Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-04-13
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 avril 1892 13 avril 1892
Description : 1892/04/13 (N8069). 1892/04/13 (N8069).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
L N.8069 - Mercredi 13 Avril 1892
CINO centimes le numéro
25 Germinal an 100 — ÏT9 8069
RÉDACTION
131, RUE MONTMABTBB, 131
rfiSRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
CES ANuscmTS NON INSÉRÉS NE SERONT rAS RENDUS
ADMINISTRATION
131, RUS MONTMARTRE, 131
Adresser lettres et mandats
A L'ADMINISTRATEUR-GÉRANT
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et c.
6, place de la Bourse, 6
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TROIS MOIS 6 — f UN AN 18-
Rédacteur en chef : AUGUSTE YACQUERIE
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TROIS MOIS. 6 - 1 UN AN. 20 -
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LES CREDITS DO SOUDAN
ET DU DAHOMEY
La discussion, commencée jeudi der-
nier, sur les crédits extraordinaires de-
mandés par le gouvernement pour l'aug-
mentation de l'effectif de nos troupes au
Soudan français et les frais d'occupation
du Dahomey, s'est terminée hier par le
vote des crédits et l'adoption de cet ordre
du jour sans portée, sans signification,
qui s'appelle l'ordre du jour pur et simple.
Il nous faudrait, maintenant, nous nous
en rendons bien compte, dire quelle con-
clusion se dégage de ce volumineux et
compact débat dans lequel toutes les
questions qui touchent à la politique co-
loniale de la France ont été, pêle-mêle,
examinées. Nous avouons notre em-
barras. Car ce débat n'a rien élucidé,
rien éclairci. Le gouvernement n'a fait
que répéter les déclarations-qu'il avait
déjà formulées dans la séance de jeudi,
et la Chambre s'est vainement épuisée
dans la poursuite de responsabilités qui
s'émiettaient, s'évanouissaient dès qu'on
croyait les saisir. La situation reste au-
jourd'hui ce qu'elle était la semaine der-
nière, et rien ne nous dit que demain un
incident quelconque ne viendra pas
rouvrir l'incident provisoirement clos
hier par le vote piteux d'un piteux ordre
du jour.
***
Salle comble, bien entendu, et grosse
chaleur. M. Chautemps, tout d'abord,
fait connaître que la commission du bud-
get propose le vote des 3 millions de-
mandés pour le Dahomey. Détachons
cette phrase du rapport : « Il a semblé à
la commission du budget qu'elle sorti-
rait de ses attributions si elle indiquait
une solution ». - Voilà évidemment une
commission du budget qui ne se soucie
pas de se compromettre. Elle ne saurait
évidemment, attendu qu' « il résulte du
dossier que tous les offi ciers et adminis-
trateurs qui ont passé au Dahomey, se
sont prononcés pour une action militaire
rapide », accepter sans réserves la solu-
tion préconisée par le gouvernement :
« ne pas faire autre chose qu'agir vigou-
reusement sur la côte ; écarter toute idée
de marche sur Abomey »; mais ne lui
demandez rien de plus. Pas davantage
elle n'a d'opinion sur le traité signé avec
le roi Behanzin le 3 octobre dernier et
duquel ledit Behanzin a fait le cas que
l'on sait. Quant aux fameux documents
dont elle a si âprement exigé la commu-
nication et autour desquels tant de bruit
a été fait, une phrase seulement sur « le
sentiment pénible que la commission a
éprouvé en lisant le dossier » : c'est
tout. Rumeurs. M. Chautemps descend
de la tribune.
Une demande d'ajournement, intro-
duite par M. Delahaye, est facilement
rejetée à mains levées. La parole est à
M. Gaillard.
A
Un ardent, ce M. Gaillard, un con-
vaincu, un sincère; pas toujours pris au
rérieux, il faut le dire, par ceux dont
l'habitude des choses politiques a détruit
les illusions, tué les croyances. C'est vrai
qu'il détonne, dans le milieu où le hasard
l'a placé, ce M. Gaillard, avec sa voix
profonde que vite l'émotion enroue et
fait rauque, et ses gestes dont nul souci
mesquin des convenances ne réprime
l'exubérance; et nous avons une fois de
plus, hier, admiré son courage : venir
devant une assemblée de blasés, de
sceptiques, prononcer ces mots qu'on
appelle de « grands mots » parce qu'ils
représentent de grandes choses, évo-
quent de grandes idées. — Au fait, sa-
vez-vous pourquoi il est si ridicule que
cela, M. Gaillard, pourquoi sa seule ap-
parition à la tribune fait hausser les
épaules aux fortes têtes de la Chambre?
C'est parce qu'il est là le partisan résolu,
le champion obstiné de l'arbitrage inter-
national. Oui, la guerre lui fait horreur;
il ne peut pas croire qu'un jour ne vien-
dra pas où les nations, au lieu de verser
stupidement sur les champs de bataille
leur sang, règleront par la parole, paci-
fiquement, par la parole, leurs diffé-
rends; et telle est sa folie.
Et cela fait rire, au palais Bourbon.
On riait hier. — « J'admire ces rires,
s'est écrié M. Gaillard d'une voix qu'un
sanglot étranglait, à vous qui siégez
dans une aimable atmosphère de 20 ou
21 degrés, pendant que nos enfants meu-
rent là-bas 1 » — Adversaire de la politi-
que coloniale, demandant à ce que la
France cesse de se développer en Afri-
que, M. Gaillard a été amené à faire le
compte du budget de la France, de ce
monstrueux budget de trois milliards,
dont un tiers solde les dépenses de la
guerre et de la marine, et dont le second
tiers, et plus, passe tout entier au paye-
ment des intérêts de la dette, de sorte
qu'il reste à peine 7 ou 800 millions pour
assurer le fonctionnement des grands
services publics, pour le commerce, l'in-
dustrie, l'agriculture, l'instruction du
peuple. A peine si on a prêté attention à
ses paroles, et comme un peu plus loin il
disait que le problème colonial sera ré-
solu un jour par la fédération des na-
tions européennes, du coup, la Chambre
s'est tordue, s'est roulée, s'est abandon-
née sans pudeur à la joie brutale et bête
des gens qui ne comprennent pas.
M. Gaillard a eu beau jeu à rappeler
que ce mot : les Peuples unis d'Eu-
rope, avait été prononcé pour la pre-
mière fois à la tribune de l'Assemblée
législative de 1849, et accueilli par les
mêmes rires indécents. - Quand. l'ora-
teur est descendu de la tribune, quel-
ques membres, çà et là, ont eu seuls la
bravoure de l'applaudir.
***
Puis M. Etienne, ancien sous-secré-
taire d'Etat aux colonies, a eu la parole
pour justifier son administration sévè-
ment critiquée jeudi dernier. Justifica-
tion très simple en vérité. A partir du
6 avril 1891, c'est le ministre de la ma-
rine qui a pris la direction des opérations
au Dahomey ; à cette date a pris fin le
rôle du sous-secrétaire; par conséquent
sa responsabilité ne saurait être engagée
pour ce qui a suivi, par le traité du 3
octobre notamment, et ses conséquences.
Cherche, bon Parlement, cherche les
responsabilités; en voilà toujours un
que tu n'auras pas. Du reste la majorité
a applaudi la petite apologie par laquelle
M/Etienne a terminé son plaidoyer.
Après quoi, M. Pelletan, avec son élo-
quence habituelle, a réfuté le discours
prononcé jeudi par M. de Mun et con-
damné en termes énergiques la politique
hésitante, mal d'aplomb du ministère.
Il s'est ensuite donné le malin plaisir,
ayant opéré des fouilles dans le recueil
des professions de foi et engagements
électoraux, de montrer que pas un des
députés élus en 1889 ne s'était, devant
ses électeurs, déclaré partisan d'un nou-
vel agrandissement du domaine colonial
de la France. La fin de son discours a
été cahotée. « Si vous étiez ministre, que
feriez-vous? » lui a-t-on demandé. Il a
répondu : « Si j'étais ministre, j'étudie-
rais les dossiers, je me ferais une opi-
nion et je tâcherais de la faire prévaloir
devant les Chambres. » Des rumeurs se
sont élevées et M. Pelletan a terminé en
déclarant qu'il ne voterait pas un cen-
time avant d'avoir la certitude qu'on
veut s'arrêter dans la voie de l'expansion
coloniale.
M. Jamais, sous-secrétaire d'Etat aux
colonies, a fait une brève réplique, affir-
mant la volonté du gouvernement de
s'arrêter en effet, ne soufflant plus mot
de ce qu'il avait dit jeudi sur l'impossi-
bilité de s'engager à ne plus s'étendre au
Soudan, se déclarant pour « une poli-
tique d'organisation et de sécurité »,
toute autre étant « imprudente ». Il a été
longuement applaudi. Après quelques
mots de M. Dreyfus qui n'a. pas hésité à
dire que, selon lui, abandonner le Sou-
dan, ce serait peut-être compromettre
l'Algérie, le crédit de 360,000 fr. de-
mandés par le Soudan a été adopté par
387 voix contre 107, une augmentation
de 100,000 fr. demandée par M. de La
Rochefoucauld ayant été rejetée à mains
levées, et M. Maujan ayant, après une
brève réponse de M. Loubet, renoncé à
la réduction de 1,0^° fr. qu'il avait ré-
clamée.
A
Il était six heures un quart quand la
discussion s'est précisée sur les crédits
du Dahomey. Un membre de la droite,
membre de la commission du budget,
M. Mège, a voulu faire un dernier effort
pour rechercher ces fameuses et insai-
sissables responsabilités. Il s'est efforcé
de les faire retomber toutes sur l'ancien
président du conseil, M. de Freycinet. Il
a parlé avec énergie, disant, d'après Jes
renseignements fournis à la commission
du budget, qu'une succession de faits
montre que, dans la conduite des opéra-
tions au Dahomey, le gouvernement n'a-
vait qu'un but : échapper à une interpel-
lation parlementaire; disant encore qu'il
résulte d'une dépêche figurant au dos-
sier, que le commandant Fournier, qui
était à bord du Sané avait reçu l'ordre
de ne pas venir en aide au colonel Ter-
rillon qui combattait sur terre. Mais M.
de Freycinet s'est disculpé aussi aisé-
mant que lavait fait tout à l'heure M.
Etienne. « Ces faits, a-t-il dit, sont anté-
rieurs à mon administration ; quand ils
se sont produits, je n'étais pas encore
président du conseil. » Ainsi, vous le
voyez, une politique étant incriminée,
tel ministre dit : Je ne m'en occupais
plus ; tel autre : Je ne m'en occupais pas
encore; et les responsabilités, selon
l'expression dont je me servais plus
haut, s'émoussent, disparaissent.
J'abrège. A quoi bon raconter en dé-
tail ces choses? M. Cavaignac, ministre
de la marine, a lu la dépêche en ques-
tion. « Ce n'est pas celle-là! » a crié M.
Peytral. « Il y en a deux ! » a répondu M.
Chautemps. Et il en a lu plusieurs, qui
ont paru assez insignifiantes, s'il faut
tout dire. M. Casimir-Perier, président
de la commission du budget, s'était op-
posé à cette lecture, qu'avait, un instant
après, autorisée le président du conseil.
M. de Douville-Maillefeu est venu hau-
tement approuver, en sa qualité d'ancien
officier de marine, l'ordre donné au
commandant du Sané de ne pas opérer
le débarquement de ses hommes. M.
Lockroy, qui avait demandé la parole,
n'est pas monté à la tribune. MM. Bris-
son et Clémenceau, dont on avait fait
pressentir l'intervention, sont également
restés silencieux. Il était tard; la chaleur
se faisait accablante; le débat avortait
misérablement au milieu de la confusion
et du tapage. La Chambre, lasse, éner-
vée, sans doute aussi secrètement humi-
liée par le sentiment de son impuissance,
avait hâte d'en finir.
Une demande d'enquête déposée par
MM. de Lamarzelle et Delahaye a été
écartée par 338 voix contre 149; le crédit
de 3 millions demandé pour le Dahomey
a été ensuite adopté par 314 voix contre
177.
Restait à liquider l'interpellation de
M. Hervieu, dont la discussion, comme
on se le rappelle, avait été jointe à celle
des crédits. Sept ordres du jour plus ou
moins longuement motivés, étant dépo-
sés, M. Loubet s'est empressé de déclarer
qu'il acceptait l'ordre du jour pur et
simple, demandé au centre. Et c'est cet
ordre du jour pur et simple, mis aux
voix le premier, en vertu du règlement
qui a été adopté, ainsi que nous le disons
plus haut, à la piteuse majorité de 270
voix contre 232.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
———— ————
COULISSES DES CHAMBRES
Les crédits du Dahomey et du Soudan
votés hier par la Chambre seront portés
aujourd'hui au Sénat et renvoyés à la
commission des finances qui est la com-
mission sénatoriale du budget. On ne
sait encore si cette commission voudra
faire un rapport le même jour et si le
Sénat consentira à la discussion immé-
diate. Au cas où il en serait ainsi,
les Chambres pourraient se séparer ce
soir même pour prendre leurs vacances
de Pâques.
Dans le cas contraire, qui paraît le
plus probable, la commission des finan-
ces arrêterait ses résolutions aujourd'hui
et le Sénat discuterait demain mercredi.
On suppose qu'une seule séance lui suf-
fira ; quant à l'adoption des crédits par
cette assemblée elle n'est pas douteuse.
On peut donc considérer comme cer-
tain que les vacances commenceront
demain soir au plus tard. Elles se pro-
longeront, selon toutes probabilités, jus-
qu'au 17 mai. Ce sont les Chambres
elles-mêmes, d'ailleurs, qui en fixeront
la durée. On sait, en effet, qu'à cette
époque de l'année il n'y a pas clôture,
mais simple suspension de la session.
Le gouvernement n'a pas à intervenir
par voie de décret et les Chambres rè-
glent elles-mêmes la durée de leur congé
en accordant les nécessités politiques
avec leurs convenances personnelles.
Il y a lieu de remarquer que, pour fixer
la durée des vacances, les Chambres ont
à considérer que la session des conseils
généraux s'ouvre le 25 avril ; que le
1er mai ont lieu les élections municipales,
dont les ballottages auront lieu le 8 mai.
Enfin les maires devront être élus par
les conseils municipaux renouvelés trois
jours au plus tôt après les ballottages
des élections municipales, ce qui en
porte la date au 12 mai au plus tôt.
Ce sont ces diverses conditions qui
détermineront les Chambres à ne re-
prendre leurs travaux que le 17 mai.
FERMETURE PIEUSE
Comme tous les ans, la Comédie-
Française fera relâche jeudi, vendredi et
samedi. Pendant trois jours par an,
on admet que les représentations théâ-
trales sont incompatibles avec la reli-
gion ; que ce sont des amusements
permis dans le courant de l'année,
mais qui feraient tache dans les trois
jours saints ; que Corneille et Victor
Hugo sont des farceurs dont les incon-
gruités déshonoreraient la semaine où
le Christ est mort.
Soit. La Comédie - Française est
pieuse. Elle ferme ses portes. Elle re-
garde comme un sacrilège de jouer.
à Paris.
A Paris. Car elle joue à Bruxelles.
Généralement, les trois réprésenta-
tions qu'elle se ferait un crime de
donner dans la capitale de la France,
elle se fait un plaisir de les donner
dans la capitale de la Belgique.
Cette année encore, on a pu lire
dans les journaux que la Comédie-
Française allait jouer au théâtre de la
Monnaie.
L'Indépendance belge d'aujourd'hui
annonce que ces représentations
« n'auront probablement pas lieu ».
Serait-ce qu'on se serait aperçu de
la singulière contradiction qu'il y
avait à faire en Belgique ce qu'on dé-
clarait impie en France? Nullement.
La raison que donne Y Indépendance est
que « l'administrateur n'a pas autorisé
le transport à l'étranger des costumes
nécessaires, déplacement interdit
d'ailleurs par les règlements de la
maison ».
Si la Comédie-Française ne joue pas
à la Monnaie, elle jouera au Parc.
Nous avons dit hier, et Y Indépendance
confirme notre dire, que le grand tra-
gédien Mounet-Sully et l'excellente
tragédienne Mlle Dudlay vont y porter
4eux des principales œuvres du réper-
toire. Pour compléter la soirée, et pour
lui donner un caractère semi-officiel,
les deux tragédies seront précédées
d'une conférence de M. Larroumet,
membre de l'Institut et directeur ho-
noraire des beaux-arts.
On pourra dire que, sur les deux piè-
ces que vont jouer M. Mounet-Sully
et Mlle Dudlay, il y en a une qui est
l'apothéose du christianisme et dont
l'Eglise serait mal venue à critiquer
la propagation : Polyeucte. Mais il y a
aussi Andromaque, qui souffle au cœur
un tout autre amour que l'amour di-
vin.
On pourra dire aussi que ce n'est
pas la Comédie en corps, comme ce
l'a été d'autres années, qui va jouer au
théâtre du Parc, que ce n'est pas la
Comédie, que ce sont deux comédiens,
libres de leur personne pendant leurs
congés et maîtres de pratiquer leur
religion comme ils l'entendent. Cela
rappellera la distinction du Gendre de
M. Poirier :
— Je suis pour qu'on protège l'art,
mais pas les artistes.
Tout ce qu'on dira n'empêchera pas
qu'il y ait quelque chose de particuliè-
rement biscornu dans une religion
qui autorise Polyeucte à Bruxelles et
qui le damne à Paris.
Ce n'est pas à la Comédie-Française
qu'il faut s'en prendre. Elle y perd trois
recettes par an, et il est vraisem-
blable qu'elle ne demanderait pas
mieux que de les toucher. C'est, je
crois, « par ordre » qu'elle ferme ses
guichets. Ce ne seraitpas par ordre du
gouvernement, que ce serait par ordre
de sa clientèle spéciale, de ses abon-
nés. Les mardistes et les jeudistes
pousseraient de beaux cris si elle ne
faisait pas maigre le vendredi saint !
Que ce soit le gouvernement ou la
clientèle qui réclame la triple fermeture
pieuse, il est singulier, pour employer
un mot poli, que, quand la Belgique,
pays clérical, laisse, dans la semaine
sainte comme dans les autres, ses
théâtres ouverts, la France, pays de
libre-pensée, ferme les siens.
AUGUSTE VACQUERIB.
-
UN REVENANT
M. Wilson rentre en scène — Effet
de l'atavisme et de l'argent
La poussière des 33,000 dossiers
On nous écrit de Loches :
Parmi les faits intéressants auxquels
va donner lieu la période électorale pour
les élections municipales, on peut d'ores et
déjà mentionner la rentrée sur la scène po-
litique de M. Wilson qui, pour ses débuts,
n'aspiré à rien moins qu'à devenir maire de
Loches.
Sa liste pour le conseil municipal de Lo-
ches est connue depuis longtemps, et sa
composition elle-même dénote tout le sys-
tème employé par le célèbre gendre de M.
Grévy.
LES CANDIDATS DE LA GRATITUDE
Sur les douze noms qui y figurent, après
le sien, on voit ceux du maire et du pre-
mier adjoint actuels et de cinq conseillers
sortants et ceux de quatre négociants en-
trepreneurs.
L'influence encore considérable de M.
Wilson, aussi étrange que cela paraisse, a
deux causes d'un ordre absolument diffé-
rent. La flétrissure - des considérants qui
précèdent le verdict d'acquittement dont il
a bénéficié n'apparaît pas assez aux yeux
de ces populations du centre, à l'esprit si
positif et si pratique.
Ajoutez à cela que la région foisonne de
ses obligés, qu'il est l'ennemi du sous-pré-
fe L, M. Gilbert, quelque peu impopulaire,
qu'il a la bourse pleine, la main facile et la
j ! bienfaisance discrète et vous ne serez point
étonné que l'opinion publique et les jour-
naux s'accordent à prédire son succès aux
élections municipales.
Il n'en est pas de même pour les élections
du conseil général et législative, en vue
desquelles surtout M. Wilson travaille l'ar-
rondissement de Loches et plus spéciale-
ment le canton de Montrésor.
MŒURS ÉLECTORALES AMÉRICAINES
C'est dans les incidents de cette campa-
gne que reparaît l'homme d'affaires, l'hom-
me aux 22,000 dossiers. M. Wilson tient les
hommes politiques en piètre estime; il
considère que la politique n'est qu'une
affaire et que le succès ne va qu'aux moins
scrupuleux. Cette pensée se manifeste dans
toute sa conduite, mais surtout dans la
propagande qu'il fait pour reconquérir son
siège de député.
Sa tactique est la même que pour les
élections municipales, mais comme la partie
est plus grosse, le jeu de M. Wilson se
corse. Il sème l'or et les bienfaits; il orga-
nise une compagnie pour l'exploitation
d'un réseau téléphonique à Loches, dont il
fait acheter toutes les actions par ses agents;
il soutient une usine métallurgique; fai(
cultiver des terres abandonnées; monte des
sociétés amicales ou de secours mutuels, etc.
Entre temps, comme il faut ménager la chè-
vreet le chou, il assiste à un banquet du
cercle républicain des Tourangeaux à Paris,
tandis qu'il envoie à Loches une bannière
magnifique pour le cercle catholique.
BULLETIN FORCÉ OU SILENCE ABSOLU
Cependant, si quelqu'un de ses obligés
d'antan ou d'hier manifeste quelques vel-
léités d'indépendance, l'exécution par les
petits papiers est immédiate.
Un exemple : Un journal républicain de
Tours, dont les principaux actionnaires
sont MM. Guinot, sénateur; Tiphaine, député,
et Belle, ancien député, et que rédige un
ancien conseiller de préfecture, avait com-
mencé une vigoureuse campagne contre M.
Wilson, qu'il. n'appelait plus que le « flétri M.
Tout de suite M. Wilson a fait répandre à
profusion l'Union libérale et la Dépêche, dont
l'imprimerie est aussi sa propriété presque
exclusive. Et dans ces journaux on publiait
des extraits de lettres d'un sénateur sollici-
tant l'appui et l'intervention de M. Wilson,
en faveur d'un conseiller de préfecture me-
nacé de révocation.
Tout le système de M. Wilson est là.
Cest M. Wilson lui-même qui dicte à un
de ses amis les articles élogieux sur son
compte, comme il répond personnellement,
sous le pseudonyme de P., à toutes les
attaques.
Reste à savoir si les électeurs du Lochois
se laisseront prendre à cette campagne
forcenée.
»
AU SÉNAT
Le Sénat, pour occuper ses loisirs, et en
attendant que la Chambre ait fini de discu-
ter la question du Soudan et du Dahomey,
a expédié hier un certain nombre de menues
affaires et adopté quelques crédits supplé-
mentaires. Comme la Chambre, il se réunira
aujourd'hui à trois heures.
,,, J *
LES ON-DIT
L'assemblée générale annuelle de la
Caisse des victimes du devoir, œuvre
fondée en 1885 par la presse parisienne,
a eu lieu hier au siège social, 61, rue La-
fayette, sous la présidence de M. Adrien
Hébrard, sénateur, président du syndical
de la presse.
Du rapport présenté au nom du con-
seil d'administration par M. Georges
Rouy, secrétaire général, il résulte que
l'exercice 1891 s'est soldé par un bénéfice
net de 59,612 fr. 50, et que la réserve de
cette œuvre de bienfaisance était au
31 décembre dernier de 303,738 fr. 15,
dont 100,000 fr. sont toujours inaliéna-
bles, d'après l'article 15 des statuts de la
société, reconnue d'utilité publique par
décret du 18 mai 1889.
L'assemblée a ensuite procédé à la
nomination, pour trois ans, des mem-
bres du conseil d'administration; ont été
élus : MM. Henri Duguiès, Charles Du-
verdy, Louis Gai, Eugène Guyon, Adrien
Hébrard, Philippe Jourde, Lucien Marc,
Hippolyte Marinoni, Paul Meurice.
A l'issue de l'assemblée, le conseil
s'est réuni et a ainsi constitué son bu-
reau : président, M. Philippe Jourde;
trésorier, M. Marinoni; secrétaire du
conseil, M. Duguiès; secrétaire général,
M. Georges Rouy.
Feuilleton du RAPPEL
DU 13 AVRIL
X
103
LE DRAME
DES
DEUX FRÈRES
TROISIÈME PARTIE
LES DERRIÈRES VHT-QUATRE HEURES
IV
Impossible amour
- Suite —
Le général reprit, tout animé.
— Qui est ce gredin, le sais-tu ?
— Non. Antoinette ne m'a pas dit Sun
nom, et peut-être l'ignore-t-elle-même.
— Est-ce possible?. Mais, dans tout
ça, tu ne m'as pas expliqué ce qu'elle
faisait quand nous l'avons rencontrée
sur cette route la nuit.
Reproduction interdite.
'oïl te Rappel du 1er janvier au 13 avril,
— Ce qu'elle faisait? Elle courait folle
de désespoir, sans rien voir, sans rien
entendre, à la poursuite de ceux qui ve-
naient de lui voler son enfant.
Le général sursauta :
— Hein ? quoi ? qu'est-ce que tu chan-
tes? Un enfant, maintenant 1
— Oui, la fatalité a voulu que le mal-
heur d'Antoinette fût complet. Du crime
que je viens de te dire et qui t'indigne,
un enfant est né.
— Sacrebleu 1 fit le général, voilà qui
n'est pas drôle! Un enfant 1 Et il existe?
— Elle ne peut que l'espérer, puisqu'il
lui a été volé.
— Voilà une effroyable aventure!.
Sacrebleu! répétait le général qui s'était
levé et qui arpentait de long en large la
chambre.
- - - Maintenant, répondez, mon père, dit
Marc soulevé sur son coude, croyez-
vous cette jeune fille déshonorée par le
crime dont elle a été victime?
— Non ! pardieu ! celui que le crime
doit déshonorer, c'est celui qui l'a com-
mis, et pas sa victime. La pauvre petite!
la pauvre petite !
— Répondez encore. Croyez-vous que
son malheur puisse l'empêcher de deve-
nir la femme d'un honnête homme ? !
Croyez-vous u'H fule la considérer J
comme déchue, comme perdue à jamais
parce qu'un misérable a abusé d'elle
pendant son sommeil? Croyez-vous
qu'elle soit moins honnête, moins pure
maintenant qu'avant son malheur?
- Je ne dis pas. Non, certainement.
Mais diable ! diable !
Le général continuait sa promenade
machinale, les mains derrière le dos.
Brusquement, il s'arrêta, et, se tournant
vers Marc :
— Et qu'est-ce qu'elle dit de tout ça,
elle ? demanda-t-il. Elle sait ton amour?
— Elle le sait.
— Et. elle t'aime ?
- Je l'espère. Je le crois.
- Eh bien ! qu'est-ce qu'elle dit? Croit-
elle qu'il lui soit possible d'être ta femme,
elle ? Accepte-t-elle ce que tu lui offres?
Marc secoua douloureusement la tête :
— Hélas ! non, mon père, elle s'obstine
à refuser.
— Ah! éJle refuse? Ah ! pauvre petite!
pauvre petite Elle refuse? Ah! c'est
douloureux, oui, puisqu'elle t'aime. Mais
c'est bien tout de môiTie !
— Quand vous êtes erliré, reprit Marc,
je venais de la supplier, d'implorer d'elle
une promesse. Je n'ai rien obicnu. Et
pourtant elle souffre, elle pleure; £ lie
demande grâce. Mais elle se tait.
— Vraiment ! reprit le général, presque
à voix basse et comme se parlant à lui-
même. Elle refuse. Et elle ne t'a pas dit
le nom du misérable?
— Non. Le sait-elle seulement?
— Eh bien! c'est ce nom qu'il faut sa-
voir. Le probable, c'est qu'elle connaît
cet homme, que cet homme vit, et qu'elle
ne veut pas, étant à ton bras, être ex-
posée à le rencontrer. Je comprends, je
comprends, pardieu! Tant que cet hom-
me vivra, Marc, elle dira non. Sa mort
seule pourrait lui rendre la liberté.
— Vous avez raison, mon père, dit
Marc tout frémissant. Mais cet homme,
pour le tuer, il faudrait le connaître.
— Le tuer ! Tu songes à le tuer? fit le
général, rêveur.
— Sans doute ! Et si vous me voyiez
en face de lui, poitrine nue, combattant,
auriez-vous l'idée de nous séparer ?
— Non! pardieu ! j'en jure ! Et j'aurais
confiance, car la main tremble et le re-
gard hésite de celui que le poids d'un tel
crime accable. Non, je ne t'arrêterais
pas, Marc, et je te crierais : Va! cou-
rage! frappe 1 punis 1
— C'est bien, mon père ; je vous re-
mercie. Je connaîtrai le nom de cet
homme.
Il y eut un silence, après lequel le
général dit avec un effort :
— Je te quitte, mon enfant. Tout ceci
a dû bien te fatiguer et j'ai peur que la
fièvre ne te reprenne. Veux-tu essayer
de dormir, de te reposer un peu?
- J'essayerai.
- Veux-tu que je t'envoie quelqu'un ?
- Non, personne. Si j'ai besoin d'un
domestique, je sonnerai.
— Bien. Au revoir.
Le père se pencha, embrassa son fils
et soupira :
- Vrai, nous n'avons pas de chance l
Il sortit. Marc se laissa retomber sur
le lit et ferma les yeux, non pour dor-
mir, mais pour penser.
V
Celui qui se sauve
Il était temps qu'Antoinette sortît de
l'a chambre de Marc ; elle étouffait. Sitôt
qu'elle fut dans le parc elle donna libre
cours à ses sanglots.
Un bruit de pas derrière elle la fit s'en-
fuir. Elle parcourut rapidement l'allée
des marronniers et arriva à sa maison.
Nédonchel était rentré et l'attendait,
assis sur une chaise, le coude appuyé sur
la table.
— Ah I te voilà, fit-il.
Elle ne put répondre que d'un signe de
tête.
— Nous avons à causer, reprit le vieux
soldat. Assitds-toi et écoute. Je suis très
triste. J'ai peur de ce qui se passe. Moa
devoir est de t'avertir du danger.
— Hélas ! fit-elle en appuyant son mou-
choir sur ses lèvres, que pouvez-vous me
dire que je ne me sois dit déjà ?
.;. N'importe! Devant le cadavre de
mon pauvre vieil ami Montferrat, ton
père, j'ai promis de veiller sur toi, An-
toinette, et de remplacer auprès de toi,
autant que possible, tes parents que la
mort t'a enlevés. Oh 1 je ne veux pas te
faire de morale. Seulement, te dire:
prends garde ! On n'a eu besoin de riea
me dire, j'ai tout deviné. Si M. Marc a
essayé de se brûler la cervelle, cette
nuit, c'est qu'il t'aime.
— Oui, répondit Antoinette, les yeux
fixés à terre.
-- Que s'est-il passé entre vous? Je ne
le sais pas et ne désire pas le sa voir. Ja
ne te demande rien. Hier, tu as été ab-
sente toute la journée; où as-tu été? qu'as-
tu fait? Ça te regarde.
— Je n'éprouve aucune difficulté à voua
ieciire.On m'avait écrit pour me promettre
qu'on ni donnerait des nouvelles de moa
enfant. J'y &uis allée. C'était un piège. A
ce rendez-vous f avea-vous qui j'ai ren-
contré ? Marc lui-mèe.
MQNTFEi^IÏÏI*
lA suivrai
CINO centimes le numéro
25 Germinal an 100 — ÏT9 8069
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LES CREDITS DO SOUDAN
ET DU DAHOMEY
La discussion, commencée jeudi der-
nier, sur les crédits extraordinaires de-
mandés par le gouvernement pour l'aug-
mentation de l'effectif de nos troupes au
Soudan français et les frais d'occupation
du Dahomey, s'est terminée hier par le
vote des crédits et l'adoption de cet ordre
du jour sans portée, sans signification,
qui s'appelle l'ordre du jour pur et simple.
Il nous faudrait, maintenant, nous nous
en rendons bien compte, dire quelle con-
clusion se dégage de ce volumineux et
compact débat dans lequel toutes les
questions qui touchent à la politique co-
loniale de la France ont été, pêle-mêle,
examinées. Nous avouons notre em-
barras. Car ce débat n'a rien élucidé,
rien éclairci. Le gouvernement n'a fait
que répéter les déclarations-qu'il avait
déjà formulées dans la séance de jeudi,
et la Chambre s'est vainement épuisée
dans la poursuite de responsabilités qui
s'émiettaient, s'évanouissaient dès qu'on
croyait les saisir. La situation reste au-
jourd'hui ce qu'elle était la semaine der-
nière, et rien ne nous dit que demain un
incident quelconque ne viendra pas
rouvrir l'incident provisoirement clos
hier par le vote piteux d'un piteux ordre
du jour.
***
Salle comble, bien entendu, et grosse
chaleur. M. Chautemps, tout d'abord,
fait connaître que la commission du bud-
get propose le vote des 3 millions de-
mandés pour le Dahomey. Détachons
cette phrase du rapport : « Il a semblé à
la commission du budget qu'elle sorti-
rait de ses attributions si elle indiquait
une solution ». - Voilà évidemment une
commission du budget qui ne se soucie
pas de se compromettre. Elle ne saurait
évidemment, attendu qu' « il résulte du
dossier que tous les offi ciers et adminis-
trateurs qui ont passé au Dahomey, se
sont prononcés pour une action militaire
rapide », accepter sans réserves la solu-
tion préconisée par le gouvernement :
« ne pas faire autre chose qu'agir vigou-
reusement sur la côte ; écarter toute idée
de marche sur Abomey »; mais ne lui
demandez rien de plus. Pas davantage
elle n'a d'opinion sur le traité signé avec
le roi Behanzin le 3 octobre dernier et
duquel ledit Behanzin a fait le cas que
l'on sait. Quant aux fameux documents
dont elle a si âprement exigé la commu-
nication et autour desquels tant de bruit
a été fait, une phrase seulement sur « le
sentiment pénible que la commission a
éprouvé en lisant le dossier » : c'est
tout. Rumeurs. M. Chautemps descend
de la tribune.
Une demande d'ajournement, intro-
duite par M. Delahaye, est facilement
rejetée à mains levées. La parole est à
M. Gaillard.
A
Un ardent, ce M. Gaillard, un con-
vaincu, un sincère; pas toujours pris au
rérieux, il faut le dire, par ceux dont
l'habitude des choses politiques a détruit
les illusions, tué les croyances. C'est vrai
qu'il détonne, dans le milieu où le hasard
l'a placé, ce M. Gaillard, avec sa voix
profonde que vite l'émotion enroue et
fait rauque, et ses gestes dont nul souci
mesquin des convenances ne réprime
l'exubérance; et nous avons une fois de
plus, hier, admiré son courage : venir
devant une assemblée de blasés, de
sceptiques, prononcer ces mots qu'on
appelle de « grands mots » parce qu'ils
représentent de grandes choses, évo-
quent de grandes idées. — Au fait, sa-
vez-vous pourquoi il est si ridicule que
cela, M. Gaillard, pourquoi sa seule ap-
parition à la tribune fait hausser les
épaules aux fortes têtes de la Chambre?
C'est parce qu'il est là le partisan résolu,
le champion obstiné de l'arbitrage inter-
national. Oui, la guerre lui fait horreur;
il ne peut pas croire qu'un jour ne vien-
dra pas où les nations, au lieu de verser
stupidement sur les champs de bataille
leur sang, règleront par la parole, paci-
fiquement, par la parole, leurs diffé-
rends; et telle est sa folie.
Et cela fait rire, au palais Bourbon.
On riait hier. — « J'admire ces rires,
s'est écrié M. Gaillard d'une voix qu'un
sanglot étranglait, à vous qui siégez
dans une aimable atmosphère de 20 ou
21 degrés, pendant que nos enfants meu-
rent là-bas 1 » — Adversaire de la politi-
que coloniale, demandant à ce que la
France cesse de se développer en Afri-
que, M. Gaillard a été amené à faire le
compte du budget de la France, de ce
monstrueux budget de trois milliards,
dont un tiers solde les dépenses de la
guerre et de la marine, et dont le second
tiers, et plus, passe tout entier au paye-
ment des intérêts de la dette, de sorte
qu'il reste à peine 7 ou 800 millions pour
assurer le fonctionnement des grands
services publics, pour le commerce, l'in-
dustrie, l'agriculture, l'instruction du
peuple. A peine si on a prêté attention à
ses paroles, et comme un peu plus loin il
disait que le problème colonial sera ré-
solu un jour par la fédération des na-
tions européennes, du coup, la Chambre
s'est tordue, s'est roulée, s'est abandon-
née sans pudeur à la joie brutale et bête
des gens qui ne comprennent pas.
M. Gaillard a eu beau jeu à rappeler
que ce mot : les Peuples unis d'Eu-
rope, avait été prononcé pour la pre-
mière fois à la tribune de l'Assemblée
législative de 1849, et accueilli par les
mêmes rires indécents. - Quand. l'ora-
teur est descendu de la tribune, quel-
ques membres, çà et là, ont eu seuls la
bravoure de l'applaudir.
***
Puis M. Etienne, ancien sous-secré-
taire d'Etat aux colonies, a eu la parole
pour justifier son administration sévè-
ment critiquée jeudi dernier. Justifica-
tion très simple en vérité. A partir du
6 avril 1891, c'est le ministre de la ma-
rine qui a pris la direction des opérations
au Dahomey ; à cette date a pris fin le
rôle du sous-secrétaire; par conséquent
sa responsabilité ne saurait être engagée
pour ce qui a suivi, par le traité du 3
octobre notamment, et ses conséquences.
Cherche, bon Parlement, cherche les
responsabilités; en voilà toujours un
que tu n'auras pas. Du reste la majorité
a applaudi la petite apologie par laquelle
M/Etienne a terminé son plaidoyer.
Après quoi, M. Pelletan, avec son élo-
quence habituelle, a réfuté le discours
prononcé jeudi par M. de Mun et con-
damné en termes énergiques la politique
hésitante, mal d'aplomb du ministère.
Il s'est ensuite donné le malin plaisir,
ayant opéré des fouilles dans le recueil
des professions de foi et engagements
électoraux, de montrer que pas un des
députés élus en 1889 ne s'était, devant
ses électeurs, déclaré partisan d'un nou-
vel agrandissement du domaine colonial
de la France. La fin de son discours a
été cahotée. « Si vous étiez ministre, que
feriez-vous? » lui a-t-on demandé. Il a
répondu : « Si j'étais ministre, j'étudie-
rais les dossiers, je me ferais une opi-
nion et je tâcherais de la faire prévaloir
devant les Chambres. » Des rumeurs se
sont élevées et M. Pelletan a terminé en
déclarant qu'il ne voterait pas un cen-
time avant d'avoir la certitude qu'on
veut s'arrêter dans la voie de l'expansion
coloniale.
M. Jamais, sous-secrétaire d'Etat aux
colonies, a fait une brève réplique, affir-
mant la volonté du gouvernement de
s'arrêter en effet, ne soufflant plus mot
de ce qu'il avait dit jeudi sur l'impossi-
bilité de s'engager à ne plus s'étendre au
Soudan, se déclarant pour « une poli-
tique d'organisation et de sécurité »,
toute autre étant « imprudente ». Il a été
longuement applaudi. Après quelques
mots de M. Dreyfus qui n'a. pas hésité à
dire que, selon lui, abandonner le Sou-
dan, ce serait peut-être compromettre
l'Algérie, le crédit de 360,000 fr. de-
mandés par le Soudan a été adopté par
387 voix contre 107, une augmentation
de 100,000 fr. demandée par M. de La
Rochefoucauld ayant été rejetée à mains
levées, et M. Maujan ayant, après une
brève réponse de M. Loubet, renoncé à
la réduction de 1,0^° fr. qu'il avait ré-
clamée.
A
Il était six heures un quart quand la
discussion s'est précisée sur les crédits
du Dahomey. Un membre de la droite,
membre de la commission du budget,
M. Mège, a voulu faire un dernier effort
pour rechercher ces fameuses et insai-
sissables responsabilités. Il s'est efforcé
de les faire retomber toutes sur l'ancien
président du conseil, M. de Freycinet. Il
a parlé avec énergie, disant, d'après Jes
renseignements fournis à la commission
du budget, qu'une succession de faits
montre que, dans la conduite des opéra-
tions au Dahomey, le gouvernement n'a-
vait qu'un but : échapper à une interpel-
lation parlementaire; disant encore qu'il
résulte d'une dépêche figurant au dos-
sier, que le commandant Fournier, qui
était à bord du Sané avait reçu l'ordre
de ne pas venir en aide au colonel Ter-
rillon qui combattait sur terre. Mais M.
de Freycinet s'est disculpé aussi aisé-
mant que lavait fait tout à l'heure M.
Etienne. « Ces faits, a-t-il dit, sont anté-
rieurs à mon administration ; quand ils
se sont produits, je n'étais pas encore
président du conseil. » Ainsi, vous le
voyez, une politique étant incriminée,
tel ministre dit : Je ne m'en occupais
plus ; tel autre : Je ne m'en occupais pas
encore; et les responsabilités, selon
l'expression dont je me servais plus
haut, s'émoussent, disparaissent.
J'abrège. A quoi bon raconter en dé-
tail ces choses? M. Cavaignac, ministre
de la marine, a lu la dépêche en ques-
tion. « Ce n'est pas celle-là! » a crié M.
Peytral. « Il y en a deux ! » a répondu M.
Chautemps. Et il en a lu plusieurs, qui
ont paru assez insignifiantes, s'il faut
tout dire. M. Casimir-Perier, président
de la commission du budget, s'était op-
posé à cette lecture, qu'avait, un instant
après, autorisée le président du conseil.
M. de Douville-Maillefeu est venu hau-
tement approuver, en sa qualité d'ancien
officier de marine, l'ordre donné au
commandant du Sané de ne pas opérer
le débarquement de ses hommes. M.
Lockroy, qui avait demandé la parole,
n'est pas monté à la tribune. MM. Bris-
son et Clémenceau, dont on avait fait
pressentir l'intervention, sont également
restés silencieux. Il était tard; la chaleur
se faisait accablante; le débat avortait
misérablement au milieu de la confusion
et du tapage. La Chambre, lasse, éner-
vée, sans doute aussi secrètement humi-
liée par le sentiment de son impuissance,
avait hâte d'en finir.
Une demande d'enquête déposée par
MM. de Lamarzelle et Delahaye a été
écartée par 338 voix contre 149; le crédit
de 3 millions demandé pour le Dahomey
a été ensuite adopté par 314 voix contre
177.
Restait à liquider l'interpellation de
M. Hervieu, dont la discussion, comme
on se le rappelle, avait été jointe à celle
des crédits. Sept ordres du jour plus ou
moins longuement motivés, étant dépo-
sés, M. Loubet s'est empressé de déclarer
qu'il acceptait l'ordre du jour pur et
simple, demandé au centre. Et c'est cet
ordre du jour pur et simple, mis aux
voix le premier, en vertu du règlement
qui a été adopté, ainsi que nous le disons
plus haut, à la piteuse majorité de 270
voix contre 232.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
———— ————
COULISSES DES CHAMBRES
Les crédits du Dahomey et du Soudan
votés hier par la Chambre seront portés
aujourd'hui au Sénat et renvoyés à la
commission des finances qui est la com-
mission sénatoriale du budget. On ne
sait encore si cette commission voudra
faire un rapport le même jour et si le
Sénat consentira à la discussion immé-
diate. Au cas où il en serait ainsi,
les Chambres pourraient se séparer ce
soir même pour prendre leurs vacances
de Pâques.
Dans le cas contraire, qui paraît le
plus probable, la commission des finan-
ces arrêterait ses résolutions aujourd'hui
et le Sénat discuterait demain mercredi.
On suppose qu'une seule séance lui suf-
fira ; quant à l'adoption des crédits par
cette assemblée elle n'est pas douteuse.
On peut donc considérer comme cer-
tain que les vacances commenceront
demain soir au plus tard. Elles se pro-
longeront, selon toutes probabilités, jus-
qu'au 17 mai. Ce sont les Chambres
elles-mêmes, d'ailleurs, qui en fixeront
la durée. On sait, en effet, qu'à cette
époque de l'année il n'y a pas clôture,
mais simple suspension de la session.
Le gouvernement n'a pas à intervenir
par voie de décret et les Chambres rè-
glent elles-mêmes la durée de leur congé
en accordant les nécessités politiques
avec leurs convenances personnelles.
Il y a lieu de remarquer que, pour fixer
la durée des vacances, les Chambres ont
à considérer que la session des conseils
généraux s'ouvre le 25 avril ; que le
1er mai ont lieu les élections municipales,
dont les ballottages auront lieu le 8 mai.
Enfin les maires devront être élus par
les conseils municipaux renouvelés trois
jours au plus tôt après les ballottages
des élections municipales, ce qui en
porte la date au 12 mai au plus tôt.
Ce sont ces diverses conditions qui
détermineront les Chambres à ne re-
prendre leurs travaux que le 17 mai.
FERMETURE PIEUSE
Comme tous les ans, la Comédie-
Française fera relâche jeudi, vendredi et
samedi. Pendant trois jours par an,
on admet que les représentations théâ-
trales sont incompatibles avec la reli-
gion ; que ce sont des amusements
permis dans le courant de l'année,
mais qui feraient tache dans les trois
jours saints ; que Corneille et Victor
Hugo sont des farceurs dont les incon-
gruités déshonoreraient la semaine où
le Christ est mort.
Soit. La Comédie - Française est
pieuse. Elle ferme ses portes. Elle re-
garde comme un sacrilège de jouer.
à Paris.
A Paris. Car elle joue à Bruxelles.
Généralement, les trois réprésenta-
tions qu'elle se ferait un crime de
donner dans la capitale de la France,
elle se fait un plaisir de les donner
dans la capitale de la Belgique.
Cette année encore, on a pu lire
dans les journaux que la Comédie-
Française allait jouer au théâtre de la
Monnaie.
L'Indépendance belge d'aujourd'hui
annonce que ces représentations
« n'auront probablement pas lieu ».
Serait-ce qu'on se serait aperçu de
la singulière contradiction qu'il y
avait à faire en Belgique ce qu'on dé-
clarait impie en France? Nullement.
La raison que donne Y Indépendance est
que « l'administrateur n'a pas autorisé
le transport à l'étranger des costumes
nécessaires, déplacement interdit
d'ailleurs par les règlements de la
maison ».
Si la Comédie-Française ne joue pas
à la Monnaie, elle jouera au Parc.
Nous avons dit hier, et Y Indépendance
confirme notre dire, que le grand tra-
gédien Mounet-Sully et l'excellente
tragédienne Mlle Dudlay vont y porter
4eux des principales œuvres du réper-
toire. Pour compléter la soirée, et pour
lui donner un caractère semi-officiel,
les deux tragédies seront précédées
d'une conférence de M. Larroumet,
membre de l'Institut et directeur ho-
noraire des beaux-arts.
On pourra dire que, sur les deux piè-
ces que vont jouer M. Mounet-Sully
et Mlle Dudlay, il y en a une qui est
l'apothéose du christianisme et dont
l'Eglise serait mal venue à critiquer
la propagation : Polyeucte. Mais il y a
aussi Andromaque, qui souffle au cœur
un tout autre amour que l'amour di-
vin.
On pourra dire aussi que ce n'est
pas la Comédie en corps, comme ce
l'a été d'autres années, qui va jouer au
théâtre du Parc, que ce n'est pas la
Comédie, que ce sont deux comédiens,
libres de leur personne pendant leurs
congés et maîtres de pratiquer leur
religion comme ils l'entendent. Cela
rappellera la distinction du Gendre de
M. Poirier :
— Je suis pour qu'on protège l'art,
mais pas les artistes.
Tout ce qu'on dira n'empêchera pas
qu'il y ait quelque chose de particuliè-
rement biscornu dans une religion
qui autorise Polyeucte à Bruxelles et
qui le damne à Paris.
Ce n'est pas à la Comédie-Française
qu'il faut s'en prendre. Elle y perd trois
recettes par an, et il est vraisem-
blable qu'elle ne demanderait pas
mieux que de les toucher. C'est, je
crois, « par ordre » qu'elle ferme ses
guichets. Ce ne seraitpas par ordre du
gouvernement, que ce serait par ordre
de sa clientèle spéciale, de ses abon-
nés. Les mardistes et les jeudistes
pousseraient de beaux cris si elle ne
faisait pas maigre le vendredi saint !
Que ce soit le gouvernement ou la
clientèle qui réclame la triple fermeture
pieuse, il est singulier, pour employer
un mot poli, que, quand la Belgique,
pays clérical, laisse, dans la semaine
sainte comme dans les autres, ses
théâtres ouverts, la France, pays de
libre-pensée, ferme les siens.
AUGUSTE VACQUERIB.
-
UN REVENANT
M. Wilson rentre en scène — Effet
de l'atavisme et de l'argent
La poussière des 33,000 dossiers
On nous écrit de Loches :
Parmi les faits intéressants auxquels
va donner lieu la période électorale pour
les élections municipales, on peut d'ores et
déjà mentionner la rentrée sur la scène po-
litique de M. Wilson qui, pour ses débuts,
n'aspiré à rien moins qu'à devenir maire de
Loches.
Sa liste pour le conseil municipal de Lo-
ches est connue depuis longtemps, et sa
composition elle-même dénote tout le sys-
tème employé par le célèbre gendre de M.
Grévy.
LES CANDIDATS DE LA GRATITUDE
Sur les douze noms qui y figurent, après
le sien, on voit ceux du maire et du pre-
mier adjoint actuels et de cinq conseillers
sortants et ceux de quatre négociants en-
trepreneurs.
L'influence encore considérable de M.
Wilson, aussi étrange que cela paraisse, a
deux causes d'un ordre absolument diffé-
rent. La flétrissure - des considérants qui
précèdent le verdict d'acquittement dont il
a bénéficié n'apparaît pas assez aux yeux
de ces populations du centre, à l'esprit si
positif et si pratique.
Ajoutez à cela que la région foisonne de
ses obligés, qu'il est l'ennemi du sous-pré-
fe L, M. Gilbert, quelque peu impopulaire,
qu'il a la bourse pleine, la main facile et la
j ! bienfaisance discrète et vous ne serez point
étonné que l'opinion publique et les jour-
naux s'accordent à prédire son succès aux
élections municipales.
Il n'en est pas de même pour les élections
du conseil général et législative, en vue
desquelles surtout M. Wilson travaille l'ar-
rondissement de Loches et plus spéciale-
ment le canton de Montrésor.
MŒURS ÉLECTORALES AMÉRICAINES
C'est dans les incidents de cette campa-
gne que reparaît l'homme d'affaires, l'hom-
me aux 22,000 dossiers. M. Wilson tient les
hommes politiques en piètre estime; il
considère que la politique n'est qu'une
affaire et que le succès ne va qu'aux moins
scrupuleux. Cette pensée se manifeste dans
toute sa conduite, mais surtout dans la
propagande qu'il fait pour reconquérir son
siège de député.
Sa tactique est la même que pour les
élections municipales, mais comme la partie
est plus grosse, le jeu de M. Wilson se
corse. Il sème l'or et les bienfaits; il orga-
nise une compagnie pour l'exploitation
d'un réseau téléphonique à Loches, dont il
fait acheter toutes les actions par ses agents;
il soutient une usine métallurgique; fai(
cultiver des terres abandonnées; monte des
sociétés amicales ou de secours mutuels, etc.
Entre temps, comme il faut ménager la chè-
vreet le chou, il assiste à un banquet du
cercle républicain des Tourangeaux à Paris,
tandis qu'il envoie à Loches une bannière
magnifique pour le cercle catholique.
BULLETIN FORCÉ OU SILENCE ABSOLU
Cependant, si quelqu'un de ses obligés
d'antan ou d'hier manifeste quelques vel-
léités d'indépendance, l'exécution par les
petits papiers est immédiate.
Un exemple : Un journal républicain de
Tours, dont les principaux actionnaires
sont MM. Guinot, sénateur; Tiphaine, député,
et Belle, ancien député, et que rédige un
ancien conseiller de préfecture, avait com-
mencé une vigoureuse campagne contre M.
Wilson, qu'il. n'appelait plus que le « flétri M.
Tout de suite M. Wilson a fait répandre à
profusion l'Union libérale et la Dépêche, dont
l'imprimerie est aussi sa propriété presque
exclusive. Et dans ces journaux on publiait
des extraits de lettres d'un sénateur sollici-
tant l'appui et l'intervention de M. Wilson,
en faveur d'un conseiller de préfecture me-
nacé de révocation.
Tout le système de M. Wilson est là.
Cest M. Wilson lui-même qui dicte à un
de ses amis les articles élogieux sur son
compte, comme il répond personnellement,
sous le pseudonyme de P., à toutes les
attaques.
Reste à savoir si les électeurs du Lochois
se laisseront prendre à cette campagne
forcenée.
»
AU SÉNAT
Le Sénat, pour occuper ses loisirs, et en
attendant que la Chambre ait fini de discu-
ter la question du Soudan et du Dahomey,
a expédié hier un certain nombre de menues
affaires et adopté quelques crédits supplé-
mentaires. Comme la Chambre, il se réunira
aujourd'hui à trois heures.
,,, J *
LES ON-DIT
L'assemblée générale annuelle de la
Caisse des victimes du devoir, œuvre
fondée en 1885 par la presse parisienne,
a eu lieu hier au siège social, 61, rue La-
fayette, sous la présidence de M. Adrien
Hébrard, sénateur, président du syndical
de la presse.
Du rapport présenté au nom du con-
seil d'administration par M. Georges
Rouy, secrétaire général, il résulte que
l'exercice 1891 s'est soldé par un bénéfice
net de 59,612 fr. 50, et que la réserve de
cette œuvre de bienfaisance était au
31 décembre dernier de 303,738 fr. 15,
dont 100,000 fr. sont toujours inaliéna-
bles, d'après l'article 15 des statuts de la
société, reconnue d'utilité publique par
décret du 18 mai 1889.
L'assemblée a ensuite procédé à la
nomination, pour trois ans, des mem-
bres du conseil d'administration; ont été
élus : MM. Henri Duguiès, Charles Du-
verdy, Louis Gai, Eugène Guyon, Adrien
Hébrard, Philippe Jourde, Lucien Marc,
Hippolyte Marinoni, Paul Meurice.
A l'issue de l'assemblée, le conseil
s'est réuni et a ainsi constitué son bu-
reau : président, M. Philippe Jourde;
trésorier, M. Marinoni; secrétaire du
conseil, M. Duguiès; secrétaire général,
M. Georges Rouy.
Feuilleton du RAPPEL
DU 13 AVRIL
X
103
LE DRAME
DES
DEUX FRÈRES
TROISIÈME PARTIE
LES DERRIÈRES VHT-QUATRE HEURES
IV
Impossible amour
- Suite —
Le général reprit, tout animé.
— Qui est ce gredin, le sais-tu ?
— Non. Antoinette ne m'a pas dit Sun
nom, et peut-être l'ignore-t-elle-même.
— Est-ce possible?. Mais, dans tout
ça, tu ne m'as pas expliqué ce qu'elle
faisait quand nous l'avons rencontrée
sur cette route la nuit.
Reproduction interdite.
'oïl te Rappel du 1er janvier au 13 avril,
— Ce qu'elle faisait? Elle courait folle
de désespoir, sans rien voir, sans rien
entendre, à la poursuite de ceux qui ve-
naient de lui voler son enfant.
Le général sursauta :
— Hein ? quoi ? qu'est-ce que tu chan-
tes? Un enfant, maintenant 1
— Oui, la fatalité a voulu que le mal-
heur d'Antoinette fût complet. Du crime
que je viens de te dire et qui t'indigne,
un enfant est né.
— Sacrebleu 1 fit le général, voilà qui
n'est pas drôle! Un enfant 1 Et il existe?
— Elle ne peut que l'espérer, puisqu'il
lui a été volé.
— Voilà une effroyable aventure!.
Sacrebleu! répétait le général qui s'était
levé et qui arpentait de long en large la
chambre.
- - - Maintenant, répondez, mon père, dit
Marc soulevé sur son coude, croyez-
vous cette jeune fille déshonorée par le
crime dont elle a été victime?
— Non ! pardieu ! celui que le crime
doit déshonorer, c'est celui qui l'a com-
mis, et pas sa victime. La pauvre petite!
la pauvre petite !
— Répondez encore. Croyez-vous que
son malheur puisse l'empêcher de deve-
nir la femme d'un honnête homme ? !
Croyez-vous u'H fule la considérer J
comme déchue, comme perdue à jamais
parce qu'un misérable a abusé d'elle
pendant son sommeil? Croyez-vous
qu'elle soit moins honnête, moins pure
maintenant qu'avant son malheur?
- Je ne dis pas. Non, certainement.
Mais diable ! diable !
Le général continuait sa promenade
machinale, les mains derrière le dos.
Brusquement, il s'arrêta, et, se tournant
vers Marc :
— Et qu'est-ce qu'elle dit de tout ça,
elle ? demanda-t-il. Elle sait ton amour?
— Elle le sait.
— Et. elle t'aime ?
- Je l'espère. Je le crois.
- Eh bien ! qu'est-ce qu'elle dit? Croit-
elle qu'il lui soit possible d'être ta femme,
elle ? Accepte-t-elle ce que tu lui offres?
Marc secoua douloureusement la tête :
— Hélas ! non, mon père, elle s'obstine
à refuser.
— Ah! éJle refuse? Ah ! pauvre petite!
pauvre petite Elle refuse? Ah! c'est
douloureux, oui, puisqu'elle t'aime. Mais
c'est bien tout de môiTie !
— Quand vous êtes erliré, reprit Marc,
je venais de la supplier, d'implorer d'elle
une promesse. Je n'ai rien obicnu. Et
pourtant elle souffre, elle pleure; £ lie
demande grâce. Mais elle se tait.
— Vraiment ! reprit le général, presque
à voix basse et comme se parlant à lui-
même. Elle refuse. Et elle ne t'a pas dit
le nom du misérable?
— Non. Le sait-elle seulement?
— Eh bien! c'est ce nom qu'il faut sa-
voir. Le probable, c'est qu'elle connaît
cet homme, que cet homme vit, et qu'elle
ne veut pas, étant à ton bras, être ex-
posée à le rencontrer. Je comprends, je
comprends, pardieu! Tant que cet hom-
me vivra, Marc, elle dira non. Sa mort
seule pourrait lui rendre la liberté.
— Vous avez raison, mon père, dit
Marc tout frémissant. Mais cet homme,
pour le tuer, il faudrait le connaître.
— Le tuer ! Tu songes à le tuer? fit le
général, rêveur.
— Sans doute ! Et si vous me voyiez
en face de lui, poitrine nue, combattant,
auriez-vous l'idée de nous séparer ?
— Non! pardieu ! j'en jure ! Et j'aurais
confiance, car la main tremble et le re-
gard hésite de celui que le poids d'un tel
crime accable. Non, je ne t'arrêterais
pas, Marc, et je te crierais : Va! cou-
rage! frappe 1 punis 1
— C'est bien, mon père ; je vous re-
mercie. Je connaîtrai le nom de cet
homme.
Il y eut un silence, après lequel le
général dit avec un effort :
— Je te quitte, mon enfant. Tout ceci
a dû bien te fatiguer et j'ai peur que la
fièvre ne te reprenne. Veux-tu essayer
de dormir, de te reposer un peu?
- J'essayerai.
- Veux-tu que je t'envoie quelqu'un ?
- Non, personne. Si j'ai besoin d'un
domestique, je sonnerai.
— Bien. Au revoir.
Le père se pencha, embrassa son fils
et soupira :
- Vrai, nous n'avons pas de chance l
Il sortit. Marc se laissa retomber sur
le lit et ferma les yeux, non pour dor-
mir, mais pour penser.
V
Celui qui se sauve
Il était temps qu'Antoinette sortît de
l'a chambre de Marc ; elle étouffait. Sitôt
qu'elle fut dans le parc elle donna libre
cours à ses sanglots.
Un bruit de pas derrière elle la fit s'en-
fuir. Elle parcourut rapidement l'allée
des marronniers et arriva à sa maison.
Nédonchel était rentré et l'attendait,
assis sur une chaise, le coude appuyé sur
la table.
— Ah I te voilà, fit-il.
Elle ne put répondre que d'un signe de
tête.
— Nous avons à causer, reprit le vieux
soldat. Assitds-toi et écoute. Je suis très
triste. J'ai peur de ce qui se passe. Moa
devoir est de t'avertir du danger.
— Hélas ! fit-elle en appuyant son mou-
choir sur ses lèvres, que pouvez-vous me
dire que je ne me sois dit déjà ?
.;. N'importe! Devant le cadavre de
mon pauvre vieil ami Montferrat, ton
père, j'ai promis de veiller sur toi, An-
toinette, et de remplacer auprès de toi,
autant que possible, tes parents que la
mort t'a enlevés. Oh 1 je ne veux pas te
faire de morale. Seulement, te dire:
prends garde ! On n'a eu besoin de riea
me dire, j'ai tout deviné. Si M. Marc a
essayé de se brûler la cervelle, cette
nuit, c'est qu'il t'aime.
— Oui, répondit Antoinette, les yeux
fixés à terre.
-- Que s'est-il passé entre vous? Je ne
le sais pas et ne désire pas le sa voir. Ja
ne te demande rien. Hier, tu as été ab-
sente toute la journée; où as-tu été? qu'as-
tu fait? Ça te regarde.
— Je n'éprouve aucune difficulté à voua
ieciire.On m'avait écrit pour me promettre
qu'on ni donnerait des nouvelles de moa
enfant. J'y &uis allée. C'était un piège. A
ce rendez-vous f avea-vous qui j'ai ren-
contré ? Marc lui-mèe.
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lA suivrai
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