Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-07-25
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 juillet 1891 25 juillet 1891
Description : 1891/07/25 (N7806). 1891/07/25 (N7806).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7544378z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
r 7806 — Samedi 25 Juillet 1891
CINQ centimes le numéro
7 Thermidor an 99 — N* 7306
RÉDACTION
18, RUE DE VAL-riS, 18
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
CES JJANCSCRIT3 NON INSÉRÉS NB SERONT PAS RBNDD9
ADMINISTRATION
18, SUE DE VALOIS, 18
Adresser lettres et mandats
A Ï/ADMÏNISTRATEUR-GÉHANT
1.
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et ÇfI
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS IIOIS. 5 -
SIX MOIS 9 FR.
ON AN 18 —
Rédacteur en chef : AUGUSTE VACQUERIE
.:\. - ABONNEMENTS
.,. DÉPARTEMENTS
UN MOIS is FR.
TROIS MOIS. 6-
SIX MOIS 11 FR.
UN AN. 20 -
llOUVEMENT IRRÉSISTIOLE
Je prévoyais bien que l'élection séna-
toriale de l'Indre ne causerait aux réac-
tionnaires aucune espèce de satisfac-
tion, mais je n'espérais pas qu'elle leur
casserait à ce point bras et jambes.
Hélas ! gémit l'Autorité, « le dépar-
tement de l'Indre, naguère si compact,
si autonome dans sa résistance chré-
tienne et conservatrice, est largement
entamé »,
Et, dans une lettre d'un abonné :
— « Lorsqu'on voit un département
comme celui-là, fidèle et dévoué entre
tous, s'abandonner ainsi au décou-
ragement, on peut dire que les choses
ont singulièrement marché depuis deux
ans. »
Et, passant brusquement du gémis-
sement à l'imprécation, l'abonné se
tourne vers le républicain élu et lui
crie : « Marchand de cochons ! »
D'où vient le mal? se demande l'a-
bonné. Et il se répond : - « De haut,
de loin et de partout. »
Du pape, d'abord. « Le pape est libé-
ral. » Puis, des cardinaux et des non-
ces. Puis, des évêques, qu'on choisit,
« non parce qu'ils sont les plus dignes.
mais parce qu'ils sont les plus ram-
pants et les plus serviles ». Puis, d'« un
tas de grands seigneurs ou de députés
qui, faisant litière de leur nom et de
leur passé, sont en coquetteries réglées
avec les Constans, les Freycinet et les
Guyot et autres dispensateurs de la
manne républicaine ». Vendus, les
grands seigneurs et les députés conser-
vateurs ! Puis, de « la masse des bour-
geois ». Puis, du Figaro, « le plus dé-
moralisateur de tous les journaux ».
Tous en commun, les grands sei-
gneurs avec les bourgeois, le pape avec
le Figaro, les droitiers avec les conser-
vateurs, les évêques rampants avec les
marchands de cochons, font « ce trou-
ble profond, irréparable, s'emparent des
couches les plus reculées du suffrage
universel », et c'est ainsi que « tout va
à la dérive » !
Jadis, le mot des monarchistes était :
C'est la faute à Voltaire. Aujourd'hui,
leur mot est : C'est la faute au pape.
Le pape a encouragé l'archevêque d'Al-
ger, qui a encouragé l'évêque de Gre-
noble, qui a encouragé son clergé. De
là, dans toute la France, les progrès de
la République. C'est le pape, le cardinal
Lavigerie, l'évêque Fava et leurs pareils
qli ont fait l'élection sénatoriale de
l'Indre. « Ils peuvent en être fiers; elle
est bien leur œuvre, indirectement sans
doute, mais sûrement, et ils en verront
bien d'autres dans l'avenir! »
C'est en vain que les évêques néo-
républicains disent à l'abonné de l'Au-
torité :
- Bêta! tu ne vois donc pas que
c'est pour rire? « Nous nous déguisons
en républicains ; nous aurons ainsi les
suffrages du peuple, et quand nous
serons les maîtres. »
— Bêtas vous-mêmes! répond l'a-
bonné. Le peuple, votre dupe? Allez
dire cela « aux enfants, aux Pari-
siens renforcés et aux académiciens! »
Il n'y a qu'eux pour « avaler de pareilles
bourdes » !
Les enfants et les académiciens, soit;
mais je ne me figurais pas les Parisiens
renforcés avalant les bourdes si faci-
lement.
— « En un mot », insiste l'auteur de
la lettre, « les évêques et les députés
ralliés préparent l'anéantissement du
parti conservateur ». Et, s'adressant
à M. Paul de Cassagnac :
— « Vous seul surnagez. »
Il y avait déjà les rari nantes de l'E-
néide. Les surnageants de la réaction
ne sont pas rares, ils sont un.
M. Paul de Cassagnac admire la lettre
de son abonné et la contresigne :
— « C'est la vérité vraie, la vérité na-
vrante. Nous sommes dans un temps
de reniement et de lâcheté générale.
Combien de plats valets dans le parti
soi-disant conservateur! »
Toutes ces choses nous causent un
vif plaisir, principalement ce passage
de la lettre :
— « Donc, c'est bien démontré, ce
sont nos évêques, nos députés conser-
vateurs, ce sont tous ces endormis et
tous ces aveugles qui accentuent d'une
facon formidable, irrésistible, le mou-
vement vers la République. »
Ainsi, le mouvement vers la Répu-
blique s'accentue d'une façon formi-
dable, irrésistible. C'est un abonné et
le rédacteur en chef d'un journal réac-
tionnaire à outrance qui le disent. Ce
n'est pas moi qui les démentirai.
AUGUSTE VACQUERIE.
i m i —————
L'ESCADRE FRANÇAISE A CRONSTADT
Les journaux russes relèvent la haute
portée de l'arrivée e l'escadre française
comme le témoignage des profondes et
sincères sympathies franco-russes, et sa-
luent chaleureusement les hôtes français.
Le Nouveau Temps constate que l'esca-
dre sera accueillie avec joie par toutes les
classes de la population. La réunion de
deux puissantes escadres dans le golfe de
Finlande est comme le reflet imposant de
la politique internationale de la Russie et
de la France. L'expérience de ses dernières
années a montré, en effet, la salutaire ac-
tion de la politique franco-russe pour le
maintien de la paix en Europe.
Le journal termine ainsi :
Le cri de : Vive la France ! ne sera pas un
son vide, mais la manifestation des sentiments
sincères de tous ceux qui accueilleront l'es-
cadre française.
La Petersburskia Viedomosti dit :
La France et la Russie sont liées par une
union naturelle. La Russie ne craint rien ni
personne. Elle ne se soucie pas des affaires
d'autrui.
Le Grajdanine fait ressortir que c'est la
première fois que le grand amiral russe
saluera, dans les eaux de Cronstadt, le pa-
villon de la République française.
Le Journal de Saint- Pétersbouy-g écrit :
Une belle escadre française arrive aujour-
d'hui dans les eaux de Cronstadt. Une récep-
tion aussi solennelle que cordiale lui sera
faite, non seulement par nos marins, recon-
naissants de l'accueil sympathique dont, à
chaque occasion, ils sont l'objet dans les ports
français, mais aussi par tout le peuple en
général.
Les escadres russes, réunies dans les rades
du grand port de guerre de la Baltique, vont
faire une réception grandiose à l'escadre d'une
nation amie.
La ville de Cronstadt sera en parure de fête,
et on y verra briller les couleurs françaises à
côté des couleurs russes.
Des manifestations de chaleureuse sympathie
se préparent également dans notre capitale.
L'accueil ne sera pas seulement brillant, mais
sincèrement amical, et ce seront, on peut y
compter, des ouvenirs agréables que les ma-
rins français remporteront de leur excursion
dans les eaux de la Russie.
Demain, ils seront nus hôtes. Nous leur sou-
haitons la bienvenue.
Le Journal de Saint-Pétersbourg publie
les principaux points du programme de
réception de l'escadre française.
L'empereur recevra les offieiers de l'es-
cadre en audience et leur offrira un dîner.
Le 26 juil et, un dîner sera également
donné par le grand-duc Alexis.
Le 29. la municipalité de Saint-Péters-
bourg offrira un raout.
Le conseil municipal donnera à chaque
navire de guerre français un souvenir
consistant en un broc en argent destiné à
la lable des officiers. Chacun de ces objets
portera une dédicace appropriée à la cir-
constance.
(Par dépêche)
Saint-Pétersbourg, 23 juillet.
Douze vaisseaux de guerre et quatre torpil-
leurs stationnent dans la grande rade de Crons-
tadt pour recevoir l'escadre française, et qua-
tre vaisseaux de guerre l'attendent dans la
petite rade.
Des centaines d'embarcations, bondées de
spectateurs, sillonnent les deux rades.
Les navires, les forts de la ville de Cronstadt
sont richement pavoisés.
Il y a des corps de musique sur les grands
bateaux à vapeur particuliers.
Saint-Pétersbourg, 23 juillet.
Dés la première heure, ce matin, l'anima-
tion était des plus grandes sur les quais de la
Néva. Une foule considérable se pressait aux
endroits désignés pour l'embarquement sur les
bateaux qui allaient se diriger au devant de
l'escadre française. Bientôt, tout ce côté de la
ville prit un air de fête. Les couleurs françai-
ses et russes flottaient de tous côtés sur le
fleuve. La flottille détilait à toute vapeur por-
tant des milliers de passagers.
Ces bateaux étaient pittoresquement ornés
de draperies et de pavillons aux couleurs na-
tionales françaises et de guirlandes de ver-
dure.
Ils étaient occupés par le chœur Slaviansky
Agreniew, les hommes et les femmes en cos-
tume national russe, et par les principaux
membres de la colonie française.
Un temps superbe a favorisé la traversée
pendant laquelle le chœur a chanté l'hymne
national russe, puis quand le bateau qui porte
les musiciens est arrivé p ès de l'escadre
française, ils ont fait entendre un chant de
bienvenue composé sur l'air de la Marseillaise,
et ont été accompagnés par les orchestres mi-
litaires.
Une brillante flottille d'une cinquantaine
d'embarcations de toutes grandeurs, bondées
de public, s'est rendue au-devant de l'escadre
qui a été accueillie par d'enthousiastes vivats,
auxquels répondaient les acclamations des ma-
rins français. Les mouchoirs et les chapeaux
étaient agités des deux côtés, et la sympathie
et la gaieté éclataient sur tous les visages.
Les onze gros navires qui stationnaient dans
la grande rade de Cronstadt offraient un su-
perbe coup d'oeil.
Quand approcha l'escadre française majes-
tueusement groupée, les spectateurs étaient en
admiration devant les dimensions colossales,
la force imposante, le parfait agencement des
navires français et. le bon ordre de leurs
nombreux équipages; grandiose fut surtout
le moment où les escadres française et russe
échangèrent des salves de coups de canons en
saluant réciproquement la Russie et la France.
Pendant que les musiques militaires se fai-
saient entendre aux alentours, des groupes de
Russes, parmi lesquels le chœur de Slaviansky,
montèrent sur le Marengo offrir aux Français
le pain et le sel selon la coutume russe en
même temps qu'une députation de la presse
russe venait aussi féliciter les marins français.
Un orage étant survenu bientôt après fut
promptement dissipé et le retour s'accomplit
très bien à travers les forts de Cronstadt dont
les quais sont couverts d'une foule immense.
Cronstadt, 23 juillet.
Dès le matin, tous les édifices de la ville
furent pavoisés et présentèrent l'aspect le plus
pittoresque. Vers dix heures arrivèrent des
bateaux à vapeur amenant du monde de Pé-
tersbourg, de Péterhof, de Oranienbaum allant
à la rencontre de l'escadre française.
Sur la rade, tous les bateaux étaient ornés
de verdure et pavoisés aux couleurs russes et
françaises. L'escadre française apparut à l'ho-
rizon vers onze heures, elle fut aussitôt en-
tourée de toute une flottille de vapeurs sur-
chargés de monde. L'accueil fut enthousiaste
avec des hourrahs et des cris de : Vive la
France! La musique entonna la Marseillaise.
Les marins français ont été visiblement tou-
chés de cet accueil cordial.
L'escadre, escortée des vapeurs, s'est dirigée
lentement vers Cronstadt, la Lance en tête,
puis le Marengo, le Requin, le Marceau, le Fu-
rieux ; entre les bâtiments marchaient les tor-
pilleurs, un peu à droite suivait le Surcouf.
A onze heures et demie le drapeau russe a
été hissé sur le Surcouf, aussitôt se sont faits
entendre les saluts à la nation, puis au doyen
de .a rade en la personne de l'amiral Kasna-
kow. Les équipages des bâtiments, montés sur
les vergues, ont acclamé leurs hôtes français
par des hourrahs enthousiastes.
Vers une heure de l'après-midi, les bâti-
ments de l'escadre française se sont rangés
vis-à-vis des bâtiments russes et ont jeté l'an-
cre.
Saint-Pétersbourg, 23 juillet.
Le conseil municipal de Saint-Pétersbourg
a voté avec acclamation un crédit de 15,000
roubles pour organiser le 17/29 juillet à l'Hô-
tel de Ville, un raoût pendant lequel il
offrira à l'amiral Gervais et aux officiers de
l'escadre française, en souvenir de la ville,
des présents en objets d'argenterie pour le
jour de la fête patronymique de l'impératrice
et une centaine de cigarettes russes dans
d'élégants écrins à chaque marin de revendre.
LE CAS DU DOCTEUR DESPRES
Seul, de tous nos confrères, nous avons
dit les accusations formulées contre le
docteur Després.
Le conseil supérieur de l'Assistance pu-
blique s'est réuni hier, ainsi que nous
l'avions annoncé, pour entendre la défense
de l'accusé.
Le député du 6* arrondissement n'a nié
aucun des propos qui lui étaient reprochés
et a déclaré au conseil qu'il se reconnais-
sait seul juge de la manière dont il devait
traiter le personnel placé sous ses ordres,
Le conseil a renvoyé sa décision à hui-
taine.
LES SOCIÉTÉS DE COURSES
Le Journal officiel publiera aujourd'hui le
décret rendu sur la proposition du ministre de
l'agriculture, et déterminmt les conditions
auxquelles les sociétés de courses devront se
soumettre pour organiser le pari mutuel sur
leurs hippodromes.
Le décret comprendra six articles. Il énu-
mère les pièces que devront fournir les so-
ciétés au ministère de l'agriculture. Ces
pièces sont :
Les conptes et budgets des services écoulés;
Le budget en cours ;
La liste des journées de courses.
Le taux du prélèvement est fixé à 2 0/0
pour les œuvres d'assistance et 10/0 pour
l'élevage.
Le prélèvement pour les dépenses d'admi-
nistration n'est pas fixé dans le décret ; il sera
particulier à chaque société.
Le décret règle enfin les modes de verse-
ment, d'ordonnancement et de contrôle des
fonds prélevés.
LA POUD3E oANS FUMÉE
Nous avons dit hier qu'il ne fallait nulle-
ment faire une confusion entre les faits nou-
veaux reprochés a Tripollé, au sujet de la li-
vraison à la maison Armstrong de la poudre
blanche réglementaire, et ceux sur lesquels il
a été demandé des éclaircissements à M.
Canet.
Nous pouvons même aujourd'hui annoncer
que M. Atthalin, suffisamment édifié sur la va-
leur des articulations produites contre M. Ca-
net. va clore l'instruction qu'il avait ouverte à
leur sujet.
Nous croyons intéressant de raconter au-
jourd'hui par le menu, les évènements aux-
quels M. Canet a été mêlé en ces derniers
jours. On sait qu'une lettre retrouvée dans la
correspondance de Triponé avait motivé l'ou-
verture de l'enquête.
Dans cette lettre adressée à M. Canet, l'a-
gent de la maison Armstrong, accusait son
correspondant d'avoir remis à Turpin et d'a-
voir vendu à 1 étranger de la poudre sans
fumée réglementaire.
Mis en présence de M. Canet dans le cabinet
du juge, Triponé désavoua cette lettre, disant
qu'il l'avait écrite dans un mouvement de co-
lère, sur un simple racontar de Turpin.
Il déclara même qu'il était allé un peu plus
tard s'excuser auprès de M. Canet de cet acte
irréfléchi et q-je, sur sa demande, celui-ci
avait déchiré la lettre originale.
Turpin fut à son tour confronté avec M.
Canet.
A la première question qui lui fut posée, il
répondit, indifférent :
— C'est possible, mais je m'en f.
Ce «je m'en f. » est, paraît-il, depuis qu'il
est arrêté, une des réponses ordinaires de l'in-
venteur de la mélinite..
Invité par M. Atthalin à se montrer plus ré-
vérencieux en même temps que plus explicite,
il déclara alors n'avoir jamais rien dit à Tri-
poné à ce sujet; puis, comme pris d'un sou-
dain souvenir :
— Au fait, oui, je me rappelle, je revois la
scène, j'étais dans le cabinet de M. Canet. Un
jour, 3, rue Vignon, il alla prendre dans son
coffre-fort de la poudre blanche qu'il me dé-
clara être la poudre règlementaire de l'armée,
et, sur ma demande, m'en remit trois grains.
— Qu'en avez-vous fait ?
— Je l'ai jetée.
— Vous l'avez jetée?.
— Au fait je ne >ais pas, je m'en f.
- Et on quelle année cela s'est-il passé?
- En t887.
- Vous en êtes sûr?
- Ou dans les premiers jours de janvier
1888 au plus tard.
Pour toute réponse M. Canet exhiba un bail
établissant qu'il n'a pris possession de ses
bureaux du 3, rue Vigo ¡on que dans le milieu
de l'année 1888, de telle sorte qu'il eût été
bien difficile à lui d'y recevoir Turpin en 1887.
M. Canet déclara alors qu'il avait bien remis
à Turpin un échantillon de poudre de fabrica-
tion étrangère. Il est évident qu'un chimiste
spécialiste tel que M. Turpin n'aurait pas jeté
sans l'analyser et en chercher la composition
un aussi précieux échantillon que celui de la
poudre de guerre française.
La preuve était suffisamment faite, et M.
Canet fut lavé de tous les soupçons odieux
que Turpin, dans un but d'inqualifiable mal-
veillance, avait voulu faire peser sur lui.
Ajoutons que M. Canet a eu hier encore une
entrevue avec M. Atthalin auquel il a donné
quelques explications sur la nature de la
poudre qui lui avait été livrée par la manu-
facture de Sevran-Livry pour ses essais
d'armes de guerre.
HENRI DREYFUS.
COULISSES DES CHAMBRES
LE MINISTRE DE LA MARINE A LA COMMISSION
DU BU06ET
M. Barbey, ministre de la marine, s'est
rendu hier à la commission du budget
pour donner son avis sur les mesures pro-
posées par M. Henri Brisson dans le but
d'accroître nos forces navales de Ire et de
2e ligne. Les déclarations faites par M.
Barbey avaient été délibérées le matin
même en conseil des ministres. Aussi
croyons-nous devoir en reproduire l'ana-
lyse complète :
Le ministre de la marine a déclaré, en
commençant, qu'il ne repoussait pas la
pensée qui a inspiré le programme proposé
par 1 honorable M. Brisson. Lui-même, de-
puis deux ans, ne poursuit pas un autre
but que de rendre aussi prêtes que possi-
ble pour l action toutes les ressources dont
le département devra faire usage au mo-
ment de la guerre. C'est à cette fin qu'il a
renforcé l'escadre de la Méditerranée, créé
une division de réserve et proposé la for-
mation d'une escadre de réserve. S'il n'a
pas donné à cette extension des forces
armées un plus grand développement en-
core, c'est qu'il a dû se maintenir dans des
limites des crédits fixés par les Chambres.
C'est à cet écueil de l'accroissement de la
dépense que se heurte, à son avis, le pro-
jet de l'honorable rapporteur.
M. Brisson propose d'abord de consti-
tuer sur les points de la côte désignés par
leur importance commerciale ou straté-
gique, des stations permanentes de torpil-
leùrs. Le ministre fait observer que depuis
plusieurs années des postes, complètement
outillés et approvisioilnés, existent à cet
effet sur les points indiqués et sur d'autres;
mais dans un but d'économie, de disci-
pline, d'intérêt militaire et en vue de
l'exécution des plans de mobilisation, les
torpilleurs sont conservés dans l'arsenal
du chef-lieu d'arrondissement pour n'être
envoyés à leur lieu d'attache qu'à la pre-
mière alerte.
On sait, au reste, que les postes de la
côte sont fréquemment visités par des
escadrilles de torpilleurs. Celles-ci, au
moment voulu, seraient, en quelques
heures, rendues à leurs destinations res-
pectives.
Le ministre croit ces dispositions suffi-
santes pour prévenir toute surprise. Dans
tous les cas, des établissements constam-
ment armés et en tout temps organisés,
suivant le projet du rapporteur, exige-
raient un surcroît de dépenses s'étevant
en totalité à 22 millions et demi.
Il faut, il est vrai, déduire de cette
somme la d pense acluelle de la réserve,
2° et Je catégorie, mais cette déduction
ne dépasse pas 7,908,000 fr., de sorte que
l'accroissement de dépense final sera de
14,721.000 fr.
il faut ajouter que ce développement
extrême de la flotte disponible ne laissera
pas que de se répercuter sur les services
généraux qni n'exist nt que pour el e. La
flotte, tout entière en service, exigera un
renouvellement beaucoup plus rapide sous
peine de déchéance dans un temps pro-
chain ; l'outillage s'usera plus vite et devra
être plus eorriplft; les dépenses de trans-
port pour le matériel comme pour le per-
sonnel s'accrutrout. Il est difficile de Gxet
l'ullporlance exacte de ces suppléments
de frais indirects, mais ce serait se faire
illusion que de prétendre y échapper.
En résumé, on n'exagère pas en éva.,
tuant de 48 à 20 millions ie supplément de
total qu'exigerait l'exécution du plan pro-
posé. -
Or, le ministre ne pense pas que le ré-
sultat produit équivaille à ce sacrifice; il
ne lui parait pas utile de donner un arme-
ment plus ou moins complet à beaucoup
de bâtiments qui n'ont plus qu'une valeur
militaire de second ordre et ne doivent
plus être que des auxiliaires d'occasion;
on risquerait ainsi de se faire illusion à
soi-même et sans aucun avantage pour
notre influence à l'extérieur. »
Ce qui importe, su vant le ministre, et
c'est le but de ses efforts constants, c'est
de tenir immédiatement prêts, a mesure
qu'ils arrivent à achèvement , tous les
types nouveaux qui sont notre force vive.
Le surplus de nos ressources doit être af-
fecté à la construction.
Le ministre a fait observer encore que
les divisions volantes, dont il ne conteste
pas l'utilité, surtout au point de vue de
l'instruction du personnel, ne rempliraient
qu'imparfaitement le rôle de nos divisions
actuelles. La présence continue de celles-
ci leur assure une influence propre; elles
sont un instrument toujours disponible;
elles possèdent des archives et des tradi-
tions. L'honorable rap orteur a si bien
compris cette nécessité d'une action pré-
sente qu'il a créi des slations de liaison
qui sont, au fond, les réductions des divi-
sions anciennes. Mais il est à craindre que
ces forces réduites ne suffisent pas à notre
action diplomatique, que fréquemment
des difficultés survenues sur tels ou tels
points n'arrêtent pendant un temps fort
long les divisions volantes dans le ir mar.
che, et qu'ainsi =e ser/ice de circulation
continue ne se trouve gravement troublé
ou même totalement interrompu.
M. Brisson espère trouver des compen-
sations en réduisant ou même en suppri..
mant certai IS services accessoires.
Sauf la suppression de la Melpomène qui
pourrait, mais non sans désavantage, être
remplacée comme école des gabiers par
un navire des divisions volantes, ce qui
produirait une économie de 685,000 francs,
le ministre attend peu de résultats des ré-
formes proposées.
Le remplacement, par des bâtiments
armés, des pontons et vieux navires uti-
lisés encore dans certains ports ou pour
certaines missions e"t, dès maintenant
poursuivi par le ministre, dont l'objectif
est toujours de faire valoir dans la plus
grande mesure les instruments qui ont le
p us de perfection militaire. Mais ces subsc
titutions ne peuvent avoir lieu que pro.
gressivement et elles se résolvent ra-
rement par une économie d'argent.
La Bretagne, qui figure au budget pour
une somme de 1,080,000 fr., semble à
première vue pouvoir, sans grand incon-
vénient, éder son service d école des ap-
prentis marins aux bâtiments, soit des di-
visions volantes à Toulon et à Brest, soit
des navires en réserve. Cependant, lors-
qu'on observe que le renouvel ement du
personnel de cette école est continu, que
la levée permanente et l'engagement vo-
lontaire, nos deux grandes sources de re-
crutement, amènent les hommes jour par
jour dans les ports, qu'embarqués à la Bre-
tagne à intervalles rapprochés, ils y sont
uniquement dégrossis eL soumisà un entraî-
nement méthodique pour être envoyés, à
des époques fixes, aux écoles de spéciali-
tés, on conçoit combien un semblable,
service est peu compatible avec les con-
Feuilleton du RAPPEL
DU 25 JUILLET
* 27
LE
HOULIN AUX CORBEAUX
PREMIÈRE PARTIE
LA BRUTE
XXIII
De Charenton à Gravelle
— Suite —
DorneuiJ,Césarine et Colette déjeunaient
dans "Un restaurant de Charenton.
Maxime avait trouvé bon d'offrir un
Jpepas champêtre à ses deux cousines.
Tous trois avaient projeté d'aller à pied
de Charenton à Gravelle en côtoyant les
jfives de la Marne.
Au Moulin aux Corbeaux, Zoé Rivoire,
Dupee et Baudu se trouvaient déjà ins-
tallés.
')
Reproduction interdite.
Voir le fiapm'l du 29 juin au 24 juillet,
Nos provinciaux ne s'étaient pas fait
tirer l'oreille pour venir toucher leur part
d'héritage , et alléchés aussi par la
phrase un peu vague de la lettre qu'ils
avaient reçue.
Quelle était donc « la communication
importante » que le comte de Lansac pou-
vait bien avoir à leur faire?
A cette question que chacun d'eux
s'était posée, à part soi, ils s'étaient
répondu, en des termes différents, mais
avec la même pensée :
— Peut-être que le comte, me trouvant
mal partagé, a l'intention de rétablir
l'équilibre; peut-être veut-il augmenter à
mon profit la donation.
Le travail qui se fit aussitôt dans leur
tête excita leurs convoitises.
Dupec, le plus madré, alla trouver Zoé
et Baudru.
— Vous avez reçu une lettre, hein ?
— Oui, cousin.
— Nous allons à Paris ?
— OdtL cousin.
— Qu st-ce que vous penseriez de mon
idée?
— Laquelle, cousin?
— Supposons un instant que le comte
ait un remords, que sur ses treize millions,
il veuille en retirer quelque chose pour
nous.
— Eh ben, cousin?
— Eh ben, Césarine et Dorneuil sont là-
bas ! Le cousin et la cousine de Paris sont
des madrés. Ils ne vous ont point encore
écrit ce qu'ils voulaient faire. Ils pour-
raient voir le comte avant nous à l'heure
du règlement, s'emparer de lui, nous ra-
baisser dans son esprit et profiter sans
nous de ses générosités, s'il doit en avoir.
— Vous voyez juste, cousin.
— Et mon avis serait que nous arri-
vions les premiers au plateau de Gra-
velle.
— L'idée est bonne, cousin.
Et tous trois avaient devancé l'heure du
rendez-vous, espérant voir Séverin avant
Césarine et avant Maxime Dorneuil.
Alexis et Marianne, qui se trouvaient
réunis, les reçurent avec amabilité et
s'empressèrent de les faire asseoir, de leur
servir du lait et de leur préparer des tar-
tines de beurre.
— M. de Lansac viendra de bonne
heure, sans doute ? avait questionné
Dupec.
Mais Marianne, qui ne voulait entrer
dans aucune conversation avec les parents
de Séverin, se contenta de répondre :
— Je ne sais pas, monsieur.
Et ce fut tout.
XXIV
La chanson d'un passant
De Charenton à Gravelle, en suivant la
terrasse élevée qui séparé le canal de la
rivière de Marne, le chemin est magnifique
avec ses grands arbres et ses îlots d'ar-
bustes.
C'est la route qu'en sortant du restau-
rant où ils avaient déjeuné, Césarine, Dor-
neuil et Colette avaient suivie pour se
rendre au Moulin aux Corbeaux.
Durant le trajet, la jeune fille avait eu
le temps de ramasser sur les pentes fleu-
ries des berges, au bord de l'eau, dans les
prés, assez d'iris sauvages, de marguerites,
de sainfoin, de bluets, de coquelicots et
de boutons d'or pour faire dire à sa
mère :
— Elle est folle, cette petite !. Bientôt
elle disparaîtra sous ses gerbes de fleurs.
En arrivant au moulin, Colette s'arrêta
dans la cour, près d'une table ombragée
par les grands arbres de l'île où rumi-
naient en paissant les vaches au poil lui-
sant.
— Là !. dit-elle en laissant tomber son
fardeau embaumé à ses pieds, l'heure est
venue de prouver que je ferais au besoin
,lIne excellente bouquetière.
Césarine de Lansac et Maxime Dorneuil
la laissèrent à l'ombre trier ses fleurs et
préparer son bouquet.
Ils entrèrent tous les deux dans la
grande salle du rez-de-chaussée,où se trou-
vaient Marianne, Alexis Gauthier et les
trois héritiers de province.
- Eh bien ! nous ne serons pas les pre-
miers arrivés I s'écria Maxime, en voyant
ces derniers peu satisfaits de la présence
des nouveaux venus.
On se serra cependant les mains, en fai-
sant la bouche en cœur.
Marianne offrit des sièges en demandant:
— Monsieur et madame prendront bien
aussi quelque chose ?
— Nous avons déjeuné, repliqua Césa-
rine, en s'asseyant, et nous n'avons be-
soin de rien.
— Alors, reprit Dorneuil, s'adressant
aux provinciaux, vous avez reçu, comme
nous, une lettre de convocation?
— Mais oui. répliqua Baudru. Ça
nous est arrivé hier matin et nous avons
pris le train dans la soirée. On va toucher
son argent!. Ça n'est pas trop tôt, depuis
près de trois mois, et nous espérions tou-
jours avoir de vos nouvelles, cousine.
— Je n'avais rien d'intéressant à vous
apprendre. Attendons encore.Vous pensez
rester quelques jours à Paris.
— Oui, dit Dupec. nous profiterons de
l'occasion pour visiter les abattoirs et la
tour Eiffel. Nous sommes venus tous les
trois daus de bonnes intentions.
— Certainement, fit Zoé Rivoire, et tout
joyeux.
— Vraiment, sourit Dorneuil. Et la
cause de cette joie?
- Une idée à nous.
- Une idée ?.
- Nous avons pensé comme ça que le
comte de Lamic, qui a pas mal de lubies,
pourrait bien réparer à notre égard l'in-
justice de Jacques Libourt.
— Comptez-y ! répondit Césarine avec.
un rire pincé.
— Je crois plutôt, lança Dorneuil, qu'il
se moquera un peu de nous tous; la
gouai Ilerie est assez dans ses habitudes.
- Se gouailler? dit Baudru. Ah 1 mais.
ah 1 mais. faudrait voir!
— Il a raison, continua Dupec, faudrait
voir. Je suis maire d'un village dont les
habitants ont la tête près du bonnet. On
ne se moque pas comme ça d'un maire de
la Charente.
— Se moquer de nous! repartit Zoé, ab
bien, qu'il s'en avise un peu.
JULES DORNAY,
(A suivre.)
CINQ centimes le numéro
7 Thermidor an 99 — N* 7306
RÉDACTION
18, RUE DE VAL-riS, 18
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
CES JJANCSCRIT3 NON INSÉRÉS NB SERONT PAS RBNDD9
ADMINISTRATION
18, SUE DE VALOIS, 18
Adresser lettres et mandats
A Ï/ADMÏNISTRATEUR-GÉHANT
1.
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et ÇfI
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS IIOIS. 5 -
SIX MOIS 9 FR.
ON AN 18 —
Rédacteur en chef : AUGUSTE VACQUERIE
.:\. - ABONNEMENTS
.,. DÉPARTEMENTS
UN MOIS is FR.
TROIS MOIS. 6-
SIX MOIS 11 FR.
UN AN. 20 -
llOUVEMENT IRRÉSISTIOLE
Je prévoyais bien que l'élection séna-
toriale de l'Indre ne causerait aux réac-
tionnaires aucune espèce de satisfac-
tion, mais je n'espérais pas qu'elle leur
casserait à ce point bras et jambes.
Hélas ! gémit l'Autorité, « le dépar-
tement de l'Indre, naguère si compact,
si autonome dans sa résistance chré-
tienne et conservatrice, est largement
entamé »,
Et, dans une lettre d'un abonné :
— « Lorsqu'on voit un département
comme celui-là, fidèle et dévoué entre
tous, s'abandonner ainsi au décou-
ragement, on peut dire que les choses
ont singulièrement marché depuis deux
ans. »
Et, passant brusquement du gémis-
sement à l'imprécation, l'abonné se
tourne vers le républicain élu et lui
crie : « Marchand de cochons ! »
D'où vient le mal? se demande l'a-
bonné. Et il se répond : - « De haut,
de loin et de partout. »
Du pape, d'abord. « Le pape est libé-
ral. » Puis, des cardinaux et des non-
ces. Puis, des évêques, qu'on choisit,
« non parce qu'ils sont les plus dignes.
mais parce qu'ils sont les plus ram-
pants et les plus serviles ». Puis, d'« un
tas de grands seigneurs ou de députés
qui, faisant litière de leur nom et de
leur passé, sont en coquetteries réglées
avec les Constans, les Freycinet et les
Guyot et autres dispensateurs de la
manne républicaine ». Vendus, les
grands seigneurs et les députés conser-
vateurs ! Puis, de « la masse des bour-
geois ». Puis, du Figaro, « le plus dé-
moralisateur de tous les journaux ».
Tous en commun, les grands sei-
gneurs avec les bourgeois, le pape avec
le Figaro, les droitiers avec les conser-
vateurs, les évêques rampants avec les
marchands de cochons, font « ce trou-
ble profond, irréparable, s'emparent des
couches les plus reculées du suffrage
universel », et c'est ainsi que « tout va
à la dérive » !
Jadis, le mot des monarchistes était :
C'est la faute à Voltaire. Aujourd'hui,
leur mot est : C'est la faute au pape.
Le pape a encouragé l'archevêque d'Al-
ger, qui a encouragé l'évêque de Gre-
noble, qui a encouragé son clergé. De
là, dans toute la France, les progrès de
la République. C'est le pape, le cardinal
Lavigerie, l'évêque Fava et leurs pareils
qli ont fait l'élection sénatoriale de
l'Indre. « Ils peuvent en être fiers; elle
est bien leur œuvre, indirectement sans
doute, mais sûrement, et ils en verront
bien d'autres dans l'avenir! »
C'est en vain que les évêques néo-
républicains disent à l'abonné de l'Au-
torité :
- Bêta! tu ne vois donc pas que
c'est pour rire? « Nous nous déguisons
en républicains ; nous aurons ainsi les
suffrages du peuple, et quand nous
serons les maîtres. »
— Bêtas vous-mêmes! répond l'a-
bonné. Le peuple, votre dupe? Allez
dire cela « aux enfants, aux Pari-
siens renforcés et aux académiciens! »
Il n'y a qu'eux pour « avaler de pareilles
bourdes » !
Les enfants et les académiciens, soit;
mais je ne me figurais pas les Parisiens
renforcés avalant les bourdes si faci-
lement.
— « En un mot », insiste l'auteur de
la lettre, « les évêques et les députés
ralliés préparent l'anéantissement du
parti conservateur ». Et, s'adressant
à M. Paul de Cassagnac :
— « Vous seul surnagez. »
Il y avait déjà les rari nantes de l'E-
néide. Les surnageants de la réaction
ne sont pas rares, ils sont un.
M. Paul de Cassagnac admire la lettre
de son abonné et la contresigne :
— « C'est la vérité vraie, la vérité na-
vrante. Nous sommes dans un temps
de reniement et de lâcheté générale.
Combien de plats valets dans le parti
soi-disant conservateur! »
Toutes ces choses nous causent un
vif plaisir, principalement ce passage
de la lettre :
— « Donc, c'est bien démontré, ce
sont nos évêques, nos députés conser-
vateurs, ce sont tous ces endormis et
tous ces aveugles qui accentuent d'une
facon formidable, irrésistible, le mou-
vement vers la République. »
Ainsi, le mouvement vers la Répu-
blique s'accentue d'une façon formi-
dable, irrésistible. C'est un abonné et
le rédacteur en chef d'un journal réac-
tionnaire à outrance qui le disent. Ce
n'est pas moi qui les démentirai.
AUGUSTE VACQUERIE.
i m i —————
L'ESCADRE FRANÇAISE A CRONSTADT
Les journaux russes relèvent la haute
portée de l'arrivée e l'escadre française
comme le témoignage des profondes et
sincères sympathies franco-russes, et sa-
luent chaleureusement les hôtes français.
Le Nouveau Temps constate que l'esca-
dre sera accueillie avec joie par toutes les
classes de la population. La réunion de
deux puissantes escadres dans le golfe de
Finlande est comme le reflet imposant de
la politique internationale de la Russie et
de la France. L'expérience de ses dernières
années a montré, en effet, la salutaire ac-
tion de la politique franco-russe pour le
maintien de la paix en Europe.
Le journal termine ainsi :
Le cri de : Vive la France ! ne sera pas un
son vide, mais la manifestation des sentiments
sincères de tous ceux qui accueilleront l'es-
cadre française.
La Petersburskia Viedomosti dit :
La France et la Russie sont liées par une
union naturelle. La Russie ne craint rien ni
personne. Elle ne se soucie pas des affaires
d'autrui.
Le Grajdanine fait ressortir que c'est la
première fois que le grand amiral russe
saluera, dans les eaux de Cronstadt, le pa-
villon de la République française.
Le Journal de Saint- Pétersbouy-g écrit :
Une belle escadre française arrive aujour-
d'hui dans les eaux de Cronstadt. Une récep-
tion aussi solennelle que cordiale lui sera
faite, non seulement par nos marins, recon-
naissants de l'accueil sympathique dont, à
chaque occasion, ils sont l'objet dans les ports
français, mais aussi par tout le peuple en
général.
Les escadres russes, réunies dans les rades
du grand port de guerre de la Baltique, vont
faire une réception grandiose à l'escadre d'une
nation amie.
La ville de Cronstadt sera en parure de fête,
et on y verra briller les couleurs françaises à
côté des couleurs russes.
Des manifestations de chaleureuse sympathie
se préparent également dans notre capitale.
L'accueil ne sera pas seulement brillant, mais
sincèrement amical, et ce seront, on peut y
compter, des ouvenirs agréables que les ma-
rins français remporteront de leur excursion
dans les eaux de la Russie.
Demain, ils seront nus hôtes. Nous leur sou-
haitons la bienvenue.
Le Journal de Saint-Pétersbourg publie
les principaux points du programme de
réception de l'escadre française.
L'empereur recevra les offieiers de l'es-
cadre en audience et leur offrira un dîner.
Le 26 juil et, un dîner sera également
donné par le grand-duc Alexis.
Le 29. la municipalité de Saint-Péters-
bourg offrira un raout.
Le conseil municipal donnera à chaque
navire de guerre français un souvenir
consistant en un broc en argent destiné à
la lable des officiers. Chacun de ces objets
portera une dédicace appropriée à la cir-
constance.
(Par dépêche)
Saint-Pétersbourg, 23 juillet.
Douze vaisseaux de guerre et quatre torpil-
leurs stationnent dans la grande rade de Crons-
tadt pour recevoir l'escadre française, et qua-
tre vaisseaux de guerre l'attendent dans la
petite rade.
Des centaines d'embarcations, bondées de
spectateurs, sillonnent les deux rades.
Les navires, les forts de la ville de Cronstadt
sont richement pavoisés.
Il y a des corps de musique sur les grands
bateaux à vapeur particuliers.
Saint-Pétersbourg, 23 juillet.
Dés la première heure, ce matin, l'anima-
tion était des plus grandes sur les quais de la
Néva. Une foule considérable se pressait aux
endroits désignés pour l'embarquement sur les
bateaux qui allaient se diriger au devant de
l'escadre française. Bientôt, tout ce côté de la
ville prit un air de fête. Les couleurs françai-
ses et russes flottaient de tous côtés sur le
fleuve. La flottille détilait à toute vapeur por-
tant des milliers de passagers.
Ces bateaux étaient pittoresquement ornés
de draperies et de pavillons aux couleurs na-
tionales françaises et de guirlandes de ver-
dure.
Ils étaient occupés par le chœur Slaviansky
Agreniew, les hommes et les femmes en cos-
tume national russe, et par les principaux
membres de la colonie française.
Un temps superbe a favorisé la traversée
pendant laquelle le chœur a chanté l'hymne
national russe, puis quand le bateau qui porte
les musiciens est arrivé p ès de l'escadre
française, ils ont fait entendre un chant de
bienvenue composé sur l'air de la Marseillaise,
et ont été accompagnés par les orchestres mi-
litaires.
Une brillante flottille d'une cinquantaine
d'embarcations de toutes grandeurs, bondées
de public, s'est rendue au-devant de l'escadre
qui a été accueillie par d'enthousiastes vivats,
auxquels répondaient les acclamations des ma-
rins français. Les mouchoirs et les chapeaux
étaient agités des deux côtés, et la sympathie
et la gaieté éclataient sur tous les visages.
Les onze gros navires qui stationnaient dans
la grande rade de Cronstadt offraient un su-
perbe coup d'oeil.
Quand approcha l'escadre française majes-
tueusement groupée, les spectateurs étaient en
admiration devant les dimensions colossales,
la force imposante, le parfait agencement des
navires français et. le bon ordre de leurs
nombreux équipages; grandiose fut surtout
le moment où les escadres française et russe
échangèrent des salves de coups de canons en
saluant réciproquement la Russie et la France.
Pendant que les musiques militaires se fai-
saient entendre aux alentours, des groupes de
Russes, parmi lesquels le chœur de Slaviansky,
montèrent sur le Marengo offrir aux Français
le pain et le sel selon la coutume russe en
même temps qu'une députation de la presse
russe venait aussi féliciter les marins français.
Un orage étant survenu bientôt après fut
promptement dissipé et le retour s'accomplit
très bien à travers les forts de Cronstadt dont
les quais sont couverts d'une foule immense.
Cronstadt, 23 juillet.
Dès le matin, tous les édifices de la ville
furent pavoisés et présentèrent l'aspect le plus
pittoresque. Vers dix heures arrivèrent des
bateaux à vapeur amenant du monde de Pé-
tersbourg, de Péterhof, de Oranienbaum allant
à la rencontre de l'escadre française.
Sur la rade, tous les bateaux étaient ornés
de verdure et pavoisés aux couleurs russes et
françaises. L'escadre française apparut à l'ho-
rizon vers onze heures, elle fut aussitôt en-
tourée de toute une flottille de vapeurs sur-
chargés de monde. L'accueil fut enthousiaste
avec des hourrahs et des cris de : Vive la
France! La musique entonna la Marseillaise.
Les marins français ont été visiblement tou-
chés de cet accueil cordial.
L'escadre, escortée des vapeurs, s'est dirigée
lentement vers Cronstadt, la Lance en tête,
puis le Marengo, le Requin, le Marceau, le Fu-
rieux ; entre les bâtiments marchaient les tor-
pilleurs, un peu à droite suivait le Surcouf.
A onze heures et demie le drapeau russe a
été hissé sur le Surcouf, aussitôt se sont faits
entendre les saluts à la nation, puis au doyen
de .a rade en la personne de l'amiral Kasna-
kow. Les équipages des bâtiments, montés sur
les vergues, ont acclamé leurs hôtes français
par des hourrahs enthousiastes.
Vers une heure de l'après-midi, les bâti-
ments de l'escadre française se sont rangés
vis-à-vis des bâtiments russes et ont jeté l'an-
cre.
Saint-Pétersbourg, 23 juillet.
Le conseil municipal de Saint-Pétersbourg
a voté avec acclamation un crédit de 15,000
roubles pour organiser le 17/29 juillet à l'Hô-
tel de Ville, un raoût pendant lequel il
offrira à l'amiral Gervais et aux officiers de
l'escadre française, en souvenir de la ville,
des présents en objets d'argenterie pour le
jour de la fête patronymique de l'impératrice
et une centaine de cigarettes russes dans
d'élégants écrins à chaque marin de revendre.
LE CAS DU DOCTEUR DESPRES
Seul, de tous nos confrères, nous avons
dit les accusations formulées contre le
docteur Després.
Le conseil supérieur de l'Assistance pu-
blique s'est réuni hier, ainsi que nous
l'avions annoncé, pour entendre la défense
de l'accusé.
Le député du 6* arrondissement n'a nié
aucun des propos qui lui étaient reprochés
et a déclaré au conseil qu'il se reconnais-
sait seul juge de la manière dont il devait
traiter le personnel placé sous ses ordres,
Le conseil a renvoyé sa décision à hui-
taine.
LES SOCIÉTÉS DE COURSES
Le Journal officiel publiera aujourd'hui le
décret rendu sur la proposition du ministre de
l'agriculture, et déterminmt les conditions
auxquelles les sociétés de courses devront se
soumettre pour organiser le pari mutuel sur
leurs hippodromes.
Le décret comprendra six articles. Il énu-
mère les pièces que devront fournir les so-
ciétés au ministère de l'agriculture. Ces
pièces sont :
Les conptes et budgets des services écoulés;
Le budget en cours ;
La liste des journées de courses.
Le taux du prélèvement est fixé à 2 0/0
pour les œuvres d'assistance et 10/0 pour
l'élevage.
Le prélèvement pour les dépenses d'admi-
nistration n'est pas fixé dans le décret ; il sera
particulier à chaque société.
Le décret règle enfin les modes de verse-
ment, d'ordonnancement et de contrôle des
fonds prélevés.
LA POUD3E oANS FUMÉE
Nous avons dit hier qu'il ne fallait nulle-
ment faire une confusion entre les faits nou-
veaux reprochés a Tripollé, au sujet de la li-
vraison à la maison Armstrong de la poudre
blanche réglementaire, et ceux sur lesquels il
a été demandé des éclaircissements à M.
Canet.
Nous pouvons même aujourd'hui annoncer
que M. Atthalin, suffisamment édifié sur la va-
leur des articulations produites contre M. Ca-
net. va clore l'instruction qu'il avait ouverte à
leur sujet.
Nous croyons intéressant de raconter au-
jourd'hui par le menu, les évènements aux-
quels M. Canet a été mêlé en ces derniers
jours. On sait qu'une lettre retrouvée dans la
correspondance de Triponé avait motivé l'ou-
verture de l'enquête.
Dans cette lettre adressée à M. Canet, l'a-
gent de la maison Armstrong, accusait son
correspondant d'avoir remis à Turpin et d'a-
voir vendu à 1 étranger de la poudre sans
fumée réglementaire.
Mis en présence de M. Canet dans le cabinet
du juge, Triponé désavoua cette lettre, disant
qu'il l'avait écrite dans un mouvement de co-
lère, sur un simple racontar de Turpin.
Il déclara même qu'il était allé un peu plus
tard s'excuser auprès de M. Canet de cet acte
irréfléchi et q-je, sur sa demande, celui-ci
avait déchiré la lettre originale.
Turpin fut à son tour confronté avec M.
Canet.
A la première question qui lui fut posée, il
répondit, indifférent :
— C'est possible, mais je m'en f.
Ce «je m'en f. » est, paraît-il, depuis qu'il
est arrêté, une des réponses ordinaires de l'in-
venteur de la mélinite..
Invité par M. Atthalin à se montrer plus ré-
vérencieux en même temps que plus explicite,
il déclara alors n'avoir jamais rien dit à Tri-
poné à ce sujet; puis, comme pris d'un sou-
dain souvenir :
— Au fait, oui, je me rappelle, je revois la
scène, j'étais dans le cabinet de M. Canet. Un
jour, 3, rue Vignon, il alla prendre dans son
coffre-fort de la poudre blanche qu'il me dé-
clara être la poudre règlementaire de l'armée,
et, sur ma demande, m'en remit trois grains.
— Qu'en avez-vous fait ?
— Je l'ai jetée.
— Vous l'avez jetée?.
— Au fait je ne >ais pas, je m'en f.
- Et on quelle année cela s'est-il passé?
- En t887.
- Vous en êtes sûr?
- Ou dans les premiers jours de janvier
1888 au plus tard.
Pour toute réponse M. Canet exhiba un bail
établissant qu'il n'a pris possession de ses
bureaux du 3, rue Vigo ¡on que dans le milieu
de l'année 1888, de telle sorte qu'il eût été
bien difficile à lui d'y recevoir Turpin en 1887.
M. Canet déclara alors qu'il avait bien remis
à Turpin un échantillon de poudre de fabrica-
tion étrangère. Il est évident qu'un chimiste
spécialiste tel que M. Turpin n'aurait pas jeté
sans l'analyser et en chercher la composition
un aussi précieux échantillon que celui de la
poudre de guerre française.
La preuve était suffisamment faite, et M.
Canet fut lavé de tous les soupçons odieux
que Turpin, dans un but d'inqualifiable mal-
veillance, avait voulu faire peser sur lui.
Ajoutons que M. Canet a eu hier encore une
entrevue avec M. Atthalin auquel il a donné
quelques explications sur la nature de la
poudre qui lui avait été livrée par la manu-
facture de Sevran-Livry pour ses essais
d'armes de guerre.
HENRI DREYFUS.
COULISSES DES CHAMBRES
LE MINISTRE DE LA MARINE A LA COMMISSION
DU BU06ET
M. Barbey, ministre de la marine, s'est
rendu hier à la commission du budget
pour donner son avis sur les mesures pro-
posées par M. Henri Brisson dans le but
d'accroître nos forces navales de Ire et de
2e ligne. Les déclarations faites par M.
Barbey avaient été délibérées le matin
même en conseil des ministres. Aussi
croyons-nous devoir en reproduire l'ana-
lyse complète :
Le ministre de la marine a déclaré, en
commençant, qu'il ne repoussait pas la
pensée qui a inspiré le programme proposé
par 1 honorable M. Brisson. Lui-même, de-
puis deux ans, ne poursuit pas un autre
but que de rendre aussi prêtes que possi-
ble pour l action toutes les ressources dont
le département devra faire usage au mo-
ment de la guerre. C'est à cette fin qu'il a
renforcé l'escadre de la Méditerranée, créé
une division de réserve et proposé la for-
mation d'une escadre de réserve. S'il n'a
pas donné à cette extension des forces
armées un plus grand développement en-
core, c'est qu'il a dû se maintenir dans des
limites des crédits fixés par les Chambres.
C'est à cet écueil de l'accroissement de la
dépense que se heurte, à son avis, le pro-
jet de l'honorable rapporteur.
M. Brisson propose d'abord de consti-
tuer sur les points de la côte désignés par
leur importance commerciale ou straté-
gique, des stations permanentes de torpil-
leùrs. Le ministre fait observer que depuis
plusieurs années des postes, complètement
outillés et approvisioilnés, existent à cet
effet sur les points indiqués et sur d'autres;
mais dans un but d'économie, de disci-
pline, d'intérêt militaire et en vue de
l'exécution des plans de mobilisation, les
torpilleurs sont conservés dans l'arsenal
du chef-lieu d'arrondissement pour n'être
envoyés à leur lieu d'attache qu'à la pre-
mière alerte.
On sait, au reste, que les postes de la
côte sont fréquemment visités par des
escadrilles de torpilleurs. Celles-ci, au
moment voulu, seraient, en quelques
heures, rendues à leurs destinations res-
pectives.
Le ministre croit ces dispositions suffi-
santes pour prévenir toute surprise. Dans
tous les cas, des établissements constam-
ment armés et en tout temps organisés,
suivant le projet du rapporteur, exige-
raient un surcroît de dépenses s'étevant
en totalité à 22 millions et demi.
Il faut, il est vrai, déduire de cette
somme la d pense acluelle de la réserve,
2° et Je catégorie, mais cette déduction
ne dépasse pas 7,908,000 fr., de sorte que
l'accroissement de dépense final sera de
14,721.000 fr.
il faut ajouter que ce développement
extrême de la flotte disponible ne laissera
pas que de se répercuter sur les services
généraux qni n'exist nt que pour el e. La
flotte, tout entière en service, exigera un
renouvellement beaucoup plus rapide sous
peine de déchéance dans un temps pro-
chain ; l'outillage s'usera plus vite et devra
être plus eorriplft; les dépenses de trans-
port pour le matériel comme pour le per-
sonnel s'accrutrout. Il est difficile de Gxet
l'ullporlance exacte de ces suppléments
de frais indirects, mais ce serait se faire
illusion que de prétendre y échapper.
En résumé, on n'exagère pas en éva.,
tuant de 48 à 20 millions ie supplément de
total qu'exigerait l'exécution du plan pro-
posé. -
Or, le ministre ne pense pas que le ré-
sultat produit équivaille à ce sacrifice; il
ne lui parait pas utile de donner un arme-
ment plus ou moins complet à beaucoup
de bâtiments qui n'ont plus qu'une valeur
militaire de second ordre et ne doivent
plus être que des auxiliaires d'occasion;
on risquerait ainsi de se faire illusion à
soi-même et sans aucun avantage pour
notre influence à l'extérieur. »
Ce qui importe, su vant le ministre, et
c'est le but de ses efforts constants, c'est
de tenir immédiatement prêts, a mesure
qu'ils arrivent à achèvement , tous les
types nouveaux qui sont notre force vive.
Le surplus de nos ressources doit être af-
fecté à la construction.
Le ministre a fait observer encore que
les divisions volantes, dont il ne conteste
pas l'utilité, surtout au point de vue de
l'instruction du personnel, ne rempliraient
qu'imparfaitement le rôle de nos divisions
actuelles. La présence continue de celles-
ci leur assure une influence propre; elles
sont un instrument toujours disponible;
elles possèdent des archives et des tradi-
tions. L'honorable rap orteur a si bien
compris cette nécessité d'une action pré-
sente qu'il a créi des slations de liaison
qui sont, au fond, les réductions des divi-
sions anciennes. Mais il est à craindre que
ces forces réduites ne suffisent pas à notre
action diplomatique, que fréquemment
des difficultés survenues sur tels ou tels
points n'arrêtent pendant un temps fort
long les divisions volantes dans le ir mar.
che, et qu'ainsi =e ser/ice de circulation
continue ne se trouve gravement troublé
ou même totalement interrompu.
M. Brisson espère trouver des compen-
sations en réduisant ou même en suppri..
mant certai IS services accessoires.
Sauf la suppression de la Melpomène qui
pourrait, mais non sans désavantage, être
remplacée comme école des gabiers par
un navire des divisions volantes, ce qui
produirait une économie de 685,000 francs,
le ministre attend peu de résultats des ré-
formes proposées.
Le remplacement, par des bâtiments
armés, des pontons et vieux navires uti-
lisés encore dans certains ports ou pour
certaines missions e"t, dès maintenant
poursuivi par le ministre, dont l'objectif
est toujours de faire valoir dans la plus
grande mesure les instruments qui ont le
p us de perfection militaire. Mais ces subsc
titutions ne peuvent avoir lieu que pro.
gressivement et elles se résolvent ra-
rement par une économie d'argent.
La Bretagne, qui figure au budget pour
une somme de 1,080,000 fr., semble à
première vue pouvoir, sans grand incon-
vénient, éder son service d école des ap-
prentis marins aux bâtiments, soit des di-
visions volantes à Toulon et à Brest, soit
des navires en réserve. Cependant, lors-
qu'on observe que le renouvel ement du
personnel de cette école est continu, que
la levée permanente et l'engagement vo-
lontaire, nos deux grandes sources de re-
crutement, amènent les hommes jour par
jour dans les ports, qu'embarqués à la Bre-
tagne à intervalles rapprochés, ils y sont
uniquement dégrossis eL soumisà un entraî-
nement méthodique pour être envoyés, à
des époques fixes, aux écoles de spéciali-
tés, on conçoit combien un semblable,
service est peu compatible avec les con-
Feuilleton du RAPPEL
DU 25 JUILLET
* 27
LE
HOULIN AUX CORBEAUX
PREMIÈRE PARTIE
LA BRUTE
XXIII
De Charenton à Gravelle
— Suite —
DorneuiJ,Césarine et Colette déjeunaient
dans "Un restaurant de Charenton.
Maxime avait trouvé bon d'offrir un
Jpepas champêtre à ses deux cousines.
Tous trois avaient projeté d'aller à pied
de Charenton à Gravelle en côtoyant les
jfives de la Marne.
Au Moulin aux Corbeaux, Zoé Rivoire,
Dupee et Baudu se trouvaient déjà ins-
tallés.
')
Reproduction interdite.
Voir le fiapm'l du 29 juin au 24 juillet,
Nos provinciaux ne s'étaient pas fait
tirer l'oreille pour venir toucher leur part
d'héritage , et alléchés aussi par la
phrase un peu vague de la lettre qu'ils
avaient reçue.
Quelle était donc « la communication
importante » que le comte de Lansac pou-
vait bien avoir à leur faire?
A cette question que chacun d'eux
s'était posée, à part soi, ils s'étaient
répondu, en des termes différents, mais
avec la même pensée :
— Peut-être que le comte, me trouvant
mal partagé, a l'intention de rétablir
l'équilibre; peut-être veut-il augmenter à
mon profit la donation.
Le travail qui se fit aussitôt dans leur
tête excita leurs convoitises.
Dupec, le plus madré, alla trouver Zoé
et Baudru.
— Vous avez reçu une lettre, hein ?
— Oui, cousin.
— Nous allons à Paris ?
— OdtL cousin.
— Qu st-ce que vous penseriez de mon
idée?
— Laquelle, cousin?
— Supposons un instant que le comte
ait un remords, que sur ses treize millions,
il veuille en retirer quelque chose pour
nous.
— Eh ben, cousin?
— Eh ben, Césarine et Dorneuil sont là-
bas ! Le cousin et la cousine de Paris sont
des madrés. Ils ne vous ont point encore
écrit ce qu'ils voulaient faire. Ils pour-
raient voir le comte avant nous à l'heure
du règlement, s'emparer de lui, nous ra-
baisser dans son esprit et profiter sans
nous de ses générosités, s'il doit en avoir.
— Vous voyez juste, cousin.
— Et mon avis serait que nous arri-
vions les premiers au plateau de Gra-
velle.
— L'idée est bonne, cousin.
Et tous trois avaient devancé l'heure du
rendez-vous, espérant voir Séverin avant
Césarine et avant Maxime Dorneuil.
Alexis et Marianne, qui se trouvaient
réunis, les reçurent avec amabilité et
s'empressèrent de les faire asseoir, de leur
servir du lait et de leur préparer des tar-
tines de beurre.
— M. de Lansac viendra de bonne
heure, sans doute ? avait questionné
Dupec.
Mais Marianne, qui ne voulait entrer
dans aucune conversation avec les parents
de Séverin, se contenta de répondre :
— Je ne sais pas, monsieur.
Et ce fut tout.
XXIV
La chanson d'un passant
De Charenton à Gravelle, en suivant la
terrasse élevée qui séparé le canal de la
rivière de Marne, le chemin est magnifique
avec ses grands arbres et ses îlots d'ar-
bustes.
C'est la route qu'en sortant du restau-
rant où ils avaient déjeuné, Césarine, Dor-
neuil et Colette avaient suivie pour se
rendre au Moulin aux Corbeaux.
Durant le trajet, la jeune fille avait eu
le temps de ramasser sur les pentes fleu-
ries des berges, au bord de l'eau, dans les
prés, assez d'iris sauvages, de marguerites,
de sainfoin, de bluets, de coquelicots et
de boutons d'or pour faire dire à sa
mère :
— Elle est folle, cette petite !. Bientôt
elle disparaîtra sous ses gerbes de fleurs.
En arrivant au moulin, Colette s'arrêta
dans la cour, près d'une table ombragée
par les grands arbres de l'île où rumi-
naient en paissant les vaches au poil lui-
sant.
— Là !. dit-elle en laissant tomber son
fardeau embaumé à ses pieds, l'heure est
venue de prouver que je ferais au besoin
,lIne excellente bouquetière.
Césarine de Lansac et Maxime Dorneuil
la laissèrent à l'ombre trier ses fleurs et
préparer son bouquet.
Ils entrèrent tous les deux dans la
grande salle du rez-de-chaussée,où se trou-
vaient Marianne, Alexis Gauthier et les
trois héritiers de province.
- Eh bien ! nous ne serons pas les pre-
miers arrivés I s'écria Maxime, en voyant
ces derniers peu satisfaits de la présence
des nouveaux venus.
On se serra cependant les mains, en fai-
sant la bouche en cœur.
Marianne offrit des sièges en demandant:
— Monsieur et madame prendront bien
aussi quelque chose ?
— Nous avons déjeuné, repliqua Césa-
rine, en s'asseyant, et nous n'avons be-
soin de rien.
— Alors, reprit Dorneuil, s'adressant
aux provinciaux, vous avez reçu, comme
nous, une lettre de convocation?
— Mais oui. répliqua Baudru. Ça
nous est arrivé hier matin et nous avons
pris le train dans la soirée. On va toucher
son argent!. Ça n'est pas trop tôt, depuis
près de trois mois, et nous espérions tou-
jours avoir de vos nouvelles, cousine.
— Je n'avais rien d'intéressant à vous
apprendre. Attendons encore.Vous pensez
rester quelques jours à Paris.
— Oui, dit Dupec. nous profiterons de
l'occasion pour visiter les abattoirs et la
tour Eiffel. Nous sommes venus tous les
trois daus de bonnes intentions.
— Certainement, fit Zoé Rivoire, et tout
joyeux.
— Vraiment, sourit Dorneuil. Et la
cause de cette joie?
- Une idée à nous.
- Une idée ?.
- Nous avons pensé comme ça que le
comte de Lamic, qui a pas mal de lubies,
pourrait bien réparer à notre égard l'in-
justice de Jacques Libourt.
— Comptez-y ! répondit Césarine avec.
un rire pincé.
— Je crois plutôt, lança Dorneuil, qu'il
se moquera un peu de nous tous; la
gouai Ilerie est assez dans ses habitudes.
- Se gouailler? dit Baudru. Ah 1 mais.
ah 1 mais. faudrait voir!
— Il a raison, continua Dupec, faudrait
voir. Je suis maire d'un village dont les
habitants ont la tête près du bonnet. On
ne se moque pas comme ça d'un maire de
la Charente.
— Se moquer de nous! repartit Zoé, ab
bien, qu'il s'en avise un peu.
JULES DORNAY,
(A suivre.)
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