Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1904-07-28
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 juillet 1904 28 juillet 1904
Description : 1904/07/28 (N12557). 1904/07/28 (N12557).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
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«TETJBI 38 JUILLET 1904. — N. 12557
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Parisiens qui s1 en vont en province qu'ils ont,
en nous envoyant leur changement d'adresse,
id nous faire parvenir autant de fois UN
CENTIME qu'ils seront de jours absents de
Paris, le port pour la province étant de
deux centimes
-
L'AVEU
Plus heureux que le vieux paysan
de Nadaud, M. le président du conseil
pense mourir content, car il aura vu
Carcassonne. Que, maintenant, il visite
Béziers et CasteJnaudary, et il ne lui
restera rien à désirer sur la terre.
Ce n'est pas d'ailleurs seulement
par simple curiosité que notre Père
parcourt ces lieux enchantés. C'est
pour y porter la bonne parole, cette
parole qui, semblable au glaive de
saint Michel, pourfend le mécréant et le
laisse sur le nez, une épée dans le
dos, position particulièrement incom-
mode pour une réponse que d'ailleurs
on ne lui demande pas.
J'admire que des fâcheux reprochent
constamment aux discours de M. le pré-
sident du conseil de répéter la même
chose. Eh ! que voulez-vous qu'il dise?
Je dis toujours la même chose, ré-
pondait Pierrot, parce que c'est tou-
jours la même chose. Il exprime son
contentement d'être au pouvoir, sa
persuasion que tout ce qu'il fait est
bien fait, que son gouvernement est
le plus spiendide des gouvernements,
.et que ceux qui disent le contraire
sont des propres à rien. Voudriez-vous
pas par hasard que,pour être original,
il dise qu'il ne fait que des sottises,
que sa politique est la plus détestable
des politiques, et que les esprits indé-
pendants qui le critiquent sont dignes
d'être écoutés ? Certainement ce ne
serait pas ordinaire, mais on ne peut
pas lui demander çà.
Le ministère gouverne comme il
faut gouverner. Il le dit et il le pense;
et si jamais parole a été conforme à
une pensée, c'est indubitablement
cette parole à cette pensée.
Cependant, un passage de son dis-
cours, que j'ai lu avec le respect qui
convient, m'a semblé être en désac-
cord avec les félicitations que chacun
se doit il soi-même. C'est celui que
voici et auquel, pour ma part, j'ap-
plaudis de tout mon cœur :
« Le déshonneur n'est pas nécessai-
rement dans la défaite, il est dans la
victoire quand elle a été acquise par
des moyens illégitimes. Mieux vaut
alors être avec les vaincus qu'avec les
victorieux. La conscience du genre
hnmain venge les premiers, et réprou-
TTA 1 A/i v*
vc îca c;t.JUUU;:'. Il
Voilà qui est parfait. Mais comment
prendront cela les thuriféraires, qui
n'ont d'autre argument à nous oppo-
ser que celui des majorités, et qui ne
cessent de nous dire : « Vous voyez
bien que vous avez tort, puisque la
majorité n'est pas avec vous ! » On
peut donc avoir raison contre la majo-
rité? Les vaincus peuvent donc valoir
mieux que les victorieux ? La cons-
cience les vengera donc un jour ?
Qui dit cela ? Le même homme, qui
ne justifie sa politique que par les ap-
plaudissements qu'elle reçoit. Et vous
prétendez qu'il n'y a rien d'original
dans ce discours ! Mais quoi de plus
original que cet aveu ?
Le vainqueur dit : « Le pays est avec
moi ; je suis vainqueur sur toute la
ïigne. Mais cela ne veut rien dire du
out. Et cela n'empêche pas que ce sont
peut-être les autres qui ont raison. »
Je sais bien que ces paroles ne s'ap-
pliquent qu'aux élections où-il a eu le
dessous, et que partout où il a eu le
dessus, c'est la majorité qui a eu la
vérité. Mais elles n'en sont pas moins
dites, et d'autant plus faciles à retour-
ner qu'elles sont admirablement vraies.
J'irai même plus loin. Non-seule-
ment les courants ne sont pas tous
bons, mais on peut dire qu'ils sont
presque toujours mauvais, et que ce-
lui qui veut rester dans la vérité, dans
le droit, dans la justice,dans la raison,
a le devoir de leur résister. Tous sont
dus à des emballements irréfléchis.
Est-ce que ce n'est pas un courant, qui
a porté Louis-Napoléon sur le trône ?
Est-ce que le boulangisme ne fut pas
uu ouuxant c Est-ce que le nationa-
lisme ne fut pas un courant ? En ce
moment, nous avons le combisme,
qui est la réponse du berger à la ber-
gère, et l'un n'est pas moins ridicule
que l'autre. Le sage n'entre dans au-
cun deces courants-là, ets'ilest vaincu,
il se console en se disant, tout comme
Combes, qu'il a raison tout de même.
Vous voyez qu'on peut glaner de
bonne philosophie partout, puisque
! en ai trouvé là où l'orateur n'avait
guère cherché à en mettre, ayant per-
wnnellement simplifié la question élec-
torale jusqu'à n'en faire qu'une ques-
tion de majorité vis-à-vis du pouvoir.
Jadis, on classait les candidats sous
des étiquettes variées, représentant des
partis et des opinions. Aujourd'hui, il
ne s'agit plus que d'être ministériel ou
antiministériel, et si vous demandez ce
que cela veut dire, repassez, mon
brave homme, on vous répondra plus
tard.
HENRY MARET.
LES ON-DIT
Un mouvement préfectoral? Oui,
il paraît qu'on en ferait un -après
les élections des conseils généraux.
Je sais bien qu'on en annonçait un
pour la semaine qui suivrait les
élections municipales. De sorte que
tout le monde finit par croire au maintien du
statu quo.
Mais, soit. Admettons qu'aussitôt après les
élections cantonales, le gouvernement change
des préfets : avouons que le moment sera mal
choisi.
Autant nous sommes d'avis que c'est le de-
voir des gouvernants de choisir des collabora-
teurs, des représentants dont la sûreté répu-
blicaine soit hors de doute — autant nous blâ-
merions la pression exercée sur des fonction-
naires pour obtenir d'eux des services que la
conscience réprouverait.
Si le corps préfectoral est composé d'hom-
mes dévoués à la démocratie, il est inutile de
le menacer des risques d'un mouvement pro-
chain. Si ce corps préfectoral est constitué par
des éléments réactionnaires, il faut opérer les
changements nécessaires sans attendre que
des méfaits d'ordre électoral aient été com-
mis.
Bref, c'est sur la loyauté de fonctionnaires
républicains qu'il convient de compter, et non
sur les craintes de préfets cléricaux inquiets
pour leur avancement.
Au surplus, quand on aura obtenu des pré-
fets réactionnaires les excès de zèle qu'on at-
tend d'eux, comment s'y prendra-t-on pour les
révoquer ?
De sorte qu'en guise de mouvement préfec-
toral, on publiera une apparence de mouve-
ment préfectoral. Les procédés du ministère ne
varient jamais beaucoup.
L'ÉCLAIRAGE DU LUXEMBOURG
M. Alpy, conseiller municipal réaction-
naire du quartier de l'Odéon, faisant ses
confidences à un de nos confrères, parle de
la vieille question de l'éclairage du Luxem-
bourg.
- Il est très regrettable, dit-il, que les
pouvoirs de la Ville expirent aux grilles du
célèbre jardin, et que la questure du Sénat
se montre si jalouse de ses droits. Il sem-
blerait vraiment que le Luxembourg soit
sa propriété exclusive, et qu'elle fasse une
énorme concession en autorisant les Pari-
siens à y circuler.
Là dessus, M. Alpy montre que,les soirs
d'été, le Luxembourg,éclairé à l'électricité,
serait favorable à la promenade, démontre
encore que les habitants du quartier se-
raient heureux de ne pas faire les détours
insensés auxquels ils sont condamnés
maintenant, dès le crépuscule.
Mais pardon, M. Alpy, depuis plus de
quinze ans que vous êtes conseiller muni-
cipal de l'Odéon, n'avez-vous pas eu le
temps de soumettre aux questeurs du Sé-
nat les réflexions, justes d'ailleurs, que
vous communiquez aux journaux - les-
quels n'y peuvent mais ?
UN CŒUR ANORMAL
Il y a des cœurs qui battent trop vite :
en voici un qui détient le record de la len-
teur. Une revue scientifique de Berlin a re-
levé le cas extraordinaire d'un vieillard,
parfaitement sain et bien portant, dont le
cœur battait seulement 30 pulsations à la
minute. On a bien vu des malades n'accu-
ser que 20 pulsations à la minute, mais
ils souffraient de lésions cardiaques. Dans
le cas présent, le vieillard, âgé de 61 ans,
est parfaitement valide. Voilà un homme
qui, selon toute probabilité, sera au moins
centenaire, car si le cœur est une machine
qui ne s'use que par le frottement,celui-ci est
capable de battre longtemps sans user les
provisions d'huile que le Créateur a dû
ménager pour graisser les rouages.
A CABOTINVILLE
Aujourd'hui, au Conservatoire, ont lieu
les seuls concours qui vraiment comptent ;
les autres, on le sait bien, n'ont d'autre
valeur que celle de l'humble persil qu'on
met autour du plat quand on sert une tête
de veau.
Oh ! ces deux concours, Tragédie : « A
quatre pas d'ici, je te le fais savoir —
Prends un siège Cinna ». Comédie : Oh !
oh ! je n'y prenais pas garde — Le petit
chat est mort », mais ce sont les seuls évé-
nements de l'année dignes d'être notés par
les historiographes.
Dès le matin, après une nuit traversée
par de multiples songes, nos jeunes espoirs
arrivent, s'épandent dans les cours et, mê-
lés au public spécial des concours, jusqu'au
soir, jusqu'à la proclamation des récompen-
ses par Théodore, parlent, bavardent, ja-
cassent, espèrent, désespèrent, vivent, en-
fin, toute une vie en ce seul grand jour.
— As-tu tes moyens ? — Très en forme,
je vais épater le jury. — Je suis bien heu-
reux, j'ai pu, pour remplacer l'épée deRuy
Blas, me procurer une des cannes que le
prince de Galles a données jadis à Febvre.
— Est-ce que votre ami a des chances? —
Aucune, il sera infect. — Ah ! ma chère !
je crois que je vais avoir mal au ventre. —
Idiot le règlement; je voulais servir une
scène d'Ublf roi au jury, impossible : alors
j'ai pris du Marivaux. — Moi, si j'ai une
récompense, maman me l'a dit, le vieux
baron m'emmène aux bains de mer. — Oh!
je suis tranquille, Porel m'a déjà retenue;
il tient absolument à m'avoir. - Vrai ? -
Dame, il n'a plus Réjane. — Le trac?
Connais pas; laisse ça aux vieux cabots
qui ne savent plus. — L'intelligence du
jury ? Tu veux rire ; est-ce que je n'au-
rais pas dû obtenir mon prix il y a deux
ans. — Tiens, quel est donc celui qui parle 1
à Machin ? — Comment ! Tu ne le connais
pas, c'est Chose, le premier prix de 18.
— Où est-il donc, maintenant? — Em-
ployé chez Durondard, le grand marchand
de fruits secs.
Mais c'est fini, Théodore a parlé ; alors
on applaudit, on crie, on siffle, on rit. Les
uns s'en vont ivres de joie ; à eux le
monde ; les autres, après un moment de
révolte, stoïques, semblant se moquer du
résultat, se retirent et, rentrés chez eux,
pleurent. Pauvres petits. Bah 1 La jeunesse
a de la ressource. Qui rate une année
triomphe la suivante : espoir.
AU MUSÉE DU LUXEMBOURG
Prochainement réouverture de la salle
des expositions temporaires du Musée du
Luxembourg. Deux cents toiles y figure-
ront.
Cela c'est très bien. Mais il ne faudrait
pas négliger lesl excellentes œuvres qui at-
tendent leur passage au Louvre et le mé
ritent, car elles sauvent l'honneur de l'éta-
blissement déshonoré trop souvent par
l'admission de peinturlures qui ne sont pas
sales — oh, non ! — mais qui tiennent de.,
la place. Quand donc l'administration re-
noncera-t-elle à récurer les tableaux com-
me des casseroles ? Sauvages, va ! Ce doit
être le même auvergnat qui frotte les par-
quets et les œuvres des maîtres ? J'ai cons-
taté avec tristesse les ravages produits par
le système. Les Aimures de Vollon sont
complètement détériorées ; la Fortune de
Baudry est craquelée comme une vieille
porcelaine ; le Saint-Sébastien de Ribot
ressemble à un cloisonné. Que d'autres !
Dites donc, messieurs de l'administra-
tion, si ça ne vous fait rien, essayez donc
votre invention sur les œuvres étrangères
et sur les barbouillages réputés impres-
sionnistes.
« POUR REDRESSER LES NEZ »
Voici une annonce textuellement copiée
dans une grande revue féministe de Paris :
« Appareil modificateur des formes du
nez (G. S. D. G.). Amincit et redresse les
nez. — Trois modèles. »
C'est le cas de répéter le mot lapidaire de
Gallifet : « Tci-bas tout arrive, il suffit
d'avoir de l'estomac ». Consolez-vous donc,
petites dames coquettes, qui regrettez
d'avoir le nez épaté, busqué, camard, aqui-
lin, bourbonien ou retroussé; ne pleurez
plus parce que vous avez un petit nez
« ousqu'il pleut dedans », comme disait
Bruant. Procurez-vous ce petit appareil
merveilleux, et vous vous ferez un nez,
comme vous vous faites une taille, avec ce
nouveau genre de corset.
LOGIQUE MILITAIRE
On ne plaindra pas beaucoup le soldat
Adrien Campagne, du 87e de ligne, à Saint
Quentin, qui a passé en conseil de guerre
pour désertion, et qui s'est tiré d'affaire
avac un mois de prison, mitigé par la loi
de sursis.
Ce n'est pas d'ailleurs à raison de cette
condamnation que Campagne est à plain-
dre. Ce qui blesse la justice, dans son af-
faire, c'est qu'il ne devait faire qu'une
année de service comme aîné de veuve, et
qu'il accomplira intégralement ses trois
années.
Il paraît, qu'à peu près illettré, il n'avait
pas su fournir à l'autorité militaire les
pièces justifiant de son droit à l'exemp-
tion.
Je me permets de trouver raide qu'on
retienne un soutien de famille à la caserne,
sous prétexte qu'il manque un bout de pa-
pier à son dossier.
L'autorité militaire devrait savoir répa-
rer elle-même ces erreurs quand elle les
constate. Elle préfère jouer au plus malin
avec de pauvres diables sans défense. De
cette façon, on pousse de malheureux
conscrits à des actes de désespoir qui met-
tent inutilement en marche le « tourni-
quet )J.<
C'est d'une absurdité qui n'a pas de
nom.
CARCASSONNE
A Montmartre dans une brasserie :
M. JOSEPH PRUDHOMME. — Je le savais
bien, moi, que môssieu Combes parlerait
à son heure.
LE RAPIN. — Son heure. Faut croire
que c'est au quart qu'a sonne.
Le Passant.
——i
MOEURS TAUROIHACHÎQUES
Les incidents de Saint-Sébastien
Saint-Sébastiun, 26 juillet.
Le service funèbre et l'enterrement de la
première victime de la course aux taureaux de
dimanche a été ce matin une imposante dé-
monstration de sympathie pour la mémoire de
l'industriel français, M. Lizarituri, âgé de 42
ans, originaire de Saint-Jean-de-Luz.
Plus de 1.000 personnes formaient le cor-
tège derrièro la famille, où l'on voyait le pré-
fet, le maire, le ministre des affaires étran-
gères et le chargé d'affaires de France, le per-
sonnel de l'ambassade, du consulat et de la
colonie française.
La reine-mère a envoyé un haut fonction-
naire pour offrir ses condoléances à la famille
et exprimer ses regrets et sa sympathie aux
autres blessés étrangers.
Les médecins considèrent Pétat de la plu-
part des blesés comme satisfaisant, sauf pour
la français Larralde, une vieille dame espa-
gnole et le marquis Pidal, dont on hésite à
extraire la balle de la mâchoire parce qu'il est
diabétique.
Le ministre de l'intérieur a ordonné aux
gouverneurs de province de défendre désor-
mais les combats de taureaux avec des bêtes
féroces, pour éviter que des accidents comme
ceux de dimanche puissent se reproduire.
Les corridas de Marseille
Marseille, 26 juillet.
La première corrida de muerto de la saison
a eu lieu aux nouvelles arènes marseillaises.
Les courses ont été médiocres et à diverses
reprises le public a manifesté soa mécontente-
ment. Sept chevaux ont été éventrés.
Le directeur des arènes, M. Desfonds, a été
l'objet d'un procès verbal pour chacun des
animaux, taureaux et chevaux, tués et bles-
sés.
Les spectateurs ne sont pas encore tiré des
coups de revolver, mais, la vue du sang ai-
dant, cela pourra venir.
ARISTE
Ariste est plus que juste, il est bon. La loi
écrite, œuvre humaine et partant imparfaite,ne
jouit à ses yeux d'aucun prestige. Il connaît le
Code à merveille. Aussi sait-il le moyen de le
tourner, quand cela est nécessaire, car il pré-
fère obéir à la loi morale qui règne dans sa
conscience qu'aux prescriptions surannées
d'une législation faite par les riches et les puis-
sants au détriment des pauvres et des faibles.
Ariste parvient à atteindre le séducteur qui
laisse dans une misère profonde sa maîtresse
et son enfant, et court, volage, vers d'autres
amours. Il n'hésite point à séparer par le di-
vorce des époux que le caractère, les goûts, les
habitudes divisent et qui pourtant ne peuvent
articuler l'un contre l'autre aucun des griefs
prévus par des textes parcimonieux. Il est pi-
toyable aux souffrances de ces malheureux que
des nécessités légales accouplent, et transforme
leur enfer clos irrémédiablement en un pur-
gatoire dont les portes s'ouvrent, toutes gran-
des. Il professe qu'il n'est point de justice sans
indulgence, et que le cœur autant que la rai-
son doit peser dans les balances de Thémis. Il
acquitte le meurt-de faim qui dérobe un pain
à l'étalage, poussé par un besoin inéluctable.
Il s'e iquiert méticuleusement du passé des in-
culpés, cherche dans leur vie, non pas seule-
ment les fautes, mais les excuses. Et même
lorsqu'il condamne, il introduit dans son ju-
gement une phrase qui décèle le souci qu'il a
d'être humain et compatissant. Ariste est po-
pulaire. Aussi ses collègues le jalousent. Ils ont
pour idéal d'être des distributeurs automati-
ques de peines d'amende et d'emprisonnement.
La foule les ignore, et ne les glorifie point. Elle
a tort. Elle devrait les féliciter d'atteindre à
une si complète réalisation de leurs rêves. La
perfection est en effet digne d'éloges, en quel-
que sens qu'elle se manifeste. Ne louons pas
Ariste pourtant. Contentons-nous de lui décer-
ner le titre qu'il mérite en l'appelant le Bon
Juge, car, ayant dans son âme la joie rayon-
nante du devoir accompli, il n'a nul besoin
d'encouragements, dédaigne l'encens et mé-
prise les dithyrambes.
Léonce Armbruster.
-- *0
COMME IL EN FAUT
En province, dans une maison bourgeoise. Le
père, en train d'attacher ses bretelles, se promène
dans la chambre en pantoufles. Etendu noncha-
lamment sur un canapé, le flls fume une ciga-
rette. On frappe à la porte. Le fils sort puis ren-
tre au bout d'un instant. Il est de mauvaise hu-
meur.
LE PÈRE. — Qu'est-ce qu'il y a ?
LE FILS.- Il est écrit là-haut qu'on ne nous
fichera jamais la 'paix. C'est un jeune homme
à favoris qui demande à te parler.
LE PÈRE. — Oui, oui, je sais. Fais-le entrer
et laisse-nous.
Le flls ouvre la porte. Apparaît un jeune homme
d'aspect correct qui s'incline jusqu'à terre.
LE JEUNE HOMME. — Monsieur le Président.
LE PÈRE, bonhomme. — Entrez. Je ne vous
attendais pas si tôt, mon ami, mais vous tom-
bez à pic. Je vais immédiatement vous mettre
à l'épreuve. (Il désigne d'un coup d'œil sa chai-
se de nuit.) Allez me vider le bassin. C'est ai*
fond du jardin. Vous savez, ici, on n'est pas
installé comme à Paris.
LE JEUNE HOMME. — Avec plaisir, monsieur le
Président.
11 s'empare de ce récipient que, dans une pièce
célèbre un personnage de Labiche appelle un la-
crymatoire de la décadence et l'emporte avec
autant de respect qu'un saint Sacrement. Le fils,
intrigué, profite de cette sortie pour revenir voir
son père.
LE PÈRE. — Il est très bien, ce jeune hom-
me. Je vais l'arrêter.
Le jeune homme revient au bout d'une minute
avec une porcelaine d'une remarquable propreté.
Le fils s'esbigne de nouveau.
LE PÈRE. — C'est parfait. Remettez cet us-
tensile en place.
Maintenant, vous allez me chausser. Faites
vite.
(Il s'assied et tend ses pieds au visiteur qui lui
boutonne ses bottines avec plus d'empressement
que d'adresse.)
Ne vous troublez pas, mon ami. Quand vous
vous serez mis un peu au courant, ça ira com-
me sur des roulettes. Quand pouvez-vous en-
trer en fonctions ?
LE JEUNE HOMME. — , Quand Monsieur le pré-
sident voudra.
LE PÈRE. — Dès maintenant, mon ami. (Il
ouvre la porte et appelle son fils.) Edgar, voici
mon nouveau valet de chambre.
Le jeune homme manifeste la plus grande, stu-
péfaction. Il veut parler, mais les mots ne sor-
tent pas de sa gorge.
LE PÈRE. — Voyons, mon ami, qu'est-ce que
vous avez ?
LE FILS. - C'est l'émotion, papa. (Àu jeune
homme.) Remettez-vous, jeune homme. Papa
n'est pas si terrible qu'on le prétend.
LE JRUNE HOMME. — Mais, monsieur le secré-
taire général, je crois que monsieur le prési-
dent fait erreur. Ce n'est pas pour une place da
valet de chambre que j'ai l'honneur de me
présenter devant son auguste personne.
LE PÈRE. - Vous n'êtes pas le domestique
que m'avait recommandé mon ami le grand-
vicaire de Notre-Dame de la Rouspétance ?
LE JEUNE HOMME. — Non, monsieur le prési-
dent. Je vous suis envoyé par M. le député
Pompa^ec. Il m'avait fait espérer votre bien-
veillant appui. Je demande à entrer dans la
magistrature.
LE PÈRE. — Elle est bien bonne ! Et moi qui
vous ai fait vider mon. Toutes mes excuses,
mon ami.
LE JEUNE HOMME. — D'ailleurs, monsieur le
président, je crois avoir quelques titres. Je
suis.
LE FILS. — Nous vous avons vu à l'œuvre,
monsieur. J'écrirai aujourd'hui même à Vallé.
LE PÈRE. — Dis-lui qu'il tâche de caser ce
jeune homme au parquet ou au tribunal de la
Seine. Monsieur a tout ce qu'il faut pour faire
rapidement son chemin à Paris.
MAITRE CORBEAU.
TROUBLES EN IRLANDE
Catholiques et protestants
Armagh, 26 juillet.
A lasuite de la visite du cardinal Vannutelli
des troubles se sont produits. lis ont recom-
mencé hier soir. Les catholiques ont parcouru
le quartier protestant pour exercer des repré-
sailles. Ils ont brisé les vitraux de la cathé-
drale protestante et les vitres du presbytère
protestant. Les protestants de leur côté ont
saccag6 les maisons des catholiques situées
dans le quartier protestant, la foule a tiré des
coups de revolver. L'émeute n'a cessé qu'à
4 h. du matin. Un protestant a été trouvé éva-
noui la tête tailladée de blessures terribles qui
paraissent avoir été faites avec un couteau. La
police a demandé télégraphiquement des ren-
forts.
LES CONSEILS D'ARRONDISSEMENT
Les conseils d'arrondissement se réuniront
le 8 août pour la première partie de leur ses-
sion, et le 19 septembre pour la seconde par-'"
tie.
La durée de chacune ne pourra excéder cinq
jours.
CHRONIQUE
LA CIVILISATION EN MARCHE.
La civilisation, ou tout au moins ce que
j'entends naïvement par ce mot, c'est-à-
dire l'effort perpétuel vers plus de justice
et plus de bonté, et non la préoccupation
constante de prouver aux peuples voisins
qu'on est capable de les bombarder, de les
éventrer, de les mitrailler et de les dyna-
miter à toute heure du jour et de la nuit,
la civilisation pacifique, puis-je dire, hé-
las ! sans commettre de pléonasme, fait
des sursauts vraiment extraordinaires par-
mi toutes les nations de notre globe.
bailleurs, s'il en va de même dans les
autres planètes, — et pourquoi pas ? —
ça doit être du propre ! Mais ne nous
occupons que de la nôtre. Nous y voyons
que dans le pays le plus libre, le plus in-
dépendant, le plus moderne dans tous les
sens, vous entendez que je veux parler des
Etats-Unis de l'Amérique, on est en train
de rétablir les châtiments corporels.
Au moment où nous essayons de sous-
traire les animaux, et plus spécialement
les chevaux, au supplice du fouet,nous ap-
prenons qu'on vient de remettre la peine
du fouet en honneur et en usage dans tout
l'état de Kentucky ; à Lexington, pour un
délit quelconque et de peu d'importance,
un jeune nègre de 14 ans a reçu 50 coups
de fouet. Plus d'un millier de personnes
assistaient à ce répugnant spectacle : mais
il n'y avait pas, dans cette foule, que des
badauds cruels ; il y avait aussi des nègres
dont les yeux remplis de fureur disaient
assez les sentiments de haine et de ven-
geance dont ils étaient animés.
Le juge qui a rénové cette torture, en
espère le plus grand bien. Elle produira,
déclare-t-il, un effet salutaire sur les hom-
mes de couleur qui commettent de nom
breux vols. Dans l'Etat du Delaware la
peine du fouet est appliquée fréquemment
et elle est plus efficace que des mois et
des mois de prison. Rien ne remplace un
bon coup de fouet vigoureusement appli
qué sur l'épiderme d'un homme. Je sais
bien, a conclu le juge — le bon juge du
Kentucky — qu'on n'applique plus, depuis
la guerre de Sécession, la peine du fouet
dans notre Etat, mais elle s'impose de
nouveau.
Il veut dire par là qu'il l'impose de nou-
veau.
Les nègres d'Amérique vont bientôt être
plus maltraités que les chevaux de France.
Un de nos spirituels confrères de l'Aurore
parodiait récemment le Vase brisé, de Sully-
Prudhomme, et pouvait écrire :
Le fouet qui pend, mélancolique,
D'un grand péril est menacé;
Le coup lui vient d'une supplique.
Aucun arrêt n'est prononcé.
Mais la perfide flétrissure,
Attaquant le fouet chaque jour,
D'une marche invincible et sûre,
Des voitures fera le tour.
Les instants sont comptés à l'heure.
Son crédit est presque épuisé ;
Sur le siège, à peine, il demeure.
N'y touchez pas, il est brisé.
Ce n'est pas « Le fouet brisé », c'est
« Le fouet ressuscité » que vont chanter
mélancoliquement, en leurs tristes mélo-
pées, les noirs d'Outre-Atlantique. Comme
ils vont avoir envie de danser le cake-
walk, maintenant, avec une lanière de Da-
moclés au-dessus de leurs épaules !
S'ils ne peuvent se résoudre à vivre
dans cette crainte perpétuelle, je leur con-
seille de s'exiler en Roumanie : on a bien
encore, dans ce pays, l'habitude, léguée
par des lois anciennes, d'infliger des châ-
timents corporels dans les écoles et sur-
tout dans l'armée; mais cela ne va pas
tarder à cesser : les Roumains sont,comme
les Français, partisans du fouet brisé.
Lorsque les châtiments corporels, dit la
Vointa Nationala, cesseront d'être appliqués
dans l'armée et à l'école, lorsque la pédagogie
moderne, avec ses méthodes tendant au déve-
loppement libre des énergies morales sera
adoptée à la caserne et à l'école, nous aurons
fait un grand pas dans la voie du progrès et
il ne se passera pas longtemps avant que les
vestiges d'un passé honteux soient effacés de
notre vie familiale et sociale. Le sentiment de
dignité personnelle des membres de la société
sera rehausse pour le plus grand bien de la
nation et de l'Etat roumain.
Encore quelques années et les petits
Roumains seront éduqués et choyés comme
s'ils étaient des petits Japonais. Parlez-
moi de ces gaillards ! En voilà qui ne con-
naissent plus le fouet depuis longtemps.
Ils ne permettent même pas que l'institu-
teur leur tire l'oreille ou leur manque de
respect. Gare à lui s'il commet la moindre
injustice : tous les écoliers se mettent en
grève et ne reviennent en classe que lors-
qu'il a fait amende honorable.
Pas plus qu'ils ne se laissent donner le
fouet, ils ne le donnent aux animaux. Dans
le but de réprimer toute velléité de cruau-
té envers ces frères inférieurs, on défend
môme aux jeunes nippons de manger des
animaux. en sucre, en pain d'épices ou en
chocolat.
Des gens bien informés affirment que si
les Japonais réussissent à dicter à la Rus-
sie les conditions de la paix, ils exige-
ront, avant toute chose, la suppression du
knout.
Cela fait, ils n'auront plus qu'à se 10
tourner vers leurs amis les Américains en
les prier de supprimer l'usage du foua
contre les nègres.
N'avais-je pas raison de vous dire cM
la civilisation se déplace d'une façon qùr
nous paraîtra extraordinaire, même en cette
période de déplacements et villégiatures 1
G. de Vorney.
-—————— > ■■
LES PARISIENS DE PARIS
ET
L'HOTEL LAUZUN
Une' vieille et attrayante institut:
Un groupement d'érudits. — U - *
destinées d'un hôtel célèbre. -
ITutilisation de l'hôtel Xiauzun.
— Un collectionneur avisé.
Ce fut au cours de l'une des précédentes se.
maines que s'inaugura la prise de possession
des locaux concédés par la Ville à la Société
amicale de ceux de ses enfants dénommés
Les Parisiens de Paris. Aimablement, en effets
après des préliminaires et les échanges de pa-
perasses usitées selon les convenances admi-
nistratives, en avait mis à la disposition da
bureau de ce.te association, et ce, il faut bien
le dire, par faveur exceptionnelle, deux piè-
ces dépendant de l'hôtel Lauzun, afin de lui
permettre d'y tenir ses séances et de posséder
un siège social digne de son nom.
Les Parisiens de Paris ! Quel vocable serait
mieux propice à refléter le sens et le but artis-
tique de ce groupement,où compte tout ce que
notre grande cité possède de notoriétés indivi-
duelles dignes de son affection maternelle. On
s'imagine volontiers les travaux merveilleux
que la réunion d'hommes politiques, de litté-
rateurs, d'artistes, d'administrateurs et d'in-
dustriels dont les nourrices ont balancé la
berceau dans les immeubles situés en deç&
des fortifications, peut laisser augurer, lors-
que, sous la présidence d'honneur d'un Pari-
sien par adoption tel que le préfet de la
Seine lui-même, se rassemblent des érudits
qui savent à fond l'histoire de Paris, comma
M. Augé de Lassus, veillent sur l'entretien et
la sauvegarde de ses monuments, comme Mo.
Charles Normand, se préoccupent de retrou-
ver parmi les collections et les boutiques d'an-
tiquités et d'estampes des pages et des illus-
trations ignorées concernant son histoire, afin
d'enrichir, comme le font MM. Georges Cain
et Le Vayer, les trésors historiques dela Ville,,
des sculpteurs comme Allouard, des peintres
tels que Cormon, Tony-Robert Fleury, et tant
d'autres. Jusqu'à présent, il faut bien le dire,
l'absence d'un séjour stable et défini, en rap-
port avec le but de leurs efforts, n'avait suscité
aux Parisiens de Paris que le désir d'ailleurs
louable de se réunir à époques déterminées en
un diner confraternel. Le premier de ces dî-
ners, dont le menu fut illustré par le peintre
Saintin, remonte au 19 février 1880.
Mais, depuis vingt-quatre ans, que d'évé-
nements se sont passés, que de nobles appé-
tits se sont ouverts, offrant à la. vie collective
des horizons plus larges que ceux d'une nappe
superbement décorée de plats et d'argenterie,
L'hôtel Lauzun
Depuis, la Ville de Paris a fait l'emplette df
Lauzun, le vieil hôtel du quai d'Anjou acheté
autrefois par le célèbre mari de la grande Ma-
demoiselle, fille de Gaston d'Orléans, celle-là
même qui avait fait tirer le canon de la Bas-
tille au combat du faubourg Saint-Antoine.
C'est au retour de Pignerol, d'où sa captivité
avait été abrégée par la royale princesse,éprise
de ce seigneur portant beau malgré la cin-
quantaine, que le capitaine de mousquetaires,
et comte, puis bientôt duc de Lauzun, avait
négocié cet achat.
Le quai des Balcons, comme on appelait
alors le quai d'Anjou, était très à la mode. Les
maisons, ou plutôt les hôtels, construits POUI
la plupart par Leveau, l'architecte en vogue,
abritaient de nobles familles : les d'Ormesson,
les Molé, le président Lambert de Thorigny,
dont la fastueuse existence a laissé d'impé-
rissables souvenirs dans l'hôtel qui fait l'an-
gle du quai et de la rue Saint-Louis-en-l'Ile,
hôtel décoré par Lesueur et Lebrun, et que plut
tard Voltaire habita.
Profitant de la débâcle causée par la dis-
grâce de Fouquet, aux affaires de nombreux
traitants et commerçants compromis dans fe
procès suscité par Colbert à son prédécesseur,
Lauzun avait acquis du fils de l'un d'eux,
nommé Groïn, puis Groin des Bordes quand
l'état de sa fortune le lui eut permis, l'hôtel
construit par ce trafiquant, issu d'un cahare-
tier et devenu, à force de pots-de vin, com-
missaire général des vivres pour la cavalerie
légère. La vente fut consentie pour un morceau
de pain, comme on dirait aujourd'hui : quatre-
vingt-mille livres. L'hôtel plaisait surtout à
cause des nombreuses loggias mystérieuses,
des grippeminauds et des sorties dérobées qui
permettaient à M. de Lauzun de fuir tes colè-
res légendaires de sa royale épouse.
Mais trois années, la durée minima d'un
bail ordinaire, suffirent à son humeur capri-
cieuse de bellâtre infidèle. Au bout de ce
temps, l'immeuble fut vendu à un Richelieu
désireux d'y loger une petite-nièce de Maza-
rin dont il avait fait la conquête. Puis il passa
entre les mains d'un receveur du clergé,
homme austère et- pieux, nommé Ogier, et
plus tard à la famille de Pimodan, dont il
prit le nom.
On était alors au XVIIIe siècle, proche Is
Révolution.
Le baron Pichon '"-
Pendant la période tourmentée au cours de
laquelle le peuple français conquit sa liberté,
l'hôtel, confisqué à la suite du décret d'accu-
sation lancé contre M. de la VioIIaye. gendre
des Pimodan, fut acquis par un nommé Ca-
pon, qui, du moins, eut le bon goût, tout fa-
bricant de colle de pâte qu'il fût, de respecter,
à défaut de la plaque des Pimodan qui doit
gésir dans quelque cave, les décorations pré-
cieuses qui font encore aujourd'hui tout lt
charme de cette habitation. Par bonheur, ver,
le milieu du siècle dernier, elle devint la pro-
priété du baron Pichon, collectionneur avisé,
élevé à l'école artiste do Vivant-Denon, des-
cendant lui-même, par la lignée maternelle,
de l'architecte Brongniart, et qui sut conser-
ver à ce logis qu'il chérissait, toute sa splen-
deur. En Mécène indulgent, il s'honora d'être
lo propriétaire de Baudelaire, lequel, dans le
petit appartement qu'il occupait au deuxième
étage, offrait à ses amis le régal dangereux dea
paradis artificiels, en des séances haschichi-
nes demeurées célèbres et que nous conta la
verve enjouée de Théophile Gautier dans sa
préface des Fleurs du mal.
La mort du baron Pichon amena la mise en
vente de l'hôtel, devenu aujourd'hui la pro-
priété de la Ville de Paris, laquelle lui a ronda
sa primitive dénomination d'Hôtel "Lauzun, et
l'a annexé en principe au musée Carnavalet,
dont il semble tout indiqué pour devenir la
succursale. Mais, sauf une peinture : la Pro-
clamation de la Paix, tableau du 18* siècle
rappelant le traité de Vienne (1738), on n'a
encore rien ajouté aux agréments décoratift
de cet immeuble dépourvu de mobilier., et qui
N. t2557 - 9 THSBMÎDOR AN tiP
m
- canvQ rymiras ï-TÇ TVïrwnmo
«TETJBI 38 JUILLET 1904. — N. 12557
- FoIlOATEUH: AUGUSTE V ACgUERIE
ABONNEMENTS
♦■4 Il Mb Ml Mil Skm* un a
2fr. 6fr. 9fr. 18 fW
fcépartem ente.. 2 — 6 — 11 — 20 —
pnion Postale. 3 - 9 — 16 - 32 —•
DIRECTEUR POLITIQUE : CHARLES BOS ,
ANNONCES.
MM. CH. LAGRANGE, CERF & C*
6, Place de la Bourse, 6
CT AUX BUREAUX DU JOURNAL
Secrétaire Général : A.-F. CECCALDI
KÉDACTION : 14, RUE DU MAIL, PARIS. - TÉLÉPHONE 102.82
1. Adresser les communications au Rédacteur en Chef
Rédacteur en Chef s HENRY MARET
ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL. — TÉLÉPHONE 102.88
Adresser lettres et mandais à r Administrateur
On nous demande en ce moment de nom-
breux changements d'adresses. Nous rappe-
lons à nos abonnés qu'ils doivent joindre
0 fr. 60 à leur demande pour l'impression
de nouvelles bandes.
Nous rappelons également à nos abonnés
Parisiens qui s1 en vont en province qu'ils ont,
en nous envoyant leur changement d'adresse,
id nous faire parvenir autant de fois UN
CENTIME qu'ils seront de jours absents de
Paris, le port pour la province étant de
deux centimes
-
L'AVEU
Plus heureux que le vieux paysan
de Nadaud, M. le président du conseil
pense mourir content, car il aura vu
Carcassonne. Que, maintenant, il visite
Béziers et CasteJnaudary, et il ne lui
restera rien à désirer sur la terre.
Ce n'est pas d'ailleurs seulement
par simple curiosité que notre Père
parcourt ces lieux enchantés. C'est
pour y porter la bonne parole, cette
parole qui, semblable au glaive de
saint Michel, pourfend le mécréant et le
laisse sur le nez, une épée dans le
dos, position particulièrement incom-
mode pour une réponse que d'ailleurs
on ne lui demande pas.
J'admire que des fâcheux reprochent
constamment aux discours de M. le pré-
sident du conseil de répéter la même
chose. Eh ! que voulez-vous qu'il dise?
Je dis toujours la même chose, ré-
pondait Pierrot, parce que c'est tou-
jours la même chose. Il exprime son
contentement d'être au pouvoir, sa
persuasion que tout ce qu'il fait est
bien fait, que son gouvernement est
le plus spiendide des gouvernements,
.et que ceux qui disent le contraire
sont des propres à rien. Voudriez-vous
pas par hasard que,pour être original,
il dise qu'il ne fait que des sottises,
que sa politique est la plus détestable
des politiques, et que les esprits indé-
pendants qui le critiquent sont dignes
d'être écoutés ? Certainement ce ne
serait pas ordinaire, mais on ne peut
pas lui demander çà.
Le ministère gouverne comme il
faut gouverner. Il le dit et il le pense;
et si jamais parole a été conforme à
une pensée, c'est indubitablement
cette parole à cette pensée.
Cependant, un passage de son dis-
cours, que j'ai lu avec le respect qui
convient, m'a semblé être en désac-
cord avec les félicitations que chacun
se doit il soi-même. C'est celui que
voici et auquel, pour ma part, j'ap-
plaudis de tout mon cœur :
« Le déshonneur n'est pas nécessai-
rement dans la défaite, il est dans la
victoire quand elle a été acquise par
des moyens illégitimes. Mieux vaut
alors être avec les vaincus qu'avec les
victorieux. La conscience du genre
hnmain venge les premiers, et réprou-
TTA 1 A/i v*
vc îca c;t.JUUU;:'. Il
Voilà qui est parfait. Mais comment
prendront cela les thuriféraires, qui
n'ont d'autre argument à nous oppo-
ser que celui des majorités, et qui ne
cessent de nous dire : « Vous voyez
bien que vous avez tort, puisque la
majorité n'est pas avec vous ! » On
peut donc avoir raison contre la majo-
rité? Les vaincus peuvent donc valoir
mieux que les victorieux ? La cons-
cience les vengera donc un jour ?
Qui dit cela ? Le même homme, qui
ne justifie sa politique que par les ap-
plaudissements qu'elle reçoit. Et vous
prétendez qu'il n'y a rien d'original
dans ce discours ! Mais quoi de plus
original que cet aveu ?
Le vainqueur dit : « Le pays est avec
moi ; je suis vainqueur sur toute la
ïigne. Mais cela ne veut rien dire du
out. Et cela n'empêche pas que ce sont
peut-être les autres qui ont raison. »
Je sais bien que ces paroles ne s'ap-
pliquent qu'aux élections où-il a eu le
dessous, et que partout où il a eu le
dessus, c'est la majorité qui a eu la
vérité. Mais elles n'en sont pas moins
dites, et d'autant plus faciles à retour-
ner qu'elles sont admirablement vraies.
J'irai même plus loin. Non-seule-
ment les courants ne sont pas tous
bons, mais on peut dire qu'ils sont
presque toujours mauvais, et que ce-
lui qui veut rester dans la vérité, dans
le droit, dans la justice,dans la raison,
a le devoir de leur résister. Tous sont
dus à des emballements irréfléchis.
Est-ce que ce n'est pas un courant, qui
a porté Louis-Napoléon sur le trône ?
Est-ce que le boulangisme ne fut pas
uu ouuxant c Est-ce que le nationa-
lisme ne fut pas un courant ? En ce
moment, nous avons le combisme,
qui est la réponse du berger à la ber-
gère, et l'un n'est pas moins ridicule
que l'autre. Le sage n'entre dans au-
cun deces courants-là, ets'ilest vaincu,
il se console en se disant, tout comme
Combes, qu'il a raison tout de même.
Vous voyez qu'on peut glaner de
bonne philosophie partout, puisque
! en ai trouvé là où l'orateur n'avait
guère cherché à en mettre, ayant per-
wnnellement simplifié la question élec-
torale jusqu'à n'en faire qu'une ques-
tion de majorité vis-à-vis du pouvoir.
Jadis, on classait les candidats sous
des étiquettes variées, représentant des
partis et des opinions. Aujourd'hui, il
ne s'agit plus que d'être ministériel ou
antiministériel, et si vous demandez ce
que cela veut dire, repassez, mon
brave homme, on vous répondra plus
tard.
HENRY MARET.
LES ON-DIT
Un mouvement préfectoral? Oui,
il paraît qu'on en ferait un -après
les élections des conseils généraux.
Je sais bien qu'on en annonçait un
pour la semaine qui suivrait les
élections municipales. De sorte que
tout le monde finit par croire au maintien du
statu quo.
Mais, soit. Admettons qu'aussitôt après les
élections cantonales, le gouvernement change
des préfets : avouons que le moment sera mal
choisi.
Autant nous sommes d'avis que c'est le de-
voir des gouvernants de choisir des collabora-
teurs, des représentants dont la sûreté répu-
blicaine soit hors de doute — autant nous blâ-
merions la pression exercée sur des fonction-
naires pour obtenir d'eux des services que la
conscience réprouverait.
Si le corps préfectoral est composé d'hom-
mes dévoués à la démocratie, il est inutile de
le menacer des risques d'un mouvement pro-
chain. Si ce corps préfectoral est constitué par
des éléments réactionnaires, il faut opérer les
changements nécessaires sans attendre que
des méfaits d'ordre électoral aient été com-
mis.
Bref, c'est sur la loyauté de fonctionnaires
républicains qu'il convient de compter, et non
sur les craintes de préfets cléricaux inquiets
pour leur avancement.
Au surplus, quand on aura obtenu des pré-
fets réactionnaires les excès de zèle qu'on at-
tend d'eux, comment s'y prendra-t-on pour les
révoquer ?
De sorte qu'en guise de mouvement préfec-
toral, on publiera une apparence de mouve-
ment préfectoral. Les procédés du ministère ne
varient jamais beaucoup.
L'ÉCLAIRAGE DU LUXEMBOURG
M. Alpy, conseiller municipal réaction-
naire du quartier de l'Odéon, faisant ses
confidences à un de nos confrères, parle de
la vieille question de l'éclairage du Luxem-
bourg.
- Il est très regrettable, dit-il, que les
pouvoirs de la Ville expirent aux grilles du
célèbre jardin, et que la questure du Sénat
se montre si jalouse de ses droits. Il sem-
blerait vraiment que le Luxembourg soit
sa propriété exclusive, et qu'elle fasse une
énorme concession en autorisant les Pari-
siens à y circuler.
Là dessus, M. Alpy montre que,les soirs
d'été, le Luxembourg,éclairé à l'électricité,
serait favorable à la promenade, démontre
encore que les habitants du quartier se-
raient heureux de ne pas faire les détours
insensés auxquels ils sont condamnés
maintenant, dès le crépuscule.
Mais pardon, M. Alpy, depuis plus de
quinze ans que vous êtes conseiller muni-
cipal de l'Odéon, n'avez-vous pas eu le
temps de soumettre aux questeurs du Sé-
nat les réflexions, justes d'ailleurs, que
vous communiquez aux journaux - les-
quels n'y peuvent mais ?
UN CŒUR ANORMAL
Il y a des cœurs qui battent trop vite :
en voici un qui détient le record de la len-
teur. Une revue scientifique de Berlin a re-
levé le cas extraordinaire d'un vieillard,
parfaitement sain et bien portant, dont le
cœur battait seulement 30 pulsations à la
minute. On a bien vu des malades n'accu-
ser que 20 pulsations à la minute, mais
ils souffraient de lésions cardiaques. Dans
le cas présent, le vieillard, âgé de 61 ans,
est parfaitement valide. Voilà un homme
qui, selon toute probabilité, sera au moins
centenaire, car si le cœur est une machine
qui ne s'use que par le frottement,celui-ci est
capable de battre longtemps sans user les
provisions d'huile que le Créateur a dû
ménager pour graisser les rouages.
A CABOTINVILLE
Aujourd'hui, au Conservatoire, ont lieu
les seuls concours qui vraiment comptent ;
les autres, on le sait bien, n'ont d'autre
valeur que celle de l'humble persil qu'on
met autour du plat quand on sert une tête
de veau.
Oh ! ces deux concours, Tragédie : « A
quatre pas d'ici, je te le fais savoir —
Prends un siège Cinna ». Comédie : Oh !
oh ! je n'y prenais pas garde — Le petit
chat est mort », mais ce sont les seuls évé-
nements de l'année dignes d'être notés par
les historiographes.
Dès le matin, après une nuit traversée
par de multiples songes, nos jeunes espoirs
arrivent, s'épandent dans les cours et, mê-
lés au public spécial des concours, jusqu'au
soir, jusqu'à la proclamation des récompen-
ses par Théodore, parlent, bavardent, ja-
cassent, espèrent, désespèrent, vivent, en-
fin, toute une vie en ce seul grand jour.
— As-tu tes moyens ? — Très en forme,
je vais épater le jury. — Je suis bien heu-
reux, j'ai pu, pour remplacer l'épée deRuy
Blas, me procurer une des cannes que le
prince de Galles a données jadis à Febvre.
— Est-ce que votre ami a des chances? —
Aucune, il sera infect. — Ah ! ma chère !
je crois que je vais avoir mal au ventre. —
Idiot le règlement; je voulais servir une
scène d'Ublf roi au jury, impossible : alors
j'ai pris du Marivaux. — Moi, si j'ai une
récompense, maman me l'a dit, le vieux
baron m'emmène aux bains de mer. — Oh!
je suis tranquille, Porel m'a déjà retenue;
il tient absolument à m'avoir. - Vrai ? -
Dame, il n'a plus Réjane. — Le trac?
Connais pas; laisse ça aux vieux cabots
qui ne savent plus. — L'intelligence du
jury ? Tu veux rire ; est-ce que je n'au-
rais pas dû obtenir mon prix il y a deux
ans. — Tiens, quel est donc celui qui parle 1
à Machin ? — Comment ! Tu ne le connais
pas, c'est Chose, le premier prix de 18.
— Où est-il donc, maintenant? — Em-
ployé chez Durondard, le grand marchand
de fruits secs.
Mais c'est fini, Théodore a parlé ; alors
on applaudit, on crie, on siffle, on rit. Les
uns s'en vont ivres de joie ; à eux le
monde ; les autres, après un moment de
révolte, stoïques, semblant se moquer du
résultat, se retirent et, rentrés chez eux,
pleurent. Pauvres petits. Bah 1 La jeunesse
a de la ressource. Qui rate une année
triomphe la suivante : espoir.
AU MUSÉE DU LUXEMBOURG
Prochainement réouverture de la salle
des expositions temporaires du Musée du
Luxembourg. Deux cents toiles y figure-
ront.
Cela c'est très bien. Mais il ne faudrait
pas négliger lesl excellentes œuvres qui at-
tendent leur passage au Louvre et le mé
ritent, car elles sauvent l'honneur de l'éta-
blissement déshonoré trop souvent par
l'admission de peinturlures qui ne sont pas
sales — oh, non ! — mais qui tiennent de.,
la place. Quand donc l'administration re-
noncera-t-elle à récurer les tableaux com-
me des casseroles ? Sauvages, va ! Ce doit
être le même auvergnat qui frotte les par-
quets et les œuvres des maîtres ? J'ai cons-
taté avec tristesse les ravages produits par
le système. Les Aimures de Vollon sont
complètement détériorées ; la Fortune de
Baudry est craquelée comme une vieille
porcelaine ; le Saint-Sébastien de Ribot
ressemble à un cloisonné. Que d'autres !
Dites donc, messieurs de l'administra-
tion, si ça ne vous fait rien, essayez donc
votre invention sur les œuvres étrangères
et sur les barbouillages réputés impres-
sionnistes.
« POUR REDRESSER LES NEZ »
Voici une annonce textuellement copiée
dans une grande revue féministe de Paris :
« Appareil modificateur des formes du
nez (G. S. D. G.). Amincit et redresse les
nez. — Trois modèles. »
C'est le cas de répéter le mot lapidaire de
Gallifet : « Tci-bas tout arrive, il suffit
d'avoir de l'estomac ». Consolez-vous donc,
petites dames coquettes, qui regrettez
d'avoir le nez épaté, busqué, camard, aqui-
lin, bourbonien ou retroussé; ne pleurez
plus parce que vous avez un petit nez
« ousqu'il pleut dedans », comme disait
Bruant. Procurez-vous ce petit appareil
merveilleux, et vous vous ferez un nez,
comme vous vous faites une taille, avec ce
nouveau genre de corset.
LOGIQUE MILITAIRE
On ne plaindra pas beaucoup le soldat
Adrien Campagne, du 87e de ligne, à Saint
Quentin, qui a passé en conseil de guerre
pour désertion, et qui s'est tiré d'affaire
avac un mois de prison, mitigé par la loi
de sursis.
Ce n'est pas d'ailleurs à raison de cette
condamnation que Campagne est à plain-
dre. Ce qui blesse la justice, dans son af-
faire, c'est qu'il ne devait faire qu'une
année de service comme aîné de veuve, et
qu'il accomplira intégralement ses trois
années.
Il paraît, qu'à peu près illettré, il n'avait
pas su fournir à l'autorité militaire les
pièces justifiant de son droit à l'exemp-
tion.
Je me permets de trouver raide qu'on
retienne un soutien de famille à la caserne,
sous prétexte qu'il manque un bout de pa-
pier à son dossier.
L'autorité militaire devrait savoir répa-
rer elle-même ces erreurs quand elle les
constate. Elle préfère jouer au plus malin
avec de pauvres diables sans défense. De
cette façon, on pousse de malheureux
conscrits à des actes de désespoir qui met-
tent inutilement en marche le « tourni-
quet )J.<
C'est d'une absurdité qui n'a pas de
nom.
CARCASSONNE
A Montmartre dans une brasserie :
M. JOSEPH PRUDHOMME. — Je le savais
bien, moi, que môssieu Combes parlerait
à son heure.
LE RAPIN. — Son heure. Faut croire
que c'est au quart qu'a sonne.
Le Passant.
——i
MOEURS TAUROIHACHÎQUES
Les incidents de Saint-Sébastien
Saint-Sébastiun, 26 juillet.
Le service funèbre et l'enterrement de la
première victime de la course aux taureaux de
dimanche a été ce matin une imposante dé-
monstration de sympathie pour la mémoire de
l'industriel français, M. Lizarituri, âgé de 42
ans, originaire de Saint-Jean-de-Luz.
Plus de 1.000 personnes formaient le cor-
tège derrièro la famille, où l'on voyait le pré-
fet, le maire, le ministre des affaires étran-
gères et le chargé d'affaires de France, le per-
sonnel de l'ambassade, du consulat et de la
colonie française.
La reine-mère a envoyé un haut fonction-
naire pour offrir ses condoléances à la famille
et exprimer ses regrets et sa sympathie aux
autres blessés étrangers.
Les médecins considèrent Pétat de la plu-
part des blesés comme satisfaisant, sauf pour
la français Larralde, une vieille dame espa-
gnole et le marquis Pidal, dont on hésite à
extraire la balle de la mâchoire parce qu'il est
diabétique.
Le ministre de l'intérieur a ordonné aux
gouverneurs de province de défendre désor-
mais les combats de taureaux avec des bêtes
féroces, pour éviter que des accidents comme
ceux de dimanche puissent se reproduire.
Les corridas de Marseille
Marseille, 26 juillet.
La première corrida de muerto de la saison
a eu lieu aux nouvelles arènes marseillaises.
Les courses ont été médiocres et à diverses
reprises le public a manifesté soa mécontente-
ment. Sept chevaux ont été éventrés.
Le directeur des arènes, M. Desfonds, a été
l'objet d'un procès verbal pour chacun des
animaux, taureaux et chevaux, tués et bles-
sés.
Les spectateurs ne sont pas encore tiré des
coups de revolver, mais, la vue du sang ai-
dant, cela pourra venir.
ARISTE
Ariste est plus que juste, il est bon. La loi
écrite, œuvre humaine et partant imparfaite,ne
jouit à ses yeux d'aucun prestige. Il connaît le
Code à merveille. Aussi sait-il le moyen de le
tourner, quand cela est nécessaire, car il pré-
fère obéir à la loi morale qui règne dans sa
conscience qu'aux prescriptions surannées
d'une législation faite par les riches et les puis-
sants au détriment des pauvres et des faibles.
Ariste parvient à atteindre le séducteur qui
laisse dans une misère profonde sa maîtresse
et son enfant, et court, volage, vers d'autres
amours. Il n'hésite point à séparer par le di-
vorce des époux que le caractère, les goûts, les
habitudes divisent et qui pourtant ne peuvent
articuler l'un contre l'autre aucun des griefs
prévus par des textes parcimonieux. Il est pi-
toyable aux souffrances de ces malheureux que
des nécessités légales accouplent, et transforme
leur enfer clos irrémédiablement en un pur-
gatoire dont les portes s'ouvrent, toutes gran-
des. Il professe qu'il n'est point de justice sans
indulgence, et que le cœur autant que la rai-
son doit peser dans les balances de Thémis. Il
acquitte le meurt-de faim qui dérobe un pain
à l'étalage, poussé par un besoin inéluctable.
Il s'e iquiert méticuleusement du passé des in-
culpés, cherche dans leur vie, non pas seule-
ment les fautes, mais les excuses. Et même
lorsqu'il condamne, il introduit dans son ju-
gement une phrase qui décèle le souci qu'il a
d'être humain et compatissant. Ariste est po-
pulaire. Aussi ses collègues le jalousent. Ils ont
pour idéal d'être des distributeurs automati-
ques de peines d'amende et d'emprisonnement.
La foule les ignore, et ne les glorifie point. Elle
a tort. Elle devrait les féliciter d'atteindre à
une si complète réalisation de leurs rêves. La
perfection est en effet digne d'éloges, en quel-
que sens qu'elle se manifeste. Ne louons pas
Ariste pourtant. Contentons-nous de lui décer-
ner le titre qu'il mérite en l'appelant le Bon
Juge, car, ayant dans son âme la joie rayon-
nante du devoir accompli, il n'a nul besoin
d'encouragements, dédaigne l'encens et mé-
prise les dithyrambes.
Léonce Armbruster.
-- *0
COMME IL EN FAUT
En province, dans une maison bourgeoise. Le
père, en train d'attacher ses bretelles, se promène
dans la chambre en pantoufles. Etendu noncha-
lamment sur un canapé, le flls fume une ciga-
rette. On frappe à la porte. Le fils sort puis ren-
tre au bout d'un instant. Il est de mauvaise hu-
meur.
LE PÈRE. — Qu'est-ce qu'il y a ?
LE FILS.- Il est écrit là-haut qu'on ne nous
fichera jamais la 'paix. C'est un jeune homme
à favoris qui demande à te parler.
LE PÈRE. — Oui, oui, je sais. Fais-le entrer
et laisse-nous.
Le flls ouvre la porte. Apparaît un jeune homme
d'aspect correct qui s'incline jusqu'à terre.
LE JEUNE HOMME. — Monsieur le Président.
LE PÈRE, bonhomme. — Entrez. Je ne vous
attendais pas si tôt, mon ami, mais vous tom-
bez à pic. Je vais immédiatement vous mettre
à l'épreuve. (Il désigne d'un coup d'œil sa chai-
se de nuit.) Allez me vider le bassin. C'est ai*
fond du jardin. Vous savez, ici, on n'est pas
installé comme à Paris.
LE JEUNE HOMME. — Avec plaisir, monsieur le
Président.
11 s'empare de ce récipient que, dans une pièce
célèbre un personnage de Labiche appelle un la-
crymatoire de la décadence et l'emporte avec
autant de respect qu'un saint Sacrement. Le fils,
intrigué, profite de cette sortie pour revenir voir
son père.
LE PÈRE. — Il est très bien, ce jeune hom-
me. Je vais l'arrêter.
Le jeune homme revient au bout d'une minute
avec une porcelaine d'une remarquable propreté.
Le fils s'esbigne de nouveau.
LE PÈRE. — C'est parfait. Remettez cet us-
tensile en place.
Maintenant, vous allez me chausser. Faites
vite.
(Il s'assied et tend ses pieds au visiteur qui lui
boutonne ses bottines avec plus d'empressement
que d'adresse.)
Ne vous troublez pas, mon ami. Quand vous
vous serez mis un peu au courant, ça ira com-
me sur des roulettes. Quand pouvez-vous en-
trer en fonctions ?
LE JEUNE HOMME. — , Quand Monsieur le pré-
sident voudra.
LE PÈRE. — Dès maintenant, mon ami. (Il
ouvre la porte et appelle son fils.) Edgar, voici
mon nouveau valet de chambre.
Le jeune homme manifeste la plus grande, stu-
péfaction. Il veut parler, mais les mots ne sor-
tent pas de sa gorge.
LE PÈRE. — Voyons, mon ami, qu'est-ce que
vous avez ?
LE FILS. - C'est l'émotion, papa. (Àu jeune
homme.) Remettez-vous, jeune homme. Papa
n'est pas si terrible qu'on le prétend.
LE JRUNE HOMME. — Mais, monsieur le secré-
taire général, je crois que monsieur le prési-
dent fait erreur. Ce n'est pas pour une place da
valet de chambre que j'ai l'honneur de me
présenter devant son auguste personne.
LE PÈRE. - Vous n'êtes pas le domestique
que m'avait recommandé mon ami le grand-
vicaire de Notre-Dame de la Rouspétance ?
LE JEUNE HOMME. — Non, monsieur le prési-
dent. Je vous suis envoyé par M. le député
Pompa^ec. Il m'avait fait espérer votre bien-
veillant appui. Je demande à entrer dans la
magistrature.
LE PÈRE. — Elle est bien bonne ! Et moi qui
vous ai fait vider mon. Toutes mes excuses,
mon ami.
LE JEUNE HOMME. — D'ailleurs, monsieur le
président, je crois avoir quelques titres. Je
suis.
LE FILS. — Nous vous avons vu à l'œuvre,
monsieur. J'écrirai aujourd'hui même à Vallé.
LE PÈRE. — Dis-lui qu'il tâche de caser ce
jeune homme au parquet ou au tribunal de la
Seine. Monsieur a tout ce qu'il faut pour faire
rapidement son chemin à Paris.
MAITRE CORBEAU.
TROUBLES EN IRLANDE
Catholiques et protestants
Armagh, 26 juillet.
A lasuite de la visite du cardinal Vannutelli
des troubles se sont produits. lis ont recom-
mencé hier soir. Les catholiques ont parcouru
le quartier protestant pour exercer des repré-
sailles. Ils ont brisé les vitraux de la cathé-
drale protestante et les vitres du presbytère
protestant. Les protestants de leur côté ont
saccag6 les maisons des catholiques situées
dans le quartier protestant, la foule a tiré des
coups de revolver. L'émeute n'a cessé qu'à
4 h. du matin. Un protestant a été trouvé éva-
noui la tête tailladée de blessures terribles qui
paraissent avoir été faites avec un couteau. La
police a demandé télégraphiquement des ren-
forts.
LES CONSEILS D'ARRONDISSEMENT
Les conseils d'arrondissement se réuniront
le 8 août pour la première partie de leur ses-
sion, et le 19 septembre pour la seconde par-'"
tie.
La durée de chacune ne pourra excéder cinq
jours.
CHRONIQUE
LA CIVILISATION EN MARCHE.
La civilisation, ou tout au moins ce que
j'entends naïvement par ce mot, c'est-à-
dire l'effort perpétuel vers plus de justice
et plus de bonté, et non la préoccupation
constante de prouver aux peuples voisins
qu'on est capable de les bombarder, de les
éventrer, de les mitrailler et de les dyna-
miter à toute heure du jour et de la nuit,
la civilisation pacifique, puis-je dire, hé-
las ! sans commettre de pléonasme, fait
des sursauts vraiment extraordinaires par-
mi toutes les nations de notre globe.
bailleurs, s'il en va de même dans les
autres planètes, — et pourquoi pas ? —
ça doit être du propre ! Mais ne nous
occupons que de la nôtre. Nous y voyons
que dans le pays le plus libre, le plus in-
dépendant, le plus moderne dans tous les
sens, vous entendez que je veux parler des
Etats-Unis de l'Amérique, on est en train
de rétablir les châtiments corporels.
Au moment où nous essayons de sous-
traire les animaux, et plus spécialement
les chevaux, au supplice du fouet,nous ap-
prenons qu'on vient de remettre la peine
du fouet en honneur et en usage dans tout
l'état de Kentucky ; à Lexington, pour un
délit quelconque et de peu d'importance,
un jeune nègre de 14 ans a reçu 50 coups
de fouet. Plus d'un millier de personnes
assistaient à ce répugnant spectacle : mais
il n'y avait pas, dans cette foule, que des
badauds cruels ; il y avait aussi des nègres
dont les yeux remplis de fureur disaient
assez les sentiments de haine et de ven-
geance dont ils étaient animés.
Le juge qui a rénové cette torture, en
espère le plus grand bien. Elle produira,
déclare-t-il, un effet salutaire sur les hom-
mes de couleur qui commettent de nom
breux vols. Dans l'Etat du Delaware la
peine du fouet est appliquée fréquemment
et elle est plus efficace que des mois et
des mois de prison. Rien ne remplace un
bon coup de fouet vigoureusement appli
qué sur l'épiderme d'un homme. Je sais
bien, a conclu le juge — le bon juge du
Kentucky — qu'on n'applique plus, depuis
la guerre de Sécession, la peine du fouet
dans notre Etat, mais elle s'impose de
nouveau.
Il veut dire par là qu'il l'impose de nou-
veau.
Les nègres d'Amérique vont bientôt être
plus maltraités que les chevaux de France.
Un de nos spirituels confrères de l'Aurore
parodiait récemment le Vase brisé, de Sully-
Prudhomme, et pouvait écrire :
Le fouet qui pend, mélancolique,
D'un grand péril est menacé;
Le coup lui vient d'une supplique.
Aucun arrêt n'est prononcé.
Mais la perfide flétrissure,
Attaquant le fouet chaque jour,
D'une marche invincible et sûre,
Des voitures fera le tour.
Les instants sont comptés à l'heure.
Son crédit est presque épuisé ;
Sur le siège, à peine, il demeure.
N'y touchez pas, il est brisé.
Ce n'est pas « Le fouet brisé », c'est
« Le fouet ressuscité » que vont chanter
mélancoliquement, en leurs tristes mélo-
pées, les noirs d'Outre-Atlantique. Comme
ils vont avoir envie de danser le cake-
walk, maintenant, avec une lanière de Da-
moclés au-dessus de leurs épaules !
S'ils ne peuvent se résoudre à vivre
dans cette crainte perpétuelle, je leur con-
seille de s'exiler en Roumanie : on a bien
encore, dans ce pays, l'habitude, léguée
par des lois anciennes, d'infliger des châ-
timents corporels dans les écoles et sur-
tout dans l'armée; mais cela ne va pas
tarder à cesser : les Roumains sont,comme
les Français, partisans du fouet brisé.
Lorsque les châtiments corporels, dit la
Vointa Nationala, cesseront d'être appliqués
dans l'armée et à l'école, lorsque la pédagogie
moderne, avec ses méthodes tendant au déve-
loppement libre des énergies morales sera
adoptée à la caserne et à l'école, nous aurons
fait un grand pas dans la voie du progrès et
il ne se passera pas longtemps avant que les
vestiges d'un passé honteux soient effacés de
notre vie familiale et sociale. Le sentiment de
dignité personnelle des membres de la société
sera rehausse pour le plus grand bien de la
nation et de l'Etat roumain.
Encore quelques années et les petits
Roumains seront éduqués et choyés comme
s'ils étaient des petits Japonais. Parlez-
moi de ces gaillards ! En voilà qui ne con-
naissent plus le fouet depuis longtemps.
Ils ne permettent même pas que l'institu-
teur leur tire l'oreille ou leur manque de
respect. Gare à lui s'il commet la moindre
injustice : tous les écoliers se mettent en
grève et ne reviennent en classe que lors-
qu'il a fait amende honorable.
Pas plus qu'ils ne se laissent donner le
fouet, ils ne le donnent aux animaux. Dans
le but de réprimer toute velléité de cruau-
té envers ces frères inférieurs, on défend
môme aux jeunes nippons de manger des
animaux. en sucre, en pain d'épices ou en
chocolat.
Des gens bien informés affirment que si
les Japonais réussissent à dicter à la Rus-
sie les conditions de la paix, ils exige-
ront, avant toute chose, la suppression du
knout.
Cela fait, ils n'auront plus qu'à se 10
tourner vers leurs amis les Américains en
les prier de supprimer l'usage du foua
contre les nègres.
N'avais-je pas raison de vous dire cM
la civilisation se déplace d'une façon qùr
nous paraîtra extraordinaire, même en cette
période de déplacements et villégiatures 1
G. de Vorney.
-—————— > ■■
LES PARISIENS DE PARIS
ET
L'HOTEL LAUZUN
Une' vieille et attrayante institut:
Un groupement d'érudits. — U - *
destinées d'un hôtel célèbre. -
ITutilisation de l'hôtel Xiauzun.
— Un collectionneur avisé.
Ce fut au cours de l'une des précédentes se.
maines que s'inaugura la prise de possession
des locaux concédés par la Ville à la Société
amicale de ceux de ses enfants dénommés
Les Parisiens de Paris. Aimablement, en effets
après des préliminaires et les échanges de pa-
perasses usitées selon les convenances admi-
nistratives, en avait mis à la disposition da
bureau de ce.te association, et ce, il faut bien
le dire, par faveur exceptionnelle, deux piè-
ces dépendant de l'hôtel Lauzun, afin de lui
permettre d'y tenir ses séances et de posséder
un siège social digne de son nom.
Les Parisiens de Paris ! Quel vocable serait
mieux propice à refléter le sens et le but artis-
tique de ce groupement,où compte tout ce que
notre grande cité possède de notoriétés indivi-
duelles dignes de son affection maternelle. On
s'imagine volontiers les travaux merveilleux
que la réunion d'hommes politiques, de litté-
rateurs, d'artistes, d'administrateurs et d'in-
dustriels dont les nourrices ont balancé la
berceau dans les immeubles situés en deç&
des fortifications, peut laisser augurer, lors-
que, sous la présidence d'honneur d'un Pari-
sien par adoption tel que le préfet de la
Seine lui-même, se rassemblent des érudits
qui savent à fond l'histoire de Paris, comma
M. Augé de Lassus, veillent sur l'entretien et
la sauvegarde de ses monuments, comme Mo.
Charles Normand, se préoccupent de retrou-
ver parmi les collections et les boutiques d'an-
tiquités et d'estampes des pages et des illus-
trations ignorées concernant son histoire, afin
d'enrichir, comme le font MM. Georges Cain
et Le Vayer, les trésors historiques dela Ville,,
des sculpteurs comme Allouard, des peintres
tels que Cormon, Tony-Robert Fleury, et tant
d'autres. Jusqu'à présent, il faut bien le dire,
l'absence d'un séjour stable et défini, en rap-
port avec le but de leurs efforts, n'avait suscité
aux Parisiens de Paris que le désir d'ailleurs
louable de se réunir à époques déterminées en
un diner confraternel. Le premier de ces dî-
ners, dont le menu fut illustré par le peintre
Saintin, remonte au 19 février 1880.
Mais, depuis vingt-quatre ans, que d'évé-
nements se sont passés, que de nobles appé-
tits se sont ouverts, offrant à la. vie collective
des horizons plus larges que ceux d'une nappe
superbement décorée de plats et d'argenterie,
L'hôtel Lauzun
Depuis, la Ville de Paris a fait l'emplette df
Lauzun, le vieil hôtel du quai d'Anjou acheté
autrefois par le célèbre mari de la grande Ma-
demoiselle, fille de Gaston d'Orléans, celle-là
même qui avait fait tirer le canon de la Bas-
tille au combat du faubourg Saint-Antoine.
C'est au retour de Pignerol, d'où sa captivité
avait été abrégée par la royale princesse,éprise
de ce seigneur portant beau malgré la cin-
quantaine, que le capitaine de mousquetaires,
et comte, puis bientôt duc de Lauzun, avait
négocié cet achat.
Le quai des Balcons, comme on appelait
alors le quai d'Anjou, était très à la mode. Les
maisons, ou plutôt les hôtels, construits POUI
la plupart par Leveau, l'architecte en vogue,
abritaient de nobles familles : les d'Ormesson,
les Molé, le président Lambert de Thorigny,
dont la fastueuse existence a laissé d'impé-
rissables souvenirs dans l'hôtel qui fait l'an-
gle du quai et de la rue Saint-Louis-en-l'Ile,
hôtel décoré par Lesueur et Lebrun, et que plut
tard Voltaire habita.
Profitant de la débâcle causée par la dis-
grâce de Fouquet, aux affaires de nombreux
traitants et commerçants compromis dans fe
procès suscité par Colbert à son prédécesseur,
Lauzun avait acquis du fils de l'un d'eux,
nommé Groïn, puis Groin des Bordes quand
l'état de sa fortune le lui eut permis, l'hôtel
construit par ce trafiquant, issu d'un cahare-
tier et devenu, à force de pots-de vin, com-
missaire général des vivres pour la cavalerie
légère. La vente fut consentie pour un morceau
de pain, comme on dirait aujourd'hui : quatre-
vingt-mille livres. L'hôtel plaisait surtout à
cause des nombreuses loggias mystérieuses,
des grippeminauds et des sorties dérobées qui
permettaient à M. de Lauzun de fuir tes colè-
res légendaires de sa royale épouse.
Mais trois années, la durée minima d'un
bail ordinaire, suffirent à son humeur capri-
cieuse de bellâtre infidèle. Au bout de ce
temps, l'immeuble fut vendu à un Richelieu
désireux d'y loger une petite-nièce de Maza-
rin dont il avait fait la conquête. Puis il passa
entre les mains d'un receveur du clergé,
homme austère et- pieux, nommé Ogier, et
plus tard à la famille de Pimodan, dont il
prit le nom.
On était alors au XVIIIe siècle, proche Is
Révolution.
Le baron Pichon '"-
Pendant la période tourmentée au cours de
laquelle le peuple français conquit sa liberté,
l'hôtel, confisqué à la suite du décret d'accu-
sation lancé contre M. de la VioIIaye. gendre
des Pimodan, fut acquis par un nommé Ca-
pon, qui, du moins, eut le bon goût, tout fa-
bricant de colle de pâte qu'il fût, de respecter,
à défaut de la plaque des Pimodan qui doit
gésir dans quelque cave, les décorations pré-
cieuses qui font encore aujourd'hui tout lt
charme de cette habitation. Par bonheur, ver,
le milieu du siècle dernier, elle devint la pro-
priété du baron Pichon, collectionneur avisé,
élevé à l'école artiste do Vivant-Denon, des-
cendant lui-même, par la lignée maternelle,
de l'architecte Brongniart, et qui sut conser-
ver à ce logis qu'il chérissait, toute sa splen-
deur. En Mécène indulgent, il s'honora d'être
lo propriétaire de Baudelaire, lequel, dans le
petit appartement qu'il occupait au deuxième
étage, offrait à ses amis le régal dangereux dea
paradis artificiels, en des séances haschichi-
nes demeurées célèbres et que nous conta la
verve enjouée de Théophile Gautier dans sa
préface des Fleurs du mal.
La mort du baron Pichon amena la mise en
vente de l'hôtel, devenu aujourd'hui la pro-
priété de la Ville de Paris, laquelle lui a ronda
sa primitive dénomination d'Hôtel "Lauzun, et
l'a annexé en principe au musée Carnavalet,
dont il semble tout indiqué pour devenir la
succursale. Mais, sauf une peinture : la Pro-
clamation de la Paix, tableau du 18* siècle
rappelant le traité de Vienne (1738), on n'a
encore rien ajouté aux agréments décoratift
de cet immeuble dépourvu de mobilier., et qui
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