Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-03-08
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 mars 1884 08 mars 1884
Description : 1884/03/08 (N5111). 1884/03/08 (N5111).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
Ne 5111 Samedi 8 Mars 1884 le Biiméro ; tOç* : Bé^wtemeiits s f$0* '-" 9 Ventôse an 92-N°5111
ADMINISTRATION
43, RIE DE VALOIS, 43
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 10 »
Six mois. 20 u
DEPARTEMENTS 1
Trois mois 1351
Sixmois 22 à -
*
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
JU)MlNISTRAZ £ 1!R GSBANX
) - i.
- c. REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rétkteiioa,
De it à 6 heures du soir
18, Jltœ DE VALOIS, 18
les manuscrits non insérés ne seront pas rendu
ANNONCES
M. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
: LES PRÉNOMS
P y a deux ans, un citoyen, accom-
pagné de deux témoins, se présentait à
la mairie de Montpellier pour faire en-
registrer un nouveau-né.
- Les prénoms? lui demandait l'em-
ployé.
— Lucifer-Blanqui-Vercingétorix.
L'employé refusait d'inscrire.
- Pourquoi?
- Parce que la loi me le défend.
En effet, le titre Ier de la loi du 21 ger-
minal an XI (1er avril 1803) débute par
cet article : « A compter de la publica-
tion de la présente loi, les noms en usage
dans les différents calendriers et ceux
des personnages connus de l'histoire
ancienne pourront seuls être reçus
comme prénoms sur les registres de
l'état civil destinés à constater la nais-
sance des enfants ; et il est interdit aux
officiers de létat civil d'en admettre
aucun autre dans leurs actes. »
Le père et les témoins s'en allèrent.
Ils revinrent douze jours après. Ils trou-
vèrent le même officier de l'état civil
et la même réponse. Alors, le père, les
témoins, et la mère avec eux, s'adressè-
rent au ministre de l'intérieur ;
« Eli ! quoi, monsieur le ministre, il
ne sera pas possible à un père de don-
ner à son enfant les noms qu'il vou-
dra ?. Il nous faudra, nous pères et
mères de famille socialistes et libres-
penseurs, faire porter à nos enfants
des noms ridicules ou odieux pris dans
le calendrier catholique et dans l'his-
toire des empereurs romains, et nous
ne pourrons pas honorer la mémoire de
ceux qui sont chers à notre parti et à
• l'humanité en donnant à nos enfants
- les noms respectés et aimés des apôtres
de l'affranchissement du peuple, ou de
la lutte héroïque soutenue par nos an-
êtres pour la liberté gauloise !»
La réponse fut faite par le juge de
paix, qui condamna le père à quelques
francs d'amende pour défaut de décla-
ration régulière à l'étal civil.
A peine né, Lucifer-Blanqui-Vercin-
gétorix mourut. Mais un autre enfant
vient de naître aux mêmes parents, et
voici la question qui recommence.
M. et Mme Négro-Minck ont voulu
redonner trois noms à leur second en-
fant comme au premier. Ils ont été
fidèles à Blanqui, mais ils ont lâché
Lucifer pour Spartacus et Vercingétorix
pour Révolution. Blanqui n'a pas été
plus heureux celle fois que l'autre,
Révolution n'a pas eu plus de chance
que Vereingélorix, et Spartacus a subi
la damnation de Lucifer.
Nouvelle lettre au ministre de l'inté-
rieur :
« Monsieur le ministre, déjà, il y a
deux ans, lors de la naissance de notre
petit Lucifer, nous vous avons envoyé
une pétition revendiquant nos droits de
père et mère de famille, et réclamant
contre la non-inscription de notre en-
fant sur les registres de l'état civil de
Montpellier. Aujourd'hui pareil fait se
reproduit ; de nouveau on vient de
refuser à l'état civil de Montpellier
l'inscription d'un autre enfant qui nous
est né. Les noms que nous avons donnés
à cet enfant n'ont pourtant rien d'extra-
ordinaire ni de scandaleux et n'ont été
refusés'qu'en vertu de la fameuse loi
ridicule et réactionnaire de la dernière
année du Consulat, qui interdit aux
parents de donner à leurs enfants
d'autres noms que ceux du calendrier
catholique ou de l'histoire romaine.
Nous sommes bien décidés, monsieur
le ministre, à maintenir jusqu'au bout
notre droit d'appeler notre fils comme
il nous convient, d'après nos idées et
nos principes ; nous verrons alors si,
nous enfermant dans la loi de i803, on
peut laisser un enfant sans inscription
à l'état civil, ou lui imposer des noms
appartenant à une religion ou à un
système politique que ses parents dé-
testent, méprisent et combattent. »
Nous serions étonnés si la seconde
lettre avait un autre effet que la pre-
mière.
Dans cette question, il y a, d'une
part, le droit du père et, de l'autre, le
droit de l'enfant.
Le droit du père de famille est de
donner à ses enfants les prénoms qui
lui plaisent. Mais supposez un mauvais
père ou seulement un père stupide : il
pourra donc infliger à ses enfants des
prénoms odieux ou ridicules? Voyez-
vous ce pauvre enfant condamné à
grandir et à circuler dans la vie pré-
cédé du prénom de Va-te-faire-fiche ou
de Laccnaire? Ne dites pas que cela
n'arriverait pas. Les parents du petit
Révolution affirment qu'il y a des en-
fants que leur acte de naissance appelle
« Alexandre Borgia » et « Bazaine M. 'n
Est-ce dans l'intérêt des enfants que
la loi du 21 germinal a été faite ? Evi-
demment, disent ses partisans. Moi, je
je ne trouve les enfants protégés qu'in-
suffisamment par une .loi qui interdit de
les prénommer Vercingétorix et Vel-
léda, et qui permet de les prénommer
Labre et Messaline. Messaline « est un
personnage connu de l'histoire »? Ver-
cingétorix aussi. Oui, mais Messaline
est de l'histoire « ancienne ». Il paraît
que les prénoms s'améliorent, comme les
vins, en vieillissant. Vercingétorix n'a
pas encore assez de siècles de bou-
teille.
Ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant
qu'a été faite une loi qui autorise à les
appeler Caligula et Locuste. Dans quel
intérêt, alors? Mais, comme toujours,
dans l'intérêt du maître.
Les monarchistes et les cléricaux ont
toujours su se rendre si populaires que
le premier mouvement de la grande
revanche avait été d'excommunier les
noms des saints et de les remplacer par
les noms des républicains. En 1803
« le front de l'empereur » achevait de
« percer le masque étroit du premier
consul », et c'est de l'horreur de Napor
léon pour tout ce qui perpétuait le nom
de la République qu'est née la loi de
germinal. Passe pour les noms des ré-
publicains de l'antiquité, mais on n'au-
rait eu qu'à prénommer les enfants Ro-
bespierre ou Danton 1 : ,- ,'
La morale de la fable est que la loi
n'a pas été faite dans l'intérêt de l'en-
fant, mais dans l'intérêt de l'empire,
qu'elle n'a pas été faite contre les noms
ridicules, mais contre la République,
et qu'il serait temps que la République
défit ce qui a été fait contre elle.
AUGUSTE VACQUERIE.
- <----
MINES ET MINEURS
C'est par un ordre du jour pur et
simple que la Chambre a répondu hier
aux réclamations , malheureusement
justifiées, des mineurs d'Anzin. Il n'y a
ri6» à faire, a dit le ministre. C'est
bientôt dit ! Le ministre n'ignore pas
cependant qu'il a des moyens sûrs entre
les mains de faire capituler les compa-
gnies et qu'il peut en user comme et
quand il lui plaît. Il a le pouvoir d'or-
donner tels ou tels travaux, de veiller
à la sécurité des galeries, de faire creu-
ser des puits d'aération, et, en poussant
son droit jusqu'au bout, d'obliger les
propriétaires de mines à lui obéir.
Quelle compagnie se trouve jamais
dans les conditions voulues et exigées
par les règlements et par la loi? Et à
quelle dépense ne l'obligerait-on pas
en la forçant de se conformer aux lois
et aux règlements ? Que les ministres
ne parlent donc point de leur impuis-
sance. Les ministres sont toujours
puissants quand ils savent vouloir. Il
leur suffit d'un moment d'énergie. Et.,
pour ma part, je connais une grande
compagnie minière qu'un ministre,
sans faire de fracas à la tribune, a su
mettre à la raison.
Il est certain qu'un ministre ne pos-
sède pas de moyens d'action directs sur
une compagnie; mais, en revanche, il
a des moyens d'action indirects qui
sont peut-être plus sûrs. Le tout est de
vouloir en user.
L'action du pouvoir central serait
d'autant plus justifiée aujourd'hui, que
ce sont les propriétaires des mines eux-
mêmes qui ont provoqué la grève et
qui semblent l'avoir voulue. Le mot
prêté à M. d'Audiffret-Pasquier est ty-
pique : Nous sommes monarchistes, et
le> ouvriers sont républicains. Il faut
donc punir les ouvriers et leur ap-
prendre à aimer la monarchie. Il faut
leur donner une leçon de politique pra-
tique. « Ah ! vous ne votez pas pour
nous! Ah ! vous ne portez pas Phi-
lippe VII dans votre eoeur ! attendez !
Nous vous enlevons votre pain de cha-
que jour. » Cette condamnation à la
misère est une manifestation orléaniste.
À côté de la passion politique, il y a
la passion sociale. M. Brousse l'a. dit
éloquemment à la tribune : les ouvriers
renvoyés appartiennent — à leurs ris-
ques et périls, s'est écrié M. Ribot, et
on ne le voit que trop — aux syndicats
professionnels. Les propriétaires des
mines d'Anzin ont horreur de la loi que
le Parlement a dernièrement votée et
que le parti républicain a mis sept ans
à obtenir. Les propriétaires des mines
d'Anzin, qui crieni^iistre, ne veulent
pas que leurs ouvriers, s'associent, s'or-
ganisent, s'entendent, comme les ou-
vriers allemands ou anglais. Ils comp-
tent, sous prétexte de liberté du travail,
le's tenir toujours isolés et dans leur
dépendance. Vous voulez profiter de la
loi? Sortez de chez nous !
Voilà la guerre déclarée aux ouvriers,
déclarée en même temps à la Chambre,
à la République et à la loi. M. d'Au-
diffret-Pasquicr se révolte. Il n'admet
pas de syndicats professionnels ; il ne
veut pas de syndiqués, et, usant de
son droit, ou plutôt en abusant, il
chasse de sa mine quiconque tente d'ac-
quiescer à une association licite. C'est
bien. Le ministre se déclare sans armes;
la Chambre lui vote un satisfecit. Mais
doit-elle s'en tenir là ?
Non, certes! Il lui reste à mettre à
son ordre du jour, le plus tôt possible,
immédiatement si elle le peut, la pro-
position de revision dé la loi de 1810,
dont le rapport doit être déposé. Si la
législation actuelle donne des résultats
si déplorables, il faut changer la législa-
tion.
EDOUARD LOCKROY.
•"
Les ministres anglais ont fait connaître
hier, devant le Parlement, les instructions
que le cabinet a données aux chefs du
corps expéditionnaire au Soudan. Le gé-
néral Graham et l'amiral Hewett marche-
ront contre Osman-Digma, s'ils le jugent
nécessaire. « Il faut mettre, a dit le mi-
nistre, les positions du littoral de la mer
Rouge à l'abri des menaces des tribus. »
Nous renvoyons à nos dépêches pour plus
de détails.
L'objectif principal est de laisser ou-
verte la route de Berber afin, disent les
ministres, de « faciliter la retraite des gar-
nisons égyptiennes du Soudan. »
mm 'J^T" ~T
A LA CHAMBRE
Entre les affirmations contradictoires
de M. Giard, de M. Brousse et du mi-
nistre des travaux publics, au sujet des
causes do la grève d'Anzin, il est possi-
ble que le débat engagé devant la
Chambre ne pouvait recevoir aucune
solution immédiate. Mais pour ces
crises industrielles, pour ces perturba-
tions plus ou moins sérieuses qui at-
teignent le travail, la production natio-
nale, il y a, sinon un remède tout pré-
paré, au moins une commission d'étude
dont la compétence en cette affaire ne
saurait être mise en question et dont
la bonne volonté n'eut pu être douteuse
si de regrettables intrigues n'avaient
pesé sur la nomination des 44.
Telle qu'elle est composée, cette com-
mission d'enquêle, pour peu qu'elle
prenne sa mission au sérieux, ne doit
pas hésiter un instant à déléguer quel-
ques-uns de ses membres pour juger,
sur les lieux mêmes, de la gravité des
questions soulevées par la grève
d'Anzin.
La commission d'enquête n'aurait
certainement :pas souhaité qu'un évé-
nement de cette sorte, toujours très fà-
cheux, se produisît au cours de ses
travaux. Mais puisque, par malheur,
une crise nettement caractérisée éclate
sur l'un des points du territoire, les 44
seraient inexcusables de ne pas mettre
à profit cette circonstance, déplorable
en elle-même, pour étudier sur le vif
la lutte du capital et du travail, ou plu-
tôt la lutte des capitaux divers qui con-
courent à la production. Laisser passer
une pareille occasion sans la saisir se-
rait faire preuve d'une indifférence,
nous dirions volontiers d'une inintelli-
gence qui ne peut pas se présumer.
La discussion sur l'enseignement
primaire a repris après le débat sur la
grève d'Anzin. M. Fallières, dont on
pouvait mieux attendre, a cherché à
expliquer pourquoi le gouvernement se
ralliait au système de la commission en
faveur de la nomination des institu-
teurs par les préfets. Il est toujours
étrange de voir le chef d'un départe-
ment ministériel abandonner ses pro-
pres agents. M. Fallières n'a pas réussi
à justifier cette singularité. M. le mi-
nistre de l'instruction publique redoute
pour les recteurs un fardeau trop lourd
et il prétend que ce n'est pas leur mon-
trer de la défiance que de continuer à
leur refuser une attribution dont ils
sont privés depuis longtemps. Si l'on
transportait la nomination des institu-
teiirs des recteurs aux préfets, on
pourrait réclamer, mais on se borne à
maintenir le statu quo, et, selon M.
Fallières, personne n'a le droit de s'en
plaindre. \.,
M. le ministre oublie de dire que,
contre ce statu quo, toute l'opposition a
réclamé pendant vingt ans, et certes on
n'eût guère pensé vers 1867 qu'un mi-
nistre républicain se ferait gloire, en
1884, de continuer l'empire.
M. Fallières, comprenant bien qu'il
livre les instituteurs aux rancunes po-
litiques, a essayé de soutenir que les
préfets, en ce qui concerne le personnel
de l'instruction, étaient ses subordon-
nés très soumis. En théorie, c'est vrai.
Mais un ministre de l'instruction publi-
que n'étant, d'ordinaire, à côté du mi-
nistre de l'intérieur qu'un personnage
politique de second plan, il n'est pas à
supposer qu'un préfet agréable à ce der-
nier ait beaucoup à craindre de M. Fal-
lières ou de tout autre ministre à sa
place. Les préfets sont aussi, si l'on
veut, les subordonnés du ministre du
commerce. Ils touchent à tout; mais ils
sont avant toutfonctionnairespolitiques,
et c'est à ce point de vue qu'ils, nom-
ment et révoquent les agents sous leurs
ordres..
Redoutant des conflits de l'institu-
teur avec les maires, avec les conseils
municipaux, avec tout le monde, M. le
ministre de l'instruction publique veut,
pour les trancher, « une seule autorité,
souveraine et maîtresse, l'autorité pré-
fectorale ». Autrefois aussi on disait :
une seule loi, mais on ajoutait logique-
ment : un seul Dieu, un seul roi. M. le
ministre ne voit-il.pas que cette unité
dans la servitude est chose d'un autre
temps, que cela concorde avec tout un
autre ordre d'idées et que c'est, en
même temps, le contraire de l'idée ré-
publicaine ?
Et puis, à qui M. Fallières pense-t-il
faire illusion en parlant de cette unité
d'impulsion donnée par l'autorité pré-
fectorale? D'abord, de tous les fonc-
tionnaires, M. Paul Bert l'a avoué, les
préfets sont, de beaucoup, les plus ins-
tables. La direction de l'enseignement
primaire va donc subir bien des contre-
coups, peut-être bien des métamor-
phoses. Mais, en admettant même une
stabilité qui n'existe pas, est-ce que,
dans les préfectures comme dans les
ministères, bien qu'à un degré beau
coup moindre, les affaires de toute
nature ne sont pas livrées aux bu;
reaux? Est-ce que, par conséquent,
la responsabilité des préfets ne sera pas
bien souvent illusoire? Mais qu'im-
porte aux centralisateurs, aux conti-
nuateurs de l'œuvre malfaisante de
l'an VIII,qu'importe, pourvu que la
centralisation étende de plus en plus
son action oppressive et mortelle ? La
France succombe sous le poids de l'au-
tocratie administrative ; ressorts, éner-
gie, caractère, intelligence, initiative;
tout se brise et fait défaut ; n'importe,
maintenons intacte l'omnipotence pré-
fectorale. C'est ce qui s'appelle, en ces
jours d'équivoque et de contresens vo-
lontaires, continuer l'œuvre de la Ré.
volutionl
L'interpellation de M. de Lanessati
sur l'affaire de Madagascar devait venir
samedi. D'accord avec le président du
conseil et sur sa prière, M. de Lanessan
a consenti à un ajournement de quinze
jours. Sans réclamer un débat plus prcK
chain et que la majorité n'aurait certes
pas accordé, M. Georges Perin a cons-
taté, une fois de plus, qu'après avoir
provoqué l'opposition à une discussion,
le gouvernement se dérobait. C'est un
jeu fort usé, ou plutôt qui devrait l'être, 1
mais qui réussit toujours avec la Cham- -1
bre actuelle.
M. Georges Perin n'a pas voulu
quitter la tribune sans arracher au mi
nistre la promesse de publier les do
cuments relatifs à cette question. M.
Ferry affectait d'abord de ne pas rc"!
pondre, mais, voyant que M. Peria
n'était pas homme à se décourager fa
ciJement, M. Ferry, de sa place, a pro-
mis de publier ce qu'il pourrait. Il est
à noter que, depuis janvier 1883, nous
ne savons rien de ce qui se passe à Mai
dagascar. C'est ce que les députés ap £
pellent faire do la politique coloniale.
Nous croyons que c'est, avant tout, de
la politique d'imprévoyance et d'aveu1
ture.
A. GAULIER,
♦ , ..m
La séance du Sénat a été remplie tout
entière par un vif débat sur l'indépen-
dance des maires à-l'égard des préfets ; ;
cela à propos du titre H de la loi munici- '■
pale. •
M. de Marcère a parlé pour les premiers
au-Sénat, et41 a, naturellement, défendu
la rédaction adoptée à la Chambre, peut-
être un peu à la légère. M. Waldeck-
Rousseau a parlé dans le même sens ; mais
M. Lenoël et M. Oudeî, dont l'ardeur libé-
rale ne désarme jamais, ont défendu les
droits des municipalités. Le Sénat, par des
votes successifs, s'est prononcé contre eux.'
Il est à espérer que la Chambre, mieux
inspirée, amendera le projet quand il va
revenir devant elle. — A. G.
» L
COULISSES DES CHAMBRES
La Chambre, ne siégeant pas aujour-
d'hui, ne pourra terminer que demain la
discussion de la question de la nomination
des instituteurs. C'est donc lundi seule-
ment que la grave question de l'élévation
du traitement viendra en délibératiDn.
Pour hâter le moment où ce différend sera
tranché, le gouvernement a résolu de
porter la question, non sur l.'rlcl:e 39 qui •
concerne te traitement des instituteurs*
mais sur l'article. 29 qui établit la classifi-
cation de ces fonctionnaires et qui préjuge
la question de l'élévation des traitements.
Nous avons déjà dit hier que M. Paul
Bert se proposait de généraliser la ques-
Feuilleton du RAPPEL
DU 8 MARS
^i, - U II
45
L'AFFAIRE DU MALPEL
xix v* - ,
L'interrogatoire :; ,
, L'aspect de la pièce avait été légère-
ment modifié depuis la première visite de
Paul. Les meubles avaient repris leur
place. Les amples rideaux du lit, fermés,
cachaient probablement le corps de M. de
Challenges dont une large tache brune
indiquait seule la situation primitive sur
le parquet.
Sur le bureau, à côté d'un large porte-
feuille ouvert, la bougie alluni-ée le
greffier du juge de paix pour l'apposition
des scellés brûlait encore, avec une flam-
me pâle de cierge morU>~;n,e dans le
demi-jour des volets eloçv
Georges de Ricumes imprima un mou-
vement de rotation à son fauteuil, ce qui
ftu fit tourner c dos à son portefeuille sur
Reproduction interdite.
Voir le Ra/iHci du 21 >anvicr au 7 mars.
lequel il était probablement occupé à
prendre des notes. D'un geste froid, stric-
tement poli, il indiqua un siège à son in-
terlocuteur.
Ils étaient seuls; le juge d'instruction
et son greffier n'ayant pu venir encore,
appelés à l'autre bout de l'arrondissement
pour constater un suicide.
- Monsieur, dit le jeune procureur de
la République après un instant de silence,
vous êtes le fils naturel de M. de Chal-
lenges?
Paul baissa la tête affirmativement.
— Je ne vois pas, a jouta-t-il, en quoi la
constatation -de ce fait peut servir la jus-
tice dans la recherche du meurtrier.
Malgré luirune sourde irritation perçait
dans l'accent de ses paroles. Cet homme
qui lui parlait ainsi, froidement, sans s'in-
quiéter de ce que chacun de ses mots pou-
vait avoiJ de froissant pour lui, cet homme
était le rival heureux devant lequel il ne
lui restait qu'à disparaître.
Il semblait que le sort n'eût refusé à
Paul sa part de bonheur que pour en
grossir la sienne.
Georges de Rieumes paraissait fort indif-
férent aux sensations du jeune médecin.
Il reprit du même ton froid :
— De quelle nature avaient été les rap-
ports entre vous et votre père?
— C'est un interrogatoire? remarqua
Paul avec un sourire légèrement railleur.
Je voudrais au moins savoir quel en est le
but.
Peut-être allait-il risquer une ironie
moins inoffensive, mais il se rappela ta
lettre de Juliette. Tant qu'il n'était pas
certain que Georges s'en fût dessaisi, la
prudence était nécessaire.
— Pourrais-je vous demander à mon
tour, continua-t -il, en tâchant de ramener
l'entretien au ton aisé d'une conversation
mondaine, si vous avez pu faire droit à la
demande de Mme Morel ? Il y a là un
mystère bien innocent, je puis vous l'as-
surer; mais elle n'en tient pas moins ex-
traordinairement à rentrer en posssion
de sa lettre.
— J'ai répondu à Mme Morel. Mais
veuillez vous-même me répondre. La re-
cherche d'un assassin est chose sérieuse.
Je n'ai pas besoin de vous faire remarquer
que telle de vos paroles peut être d'un
poids décisif.
-' Il allait probablement se laisser glisser
dans quelque métaphore où ne pouvaient
manquer d'apparaître les balances de la
justice. Il se souvint à temps qu'il ne
plaidait pas encore. Paul le regardait
étonné.
- Enfin, conclut le magistrat avec un
peu d'impatience, je vous interroge au
nom de la loi. Cela doit suffire.
- Parfaitement, monsieur. Mais, je
vous le répète, mon témoignage ne saurait
fournir grande lumière. Hier encore, j'i-
gnorais que M, de Challenges fût mon
père ; je savais à peine qu'i' el-stalt.
— Et qui donc vous a instruit? demanda
Georges avec une précipitation qui mit
Paul en garde. Un peu plus, il allait mêler
le nom de Juliette à ses réponses; et il ne
fallait pas même qu'un soupçon pût s'éle-
ver de ce côté dans l'esprit du magistrat.
— Le hasard a tout fait- reprit-il d'un
air d'insouciance. Permettez-moi de vous
le répéter, monsieur, votre ardeur d'arriver
à la vérité est assurément plus que légi-
time; mais elle fait fausse route.
— Vous avouez donc avoir eu des rap-
ports personnels avec la victime?
— Si vous voulez, accorda Paul, qui se
souvint d'avoir vu son père la veille, aux
Charmilles. Les événements s'étaient pré-
cipités de telle sorte que ce coup d'œil
rapidement échangé avec un homme qu'il
ne connaissait que de nom lui était déjà
presque sorti de la mémoire.
Georges de Rieumes insista.
'- Vous aviez rencontré M. de Chal-
lenges? :
Oui, monsieur.
—• Vous étiez venu le voir ici ?
— Jamais. - Vv' -
Georges avança la tête en écartant les
mains.
— Il serait difficile, dans la solitude où
vivait M. de Challenges, de trouver un
témoin ou une preuve du contraire.
- Je lo crois en effet, dit Paul avec
ironie. Mais, si vous doutez de mon témoi-
gnage, qui vous oblige à le provoquer?
La patience commençait à lui faire dé-
faut devant l'attitude de Georges. Celui-ci
ne parut pas le remarquer.
— Vous aviez connaissance du testa-
ment de M. de Challenges?
Paul hésita. Ceci le ramenait encore à
son entretien de la veille avec Juliette. Ce-
pendant il n'avait nul besoin, pour répon-
dre à cette question, d'indiquer la source
de ses renseignements Il finit par dire
avec une inclination de tête :
- Je le savais.
Il sentait bien que le procureur de la
République posait un à un les jalons d'un
système d'information. Mais où ce système
pouvait-il le mener?
- Monsieur, reprit Georges après s'ê-
tre détourné une minute pour tracer une
note sur une feuille de papier posée sur
sa serviette de maroquin noir, vous n'a-
vez pas paru très surpris, ce matin, en
apprenant la mort de M. de Challenges ; ni
très surpris, ni très ému.
— Surpris, jel'ai été extrêmement, Quant
au degré d'émotion que j'ai dû éprouver,
dans les circonstances où je me trouvais
vis-à-vis de mon père, vous me permet-
trez d'en garder l'appréciation pour moi
seul.
— Ceci veut dire, si je comprends bien,
que vous étiez mal avec la victime ? -
— Ni bien ni mal, ainsi qu'on peut
l'être avec une personne qu'on a vue une
fois, en tout, et avec laquelle on n'a pas
échangé dix paroles.
— Je vois qu'il sera difficile de tirer de
vous quelque chose de précis, dit Georges
en se levant, avec une détente subite dans
le geste et dans la voix.
Paul se leva également, croyant la
séance finie.
— A propos, reprit Georges en le regar-
dant en face, mais sans affectation, où
êtes-vous allé, je vous prie, cette nuit, en
sortant de votre chambre, entre minuit et
trois heures du matin? -
Paul recula d'un pas effaré. Pour rien
au monde il n'eût voulu avouer, à per-
sonne, cette fantaisie romanesque, éclose
dans son cerveau par un soir d'orage ; ces
trois lieues faites à pied, dans la boue,
pour contempler une minute la fenêtre
d'une fiancée qu'il pensait ne revoir ja-
mais. Toutes les pudeurs secrètes d'une.
âme forte et tendre, accoutumée à la so-
litude, se réveillaient en lui, lui faisant
monter le rouge au visage à la pensée qu'il
aurait pu être vu, deviné, raillé. La ques-
tion de Georges l'arrêta comme une in-
sulte; son premier mouvement fut d'y ré-
pondre par un soumet.
Mais une seconde pensée, rapide, aiguë,
foudroyante, fit tomber la rougeur de sa *
joue en la remplaçant par une pâleur mor-
telle. Brusquement, il venait de saisir la
sens de son interrogatoire, le but où ten-
daient toutes ces questions, insolentes ou :
oiseuses. •
',":- Mais,- monsieur, s'écria-t-il en ,reIe,'
vant la tête d'un geste indigné, mais,
monsieur, vous m'accusez !
- De quoi? dit Georges en fixant sur lu,
son regard froid.
Il y eut quelques secondes de silence
puis Georges fit un pas vers le lit, ouvrit
les rideaux, et, découvrant, montrant du
doigt la face pâle du cadavre :
— Eh bien ! oui, reprit-il d'une voix vi;
brante, tout vous accuse d'avoir assassiné
votre père 1
CHARLES LOMON.
(A siiùrt,)
ADMINISTRATION
43, RIE DE VALOIS, 43
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 10 »
Six mois. 20 u
DEPARTEMENTS 1
Trois mois 1351
Sixmois 22 à -
*
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
JU)MlNISTRAZ £ 1!R GSBANX
) - i.
- c. REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rétkteiioa,
De it à 6 heures du soir
18, Jltœ DE VALOIS, 18
les manuscrits non insérés ne seront pas rendu
ANNONCES
M. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
: LES PRÉNOMS
P y a deux ans, un citoyen, accom-
pagné de deux témoins, se présentait à
la mairie de Montpellier pour faire en-
registrer un nouveau-né.
- Les prénoms? lui demandait l'em-
ployé.
— Lucifer-Blanqui-Vercingétorix.
L'employé refusait d'inscrire.
- Pourquoi?
- Parce que la loi me le défend.
En effet, le titre Ier de la loi du 21 ger-
minal an XI (1er avril 1803) débute par
cet article : « A compter de la publica-
tion de la présente loi, les noms en usage
dans les différents calendriers et ceux
des personnages connus de l'histoire
ancienne pourront seuls être reçus
comme prénoms sur les registres de
l'état civil destinés à constater la nais-
sance des enfants ; et il est interdit aux
officiers de létat civil d'en admettre
aucun autre dans leurs actes. »
Le père et les témoins s'en allèrent.
Ils revinrent douze jours après. Ils trou-
vèrent le même officier de l'état civil
et la même réponse. Alors, le père, les
témoins, et la mère avec eux, s'adressè-
rent au ministre de l'intérieur ;
« Eli ! quoi, monsieur le ministre, il
ne sera pas possible à un père de don-
ner à son enfant les noms qu'il vou-
dra ?. Il nous faudra, nous pères et
mères de famille socialistes et libres-
penseurs, faire porter à nos enfants
des noms ridicules ou odieux pris dans
le calendrier catholique et dans l'his-
toire des empereurs romains, et nous
ne pourrons pas honorer la mémoire de
ceux qui sont chers à notre parti et à
• l'humanité en donnant à nos enfants
- les noms respectés et aimés des apôtres
de l'affranchissement du peuple, ou de
la lutte héroïque soutenue par nos an-
êtres pour la liberté gauloise !»
La réponse fut faite par le juge de
paix, qui condamna le père à quelques
francs d'amende pour défaut de décla-
ration régulière à l'étal civil.
A peine né, Lucifer-Blanqui-Vercin-
gétorix mourut. Mais un autre enfant
vient de naître aux mêmes parents, et
voici la question qui recommence.
M. et Mme Négro-Minck ont voulu
redonner trois noms à leur second en-
fant comme au premier. Ils ont été
fidèles à Blanqui, mais ils ont lâché
Lucifer pour Spartacus et Vercingétorix
pour Révolution. Blanqui n'a pas été
plus heureux celle fois que l'autre,
Révolution n'a pas eu plus de chance
que Vereingélorix, et Spartacus a subi
la damnation de Lucifer.
Nouvelle lettre au ministre de l'inté-
rieur :
« Monsieur le ministre, déjà, il y a
deux ans, lors de la naissance de notre
petit Lucifer, nous vous avons envoyé
une pétition revendiquant nos droits de
père et mère de famille, et réclamant
contre la non-inscription de notre en-
fant sur les registres de l'état civil de
Montpellier. Aujourd'hui pareil fait se
reproduit ; de nouveau on vient de
refuser à l'état civil de Montpellier
l'inscription d'un autre enfant qui nous
est né. Les noms que nous avons donnés
à cet enfant n'ont pourtant rien d'extra-
ordinaire ni de scandaleux et n'ont été
refusés'qu'en vertu de la fameuse loi
ridicule et réactionnaire de la dernière
année du Consulat, qui interdit aux
parents de donner à leurs enfants
d'autres noms que ceux du calendrier
catholique ou de l'histoire romaine.
Nous sommes bien décidés, monsieur
le ministre, à maintenir jusqu'au bout
notre droit d'appeler notre fils comme
il nous convient, d'après nos idées et
nos principes ; nous verrons alors si,
nous enfermant dans la loi de i803, on
peut laisser un enfant sans inscription
à l'état civil, ou lui imposer des noms
appartenant à une religion ou à un
système politique que ses parents dé-
testent, méprisent et combattent. »
Nous serions étonnés si la seconde
lettre avait un autre effet que la pre-
mière.
Dans cette question, il y a, d'une
part, le droit du père et, de l'autre, le
droit de l'enfant.
Le droit du père de famille est de
donner à ses enfants les prénoms qui
lui plaisent. Mais supposez un mauvais
père ou seulement un père stupide : il
pourra donc infliger à ses enfants des
prénoms odieux ou ridicules? Voyez-
vous ce pauvre enfant condamné à
grandir et à circuler dans la vie pré-
cédé du prénom de Va-te-faire-fiche ou
de Laccnaire? Ne dites pas que cela
n'arriverait pas. Les parents du petit
Révolution affirment qu'il y a des en-
fants que leur acte de naissance appelle
« Alexandre Borgia » et « Bazaine M. 'n
Est-ce dans l'intérêt des enfants que
la loi du 21 germinal a été faite ? Evi-
demment, disent ses partisans. Moi, je
je ne trouve les enfants protégés qu'in-
suffisamment par une .loi qui interdit de
les prénommer Vercingétorix et Vel-
léda, et qui permet de les prénommer
Labre et Messaline. Messaline « est un
personnage connu de l'histoire »? Ver-
cingétorix aussi. Oui, mais Messaline
est de l'histoire « ancienne ». Il paraît
que les prénoms s'améliorent, comme les
vins, en vieillissant. Vercingétorix n'a
pas encore assez de siècles de bou-
teille.
Ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant
qu'a été faite une loi qui autorise à les
appeler Caligula et Locuste. Dans quel
intérêt, alors? Mais, comme toujours,
dans l'intérêt du maître.
Les monarchistes et les cléricaux ont
toujours su se rendre si populaires que
le premier mouvement de la grande
revanche avait été d'excommunier les
noms des saints et de les remplacer par
les noms des républicains. En 1803
« le front de l'empereur » achevait de
« percer le masque étroit du premier
consul », et c'est de l'horreur de Napor
léon pour tout ce qui perpétuait le nom
de la République qu'est née la loi de
germinal. Passe pour les noms des ré-
publicains de l'antiquité, mais on n'au-
rait eu qu'à prénommer les enfants Ro-
bespierre ou Danton 1 : ,- ,'
La morale de la fable est que la loi
n'a pas été faite dans l'intérêt de l'en-
fant, mais dans l'intérêt de l'empire,
qu'elle n'a pas été faite contre les noms
ridicules, mais contre la République,
et qu'il serait temps que la République
défit ce qui a été fait contre elle.
AUGUSTE VACQUERIE.
- <----
MINES ET MINEURS
C'est par un ordre du jour pur et
simple que la Chambre a répondu hier
aux réclamations , malheureusement
justifiées, des mineurs d'Anzin. Il n'y a
ri6» à faire, a dit le ministre. C'est
bientôt dit ! Le ministre n'ignore pas
cependant qu'il a des moyens sûrs entre
les mains de faire capituler les compa-
gnies et qu'il peut en user comme et
quand il lui plaît. Il a le pouvoir d'or-
donner tels ou tels travaux, de veiller
à la sécurité des galeries, de faire creu-
ser des puits d'aération, et, en poussant
son droit jusqu'au bout, d'obliger les
propriétaires de mines à lui obéir.
Quelle compagnie se trouve jamais
dans les conditions voulues et exigées
par les règlements et par la loi? Et à
quelle dépense ne l'obligerait-on pas
en la forçant de se conformer aux lois
et aux règlements ? Que les ministres
ne parlent donc point de leur impuis-
sance. Les ministres sont toujours
puissants quand ils savent vouloir. Il
leur suffit d'un moment d'énergie. Et.,
pour ma part, je connais une grande
compagnie minière qu'un ministre,
sans faire de fracas à la tribune, a su
mettre à la raison.
Il est certain qu'un ministre ne pos-
sède pas de moyens d'action directs sur
une compagnie; mais, en revanche, il
a des moyens d'action indirects qui
sont peut-être plus sûrs. Le tout est de
vouloir en user.
L'action du pouvoir central serait
d'autant plus justifiée aujourd'hui, que
ce sont les propriétaires des mines eux-
mêmes qui ont provoqué la grève et
qui semblent l'avoir voulue. Le mot
prêté à M. d'Audiffret-Pasquier est ty-
pique : Nous sommes monarchistes, et
le> ouvriers sont républicains. Il faut
donc punir les ouvriers et leur ap-
prendre à aimer la monarchie. Il faut
leur donner une leçon de politique pra-
tique. « Ah ! vous ne votez pas pour
nous! Ah ! vous ne portez pas Phi-
lippe VII dans votre eoeur ! attendez !
Nous vous enlevons votre pain de cha-
que jour. » Cette condamnation à la
misère est une manifestation orléaniste.
À côté de la passion politique, il y a
la passion sociale. M. Brousse l'a. dit
éloquemment à la tribune : les ouvriers
renvoyés appartiennent — à leurs ris-
ques et périls, s'est écrié M. Ribot, et
on ne le voit que trop — aux syndicats
professionnels. Les propriétaires des
mines d'Anzin ont horreur de la loi que
le Parlement a dernièrement votée et
que le parti républicain a mis sept ans
à obtenir. Les propriétaires des mines
d'Anzin, qui crieni^iistre, ne veulent
pas que leurs ouvriers, s'associent, s'or-
ganisent, s'entendent, comme les ou-
vriers allemands ou anglais. Ils comp-
tent, sous prétexte de liberté du travail,
le's tenir toujours isolés et dans leur
dépendance. Vous voulez profiter de la
loi? Sortez de chez nous !
Voilà la guerre déclarée aux ouvriers,
déclarée en même temps à la Chambre,
à la République et à la loi. M. d'Au-
diffret-Pasquicr se révolte. Il n'admet
pas de syndicats professionnels ; il ne
veut pas de syndiqués, et, usant de
son droit, ou plutôt en abusant, il
chasse de sa mine quiconque tente d'ac-
quiescer à une association licite. C'est
bien. Le ministre se déclare sans armes;
la Chambre lui vote un satisfecit. Mais
doit-elle s'en tenir là ?
Non, certes! Il lui reste à mettre à
son ordre du jour, le plus tôt possible,
immédiatement si elle le peut, la pro-
position de revision dé la loi de 1810,
dont le rapport doit être déposé. Si la
législation actuelle donne des résultats
si déplorables, il faut changer la législa-
tion.
EDOUARD LOCKROY.
•"
Les ministres anglais ont fait connaître
hier, devant le Parlement, les instructions
que le cabinet a données aux chefs du
corps expéditionnaire au Soudan. Le gé-
néral Graham et l'amiral Hewett marche-
ront contre Osman-Digma, s'ils le jugent
nécessaire. « Il faut mettre, a dit le mi-
nistre, les positions du littoral de la mer
Rouge à l'abri des menaces des tribus. »
Nous renvoyons à nos dépêches pour plus
de détails.
L'objectif principal est de laisser ou-
verte la route de Berber afin, disent les
ministres, de « faciliter la retraite des gar-
nisons égyptiennes du Soudan. »
mm 'J^T" ~T
A LA CHAMBRE
Entre les affirmations contradictoires
de M. Giard, de M. Brousse et du mi-
nistre des travaux publics, au sujet des
causes do la grève d'Anzin, il est possi-
ble que le débat engagé devant la
Chambre ne pouvait recevoir aucune
solution immédiate. Mais pour ces
crises industrielles, pour ces perturba-
tions plus ou moins sérieuses qui at-
teignent le travail, la production natio-
nale, il y a, sinon un remède tout pré-
paré, au moins une commission d'étude
dont la compétence en cette affaire ne
saurait être mise en question et dont
la bonne volonté n'eut pu être douteuse
si de regrettables intrigues n'avaient
pesé sur la nomination des 44.
Telle qu'elle est composée, cette com-
mission d'enquêle, pour peu qu'elle
prenne sa mission au sérieux, ne doit
pas hésiter un instant à déléguer quel-
ques-uns de ses membres pour juger,
sur les lieux mêmes, de la gravité des
questions soulevées par la grève
d'Anzin.
La commission d'enquête n'aurait
certainement :pas souhaité qu'un évé-
nement de cette sorte, toujours très fà-
cheux, se produisît au cours de ses
travaux. Mais puisque, par malheur,
une crise nettement caractérisée éclate
sur l'un des points du territoire, les 44
seraient inexcusables de ne pas mettre
à profit cette circonstance, déplorable
en elle-même, pour étudier sur le vif
la lutte du capital et du travail, ou plu-
tôt la lutte des capitaux divers qui con-
courent à la production. Laisser passer
une pareille occasion sans la saisir se-
rait faire preuve d'une indifférence,
nous dirions volontiers d'une inintelli-
gence qui ne peut pas se présumer.
La discussion sur l'enseignement
primaire a repris après le débat sur la
grève d'Anzin. M. Fallières, dont on
pouvait mieux attendre, a cherché à
expliquer pourquoi le gouvernement se
ralliait au système de la commission en
faveur de la nomination des institu-
teurs par les préfets. Il est toujours
étrange de voir le chef d'un départe-
ment ministériel abandonner ses pro-
pres agents. M. Fallières n'a pas réussi
à justifier cette singularité. M. le mi-
nistre de l'instruction publique redoute
pour les recteurs un fardeau trop lourd
et il prétend que ce n'est pas leur mon-
trer de la défiance que de continuer à
leur refuser une attribution dont ils
sont privés depuis longtemps. Si l'on
transportait la nomination des institu-
teiirs des recteurs aux préfets, on
pourrait réclamer, mais on se borne à
maintenir le statu quo, et, selon M.
Fallières, personne n'a le droit de s'en
plaindre. \.,
M. le ministre oublie de dire que,
contre ce statu quo, toute l'opposition a
réclamé pendant vingt ans, et certes on
n'eût guère pensé vers 1867 qu'un mi-
nistre républicain se ferait gloire, en
1884, de continuer l'empire.
M. Fallières, comprenant bien qu'il
livre les instituteurs aux rancunes po-
litiques, a essayé de soutenir que les
préfets, en ce qui concerne le personnel
de l'instruction, étaient ses subordon-
nés très soumis. En théorie, c'est vrai.
Mais un ministre de l'instruction publi-
que n'étant, d'ordinaire, à côté du mi-
nistre de l'intérieur qu'un personnage
politique de second plan, il n'est pas à
supposer qu'un préfet agréable à ce der-
nier ait beaucoup à craindre de M. Fal-
lières ou de tout autre ministre à sa
place. Les préfets sont aussi, si l'on
veut, les subordonnés du ministre du
commerce. Ils touchent à tout; mais ils
sont avant toutfonctionnairespolitiques,
et c'est à ce point de vue qu'ils, nom-
ment et révoquent les agents sous leurs
ordres..
Redoutant des conflits de l'institu-
teur avec les maires, avec les conseils
municipaux, avec tout le monde, M. le
ministre de l'instruction publique veut,
pour les trancher, « une seule autorité,
souveraine et maîtresse, l'autorité pré-
fectorale ». Autrefois aussi on disait :
une seule loi, mais on ajoutait logique-
ment : un seul Dieu, un seul roi. M. le
ministre ne voit-il.pas que cette unité
dans la servitude est chose d'un autre
temps, que cela concorde avec tout un
autre ordre d'idées et que c'est, en
même temps, le contraire de l'idée ré-
publicaine ?
Et puis, à qui M. Fallières pense-t-il
faire illusion en parlant de cette unité
d'impulsion donnée par l'autorité pré-
fectorale? D'abord, de tous les fonc-
tionnaires, M. Paul Bert l'a avoué, les
préfets sont, de beaucoup, les plus ins-
tables. La direction de l'enseignement
primaire va donc subir bien des contre-
coups, peut-être bien des métamor-
phoses. Mais, en admettant même une
stabilité qui n'existe pas, est-ce que,
dans les préfectures comme dans les
ministères, bien qu'à un degré beau
coup moindre, les affaires de toute
nature ne sont pas livrées aux bu;
reaux? Est-ce que, par conséquent,
la responsabilité des préfets ne sera pas
bien souvent illusoire? Mais qu'im-
porte aux centralisateurs, aux conti-
nuateurs de l'œuvre malfaisante de
l'an VIII,qu'importe, pourvu que la
centralisation étende de plus en plus
son action oppressive et mortelle ? La
France succombe sous le poids de l'au-
tocratie administrative ; ressorts, éner-
gie, caractère, intelligence, initiative;
tout se brise et fait défaut ; n'importe,
maintenons intacte l'omnipotence pré-
fectorale. C'est ce qui s'appelle, en ces
jours d'équivoque et de contresens vo-
lontaires, continuer l'œuvre de la Ré.
volutionl
L'interpellation de M. de Lanessati
sur l'affaire de Madagascar devait venir
samedi. D'accord avec le président du
conseil et sur sa prière, M. de Lanessan
a consenti à un ajournement de quinze
jours. Sans réclamer un débat plus prcK
chain et que la majorité n'aurait certes
pas accordé, M. Georges Perin a cons-
taté, une fois de plus, qu'après avoir
provoqué l'opposition à une discussion,
le gouvernement se dérobait. C'est un
jeu fort usé, ou plutôt qui devrait l'être, 1
mais qui réussit toujours avec la Cham- -1
bre actuelle.
M. Georges Perin n'a pas voulu
quitter la tribune sans arracher au mi
nistre la promesse de publier les do
cuments relatifs à cette question. M.
Ferry affectait d'abord de ne pas rc"!
pondre, mais, voyant que M. Peria
n'était pas homme à se décourager fa
ciJement, M. Ferry, de sa place, a pro-
mis de publier ce qu'il pourrait. Il est
à noter que, depuis janvier 1883, nous
ne savons rien de ce qui se passe à Mai
dagascar. C'est ce que les députés ap £
pellent faire do la politique coloniale.
Nous croyons que c'est, avant tout, de
la politique d'imprévoyance et d'aveu1
ture.
A. GAULIER,
♦ , ..m
La séance du Sénat a été remplie tout
entière par un vif débat sur l'indépen-
dance des maires à-l'égard des préfets ; ;
cela à propos du titre H de la loi munici- '■
pale. •
M. de Marcère a parlé pour les premiers
au-Sénat, et41 a, naturellement, défendu
la rédaction adoptée à la Chambre, peut-
être un peu à la légère. M. Waldeck-
Rousseau a parlé dans le même sens ; mais
M. Lenoël et M. Oudeî, dont l'ardeur libé-
rale ne désarme jamais, ont défendu les
droits des municipalités. Le Sénat, par des
votes successifs, s'est prononcé contre eux.'
Il est à espérer que la Chambre, mieux
inspirée, amendera le projet quand il va
revenir devant elle. — A. G.
» L
COULISSES DES CHAMBRES
La Chambre, ne siégeant pas aujour-
d'hui, ne pourra terminer que demain la
discussion de la question de la nomination
des instituteurs. C'est donc lundi seule-
ment que la grave question de l'élévation
du traitement viendra en délibératiDn.
Pour hâter le moment où ce différend sera
tranché, le gouvernement a résolu de
porter la question, non sur l.'rlcl:e 39 qui •
concerne te traitement des instituteurs*
mais sur l'article. 29 qui établit la classifi-
cation de ces fonctionnaires et qui préjuge
la question de l'élévation des traitements.
Nous avons déjà dit hier que M. Paul
Bert se proposait de généraliser la ques-
Feuilleton du RAPPEL
DU 8 MARS
^i, - U II
45
L'AFFAIRE DU MALPEL
xix v* - ,
L'interrogatoire :; ,
, L'aspect de la pièce avait été légère-
ment modifié depuis la première visite de
Paul. Les meubles avaient repris leur
place. Les amples rideaux du lit, fermés,
cachaient probablement le corps de M. de
Challenges dont une large tache brune
indiquait seule la situation primitive sur
le parquet.
Sur le bureau, à côté d'un large porte-
feuille ouvert, la bougie alluni-ée le
greffier du juge de paix pour l'apposition
des scellés brûlait encore, avec une flam-
me pâle de cierge morU>~;n,e dans le
demi-jour des volets eloçv
Georges de Ricumes imprima un mou-
vement de rotation à son fauteuil, ce qui
ftu fit tourner c dos à son portefeuille sur
Reproduction interdite.
Voir le Ra/iHci du 21 >anvicr au 7 mars.
lequel il était probablement occupé à
prendre des notes. D'un geste froid, stric-
tement poli, il indiqua un siège à son in-
terlocuteur.
Ils étaient seuls; le juge d'instruction
et son greffier n'ayant pu venir encore,
appelés à l'autre bout de l'arrondissement
pour constater un suicide.
- Monsieur, dit le jeune procureur de
la République après un instant de silence,
vous êtes le fils naturel de M. de Chal-
lenges?
Paul baissa la tête affirmativement.
— Je ne vois pas, a jouta-t-il, en quoi la
constatation -de ce fait peut servir la jus-
tice dans la recherche du meurtrier.
Malgré luirune sourde irritation perçait
dans l'accent de ses paroles. Cet homme
qui lui parlait ainsi, froidement, sans s'in-
quiéter de ce que chacun de ses mots pou-
vait avoiJ de froissant pour lui, cet homme
était le rival heureux devant lequel il ne
lui restait qu'à disparaître.
Il semblait que le sort n'eût refusé à
Paul sa part de bonheur que pour en
grossir la sienne.
Georges de Rieumes paraissait fort indif-
férent aux sensations du jeune médecin.
Il reprit du même ton froid :
— De quelle nature avaient été les rap-
ports entre vous et votre père?
— C'est un interrogatoire? remarqua
Paul avec un sourire légèrement railleur.
Je voudrais au moins savoir quel en est le
but.
Peut-être allait-il risquer une ironie
moins inoffensive, mais il se rappela ta
lettre de Juliette. Tant qu'il n'était pas
certain que Georges s'en fût dessaisi, la
prudence était nécessaire.
— Pourrais-je vous demander à mon
tour, continua-t -il, en tâchant de ramener
l'entretien au ton aisé d'une conversation
mondaine, si vous avez pu faire droit à la
demande de Mme Morel ? Il y a là un
mystère bien innocent, je puis vous l'as-
surer; mais elle n'en tient pas moins ex-
traordinairement à rentrer en posssion
de sa lettre.
— J'ai répondu à Mme Morel. Mais
veuillez vous-même me répondre. La re-
cherche d'un assassin est chose sérieuse.
Je n'ai pas besoin de vous faire remarquer
que telle de vos paroles peut être d'un
poids décisif.
-' Il allait probablement se laisser glisser
dans quelque métaphore où ne pouvaient
manquer d'apparaître les balances de la
justice. Il se souvint à temps qu'il ne
plaidait pas encore. Paul le regardait
étonné.
- Enfin, conclut le magistrat avec un
peu d'impatience, je vous interroge au
nom de la loi. Cela doit suffire.
- Parfaitement, monsieur. Mais, je
vous le répète, mon témoignage ne saurait
fournir grande lumière. Hier encore, j'i-
gnorais que M, de Challenges fût mon
père ; je savais à peine qu'i' el-stalt.
— Et qui donc vous a instruit? demanda
Georges avec une précipitation qui mit
Paul en garde. Un peu plus, il allait mêler
le nom de Juliette à ses réponses; et il ne
fallait pas même qu'un soupçon pût s'éle-
ver de ce côté dans l'esprit du magistrat.
— Le hasard a tout fait- reprit-il d'un
air d'insouciance. Permettez-moi de vous
le répéter, monsieur, votre ardeur d'arriver
à la vérité est assurément plus que légi-
time; mais elle fait fausse route.
— Vous avouez donc avoir eu des rap-
ports personnels avec la victime?
— Si vous voulez, accorda Paul, qui se
souvint d'avoir vu son père la veille, aux
Charmilles. Les événements s'étaient pré-
cipités de telle sorte que ce coup d'œil
rapidement échangé avec un homme qu'il
ne connaissait que de nom lui était déjà
presque sorti de la mémoire.
Georges de Rieumes insista.
'- Vous aviez rencontré M. de Chal-
lenges? :
Oui, monsieur.
—• Vous étiez venu le voir ici ?
— Jamais. - Vv' -
Georges avança la tête en écartant les
mains.
— Il serait difficile, dans la solitude où
vivait M. de Challenges, de trouver un
témoin ou une preuve du contraire.
- Je lo crois en effet, dit Paul avec
ironie. Mais, si vous doutez de mon témoi-
gnage, qui vous oblige à le provoquer?
La patience commençait à lui faire dé-
faut devant l'attitude de Georges. Celui-ci
ne parut pas le remarquer.
— Vous aviez connaissance du testa-
ment de M. de Challenges?
Paul hésita. Ceci le ramenait encore à
son entretien de la veille avec Juliette. Ce-
pendant il n'avait nul besoin, pour répon-
dre à cette question, d'indiquer la source
de ses renseignements Il finit par dire
avec une inclination de tête :
- Je le savais.
Il sentait bien que le procureur de la
République posait un à un les jalons d'un
système d'information. Mais où ce système
pouvait-il le mener?
- Monsieur, reprit Georges après s'ê-
tre détourné une minute pour tracer une
note sur une feuille de papier posée sur
sa serviette de maroquin noir, vous n'a-
vez pas paru très surpris, ce matin, en
apprenant la mort de M. de Challenges ; ni
très surpris, ni très ému.
— Surpris, jel'ai été extrêmement, Quant
au degré d'émotion que j'ai dû éprouver,
dans les circonstances où je me trouvais
vis-à-vis de mon père, vous me permet-
trez d'en garder l'appréciation pour moi
seul.
— Ceci veut dire, si je comprends bien,
que vous étiez mal avec la victime ? -
— Ni bien ni mal, ainsi qu'on peut
l'être avec une personne qu'on a vue une
fois, en tout, et avec laquelle on n'a pas
échangé dix paroles.
— Je vois qu'il sera difficile de tirer de
vous quelque chose de précis, dit Georges
en se levant, avec une détente subite dans
le geste et dans la voix.
Paul se leva également, croyant la
séance finie.
— A propos, reprit Georges en le regar-
dant en face, mais sans affectation, où
êtes-vous allé, je vous prie, cette nuit, en
sortant de votre chambre, entre minuit et
trois heures du matin? -
Paul recula d'un pas effaré. Pour rien
au monde il n'eût voulu avouer, à per-
sonne, cette fantaisie romanesque, éclose
dans son cerveau par un soir d'orage ; ces
trois lieues faites à pied, dans la boue,
pour contempler une minute la fenêtre
d'une fiancée qu'il pensait ne revoir ja-
mais. Toutes les pudeurs secrètes d'une.
âme forte et tendre, accoutumée à la so-
litude, se réveillaient en lui, lui faisant
monter le rouge au visage à la pensée qu'il
aurait pu être vu, deviné, raillé. La ques-
tion de Georges l'arrêta comme une in-
sulte; son premier mouvement fut d'y ré-
pondre par un soumet.
Mais une seconde pensée, rapide, aiguë,
foudroyante, fit tomber la rougeur de sa *
joue en la remplaçant par une pâleur mor-
telle. Brusquement, il venait de saisir la
sens de son interrogatoire, le but où ten-
daient toutes ces questions, insolentes ou :
oiseuses. •
',":- Mais,- monsieur, s'écria-t-il en ,reIe,'
vant la tête d'un geste indigné, mais,
monsieur, vous m'accusez !
- De quoi? dit Georges en fixant sur lu,
son regard froid.
Il y eut quelques secondes de silence
puis Georges fit un pas vers le lit, ouvrit
les rideaux, et, découvrant, montrant du
doigt la face pâle du cadavre :
— Eh bien ! oui, reprit-il d'une voix vi;
brante, tout vous accuse d'avoir assassiné
votre père 1
CHARLES LOMON.
(A siiùrt,)
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