Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-05-01
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 mai 1896 01 mai 1896
Description : 1896/05/01 (N9548). 1896/05/01 (N9548).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7543928t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
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FOIDATEOR : &0GDSTE VACQUEfttE
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VOIDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
) ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF <& Ow
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAL
&ÊDAOT2QÎ&C ISlc IfeSaBarfre, 131
&s £ li8kcKrts
we 8548. '-.' di 1er Mai 1896
13 FLOREAL AN 104
ADIUINISTBATION, 131, rue Montmartre, lit
Adresser- lettres e £ mandats^, l'Administrateur
NOS LEA DERS
- LETT
TROP NERVEUX
Depuis vingt-cinq ans, nous avons
vu se succéder une quarantaine de
ministères et plusieurs centaines de
nos compatriotes ont acquis le droit
de faire graver sur leurs cartes le titre
d'ancien ministre. Il semble que cela
aurait dû habituer le pays et les poli-
ticiens à contempler avec calme, sang-
froid et même indifférence ces inter-
règnes gouvernementaux que l'on a,
empruntant la langue des médecins,
qualifiés de « crises. »
A dire vrai, le grand public, celui
qui travaille et peine, se lève tôt et se
couche tard, afin de gagner davan-
tage en multipliant les heures de la-
beur, n'attache à ces crises qu'une
importance très médiocre. Il sait fort
bien qu'il @ n'y gagna jamais un cen-
time, ni n'en vit sortir la plus minime
diminution de ses charges ; et il n'i-
gnore pas que, s'il perdait son temps à
s'en préoccuper et à en suivre le cours,
il verrait diminuer son gain avec la
durée ou l'assiduité de son travaiL"
Donc, le public laborieux s'intéresse
peu aux agitations, convulsions, alter-
nances de sommeil et de délire qui
accompagnent les crises ministé-
rielles.
Il en est autrement des politiciens.
Ceux-ci s'agitent pour la nation en-
tière, et font tant de bruit qu'à chaque
changement de cabinet on pourrait se
croire, si l'on perdait comme eux la
tête, à la veille ou au lendemain de
quelque effroyable cataclysme, de
lune de ces « révolutions du globe »
qu'imagina Cuvier pour satisfaire les
caprices autoritaires de Napoléon et
tenter d'écraser dans l'œuf la théorie
évolutionniste si admirablement for-
mulée par Buffon.
Trop nerveux, en vérité, sont nos
politiciens, trop nerveux pour que
leur conduite ne nuise pas aux inté-
rêts ou aux idées qu'ils prétendent dé-
fendre ou faire triompher.
#*#
Trop nerveux fut le Sénat, lorsqu'il
tn tama contre le cabinet démocra-
tique la lutte qui a rendu la popularité
à l'idée révisionniste, si bien enterrée
par M. Bourgeois que, pendant les
cinq mois de son ministère, les radi-
caux les plus intransigeants et les so-
cialistes les plus révolutionnaires n'a-
vaient point voulu en parler autre-
ment que pour en reconnaître l'inop-
portunité.
Si le Sénat eût été moins nerveux,
la revision ne se dresserait pas, mena-
çante, sur le seuil du Luxembourg et
la question ne serait point posée de
savoir si c'est l'existence ou seulement
les pouvoirs de la haute assemblée qui
payeront les frais de la guerre.
Si le Sénat eût été moins nerveux,
le cabinet Bourgeois serait tombé,
comme les quarante à la chute des-
quels nous assistâmes déjà, au mo-
ment le moins attendu, victime de la
globalité, de la taxation ou de la dé-
claration, ou tout bonnement tué par
l'envie que maints députés avaient de
prendre sa place.
Si le Sénat eût été moins nerveux,
il aurait laissé à la Chambre le soin de
remplir cette fonction, à laquelle ses
principaux soins furent toujours con-
sacrés et qui consiste à briser, dans
une minute de mauvaise humeur, les
idoles que, la veille, enfumait son en-
cens.
Trop nerveux, en vérité, fut le Sé-
nat, et d'une nervosité si incompatible
avec l'expérience des hommes qui y
siègent, que ses actes étonnent les
moins disposés à l'étonnement. Trop
nerveux furent les sénateurs ; cela
pourra coûter cher au Sénat.
#*#
Trop nerveux se montra le cabinet
présidé par M. Bourgeois dans sa lutte
contre le Sénat. Avec plus de calme et
de sang-froid, il aurait eu peut-être le
dernier mot dans un conflit où son ad-
versaire commit toutes les fautes.
Si M. Bourgeois avait été moins
nerveux, il n'aurait pas, dans la pre-
mière discussion des crédits de Mada-
gascar, posé devant les sénateurs la
question de confiance, après leur avoir,
à la suite de l'interpellation sur l'af-
faire Rempler, dénié le pouvoir de ren-
verser les ministères. En demandant
aux sénateurs leur confiance, il leur
reconnaissait le droit de la lui refuser
et les encourageait dans la voie où il
affirmait la résolution de ne pas les
suivre.
S'il avait été moins nerveux, il au-
rait, aussitôt après le vote de défiance
du Sénat, demandé au président de la
République d'en appeler au suffrage
universel pour résoudre le conflit sou-
levé entre la haute Assemblée et le ca-
binet sur une question purement cons-
titutionnelle et que le Congrès seul,
après consultation du pays, a le droit
de trancher. Et si sa résolution fai-
blissait devant une demando de disso-
lution et de revision qui était cepen-
dant la seule conclusion lqQe du
il "Jm- 0 ,'
jrement et simplement sa démission,
sans convoquer la Chambre ; il évitait
ainsi cette séance pénible où son an-
cienne majorité l'accabla d'épithètes
malsonnantes et se contenta d'affirmer
la prépondérance des représentants
du suffrage universel et leur vague
amour de réformes non définies.
Trop nerveux, en vérité, fut, dans
ces diverses circonstances, le cabinet
présidé par M. Bourgeois; il en a
perdu le pouvoir avant ces élections
municipales pour lesquelles il fit et
imposa au parti démocratique tant de
sacrifices d'opinion et d'amour-propre
devenus inutiles. Il ne sera pas seul,
malheureusement, à porter la peine de
sa nervosité.
Trop nerveux, enfin, sont tous ceux
qui s'en prennent au président de la
République de la chute du cabinet
Bourgeois et de la formation du ca-
binet Méline. Peut-être oublient-ils
trop vite que la majorité de la Cham-
bre, convoquée par M. Bourgeois, sans
doute pour lui renouveler l'expression
de sa confianee — car autrement la
convocation de jeudi dernier ne s'expli-
querait pas, — ne manifesta au ca-
binet ni aucune confiance nouvelle, ni
aucun regret de son départ, se bor-
nant, comme je l'ai rappelé plus haut,
à formuler l'affirmation de sa prépon-
dérance sur le Sénat et son amour 1
des réformes, sans même dire les-
quelles.
Si la majorité avait été moins ner-
veuse ou plus attachée au cabinet, il
lui eût été facile de le faire savoir, et
le président de la République n'aurait
pu, étant donnée la correction qu'il a
toujours montrée, que s'incliner de-
vant un vote formel.
Si la majorité est aujourd'hui moins
nerveuse qu'il y a huit jours, il lui
sera très facile de savoir si M. Méline
et ses collègues sont d'accord avec
elle et, ensuite de les renverser s'ils
ne lui plaisent pas, en indiquant au
président de la République ses désidé-
rata plus clairement qu'elle n'en a
coutume.
,Il peut se faire qu'en appelant au
pouvoir M. Méline, le président se soit
mépris sur les sentiments de la majo-
rité; homme il est, et se tromper est
humain; il est facile de le savoir au-
jourd'hui même, en provoquant une
discussion et un vote sur la déclaration
que fera le cabinet.
Dans l'intérêt de tous les partis, et
surtout dans celui du pays, il faut que
la situation où nous allons entrer soit
nette et claire ; et pour cela il faut que
la politique soit traitée par des cer-
veaux et non par des « paquets de
nerfs ».
J.-L. DE LÀNESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LE NOUVEAU MINISTÈRE
LE CABINET MÉLINE
Le cabinet Méline a été définitivement
constitué hier soir, de la façon suivante :
Présidence du conseil
-et agriculture MÉLINE
Affaires étrangères. HANOTAUX'
Intérieur. BARTHOU
Finances. G. COCHERY
Justice. J. DARLAN
Instruction publique.. A. RAMBAUD
Guerre. GÉNÉRAL BILLOT
Mal'ine. AMIRAL BESNARD
Commerce. H. BOUCHER
Travaux publics TURREL
Colonies ANDRÉ LEBON
On a vu que les deux portefeuilles qui
n'avaient pu être attribués lundi ont été
distribués à MM. Henri Boucher, député
des Vosges, et à M. Turrel, député de l'Aude,
tous deux amis personnels de M. Méline.
Le député des Vosges avait, nous l'avons
dit, fait appel pour ces dpux portefeuilles à
MM. Vallé et Louis Lacombe.
Le premier, prévenu par dépêche, est ar-
rivé dans la nuit à Paris. M. Darlan, qui se
rendait à Epernay pour le décider, l'a croisé
en route.
Hier matin, le député de la Marne se ren-
dait chez M. Méline, qui lui offrait le porte-
feuille du commerce. Mais M. Vallé l'a re-
fusé ne pouvant entrer, a-t-il déclaré, dans
un cabinet pris dans la minorité de la
Chambre et qu'il considère comme inconsti-
tutionnel.
Quant à M. Louis Lacombe, il a télégra-
phié de Rodez qu'il ne pouvait faire partie que
d'une combinaison qui inscrirait dans son
programme la revision et l'impôt sur le re-
venu.
Comme cela n'était pas le cas, M. Méline
n'a pas insisté.
Mais avant d'avoir recours à MM. Bou-
cher et Turrel, M. Méline avait encore es-
suyé un refus de la part de M. Maurice Si-
bille, député de la Loire-lnférieure, et de M.
Reymond, sénateur de la Loire.
Tel qu'il est constitué, le ministère Méline
est donc un ministère uniquement pris dans
la minorité modérée.
A ce poin de vue, son homogénéité ne
laisse rien à désirer.
PREMIER CONSEIL
A trois heures de l'après-midi, M. Méline
se rendait à l'Elysée et faisait conaaitre au
président 4e la République que ses pourpar-
ers avaient abouti. Au cours de cette visite
M. Féâx Faure signait les décrets de nomi-
nation qui paraîtront ce matin au Journal
v <
Les nouveaux ministres tenaient ensuite
une réunion chez M. Méline, au cours de la-
quelle MM. Méline et Barthou, étaient char-
gés de rédiger une déclaration qui sera lue
aujourd'hui à la Chambre par le député des
Vosges, au Sénat par le ministre de la jus-
tice, M. J. Darlan.
LA DÉCLARATION
Cette Déclaration sera définitivement ap-
prouvée ce matin dans un conseil qui se
tiendra à l'Elysée et sera conçue, d'après nos
renseignements, dans des termes assez va-
gues. C'est ainsi qu'elle ne ferait qu'une al-
lusion discrète à la revhion, qui s est posée
par le vote de l'ordre du jour de M. Ricard,
et ne dira qu'un mot de l'impôt sur le re-
venu.
Les deux principales questions étant ainsi
éludées, le cabinet se déclarera prêt à faire
aboutir un certain nombre de propositions
de loi — qu'il appellera réformes — et qui
sont à l'ordre du jour des Chambres.
C'est ainsi qu'il dira qu'il est prêt à faire
discu er les lois de solidarité sociale et plu-
sieurs lois agricoles, Puis il ajoutera qu'il
réclamera du Sénat l'adoption de la loi des
successions et de celle de-s boissons.
Il annoncera encore le dépôt d'un projet
de loi d'armée coloniale qu'il rattache à la
marine.
Cr sont là toutes les réformes dont le gou-
vernement entretiendra la Chambre. Mais
la déclaration sera beaucoup plus riche en
phraséologie : elle proclamera « la nécessité
de l'union du parti républicain 1), et celle « du
rétablissement de la concorde entre les pou-
voirs publics » ; elle affirmera qu'il faut
« écarter tout ce qui peut diviser pour re-
chercher tout ce qui peut unir». Elle dira
« nous voulons des réformes tangibles et
non des réformes théoriques qui ne sont que
des mirages o.
Elle sera cependant très nette sur un
point, le nouveau gouvernement annoncera
qu'il réclamera des fonctionnaires de tous
ordres fidélité et dévouement.
Entin comme toute bonne déclaration qui
se respecte, elle contiendra une phrase très
alambiquée sur la politique intérieure.
La Chambretrouvera-t-elle oela suffisant?
Nous le saurons aujourd'hui. Mais, en atten-
dant, les groupes républicains, réunis hier,
se sont déclarés prêts à la bataille.
LA BATAILLE D'AUJOURD'HUI
Aussitôt après la lecture de la déclaration,
M. Goblet déposera, au nom du groupe ra-
dical socialiste, son interpellation « sur les
conditions dans lesquelles le cabinet a été
formé ».
De son côté la gauche progressiste a dé-
cidé de déposer une demande d'interpella-
tion sur le même sujet. La formule de l'or-
dre du jour et les noms des interpellateurs
ne seront connus qu'aujourd'hui après une
nouvelle réunion du groupe.
Il est probable que les d!'ux interpellations
seront jointes et que le gouvernement en
acceptera la discussion immédiate.
Un autre groupe, l'union progressiste, a
pris la délibération suivante :
« Le groupe persévérant dans sa volonté
de soutenir une poli ique d'union entre les
républicains qui seule peut amener la réali-
sation des réformes démocratiques, passe à
l'ordre du jour. »
C'est M. Gustave Isambert, président du
groupe, qui interviendra en son nom dans
le débat. La déclaration qu'il apportera à la
tribune dépendra des explications que le
gouvernement fournira.
La situation est cependant bien claire ; le
ministère Méline est un ministère de combat
qui va gouverner avec la droite, contre la
majorité républicaine.
Enfin, notons que le groupe révisionniste
— les anciens boulangistes — a décidé de
refuser sa confiance à tout ministère qui re-
pousserait la revision des lois constitution-
nelles.
Chacun a pris ainsi ses positions ; il ne
nous appartient pas de faire un pronostic
sur l'issue de la bataille, mais ce que nous
savons bien, c'est que le ministère sera par
terre ce soir, s'il ne se produi aucuna défec-
tion dans les rangs républicains.
Allons, les paris sont ouverts.
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT
Sur les onze nouveaux ministres, cinq ont
déjà été au pouvoir: ce sont MM. Méline,
Hanotaux, Barthou, Lebon, le général Billot
et l'amiral Besnard.
Les cinq membres du cabinet Méline qui
ont décroché lat timbale pour la première
fois sont MM. J. Darlan, député de Nérac,
avocat ; Georges Cochery, député de Pithi-
viers ; Alfred Hambaud, sénateur du Doubs,
professeur d'histoire à la Sorbonne, ancien
chef de cabinet de M. Jules Ferry, lors de
son passage à l'instruction publique en 1881 ;
Henry Boucher, député des Vosges, grand
fabricant de papier à Gérardmer, et Adolphe
Turr 1, député de l'Aude, propriétaire, viti-
culteur dans le département de l'Aude.
Ce sont là tous les titres des nouveaux
ministres, dont trois sont originaires du
département des Vosges, MM. Méline, Ram-
baud et Boucher.
*
LES ON-DIT
CARNET QUO rIDIEN:
Les courses : A Longchamps.
— Fermeture de la pêche.
— Durée du jour : 15 b. 44 m.
AU JOUR LE JOUR
Le ministère Méline est définitive-
ment constitué, et il est juste de recon-
naître que le président du conseil de
demain a, au dernier moment, cherché
dans la fraction modérée du parti radi-
cal quelques titulaires de portefeuilles
qui lui eussent permis de présenter au
Parlement comme une sorte de cabinet
de concentration.
Les tentatives de M. Méline ont
échoué devant le refus de MM. La-
combe et Vallé, refus que faisait du
reste prévoir l'attitude très nette prise
depuis le commencement de la crise
par l'ensemble du parti radical, qui a
montré en cette circonstance une dis-
cipline au-dessus de tout éloge.
M. Méline ne pourra donc offrir aux
Chambres qu'un cabinet modéré, au quel
son nom donnera inutilement comme
un parfum de conciliation. Trouvera-t-
il grâce devant les députés même en
accentuant vers les idées progressistes,
ainsi qu'il a, parait-il, l'intention de le
faire, un programme dont seraient
pourtant exclus l'impôt sur le. revenu
et la revision ? Le fait nous paraît fort
improbable, quoique ce ne soient pas
des exclamations du genre de celle de
M. Toussaint qui puissent hâter sa
chute.
Quant au rôle fort difficile, il faut en
convenir, du président de la Républi-
que, il fait l'objet des commentaires les
plus vifs; et c'est avec un certain re-
gret que nous constatons que la plus
haute magistrature de l'Etat est livrée
aux discussions passionnées des partis
toutes les fois que les dissentiments
politiques traversent une crise un peu
aiguë. La chose est évidemment fatale
dans un pays de liberté de presse et d'o-
pinion. Nous estimons néanmoins que
les esprits sages doivent réagir contre
une tendance qui ne peut que nuire à
notre prestige extérieur et à l'intérêt
même de la République.
Ce sont aussi de pareilles considéra-
tions qui commandent au président de
la République la fidélité la plus scrupu-
leuse à la lettre de la Constitution.
CHEZ NOUS
Le président de la République a
officiellement inauguré hier le Salon des
Champs-Elysées.
Aujourd'hui, vernissage.
Le prince de Bulgarie à Paris.
Le prince s'est rendu hier matin aux
ministères de la justice et de la guerre et a
déjeuné à l'hôtel de l'avenue Hoche.
La princesse Clémentine, mère du prince
Ferdinand est partie mardi soir de Paris
pour Vienne où elle précédait la princesse
Louise de Bulgarie et son fils, le prince
Boris qui ont q.uitté hier Beaulieu près de
Nice.
A son tour, le prince Ferdinand a quitté
Paris hier soir par train spécial, quelques
minutes après l'express de Cologne de six
heures vingt..
Au moment où il est monté dans le train,
les honneurs lui ont été rendus une der-
nière fois par une compagnie de la garde
républicaine, rangée en bataille face au
wagon-salon.
Le prince Ferdinand de Bulgarie sera ac-
compagné jusqu'à la frontière par le com-
mandant de Lagarenne et par M. Mittel-
hauser, commissaire spécial ; et par Méhe-
met-Ali-bey, attaché à sa personne par le
sultan, jusqu'à Berlin.
- La reine Victoria a quitté Nice
hier, à midi neuf, accompagnée des prin-
cesses Béatrice, Christian et Victoria de
Schleswig-Holstein.
Les consul et vice-consul anglais, le com-
mandant du navire Hawke, le général
Gebhardt, gouverneur de Nice, le préfet et
le maire attendaient à la gare. Les troupes
ont rendu les honneurs.
Des bouquets ont été offerts à la reine et
aux princesses.
- M. Jean-Barthélemy Hauréau,
membre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, est mort hier, dans la mati-
née, à l'âge de quatrevingt quatre ans, suc-
combant aux suites d'une affection de la
moelle épinière.
M. Hauréau était né à Paris, le 9 novem-
bre 1812. Il débuta par le journalisme, puis
fut bibliothécaire de la ville du Mans. En
1848, il fut nommé membre de l'Assemblée
constituante, où il resta avec ses amis du
National. Après le coup d'Etat du 2 dé-
cembre, il se tint éloigné des affaires poli-
tiques et, en 1870, fut nommé par le gou-
vernement de la République, directeur de
l'Imprimerie nationale.
M. Hauréau a publié de nombreux ou-
vrages d'histoire littéraire et de critique
historique et philosophique. Il était de
l'Institut depuis 1862.
On annonce la mort de notre con-
frère Eugène Guyon, ancien directeur de
la Patrie, fondateur et membre du comité
de l'Association des journalistes parisiens,
membre fondateur de la Caisse des victi-
mes du devoir.
Eugène Guyon était Poitevin. Il a suc-
combé à une embolie au coeur, à l'âge de
soixante-huit ans.
- A bas le Sénat 1 vive le prési-
dent 1 1. Tels sont les cris que l'on entend
sans cesse dans la rue et le public se
passionne I Il paraît cependant que M.
Félix Faure est sympathique ; nous n'en
voulons pour exemple que le grand
succès obtenu par la superbe affiche du
« Quinquina Monceau », le plus ancien
des quinquinas ; (14 médailles d'or ou di-
plômes d'honneur). M. Félix Faure est
représenté au momentoùil déguste l'excel-
lent tonique.
A L'LTRANGER
—- Hier matin est parti de Jeumont
(Belgique), en wagon spécial pour Paris le
grand verre du Sidérostat de 1900, com-
mandé par M. François Deloncle, et connu
sous le nom inexact de la « Lune à un mè-
tre ».
Dès son arrivée à Paris, ce verre, qui
pèse quatre tonnes, sera mis au travail
optique.
LA DÉFENSE DU SUFFRAGE UNIVERSEL
Il semble certain que la cause du suf-
frage universel sortira demain victo-
rieuse du vote.
Si, par impossible, il en était autre-
ment, les députés des groupes de gau-
che sont résolus de s'organiser sans
délai, dans un étroit esprit de solidarité
comme le firent les républicains du Par-
lement en présence du Seize-Mai.
Ceux qui auraient voté contre le ca-
binet Méline formeraient une « Union
pour les droits du suffrage universel »,
que les électeurs trouveraient devant
eux, serrée en phalange résolue.
-,
Les Condamnations an Trânsvaàl
Ce n'est pas sans une profonde émo-
tion qu'on a appris l'arrêt de la cour de
Prétoria, condamnant à la peine de
mort les cinq principaux accusés poli-
tiques dont le procès s'instruisait depuis
trois mois. On pensait que les juges se
borneraient à prononcer le bannisse-
ment, et cette peine paraissait suffi-
sante à tous ceux qui ont suivi la mar-
che des événements et savent combien
les Boërs sont chatouilleux quand ils
s'imaginent qu'on a conspiré contre
leur indépendance.
Aussi bien les condamnés d'hier sont
placés à la tête de l'iudustrie minière et
dirigent, notamment, les entreprises
dont les titres sont placés dans les por-
tefeuilles français. Il n'y a donc pas
seulement une question d'humanité,
mais encore une question d'intérêt gé-
néral touchant au développement de la
République sud-africaine.
Le président Krüger, dont les succès
diplomatiques ne se comptent plus, est
trop avisé pour laisser échapper la nou-
velle occasion qui s'offre à lui de se
grandir dans l'esprit de ses contempo-
rains ; en usant du droit de grâce que
lui confère la loi, il éloignera les repré-
sailles, apaisera les haines de races,
ouvrira, en un mot, une ère nouvelle
de tranquillité après laquelle tout le
monde aspire.
Nous comprénons la légitime suscep-
tibilité des Burghers, mais le gouver-
nement de Prétoria doit compter aussi
avec l'opinion du monde civilisé qui ne
lui pardonnerait pas l'application d'une
sentence vraiment trop rigoureuse.
Ainsi que l'a fort bien dit l'avocat des
prévenus : « frapper avec le tranchant
du glaive, ce serait causer à la Répu-
blique une misère éternelle ; frapper
avec le plat serait, au contraire, réta-
blir la paix et la bonne entente parmi
les diverses races du territoire du
Transvaala.
loi>
LA FUITE DE MJUGÉ1 HA YER
La disparition d'un administrateur
de journaux — Embarras financiers
Une situation difficile
M. Eugène Mayer, ancien directeur de la
Lanterne, vient brusquement de prendre la
fuite pour se soustraire à des difficultés
financières qu'il était dans l'impossibilité de
surmonter.
S'est-il suicidé comme certains l'ont
donné à entendre ? C'est assez peu probable.
Mais, ce qu'il y a de sûr, c est qu'il a disparu
dimanche soir en disant aux siens qu'il s'ab-
sentait pour vingt-quatre heures et que, le
lendemain, Mme Mayer recevait de lui une
lettre lui révélant la vérité sur l'état de ses
affaires et en même temps la nécessité ou
il se trouvait d'échapper aux réclamations
de ses créanciers.
C'est aujourd'hui, en effet, que doit avoir
lieu l'assemblée générale de la société ano-
nyme de la Lanterne, et il parait que M.
Mayer avait toutes sortes de raisons de
craindre qu'on examinerat trop attentive-
ment sa comptabilité.
Aucune plainte pourtant n'avait été dépo-
sée contre lui, et, s'il était depuis quelques
mois en procès avec le nouvel acquéreur de
son journal, rien ne pouvait faire prévoir
qu'il était acculé à de pareilles extrémités.
Les affaires de M. Mayer
Coulissier de profession, M. Eugène Mayer
avait acheté la Lanterne 1e le" septembre 1877,
moyennant 35,000 fr.
Ce journal, qui avait été fondé par M.
Ballay, quelques mois auparavant , avait
passé successivement d'une nuance très ac-
centuée, avec MM. Mare. et Cladel, à une
nuance plus éteinte avec M. Adrien Du-
vand.
M. Mayer revint au radicalisme, à l'anti-
cléricalisme, pour mieux dire, et, mettant à
profit ses très réelles qualités d'administra-
teur, réussit, avec la collaboration de M.
Yves Guyot dont les campagnes contre la
préfecture de police sont restées célèbres, à
donner & la Lanterne une très grande
vogue.
Entre temps, il formait une société ano-
nyme par actions qui créait tour à tour une
imprimerie, une papeterie et un supplément
hebdomadaire. Puis le boulangisme surve-
nant, il se lançait à fond dans le mouvement
pour revenir brusquement, quelques mais
plus tard, au parti qu'il avait quiué.
Mais M. Mayer, qui était avant tout hom-
me d'affaires, ne se bornait pas à administrer
des journaux. 11 s'intéressait à de nombreu-
ses entreprises industrielles, telles que l'usine
Cait, la fabrique de tissus de soie en pâte de
bois et la Société de dérivation des eaux du
Rhône, et comme par le passé, il continuait
à s'occuper d'opérations de Bourse.
Malheureusement, plusieurs de ces opéra-
tions furent désastreuses et l'administrateur
de la Lanterne se trouva bientôt dans une
situation si difficile que, pour se tirer d'em-
barras, il n'hésita pas, l'an dernier, à céder
contre 200,000 francs la rédaction de son
journal à M. Emile Cornudet, député de la
Creuse.
Depuis lors, M. Eugène Mayer qui était
resté administrateur de la société anonyme,
était complètement étranger à la direction
de la Lanterne.
A-t-il éprouvé de nouvelles pertes dans
ces derniers temps? Est-il vrai qu'il ait
commis des détournements pour faire face
à des échéances?
On l'ignore. Mais une enquête est ouverte
et l'assemblée générale qui doit avoir lieu
aujourd'hui permettra sans doute d'éctaircir
le mystère.
Chez M. Mayer
M. Eugène Mayer habitait rue Crevaux,
14, avec sa femme et son fils — un jeune
homme de dix-sept ans — dans un apparte-
ment de 4,0u0 francs de loyer.
C'était un homme d u-ne cinquantaine
d'années, aux cheveux grisonnants et au
regard vif et hardi.
il avait eu une polémique très vive, il y a
quelques années, avec M. Valentin Simond,
et, en 1889, il avait fait un pari de 10,000 Ir.
avec M. Arthur Meyer au sujet de l'élection
du général — pari qu'il avait du reste gagné.
C'est là, à peu près, tout ce qu'on peut
dire sur lui, car M. Eugène Mayer, financiei
avant tout, ne prétait guère aux discussions
retentissantes.
1 (ptJDUtwqwMiiM Marer&BtpfoflK
gée dans la plus profonde désolation et m
se résigne qu arec peine au sort qui l'atteint
si cruellement.
A la « Lanterne »
Quant à la direction de la Lanterne, qu5
était ainsi que nou'S l'avons dit, complète*
m nt étrangère à M. Mayer depuis l'an der-
nier, elle n'a naturellement rien à voir aux
évènements qui ont pu décider l'ancien ad-
ministrateur du journal à prendre la fuite.
Voici, d'ailleurs, la note qu'elle publiera ce
matin même à ce sujet :
Ainsi que l'ont annoncé les divers journaux
du soir, M. Eugène Mayer, ancien directeur de
journal la Lanterne, actuellement gérant de la
société en commandite par actions qui com-
prend la papeterie de Plains, le Supplément,
l'imprimerie, la Lanterne. et diverses autres en-
treprises industrielles et commerciales, est en
fuite depuis quarante-huit heures.
On suppose que M. Mayer a pris cette détere
minauon à la suite de grands embarras finan-
ciers.
Depuis le ln juillet, M. Mayer n'appartenait
plus à la rédaction de la Lanterne dont la rédac*
tion politique avait été cédée à M. Emile Cornu-
det, député de la Creuse.
M. Mayer administrait simplement au nom de
sa société les intérêts matériels du journal aux-
quels M. Emile Cornudet et la rédaction sont
toujours restés complètement étrangers.
Sur requête présentée au président du tribu-
nal de commerce de la Seine par le président
du conseil de surveillance de la société, M, E.
Navarre a été nommé administrateur provi-
soire.
Inutile d'ajouter que la publication de la Lan-
terne n'est nullement atteinte par la disparitioa
de M. Mayer.
LE CRIME DE VINCENNES
SUICIDE DU PÈRE ASSASSIN
Deux gardiens qui dorment-Par la fenêtre
A l'Hôtel-Dieu—Mme Vasseur à la sûreté
Rue Sainte-Anne
Rue du Faubourg-Saiat-Denis
Confrontation à la Morgue
Aux tragiques péripéties de ce crime épou«
vantable, un incident des plus drama iques
vient de s'ajouter : l'assassin s'est tué en se
précipitant de la fenêtre de la chambre de
sùreté ,où il avait été enfermé après les
émouvants aveux que nous avons rapportés
hier.
A onze heures du soir, après une journée
bien rempiie, le chef de la sûreté avait
donné l'ordre que Vasseur, son cousin Bou-
cher et sa femme fussent conduits dans les
locaux dont dispose le service. Disons tout
de suite que, leur aménagement est défec-
tueux, puisque la fenêtre par laquelle Vas-,
seur s'est jeté dans la rue n'est pas même
munie de barreaux.
Chacun des trois prisonniers avait été
conlié à deux inspecteurs de la sûreté, et M.
Cochefert avai dunné des ordres d'autant
plus sévères qu'ils avaient tous les trois
manifesté hautement le désir d'attenter &
leurs jours.
En Pifet, lorsque Vasseur apprit que M.
Cochefert, cer ain de sa culpabilité, -fe mete
tait en état d'arrestation, il s écria :
— Ah! si j avais su que c'était pour me
mettre en prison que vous mu fites venir,
je vous jure que vous ne m'eussiez pas en
vivant.
Les inspecteurs de la sûreté se promet-
taient donc de redoubler de vigilance; nous
allons voir comm nt ceux qui surveillaient
Vasseur ont été joués.
La pièce qui leur avait été assignée est si-
tuée près du cabinet de M. Cochefert, elle
est éclairée par une large et haute fenêtre
qui donne rue de Harlay.
Avant de prendre place sur le lit qui lui
avait été prépare, Vasseur dit à ses gar-
diens :
— Je sui., exténué ; les émetions de cette
terrible journée m ont brisé, et je crois que
malgré moi je vais être force de dormir, je
n'en puis plus.
Un quart d'heure après s'être étendu, i.
avait les yeux fermés, la respiration courte
et calme et la sérénité du parfait dormeur.
Les deux inspecteurs qui le surveillaient
avaient pris une part importante à son ar-
restation, ils avaient été deux nuits sans se
reposer et se croyaient capables de résister
encore au sommeil. L'un d'eux s'assoupit,
comptant sur son collègue en cas d'alerte,
mais ce dernier ayant fait la même ré-
flexion, se livra également aux douceurs de
la rêverie, et les heures passaient douce-
ment.
TROP TAROi
A trois heures et demie du matin, la tee
nêtre do la chambre dà sûreté s'ouvrit avec
fracas, Vasseur qui méditait son coup aval(
jugé que d'un boud il pourrait s'approcher
de la fenêtre, l'ouvrir et se jeter dans la rutt.
avant que les inspecteurs n'aient eu le
temps de secouer la orpeur dont ilb étalent
envahis. Il ne se trompa.pas.
Il était déjà sur le trottoir, le crâne brisé.
lorsque ses deux gardiens, réveillés par le
bruit qu'il avait fait, songeaient, les coudes
sur la barre d'appui de la fenêtre, a ta gra-
vité de leur négligence.
Néanmoins, ils comprirent tout de suite
que le blessé ne pouvait pas se sauver; ils
descendirent précipitamment et ils allèrent
le relever. Pendant ce temps-là, on préve-
nait \1. Cochefert qui fut loin d'être satis-
fait, comme bien 1 on pense.
Vasseur fut transporté aussitôt à l'Hôtel-
Dieu, l'interne de service constata quo le
misérable s'était fracturé la base du crâm* ;
le maxillaire inférieur était brisé ; une
fracture du bassin fut constatée ensuite.
Bref, les médecins déclarèrent qu'il était
imposable de le sauver. D'ailleurs, il ne
reprit pas connaissance et à deux heures de
l'après-midi il rendit lu dernier soupir.
M" VASSEUR A LA SURETt
En présence de ce regrettable événement.
M. Cochefert fit tout de suite le nécessaire.
On espérait obt nir de la femme du meur-
trier certains renseignements utiles à l'ms.
traction. On pouvait supposer qu'elle avait
eu connaissance de la première tentative
criminelle de son mari — nous avons dit
hier que Vasseur avait déjà vou:u jeter son
enfant à l'eau, il y a quelques annees. — Cet
pendant, si le coupable ne s'était pas suicidé
on -.e serait contenté de faire venir Mme
Vasseur à la sûreté dans la journée.
Les deux agents de la sûreté qui sont
allés la chercher lui ont donc soigneuse-
ment caché la vérité.
Nous avons vu M. Cochefert dans l'apres.
midi et nous lui avons demandé quelles me*
sures il comptait prendre contre les deos,
-
CSItfTQ CÊWTIMK9 ts WwmAro. PARIS Fry^r^TrwfiîTS *-■« Numéro, CIWQ, CEMTÏME9
,8?.-.-..-.,. "-"-' -': - t8III!IIIr!"s.t:-..-: .-., - ---I$i!II!. ,'-I' .4- -
FOIDATEOR : &0GDSTE VACQUEfttE
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ABONNEMENTS
ABONNEMENTS, i
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Paris. 2fr. 5fr. 9fr. 18 fr.
Départements S-: 6— 11 — 20-
fciooPoeUlB 3— 9— 16— 82—
VOIDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
) ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF <& Ow
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAL
&ÊDAOT2QÎ&C ISlc IfeSaBarfre, 131
&s £ li8kcKrts
we 8548. '-.' di 1er Mai 1896
13 FLOREAL AN 104
ADIUINISTBATION, 131, rue Montmartre, lit
Adresser- lettres e £ mandats^, l'Administrateur
NOS LEA DERS
- LETT
TROP NERVEUX
Depuis vingt-cinq ans, nous avons
vu se succéder une quarantaine de
ministères et plusieurs centaines de
nos compatriotes ont acquis le droit
de faire graver sur leurs cartes le titre
d'ancien ministre. Il semble que cela
aurait dû habituer le pays et les poli-
ticiens à contempler avec calme, sang-
froid et même indifférence ces inter-
règnes gouvernementaux que l'on a,
empruntant la langue des médecins,
qualifiés de « crises. »
A dire vrai, le grand public, celui
qui travaille et peine, se lève tôt et se
couche tard, afin de gagner davan-
tage en multipliant les heures de la-
beur, n'attache à ces crises qu'une
importance très médiocre. Il sait fort
bien qu'il @ n'y gagna jamais un cen-
time, ni n'en vit sortir la plus minime
diminution de ses charges ; et il n'i-
gnore pas que, s'il perdait son temps à
s'en préoccuper et à en suivre le cours,
il verrait diminuer son gain avec la
durée ou l'assiduité de son travaiL"
Donc, le public laborieux s'intéresse
peu aux agitations, convulsions, alter-
nances de sommeil et de délire qui
accompagnent les crises ministé-
rielles.
Il en est autrement des politiciens.
Ceux-ci s'agitent pour la nation en-
tière, et font tant de bruit qu'à chaque
changement de cabinet on pourrait se
croire, si l'on perdait comme eux la
tête, à la veille ou au lendemain de
quelque effroyable cataclysme, de
lune de ces « révolutions du globe »
qu'imagina Cuvier pour satisfaire les
caprices autoritaires de Napoléon et
tenter d'écraser dans l'œuf la théorie
évolutionniste si admirablement for-
mulée par Buffon.
Trop nerveux, en vérité, sont nos
politiciens, trop nerveux pour que
leur conduite ne nuise pas aux inté-
rêts ou aux idées qu'ils prétendent dé-
fendre ou faire triompher.
#*#
Trop nerveux fut le Sénat, lorsqu'il
tn tama contre le cabinet démocra-
tique la lutte qui a rendu la popularité
à l'idée révisionniste, si bien enterrée
par M. Bourgeois que, pendant les
cinq mois de son ministère, les radi-
caux les plus intransigeants et les so-
cialistes les plus révolutionnaires n'a-
vaient point voulu en parler autre-
ment que pour en reconnaître l'inop-
portunité.
Si le Sénat eût été moins nerveux,
la revision ne se dresserait pas, mena-
çante, sur le seuil du Luxembourg et
la question ne serait point posée de
savoir si c'est l'existence ou seulement
les pouvoirs de la haute assemblée qui
payeront les frais de la guerre.
Si le Sénat eût été moins nerveux,
le cabinet Bourgeois serait tombé,
comme les quarante à la chute des-
quels nous assistâmes déjà, au mo-
ment le moins attendu, victime de la
globalité, de la taxation ou de la dé-
claration, ou tout bonnement tué par
l'envie que maints députés avaient de
prendre sa place.
Si le Sénat eût été moins nerveux,
il aurait laissé à la Chambre le soin de
remplir cette fonction, à laquelle ses
principaux soins furent toujours con-
sacrés et qui consiste à briser, dans
une minute de mauvaise humeur, les
idoles que, la veille, enfumait son en-
cens.
Trop nerveux, en vérité, fut le Sé-
nat, et d'une nervosité si incompatible
avec l'expérience des hommes qui y
siègent, que ses actes étonnent les
moins disposés à l'étonnement. Trop
nerveux furent les sénateurs ; cela
pourra coûter cher au Sénat.
#*#
Trop nerveux se montra le cabinet
présidé par M. Bourgeois dans sa lutte
contre le Sénat. Avec plus de calme et
de sang-froid, il aurait eu peut-être le
dernier mot dans un conflit où son ad-
versaire commit toutes les fautes.
Si M. Bourgeois avait été moins
nerveux, il n'aurait pas, dans la pre-
mière discussion des crédits de Mada-
gascar, posé devant les sénateurs la
question de confiance, après leur avoir,
à la suite de l'interpellation sur l'af-
faire Rempler, dénié le pouvoir de ren-
verser les ministères. En demandant
aux sénateurs leur confiance, il leur
reconnaissait le droit de la lui refuser
et les encourageait dans la voie où il
affirmait la résolution de ne pas les
suivre.
S'il avait été moins nerveux, il au-
rait, aussitôt après le vote de défiance
du Sénat, demandé au président de la
République d'en appeler au suffrage
universel pour résoudre le conflit sou-
levé entre la haute Assemblée et le ca-
binet sur une question purement cons-
titutionnelle et que le Congrès seul,
après consultation du pays, a le droit
de trancher. Et si sa résolution fai-
blissait devant une demando de disso-
lution et de revision qui était cepen-
dant la seule conclusion lqQe du
il "Jm- 0 ,'
jrement et simplement sa démission,
sans convoquer la Chambre ; il évitait
ainsi cette séance pénible où son an-
cienne majorité l'accabla d'épithètes
malsonnantes et se contenta d'affirmer
la prépondérance des représentants
du suffrage universel et leur vague
amour de réformes non définies.
Trop nerveux, en vérité, fut, dans
ces diverses circonstances, le cabinet
présidé par M. Bourgeois; il en a
perdu le pouvoir avant ces élections
municipales pour lesquelles il fit et
imposa au parti démocratique tant de
sacrifices d'opinion et d'amour-propre
devenus inutiles. Il ne sera pas seul,
malheureusement, à porter la peine de
sa nervosité.
Trop nerveux, enfin, sont tous ceux
qui s'en prennent au président de la
République de la chute du cabinet
Bourgeois et de la formation du ca-
binet Méline. Peut-être oublient-ils
trop vite que la majorité de la Cham-
bre, convoquée par M. Bourgeois, sans
doute pour lui renouveler l'expression
de sa confianee — car autrement la
convocation de jeudi dernier ne s'expli-
querait pas, — ne manifesta au ca-
binet ni aucune confiance nouvelle, ni
aucun regret de son départ, se bor-
nant, comme je l'ai rappelé plus haut,
à formuler l'affirmation de sa prépon-
dérance sur le Sénat et son amour 1
des réformes, sans même dire les-
quelles.
Si la majorité avait été moins ner-
veuse ou plus attachée au cabinet, il
lui eût été facile de le faire savoir, et
le président de la République n'aurait
pu, étant donnée la correction qu'il a
toujours montrée, que s'incliner de-
vant un vote formel.
Si la majorité est aujourd'hui moins
nerveuse qu'il y a huit jours, il lui
sera très facile de savoir si M. Méline
et ses collègues sont d'accord avec
elle et, ensuite de les renverser s'ils
ne lui plaisent pas, en indiquant au
président de la République ses désidé-
rata plus clairement qu'elle n'en a
coutume.
,Il peut se faire qu'en appelant au
pouvoir M. Méline, le président se soit
mépris sur les sentiments de la majo-
rité; homme il est, et se tromper est
humain; il est facile de le savoir au-
jourd'hui même, en provoquant une
discussion et un vote sur la déclaration
que fera le cabinet.
Dans l'intérêt de tous les partis, et
surtout dans celui du pays, il faut que
la situation où nous allons entrer soit
nette et claire ; et pour cela il faut que
la politique soit traitée par des cer-
veaux et non par des « paquets de
nerfs ».
J.-L. DE LÀNESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LE NOUVEAU MINISTÈRE
LE CABINET MÉLINE
Le cabinet Méline a été définitivement
constitué hier soir, de la façon suivante :
Présidence du conseil
-et agriculture MÉLINE
Affaires étrangères. HANOTAUX'
Intérieur. BARTHOU
Finances. G. COCHERY
Justice. J. DARLAN
Instruction publique.. A. RAMBAUD
Guerre. GÉNÉRAL BILLOT
Mal'ine. AMIRAL BESNARD
Commerce. H. BOUCHER
Travaux publics TURREL
Colonies ANDRÉ LEBON
On a vu que les deux portefeuilles qui
n'avaient pu être attribués lundi ont été
distribués à MM. Henri Boucher, député
des Vosges, et à M. Turrel, député de l'Aude,
tous deux amis personnels de M. Méline.
Le député des Vosges avait, nous l'avons
dit, fait appel pour ces dpux portefeuilles à
MM. Vallé et Louis Lacombe.
Le premier, prévenu par dépêche, est ar-
rivé dans la nuit à Paris. M. Darlan, qui se
rendait à Epernay pour le décider, l'a croisé
en route.
Hier matin, le député de la Marne se ren-
dait chez M. Méline, qui lui offrait le porte-
feuille du commerce. Mais M. Vallé l'a re-
fusé ne pouvant entrer, a-t-il déclaré, dans
un cabinet pris dans la minorité de la
Chambre et qu'il considère comme inconsti-
tutionnel.
Quant à M. Louis Lacombe, il a télégra-
phié de Rodez qu'il ne pouvait faire partie que
d'une combinaison qui inscrirait dans son
programme la revision et l'impôt sur le re-
venu.
Comme cela n'était pas le cas, M. Méline
n'a pas insisté.
Mais avant d'avoir recours à MM. Bou-
cher et Turrel, M. Méline avait encore es-
suyé un refus de la part de M. Maurice Si-
bille, député de la Loire-lnférieure, et de M.
Reymond, sénateur de la Loire.
Tel qu'il est constitué, le ministère Méline
est donc un ministère uniquement pris dans
la minorité modérée.
A ce poin de vue, son homogénéité ne
laisse rien à désirer.
PREMIER CONSEIL
A trois heures de l'après-midi, M. Méline
se rendait à l'Elysée et faisait conaaitre au
président 4e la République que ses pourpar-
ers avaient abouti. Au cours de cette visite
M. Féâx Faure signait les décrets de nomi-
nation qui paraîtront ce matin au Journal
v <
Les nouveaux ministres tenaient ensuite
une réunion chez M. Méline, au cours de la-
quelle MM. Méline et Barthou, étaient char-
gés de rédiger une déclaration qui sera lue
aujourd'hui à la Chambre par le député des
Vosges, au Sénat par le ministre de la jus-
tice, M. J. Darlan.
LA DÉCLARATION
Cette Déclaration sera définitivement ap-
prouvée ce matin dans un conseil qui se
tiendra à l'Elysée et sera conçue, d'après nos
renseignements, dans des termes assez va-
gues. C'est ainsi qu'elle ne ferait qu'une al-
lusion discrète à la revhion, qui s est posée
par le vote de l'ordre du jour de M. Ricard,
et ne dira qu'un mot de l'impôt sur le re-
venu.
Les deux principales questions étant ainsi
éludées, le cabinet se déclarera prêt à faire
aboutir un certain nombre de propositions
de loi — qu'il appellera réformes — et qui
sont à l'ordre du jour des Chambres.
C'est ainsi qu'il dira qu'il est prêt à faire
discu er les lois de solidarité sociale et plu-
sieurs lois agricoles, Puis il ajoutera qu'il
réclamera du Sénat l'adoption de la loi des
successions et de celle de-s boissons.
Il annoncera encore le dépôt d'un projet
de loi d'armée coloniale qu'il rattache à la
marine.
Cr sont là toutes les réformes dont le gou-
vernement entretiendra la Chambre. Mais
la déclaration sera beaucoup plus riche en
phraséologie : elle proclamera « la nécessité
de l'union du parti républicain 1), et celle « du
rétablissement de la concorde entre les pou-
voirs publics » ; elle affirmera qu'il faut
« écarter tout ce qui peut diviser pour re-
chercher tout ce qui peut unir». Elle dira
« nous voulons des réformes tangibles et
non des réformes théoriques qui ne sont que
des mirages o.
Elle sera cependant très nette sur un
point, le nouveau gouvernement annoncera
qu'il réclamera des fonctionnaires de tous
ordres fidélité et dévouement.
Entin comme toute bonne déclaration qui
se respecte, elle contiendra une phrase très
alambiquée sur la politique intérieure.
La Chambretrouvera-t-elle oela suffisant?
Nous le saurons aujourd'hui. Mais, en atten-
dant, les groupes républicains, réunis hier,
se sont déclarés prêts à la bataille.
LA BATAILLE D'AUJOURD'HUI
Aussitôt après la lecture de la déclaration,
M. Goblet déposera, au nom du groupe ra-
dical socialiste, son interpellation « sur les
conditions dans lesquelles le cabinet a été
formé ».
De son côté la gauche progressiste a dé-
cidé de déposer une demande d'interpella-
tion sur le même sujet. La formule de l'or-
dre du jour et les noms des interpellateurs
ne seront connus qu'aujourd'hui après une
nouvelle réunion du groupe.
Il est probable que les d!'ux interpellations
seront jointes et que le gouvernement en
acceptera la discussion immédiate.
Un autre groupe, l'union progressiste, a
pris la délibération suivante :
« Le groupe persévérant dans sa volonté
de soutenir une poli ique d'union entre les
républicains qui seule peut amener la réali-
sation des réformes démocratiques, passe à
l'ordre du jour. »
C'est M. Gustave Isambert, président du
groupe, qui interviendra en son nom dans
le débat. La déclaration qu'il apportera à la
tribune dépendra des explications que le
gouvernement fournira.
La situation est cependant bien claire ; le
ministère Méline est un ministère de combat
qui va gouverner avec la droite, contre la
majorité républicaine.
Enfin, notons que le groupe révisionniste
— les anciens boulangistes — a décidé de
refuser sa confiance à tout ministère qui re-
pousserait la revision des lois constitution-
nelles.
Chacun a pris ainsi ses positions ; il ne
nous appartient pas de faire un pronostic
sur l'issue de la bataille, mais ce que nous
savons bien, c'est que le ministère sera par
terre ce soir, s'il ne se produi aucuna défec-
tion dans les rangs républicains.
Allons, les paris sont ouverts.
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT
Sur les onze nouveaux ministres, cinq ont
déjà été au pouvoir: ce sont MM. Méline,
Hanotaux, Barthou, Lebon, le général Billot
et l'amiral Besnard.
Les cinq membres du cabinet Méline qui
ont décroché lat timbale pour la première
fois sont MM. J. Darlan, député de Nérac,
avocat ; Georges Cochery, député de Pithi-
viers ; Alfred Hambaud, sénateur du Doubs,
professeur d'histoire à la Sorbonne, ancien
chef de cabinet de M. Jules Ferry, lors de
son passage à l'instruction publique en 1881 ;
Henry Boucher, député des Vosges, grand
fabricant de papier à Gérardmer, et Adolphe
Turr 1, député de l'Aude, propriétaire, viti-
culteur dans le département de l'Aude.
Ce sont là tous les titres des nouveaux
ministres, dont trois sont originaires du
département des Vosges, MM. Méline, Ram-
baud et Boucher.
*
LES ON-DIT
CARNET QUO rIDIEN:
Les courses : A Longchamps.
— Fermeture de la pêche.
— Durée du jour : 15 b. 44 m.
AU JOUR LE JOUR
Le ministère Méline est définitive-
ment constitué, et il est juste de recon-
naître que le président du conseil de
demain a, au dernier moment, cherché
dans la fraction modérée du parti radi-
cal quelques titulaires de portefeuilles
qui lui eussent permis de présenter au
Parlement comme une sorte de cabinet
de concentration.
Les tentatives de M. Méline ont
échoué devant le refus de MM. La-
combe et Vallé, refus que faisait du
reste prévoir l'attitude très nette prise
depuis le commencement de la crise
par l'ensemble du parti radical, qui a
montré en cette circonstance une dis-
cipline au-dessus de tout éloge.
M. Méline ne pourra donc offrir aux
Chambres qu'un cabinet modéré, au quel
son nom donnera inutilement comme
un parfum de conciliation. Trouvera-t-
il grâce devant les députés même en
accentuant vers les idées progressistes,
ainsi qu'il a, parait-il, l'intention de le
faire, un programme dont seraient
pourtant exclus l'impôt sur le. revenu
et la revision ? Le fait nous paraît fort
improbable, quoique ce ne soient pas
des exclamations du genre de celle de
M. Toussaint qui puissent hâter sa
chute.
Quant au rôle fort difficile, il faut en
convenir, du président de la Républi-
que, il fait l'objet des commentaires les
plus vifs; et c'est avec un certain re-
gret que nous constatons que la plus
haute magistrature de l'Etat est livrée
aux discussions passionnées des partis
toutes les fois que les dissentiments
politiques traversent une crise un peu
aiguë. La chose est évidemment fatale
dans un pays de liberté de presse et d'o-
pinion. Nous estimons néanmoins que
les esprits sages doivent réagir contre
une tendance qui ne peut que nuire à
notre prestige extérieur et à l'intérêt
même de la République.
Ce sont aussi de pareilles considéra-
tions qui commandent au président de
la République la fidélité la plus scrupu-
leuse à la lettre de la Constitution.
CHEZ NOUS
Le président de la République a
officiellement inauguré hier le Salon des
Champs-Elysées.
Aujourd'hui, vernissage.
Le prince de Bulgarie à Paris.
Le prince s'est rendu hier matin aux
ministères de la justice et de la guerre et a
déjeuné à l'hôtel de l'avenue Hoche.
La princesse Clémentine, mère du prince
Ferdinand est partie mardi soir de Paris
pour Vienne où elle précédait la princesse
Louise de Bulgarie et son fils, le prince
Boris qui ont q.uitté hier Beaulieu près de
Nice.
A son tour, le prince Ferdinand a quitté
Paris hier soir par train spécial, quelques
minutes après l'express de Cologne de six
heures vingt..
Au moment où il est monté dans le train,
les honneurs lui ont été rendus une der-
nière fois par une compagnie de la garde
républicaine, rangée en bataille face au
wagon-salon.
Le prince Ferdinand de Bulgarie sera ac-
compagné jusqu'à la frontière par le com-
mandant de Lagarenne et par M. Mittel-
hauser, commissaire spécial ; et par Méhe-
met-Ali-bey, attaché à sa personne par le
sultan, jusqu'à Berlin.
- La reine Victoria a quitté Nice
hier, à midi neuf, accompagnée des prin-
cesses Béatrice, Christian et Victoria de
Schleswig-Holstein.
Les consul et vice-consul anglais, le com-
mandant du navire Hawke, le général
Gebhardt, gouverneur de Nice, le préfet et
le maire attendaient à la gare. Les troupes
ont rendu les honneurs.
Des bouquets ont été offerts à la reine et
aux princesses.
- M. Jean-Barthélemy Hauréau,
membre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, est mort hier, dans la mati-
née, à l'âge de quatrevingt quatre ans, suc-
combant aux suites d'une affection de la
moelle épinière.
M. Hauréau était né à Paris, le 9 novem-
bre 1812. Il débuta par le journalisme, puis
fut bibliothécaire de la ville du Mans. En
1848, il fut nommé membre de l'Assemblée
constituante, où il resta avec ses amis du
National. Après le coup d'Etat du 2 dé-
cembre, il se tint éloigné des affaires poli-
tiques et, en 1870, fut nommé par le gou-
vernement de la République, directeur de
l'Imprimerie nationale.
M. Hauréau a publié de nombreux ou-
vrages d'histoire littéraire et de critique
historique et philosophique. Il était de
l'Institut depuis 1862.
On annonce la mort de notre con-
frère Eugène Guyon, ancien directeur de
la Patrie, fondateur et membre du comité
de l'Association des journalistes parisiens,
membre fondateur de la Caisse des victi-
mes du devoir.
Eugène Guyon était Poitevin. Il a suc-
combé à une embolie au coeur, à l'âge de
soixante-huit ans.
- A bas le Sénat 1 vive le prési-
dent 1 1. Tels sont les cris que l'on entend
sans cesse dans la rue et le public se
passionne I Il paraît cependant que M.
Félix Faure est sympathique ; nous n'en
voulons pour exemple que le grand
succès obtenu par la superbe affiche du
« Quinquina Monceau », le plus ancien
des quinquinas ; (14 médailles d'or ou di-
plômes d'honneur). M. Félix Faure est
représenté au momentoùil déguste l'excel-
lent tonique.
A L'LTRANGER
—- Hier matin est parti de Jeumont
(Belgique), en wagon spécial pour Paris le
grand verre du Sidérostat de 1900, com-
mandé par M. François Deloncle, et connu
sous le nom inexact de la « Lune à un mè-
tre ».
Dès son arrivée à Paris, ce verre, qui
pèse quatre tonnes, sera mis au travail
optique.
LA DÉFENSE DU SUFFRAGE UNIVERSEL
Il semble certain que la cause du suf-
frage universel sortira demain victo-
rieuse du vote.
Si, par impossible, il en était autre-
ment, les députés des groupes de gau-
che sont résolus de s'organiser sans
délai, dans un étroit esprit de solidarité
comme le firent les républicains du Par-
lement en présence du Seize-Mai.
Ceux qui auraient voté contre le ca-
binet Méline formeraient une « Union
pour les droits du suffrage universel »,
que les électeurs trouveraient devant
eux, serrée en phalange résolue.
-,
Les Condamnations an Trânsvaàl
Ce n'est pas sans une profonde émo-
tion qu'on a appris l'arrêt de la cour de
Prétoria, condamnant à la peine de
mort les cinq principaux accusés poli-
tiques dont le procès s'instruisait depuis
trois mois. On pensait que les juges se
borneraient à prononcer le bannisse-
ment, et cette peine paraissait suffi-
sante à tous ceux qui ont suivi la mar-
che des événements et savent combien
les Boërs sont chatouilleux quand ils
s'imaginent qu'on a conspiré contre
leur indépendance.
Aussi bien les condamnés d'hier sont
placés à la tête de l'iudustrie minière et
dirigent, notamment, les entreprises
dont les titres sont placés dans les por-
tefeuilles français. Il n'y a donc pas
seulement une question d'humanité,
mais encore une question d'intérêt gé-
néral touchant au développement de la
République sud-africaine.
Le président Krüger, dont les succès
diplomatiques ne se comptent plus, est
trop avisé pour laisser échapper la nou-
velle occasion qui s'offre à lui de se
grandir dans l'esprit de ses contempo-
rains ; en usant du droit de grâce que
lui confère la loi, il éloignera les repré-
sailles, apaisera les haines de races,
ouvrira, en un mot, une ère nouvelle
de tranquillité après laquelle tout le
monde aspire.
Nous comprénons la légitime suscep-
tibilité des Burghers, mais le gouver-
nement de Prétoria doit compter aussi
avec l'opinion du monde civilisé qui ne
lui pardonnerait pas l'application d'une
sentence vraiment trop rigoureuse.
Ainsi que l'a fort bien dit l'avocat des
prévenus : « frapper avec le tranchant
du glaive, ce serait causer à la Répu-
blique une misère éternelle ; frapper
avec le plat serait, au contraire, réta-
blir la paix et la bonne entente parmi
les diverses races du territoire du
Transvaala.
loi>
LA FUITE DE MJUGÉ1 HA YER
La disparition d'un administrateur
de journaux — Embarras financiers
Une situation difficile
M. Eugène Mayer, ancien directeur de la
Lanterne, vient brusquement de prendre la
fuite pour se soustraire à des difficultés
financières qu'il était dans l'impossibilité de
surmonter.
S'est-il suicidé comme certains l'ont
donné à entendre ? C'est assez peu probable.
Mais, ce qu'il y a de sûr, c est qu'il a disparu
dimanche soir en disant aux siens qu'il s'ab-
sentait pour vingt-quatre heures et que, le
lendemain, Mme Mayer recevait de lui une
lettre lui révélant la vérité sur l'état de ses
affaires et en même temps la nécessité ou
il se trouvait d'échapper aux réclamations
de ses créanciers.
C'est aujourd'hui, en effet, que doit avoir
lieu l'assemblée générale de la société ano-
nyme de la Lanterne, et il parait que M.
Mayer avait toutes sortes de raisons de
craindre qu'on examinerat trop attentive-
ment sa comptabilité.
Aucune plainte pourtant n'avait été dépo-
sée contre lui, et, s'il était depuis quelques
mois en procès avec le nouvel acquéreur de
son journal, rien ne pouvait faire prévoir
qu'il était acculé à de pareilles extrémités.
Les affaires de M. Mayer
Coulissier de profession, M. Eugène Mayer
avait acheté la Lanterne 1e le" septembre 1877,
moyennant 35,000 fr.
Ce journal, qui avait été fondé par M.
Ballay, quelques mois auparavant , avait
passé successivement d'une nuance très ac-
centuée, avec MM. Mare. et Cladel, à une
nuance plus éteinte avec M. Adrien Du-
vand.
M. Mayer revint au radicalisme, à l'anti-
cléricalisme, pour mieux dire, et, mettant à
profit ses très réelles qualités d'administra-
teur, réussit, avec la collaboration de M.
Yves Guyot dont les campagnes contre la
préfecture de police sont restées célèbres, à
donner & la Lanterne une très grande
vogue.
Entre temps, il formait une société ano-
nyme par actions qui créait tour à tour une
imprimerie, une papeterie et un supplément
hebdomadaire. Puis le boulangisme surve-
nant, il se lançait à fond dans le mouvement
pour revenir brusquement, quelques mais
plus tard, au parti qu'il avait quiué.
Mais M. Mayer, qui était avant tout hom-
me d'affaires, ne se bornait pas à administrer
des journaux. 11 s'intéressait à de nombreu-
ses entreprises industrielles, telles que l'usine
Cait, la fabrique de tissus de soie en pâte de
bois et la Société de dérivation des eaux du
Rhône, et comme par le passé, il continuait
à s'occuper d'opérations de Bourse.
Malheureusement, plusieurs de ces opéra-
tions furent désastreuses et l'administrateur
de la Lanterne se trouva bientôt dans une
situation si difficile que, pour se tirer d'em-
barras, il n'hésita pas, l'an dernier, à céder
contre 200,000 francs la rédaction de son
journal à M. Emile Cornudet, député de la
Creuse.
Depuis lors, M. Eugène Mayer qui était
resté administrateur de la société anonyme,
était complètement étranger à la direction
de la Lanterne.
A-t-il éprouvé de nouvelles pertes dans
ces derniers temps? Est-il vrai qu'il ait
commis des détournements pour faire face
à des échéances?
On l'ignore. Mais une enquête est ouverte
et l'assemblée générale qui doit avoir lieu
aujourd'hui permettra sans doute d'éctaircir
le mystère.
Chez M. Mayer
M. Eugène Mayer habitait rue Crevaux,
14, avec sa femme et son fils — un jeune
homme de dix-sept ans — dans un apparte-
ment de 4,0u0 francs de loyer.
C'était un homme d u-ne cinquantaine
d'années, aux cheveux grisonnants et au
regard vif et hardi.
il avait eu une polémique très vive, il y a
quelques années, avec M. Valentin Simond,
et, en 1889, il avait fait un pari de 10,000 Ir.
avec M. Arthur Meyer au sujet de l'élection
du général — pari qu'il avait du reste gagné.
C'est là, à peu près, tout ce qu'on peut
dire sur lui, car M. Eugène Mayer, financiei
avant tout, ne prétait guère aux discussions
retentissantes.
1 (ptJDUtwqwMiiM Marer&BtpfoflK
gée dans la plus profonde désolation et m
se résigne qu arec peine au sort qui l'atteint
si cruellement.
A la « Lanterne »
Quant à la direction de la Lanterne, qu5
était ainsi que nou'S l'avons dit, complète*
m nt étrangère à M. Mayer depuis l'an der-
nier, elle n'a naturellement rien à voir aux
évènements qui ont pu décider l'ancien ad-
ministrateur du journal à prendre la fuite.
Voici, d'ailleurs, la note qu'elle publiera ce
matin même à ce sujet :
Ainsi que l'ont annoncé les divers journaux
du soir, M. Eugène Mayer, ancien directeur de
journal la Lanterne, actuellement gérant de la
société en commandite par actions qui com-
prend la papeterie de Plains, le Supplément,
l'imprimerie, la Lanterne. et diverses autres en-
treprises industrielles et commerciales, est en
fuite depuis quarante-huit heures.
On suppose que M. Mayer a pris cette détere
minauon à la suite de grands embarras finan-
ciers.
Depuis le ln juillet, M. Mayer n'appartenait
plus à la rédaction de la Lanterne dont la rédac*
tion politique avait été cédée à M. Emile Cornu-
det, député de la Creuse.
M. Mayer administrait simplement au nom de
sa société les intérêts matériels du journal aux-
quels M. Emile Cornudet et la rédaction sont
toujours restés complètement étrangers.
Sur requête présentée au président du tribu-
nal de commerce de la Seine par le président
du conseil de surveillance de la société, M, E.
Navarre a été nommé administrateur provi-
soire.
Inutile d'ajouter que la publication de la Lan-
terne n'est nullement atteinte par la disparitioa
de M. Mayer.
LE CRIME DE VINCENNES
SUICIDE DU PÈRE ASSASSIN
Deux gardiens qui dorment-Par la fenêtre
A l'Hôtel-Dieu—Mme Vasseur à la sûreté
Rue Sainte-Anne
Rue du Faubourg-Saiat-Denis
Confrontation à la Morgue
Aux tragiques péripéties de ce crime épou«
vantable, un incident des plus drama iques
vient de s'ajouter : l'assassin s'est tué en se
précipitant de la fenêtre de la chambre de
sùreté ,où il avait été enfermé après les
émouvants aveux que nous avons rapportés
hier.
A onze heures du soir, après une journée
bien rempiie, le chef de la sûreté avait
donné l'ordre que Vasseur, son cousin Bou-
cher et sa femme fussent conduits dans les
locaux dont dispose le service. Disons tout
de suite que, leur aménagement est défec-
tueux, puisque la fenêtre par laquelle Vas-,
seur s'est jeté dans la rue n'est pas même
munie de barreaux.
Chacun des trois prisonniers avait été
conlié à deux inspecteurs de la sûreté, et M.
Cochefert avai dunné des ordres d'autant
plus sévères qu'ils avaient tous les trois
manifesté hautement le désir d'attenter &
leurs jours.
En Pifet, lorsque Vasseur apprit que M.
Cochefert, cer ain de sa culpabilité, -fe mete
tait en état d'arrestation, il s écria :
— Ah! si j avais su que c'était pour me
mettre en prison que vous mu fites venir,
je vous jure que vous ne m'eussiez pas en
vivant.
Les inspecteurs de la sûreté se promet-
taient donc de redoubler de vigilance; nous
allons voir comm nt ceux qui surveillaient
Vasseur ont été joués.
La pièce qui leur avait été assignée est si-
tuée près du cabinet de M. Cochefert, elle
est éclairée par une large et haute fenêtre
qui donne rue de Harlay.
Avant de prendre place sur le lit qui lui
avait été prépare, Vasseur dit à ses gar-
diens :
— Je sui., exténué ; les émetions de cette
terrible journée m ont brisé, et je crois que
malgré moi je vais être force de dormir, je
n'en puis plus.
Un quart d'heure après s'être étendu, i.
avait les yeux fermés, la respiration courte
et calme et la sérénité du parfait dormeur.
Les deux inspecteurs qui le surveillaient
avaient pris une part importante à son ar-
restation, ils avaient été deux nuits sans se
reposer et se croyaient capables de résister
encore au sommeil. L'un d'eux s'assoupit,
comptant sur son collègue en cas d'alerte,
mais ce dernier ayant fait la même ré-
flexion, se livra également aux douceurs de
la rêverie, et les heures passaient douce-
ment.
TROP TAROi
A trois heures et demie du matin, la tee
nêtre do la chambre dà sûreté s'ouvrit avec
fracas, Vasseur qui méditait son coup aval(
jugé que d'un boud il pourrait s'approcher
de la fenêtre, l'ouvrir et se jeter dans la rutt.
avant que les inspecteurs n'aient eu le
temps de secouer la orpeur dont ilb étalent
envahis. Il ne se trompa.pas.
Il était déjà sur le trottoir, le crâne brisé.
lorsque ses deux gardiens, réveillés par le
bruit qu'il avait fait, songeaient, les coudes
sur la barre d'appui de la fenêtre, a ta gra-
vité de leur négligence.
Néanmoins, ils comprirent tout de suite
que le blessé ne pouvait pas se sauver; ils
descendirent précipitamment et ils allèrent
le relever. Pendant ce temps-là, on préve-
nait \1. Cochefert qui fut loin d'être satis-
fait, comme bien 1 on pense.
Vasseur fut transporté aussitôt à l'Hôtel-
Dieu, l'interne de service constata quo le
misérable s'était fracturé la base du crâm* ;
le maxillaire inférieur était brisé ; une
fracture du bassin fut constatée ensuite.
Bref, les médecins déclarèrent qu'il était
imposable de le sauver. D'ailleurs, il ne
reprit pas connaissance et à deux heures de
l'après-midi il rendit lu dernier soupir.
M" VASSEUR A LA SURETt
En présence de ce regrettable événement.
M. Cochefert fit tout de suite le nécessaire.
On espérait obt nir de la femme du meur-
trier certains renseignements utiles à l'ms.
traction. On pouvait supposer qu'elle avait
eu connaissance de la première tentative
criminelle de son mari — nous avons dit
hier que Vasseur avait déjà vou:u jeter son
enfant à l'eau, il y a quelques annees. — Cet
pendant, si le coupable ne s'était pas suicidé
on -.e serait contenté de faire venir Mme
Vasseur à la sûreté dans la journée.
Les deux agents de la sûreté qui sont
allés la chercher lui ont donc soigneuse-
ment caché la vérité.
Nous avons vu M. Cochefert dans l'apres.
midi et nous lui avons demandé quelles me*
sures il comptait prendre contre les deos,
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