Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-04-29
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 avril 1896 29 avril 1896
Description : 1896/04/29 (N9546). 1896/04/29 (N9546).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75439260
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
ÎCSUNTO CENTIMES le Numéro
PARIS ET DEPARTEMENTS
Le Numéro, CINQ CEKTIMES
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
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ONDATEUR : AUGTiACOUERIE
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:.} ) ANNONCÉ
--D. Ch. LAGRANGE. OERP/d: Ob
6, Place de la Bourse, 6 y y
*
et AUX BUREAUX DU JOURNAL vi
1
RÉDACTION 3 'iSJ,æe tfartre, 131
'De £ à 8 heures du son* et de i0 heures du soir à 1 heure du matm
N" 9548. - Mercredi 29 Avril 1896
10 fLOREAL AN 104
ADMEVISTRATiORI s 131, rue Montmartre, 231
Adresse? lettres tô manitcs twidnishuteur
NOS LEADERS
LE PARTI RADICAL
Il paraît que décidément nous som-
mes menacés d'un ministère Méline.
, Sarrien, c'était la concentration à gau-
che; Méline, ce serait la concentration
à droite. Donc, aggravation. C'est la
faute aux radicaux ! s'écrie le Temps.
Et nettement, il les accuse d'avoir,
« par leurs folles exigences » — je
n'invente rien ; le Tempsécrit: fol-
les exigences — empêché M. Sarrien
de réussir. Quelles exigences? «Ces
profonds politiques » — je cite tou-
jours le Temps — désiraient que dans
le programme du cabinet fussent ins-
crits l'impôt sur le revenu et la revi-
sion. Comprend-on ces radicaux ?
s'obstiner ainsi à tenir leurs promes-
ses ! avoir de la sorte le souci de rem-
plir leurs engagements ! A-t-on jamais
vu ?. Le Temps n'en revient pas.
De telle façon que nous voilà parfai-
tement fixés sur la manière dont les
modérés entendent la concentration,
cette fameuse « conciliation » dont on
nous fatigue le tympan depuis des
jours. Ils consentiront à se montrer
conciliants à la seule petite condition
que les radicaux renoncent à toutes
leurs revendications, à tout ce qui est
leur raison d'être, abdiquent, s'effa-
cent. — Merci bien.
***
Avec M. Méline, la situation est très
claire.
Récemment M. Méline s'est posé en
adversaire énergique de l'impôt sur le
revenu. Avocat autorisé de l'aristo-
cratie rurale, il représente mieux que
quiconque les intérêts conservateurs.
Le Sénat lui fera le plus chaleureux
accueil.
Concentration, ai-je dit tout à
l'heure. Pourtant on annonce, en der-
nière heure, qu'après avoir songé à
offrir deux ou trois portefeuilles à des
radicaux — mais quels radicaux les
eussent acceptés? — M. Méline s'est
décidé à faire un ministère homogène.
Homogénéité, soit; mais concentra-
tion tout de même. Car je défie bien
M. Méline, dès la première interpella-
tion, de n'avoir pas recours aux bul-
letins de vote des ralliés et des réac-
tionnaires. S'il est maintenu au pou-
voir, il ne le sera que grâce au
concours des ennemis de la Républi-
que. Concentration à droite, oui, avec
la droite, forcément.
Il eût été plus franc d'aller tout de
suite à M. Charles Dupuy, voire à M.
Demôle, comme je l'indiquais dès le
premier jour. On n'a pas osé. Mais
M. Méline est trop fluet, trop exigu,
pour qu'on ne voie pas le corpulent
M. Dupuy embusqué derrière lui. Ima-
ginez un rhinocéros essayant de se
cacher derrière un bouleau.
Le ministère Méline, c'est le minis-
tère Dupuy — avec des précautions
aratoires.
..**
Voici donc les radicaux rejetés bon
gré mal gré dans l'opposition. Ah ! ce
parti radical! comme depuis quelques
jours, dans la presse modérée, on le
vilipende, on le calomnie, on l'insulte !
Cela prouve tout simplement qu'il
existe. On avait pu le croire mort. Si
longtemps il s'était effacé. La concen-
tration, vous comprenez!. Il avait
mis son drapeau dans sa poche; il
avait biffé de sa main les articles es-
sentiels de son programme ; il ajour-
nait tout; il renonçait à tout; ratatiné,
réduit à rien. Nous sommes quelques-
uns qui avons entrepris de le faire
sortir de ce sommeil qui sentait la
terre. D'où, colère. Et pas seulement
chez les modérés ; mais aussi — ce
qui est plus étrange — de la part de
certains radicaux.
Ils avaient pris, parait-il, la douce
habitude de l'engourdissement. Ils re-
posaient au chaud, telles des mar-
mottes hivernant. Nous leur faisons
l'effet d'un courant d'air. Ils grognent.
Maussades, ils morigènent ces jeunes
gens — nous — coupables à leurs
yeux d'avoir quelque chose dans la
tête et dans le ventre. Mais, alors,
disent-ils, si le parti radical se remue,
s'agite, agit, il n'y aura plus de diffé-
rence entre lui et le parti révolution-
naire?. Eh! malheureux ! ne voyez-
vous pas que si les révolutionnaires,
les collectivistes ont ainsi - ce dont
vous vous plaignez — accaparé l'opi-
nion publique, c'est parce que l'abdi-
cation des radicaux leur laissait le
champ libre.
#*#
Qu'en face du parti conservateur,
du parti réactionnaire, il n'y ait que
le parti collectiviste, le parti de la Ré-
volution, nous trouvons cela mauvais,
nous autres. Nous estimons que la
place du parti radical est précisément
entre ceux qui ne veulent rien édifier
et ceux qui veulent tout détruire. Nous
voulons qu'il reprenne cette place, et
pour mon compte j'ai la conviction
d'avoir agi pour la République et pour
la France en proposant au Comité
d'action pour tes réformes républi-
caines de prendre l'initiative du mee-
ting du Tivoli-Wauxhall.
Parce qu'à ce meeting des orateurs
appartenant aux partis extrêmes ont
pris la parole, parce qu'à la sortie
quelques désordres se sont produits,
surtout provoqués par les mesures po-
licières si maladroitement prises, les
modérés tentent de dénaturer cette
manifestation. Encore hier, les Débats,
non sans une certaine perfidie passa-
blement savoureuse, dans cette phrase
parue sous ma signature, ici : « Le
meeting a bien eu, dans son ensemble,
le caractère que nous voulions lui
donner », s'efforçait de voir une ap-
probation donnée par moi au cri de
« Vive la Commune! ». Les Débats ne
feront prendre le change à personne
de bonne foi. Quiconque est loyal re-
connaîtra que, par le meeting duWaux-
Hall, le parti radical s'est affirmé.
Rien de plus, rien de moins. Et c'est
ce que nous voulions.
**
Et l'œuvre que nous avons com-
mencée, nous entendons la continuer.
Et plus que jamais l'action vigoureuse
du parti radical nous paraît nécessaire,
urgente, au moment où se confec-
tionne un ministère destiné à repren-
dre les traditions des Dupuy et des
Casimir-Perier. Si ce ministère se fait
— peut-être sera-t-il fait à l'heure où
paraîtront ces lignes, peut-être se pré-
sentera-t-il aujourd'hui même devant
les Chambres — c'est la lutte. La lutte
pour le progrès, pour les réformes. Eh
bien ! les radicaux ne déserteront pas
le champ de bataille.
Et si, dans le combat, nous nous
trouvons avoir à côté de nous ces col-
lectivistes dont nous ne partageons ni
les doctrines ni les espérances, nous
ferons remarquer à nos adversaires
qu'ils marchent, eux, la main dans la
main, avec ce qui reste des factions
monarchistes, avec les cléricaux, avec
les irréconciliables ennemis de toutes
les libertés. Au moins, à nos alliés nul
ne pourrait refuser le titre de républi-
cains. Ils ont soutenu de leur parole,
de leurs votes le cabinet Bourgeois qui
ne leur a fait cependant aucune con-
cession ; ils l'ont soutenu, considérant
qu'avant tout il fallait lutter contre la
réaction. De même avec nous ils com-
battront.
Voilà huit ans, la République fut
menacée, gravement, par ses éternels
ennemis coalisés derrière le général
Boulanger. A ce moment opportu-
nistes, radicaux collectivistes s'uni-
rent; un manifeste parut avec ces
trois signatures: Clémenceau, Joffrin,
Ranc. — Le péril aujourd'hui n'est
pas moins grand qu'il ne l'était alors.
La même alliance peut et doit se faire
contre le nouveau Seize-Mai dont on
nous menace. Sans, bien entendu,
que le parti radical, reconstitué, revi-
vifié, abandonne rien de son autono-
mie, de sa personnalité, de ses prin-
cipes, de son drapeau.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelle tan
LA CRISE MINISTÉRIELLE
M. MÉLINE CONSULTE
Comme nous l'avions laissé pressentir, le
président de la République a fait appeler
hier matin, à huit heures, M. Méline à l'E-
lysée.
Le député des Vosges s'est rendu immé-
diatement auprès de M. Félix Faure qui lui
a fait connaître que, en présence de 1 échec
de M. Sarrien, il lui demandait de se char-
ger de constituer le nouveau ministère.
Suivant la formule habituelle, le député
des Vosges a consenti à voir ses amis, à les
consulter et à examiner dans quelles con-
ditions pouvait se dénouer la crise politique
actuelle.
Avant de raconter quelles ont été les dé-
marches de M. Méline, il faut que nous indi-
quions le sens du mandat qui lui a été remis
par M. Félix Faure.
Malgré l'échec de M. Sarrien, le président
de la République n'a 'pas perdu l'espoir de
voir se former un cabinet de conciliation
dans lequel pourraient entrer plusieurs re-
présentants des groupes avancés. « Faites
votre possible, aurait-il dit à M. Méline,
pour décider M. Sarrien à accepter un por-
tefeuille dans votre combinaison, et, lui en-
trant, vous obtiendrez d'autres adhésions
de députés progressistes. »
M. Méline n'a pas caché à M. Félix Faure
qu'en procédant ainsi il courrait à un échec ;
mais, par haute déférence pour le chef de
l'Etat, il a consenti à ouvrir ses négocia-
tions dans ce sens.
Il parait évident que M. Méline recevait
en même temps de M. Félix Faure un man-
dat plus large qui lui permettrait, en cas de
non réussite d'une combinaison do conci-
liation, de tenter une combinaison homo-
gène dans le sens modéré, est-il besoin de
le dire ?
Comme nous venons de l'expliquer, M.
Méline a employé sa première journée d'in-
vestiture, conformément au désir que lui
avait exprimé le président de la Répu-
blique.
Il s'est donc piis en campagne après avoir
conféré aveq MM. Poincaré, Georges Co-
chcry, IJcmotaux, Barthou et le général
Bill, pour rechercher le concours de deux
, anciens ministres du cabinet Bourgeois.
'1 Son choix s'est porté sur MM. Sarrien et
Vigor.
Par deux fois. à trois heures et à sept
heures, M. Méline s'est rendu au ministère
de l'intérieur, mais il n'y a pas rencontré
M. Sarrien. Lars de sa première visite, le
député de Saône-et-Loire était sorti; à sept
heures, M. Sarrien avait dû quitter la place
Beauvau pour se mettre en habit pour as-
sister à un diner officiel à l'ambassade otto-
mane.
Entre trois heures et quatre heures, M.
Méline avait conféré avec M. Viger. L'an-
cien ministre de l'agriculture, en présence
de l'offre qui lui était faite, a objecté qu'il
ne pouvait guère passer du ministère radi-
cal de M. Bourgeois dans un modéré, et il a
ajouté qu'il subordonnait sa réponse à celle
de M. Sarrien.
Mais cette réponse de M. Sarrien peut-
elle être douteuse? Assurément non. Il est
absolument certain que le ministre de l'in-
térieur du cabinet démissionnaire refusera
formellement d'accorder son concours à
M. Méline. Il est évident qu'il est impossible
à l'honorable député de faire, au profit des
modérés, ce que ceux-ci ont refusé de faire
pour lui-même.
Aujourd'hui donc, M. Méline devant se
rendre pour la troisième fois ce matin au-
près de M. Sarrien., cette seconde tentative
de conciliation aura vécu et l'on se trouvera
dans l'alternative de former un ministère
homogène, dans un sens ou dans l'autre.
MINISTÈRE HOMOGÈNE
M. Méline sera-t-il l'homme qui se char-
gera de cette besogne ? Nous le croyons vo-
lontiers avec les amis du député des Vosges
qui disaient hier dans les couloirs que M.
Méline était décidé à faire son cabinet quand
même.
Il semble, en effet, que cela soit exact,
car, sans se soucier de l'acceptation ou du
refus de M. Sarrien, plusieurs des futurs
collaborateurs de M. Méline ont tenu, dès
hier, de cinq à six heures et demie, au do-
micile du député des Vosges, 4, rue Co-
maille, un premier conseil dans lequel les
diverses éventualités ont été envisagées.
A cette conférence assistaient, outre M.
Méline, MM. Poincaré, Georges Cochery,
Barthou et le général Billot.
MINISTRE DE LA PAROLE
La présence de M. Poincaré pourrait lais-
ser croire que le député de la Meuse fera
partie de la nouvelle combinaison. Il n'en
est rien. M. Poincaré a refusé le portefeuille
de l'intérieur que lui offrait M. Méline et,
dit-on, pour des raisons absolument person-
nelles. Nous avons dit, il y a quelque
temps, que M. Poincaré voulait se consacrer
uniquement à sa profession d'avocat.
Mais tout en plaidant le plus possible, M.
Poincaré espère avoir des loisirs, et ces loi-
sirs. il a déclaré à M. Méline qu'il les con-
sacrerait entièrement à M. Méline, en défen-
dant sa Dolitique à la tribune et en donnant
son concours à ses divers collaborateurs. En
somme, suivant l'expression heureuse du
Gaulois, M. Poincaré sera le ministre de la
parole sans portefeuille.
Or, dès hier, M. Poincaré est entré en
fonctions et a assisté à toute la délibération
qui a eu lieu chez M. Méline. Bien que le
secret ait été gardé sur les observations
échangées, on nous rapporte que le député
de la lieuse pousse, autant qu il peut, à la
formation d'un ministère modéré homogène
et a engagé fortement M. Méline à se passer
du concours de MM. Sarrien et Viger.
Dans ces conditions il est à prévoir que
M. Poincaré sera écouté et que dès aujour-
d'hui M. Méline va aiguiller ses pourparlers
dans ce sens.
Quant à MM. Barthou, Georges Cochery
et le général Billot, ils ont accepté, sans
condition, de faire partie du cabinet. M. Ha-
notaux n'a pas encore donné sa réponse dé-
finitive. Avant de la donner, il veut con-
naître exactement quels seront ses collègues
et quelle est la politique qu'ils entendent
suivre.
Comment un diplomate pourrait-il agir
autrement ?
Quoi qu'il en soit, M. Méiine reprendra ce
matin ses négociations et ira, dans la mati-
née, voir le président de la République. En
cas de réussite, le ministère Méline ne se
présentera pas avant jeudi devant les
Chambres.
A LA CHAMBRE
La combinaison Méline ,est très froide-
ment accueillie dans les couloirs de la Cham-
bre parce qu'elle semble être un défi jeté à
la majorité qui a voté l'autre jour la motion
de M. Ricard, affirmant la prépondérance
des prérogatives de la Chambre, élue par le
suffrage universel.
Voici, d'ailleurs, l'opinion du groupe radi-
cal socialiste qui n'a pas voulu attendre plus
longtemps pour faire connaître son senti-
ment :
Le groupe radical socialiste constatant qu'à
la suite du dernier vote de la Chambre le pou-
voir n'a pas été offert à la majorité, déclare que
la formation d'un cabinet pris dans la minorité
consacrerait l'abdication de la Chambre devant
le Sénat et décide d'interpeller au nom des
règles parlementaires et des droits du suffrage
universel tout cabinet qui serait formé dans ces
conditions.
C'est une déclaration de guerre en règle,
mais pouvait-elle ne pas se produire, en
présence d'une si fâcheuse application du
droit des majorités?
Nous pouvons ajouter qu'au cours de la
réunion du groupe radical socialiste, M. Go-
blet a fait part à ses collègues de l'entre-
tien qu'il avait eu dimanche matin avec M.
Sarrien.
M. Goblet a tout d'abord manifesté à M.
Sarrien son étonnement profond de ne pas
avoir été consulté par le président de la Ré-
publique, alors que tous les autres prési-
dents des groupes parlementaires avaient
été appelés à l'Elysée, et il a fait remarquer
que pas un des députés qui ont vote la mo-
tion Ricard n'y avaient été mandés. On
sait, en effet, que M. Sarrien s'est abstenu.
M. Goblet a ajouté que dans ces condi-
tions il lui paraissait difficile d'accepter un
portefeuille dans la nouvelle combinaison.
Puis, mettant sa personnalité en dehors de
toute discussion, il a indiqué à M. Sarrien
qu'il lui paraissait impossible que le minis-
fère nouveau ne présentât pas un projet do
revision des lois constitutionnelles.
Les modérés ayant refusé, nous l'avons
dit hier, toute concession en ce sens, il ne
restait plus à M. Sarrien qu'à rendre son ta-
blier. Ce qu'il a fait.
LA REVISION
M. Gauthier (de Clagny) a écrit hier au
président de la Chambre pour l'aviser qu'il
se proposait d'interpeller le nouveau cabinet,
aussitôt sa constitution, sur l'accueil qu'il
entendait faire aux propositions de revision
inscrites à l'ordre du jour.
Par contre, comme cela était prévu, la
commission sénatoriale d'initiative a ap-
orouvé 1e raDDort de M.I.Pazat qui rejette
la prise en considération des propositions
révisionnistes de MM. Rousseau et Delpech,
d'une part et de MM. Anglès et Bayol,
d'autre part.
LA COMBINAISON MÉLINE
D'après les indications recueillies dans les
couloirs de la Chambre, voici la composi-
tion Pû peu près exacte du ministère dont
la formation a été entreprise par M. Mé-
line :
Présidence --- du - conseil
et agriculture MÉLINE
Intérieur. BARTHOU
Finances. G. COCHERY
Guerre. GÉNÉRAL BILLOT
llarine. BARBEY
Affaires étrangères. H-ANOTAUX
Justice. DEMOLE ou
FRANCK-CHAUVEAU
Instruction publique.. LEYGUES ou
DESCHANEL
Commerce ANDRÉ LEBON
Colonies TURREL
Travaux publics DESCUBES
*
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Les courses : A La Marche.
- Dîner et réception à l'Elysée, en l'honneur
du prince de Bulgarie.
— Durée du jour : 15 h. 36 m.
AU JOUR LE JOUR
Le ministère Méline, nous assure-t-
on, peut être considéré comme fait.
Mon ami, Lucien Victor-Meunier dit,
plus haut, quelle sera l'attitude du parti
radical en face d'un cabinet qui, s'il
n'ose être ouvertement un gouverne-
ment de combat, ne pourra être autre
chose qu'un gouvernement de résis-
tance. Il sied, sans doute, de remarquer
que non-seulement le président de la
République n'a pas offert le pouvoir à
M. Goblet dont l'intervention, cepen-
dant, a paru décisive au cours de la der-
nière séance de la Chambre, mais en-
core qu'il n'a cru devoir appeler, pen-
dant la crise, aucun des députés ayant
fait part;e de la majorité qui a voté la
résolution do M. Henri Ricard. Il y a là
peut-être, au point de vue des règles
parlementaires, une incorrection dont
il estpermis de s'étonner ; nous craignons
que, par cette exclusion des représen-
tants d'un parti qui s'est dans les der-
niers scrutins affirmé comme le plus
nombreux, M. Félix Faure ne se décou-
vre, et ne s'expose ainsi à des attaques
personnelles qu'il eût pu éviter. Nous
regrettons d'avoir à faire ces constata-
tions, mais il nous était impossible de
ne pas remarquer qu'une fois de plus le
système parlementaire se trouve faussé
dans son application, et cela précisé-
ment, semble-t-il, par celui-là même
dont la tâche devrait être de la faire
respecter rigoureusement par tous,
même par lui.
CHEZ NOUS
Nous avons dit hier que M. Paul
Meurice vient d'être opéré de la cataracte.
L'opération, laite par l'un des premiers
oculistes de Paris, le docteur Trousseau, a
merveilleusement réussi.
C'est mardi dernier que l'auteur de
Struensée a été opéré ; vendredi le docteur
Trousseau autorisait son malade à se lever,
et à partir d'aujourd'hui, la guérison étant
complète, le bandage placé sur l'œil opéré
sera levé et simplement remplacé par des
lunettes à verres fumés.
Grâce à l'habileté de son opérateur,
M. Paul Meurice va pouvoir reprendre ses
occupations et suivre les répétitions
d'Hamlet, qui commenceront sous peu de
jours à la Comédie-Française.
—- Le président de la République a
reçu hier dans l'après-midi, le maréchal
Yagamata.
-- Le prince de Bulgarie à Paris :
Dans l'après-midi, illa visité l'école mili-
taire de Saint-Cyr, où il s'est rendu avec
sa suite par train spécial.
Le soir, le prince a dîné à l'ambassade de
Turq uie.
- Le vice-recteur de l'académie de
Paris a visité hier, à deux heures, le mu-
sée pédagogique que la ville de Paris vient
d'organiser 47, rue Montmartre.
Plusieurs conseillers municipaux, ainsi
que le personnel de l'inspection des éco-
les, ont accompagné M. Gréard dans cette
visite.
Le musée sera ouvert au public à partir
du xei mai.
.,.,. Demain sera célébré, à l'église de
Notre-Dame d'Auteuil, le mariage de M.
Georges Boulot, avocat à la cour d'appel,
avec Mlle Marguerite Viguier, petite-fille
de M. X. Ruel, conseiller municipal de
Paris.
On connaît les premiers résultats
du recensement de Paris.
Le 12 mars 1891, Paris comptait 2,424,703
habitants.
Ce chiffre s'élevait, à la date du 29 mars
1896, à 3,511,955 habitants, soit une aug-
mentation de 87,250 habitants.
Cette augmentation a porté presque ex-
clusivement sur les quartiers excentriques.
Veut-on savoir, à ce propos, dans quelle
proportion la population parisienne a crû
depuis le commencement du siècle ?
En 1801, Paris renfermait 547,756 habi-
tants; en 1831,785,862; en 1846, 1,055,897;
en quarante-cinq ans, la population avait
presque doublé.
En 1861, les Parisiens étaient 1,699,141.
Depuis, comme on voit, le chiffre n'a fait
que grossir, d'année en année ; et si l'on
compte avec Paris, sa banlieue, on s'aper-
cevra que depuis le commencement du
siècle, le nombre des Parisiens a quin-
tuplé.
Le Passant.
LE CRIME DE NEVY
Assassinat d'un maire
Hier, à Névy, dans le canton de Voiteur
(Jura), le maire de la commune, M. Louis
Guillon, a été assassiné par un individu de
vingt-huit ans, nommé Louis Colin.
Ce dernier passe pour anarchiste.
Sans provocation aucune, il a donné deux
coups de couteau au maire et l'a atteint à la
gorge. La mort a été presque instantanée.
On croit que la haine politique est le seul
mobile de ce crime qui cause une vive émo-
tion dans la région.
L'AFFAIRE CORNÉLIUS HERZ
Comme nous l'avons annoncé, l'af-
faire Cornélius Herz a commencé hier
à Bournemouth, et voici les dépêches
que notre correspondant nous envoie
à ee sujet :
Bournemouth, 27 avril.
Le juge arrivera à midi un quart. L'affaire
Herz commencera à une heure. Le juge
amènera de Londres avec lui un médecin au
cas où le docteur Frazer, médecin ordinaire
de M. Herz, déclarerait son client trop ma-
lade pour que l'affaire puisse commencer
aujourd'hui. Le nouveau médecin jugerait
s'il est possible ou non de poursuivre l'af-
faire.
On n'admettra que très peu de monde.
Le docteur Herz sera représenté par sir
George Lewis, son solicitor, et par M. Char-
les Mathews, son avocat.
Sir George se trouvait déjà hier ici. Il est
resté longtemps en conférence avec la fa-
mille Herz.
Suivant le rapport des médecins qui ont
visité le docteur Herz et sur les instructions
du gouvernement anglais, les débats ne
peuvent durer que d ux heures, à moins
que le docteur Herz ne demande lui-même
leur continuation.
Pendant les débats, le malade doit rester
dans son lit, complètement étendu.
Dans ces conditions, on ignore si l'affaire
pourra être terminée rapidement.
(Dépêches,de la soirée)
Plusieurs policemen ont été placés devant
la demeure de Cornélius Herz. lis gardent
toutes les entrées de la maison et du jardin,
et il est impossible d'y pénétrer.
Sir John Bridge, les avocats, les solicitors
et le médecin se sont réunis à Burlington-
Hôtel d'où ils partent ensemble, Ils pénè-
trent dans la maison du docteur Herz.
A une heure vingt, sir John Bridge entre
dans la chambre da malade. Cette pièce,
très petit e, ne peut pas contenir toutes les
personnes présentes et la por e de la cham-
bre précédant celle du docteur Herz reste
ouverte pour leur permettre d'assist r à
l'interrogatoire.
Le lit du malade, en fer, très ordinaire et
sans rideaux, est placé en face de cette
porte. Cornélius Herz est étendu, presque
inerte. La chambre est plus que modeste-
ment meublée.
Mme Herz est pâle et a les yeux rougis,
Elle est assise à la tête du lit, du côté droit.
Une des filles de Cornélius Herz, assistée
d'une garde-malade, se tient du côté gauche
avec le docteur Frazer.
A peine le juge est-il entré que le malade
est pris d'un spasme et do vomissements ;
puis il s évanouit. On soutient le malade en
lui faisant respirer des sels. Sa tille et la
garde-malade lui appliquent constamment
sur le front des compresses glacées et met-
tent dans son lit des morceaux de glace.
Sir John Bridge et le greffier s'asseoient
au pied du lit du malade.
Les avocats et plusieurs médecins restent
debout aux deux côtés de ce tribunal impro-
visé.
Les débats se réduisent à l'indispensable.
L'impression générale est qu'il faut les
abréger le plus possible.
L'inspecteur Bartels qui, pendant plusieurs
années, a surveillé le malade, prête serment.
11 lit de nouveau le mandat d'arrêt et dépose
qu'il a notifié ce mandat à ilerz dans cette
même chambre.
Questionné sur ce que répondit Herz, le té-
moin dit qu'il ne répondit rien.
Le nouveau mandat vise les menaces en
vue d'extorquer de 1 argent.
Le détective Bartels, sur la demande du
juge, affirme sous serment l'identité de
Herz.
Frazer et le docteur sir Richard Quaint
confirment cette identité.
Le magistrat dit que les dépositions trans-
mises par le gouvernement français doivent
être lues au prisonnier même, à moins que
toutes les parties acceptent de les considé-
rer comme lues.
M. Charles Mathews qui, avec sir Georges
Lewis, défend Herz, consent à ce que ces
dépositions ne soient pas lues.
Le magistrat, s'adressant directement au
malade qui paraît dans un état absolument
inconscient dit: « Docteur Herz, comprenez-
vous? »
Tous les yeux regardent le malade, dont
la vie se trahit seulement par quelques
spasmes et dont il est impossible de saisir
la moindre réponse.
Lé magistrat, insistant, demande à Mme
Herz de communiquer sa question au ma-
lade.
Mme Herz répond que son mari a compris
et consent.
Toutes les parties consentent également.
Le magistrat déclare aussi que les débats
contradictoires doivent avoir lieu en pré-
sence de l'accusé, à moins que toutes les
parties acceptent qu ils aient heu a Londres
et soient considérés comme la continuation
de l'audience d aujourd hui.
Toutes les parties promettent, et le con-
seil de Herz promet formellement de ne
soulever ultérieurement aucune objection
du chef de cet arrangement.
Le docteur Thomas Buzzard, sommité mé-
dicale anglaise, qui, récemment, lit avec un
collègue l'examen approfondi du malade,
s'avance et dépose sur la question Le ma-
lade peut-il être transporté à Londres, en
prison ou dans tout autre endroit ?
Réponse : Certainement non, sans danger
pour sa vie.
Sur la question : Pensez-vous que le ma-
lade puisse se rétablir?
Réponse : Non, et le docteur, dont les
yeux considèrent le malade, semble craindre
l'effet sur ce dernier de cette réponse. 11
ajoute, comme atténuation, pas de longtemps
au moins, autan, que possible.
Her*, toujours inerte, semble ne rien en-
tendre ni comprendre.
Sir John, sur la déclaration que Hers ne
peut pas se mouvoir hors de son lit, accepte
la caution de cinquante mille francs jusqu'à
lundi prochain, puis il est décidé que les
débats continueront samedi prochain à Lon-
dres, à Bow-Street, à dix heures et demie.
Si les débats sont terminés samedi, la
décision sera probablement rendue lundi à
Bournemouth, en présence da Herz.
En se retirant, sir John Bridge a exprimé
à Mme Herz ce que l'accomplissement de sa
mi&sion avait parfois de pénible.
A la sortie de la maison du docteur Herz.
on disait dans l'entourage du magistrat et
parmi les médecins qu'il semblait difficile
que l'extradition pût être effectuée de fait'
si elle était accordée de droit.
Il va sans dire que nous transcrivons cette
dépêche de Bournemouth sans prendre en
quoi que ce soit la responsabilité des affir-
mations qu'elle contient, particulièrement
sur l'état de maladie de Herz.
La caractéristique d'une plaisanterie an-
glaise est d'être froide et de n'en jamais
finir.
CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Mon collaborateur Samson et moi
nous ne saurions être que tout à fait
reconnaissants à la critique de l'accueil
qu'elle a bien voulu réserver au drame
que vient de représenter le théâtre du
Chàtelet, Catherine de Russie, où notre
interprète, Mme Tessandier — ceci, il
m'est permis de le dire — fut vraiment
admirable. Nous n'avons certes pas la
prétention d'avoir rénové le drame his-
torique, mais nous serions bien aise
de concourir à sa résurrection, car je
crois fermement que c'est un genrfc
élevé, qui se prête avec un pittoresquê
qu'aimera toujours la foule, avec une
intensité qu'il appartient aux auteurs
de rendre pénétrante, à l'éternelle étude
des passions.
Avec une amicale courtoisie, cepen-
dant, quelques-uns ont laissé percer
cette opinion que, dans une pièce qui se
piquait d'une documentation exacte,
nous avons fait une large part au ro-
manesque. Nous n'en disconvenons.
point, mais la vérité historique elle-
même nous la fournirait. Rien ne fut
plus réel que cet aflolement de tout un
peuple, admettant, sur une ressem-
blance assez vague, la fable imaginée
par l'héroïque révolté PougatchefI, se
donnant pour le tsar Pierre III, mort
depuis onze ans, pourtant. Il avait suffi
qu'en prenant, afin de donner une force
de plus à l'œuvre d'affranchissement.
qu'il avait entreprise, la personnalité
du tsar, il déclarât que celui-ci avait
échappé par miracle à un péril mortel,
pour être cru et suivi. Et de ce men-
songe, si grossier, il rougissait pour-
tant lui-même, si ardente, si sincère
que fût sa pitié 'pour les misères popu-
laires. Cependant, à sa voix, sur cette
seule déclaration, toute la Russie méri-
dionale s'était levée. On m'assurait, ces
jours-ci, que le souvenir de Pougat-
cheff, entouré d'une prestigieuse lé-
gende, vivait encore parmi les popula-
tions du Don, et que certains,malgré sa
rétractation qui fut solennelle, le véné-
raient toujours comme un souverain
martyr.
Au reste, la Russie fut la terre classi-
que des aventuriers osant s'emparer de
noms illustres, et le respect religieux
même de la foule pour ses empereurs
fut la cause des plus étranges illusions,
des erreurs les plus singulières. Mais
pour retrouver chez le peuple russe
cette extraordinaire crédulité, il n'est
pas besoin de remonter loin et d'evo-
quer le faux Dmitri, C'est jusqu'en cc
temps-ci, et dans la capitale, que de tels
faits se peuveut renouveler. Et qui sait
si, les circonstances aidant, ils ne pour-
raient pas aller encore jusqu'à de su-
prêmes impostures ? Je ne parle pas
seulement des prophètes qui naissent
constamment sur ce sol, affirmant uno
origine divine, et qui entraînent des lé-
gions de paysans. Non, 11 y a treize ans
quelque temps avant le couronnement
du tsar Alexandre lll, une fable - la
plus bizarre, la plus folle de toutes ! —
trouva creance à .Saint Pétersbourg.
C'est une curieuse aventure, parce
qu'il s'y môle un côte très moderne,
mais elle atteste que la foi au merveil-
leux n'est pas eteinte, et elle explique,
psychologiquement, quelques-uns des
bouleversements d'arnè populaires du
passé. Le scepticisme, élégant des clas-
ses élevées. en iiussie, a pour contraste
frappant la prodigieuse facilite à tout
admettre, chez les simples.
C'était à la lin de l'niver, à l'heure où
le soir tombe, dans la cathédrale de
Saint Isaac Une s'y trouvait plus que
quelques bonnes gens, qui faisaient
leurs dévotions, devant les lmagest
entre les hautes colonnes de malachite
et d'agate du temple magnifique qu'é-
leva, pour attester la sincérité de son
orthodoxie nouvelle, l'impératrice Ca-
therine Ces moujicks, au milieu do
leurs genufiexions et de leurs signes-
de croix, virent tout à coup une chose
inouïe.
Une ombre s'était arrêtée devant
l'iconostase, qui resplendit de gemmes
sur ses portes d'or, et qui est un des
plus riches parmi ceux des églises
russes modernes. Elle était venue
lentement, glissant mystérieusement
sur les dalies. Les moujicks regar-
dèrent. A travers la deuii-obscuritè du
temple, ils distinguèrent, avec stupeur,
que l'ombre était revêtue du manteau
d'uniforme que portait, le jour de son
assassinat, le tsar Alexandre Il. Péné-
trés d'émotion, ils ouvrirent leurs yeux
plus grands, et ils aperçurent, sur le
manteau, de larges taches de sang.
L Ombre s'agenouilla un instant, puis,
brusquement, elle disparut, elle sembla
s'èvanoult.
PARIS ET DEPARTEMENTS
Le Numéro, CINQ CEKTIMES
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
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et AUX BUREAUX DU JOURNAL vi
1
RÉDACTION 3 'iSJ,æe tfartre, 131
'De £ à 8 heures du son* et de i0 heures du soir à 1 heure du matm
N" 9548. - Mercredi 29 Avril 1896
10 fLOREAL AN 104
ADMEVISTRATiORI s 131, rue Montmartre, 231
Adresse? lettres tô manitcs twidnishuteur
NOS LEADERS
LE PARTI RADICAL
Il paraît que décidément nous som-
mes menacés d'un ministère Méline.
, Sarrien, c'était la concentration à gau-
che; Méline, ce serait la concentration
à droite. Donc, aggravation. C'est la
faute aux radicaux ! s'écrie le Temps.
Et nettement, il les accuse d'avoir,
« par leurs folles exigences » — je
n'invente rien ; le Tempsécrit: fol-
les exigences — empêché M. Sarrien
de réussir. Quelles exigences? «Ces
profonds politiques » — je cite tou-
jours le Temps — désiraient que dans
le programme du cabinet fussent ins-
crits l'impôt sur le revenu et la revi-
sion. Comprend-on ces radicaux ?
s'obstiner ainsi à tenir leurs promes-
ses ! avoir de la sorte le souci de rem-
plir leurs engagements ! A-t-on jamais
vu ?. Le Temps n'en revient pas.
De telle façon que nous voilà parfai-
tement fixés sur la manière dont les
modérés entendent la concentration,
cette fameuse « conciliation » dont on
nous fatigue le tympan depuis des
jours. Ils consentiront à se montrer
conciliants à la seule petite condition
que les radicaux renoncent à toutes
leurs revendications, à tout ce qui est
leur raison d'être, abdiquent, s'effa-
cent. — Merci bien.
***
Avec M. Méline, la situation est très
claire.
Récemment M. Méline s'est posé en
adversaire énergique de l'impôt sur le
revenu. Avocat autorisé de l'aristo-
cratie rurale, il représente mieux que
quiconque les intérêts conservateurs.
Le Sénat lui fera le plus chaleureux
accueil.
Concentration, ai-je dit tout à
l'heure. Pourtant on annonce, en der-
nière heure, qu'après avoir songé à
offrir deux ou trois portefeuilles à des
radicaux — mais quels radicaux les
eussent acceptés? — M. Méline s'est
décidé à faire un ministère homogène.
Homogénéité, soit; mais concentra-
tion tout de même. Car je défie bien
M. Méline, dès la première interpella-
tion, de n'avoir pas recours aux bul-
letins de vote des ralliés et des réac-
tionnaires. S'il est maintenu au pou-
voir, il ne le sera que grâce au
concours des ennemis de la Républi-
que. Concentration à droite, oui, avec
la droite, forcément.
Il eût été plus franc d'aller tout de
suite à M. Charles Dupuy, voire à M.
Demôle, comme je l'indiquais dès le
premier jour. On n'a pas osé. Mais
M. Méline est trop fluet, trop exigu,
pour qu'on ne voie pas le corpulent
M. Dupuy embusqué derrière lui. Ima-
ginez un rhinocéros essayant de se
cacher derrière un bouleau.
Le ministère Méline, c'est le minis-
tère Dupuy — avec des précautions
aratoires.
..**
Voici donc les radicaux rejetés bon
gré mal gré dans l'opposition. Ah ! ce
parti radical! comme depuis quelques
jours, dans la presse modérée, on le
vilipende, on le calomnie, on l'insulte !
Cela prouve tout simplement qu'il
existe. On avait pu le croire mort. Si
longtemps il s'était effacé. La concen-
tration, vous comprenez!. Il avait
mis son drapeau dans sa poche; il
avait biffé de sa main les articles es-
sentiels de son programme ; il ajour-
nait tout; il renonçait à tout; ratatiné,
réduit à rien. Nous sommes quelques-
uns qui avons entrepris de le faire
sortir de ce sommeil qui sentait la
terre. D'où, colère. Et pas seulement
chez les modérés ; mais aussi — ce
qui est plus étrange — de la part de
certains radicaux.
Ils avaient pris, parait-il, la douce
habitude de l'engourdissement. Ils re-
posaient au chaud, telles des mar-
mottes hivernant. Nous leur faisons
l'effet d'un courant d'air. Ils grognent.
Maussades, ils morigènent ces jeunes
gens — nous — coupables à leurs
yeux d'avoir quelque chose dans la
tête et dans le ventre. Mais, alors,
disent-ils, si le parti radical se remue,
s'agite, agit, il n'y aura plus de diffé-
rence entre lui et le parti révolution-
naire?. Eh! malheureux ! ne voyez-
vous pas que si les révolutionnaires,
les collectivistes ont ainsi - ce dont
vous vous plaignez — accaparé l'opi-
nion publique, c'est parce que l'abdi-
cation des radicaux leur laissait le
champ libre.
#*#
Qu'en face du parti conservateur,
du parti réactionnaire, il n'y ait que
le parti collectiviste, le parti de la Ré-
volution, nous trouvons cela mauvais,
nous autres. Nous estimons que la
place du parti radical est précisément
entre ceux qui ne veulent rien édifier
et ceux qui veulent tout détruire. Nous
voulons qu'il reprenne cette place, et
pour mon compte j'ai la conviction
d'avoir agi pour la République et pour
la France en proposant au Comité
d'action pour tes réformes républi-
caines de prendre l'initiative du mee-
ting du Tivoli-Wauxhall.
Parce qu'à ce meeting des orateurs
appartenant aux partis extrêmes ont
pris la parole, parce qu'à la sortie
quelques désordres se sont produits,
surtout provoqués par les mesures po-
licières si maladroitement prises, les
modérés tentent de dénaturer cette
manifestation. Encore hier, les Débats,
non sans une certaine perfidie passa-
blement savoureuse, dans cette phrase
parue sous ma signature, ici : « Le
meeting a bien eu, dans son ensemble,
le caractère que nous voulions lui
donner », s'efforçait de voir une ap-
probation donnée par moi au cri de
« Vive la Commune! ». Les Débats ne
feront prendre le change à personne
de bonne foi. Quiconque est loyal re-
connaîtra que, par le meeting duWaux-
Hall, le parti radical s'est affirmé.
Rien de plus, rien de moins. Et c'est
ce que nous voulions.
**
Et l'œuvre que nous avons com-
mencée, nous entendons la continuer.
Et plus que jamais l'action vigoureuse
du parti radical nous paraît nécessaire,
urgente, au moment où se confec-
tionne un ministère destiné à repren-
dre les traditions des Dupuy et des
Casimir-Perier. Si ce ministère se fait
— peut-être sera-t-il fait à l'heure où
paraîtront ces lignes, peut-être se pré-
sentera-t-il aujourd'hui même devant
les Chambres — c'est la lutte. La lutte
pour le progrès, pour les réformes. Eh
bien ! les radicaux ne déserteront pas
le champ de bataille.
Et si, dans le combat, nous nous
trouvons avoir à côté de nous ces col-
lectivistes dont nous ne partageons ni
les doctrines ni les espérances, nous
ferons remarquer à nos adversaires
qu'ils marchent, eux, la main dans la
main, avec ce qui reste des factions
monarchistes, avec les cléricaux, avec
les irréconciliables ennemis de toutes
les libertés. Au moins, à nos alliés nul
ne pourrait refuser le titre de républi-
cains. Ils ont soutenu de leur parole,
de leurs votes le cabinet Bourgeois qui
ne leur a fait cependant aucune con-
cession ; ils l'ont soutenu, considérant
qu'avant tout il fallait lutter contre la
réaction. De même avec nous ils com-
battront.
Voilà huit ans, la République fut
menacée, gravement, par ses éternels
ennemis coalisés derrière le général
Boulanger. A ce moment opportu-
nistes, radicaux collectivistes s'uni-
rent; un manifeste parut avec ces
trois signatures: Clémenceau, Joffrin,
Ranc. — Le péril aujourd'hui n'est
pas moins grand qu'il ne l'était alors.
La même alliance peut et doit se faire
contre le nouveau Seize-Mai dont on
nous menace. Sans, bien entendu,
que le parti radical, reconstitué, revi-
vifié, abandonne rien de son autono-
mie, de sa personnalité, de ses prin-
cipes, de son drapeau.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelle tan
LA CRISE MINISTÉRIELLE
M. MÉLINE CONSULTE
Comme nous l'avions laissé pressentir, le
président de la République a fait appeler
hier matin, à huit heures, M. Méline à l'E-
lysée.
Le député des Vosges s'est rendu immé-
diatement auprès de M. Félix Faure qui lui
a fait connaître que, en présence de 1 échec
de M. Sarrien, il lui demandait de se char-
ger de constituer le nouveau ministère.
Suivant la formule habituelle, le député
des Vosges a consenti à voir ses amis, à les
consulter et à examiner dans quelles con-
ditions pouvait se dénouer la crise politique
actuelle.
Avant de raconter quelles ont été les dé-
marches de M. Méline, il faut que nous indi-
quions le sens du mandat qui lui a été remis
par M. Félix Faure.
Malgré l'échec de M. Sarrien, le président
de la République n'a 'pas perdu l'espoir de
voir se former un cabinet de conciliation
dans lequel pourraient entrer plusieurs re-
présentants des groupes avancés. « Faites
votre possible, aurait-il dit à M. Méline,
pour décider M. Sarrien à accepter un por-
tefeuille dans votre combinaison, et, lui en-
trant, vous obtiendrez d'autres adhésions
de députés progressistes. »
M. Méline n'a pas caché à M. Félix Faure
qu'en procédant ainsi il courrait à un échec ;
mais, par haute déférence pour le chef de
l'Etat, il a consenti à ouvrir ses négocia-
tions dans ce sens.
Il parait évident que M. Méline recevait
en même temps de M. Félix Faure un man-
dat plus large qui lui permettrait, en cas de
non réussite d'une combinaison do conci-
liation, de tenter une combinaison homo-
gène dans le sens modéré, est-il besoin de
le dire ?
Comme nous venons de l'expliquer, M.
Méline a employé sa première journée d'in-
vestiture, conformément au désir que lui
avait exprimé le président de la Répu-
blique.
Il s'est donc piis en campagne après avoir
conféré aveq MM. Poincaré, Georges Co-
chcry, IJcmotaux, Barthou et le général
Bill, pour rechercher le concours de deux
, anciens ministres du cabinet Bourgeois.
'1 Son choix s'est porté sur MM. Sarrien et
Vigor.
Par deux fois. à trois heures et à sept
heures, M. Méline s'est rendu au ministère
de l'intérieur, mais il n'y a pas rencontré
M. Sarrien. Lars de sa première visite, le
député de Saône-et-Loire était sorti; à sept
heures, M. Sarrien avait dû quitter la place
Beauvau pour se mettre en habit pour as-
sister à un diner officiel à l'ambassade otto-
mane.
Entre trois heures et quatre heures, M.
Méline avait conféré avec M. Viger. L'an-
cien ministre de l'agriculture, en présence
de l'offre qui lui était faite, a objecté qu'il
ne pouvait guère passer du ministère radi-
cal de M. Bourgeois dans un modéré, et il a
ajouté qu'il subordonnait sa réponse à celle
de M. Sarrien.
Mais cette réponse de M. Sarrien peut-
elle être douteuse? Assurément non. Il est
absolument certain que le ministre de l'in-
térieur du cabinet démissionnaire refusera
formellement d'accorder son concours à
M. Méline. Il est évident qu'il est impossible
à l'honorable député de faire, au profit des
modérés, ce que ceux-ci ont refusé de faire
pour lui-même.
Aujourd'hui donc, M. Méline devant se
rendre pour la troisième fois ce matin au-
près de M. Sarrien., cette seconde tentative
de conciliation aura vécu et l'on se trouvera
dans l'alternative de former un ministère
homogène, dans un sens ou dans l'autre.
MINISTÈRE HOMOGÈNE
M. Méline sera-t-il l'homme qui se char-
gera de cette besogne ? Nous le croyons vo-
lontiers avec les amis du député des Vosges
qui disaient hier dans les couloirs que M.
Méline était décidé à faire son cabinet quand
même.
Il semble, en effet, que cela soit exact,
car, sans se soucier de l'acceptation ou du
refus de M. Sarrien, plusieurs des futurs
collaborateurs de M. Méline ont tenu, dès
hier, de cinq à six heures et demie, au do-
micile du député des Vosges, 4, rue Co-
maille, un premier conseil dans lequel les
diverses éventualités ont été envisagées.
A cette conférence assistaient, outre M.
Méline, MM. Poincaré, Georges Cochery,
Barthou et le général Billot.
MINISTRE DE LA PAROLE
La présence de M. Poincaré pourrait lais-
ser croire que le député de la Meuse fera
partie de la nouvelle combinaison. Il n'en
est rien. M. Poincaré a refusé le portefeuille
de l'intérieur que lui offrait M. Méline et,
dit-on, pour des raisons absolument person-
nelles. Nous avons dit, il y a quelque
temps, que M. Poincaré voulait se consacrer
uniquement à sa profession d'avocat.
Mais tout en plaidant le plus possible, M.
Poincaré espère avoir des loisirs, et ces loi-
sirs. il a déclaré à M. Méline qu'il les con-
sacrerait entièrement à M. Méline, en défen-
dant sa Dolitique à la tribune et en donnant
son concours à ses divers collaborateurs. En
somme, suivant l'expression heureuse du
Gaulois, M. Poincaré sera le ministre de la
parole sans portefeuille.
Or, dès hier, M. Poincaré est entré en
fonctions et a assisté à toute la délibération
qui a eu lieu chez M. Méline. Bien que le
secret ait été gardé sur les observations
échangées, on nous rapporte que le député
de la lieuse pousse, autant qu il peut, à la
formation d'un ministère modéré homogène
et a engagé fortement M. Méline à se passer
du concours de MM. Sarrien et Viger.
Dans ces conditions il est à prévoir que
M. Poincaré sera écouté et que dès aujour-
d'hui M. Méline va aiguiller ses pourparlers
dans ce sens.
Quant à MM. Barthou, Georges Cochery
et le général Billot, ils ont accepté, sans
condition, de faire partie du cabinet. M. Ha-
notaux n'a pas encore donné sa réponse dé-
finitive. Avant de la donner, il veut con-
naître exactement quels seront ses collègues
et quelle est la politique qu'ils entendent
suivre.
Comment un diplomate pourrait-il agir
autrement ?
Quoi qu'il en soit, M. Méiine reprendra ce
matin ses négociations et ira, dans la mati-
née, voir le président de la République. En
cas de réussite, le ministère Méline ne se
présentera pas avant jeudi devant les
Chambres.
A LA CHAMBRE
La combinaison Méline ,est très froide-
ment accueillie dans les couloirs de la Cham-
bre parce qu'elle semble être un défi jeté à
la majorité qui a voté l'autre jour la motion
de M. Ricard, affirmant la prépondérance
des prérogatives de la Chambre, élue par le
suffrage universel.
Voici, d'ailleurs, l'opinion du groupe radi-
cal socialiste qui n'a pas voulu attendre plus
longtemps pour faire connaître son senti-
ment :
Le groupe radical socialiste constatant qu'à
la suite du dernier vote de la Chambre le pou-
voir n'a pas été offert à la majorité, déclare que
la formation d'un cabinet pris dans la minorité
consacrerait l'abdication de la Chambre devant
le Sénat et décide d'interpeller au nom des
règles parlementaires et des droits du suffrage
universel tout cabinet qui serait formé dans ces
conditions.
C'est une déclaration de guerre en règle,
mais pouvait-elle ne pas se produire, en
présence d'une si fâcheuse application du
droit des majorités?
Nous pouvons ajouter qu'au cours de la
réunion du groupe radical socialiste, M. Go-
blet a fait part à ses collègues de l'entre-
tien qu'il avait eu dimanche matin avec M.
Sarrien.
M. Goblet a tout d'abord manifesté à M.
Sarrien son étonnement profond de ne pas
avoir été consulté par le président de la Ré-
publique, alors que tous les autres prési-
dents des groupes parlementaires avaient
été appelés à l'Elysée, et il a fait remarquer
que pas un des députés qui ont vote la mo-
tion Ricard n'y avaient été mandés. On
sait, en effet, que M. Sarrien s'est abstenu.
M. Goblet a ajouté que dans ces condi-
tions il lui paraissait difficile d'accepter un
portefeuille dans la nouvelle combinaison.
Puis, mettant sa personnalité en dehors de
toute discussion, il a indiqué à M. Sarrien
qu'il lui paraissait impossible que le minis-
fère nouveau ne présentât pas un projet do
revision des lois constitutionnelles.
Les modérés ayant refusé, nous l'avons
dit hier, toute concession en ce sens, il ne
restait plus à M. Sarrien qu'à rendre son ta-
blier. Ce qu'il a fait.
LA REVISION
M. Gauthier (de Clagny) a écrit hier au
président de la Chambre pour l'aviser qu'il
se proposait d'interpeller le nouveau cabinet,
aussitôt sa constitution, sur l'accueil qu'il
entendait faire aux propositions de revision
inscrites à l'ordre du jour.
Par contre, comme cela était prévu, la
commission sénatoriale d'initiative a ap-
orouvé 1e raDDort de M.I.Pazat qui rejette
la prise en considération des propositions
révisionnistes de MM. Rousseau et Delpech,
d'une part et de MM. Anglès et Bayol,
d'autre part.
LA COMBINAISON MÉLINE
D'après les indications recueillies dans les
couloirs de la Chambre, voici la composi-
tion Pû peu près exacte du ministère dont
la formation a été entreprise par M. Mé-
line :
Présidence --- du - conseil
et agriculture MÉLINE
Intérieur. BARTHOU
Finances. G. COCHERY
Guerre. GÉNÉRAL BILLOT
llarine. BARBEY
Affaires étrangères. H-ANOTAUX
Justice. DEMOLE ou
FRANCK-CHAUVEAU
Instruction publique.. LEYGUES ou
DESCHANEL
Commerce ANDRÉ LEBON
Colonies TURREL
Travaux publics DESCUBES
*
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Les courses : A La Marche.
- Dîner et réception à l'Elysée, en l'honneur
du prince de Bulgarie.
— Durée du jour : 15 h. 36 m.
AU JOUR LE JOUR
Le ministère Méline, nous assure-t-
on, peut être considéré comme fait.
Mon ami, Lucien Victor-Meunier dit,
plus haut, quelle sera l'attitude du parti
radical en face d'un cabinet qui, s'il
n'ose être ouvertement un gouverne-
ment de combat, ne pourra être autre
chose qu'un gouvernement de résis-
tance. Il sied, sans doute, de remarquer
que non-seulement le président de la
République n'a pas offert le pouvoir à
M. Goblet dont l'intervention, cepen-
dant, a paru décisive au cours de la der-
nière séance de la Chambre, mais en-
core qu'il n'a cru devoir appeler, pen-
dant la crise, aucun des députés ayant
fait part;e de la majorité qui a voté la
résolution do M. Henri Ricard. Il y a là
peut-être, au point de vue des règles
parlementaires, une incorrection dont
il estpermis de s'étonner ; nous craignons
que, par cette exclusion des représen-
tants d'un parti qui s'est dans les der-
niers scrutins affirmé comme le plus
nombreux, M. Félix Faure ne se décou-
vre, et ne s'expose ainsi à des attaques
personnelles qu'il eût pu éviter. Nous
regrettons d'avoir à faire ces constata-
tions, mais il nous était impossible de
ne pas remarquer qu'une fois de plus le
système parlementaire se trouve faussé
dans son application, et cela précisé-
ment, semble-t-il, par celui-là même
dont la tâche devrait être de la faire
respecter rigoureusement par tous,
même par lui.
CHEZ NOUS
Nous avons dit hier que M. Paul
Meurice vient d'être opéré de la cataracte.
L'opération, laite par l'un des premiers
oculistes de Paris, le docteur Trousseau, a
merveilleusement réussi.
C'est mardi dernier que l'auteur de
Struensée a été opéré ; vendredi le docteur
Trousseau autorisait son malade à se lever,
et à partir d'aujourd'hui, la guérison étant
complète, le bandage placé sur l'œil opéré
sera levé et simplement remplacé par des
lunettes à verres fumés.
Grâce à l'habileté de son opérateur,
M. Paul Meurice va pouvoir reprendre ses
occupations et suivre les répétitions
d'Hamlet, qui commenceront sous peu de
jours à la Comédie-Française.
—- Le président de la République a
reçu hier dans l'après-midi, le maréchal
Yagamata.
-- Le prince de Bulgarie à Paris :
Dans l'après-midi, illa visité l'école mili-
taire de Saint-Cyr, où il s'est rendu avec
sa suite par train spécial.
Le soir, le prince a dîné à l'ambassade de
Turq uie.
- Le vice-recteur de l'académie de
Paris a visité hier, à deux heures, le mu-
sée pédagogique que la ville de Paris vient
d'organiser 47, rue Montmartre.
Plusieurs conseillers municipaux, ainsi
que le personnel de l'inspection des éco-
les, ont accompagné M. Gréard dans cette
visite.
Le musée sera ouvert au public à partir
du xei mai.
.,.,. Demain sera célébré, à l'église de
Notre-Dame d'Auteuil, le mariage de M.
Georges Boulot, avocat à la cour d'appel,
avec Mlle Marguerite Viguier, petite-fille
de M. X. Ruel, conseiller municipal de
Paris.
On connaît les premiers résultats
du recensement de Paris.
Le 12 mars 1891, Paris comptait 2,424,703
habitants.
Ce chiffre s'élevait, à la date du 29 mars
1896, à 3,511,955 habitants, soit une aug-
mentation de 87,250 habitants.
Cette augmentation a porté presque ex-
clusivement sur les quartiers excentriques.
Veut-on savoir, à ce propos, dans quelle
proportion la population parisienne a crû
depuis le commencement du siècle ?
En 1801, Paris renfermait 547,756 habi-
tants; en 1831,785,862; en 1846, 1,055,897;
en quarante-cinq ans, la population avait
presque doublé.
En 1861, les Parisiens étaient 1,699,141.
Depuis, comme on voit, le chiffre n'a fait
que grossir, d'année en année ; et si l'on
compte avec Paris, sa banlieue, on s'aper-
cevra que depuis le commencement du
siècle, le nombre des Parisiens a quin-
tuplé.
Le Passant.
LE CRIME DE NEVY
Assassinat d'un maire
Hier, à Névy, dans le canton de Voiteur
(Jura), le maire de la commune, M. Louis
Guillon, a été assassiné par un individu de
vingt-huit ans, nommé Louis Colin.
Ce dernier passe pour anarchiste.
Sans provocation aucune, il a donné deux
coups de couteau au maire et l'a atteint à la
gorge. La mort a été presque instantanée.
On croit que la haine politique est le seul
mobile de ce crime qui cause une vive émo-
tion dans la région.
L'AFFAIRE CORNÉLIUS HERZ
Comme nous l'avons annoncé, l'af-
faire Cornélius Herz a commencé hier
à Bournemouth, et voici les dépêches
que notre correspondant nous envoie
à ee sujet :
Bournemouth, 27 avril.
Le juge arrivera à midi un quart. L'affaire
Herz commencera à une heure. Le juge
amènera de Londres avec lui un médecin au
cas où le docteur Frazer, médecin ordinaire
de M. Herz, déclarerait son client trop ma-
lade pour que l'affaire puisse commencer
aujourd'hui. Le nouveau médecin jugerait
s'il est possible ou non de poursuivre l'af-
faire.
On n'admettra que très peu de monde.
Le docteur Herz sera représenté par sir
George Lewis, son solicitor, et par M. Char-
les Mathews, son avocat.
Sir George se trouvait déjà hier ici. Il est
resté longtemps en conférence avec la fa-
mille Herz.
Suivant le rapport des médecins qui ont
visité le docteur Herz et sur les instructions
du gouvernement anglais, les débats ne
peuvent durer que d ux heures, à moins
que le docteur Herz ne demande lui-même
leur continuation.
Pendant les débats, le malade doit rester
dans son lit, complètement étendu.
Dans ces conditions, on ignore si l'affaire
pourra être terminée rapidement.
(Dépêches,de la soirée)
Plusieurs policemen ont été placés devant
la demeure de Cornélius Herz. lis gardent
toutes les entrées de la maison et du jardin,
et il est impossible d'y pénétrer.
Sir John Bridge, les avocats, les solicitors
et le médecin se sont réunis à Burlington-
Hôtel d'où ils partent ensemble, Ils pénè-
trent dans la maison du docteur Herz.
A une heure vingt, sir John Bridge entre
dans la chambre da malade. Cette pièce,
très petit e, ne peut pas contenir toutes les
personnes présentes et la por e de la cham-
bre précédant celle du docteur Herz reste
ouverte pour leur permettre d'assist r à
l'interrogatoire.
Le lit du malade, en fer, très ordinaire et
sans rideaux, est placé en face de cette
porte. Cornélius Herz est étendu, presque
inerte. La chambre est plus que modeste-
ment meublée.
Mme Herz est pâle et a les yeux rougis,
Elle est assise à la tête du lit, du côté droit.
Une des filles de Cornélius Herz, assistée
d'une garde-malade, se tient du côté gauche
avec le docteur Frazer.
A peine le juge est-il entré que le malade
est pris d'un spasme et do vomissements ;
puis il s évanouit. On soutient le malade en
lui faisant respirer des sels. Sa tille et la
garde-malade lui appliquent constamment
sur le front des compresses glacées et met-
tent dans son lit des morceaux de glace.
Sir John Bridge et le greffier s'asseoient
au pied du lit du malade.
Les avocats et plusieurs médecins restent
debout aux deux côtés de ce tribunal impro-
visé.
Les débats se réduisent à l'indispensable.
L'impression générale est qu'il faut les
abréger le plus possible.
L'inspecteur Bartels qui, pendant plusieurs
années, a surveillé le malade, prête serment.
11 lit de nouveau le mandat d'arrêt et dépose
qu'il a notifié ce mandat à ilerz dans cette
même chambre.
Questionné sur ce que répondit Herz, le té-
moin dit qu'il ne répondit rien.
Le nouveau mandat vise les menaces en
vue d'extorquer de 1 argent.
Le détective Bartels, sur la demande du
juge, affirme sous serment l'identité de
Herz.
Frazer et le docteur sir Richard Quaint
confirment cette identité.
Le magistrat dit que les dépositions trans-
mises par le gouvernement français doivent
être lues au prisonnier même, à moins que
toutes les parties acceptent de les considé-
rer comme lues.
M. Charles Mathews qui, avec sir Georges
Lewis, défend Herz, consent à ce que ces
dépositions ne soient pas lues.
Le magistrat, s'adressant directement au
malade qui paraît dans un état absolument
inconscient dit: « Docteur Herz, comprenez-
vous? »
Tous les yeux regardent le malade, dont
la vie se trahit seulement par quelques
spasmes et dont il est impossible de saisir
la moindre réponse.
Lé magistrat, insistant, demande à Mme
Herz de communiquer sa question au ma-
lade.
Mme Herz répond que son mari a compris
et consent.
Toutes les parties consentent également.
Le magistrat déclare aussi que les débats
contradictoires doivent avoir lieu en pré-
sence de l'accusé, à moins que toutes les
parties acceptent qu ils aient heu a Londres
et soient considérés comme la continuation
de l'audience d aujourd hui.
Toutes les parties promettent, et le con-
seil de Herz promet formellement de ne
soulever ultérieurement aucune objection
du chef de cet arrangement.
Le docteur Thomas Buzzard, sommité mé-
dicale anglaise, qui, récemment, lit avec un
collègue l'examen approfondi du malade,
s'avance et dépose sur la question Le ma-
lade peut-il être transporté à Londres, en
prison ou dans tout autre endroit ?
Réponse : Certainement non, sans danger
pour sa vie.
Sur la question : Pensez-vous que le ma-
lade puisse se rétablir?
Réponse : Non, et le docteur, dont les
yeux considèrent le malade, semble craindre
l'effet sur ce dernier de cette réponse. 11
ajoute, comme atténuation, pas de longtemps
au moins, autan, que possible.
Her*, toujours inerte, semble ne rien en-
tendre ni comprendre.
Sir John, sur la déclaration que Hers ne
peut pas se mouvoir hors de son lit, accepte
la caution de cinquante mille francs jusqu'à
lundi prochain, puis il est décidé que les
débats continueront samedi prochain à Lon-
dres, à Bow-Street, à dix heures et demie.
Si les débats sont terminés samedi, la
décision sera probablement rendue lundi à
Bournemouth, en présence da Herz.
En se retirant, sir John Bridge a exprimé
à Mme Herz ce que l'accomplissement de sa
mi&sion avait parfois de pénible.
A la sortie de la maison du docteur Herz.
on disait dans l'entourage du magistrat et
parmi les médecins qu'il semblait difficile
que l'extradition pût être effectuée de fait'
si elle était accordée de droit.
Il va sans dire que nous transcrivons cette
dépêche de Bournemouth sans prendre en
quoi que ce soit la responsabilité des affir-
mations qu'elle contient, particulièrement
sur l'état de maladie de Herz.
La caractéristique d'une plaisanterie an-
glaise est d'être froide et de n'en jamais
finir.
CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Mon collaborateur Samson et moi
nous ne saurions être que tout à fait
reconnaissants à la critique de l'accueil
qu'elle a bien voulu réserver au drame
que vient de représenter le théâtre du
Chàtelet, Catherine de Russie, où notre
interprète, Mme Tessandier — ceci, il
m'est permis de le dire — fut vraiment
admirable. Nous n'avons certes pas la
prétention d'avoir rénové le drame his-
torique, mais nous serions bien aise
de concourir à sa résurrection, car je
crois fermement que c'est un genrfc
élevé, qui se prête avec un pittoresquê
qu'aimera toujours la foule, avec une
intensité qu'il appartient aux auteurs
de rendre pénétrante, à l'éternelle étude
des passions.
Avec une amicale courtoisie, cepen-
dant, quelques-uns ont laissé percer
cette opinion que, dans une pièce qui se
piquait d'une documentation exacte,
nous avons fait une large part au ro-
manesque. Nous n'en disconvenons.
point, mais la vérité historique elle-
même nous la fournirait. Rien ne fut
plus réel que cet aflolement de tout un
peuple, admettant, sur une ressem-
blance assez vague, la fable imaginée
par l'héroïque révolté PougatchefI, se
donnant pour le tsar Pierre III, mort
depuis onze ans, pourtant. Il avait suffi
qu'en prenant, afin de donner une force
de plus à l'œuvre d'affranchissement.
qu'il avait entreprise, la personnalité
du tsar, il déclarât que celui-ci avait
échappé par miracle à un péril mortel,
pour être cru et suivi. Et de ce men-
songe, si grossier, il rougissait pour-
tant lui-même, si ardente, si sincère
que fût sa pitié 'pour les misères popu-
laires. Cependant, à sa voix, sur cette
seule déclaration, toute la Russie méri-
dionale s'était levée. On m'assurait, ces
jours-ci, que le souvenir de Pougat-
cheff, entouré d'une prestigieuse lé-
gende, vivait encore parmi les popula-
tions du Don, et que certains,malgré sa
rétractation qui fut solennelle, le véné-
raient toujours comme un souverain
martyr.
Au reste, la Russie fut la terre classi-
que des aventuriers osant s'emparer de
noms illustres, et le respect religieux
même de la foule pour ses empereurs
fut la cause des plus étranges illusions,
des erreurs les plus singulières. Mais
pour retrouver chez le peuple russe
cette extraordinaire crédulité, il n'est
pas besoin de remonter loin et d'evo-
quer le faux Dmitri, C'est jusqu'en cc
temps-ci, et dans la capitale, que de tels
faits se peuveut renouveler. Et qui sait
si, les circonstances aidant, ils ne pour-
raient pas aller encore jusqu'à de su-
prêmes impostures ? Je ne parle pas
seulement des prophètes qui naissent
constamment sur ce sol, affirmant uno
origine divine, et qui entraînent des lé-
gions de paysans. Non, 11 y a treize ans
quelque temps avant le couronnement
du tsar Alexandre lll, une fable - la
plus bizarre, la plus folle de toutes ! —
trouva creance à .Saint Pétersbourg.
C'est une curieuse aventure, parce
qu'il s'y môle un côte très moderne,
mais elle atteste que la foi au merveil-
leux n'est pas eteinte, et elle explique,
psychologiquement, quelques-uns des
bouleversements d'arnè populaires du
passé. Le scepticisme, élégant des clas-
ses élevées. en iiussie, a pour contraste
frappant la prodigieuse facilite à tout
admettre, chez les simples.
C'était à la lin de l'niver, à l'heure où
le soir tombe, dans la cathédrale de
Saint Isaac Une s'y trouvait plus que
quelques bonnes gens, qui faisaient
leurs dévotions, devant les lmagest
entre les hautes colonnes de malachite
et d'agate du temple magnifique qu'é-
leva, pour attester la sincérité de son
orthodoxie nouvelle, l'impératrice Ca-
therine Ces moujicks, au milieu do
leurs genufiexions et de leurs signes-
de croix, virent tout à coup une chose
inouïe.
Une ombre s'était arrêtée devant
l'iconostase, qui resplendit de gemmes
sur ses portes d'or, et qui est un des
plus riches parmi ceux des églises
russes modernes. Elle était venue
lentement, glissant mystérieusement
sur les dalies. Les moujicks regar-
dèrent. A travers la deuii-obscuritè du
temple, ils distinguèrent, avec stupeur,
que l'ombre était revêtue du manteau
d'uniforme que portait, le jour de son
assassinat, le tsar Alexandre Il. Péné-
trés d'émotion, ils ouvrirent leurs yeux
plus grands, et ils aperçurent, sur le
manteau, de larges taches de sang.
L Ombre s'agenouilla un instant, puis,
brusquement, elle disparut, elle sembla
s'èvanoult.
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