain étranger. (Protestations à
droite.)
M. Briand, rapporteur de la loi de sépa-
ration, défend le principe des inventaires :
M. Briand, — Les populations sont fana-
tisées.
M. Lasies. — Non ! non!
M. Briand. — Elles croient défendre leur
foi. J'ai quelque admiration pour elles, car
elles sont sincères.
M. Lasies. — Nous aussi.
A gauche. - Non ! non 1
M. Briand. — J'ai le profond désir que
ces malheureux ne soient pas victimes de leur
erreur.
M. Charles Benoist. — De la vôtra.
(Très bien ! au centre.)
M. Briand. — En les atteignant, on n'at-
teindra pas les vrais coupables. Les vrais cou-
pables sont ceux qui, depuis des jours et des
jours, répandent le mensonge. (Vives protes-
tations à droite.)
On peut les entendre, quand le sang va cou-
ler, adresser des paroles à ceux qu'ils ont ex-
cités.
La responsabilité des événements douloureux
qui se produisent.
A droite. — Retombe sur vous.
M. Briand. — Si, dans l'application d'une
loi d'apaisement, vous voulez faire une loi de
meurtre, la responsabilité retombera sur vous
et les populations, fanatisées aujourd'hui, re-
connaîtront que vous avez abusé de leur cré-
dulité. (Applaudissements à gauche.)
Dans tout ceci, il est beaucoup moins ques-
tion de religion que de politique. (Vifs applau-
dissements à gauche, protestations à droite.)
M. Lasies reproche au gouvernement
d'avoir manqué de tact.
L'affichage du discours de M. Briand,
demandé par plusieurs voix, est voté par
307 voix contre 225.
On adopte la proposition de M. Charles
Benoist, ordonnant l'affichage; à la suite
du discours de M. Briand, du scrutin sur
l'article 3 de la loi de séparation.
DISCOURS DE L'ABSÉ LEMIRE
L'abbé Lemire prononce un discours très
modéré de forme et de fond, qui est ap-
plaudi jusque sur les bancs de la gauche.
L'abbé Lemire. - Les protestataires
n'ont eu .qu'un but, c'est de défendra leur
foi. La malheureuse victime n'est pas un clé-
rical ; ce n'était pas un agitateur profession-
nal; il voulait que le cura reste dans son
église, mais il venait défendre sa foi.
M. Jaurès disait, en Belgique, qu'il avait le
respect des convictions religieuses.
Le ministre de l'intérieur, le président du
conseil ne vont-ils pas trouver un moyen
pour que ces déplorables événements cessent?
Vous ne voulez pas de guerre de religion ?
Nous non plus. Nous voulons défendre la
France et la République, respecter la Consti-
tution et l'autorité. Nous savons respecter les
lois. Nous savons que certaines lois consa-
crent des injustices. Nous savons qu'il ya dos
lois pour lesquelles un parti a rompu un con-
trat parce qu'il était le plus fort, sans dire à
l'autre parti : « Vous êtes libre. » Mais nous
respectons les lois* Je demande au gouverne-
ment de respecter nos consciences, toutes Jel
consciences. (Applaudissements à gauche.)
DISCOURS DE M. DU BIEF
Voici le ministre de l'Intérieur à la tri"
bune :
M. Dubief. — Les inventaires, comme l'a
dit M. Briand, ne sont qu'une mesure conser-
vatoire, nullement attributive de propriété.
(Applaudissements à gauche.)
Pour éviter les incidents violents nous avons
pris des précautions. Mais il y a eu des exci-
tations. soit dans la presse, soit quelquefois
au Parlement. Le langage qu'a tenu le Père
Doré est à ce sujet significatif.
Pour les villes où il y a de la résistance, j'ai
demandé aux préfets de procéder à la fois aux
inventaires de toutes los églises afin de diviser
les manifestants. Nous avons diminué les
causes de conflit. Mais pouvions-nous incliner
la loi devant la rébellion? Non, messieurs.
(Applaudissements à gauche.)
Nous redoublerons de prudence, de précau-
tions ; mais la loi sera appliquée et il ne sera
procédé à aucune dévolution de biens tant que
l'inventaire n'aura pas été accompli. (Vifs ap-
plaudissements à gauche.)
M. RIBOT
M. Ribot lui répond. Il regrette que le
gouvernement ait rompu toute rclatioa
avec le pape et avec les évêques. Se tour-
nant vers la droite, il conseille le calme
aux catholiques.
M. Ribot. — Comme le disait M. Allard.
il ne fallait pas mettre en mouvement toute
l'armée française pour faire procéder aux in-
ventaires. Il n'y aurait que les violents pour
vous blâmer si vous arrêtiez l'effusion du
sang.
Dans quelques jours, les évêquâs de France
vont délibérer sur las intérêts de l'Eglise. Je
souhaite aue les conseils de sagesso préva-
lent. Je les engage à accepter la loi, car une
loi qui permet aux évêques de France de dé-
libérer sans contrôle sur les intérêts de l'E-
glisé et qui laisse au pape le droit de nommer
les évêques n'est pas une loi de vio!once,(Ap-
plaudissements à gauche.)
Avec cette loi, l'égliss catholique peut vivre
et prendre une place dans le domaine moral
en prenant contact avec les forces vivifiante#
de la liberté. (Applaudissements à gauche.)
La loi doit être appliquée. Mais l'apaise-
ment s'impose d'autant plus que nous som-
mes entourés de danger. Je le dis avec con-
fiance : pas de violence, car, ni d'un côté ni
de l'autre, il ne reste plus une faute à com-
mettre. (Applaudissements vifs ot répétés sur
un grand nombre de bancs. L'orateur en re-
tournant à son banc est vivement félicité par
ses collègues.)
M. Fiandin. - Je demande l'affichage du
discours de M. Ribot.
L'affichage du discours de M. Ribot est
ordonné par 275 contre 211.
M. Mill. — Nous demandons aussi l'affi-
chage des discours de M. Dubief et de l'abbé
Lemire.
M. Pasqual appuie cette proposition :
l'abbé Lemire, dit-il, est un démocrate, très
aimé dans le Nord où son discours produira
le meilleur elfe t
M. de Gailhard-Bancel. — Il vaudrait
mieux envoyer le Journal officiel à tous let
électeurs.
Après pointage l'affichage est ordonné
par 203 voix contre 184.
L'affichage du discours de M. Dubief.
ministre de l'intérieur, est également voté
par 313 voix contre 257.
M. Lerolle défend les catholiques contre
le reproche de violence. Plusieurs ordre.
du jour ont été déposés.
M. Rouvier. — Le gouvernement ne peut
accepter aucun des ordres du jour qui de-
mandent qu'il soit sursis aux inventaires. Il a
le devoir d'appliquer la loi. Il l'appliquera
sans faiblesse, mais aussi avec la prudence, le
tact, la sagesse que comporte le souci de ia
tranquillité publique.
Aussi demande-je à la Chambre d'adopter
l'ordre du jour de M. Péret qui approuve les
déclarations du gouvernement. J'espère que
cet ordre du jour ralliera la grande majorité
de cette Chambre.
M, Péret. — Mon ordre du jour approuve
les déclarations du gouvernement qui a pro-
mis d'appliquer la loi avec tact et modéra-
tion.
M. Coutant..- Il faudrait que le gouver-
nement ne sa montre pas plus sévèra vis-à-
vis des ouvriers en grève que vis-à-vis der
catholiques.
M. Rouvier. — Nous appliquons la même
politique.
M. Sembat. — Non, puisque, à l'instant
même, on use de violence vis-à-vis d'ouvriers
en grève eil Meurthe-et-Moselle et qu'il y a
quelques jours on faisait saisir le journal an-
timilitsrisle la Voix du Pcuple.
Les catholiques, qui encouragent le gou-
vernement à fouler aux pieds les libertés ou-
vrières, soat ruai venus à se plaindre.
Après quelques mois de l'abbé Gayrand,
M. Massé intervient.
M. Masse. — Nous avons le drill. cI l de-
mander au gouverna ment s'il ontend exécatoc
la loi, ou capituler devant eaux qui té.?istent
à la loi.
L'ordre du jour de M. Péret ne repond pas.
comme le croit lo président du conseil, à l'opi-
nion de la majorité de la Chambre.
M. Rouvier pense-t il comme M. Hibot, a i
sujet du règlement d'administration publique
et des négociations avec Rome ?
M. Rouvier. — Je me suis borné à cons-
tater que M. Ribot avait rsndu hommage au
caractère libéral de la loi. Il a ajouté qu'il n'y
avait aucune raison de résister violemmenl à
la loi. Ce sont là les deux idées maîtresse de
son discours qui n'ont rien de contraire aux
idées de M. Briand, et c'est pour cela que j'ai
accepté Tordro du jour de M. Péret.
J'appliquerai la loi, n'en doute?, pas; mais
c'est mon devoir de chef du gouverne m tint de
l'appliquer avec tact et avec modération poar
maintenir la paix et la tranquillité daus le
pa}!.
M.Ribot. — îî us doit pas y avoir d atncar-
propre ministériel en une pareille question ot
la paix du pays et en jeu. Ce que nous vau
Ions, c'est évibr la guerre religieuse.
M. Misse déclare qu'il votera contre l'or-
dre du jour Péret.
Par 387 voix contre ÎS5, la Chambre re-
fuse la priorité à l'ordre du jour de M. Da-
ville.
M. Fiandin (Yonne) déclare que sel
amis de l'union républicaine et lui voteronf
l'ordre du iour de M. Péret eu Drc;¡aY\
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