Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-06-22
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 juin 1910 22 juin 1910
Description : 1910/06/22 (N14712). 1910/06/22 (N14712).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75441610
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
Ro 14712. = 7 MESSIDOR, AU 118.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
MERCREDI 22 JUIN tlt' — Ra 14712.
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AUGUSTE VACQUERIE
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Paris. 2 Ir. Sir. 9lr. 18fr.
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-:, AUGUSTE VACQUERIE
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TRIBUNE LIBRE"
/f-.-L-
Mauvaises Lois
» i iwihV '"■■■■
C'est une prérogative peu
enviable gue celte du droit
de grâce. Elle est toujours
lourde de graves responsabi-
lités. Jamais pourtant elle
n'apparut sous des espèces
plus angoissantes que dans les conjonc-
tures actuelles. D'une part, c'est la. ré-
clamation de la raison d'Etat, c'est le
principe d'ordre, qui conseillent la sé-
vérité et nous inclinent à laisser libre
cours à l'implacable rigueur de la loi.
D'autre part, c'est la réflexion, c'est la
conscience qui s'élèvent contre un ar-
rêt, juste en soi peut-être, mais qui
sans l'iniquité préalable qu'on a com-
mise n'aurait jamais eu sujet d'être
rendu. Conflit tragique, débat émou-
vant dont l'enjeu est la tête d'un hom-
me 1
Pour nous, qu'il s'agisse de culpabl-
lité ou qu"il s'agisse de grâce, il n'est
qu'une règle à suivre, celle qui veut
- qu'on ne décrète l'irrémédiable que
pour sanctionner l'incontestable. Com-
me le doute doit profiter à l'accusé, le
trouble de notre conscience, l'instinct
de clémence qui parle si haut en elle,
doivent profiter au condamné.
Oui, la société n'a le droit de se mon-
trer sans pitié qu'à la condition de n'a-
voir pas de reproche à se faire à elle-
même. Oui, c'est elle qui a mis aux
mains de Liabeuf le tranchet meurtrier.
Et sa responsabilité n'a point ici ce
caractère d'ordre général qui, aux yeux
de certains, lui interdit tout droit
d'exercer une action répressive.
Tares originelles, déchéances de
classe, ce n'est pas là ce qui explique
le crime du cordonnier. C'est la loi
elle-même qui, mal à propos appliquée,
a déterminé en lui la crise de fureur
homicide qu'il doit aujourd'hui expier.
Et cette loi, ce qui est grave, il suffit
de la connaître-pour reconnaître qu'elle
ne peut pas ne pas aboutir à la mépri-
se et à l'erreur judiciaire.
Nul, j'imagine, n'est suspect de sym-
pathie pour les sinistres personnages,
dont la fainéantise trouve dans l'ex-
ploitation d'un métier immonde des
ressources quotidiennes. L'existence in-
nombrable de ces individus est une vé-
ritable lèpre, une maladie honteuse de
notre état social. C'est entendu. Et je
veux bien admettre encore que c'est
parmi cette pègre que se recrutent la
plupart des grands criminels et les rô-
deurs qui écument nos boulevards et
nos faubourgs.
C'est sous l'empire de cette constata-
tion que l'on a fait une loi destinée à
réprimer leur honteux trafic. Je ne dis
pas qu'on n'ait pas cru bien faire.
Mais on a mal fait, et si l'on avait ré-
fléchi avant de légiférer, on se serait
aperçu qu'on s'engageait dan une voie
périlleuse.
II n'appartient pas au législateur de
moraliser ; il ne lui appartient pas de
punir des états d'âme, des manières
d'être. Les actes seuls relèvent de sa
compétence, parce que les actes seuls
lui sont matériellement, directement
saisissables.
L'existence du souteneur est une
chose répugnante à la pensée. Mais
l'individu qui s'y adonne ne s'affran-
chit pas de l'observation stricte des lois
répressives, son abjection lui reste per-
sonnelle, et ne lèse qui que ce soit que
lui-même. Pas plus que la liberté du
suicide, la loi n'est fondée à restrein-
, dre la liberté de l'ignominie.
Elle aurait trop à faire. Et surtout
elle ne saurait pas comment faire. Et
c'est ce qui s'est produit dans l'appli-
eation des textes relatifs au vagabon-
dage spécial.
Il arrive bien de temps en temps
que l'on cc serve » aux tribunaux cor-
rectionnels des prévenus soumis à cetfe
inculpation. Rien, à la vérité, n'est
fragile comme les preuves que l'on in-
éVOqUe, comme les témoignages sur les-
quels on s'appuie. Des agents de - la
: brigade des mœurs viennent déposer
d'une façon plus ou moins précise
qu'ils ont aperçu le prévenu recevant
quelque pièce d argent, bu rôdant sur
le trottoir à la suite de quelque fille. Se
trompent-ils ? Ne se trompent-ils pas 2
Nous savons par des expériences trop
nombreuses ce que vaut je ne dis pas
leur bonne foi, mais la justesse de leur
coup d'œil. N'importe, le tribunal con-
damne, au petit bonheur, sur l'impres-
sion de quelques minutes d'audience.
Qu'il soit le plus souvent dans le vrai,
c'est possible. Mais il est parfois induit
en erreur, et sa condamnation persiste
quand même. Si dans le cas Liabeuf il
se fut montré plus difficile sur la preu-
ve, l'agent Deray vivrait encore.
Mais, je le répète, c'est l'administra-
tion de cette preuve qui n'offre aucune
sécurité pratique, 'et c'est pour cela
qu'en bonne administration sensée,
mieux eut valu renoncer à punir que
de s'exposer à se méprendre. Qu'est-ce
au surplus qu'un délit que Ton ne ré
prime que par hasard, accidentelle
ment ? Je suis persuadé qu'il n'y a paii
devant les tribunaux de la Seine 300
condamnations pour vagabondage spé
cial par année. C'est par dizaines de
milliers que l'on compte les souteneun;
à Paris, tous ou presque tous connue
pour vivre de leur état.
Pourquoi les uns sont-ils frappés e¡
les autres indemnes ? C'est que la dé-
monstration de leur infâmie est diffici-
le et que fût-elle même possible, on
n'aurait pas le temps ni les moyens
d'appliquer une loi dont les tribunaux
sentent l'inefficacité. Et cela est si vrai,
que l'on ne songe même pas à relever
cette inculpation dans une foule d'af-
faires criminelles ou correctionnelles
où le fait de proxénétisme ressort à
l'évidence des circonstances de la cau-
se. C'est pourtant là, et là seulement,
ne fût-ce qu'à titre de circonstances ag-
gravantes. que là qualité de vagabond
spécial pourrait être et devrait être
relevée contre les prévenus.
Mieux vaudrait renoncer à confec-
tionner des lois inapplicables et desti-
nées à rester à peu près lettre morte.
Du viol des principes tutélaires de no-
tre droit public, même sous prétexte
d'intérêt public, rien de bon ne peut
sortir. Jamais les criminalistes du Code
pénal, peu suspects'cependant d'indul-
gence, n'auraient songé à créer des dé-
lits dont la répression ne pouvait se
fonder que sur un espionnage suspect,
sur des déductions morales ou psycho-
logiques. Les seules infractions qu'ils
aient reconnues sont des infractions
d'ordre positif se manifestant tout au
moins par un commencement actif
d'exécution. Il faut nous- habituer à
imiter cette réserve, à ne pas légifé-
rer à tort et à travers au gré des im-
pulsions du jour. Revenons-en au con-
seil que nous donnait l'autre jour Yi-
'viani, en matière sociale : « Ne votez
de lois que celles dont vous pourrez im-
poser l'application efficace ».
Il n'est pas de principe de gouverne-
ment plus utile et plus sûr ; l'affaire
Liabeuf nous montre à quelles consé-
quences funestes peut conduire le vote
aventureux de mauvaises lois.
T. STEEG,
Député de la Seine,
-.———————————.
LA POLITIQUE
LE DISCOURS DE M. CRUPPI
La ma jorité républicaine de
la Chambre a fart, hier, au re-
marquable discours de M. Crup-
pi, l'excellent accueil qui lui
était dû.
Après M. Berteaux, et avec une égale
autorité et un même succès, le distingr
président de la gauche radicale a précisé
la volonté des élus de la démocratie.
Sous une forme d'une aimable ironie,
au début, et d'une vigueur imposante, en-
suite, M. Cruppi a posé à M. le président
du Conseil des questions nettes, loyales
et décisives, qui exigent une réponse ca-
tégorique.
Dans ce langage châtié et dans cette
pureté littéraire qu'on lui connaît, l'an-
cien ministre du commerce, planant bie
au-dessus des contingences mesquines, a
tenu le langage d'un homme de gouver-
nement qui entend ne rien renier de ses
principes, ne rien sacrifier de ses promes-
ses, ne rien abdiquer de son idéal.
Au nom de son parti, M. Cruppi — qui
passera difficilement pour un homme de
surenchère et de démagogie — a conduit
sa discussion avec une volonté franche,
courtoise, autant que catégorique, d'obte-
nir des explications qui s'imposent.
Soutenu par les applaudissements ré-
pétés des gauches, il a situé le débat sur
son véritable terrain.
Sur notre enseignement national, sur la
question fiscale, sur les nécessités écono-
miques et sociales, il a traduit, du haut
de la tribune, avec son autorité et son
talent, les aspirations de la démocratie.
Parlant notamment de l'école laïque
— aux protestations de la droite et aux
acclamations des gauches — M. Cruppi
â précisé ;
« Dans sa première déclaration, le
gouvernement annonçait sa volonté de
prendre les mesures nécessaires pour em-
pêcher tout empiétement et toute destruc-
tion. Le cabinet et divers membres du
Parlement ont présenté des projets. Le
gouvernement doit choisit et s'expliquer,
nettement.
« Cela pour I'oeînre de défense. Mais
il y a Vœuvre de Textension à poursuis
vre. Pourquoi donc la lacune de la
déclaration sur ce point ? n ;
A ces interrogations il faut une ré-
ponse;
Après M. Brisson, après M. Berteaux,
M. Cruppi, lévitant jalousement. toute
« mauvaise querelle de personne » a cov
vié, au nom de la Nation républicaine,
M. le président du Conseil à affirmer ses
intentions et sa volonté. ,
Les applaudissements répétés qui l'ont
remercié de son intervention ont surabon-
damment prouvé qu'il existe à la Char
bre une majorité exclusivement de gau
che, sans laquelle aucun ministère rép-
blicain ne saurait gouverner.
*
LES ON-DIT.
Aujourd'hui mardi i
Lever 'du. soleil : 3 h. 58 du matin.
Coucher du soleil : 8 h. 5 du soir.
Lever de la lune : 7 h. 18 du soir.
Coucher de ta lune : 2 h. 38 du matin.
Courses à Paris.
- AUTREFOIS
Le Rappel frappé d'interdiction par le
gouvernement de l'Ordre moral, au nom
de la liberté, ne parait pas le 22 juin 1874.
Quelques réparties.
— Un ennemi du mariage insérait cette
clause dans son testament : « Je lègue tous
mes biens à ma femme, mais à condition
qu'elle se remariera après le délai légal
écoulé. De cette façon, je serai sûr au
moins qu'un homme regrettera ma mort.
— On rapportait un jour au duc de Ri-
chelieu — ce grand heureux coureur du
XVIIIe siècle — que deux « hautes » da-
mes s'étaient, à cause de lui. prises de
querelle. - « Se sont-elles appelées lai-
des ? Ii, demanda le duc. — « Oh 1 non,
Monseigneur l » - « Alors, tout va bien,
je me charge de les réconcilier 1 »
AUJOURD'HUI
Une harmonie originale
L'excellent dessinateur Poulbot, l'une
des célébrités de la Butte, projette de fon-
der, à Montmartre, (une harmonie qui ne
manquera pas d'originalité. Elle groupera
les caricaturistes, peintres, sculpteurs,
hommes de lettres, etc., et il suffira, pour
en faire partie, d'ignorer les notions les
plus élémentaires de la musique et de ne
pas savoir se servir de l'instrument que
l'on jouera.
Poaibot, plus éclectique encore que la
S. M. I., estime qu'il suffit à des musi-
ciens de faire du bruit, le plus de bruit
possible. C'est là tout ce qu'il exigera de
ses collaborateurs. Ils seront vêtus d'un
costume d'une délicieuse fantaisie, appelé
à révolutionner les bourgeois de province ;
car Poulbot compte engager sa Société
dans tous les grands tournois orphéoni-
ques.
Ajoutons qu'avant de donner le coup de
baguette qui déchaînera les masses orches-
trales et. autres, le chef de musique pro-
noncera un petit laïus, non dénué d'hu-
mour et d'esprit.
Et voilà de quoi, si ce projet se réalise,
tirer de leur torpeur les plus tristes pro-
vinces.
« Justice » militaire
Nous ne -somïnes. P'IS suspects de vou-
loir encourager l'indiscipline dans l'ar-
mée, Mais &i nous estimons que soldats et
réservistes se doivent de servir la Nation
avec bonne humeur et dévouement, nous
pensons aussi que les officiers ont le de-
voir de se montrer équitables et humains
envers leg hommes qu'ils commandent,
C'oot. pourquoi nous déplorons des faits
semblables à celui-ci signalé par l'Huma-
nité ; - :"
.Aux dernières manoeuvres, à Sissonne, un
réserviste se faisait porter malade. Il ne tut
pas reconnu,. iNe pouvant plU¡r. se traîner, il
alla se coucher. Son capitaine l'apprit, entra
dans une grande colère, et immédiatement se
rendit près du malade.
D'une voix rude. il Je somma de. se lever.
Le malheureux réserviste no put que gémir
tant ü était atteint. Ecumant de colère, l'of-
ficier appela un soldat et lui cLe'maïada &>n
livret militaire. Puis il lut l'article du code
qui dit que tout soldat, en cas de refus d'o-
béissance, est passible du conseil de guerre.
Sur-le-champ, il commença par .lui infliger une
lourde pun ù U conMn€nç& pxr .!ui ~î~gce une
gourde punition.
Les manœuvres sont terminées, le réserviste-
vient d'être reconnu malade et se trouve à
l'hôpital d'Arras.
Pourquoi admettre ici et nier là-bas ? Sous
peu, le réserviste Gennevrier (tel est son nom)
.doit passer' en conseil de guerre.
Un officier supérieur est allé trouver, à plu-,
sieurs reprises, le capitaine pour lui demander
de ne pas .maintenir cette punition .parce
qu'imméritée. Celui-ci refuse et s'obstine à son
maintien.
Ajoutons que le réservbte dont notre,
confrère s'occupe est marié et père de trois
enfant.
Qu'attend l'autorité supérieure pour clas-
ser purement et simplement la demande du
capitaine ?
La « justice Il militaire entend-t-elle prou-
ver, une fois de plus, qu'elle n'est pas
la nôtre ?
— ♦ w
!!)co!)vet)at)ce
Le général Chocolat n'aimé pas les
Beaux-Arts.
Voici, en effet, la circulaire qu'il vient
de notifier à tous les commandants de
corps d'armée ;
Les inspecteurs généraux des monuments his-
toriques pourront, a l'avenir, pénétrer dans les
établissements militaires soins la seule condition
'd'en faire la demande au commandant d'armes
ou au directeur de l'établissement intéressé, en
justifiant de leur qualité.
, Le ministre invite les généraux commandants
de corps d'armée à donner toutes instructions
utiles pour que, le cas échéant, les comman-
dants d'armes et les directeurs d'établissemenls
prennent les mesures nécessaires en vue de met-
tre à l'abri de toute indiscrétion. les documents
et le matériel d'un caractère secret dont ils ont
la garde.
En. d'autres termes, les six inspecteurs
généraux des Beaux-Arts chargés de visi-
ter certains édifices militaires qui sont de
véritables monuments historiques, sont te-
nus en' suspicion par le général Brun qui
les considère comme des gens dangereux à
l'indiscrétion redoutable. Pourquoi pai
comme des espions ?
Si M. Duj-ardin-Beaumetz avait quelque
souci des hauts fonctionnaires ainsi traités
par le général Chocolat, il eût immédiate-
ment exigé le retrait de ces inconcevables
instructions, qui constituent un acte de
béotisme en même temps qu'une inconve-
nance.
» ■
SOUVENIRS
--+ .-+:->
De M. Edouard Drurnond, A propos de
la loi Rivet, récemment adoptée par le Sé-
nat, ces lignes étranges ous sa plume :
Dans l'état des mœurs présentes, cette loi
sutr la recherche de la paternité sera une iné-
puisablo source de scandales et do chantages ;
elle contribuera, encore à la destruction de la
famille française, que le divorce a déja il peu
près complètement désorganisée.
M. Edouard Drumond ne pensa pas tou-
jours ainsi, et, il y a quelque vingt-cinq
ans, il ne dédaigna pas d'écrire de rernar-
pables articles — {l'ur derneurent à son hon-
neur — pour sout.elfllir une thèse exacte-
ment contraire et « regarder, avec Jutes
Simon, comme une opprobe l'article inter-
disant la recherche de la paternité. »
■ * ————————————
/Inhabilité
Le protocole est plein de délicatesse.
l On sait que te roi de Bulgarie doit venir
nous rendre visite jeudi.
Or, -pour décorer l'appartement que le
souverain occupera au quai d'Orsay, le
protocole a fait appel à tous les souvenirs
orléanistes queren ferme le palais de Fon-
tainebleau.
On sait, en effet, que Ferdinand Ier est
le petit-fils de Louis-Philippe.
« Le protocole a donc, dit le Figaro, choi-
si et fait transporter à Paris il l'intention
du roi les meubles qui ornaient la chambre
occupée jadis par le duc d'Orléans et qui
est celle où Napoléon P' avait relégué le
Pape.
« Sur la cheminée de la rMce qu'on va
aîiriiSi reconstituer au quai d'Orsay, S. M.
Ferdinand let aura le plaisir de retrouver,
ornant quatre magnifiques vases de Sè-
vres, les portraits de ses augustes pa-
rents : le roi Louis-Plu lippe, la reine Arné-
lie. le duc et la duchesse d'Orléans. n
On n'est pas plus aimable !
— -
ABONNEMENTS D'ÉTÉ
---
Pour être agréables à nos lecleurs qui
s'afesentent de chez eux peadant l'été et
qui craignent de ne. pas trouver le journal
dans les localités où ils vont, nous établis.
sons des abonnements de vacances par-
tant de n'importe quelle date, moyennant
0 fr. 05 centimes par numéro pour la
France et 0 fr. 10 centimes pour l'étran-
ger.
A LA CHAMBRE- :".
':. -
les Interpellations GODlinueal
■
MM. ffialvy Klotz et Crappi demandent des précisions an
GonwrqemeBt. -
Sous la présidence de M. Brisson, la
Ch-ambre en revient immédiatement aux in-
terpellations.
M. MALVY
M. Malvy monte à la tribune pour m pro-
voquer des explications du ministère sur
sa politique fiscale 9).
M. Maîvy est un sympathique. Il parle
avec conviction sur une questida à laquelle
il s'intéresse particulièrement et où il a
acquis de la compétence.
L'impôt sur le revenu a toujours trouvé
en lui un défenseur ardent ; il est donc
très naturel qu'il ait tenu à intervenir
dans ce débat en sa faveur, une fois de
plus.
Dans sa première déclaration, le 27 juillet
11)09, qui fut applaudie à gauche et à l'extrême
gauche, le gouvernement,' dit M. Malvy, affir-
mait sa volonté de faire prévaloir devant le
Sénat le projet d'impôt, voté par le Chambre,
sur le revenu.
Lo 9 juin dernier, une nouvelle déclaration
était présentée, qui recevait surtout les suffra-
ges de la droite et du centre. Le gouvernement
sans doute n'a pas changé d'avis sur le fond
de la question, mais on ne peut que constater
qu'il a exprimé la même idée en termes très
différents. Nous demandons qu'il nous dise s'il
entend défendre au Sénat les décisions adop-
tées par la Chambre.
Ce n'est pas que ce projet soit intangible en
tous ses points, mais il faut qu'il reste intact
dans sa structure, son agencement, ses dispo-
sitions essentielles, c'est-à-dire son caractère
personnel et progressif. (Applaudissements à
gaucha.)
En dépit de certaines statistiques plus ou
moins officielles, le pays, aux dernières élec-
tions, s'est montré favorable à l'impôt général
et progressif sur le revenu.
Le grand programme de réformes sociales
présenté par la dernière déclaration minilsté-
rielle doit, malgré son intérêt, céder le pas à
la réforme fiscale ; ii y a là une question d'é-
quité.
Je demande, en terminant, au ministre des
finances, de préparer la solution en activant
les travQux U'évaliiation der revenu de la pro-
priété non bâtie.
M. Malvy est fort applaudi à gauche, au
grand désespoir de MM. Aynard et Beau-
regard, qui sont bien insupportables.
M. DE CHAPPEDELAINE
Mais voici M. de Ghappedelaine, jeune
élu des Côtes-du-Nord.
M. de Ghappedelaine est sectairement
réactionnaire.
Il parle avec suffisance et semble avoir
une haute opinion de sa personne. Il mul-
tiplie les effets de torse. Ses cheveux sont
d'ailleurs soignés ; sa moustache et sa ja-
quette aussi.
Il a évidemment récité une douzaine de
fois sa petite élucubration devant son ar-
moire à glace.
BUe réédite tous les lieux communs ehers
au bon M. Piou.
Pour le surplus, M. de Chappedelaine ne
dédaigne pas des arguments un peu
vieillots.
C'est ainsi qu'il reproche à M. Thala-
mus d'avoir donné un enseignement « An-
tipatriotique 1).
M. Thalamus veut répondre. Mais M. de
Chap-pedelaine qui vient de faire l'apologie
de la liberté s'empresse de montrer com-
ment il en comprend la pratique en refu-
sant à M. Thalamas la faculté de lui répli-
quer.
Les gauches lui font comprendre que de
telles pratiques ne sont pas de mise à ia
Chambre. Il s'en suit un tel tumulte que
M. Brisson doit se couvrir et lever la
séance.
A la reprise, M. de Chappedelaine est
exécuté comme il le mérite par M. Tha-
lamas, et il achève son petit morceau au
milieu de l'indifférence générale, en ana-
tliémksan! — naturellement — l'école laï-
que qui ne s'en portera pas plus mal.
M. KLOTZ
M. Klotz, après M. Maîvy, et d'une fa-
çon plus générale, examine le problème
financier.
Après avoir demandé qu'à l'avenir le
budget soit déposé en temps utile, le dé-
puté de la Somme aborde le grave problè-
me de l'équilibre budgétaire.
M. Klotz estime que le seul moyen d'ar-
river à un résultat pratique est de classer
les questions par leur ordre d'importance.
Et toute la conclusion de son discours est
à citer : ,.
Il faut, d'autre part, pour avoir une politi-
que financière sérieuse, assurer le contrôle de
la Chambre.
Faute de ce contrôle, comme l'a démontré un
rapport de notre éminent président M. H. Bris-
son a la suite de l'enquête de 1881 sur les
actes du ministère du général de Cissey, le
vote du budget par la Chambre peut devenir
un leurre. (Applaudissements.)
Pour équilihrer le budget, le gouvernement
s'adressera-t-il aux monopoles ? 11 y a là,
avant tout, une question d'espèce, une ques-
tion de productivité, et j'estime, pour mai, qu'il
y a lieu d'examiner point par point. Est-ce là
l'avis du gouvernement, ou bien est-il avec
ceux qui repoussent par .principe tout mono-
pale possible 7 -
M. Coûtant. - Je compte bien déposer à ce
sujet une., proposition sur les incompatibilités
parlementaires. (Applaudissements à l'extrême
gauche.)
M. Ktûtz. - Le gouvernement enfin est-il ré-
solu à maintenir l'unité budgétaire.. ou songe-t-
il à nous proposer certains comptes spéciaux,
par exemple en matière de programme naval -?
Il faut que le gouvernement ait une volonté
ferme, que la Chambre ait une méthode, j
Sans doute, nos budgets continuent de se
développer ; mais leur contribution aux œu-
vres sociales et économiques est de plus en
plus considérable. Nous avons l'obligation,
pour rester une grande nation, d'avoir une
force militaire et navale puissante. Il nous fauit
une politique financière française., claire, sans
expédient, la seule qui permette de donner au
pays les réformes sociales qu'il réclame.
Nous devons, au début de la législature, év.t,
ter des fautes qui pèseraient sur toute sa du-
rée, Pour cela, un grand débat' sur notre! poli-
tique financière s'imposera à la rentrée d'oci
tobre. Le gouvernement doit h cet égard nous
donner des explications précises et complètes.
(Applaudissements.)
., M. CRUPPI v 1
Au nom de ses amis, c'est-à-dire des
républicains de la Chambre, M. Cruppi
prononce ensuite un discours qui est ap..
précié d'autre part et que nous nous en
voudrions .d'affaiblir en le tronquant.
Le voici, d'après le résumé sténogra-
phi-que :
Mes amis m'ont envoyé, dit-il, à cette tri-
bune pour réclamer des précisions sur certains
points de sa déclaration et sur quelques points
essentiels du contrat moral qui ■ dJtVliet le
gouvernement et la majorité.
Cette déclaration. peut se flatter d'avoir fait
naitre les plus prodigieuses controverses qu'a»
provoquées jamais pareil document. Le prési-
dent du conseil doit être étonnamment frappé
de sa fortune. (M. Briand, président du conseil,
fait un signe de dénégation. On rit ) Cette dé-
claration fait du bruit par ce qu'elle dit, et
aussi par ce qu'elle tait. C'est une déclaration
en voyage. (Rires.) Les uns voudraient qu'elle
aille il Ganossa ; d'autres qu'elle s'arrête à Pb
rigueux. (Nouveaux rires.)
De celle de M. Odilon-Barrot, M. de Falloux
disait : C'est un tissu de Lieux communs qui
convient à tout le monde. » Ce n'est pas le cas
pour celle-ci. (Rires.)
Votre majorité, monsieur le président du con-
seil, eùt voulu, selon un joli mot de vous, que
vous vous tourniez vers une de ces antennes
dont vous lui parliez pour lui adresser un de
ces mots de sympathie qu'on trouve au lende-
main d'une victoire commune. Où est donc,
dira-t-on eette majorité ? Elle est là, sur ces
bancs de gauche ; 6L bientôt vous la trouverez
dans la concentration pour l'effort vers les ré-
formes. (Applaudissements à gauche.
Nous aussi, nous applaudissons aux mois de
liberté et de justice.
Nous applaudissons aux mots, parce que
nous avons fait la chose. (Applaudissements aux
mêmes bancs.) Comment aurais-je la liberté ou
la justice, si mon pire adversaire n'en profitait
pas ? Nous vous demandons de gouverner pour
tout le monde, mais avec nos idées, avec notre
doctrine, avec notre programme.
Programme de laïcité
Notre programme, il comporte, en premier
lieu, la défense, de l'école laïque. 'Est-ce une
pensée sectaire ? Non. Mais nous sommes fiers
de notre école laïque et nous y voyons l'ave-
nir. Nous en sommes fiers, parce que c'est
noua qui avons fait l'enseignement populaire.
Qu'avait-il été fait auparavant ? Rien ! Iîien l
(Applaudissements à l'extrême gauche et à gau-
che.)
Dans sa première déclaration, le président du
conseil annonçait sa volonté de prendre les me-
sures nécessaires pour consolider l'oeuvre de
laïcité et pour empêcher tout empiétement et
toutes destructions. Le gouvernement et divers
membres du Parlement ont présenté des pro-
jets. Le gouvernement doit choisir et s'expli-
quer nettement.
Cela, pour l'œuvre de défense. Mais il y a
aussi l'œuvre de l'extension à poursuivre. Pour-
quoi donc la lacune de la déclaration sur ce
point ? Il y a une hiérarchie des réformes et
des questions ; et celle-ci est vraiment vitale.
Applaudissements à gauche.)
M. Briand. — La déclaration du 9 juin n'ex-
clut pas la précédente. J'ai déjà dit que noua
apporterions tous nos soins à l'enseignement
technique et professionnel dont vous parlez.
M, Cruppi. — Oui, quand on voit ce qui se
fait en Allemagne et en Suisse a cet égard, on
est frappé de l'infériorité dont souffre notre
pays.
C'est une œuvre de défense, sans doute, qu'ii
faut poursuivre, mais, en même temps, une
œuvre d'organisation sociale, économique et
financière.
Programme social
Le parti radical, le parti républicain s'est
engagé dans cette voie en développant les li-
bertés syndicales. Il doit continuer, instituer la
lutte contre le chômage.
Des erreurs ont été coommises, mais elles
sont le fait des difficultés inhérentes aux ques-
tions passionnantes qui nous sont posées.
Tout grand parti a deux programmes, le pro-
gramme idéal et celui des réalisations immé-
diates. Il en est ain-3i du parti collectiviste.
En ce qui concerne la socialisation des ins-
trument de travail et de production, il -est
chez lui ; mais, en ce qui concerne les réfor-
mes immédiates qu'il réclame, iil est chez nous,
dans notre maison républicaine.
Notre majorité est une majorité de réformes
sociales ; mais- ces réformes dépendent d'une
politique économique et financière sévère; -
Le budget, de la France ne doit pas être ie
paradis des fournisseurs ; il doit être un bud-
get de compression des dépenses et de contrôle
rigoureux.
Ceci m'amène à la question des monopoles et
de l'impôt sur le revenu.
'- Monopoles et fiscalité -
En juillet 1900, le gouvernement, sur ce der-
nier point, annonçait sa volonté de faire pré-
valoir devant le Sénat la décision de la CbuiIï:
bre. -
L'accord sur ce terrain est aisé. On a bruyam-
ment, en ce qui concerne les monopoles, triom-
phé do ce qu'on appelle là cassure du parti
radical. Or, de bonne foi, peut-on faire une
abstraction du fait de la grande concentration
économique ?
Et pourtant, par exemple, M. Ajam, tout
hostile qu'il soit au principe des monopoles,
s'est déclaré prêt. à voter l'expropriation des
raffineries de sucre si le renchérissement de ce
produit tendait à l'accaparement.
Il a dit de même avoir , voté le rachat de
l'Ouest comme une nécessité et une expérience.
Tout cela, c'est l'application de la science éco-
nomique.
M. Aynard. - Ce que vous défendez, c'est. le
fatalisme. (Rires.)
* M. Cruppï. — Mes- amis et moi, nous ne vou-
lons pas d'une politique économique cTfmpru-
dence et de hasard. On a dit que la nôtre avait
ruiné la prospérité du pays. Or. en cinq mois
de 1910, l'augmenta lion de notre commerce
(importations et exportadions) sur le chiffre de
1909 et de 300 miiiioilg.
M. Paul Beaurcgard. — Et à l'étranger ?
M. Cruppi. — Je sais que l'augmentation, es!
plus forte eh Angleterre et en Allemagne, mais
on n'en doit pas moins reconnaître la prospérité
de notre pays. Notre tâche est de lui fournir
CINQ CENTIMES LE NUMERO
MERCREDI 22 JUIN tlt' — Ra 14712.
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AUGUSTE VACQUERIE
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Adresser Lettres et Mandats an Directeur
ADMINISTRATION & RÉDACTION : 53, rue du Château d'Eau : Téléphone 438-14. De 9 heures du soir à 2 heures du matin, 123, rue Montmartre: Téléphone 143-9$
TRIBUNE LIBRE"
/f-.-L-
Mauvaises Lois
» i iwihV '"■■■■
C'est une prérogative peu
enviable gue celte du droit
de grâce. Elle est toujours
lourde de graves responsabi-
lités. Jamais pourtant elle
n'apparut sous des espèces
plus angoissantes que dans les conjonc-
tures actuelles. D'une part, c'est la. ré-
clamation de la raison d'Etat, c'est le
principe d'ordre, qui conseillent la sé-
vérité et nous inclinent à laisser libre
cours à l'implacable rigueur de la loi.
D'autre part, c'est la réflexion, c'est la
conscience qui s'élèvent contre un ar-
rêt, juste en soi peut-être, mais qui
sans l'iniquité préalable qu'on a com-
mise n'aurait jamais eu sujet d'être
rendu. Conflit tragique, débat émou-
vant dont l'enjeu est la tête d'un hom-
me 1
Pour nous, qu'il s'agisse de culpabl-
lité ou qu"il s'agisse de grâce, il n'est
qu'une règle à suivre, celle qui veut
- qu'on ne décrète l'irrémédiable que
pour sanctionner l'incontestable. Com-
me le doute doit profiter à l'accusé, le
trouble de notre conscience, l'instinct
de clémence qui parle si haut en elle,
doivent profiter au condamné.
Oui, la société n'a le droit de se mon-
trer sans pitié qu'à la condition de n'a-
voir pas de reproche à se faire à elle-
même. Oui, c'est elle qui a mis aux
mains de Liabeuf le tranchet meurtrier.
Et sa responsabilité n'a point ici ce
caractère d'ordre général qui, aux yeux
de certains, lui interdit tout droit
d'exercer une action répressive.
Tares originelles, déchéances de
classe, ce n'est pas là ce qui explique
le crime du cordonnier. C'est la loi
elle-même qui, mal à propos appliquée,
a déterminé en lui la crise de fureur
homicide qu'il doit aujourd'hui expier.
Et cette loi, ce qui est grave, il suffit
de la connaître-pour reconnaître qu'elle
ne peut pas ne pas aboutir à la mépri-
se et à l'erreur judiciaire.
Nul, j'imagine, n'est suspect de sym-
pathie pour les sinistres personnages,
dont la fainéantise trouve dans l'ex-
ploitation d'un métier immonde des
ressources quotidiennes. L'existence in-
nombrable de ces individus est une vé-
ritable lèpre, une maladie honteuse de
notre état social. C'est entendu. Et je
veux bien admettre encore que c'est
parmi cette pègre que se recrutent la
plupart des grands criminels et les rô-
deurs qui écument nos boulevards et
nos faubourgs.
C'est sous l'empire de cette constata-
tion que l'on a fait une loi destinée à
réprimer leur honteux trafic. Je ne dis
pas qu'on n'ait pas cru bien faire.
Mais on a mal fait, et si l'on avait ré-
fléchi avant de légiférer, on se serait
aperçu qu'on s'engageait dan une voie
périlleuse.
II n'appartient pas au législateur de
moraliser ; il ne lui appartient pas de
punir des états d'âme, des manières
d'être. Les actes seuls relèvent de sa
compétence, parce que les actes seuls
lui sont matériellement, directement
saisissables.
L'existence du souteneur est une
chose répugnante à la pensée. Mais
l'individu qui s'y adonne ne s'affran-
chit pas de l'observation stricte des lois
répressives, son abjection lui reste per-
sonnelle, et ne lèse qui que ce soit que
lui-même. Pas plus que la liberté du
suicide, la loi n'est fondée à restrein-
, dre la liberté de l'ignominie.
Elle aurait trop à faire. Et surtout
elle ne saurait pas comment faire. Et
c'est ce qui s'est produit dans l'appli-
eation des textes relatifs au vagabon-
dage spécial.
Il arrive bien de temps en temps
que l'on cc serve » aux tribunaux cor-
rectionnels des prévenus soumis à cetfe
inculpation. Rien, à la vérité, n'est
fragile comme les preuves que l'on in-
éVOqUe, comme les témoignages sur les-
quels on s'appuie. Des agents de - la
: brigade des mœurs viennent déposer
d'une façon plus ou moins précise
qu'ils ont aperçu le prévenu recevant
quelque pièce d argent, bu rôdant sur
le trottoir à la suite de quelque fille. Se
trompent-ils ? Ne se trompent-ils pas 2
Nous savons par des expériences trop
nombreuses ce que vaut je ne dis pas
leur bonne foi, mais la justesse de leur
coup d'œil. N'importe, le tribunal con-
damne, au petit bonheur, sur l'impres-
sion de quelques minutes d'audience.
Qu'il soit le plus souvent dans le vrai,
c'est possible. Mais il est parfois induit
en erreur, et sa condamnation persiste
quand même. Si dans le cas Liabeuf il
se fut montré plus difficile sur la preu-
ve, l'agent Deray vivrait encore.
Mais, je le répète, c'est l'administra-
tion de cette preuve qui n'offre aucune
sécurité pratique, 'et c'est pour cela
qu'en bonne administration sensée,
mieux eut valu renoncer à punir que
de s'exposer à se méprendre. Qu'est-ce
au surplus qu'un délit que Ton ne ré
prime que par hasard, accidentelle
ment ? Je suis persuadé qu'il n'y a paii
devant les tribunaux de la Seine 300
condamnations pour vagabondage spé
cial par année. C'est par dizaines de
milliers que l'on compte les souteneun;
à Paris, tous ou presque tous connue
pour vivre de leur état.
Pourquoi les uns sont-ils frappés e¡
les autres indemnes ? C'est que la dé-
monstration de leur infâmie est diffici-
le et que fût-elle même possible, on
n'aurait pas le temps ni les moyens
d'appliquer une loi dont les tribunaux
sentent l'inefficacité. Et cela est si vrai,
que l'on ne songe même pas à relever
cette inculpation dans une foule d'af-
faires criminelles ou correctionnelles
où le fait de proxénétisme ressort à
l'évidence des circonstances de la cau-
se. C'est pourtant là, et là seulement,
ne fût-ce qu'à titre de circonstances ag-
gravantes. que là qualité de vagabond
spécial pourrait être et devrait être
relevée contre les prévenus.
Mieux vaudrait renoncer à confec-
tionner des lois inapplicables et desti-
nées à rester à peu près lettre morte.
Du viol des principes tutélaires de no-
tre droit public, même sous prétexte
d'intérêt public, rien de bon ne peut
sortir. Jamais les criminalistes du Code
pénal, peu suspects'cependant d'indul-
gence, n'auraient songé à créer des dé-
lits dont la répression ne pouvait se
fonder que sur un espionnage suspect,
sur des déductions morales ou psycho-
logiques. Les seules infractions qu'ils
aient reconnues sont des infractions
d'ordre positif se manifestant tout au
moins par un commencement actif
d'exécution. Il faut nous- habituer à
imiter cette réserve, à ne pas légifé-
rer à tort et à travers au gré des im-
pulsions du jour. Revenons-en au con-
seil que nous donnait l'autre jour Yi-
'viani, en matière sociale : « Ne votez
de lois que celles dont vous pourrez im-
poser l'application efficace ».
Il n'est pas de principe de gouverne-
ment plus utile et plus sûr ; l'affaire
Liabeuf nous montre à quelles consé-
quences funestes peut conduire le vote
aventureux de mauvaises lois.
T. STEEG,
Député de la Seine,
-.———————————.
LA POLITIQUE
LE DISCOURS DE M. CRUPPI
La ma jorité républicaine de
la Chambre a fart, hier, au re-
marquable discours de M. Crup-
pi, l'excellent accueil qui lui
était dû.
Après M. Berteaux, et avec une égale
autorité et un même succès, le distingr
président de la gauche radicale a précisé
la volonté des élus de la démocratie.
Sous une forme d'une aimable ironie,
au début, et d'une vigueur imposante, en-
suite, M. Cruppi a posé à M. le président
du Conseil des questions nettes, loyales
et décisives, qui exigent une réponse ca-
tégorique.
Dans ce langage châtié et dans cette
pureté littéraire qu'on lui connaît, l'an-
cien ministre du commerce, planant bie
au-dessus des contingences mesquines, a
tenu le langage d'un homme de gouver-
nement qui entend ne rien renier de ses
principes, ne rien sacrifier de ses promes-
ses, ne rien abdiquer de son idéal.
Au nom de son parti, M. Cruppi — qui
passera difficilement pour un homme de
surenchère et de démagogie — a conduit
sa discussion avec une volonté franche,
courtoise, autant que catégorique, d'obte-
nir des explications qui s'imposent.
Soutenu par les applaudissements ré-
pétés des gauches, il a situé le débat sur
son véritable terrain.
Sur notre enseignement national, sur la
question fiscale, sur les nécessités écono-
miques et sociales, il a traduit, du haut
de la tribune, avec son autorité et son
talent, les aspirations de la démocratie.
Parlant notamment de l'école laïque
— aux protestations de la droite et aux
acclamations des gauches — M. Cruppi
â précisé ;
« Dans sa première déclaration, le
gouvernement annonçait sa volonté de
prendre les mesures nécessaires pour em-
pêcher tout empiétement et toute destruc-
tion. Le cabinet et divers membres du
Parlement ont présenté des projets. Le
gouvernement doit choisit et s'expliquer,
nettement.
« Cela pour I'oeînre de défense. Mais
il y a Vœuvre de Textension à poursuis
vre. Pourquoi donc la lacune de la
déclaration sur ce point ? n ;
A ces interrogations il faut une ré-
ponse;
Après M. Brisson, après M. Berteaux,
M. Cruppi, lévitant jalousement. toute
« mauvaise querelle de personne » a cov
vié, au nom de la Nation républicaine,
M. le président du Conseil à affirmer ses
intentions et sa volonté. ,
Les applaudissements répétés qui l'ont
remercié de son intervention ont surabon-
damment prouvé qu'il existe à la Char
bre une majorité exclusivement de gau
che, sans laquelle aucun ministère rép-
blicain ne saurait gouverner.
*
LES ON-DIT.
Aujourd'hui mardi i
Lever 'du. soleil : 3 h. 58 du matin.
Coucher du soleil : 8 h. 5 du soir.
Lever de la lune : 7 h. 18 du soir.
Coucher de ta lune : 2 h. 38 du matin.
Courses à Paris.
- AUTREFOIS
Le Rappel frappé d'interdiction par le
gouvernement de l'Ordre moral, au nom
de la liberté, ne parait pas le 22 juin 1874.
Quelques réparties.
— Un ennemi du mariage insérait cette
clause dans son testament : « Je lègue tous
mes biens à ma femme, mais à condition
qu'elle se remariera après le délai légal
écoulé. De cette façon, je serai sûr au
moins qu'un homme regrettera ma mort.
— On rapportait un jour au duc de Ri-
chelieu — ce grand heureux coureur du
XVIIIe siècle — que deux « hautes » da-
mes s'étaient, à cause de lui. prises de
querelle. - « Se sont-elles appelées lai-
des ? Ii, demanda le duc. — « Oh 1 non,
Monseigneur l » - « Alors, tout va bien,
je me charge de les réconcilier 1 »
AUJOURD'HUI
Une harmonie originale
L'excellent dessinateur Poulbot, l'une
des célébrités de la Butte, projette de fon-
der, à Montmartre, (une harmonie qui ne
manquera pas d'originalité. Elle groupera
les caricaturistes, peintres, sculpteurs,
hommes de lettres, etc., et il suffira, pour
en faire partie, d'ignorer les notions les
plus élémentaires de la musique et de ne
pas savoir se servir de l'instrument que
l'on jouera.
Poaibot, plus éclectique encore que la
S. M. I., estime qu'il suffit à des musi-
ciens de faire du bruit, le plus de bruit
possible. C'est là tout ce qu'il exigera de
ses collaborateurs. Ils seront vêtus d'un
costume d'une délicieuse fantaisie, appelé
à révolutionner les bourgeois de province ;
car Poulbot compte engager sa Société
dans tous les grands tournois orphéoni-
ques.
Ajoutons qu'avant de donner le coup de
baguette qui déchaînera les masses orches-
trales et. autres, le chef de musique pro-
noncera un petit laïus, non dénué d'hu-
mour et d'esprit.
Et voilà de quoi, si ce projet se réalise,
tirer de leur torpeur les plus tristes pro-
vinces.
« Justice » militaire
Nous ne -somïnes. P'IS suspects de vou-
loir encourager l'indiscipline dans l'ar-
mée, Mais &i nous estimons que soldats et
réservistes se doivent de servir la Nation
avec bonne humeur et dévouement, nous
pensons aussi que les officiers ont le de-
voir de se montrer équitables et humains
envers leg hommes qu'ils commandent,
C'oot. pourquoi nous déplorons des faits
semblables à celui-ci signalé par l'Huma-
nité ; - :"
.Aux dernières manoeuvres, à Sissonne, un
réserviste se faisait porter malade. Il ne tut
pas reconnu,. iNe pouvant plU¡r. se traîner, il
alla se coucher. Son capitaine l'apprit, entra
dans une grande colère, et immédiatement se
rendit près du malade.
D'une voix rude. il Je somma de. se lever.
Le malheureux réserviste no put que gémir
tant ü était atteint. Ecumant de colère, l'of-
ficier appela un soldat et lui cLe'maïada &>n
livret militaire. Puis il lut l'article du code
qui dit que tout soldat, en cas de refus d'o-
béissance, est passible du conseil de guerre.
Sur-le-champ, il commença par .lui infliger une
lourde pun ù U conMn€nç& pxr .!ui ~î~gce une
gourde punition.
Les manœuvres sont terminées, le réserviste-
vient d'être reconnu malade et se trouve à
l'hôpital d'Arras.
Pourquoi admettre ici et nier là-bas ? Sous
peu, le réserviste Gennevrier (tel est son nom)
.doit passer' en conseil de guerre.
Un officier supérieur est allé trouver, à plu-,
sieurs reprises, le capitaine pour lui demander
de ne pas .maintenir cette punition .parce
qu'imméritée. Celui-ci refuse et s'obstine à son
maintien.
Ajoutons que le réservbte dont notre,
confrère s'occupe est marié et père de trois
enfant.
Qu'attend l'autorité supérieure pour clas-
ser purement et simplement la demande du
capitaine ?
La « justice Il militaire entend-t-elle prou-
ver, une fois de plus, qu'elle n'est pas
la nôtre ?
— ♦ w
!!)co!)vet)at)ce
Le général Chocolat n'aimé pas les
Beaux-Arts.
Voici, en effet, la circulaire qu'il vient
de notifier à tous les commandants de
corps d'armée ;
Les inspecteurs généraux des monuments his-
toriques pourront, a l'avenir, pénétrer dans les
établissements militaires soins la seule condition
'd'en faire la demande au commandant d'armes
ou au directeur de l'établissement intéressé, en
justifiant de leur qualité.
, Le ministre invite les généraux commandants
de corps d'armée à donner toutes instructions
utiles pour que, le cas échéant, les comman-
dants d'armes et les directeurs d'établissemenls
prennent les mesures nécessaires en vue de met-
tre à l'abri de toute indiscrétion. les documents
et le matériel d'un caractère secret dont ils ont
la garde.
En. d'autres termes, les six inspecteurs
généraux des Beaux-Arts chargés de visi-
ter certains édifices militaires qui sont de
véritables monuments historiques, sont te-
nus en' suspicion par le général Brun qui
les considère comme des gens dangereux à
l'indiscrétion redoutable. Pourquoi pai
comme des espions ?
Si M. Duj-ardin-Beaumetz avait quelque
souci des hauts fonctionnaires ainsi traités
par le général Chocolat, il eût immédiate-
ment exigé le retrait de ces inconcevables
instructions, qui constituent un acte de
béotisme en même temps qu'une inconve-
nance.
» ■
SOUVENIRS
--+ .-+:->
De M. Edouard Drurnond, A propos de
la loi Rivet, récemment adoptée par le Sé-
nat, ces lignes étranges ous sa plume :
Dans l'état des mœurs présentes, cette loi
sutr la recherche de la paternité sera une iné-
puisablo source de scandales et do chantages ;
elle contribuera, encore à la destruction de la
famille française, que le divorce a déja il peu
près complètement désorganisée.
M. Edouard Drumond ne pensa pas tou-
jours ainsi, et, il y a quelque vingt-cinq
ans, il ne dédaigna pas d'écrire de rernar-
pables articles — {l'ur derneurent à son hon-
neur — pour sout.elfllir une thèse exacte-
ment contraire et « regarder, avec Jutes
Simon, comme une opprobe l'article inter-
disant la recherche de la paternité. »
■ * ————————————
/Inhabilité
Le protocole est plein de délicatesse.
l On sait que te roi de Bulgarie doit venir
nous rendre visite jeudi.
Or, -pour décorer l'appartement que le
souverain occupera au quai d'Orsay, le
protocole a fait appel à tous les souvenirs
orléanistes queren ferme le palais de Fon-
tainebleau.
On sait, en effet, que Ferdinand Ier est
le petit-fils de Louis-Philippe.
« Le protocole a donc, dit le Figaro, choi-
si et fait transporter à Paris il l'intention
du roi les meubles qui ornaient la chambre
occupée jadis par le duc d'Orléans et qui
est celle où Napoléon P' avait relégué le
Pape.
« Sur la cheminée de la rMce qu'on va
aîiriiSi reconstituer au quai d'Orsay, S. M.
Ferdinand let aura le plaisir de retrouver,
ornant quatre magnifiques vases de Sè-
vres, les portraits de ses augustes pa-
rents : le roi Louis-Plu lippe, la reine Arné-
lie. le duc et la duchesse d'Orléans. n
On n'est pas plus aimable !
— -
ABONNEMENTS D'ÉTÉ
---
Pour être agréables à nos lecleurs qui
s'afesentent de chez eux peadant l'été et
qui craignent de ne. pas trouver le journal
dans les localités où ils vont, nous établis.
sons des abonnements de vacances par-
tant de n'importe quelle date, moyennant
0 fr. 05 centimes par numéro pour la
France et 0 fr. 10 centimes pour l'étran-
ger.
A LA CHAMBRE- :".
':. -
les Interpellations GODlinueal
■
MM. ffialvy Klotz et Crappi demandent des précisions an
GonwrqemeBt. -
Sous la présidence de M. Brisson, la
Ch-ambre en revient immédiatement aux in-
terpellations.
M. MALVY
M. Malvy monte à la tribune pour m pro-
voquer des explications du ministère sur
sa politique fiscale 9).
M. Maîvy est un sympathique. Il parle
avec conviction sur une questida à laquelle
il s'intéresse particulièrement et où il a
acquis de la compétence.
L'impôt sur le revenu a toujours trouvé
en lui un défenseur ardent ; il est donc
très naturel qu'il ait tenu à intervenir
dans ce débat en sa faveur, une fois de
plus.
Dans sa première déclaration, le 27 juillet
11)09, qui fut applaudie à gauche et à l'extrême
gauche, le gouvernement,' dit M. Malvy, affir-
mait sa volonté de faire prévaloir devant le
Sénat le projet d'impôt, voté par le Chambre,
sur le revenu.
Lo 9 juin dernier, une nouvelle déclaration
était présentée, qui recevait surtout les suffra-
ges de la droite et du centre. Le gouvernement
sans doute n'a pas changé d'avis sur le fond
de la question, mais on ne peut que constater
qu'il a exprimé la même idée en termes très
différents. Nous demandons qu'il nous dise s'il
entend défendre au Sénat les décisions adop-
tées par la Chambre.
Ce n'est pas que ce projet soit intangible en
tous ses points, mais il faut qu'il reste intact
dans sa structure, son agencement, ses dispo-
sitions essentielles, c'est-à-dire son caractère
personnel et progressif. (Applaudissements à
gaucha.)
En dépit de certaines statistiques plus ou
moins officielles, le pays, aux dernières élec-
tions, s'est montré favorable à l'impôt général
et progressif sur le revenu.
Le grand programme de réformes sociales
présenté par la dernière déclaration minilsté-
rielle doit, malgré son intérêt, céder le pas à
la réforme fiscale ; ii y a là une question d'é-
quité.
Je demande, en terminant, au ministre des
finances, de préparer la solution en activant
les travQux U'évaliiation der revenu de la pro-
priété non bâtie.
M. Malvy est fort applaudi à gauche, au
grand désespoir de MM. Aynard et Beau-
regard, qui sont bien insupportables.
M. DE CHAPPEDELAINE
Mais voici M. de Ghappedelaine, jeune
élu des Côtes-du-Nord.
M. de Ghappedelaine est sectairement
réactionnaire.
Il parle avec suffisance et semble avoir
une haute opinion de sa personne. Il mul-
tiplie les effets de torse. Ses cheveux sont
d'ailleurs soignés ; sa moustache et sa ja-
quette aussi.
Il a évidemment récité une douzaine de
fois sa petite élucubration devant son ar-
moire à glace.
BUe réédite tous les lieux communs ehers
au bon M. Piou.
Pour le surplus, M. de Chappedelaine ne
dédaigne pas des arguments un peu
vieillots.
C'est ainsi qu'il reproche à M. Thala-
mus d'avoir donné un enseignement « An-
tipatriotique 1).
M. Thalamus veut répondre. Mais M. de
Chap-pedelaine qui vient de faire l'apologie
de la liberté s'empresse de montrer com-
ment il en comprend la pratique en refu-
sant à M. Thalamas la faculté de lui répli-
quer.
Les gauches lui font comprendre que de
telles pratiques ne sont pas de mise à ia
Chambre. Il s'en suit un tel tumulte que
M. Brisson doit se couvrir et lever la
séance.
A la reprise, M. de Chappedelaine est
exécuté comme il le mérite par M. Tha-
lamas, et il achève son petit morceau au
milieu de l'indifférence générale, en ana-
tliémksan! — naturellement — l'école laï-
que qui ne s'en portera pas plus mal.
M. KLOTZ
M. Klotz, après M. Maîvy, et d'une fa-
çon plus générale, examine le problème
financier.
Après avoir demandé qu'à l'avenir le
budget soit déposé en temps utile, le dé-
puté de la Somme aborde le grave problè-
me de l'équilibre budgétaire.
M. Klotz estime que le seul moyen d'ar-
river à un résultat pratique est de classer
les questions par leur ordre d'importance.
Et toute la conclusion de son discours est
à citer : ,.
Il faut, d'autre part, pour avoir une politi-
que financière sérieuse, assurer le contrôle de
la Chambre.
Faute de ce contrôle, comme l'a démontré un
rapport de notre éminent président M. H. Bris-
son a la suite de l'enquête de 1881 sur les
actes du ministère du général de Cissey, le
vote du budget par la Chambre peut devenir
un leurre. (Applaudissements.)
Pour équilihrer le budget, le gouvernement
s'adressera-t-il aux monopoles ? 11 y a là,
avant tout, une question d'espèce, une ques-
tion de productivité, et j'estime, pour mai, qu'il
y a lieu d'examiner point par point. Est-ce là
l'avis du gouvernement, ou bien est-il avec
ceux qui repoussent par .principe tout mono-
pale possible 7 -
M. Coûtant. - Je compte bien déposer à ce
sujet une., proposition sur les incompatibilités
parlementaires. (Applaudissements à l'extrême
gauche.)
M. Ktûtz. - Le gouvernement enfin est-il ré-
solu à maintenir l'unité budgétaire.. ou songe-t-
il à nous proposer certains comptes spéciaux,
par exemple en matière de programme naval -?
Il faut que le gouvernement ait une volonté
ferme, que la Chambre ait une méthode, j
Sans doute, nos budgets continuent de se
développer ; mais leur contribution aux œu-
vres sociales et économiques est de plus en
plus considérable. Nous avons l'obligation,
pour rester une grande nation, d'avoir une
force militaire et navale puissante. Il nous fauit
une politique financière française., claire, sans
expédient, la seule qui permette de donner au
pays les réformes sociales qu'il réclame.
Nous devons, au début de la législature, év.t,
ter des fautes qui pèseraient sur toute sa du-
rée, Pour cela, un grand débat' sur notre! poli-
tique financière s'imposera à la rentrée d'oci
tobre. Le gouvernement doit h cet égard nous
donner des explications précises et complètes.
(Applaudissements.)
., M. CRUPPI v 1
Au nom de ses amis, c'est-à-dire des
républicains de la Chambre, M. Cruppi
prononce ensuite un discours qui est ap..
précié d'autre part et que nous nous en
voudrions .d'affaiblir en le tronquant.
Le voici, d'après le résumé sténogra-
phi-que :
Mes amis m'ont envoyé, dit-il, à cette tri-
bune pour réclamer des précisions sur certains
points de sa déclaration et sur quelques points
essentiels du contrat moral qui ■ dJtVliet le
gouvernement et la majorité.
Cette déclaration. peut se flatter d'avoir fait
naitre les plus prodigieuses controverses qu'a»
provoquées jamais pareil document. Le prési-
dent du conseil doit être étonnamment frappé
de sa fortune. (M. Briand, président du conseil,
fait un signe de dénégation. On rit ) Cette dé-
claration fait du bruit par ce qu'elle dit, et
aussi par ce qu'elle tait. C'est une déclaration
en voyage. (Rires.) Les uns voudraient qu'elle
aille il Ganossa ; d'autres qu'elle s'arrête à Pb
rigueux. (Nouveaux rires.)
De celle de M. Odilon-Barrot, M. de Falloux
disait : C'est un tissu de Lieux communs qui
convient à tout le monde. » Ce n'est pas le cas
pour celle-ci. (Rires.)
Votre majorité, monsieur le président du con-
seil, eùt voulu, selon un joli mot de vous, que
vous vous tourniez vers une de ces antennes
dont vous lui parliez pour lui adresser un de
ces mots de sympathie qu'on trouve au lende-
main d'une victoire commune. Où est donc,
dira-t-on eette majorité ? Elle est là, sur ces
bancs de gauche ; 6L bientôt vous la trouverez
dans la concentration pour l'effort vers les ré-
formes. (Applaudissements à gauche.
Nous aussi, nous applaudissons aux mois de
liberté et de justice.
Nous applaudissons aux mots, parce que
nous avons fait la chose. (Applaudissements aux
mêmes bancs.) Comment aurais-je la liberté ou
la justice, si mon pire adversaire n'en profitait
pas ? Nous vous demandons de gouverner pour
tout le monde, mais avec nos idées, avec notre
doctrine, avec notre programme.
Programme de laïcité
Notre programme, il comporte, en premier
lieu, la défense, de l'école laïque. 'Est-ce une
pensée sectaire ? Non. Mais nous sommes fiers
de notre école laïque et nous y voyons l'ave-
nir. Nous en sommes fiers, parce que c'est
noua qui avons fait l'enseignement populaire.
Qu'avait-il été fait auparavant ? Rien ! Iîien l
(Applaudissements à l'extrême gauche et à gau-
che.)
Dans sa première déclaration, le président du
conseil annonçait sa volonté de prendre les me-
sures nécessaires pour consolider l'oeuvre de
laïcité et pour empêcher tout empiétement et
toutes destructions. Le gouvernement et divers
membres du Parlement ont présenté des pro-
jets. Le gouvernement doit choisir et s'expli-
quer nettement.
Cela, pour l'œuvre de défense. Mais il y a
aussi l'œuvre de l'extension à poursuivre. Pour-
quoi donc la lacune de la déclaration sur ce
point ? Il y a une hiérarchie des réformes et
des questions ; et celle-ci est vraiment vitale.
Applaudissements à gauche.)
M. Briand. — La déclaration du 9 juin n'ex-
clut pas la précédente. J'ai déjà dit que noua
apporterions tous nos soins à l'enseignement
technique et professionnel dont vous parlez.
M, Cruppi. — Oui, quand on voit ce qui se
fait en Allemagne et en Suisse a cet égard, on
est frappé de l'infériorité dont souffre notre
pays.
C'est une œuvre de défense, sans doute, qu'ii
faut poursuivre, mais, en même temps, une
œuvre d'organisation sociale, économique et
financière.
Programme social
Le parti radical, le parti républicain s'est
engagé dans cette voie en développant les li-
bertés syndicales. Il doit continuer, instituer la
lutte contre le chômage.
Des erreurs ont été coommises, mais elles
sont le fait des difficultés inhérentes aux ques-
tions passionnantes qui nous sont posées.
Tout grand parti a deux programmes, le pro-
gramme idéal et celui des réalisations immé-
diates. Il en est ain-3i du parti collectiviste.
En ce qui concerne la socialisation des ins-
trument de travail et de production, il -est
chez lui ; mais, en ce qui concerne les réfor-
mes immédiates qu'il réclame, iil est chez nous,
dans notre maison républicaine.
Notre majorité est une majorité de réformes
sociales ; mais- ces réformes dépendent d'une
politique économique et financière sévère; -
Le budget, de la France ne doit pas être ie
paradis des fournisseurs ; il doit être un bud-
get de compression des dépenses et de contrôle
rigoureux.
Ceci m'amène à la question des monopoles et
de l'impôt sur le revenu.
'- Monopoles et fiscalité -
En juillet 1900, le gouvernement, sur ce der-
nier point, annonçait sa volonté de faire pré-
valoir devant le Sénat la décision de la CbuiIï:
bre. -
L'accord sur ce terrain est aisé. On a bruyam-
ment, en ce qui concerne les monopoles, triom-
phé do ce qu'on appelle là cassure du parti
radical. Or, de bonne foi, peut-on faire une
abstraction du fait de la grande concentration
économique ?
Et pourtant, par exemple, M. Ajam, tout
hostile qu'il soit au principe des monopoles,
s'est déclaré prêt. à voter l'expropriation des
raffineries de sucre si le renchérissement de ce
produit tendait à l'accaparement.
Il a dit de même avoir , voté le rachat de
l'Ouest comme une nécessité et une expérience.
Tout cela, c'est l'application de la science éco-
nomique.
M. Aynard. - Ce que vous défendez, c'est. le
fatalisme. (Rires.)
* M. Cruppï. — Mes- amis et moi, nous ne vou-
lons pas d'une politique économique cTfmpru-
dence et de hasard. On a dit que la nôtre avait
ruiné la prospérité du pays. Or. en cinq mois
de 1910, l'augmenta lion de notre commerce
(importations et exportadions) sur le chiffre de
1909 et de 300 miiiioilg.
M. Paul Beaurcgard. — Et à l'étranger ?
M. Cruppi. — Je sais que l'augmentation, es!
plus forte eh Angleterre et en Allemagne, mais
on n'en doit pas moins reconnaître la prospérité
de notre pays. Notre tâche est de lui fournir
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