Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1897-01-10
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 janvier 1897 10 janvier 1897
Description : 1897/01/10 (N9802). 1897/01/10 (N9802).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7542727d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
jfSXXfÔ CENTIMES Iîi Numéro. ,
,
PARIS Et cmêpartemehts
Le Numéro, C I N Q G E N TI M BS
Fqidateur : AUGUSTE VACQUERUE
ABONNEMENTS
Il ah Mi a* lIulll fca
Paris 8tr. 6fr. 9fir. 18 ft.
départements 8 - 6 - Il - 20 -
limon Postale 8 - a— 18 - 83-*
m/ ^F ^Jm mmgJ ^mugp H H ■■| A';_
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fOPlDATEUB : AUGUSTE VACQUERIE
1 ANNONCES .,
MM. Ch. LAGRANGE, CERF & C*
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RÉDACTION: 131» rue Montmartre, 181
De 4 à 8 heure* du soir et de 10 heurts du soir b 1 beare du maitu
N° 9802. — Dimanche 10 Janvier 1897
21 NIVOSE AN 105
ADMINISTRATION : 181, rue UontUArtrOf 1S1
Adresser lettrés et wflwrfgf à F A ^rm'm'ffmfmir
NOS LEADERS
L'Élection de la Haute-fraronne
Le Sénat, paraît-il, a trouvé un bon
moyen pour ne pas perdre M. Cons-
tans, c'est de l'élire lui-même. Il pro-
clamerait qu'on a mal compté les
bulletins à Toulouse ; que lui, Sénat,
qui n'a pas les bulletins sous les yeux,
puisqu'ils sont détruits, est bien mieux
placé pour les compter exactement; et
que de l'examen approfondi auquel il
n peut pas se livrer, il résulte avec
évidence que les électeurs de la Haute-
Craronne ont nommé le châtelain de
Pandak. Ainsi, il serait fort inutile de
déranger de nouveau les délégués sé-
natoriaux suppléés avec avantage par
'MS pères conscrits.
Si véritablement on a de telles in-
tentions, il serait vraiment dommage
de limiter au seul M. Constans l'em-
ploi de ce procédé à la fois simple et
ingénieux. On devrait l'étendre à
toute la majorité sénatoriale. Doréna-
vant, les sénateurs du parti gouverne-
mental se nommeraient eux-mêmes.
Avec un tel système, plus de surprises
électorales, plus de manœuvres de la
dernière heure, plus de promesses ou
de menaces pour peser sur les votes.
Les électeurs mettraient dans l'urne le
bout de papier qui auraient leur pré-
férence; peu importerait, puisque le
Sénat proclamerait toujours comme
élu, celui de ses amis dont il dé-
Birerait ne pas se séparer. On
concilierait ainsi l'inamovibilité,
garantie de l'indépendance, avec des
.renouvellements qu'on pourrait rendre
aussi fréquents qu'on voudrait. Bien
entendu, il faudrait employer le sys-
tème contraire pour les membres de la
minorité radicale, qui seraient consi-
dérés de droit comme battus. Le parti
opportuniste serait assuré, de la sorte,
à chaque élection nouvelle, de rece-
voir du pays sincèrement consulté
une marque de confiance nouvelle.
« Vous voyez, diraient les journaux
officieux, avec quelle énergie la France
désavoue les propositions subversives,
telles que la révision et l'impôt sur le
revenu. »
Que si l'on ne veut pas aller jusque
là et étendre à tout le monde l'ingé-
nieux moyen de réélection proposé
pour M. Constans, il a tout au moins
tin emploi tout trouvé et que l'on ne
contestera sans doute pas. Ne trouvez-
Vous pas un peu étrange le langage
tenu par les feuilles opportunistes de-
puis l'élection de la Haute-Garonne?
Dn dit tout le temps : M. Constans va
Mre candidat à Bordeaux. M. Cons-
tans va être candidat à Saint-Gau-
dons. M. Constans va être gouver-
neur de l'Algérie. M. Constans va
être proclamé sénateur au Luxem-
bourg! Eh bien! et M. Hébrard? Qu'est-
ce qu'on en fait donc? Est-ce qu'il
n'était pas, comme M. Constans, une
des autorités du parti gouvernemen-
tal? Est-ce qu'il n'était pas, comme
M. Constans, sénateur sortant de la
Haute-Garonne? Est-ce qu'il n'était
pas, comme M. Constans, candidat
à Toulouse ? Est-ce qu'on n'associait
pas leurs deux noms aux points de
vues les plus divers? Est-ce qu'une
défaite commune n'a pas encore res-
serré leur solidarité? Qu'il me soit
permis de le dire : ce serait un véri-
table scandale, le mot n'est pas trop
fort, de déclarer que M. Gonstans aétè,
malgré lesélecteurs, nommé dimanche
dernier, sans étendre le bénéfice de la
même déclaration à M. Hébrard. L'opi-
nion publique condamnerait sévère-
ment une telle inégalité dans le trai-
tement accordé à deux hommes dont
les noms ont été, dans la lutte, étroite-
ment unis.
#*#
Cette réserve faite, la mesure pro-
posée pour M. Constans aurait un mé-
.rite indéniable. Elle assurerait au
mode d'élection du Sénat une sincérité
qui lui fait encore défaut. Jusqu'ici, il
reste une sorte d'équivoque dans le
suffrage restreint. On a bien pris, pour
faire nommer les sénateurs, par l'in-
termédiaire des préfets, toutes les pré-
cautions qui semblaient nécessaires.
Les délégués sénatoriaux sont choisis
longtemps à l'avance, pour qu'on ait
le loisir de les presser, de les retour-
ner. Ils représentent les conseils mu-
nicipaux, c'est-à-dire des corps qui
pour les affaires de la commune ont
constamment besoin du préfet, et sont
constamment en rapport avec lui.
En outre, les petites communes, aux-
quelles il est naturel d'attribuer moins
de force pour résister à la pression,
Dnt le rôle décisif dans l'élection. Mais
malgré cela, un certain rôle est laissé
i l'opinion publique, et les résultats
de dimanche dernier montrent que
souvent tout le système est faussé par
l'indépendance des délégués. L'exis-
tence d'électeurs, même peu nom-
breux, même triés/même entourés de
toutes les influences, altère gratejnent
le suffrage restreint. Ce n'est pas la
peine d'avoir créé un Sénat contre le
suffrage universel si l'on risque de
retrouver, parmi ses électeurs, les
mêmes idées, les mêmes passions que
dans le véritable vote populaire. La
seule façon de conserver au Sénat son
caractère actuel, c'est de décider qu'il
se recrutera sans prendre l'avis de
personne. d
Assurément, si quelque chose fait
défaut pour réaliser cette, importante
réforme, ce ne sera pas la bonne vo-
lonté. Au fond, un pareil régime serait
l'idéal de l'Assemblée qui siège au
Luxembourg. Comment d'ailleurs en
serait-il autrement? Elle est persuadée
qu'elle a la sagesse infuse, et que sa
fonction est de morigéner l'opinion
publique. La logique devrait donc la
conduire à tâcher de - se soustraire à
tout contrôle électoral. Il faudrait à sa
politique un Sénat exclusivement
composé d'inamovibles.
Hélas ! l'idéal n'est pas de ce monde.
Au lieu d'étendre l'inamovibilité, le
Sénat a été obligé de la supprimer,
sinon en fait, au moins en principe. Il
serait difficile de la rétablir, même par
un détour ingénieux, pour M. Constans
tout seul. Ce serait particulièrement
jouer le plus mauvais tour à M. Cons-
tans lui-même. Un tel défi mettrait cet
important personnage à l'ordre du
jour, plus peut-être qu'il n'a lieu de le
souhaiter. Malgré les nouvelles qu'on
répand, il paraît impossible de croire
que le Sénat poussera l'audace jus-
qu'à recueillir le battu de la
Haute-Garonne sans même consulter
les électeurs. Or, comme d'autre part,
leur réponse, si on les consulte, n'est
pas douteuse ; comme le candidat qui
a été vaincu dimanche dernier revien-
drait amoindri par un premier échec ;
comme une seconde défaite serait un
véritable désastre ; comme, enfin, les
gens qui sortent d'une pareille mésa-
venture électorale sont, en général,
médiocrement tentés de s'exposer à
une mésaventure nouvelle ; tout porte
à croire que M. Constans s'en tiendra
à l'accident qui lui est arrivé dimanche
dernier.
*
Il n'en est pas moins vrai qu'on au-
rait vraiment le régime électoral né-
cessaire à la politique gouvernemen-
tale si le Sénat, qui déjà se substitue
à la Chambre, pouvait se substituer
aussi au corps électoral. Quelle garan-
tie pour les idées d'ordre et de conser-
vation ! On aurait de bons électeurs,
conservés dans un endroit bien clos,
comme dans un bocal^gardés dans un
air renfermé et immobile, où, derrière
des fenêtres soigneusement calfeu-
trées et impénétrables aux courants
d'air du dehors, le microbe de la réac-
tion est sûr de n'être jamais dérangé!
On a vu dans ce milieu spécial d'an-
ciens socialistes, disciples et collabo-
rateurs de Karl Marx, d'anciens fon-
dateurs de l'Internationale, d'anciens
montagnards de 48, devenir si parfai-
tement semblables à leurs collègues
d'extrême droite qu'ils devraient par-
fois en être stupéfaits eux-mêmes, s'il
leur revenait, par intervalle, quelque
souvenir de leur jeunesse écarlate.
Ah! s'ils pouvaient être chargés des
élections!. Mais c'est un beau rêve ;
un rêve irréalisable.
Ce rêve, tous les régimes de recul
l'ont fait successivement. Tous se sont
successivement sentis gênés par quel-
que chose : le pays ; tous ont cherché
à s'en débarrasser en mettant la poli-
tique gouvernementale hors de ses
atteintes. Le coup d'Etat manqué de
1830, le suffrage censitaire de Louis-
Philippe, les candidatures officielles
de l'empire, n'ont pas eu d'autre but.
Le malheur, c'est qu'on n'a jamais
réussi, au contraire, c'est le pays qui
s'est débarrassé de ses gouvernements.
Pour le moment, il ne s'est débarrassé
que de M. Gonstans, en attendant
mieux. Il sera prudent de considérer
cette première opération comme défi-
nitive.
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meunier
LE BUREAU DE LA CHAMBRE
Comme suite à notre information d'hier
nous pouvons indiquer que les députés gou-
vernementaux vont opposer des candidatu-
res à plusieurs des membres du bu. eau
actuel.
En ce qui concerne la présidence, certains
modérés voudraient qu'un candidat fut op-
posé à M. Henri Brisson. Un journal met en
avant les noms de MM. Poincaré, Charles
Dupuy et Deschanel. D'après les indications
que nous avons recueillies, il est à peu près
certain que les modérés n'arriveront pas à
se mettre d'accord sur un de ces noms, et,
finalement, M. Henri Brisson n'aura aucun
compétiteur.
D'ailleurs, en eût-il un, sa réélection ne
ferait pas de doute, les républicains devant
voter en masse pour ce démocrate éprouvé.
Les quatre vice-présidents actuellement
en fonctions sont MM. Sarrien, Isambert,
Poincaré et Desehanel, qui se représentent
tous les quatre. 0
A signaler une autre candidature qui a
déjà recueilli beaucoup de sympathie; celte
de' M. Deleàssé; éne^;jttimstre des }'êôlo..,;
nirn. .- 0". '"0",,.-.. -- ',,", .¡
Les trois questeurs sortants sont MM. Bi-
zarelli, Royer et Guillemet.
Les modérés revendiquant le siège de M.
Guillemet pour lequel ils portent M. An-
toine Perrier, député de la Savoie.
Enfin, pour le siège des huit secrétaires,
quatre se représentent, MM. MougeGt, Co-
det, Dejeand et Henry Cochin. A rempla-
cer, MM. Gaston Doumergue, Laroze et
Ernest Carnot et M. Bézinu, élu sénateur,
qui ont accompli une période de deux ans
e secrétariat. ,.
LE MARCHÉ DE PARIS
M. Cochery se serait-il, par hasard,
décidé à apporter un changement à la
situation .anormale du marché de Paris?
A en croire « un bruit qui court », bruit
dont quelques-uns de nos confrères se
sont faits l'écho, le ministre des finances
serait résolu à tailler dans le vif en
rendant purement et simplement un
décret augmentant le nombre des char-
ges d'agents de change, et supprimant,
par contre-coup, le marché libre.
Ainsi, voilà une question de l'ordre le
plus élevé , à laquelle est intéressée
toute l'activité financière de notre pays,
de laquelle dépend le mécanisme si
complexe de nos échanges de titres,
tranchée sans que les intéressés, sans
que le Parlement aient été consultés 1
Si nous n'avons pas, dans le libéra-
lisme de M. Cochery, la plus entière
confiance, nous ne-pouvons cependant
pas croire que cette nouvelle ne soit
au moins prématurée. Un pareil décret
soulèverait à coup sûr de. trop justes
récriminations de la part, non seule-
ment des partisans du marché libre,
mais de la part de tous ceux qui,comme
nous, croient que c'est d'une discussion
au grand jour, dans laquelle toutes les
opinions pourront être exposées, que
jaillira une solution équitable. La no-
mination d'une commission où seraient
représentés, en même temps que la loi
et la finance, nos pouvoirs législatifs,
est tout au moins la première condition
qui s'impose en pareille matière. Il est
certain que M. Cochery cèdera devant
de pareilles considérations, s'il est
vrai que l'idée d'un décret ait jamais
été au fond de sa pensée, et hésitera à
s'appuyer sur des précédents qui re-
montent au premier Empire et à la
Restauration.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Anniversaires des morts de Napoléoa III (1873)
et Victor Emmaauel (1878).
— Durée du jour : 9 h. 43.
* AU JOUR LE JOUR
Nous voulons aujourd'hui donner un
conseil — très désintéressé — à M.
Constans.
Il a été battu à une voix ; c'est, il de-
vrait le reconnaître, une défaite peut-
être imprévue pour lui, mais qu'il ne
saurait contester. Il aurait été proclamé
élu à une voix de majorité, qu'il n'en
aurait pas été moins vaincu. Les hom-
mes de sa trempe et de sa valeur —
qu'on nous pardonne l'association de
ces deux mots — ne peuvent être en
effet, sans subir un amoindrissement
(ce que les Latins appelaient une capi-
tis diminutio), nommés sénateurs à une
voix, laquelle risquerait fort de passer
pour une voix de fortune.
Ceci dit, nous comprenons parfaite-
ment l'irritation de M. Constans. Sous
l'empire de l'état d'àme, très légitime,
nous le répétons, dans lequel il se
trou il manifeste l'intention de faire
invalider l'élection de celui qui le rem-
place dans la Haute-Garonne, quitte,
une fois cette invalidation obtenue, à
se retirer sous sa tente.
C'est une grosse faute que M. Cons-
tans est en train de commettre. Pour-
quoi ne se résigne-t-il pas tout de suite?
Pourquoi cherche-t-il à frapper d'annu-
lation les décisions du corps électoral ?
Voilà un bien petit moyen qui convient
aux seuls hommes médiocres. Mais M.
Constans — nous le disons sans diffi-
culté parce que nous n'aimons pas à
dissimuler la vérité — n'est pas un mé-
diocre, lui, et il est de sa dignité de re-
pousser une manière de procéder qui,
plus tard, lui serait nuisible.
Car il est fort possible, à notre avis,
que sa carrière ne soit pas terminée.
S'il accepte, sans protester davantage,
l'arrêt des électeurs sénatoriaux de Tou-
louse, il trouvera sans doute un siège
ailleurs. Que si, au contraire, il conti-
nue à s'insurger, nous pouvons lui
prédire que l'opinion lui en saura mau-
vais gré, que lui-même aura écrit le
mot : txnA au bas de son histoire poli-
tirm~. ~.?&c..
V6"1.. ':h.'
CHEZ NOUS
( .L'Express de Cologne, qui est parti
hier soir à neuf heures vingt-cinq de la
gare du Nord, emporte à Saint-Pétersbourg
quatre colis renfermant les cadeaux des-
tinés au tsar, c'est-à-dire le tableau de De-
taille, l'album du président de la Répu-
blique et denx autres tableaux.
Ces colis ont été placés dans un fourgon
spécial. Ils sont adressés à M. de Monte-
bello, et confiés aux soins de M. de Fayès
de Chaune, courrier de cabinet.
—— Le musée du Luxembourg :
C'est à tort que l'on espérait la réouver-
ture du musée du Luxembourg le 11 jan-
vier.
Nous n'allons pas si vite, en notre beau
pays. Les travaux de réinstallation sont à
peine commencés depuis huit jours. C'est
tout au plus si le musée pourra être ouvert
au public vers le 20.
r—~ Une exposition de photographies :
M. André Lebon, ministre des colonies,
accompagné de M. du Vivier de .Streel,
son chef de cabinet, et de M. Binger, direc-
teur de l'Afrique au ministère des colonies,
a visité hier l'exposition des photographies
et levés topographiques rapportés par les
membres de la commission de délimitation
des territoires de la Guinée française et de
Sierra-Leone.
Il a été reçu à la Société de géographie,
où avait lieu l'exposition, par le capitaine
Passaga, président, et les membres de la
commission. -
Des décrets approuvent l'attribu.
tion des diverses pensions civiles liqui-
dées par le ministère de l'instruction pu
blique et des beuax-arts. Nous relevons
dans cette série de pensions les suivantes :
Colmet de Santerre, professeur de Code
civil et doyen de la faculté de droit de
Paris, 46 ans 7 mois 19 jours de service.
Pension avec jouissance du ier novembre
1896 : 6,000 fr.
Lenient, professeur de poésie française
à la faculté des lettres de Paris ; 48 ans
Il mois 18 jours de services. Pension à
partir du 4 novembre 1896 : 6,000 fr.
Rety, chef du secrétariat au Conserva-
toire de musique de Paris ; 39 ans 7 mois
de services. Pension avec jouissance du
lor octobre 1896 : 4,000 fr.
- On lit dans le Figaro :
On assure que la duchesse d'Orléans se
trouve dans un état de santé qui inspire à
la maison de France ies plus douces espé-
rances. Le duc d'Orléans, pour ménager les
forces de la princesse, compterait prolonger
son séjour à Fiume au delà du terme primi-
tivement fixé.
- MM. Méline et Boucher sont par-
tis hier à quatre heures de Cannes pour
Paris.
- M. Hanotaux, après avoir visité
Toulon hier dans l'après-midi, est reparti
le soir pour Paris. Il est monté dans le
même train que MM. Méline et Boucher
on pris à Cannes.
—— L'Union coloniale a organisé une
conférence sur le sujet suivant : l'Emigra-
tion des femmes aux colonies. Cette con-
férence sera faite le 12 janvier, à neuf
heures du soir, à la Société dé géographie,
et présidée par le comte d'Haussonville,
de l'Académie française.
—— L'acclimatation des écrevisses :
On sait que, depuis plusieurs années,
une maladie a sévi, dans les rivières fran-
çaises, sur les écrevisses. Elles n'en mou-
raient pas toutes. mais la race menaçait
Se s'éteindre, au grand effroi des restaura-
teurs parisiens.
De récentes expériences faites par un
jliisciculteur allemand auraient démontré
qu'une certaine espèce de crustacés, le
cambarus affinis, était réfractaire à l'épidé-
mie.
C'est de ce cambarus affinis, qui vit en
Amérique, qu'on va tenter d'acclimater la
race dans nos cours d'eau.
Les cambarus diffèrent de nos écrevisses
en ce que leur appareil respiratoire, au
lieu de présenter 36 branches, n'en pré-
sente que 34. Ils sont en outre d'une plus
grande dimension. Les plus petits mesu-
rent 14 centimètres de l'extrémité du ros-
tre à celle de l'abdomen. Ils pèsent en
moyenne 70 grammmes. La cuisson leur
donne une magnifique couleur rouge, et
ils ont une chair fort délicate.
Le Passant.
BOULANGERS EN GRÈVE
Le pain manque à Lodève. Les boulan-
gers se sont mis en grève, ont éteint leurs
fours, fermé boutiques. La population a dû,
hier, se passer de pain. D'où « émotion
vive )l, dit la dépêche qui nous apporte le
récit de ces faits ; et la chose me semble
vraisemblable.
Pourquoi cette grève ? Parce que, le prix
des farines ayant haussé, les boulangers
s'étaient réunis, avaient demandé au maire
l'abolition de la taxe. Le maire refusa. On
sait que trop souvent la taxe sur le pain est
aux mains des municipalités une arme
lourde dont elles frappent à tort et à tra-
vers, en sourds et en aveugles. On devine
ce que les boulangers ont pu dire : que les
farines ayant augmenté, il ne leur était plus
possibie de fournir le pain au même prix,
que, si on ne les y forçait, c'était pour eux
la ruine, la faillite. Avaient-ils raison?
avaient-ils tort? Je n'en sais rien; je man-
que de documents. Je vois le résultat : le
maire s'obstinant, les boulangers, tous, se
mettent en grève. Plus de pain.
Il est évident que ceite situation ne peut
durer. Avaet tout, il doit être pourvu au
besoin de l'alimentation publique. M. Mé-
line,qui est heureusement intervenu dans
un récent conflit de même nature, ne se dé-
sintéressera pas sans dou e de celui-ci.
Nous attendons de plus amples informa-
tions pour apprécier l'incident ; mais ce que
nous pouvons dire, c'est que nous serions
bien étonnés si ces renseignements que nous
attendons ne fournissent pas un nouvel ar-
gument à ceux qui réclament l'abolition de
la taxe du pain. Nous reviendrons sur ce
sujet.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
DOUBLE SUICIDE
Un drame de la misère s'est déroulé
avant-hier, rue des Moines, 102.
A cette adresse habitait depuis cinq ans,
M. Jean-Baptiste Redon, âgé de soixante
ans, né à Clermont-Ferrand et Mme veuve
Cavalier, originaire de Rochefort.
Le faux ménage menait une existence
presque luxueuse, M. Redon, avait quelques
petites rentes que n'absorbaient pas les be-
soins du ménage et son loyer annuel de 350
francs.
Ils vécurent confortablement jusqu'au
rûôlq de juin dernier, époque à laquelle M.
Redon fit des pertes importantes aux courses
et à la Bourse.
La misère survint, et, se voyant hier dans
la pénible nécessité ite chercher un au' w J
logement, puisqu'ils avalent toipws ëûJ
retard, ils prirent la fatale ri
finir avec la: vtet Pïv ;; ..<,r>: --
Ils calfeutrèrent toutes les fenêtres, la
cheminée, roulèrent près de leur lit un petit
poêle bourré de charbon, absorbèrent un
narcotique et. se eouchèrent dans l'attente
de la mort.
Le lendemain, M. Rouffaud, commissaire
de police du quartier, fut appelé par le con-
cierge de la maison et il procéda aux con-
statations légales. °
LA (LANGUE SACREE)
La science s'a viserait-elle de reconstruire
ce qu'elle avait démoli et serait-il donné à
notre siècle de retrouver la clé des mystères
d'Hermès que les siècles précédents avaient
égarée et vainement recherchée ?
Nous n'oserions pas l'affirmer, mais nous
n'oserions pas non plus affirmer qu'il n'en
sera rien.
M. Emile Soldi, qu'on savait sculpteur de
talent et graveur émérite, mais qu'on rie
savait pas savant épris des longues et pa-
tientes études des Champollions, vient, en
effet, d'exposer avec tant de logique et tant
de précision une thèse toute nouvelle sur les
origines de l'humanité, que le doute est au
moins permis.
—»:«—
Cette thèse, développée hier soir à une mo-
deste réunion organisée au Palais-Royal par
l'Union fraternelle de la Drôme, ne tend à
rien moins qu'à établir scientifiquement,
expérimentalement pourrait-on dire, l'exac-
titude de ta légende de la tour de Babel.
Entendons-nous, il ne s'agit pas de con-
firmer le récit biblique au point de vue
religieux; il s'agit uniquement d'en com-
prendre le sens secret et caché.
M. Soldi ne dit pas que si les hommes
ont eu de bonne heure plusieurs langues,
c'est que Dieu a tenu à punir leur témérité.
Il dit seulement qu'avant d'avoir plusieurs
langues, ils en ont eu une qui leur était
commune, et il s'efforce de le démontrer en
donnant en quelque sorte l'alphabet de ces
signes symboliques qui ornent dans tous
les pays les tombeaux, les médailles et les
monuments des temps préhistoriques.
Est-il dans le vraiï Je serai fort en peine
de le savoir, n'ayant jamais réussi à com-
prendre quoique ce soit aux hiéroglyphes
que M. Ledrain déchiffre avec tant de * faci-
lité. Mais, sûrement, les explications qu'il
donne à l'appui de son dire, sont intéres-
santes et carieuses.
Essayons donc de les résumer et de mettre
un peu de clarté dans ses investigations sur
un passé enfoui dans l'ombre.
-u:«-
M. Emile Soldi a été appelé depuis vingt
ans à faire de nombreux voyages soit en
France soit à l'étranger pour le compte du
ministère de l'instruction publique et des
beaux-arts. Partout, il a examiné avec soin
l'ornementation de ces vases primitifs, de ces
dales gravées, de ces mille bibelots de l'âge
de pierre ou de l'âge de bronze qui encombrent
les musées. Et frappé par la similitude qui
existait entre l'ornementation de nos dol-
mens et l'ornementation des tombeaux des
aztèques, entre les dessins qui figurent sur
les monnaies égyptiennes et ceux qui figu-
rent sur les monnaies chinoises et indiennes,
il s'est demandé si ces dessins, si ces
ornements ne seraient pas les signes d'une
écriture idéographique commune à tous les
hommes avant qu'ils ne fussent dispersés
aux quatre coins du globe par des migra-
tions successives.
L'idée n'était pas tout à fait conforme à la
théorie scientifique moderne. Mais M. Soldi
n'en poursuivit pas moins ses recherches et
méthodiquement, avec une patience de béné-
dictin, il s'efforça de découvrir quel pouvait
être le sens ou, plus exactement le symbole
qu'il fallait attribuer à ces signes, même
lorsqu'ils avaient été presque totalement
déformés par une longue suite de géné-
rations.
—»:«—
Le soleil, source de la vie, envoie sur le
monde des rayons contenant des atomes
que l'énergie conductrice transforme ca élé-
ments de vie, telle est la signification que M.
Sol di est arrivé à donner ainsi à la plupart
de ces bizarres figures géométriques qu'on
retrouve à l'origine de toute ornementation,
qu'il s'agisse de monuments assyriens ou
mexicains, druidiques ou chinois.
En offet, sur tous ces monuments un cer-
cle de deux couleurs différentes est figuré,
cercle d'où partent des lignes au bout des-
quelles se trouvent des points ronds que des
cornes envoient vers des tiges de fougères.
Or, pour quiconque veut bien se donner
la peine de chercher quel peut être ce sens
hermétique d'une telle figure, n'est il pas
évident que le cercle représente le soleil, les
lignes ses rayons, les points les atomes, les
cornes l'énergie conductrice symbolisée par
l'attribut de la constellation du bélier et les
tiges de fougère la vie elle-même?
Voilà l'idée!Je la tradufs fort mal, mais si
mal que je la rende, il me semble qu'on en
doit déjà sentir tout l'intérêt.
—»:«—
Dois-je ajouter que M. Soldi, poussant
plus loin ses investigations, a déchiffré par
le même procédé non seulement la plupart
des images allégoriques des médailles et des
pierres gravées des époques primitives, mais
encore un vulgaire tapis d'Orient et un petit
bonnet joliment orné que les femmes de
Pont-l'Abbé n'ont pas cru devoir renier
pour les horribles chapeaux à 4 fr. 90 qui
font aujourd'hui fureur à la campagne
comme à la ville ?
Dois-je ajouter aussi qu'il a pu classer
plus de cinq cents signes de cette écriture
idéographique qui, incomprise et altérée
dans la suite, aurait été, à l'on tendre, le point
de départ de toute l'ornementation ?
Dois-je. Mais que ne devrais-je pas, si je
voulais suivre M. Soldi dans tous ces déve-
loppements?
Restons en donc: là et bornons-nous à
constater que si sa thèse .venait à se confir-
mer, la connaissance de ce qu'il appelle la
« langue sacrée » jetterait un jour tout nou-
veau sur les origines de 1 humanité.
M. de Lanessan, sinjus avons bonne mé-
moire, éme tait également dans ses Prin-
cipes de colonisation l'opinion que les hom-
mes devaient être partis d'un même point
du globe. La découverte de M. Soldi
ne ferait en ce cas que confirmer l'hypo-
thèse raisonnée de notre émanent collabora-
teur et prouver en mêm? temps que la théo-
rie atomique qui passait pour une théorie
récente date de quelque quiuze ou vingt
mille ans.
Que de vérités ne croyons-nous pas avoir
conquises sur l'inconnu qui ne sont peut-
être ainsi que la résurrection de vérités.de-
puis longlQmps découvertes etpendant long-
temps oubliées ? ',: .,
p ANDRÉ HQNNORAT. l'
———— ———
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
CLASSIQUES A EXPURGER
Un académicien qui vote régulière-
ment contre M. Zola, bien qu'il ait son
talent en très haute estime, me disait
un jour : « Quel dommage tout de même
qu'il soit aussi. polisson! (Il employait
un mot plus cru) Il serait un jour au
rang des classiques! » A quoi je répon- :
dais que tous les classiques étaient
quelque peu Zola en ce point, vu qu'ils
n'avaient pas songé en écrivant qu'ils
pourraient être donnés un jour « en le-
çons » aux élèves de quatrième. Il a
fallu expurger Horace, Virgile, Juvé-
nal. On publie des éditions émasculées
de Molière. On écarte Phèdre et « ses
fureurs » du « Théâtre » des classes.On
jette enfin prudemment le manteau du
sénateur Bérenger sur certains vers du
très chaste Boileau que je n'oseraia
même pas reproduire à cette place.
Et pourtant, si experts que soient les
descendants du père Jouvency dans
l'art de poser les feuilles de vigne aux
bons endroits, il paraît que leur vigi-
lance est parfois en défaut. C'est du
moins l'impression que j'ai éprouvée en
lisant dans une revue scolaire le très
intéressant article publié récemment
par Mlle Marie Dugard sur les auteurs
français inscrits au programme de
l'enseignement secondaire des jeunes
filles.
Mlle Dugard, qui appartient au per-
sonnel des lycées de Paris, n'est plus
une inconnue pour le public lettré. En-
voyée en mission en Amérique, elle en
a rapporté un très beau livre où elle a
retrouvé, après Tocqueville et Labou-
laye, un filon littéraire qu'ils semblaient
avoir épuisé.
En général, Mlle Dugard n'est pas
tendre pour les classiques, qui lui pa-
raissent au-dessus de la portée des
toutes jeunes filles. Elle repousse et le
discours de Bossuet sur VHistoire uni-
verselle « dont la critique elle-même,
depuis deux cents ans, est impuissante
à fixer la signification réelle », et le
Siècle de Louis XIV « avec ses pages
scabreuses sur les particularités du
règne », et Y Art poétique de Boileau,
« ce formulaire de l'écrivain classique,
cette étude rétrospective des lois de la
tragédie, de l'épopée, des genres litté-
raires aujourd'hui disparus et qu'une
science approfondie de notre littéra-
ture, un commerce familier des Grec!:i
et des Latins permettent seuls d'en-
tendre ».
Mais, par une ironie assez piquantet
de tous ces écrivains le plus malmené
à coup sûr est précisément celui qui
composait pour la jeunesse, ad usum
Delphini, comme on disait sur les vieux
livres, et son Télémaque et ses Dialo-
gues des morts. Oui, Fénelon passe, avec
Mlle Dugard,.un assez mauvais quart
d'heure. Et il y aurait pour un humo-
riste, entre le professeur en robe et l'ar-
chevêque de Cambrai, matière à un
Dialogue supplémentaire qui ne man-
querait pas d'agrément.
Mlle Dugard trouve très peu édifiante
pour des jeunes filles « cette étrange
histoire de Calypso qui, après avoir
aimé le père de Télémaque, s'éprend du
jeune homme même, tente sa séduction
et blessée en ses désirs, la voix rauque,
les yeux enflammé3, pareille à une bac-
chante, laisse éclater sa passion en des
emportements que Fénélon décrit avec
une vivacité singulière. »
Les dialogues lui semblent plus offen-
sants encore, plus contraires à cette
« révérence » due aux enfants, et en
particulier aux jeunes filles d'autant
que, par une circonstance aggravante
« dans le Télémaque, la prose ondoyante
et souple de Fénelon a ces gràces enve-
loppantes qui atténuent l'audace de la
pensée tandis qu'en l'improvisation ra-
pide des Dialogues, souvent négligée
jusqu'à l'incorrection, l'idée jaillit nette
en toute sa crudité ».
« Qu'on en relise quelques-uns, dit
Mlle Dugard, celui où Grillus, trans-
formé en pourceau, expose à Ulysse les
avantages de son nouvel état qui l'af-
franchit des contraintes de la civilisa-
tion et lui décrit avec complaisance les
joies du « bourbier » ; celui où Henri VIII
explique à Henri VII d'Angleterre, qui
lui reprochait ses six femmes, les mo-
tifs de ses nombreux mariages, avec
des expressions d'un réalisme presque
brutal, et l'on comprendra l'impossi-
bilité de commenter ces discours à des
enfants et les plaintes des familles qui
réclament contre eux, s'étonnant qu'on
mette de telles pages sous les yeux de
leurs filles. »
J'ai pris au mot l'auteur de l'article
et j'ai voulu, en remontant aux sources,
savoir ce qu'il fallait penser de lsea
griefs.
J'ai donc recherché les passages in-
criminés dans une édition classique des
Dialogues des morts, publiée chez Ha-
chette, en 1893, par B. Jullien, docteur
ès-lettres, licencié ès-sciences. Voici
d'abord une coupure faite dans le dia-
logue entre Henri VII et Henri VIII :
HENRI vii. — Laissons-là les papistes, mait
venons au fait. N'avez-vous pas eu six fem-
mes dont vous avez répudié la première
sans fondement, fait mourir la seconde, fait
ouvrir le ventre à la troisième pour sauver
son enfant, fait mourir la quatrième, répudié
la cinquième et choÍ; si mal la dernière
qu'elle se remaria aVéC l'athral peu de Joura
après votre mort ?
HENRI viii. — Tout cela est vrai ; rr» £ îs 8*
vous saviez quelles étaient ces femmstf
vous me plaindriez au lieu de me conéam-
ner: l'Aragonnaise était laide et ennuyeuse
dans sa vertu" Aime de Boulen était une --
coquette scandaleuse ; Jeanne Seymoor ne ,
valait guère mieux; N. Howard était - -; <"
,
PARIS Et cmêpartemehts
Le Numéro, C I N Q G E N TI M BS
Fqidateur : AUGUSTE VACQUERUE
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et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RÉDACTION: 131» rue Montmartre, 181
De 4 à 8 heure* du soir et de 10 heurts du soir b 1 beare du maitu
N° 9802. — Dimanche 10 Janvier 1897
21 NIVOSE AN 105
ADMINISTRATION : 181, rue UontUArtrOf 1S1
Adresser lettrés et wflwrfgf à F A ^rm'm'ffmfmir
NOS LEADERS
L'Élection de la Haute-fraronne
Le Sénat, paraît-il, a trouvé un bon
moyen pour ne pas perdre M. Cons-
tans, c'est de l'élire lui-même. Il pro-
clamerait qu'on a mal compté les
bulletins à Toulouse ; que lui, Sénat,
qui n'a pas les bulletins sous les yeux,
puisqu'ils sont détruits, est bien mieux
placé pour les compter exactement; et
que de l'examen approfondi auquel il
n peut pas se livrer, il résulte avec
évidence que les électeurs de la Haute-
Craronne ont nommé le châtelain de
Pandak. Ainsi, il serait fort inutile de
déranger de nouveau les délégués sé-
natoriaux suppléés avec avantage par
'MS pères conscrits.
Si véritablement on a de telles in-
tentions, il serait vraiment dommage
de limiter au seul M. Constans l'em-
ploi de ce procédé à la fois simple et
ingénieux. On devrait l'étendre à
toute la majorité sénatoriale. Doréna-
vant, les sénateurs du parti gouverne-
mental se nommeraient eux-mêmes.
Avec un tel système, plus de surprises
électorales, plus de manœuvres de la
dernière heure, plus de promesses ou
de menaces pour peser sur les votes.
Les électeurs mettraient dans l'urne le
bout de papier qui auraient leur pré-
férence; peu importerait, puisque le
Sénat proclamerait toujours comme
élu, celui de ses amis dont il dé-
Birerait ne pas se séparer. On
concilierait ainsi l'inamovibilité,
garantie de l'indépendance, avec des
.renouvellements qu'on pourrait rendre
aussi fréquents qu'on voudrait. Bien
entendu, il faudrait employer le sys-
tème contraire pour les membres de la
minorité radicale, qui seraient consi-
dérés de droit comme battus. Le parti
opportuniste serait assuré, de la sorte,
à chaque élection nouvelle, de rece-
voir du pays sincèrement consulté
une marque de confiance nouvelle.
« Vous voyez, diraient les journaux
officieux, avec quelle énergie la France
désavoue les propositions subversives,
telles que la révision et l'impôt sur le
revenu. »
Que si l'on ne veut pas aller jusque
là et étendre à tout le monde l'ingé-
nieux moyen de réélection proposé
pour M. Constans, il a tout au moins
tin emploi tout trouvé et que l'on ne
contestera sans doute pas. Ne trouvez-
Vous pas un peu étrange le langage
tenu par les feuilles opportunistes de-
puis l'élection de la Haute-Garonne?
Dn dit tout le temps : M. Constans va
Mre candidat à Bordeaux. M. Cons-
tans va être candidat à Saint-Gau-
dons. M. Constans va être gouver-
neur de l'Algérie. M. Constans va
être proclamé sénateur au Luxem-
bourg! Eh bien! et M. Hébrard? Qu'est-
ce qu'on en fait donc? Est-ce qu'il
n'était pas, comme M. Constans, une
des autorités du parti gouvernemen-
tal? Est-ce qu'il n'était pas, comme
M. Constans, sénateur sortant de la
Haute-Garonne? Est-ce qu'il n'était
pas, comme M. Constans, candidat
à Toulouse ? Est-ce qu'on n'associait
pas leurs deux noms aux points de
vues les plus divers? Est-ce qu'une
défaite commune n'a pas encore res-
serré leur solidarité? Qu'il me soit
permis de le dire : ce serait un véri-
table scandale, le mot n'est pas trop
fort, de déclarer que M. Gonstans aétè,
malgré lesélecteurs, nommé dimanche
dernier, sans étendre le bénéfice de la
même déclaration à M. Hébrard. L'opi-
nion publique condamnerait sévère-
ment une telle inégalité dans le trai-
tement accordé à deux hommes dont
les noms ont été, dans la lutte, étroite-
ment unis.
#*#
Cette réserve faite, la mesure pro-
posée pour M. Constans aurait un mé-
.rite indéniable. Elle assurerait au
mode d'élection du Sénat une sincérité
qui lui fait encore défaut. Jusqu'ici, il
reste une sorte d'équivoque dans le
suffrage restreint. On a bien pris, pour
faire nommer les sénateurs, par l'in-
termédiaire des préfets, toutes les pré-
cautions qui semblaient nécessaires.
Les délégués sénatoriaux sont choisis
longtemps à l'avance, pour qu'on ait
le loisir de les presser, de les retour-
ner. Ils représentent les conseils mu-
nicipaux, c'est-à-dire des corps qui
pour les affaires de la commune ont
constamment besoin du préfet, et sont
constamment en rapport avec lui.
En outre, les petites communes, aux-
quelles il est naturel d'attribuer moins
de force pour résister à la pression,
Dnt le rôle décisif dans l'élection. Mais
malgré cela, un certain rôle est laissé
i l'opinion publique, et les résultats
de dimanche dernier montrent que
souvent tout le système est faussé par
l'indépendance des délégués. L'exis-
tence d'électeurs, même peu nom-
breux, même triés/même entourés de
toutes les influences, altère gratejnent
le suffrage restreint. Ce n'est pas la
peine d'avoir créé un Sénat contre le
suffrage universel si l'on risque de
retrouver, parmi ses électeurs, les
mêmes idées, les mêmes passions que
dans le véritable vote populaire. La
seule façon de conserver au Sénat son
caractère actuel, c'est de décider qu'il
se recrutera sans prendre l'avis de
personne. d
Assurément, si quelque chose fait
défaut pour réaliser cette, importante
réforme, ce ne sera pas la bonne vo-
lonté. Au fond, un pareil régime serait
l'idéal de l'Assemblée qui siège au
Luxembourg. Comment d'ailleurs en
serait-il autrement? Elle est persuadée
qu'elle a la sagesse infuse, et que sa
fonction est de morigéner l'opinion
publique. La logique devrait donc la
conduire à tâcher de - se soustraire à
tout contrôle électoral. Il faudrait à sa
politique un Sénat exclusivement
composé d'inamovibles.
Hélas ! l'idéal n'est pas de ce monde.
Au lieu d'étendre l'inamovibilité, le
Sénat a été obligé de la supprimer,
sinon en fait, au moins en principe. Il
serait difficile de la rétablir, même par
un détour ingénieux, pour M. Constans
tout seul. Ce serait particulièrement
jouer le plus mauvais tour à M. Cons-
tans lui-même. Un tel défi mettrait cet
important personnage à l'ordre du
jour, plus peut-être qu'il n'a lieu de le
souhaiter. Malgré les nouvelles qu'on
répand, il paraît impossible de croire
que le Sénat poussera l'audace jus-
qu'à recueillir le battu de la
Haute-Garonne sans même consulter
les électeurs. Or, comme d'autre part,
leur réponse, si on les consulte, n'est
pas douteuse ; comme le candidat qui
a été vaincu dimanche dernier revien-
drait amoindri par un premier échec ;
comme une seconde défaite serait un
véritable désastre ; comme, enfin, les
gens qui sortent d'une pareille mésa-
venture électorale sont, en général,
médiocrement tentés de s'exposer à
une mésaventure nouvelle ; tout porte
à croire que M. Constans s'en tiendra
à l'accident qui lui est arrivé dimanche
dernier.
*
Il n'en est pas moins vrai qu'on au-
rait vraiment le régime électoral né-
cessaire à la politique gouvernemen-
tale si le Sénat, qui déjà se substitue
à la Chambre, pouvait se substituer
aussi au corps électoral. Quelle garan-
tie pour les idées d'ordre et de conser-
vation ! On aurait de bons électeurs,
conservés dans un endroit bien clos,
comme dans un bocal^gardés dans un
air renfermé et immobile, où, derrière
des fenêtres soigneusement calfeu-
trées et impénétrables aux courants
d'air du dehors, le microbe de la réac-
tion est sûr de n'être jamais dérangé!
On a vu dans ce milieu spécial d'an-
ciens socialistes, disciples et collabo-
rateurs de Karl Marx, d'anciens fon-
dateurs de l'Internationale, d'anciens
montagnards de 48, devenir si parfai-
tement semblables à leurs collègues
d'extrême droite qu'ils devraient par-
fois en être stupéfaits eux-mêmes, s'il
leur revenait, par intervalle, quelque
souvenir de leur jeunesse écarlate.
Ah! s'ils pouvaient être chargés des
élections!. Mais c'est un beau rêve ;
un rêve irréalisable.
Ce rêve, tous les régimes de recul
l'ont fait successivement. Tous se sont
successivement sentis gênés par quel-
que chose : le pays ; tous ont cherché
à s'en débarrasser en mettant la poli-
tique gouvernementale hors de ses
atteintes. Le coup d'Etat manqué de
1830, le suffrage censitaire de Louis-
Philippe, les candidatures officielles
de l'empire, n'ont pas eu d'autre but.
Le malheur, c'est qu'on n'a jamais
réussi, au contraire, c'est le pays qui
s'est débarrassé de ses gouvernements.
Pour le moment, il ne s'est débarrassé
que de M. Gonstans, en attendant
mieux. Il sera prudent de considérer
cette première opération comme défi-
nitive.
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meunier
LE BUREAU DE LA CHAMBRE
Comme suite à notre information d'hier
nous pouvons indiquer que les députés gou-
vernementaux vont opposer des candidatu-
res à plusieurs des membres du bu. eau
actuel.
En ce qui concerne la présidence, certains
modérés voudraient qu'un candidat fut op-
posé à M. Henri Brisson. Un journal met en
avant les noms de MM. Poincaré, Charles
Dupuy et Deschanel. D'après les indications
que nous avons recueillies, il est à peu près
certain que les modérés n'arriveront pas à
se mettre d'accord sur un de ces noms, et,
finalement, M. Henri Brisson n'aura aucun
compétiteur.
D'ailleurs, en eût-il un, sa réélection ne
ferait pas de doute, les républicains devant
voter en masse pour ce démocrate éprouvé.
Les quatre vice-présidents actuellement
en fonctions sont MM. Sarrien, Isambert,
Poincaré et Desehanel, qui se représentent
tous les quatre. 0
A signaler une autre candidature qui a
déjà recueilli beaucoup de sympathie; celte
de' M. Deleàssé; éne^;jttimstre des }'êôlo..,;
nirn. .- 0". '"0",,.-.. -- ',,", .¡
Les trois questeurs sortants sont MM. Bi-
zarelli, Royer et Guillemet.
Les modérés revendiquant le siège de M.
Guillemet pour lequel ils portent M. An-
toine Perrier, député de la Savoie.
Enfin, pour le siège des huit secrétaires,
quatre se représentent, MM. MougeGt, Co-
det, Dejeand et Henry Cochin. A rempla-
cer, MM. Gaston Doumergue, Laroze et
Ernest Carnot et M. Bézinu, élu sénateur,
qui ont accompli une période de deux ans
e secrétariat. ,.
LE MARCHÉ DE PARIS
M. Cochery se serait-il, par hasard,
décidé à apporter un changement à la
situation .anormale du marché de Paris?
A en croire « un bruit qui court », bruit
dont quelques-uns de nos confrères se
sont faits l'écho, le ministre des finances
serait résolu à tailler dans le vif en
rendant purement et simplement un
décret augmentant le nombre des char-
ges d'agents de change, et supprimant,
par contre-coup, le marché libre.
Ainsi, voilà une question de l'ordre le
plus élevé , à laquelle est intéressée
toute l'activité financière de notre pays,
de laquelle dépend le mécanisme si
complexe de nos échanges de titres,
tranchée sans que les intéressés, sans
que le Parlement aient été consultés 1
Si nous n'avons pas, dans le libéra-
lisme de M. Cochery, la plus entière
confiance, nous ne-pouvons cependant
pas croire que cette nouvelle ne soit
au moins prématurée. Un pareil décret
soulèverait à coup sûr de. trop justes
récriminations de la part, non seule-
ment des partisans du marché libre,
mais de la part de tous ceux qui,comme
nous, croient que c'est d'une discussion
au grand jour, dans laquelle toutes les
opinions pourront être exposées, que
jaillira une solution équitable. La no-
mination d'une commission où seraient
représentés, en même temps que la loi
et la finance, nos pouvoirs législatifs,
est tout au moins la première condition
qui s'impose en pareille matière. Il est
certain que M. Cochery cèdera devant
de pareilles considérations, s'il est
vrai que l'idée d'un décret ait jamais
été au fond de sa pensée, et hésitera à
s'appuyer sur des précédents qui re-
montent au premier Empire et à la
Restauration.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Anniversaires des morts de Napoléoa III (1873)
et Victor Emmaauel (1878).
— Durée du jour : 9 h. 43.
* AU JOUR LE JOUR
Nous voulons aujourd'hui donner un
conseil — très désintéressé — à M.
Constans.
Il a été battu à une voix ; c'est, il de-
vrait le reconnaître, une défaite peut-
être imprévue pour lui, mais qu'il ne
saurait contester. Il aurait été proclamé
élu à une voix de majorité, qu'il n'en
aurait pas été moins vaincu. Les hom-
mes de sa trempe et de sa valeur —
qu'on nous pardonne l'association de
ces deux mots — ne peuvent être en
effet, sans subir un amoindrissement
(ce que les Latins appelaient une capi-
tis diminutio), nommés sénateurs à une
voix, laquelle risquerait fort de passer
pour une voix de fortune.
Ceci dit, nous comprenons parfaite-
ment l'irritation de M. Constans. Sous
l'empire de l'état d'àme, très légitime,
nous le répétons, dans lequel il se
trou il manifeste l'intention de faire
invalider l'élection de celui qui le rem-
place dans la Haute-Garonne, quitte,
une fois cette invalidation obtenue, à
se retirer sous sa tente.
C'est une grosse faute que M. Cons-
tans est en train de commettre. Pour-
quoi ne se résigne-t-il pas tout de suite?
Pourquoi cherche-t-il à frapper d'annu-
lation les décisions du corps électoral ?
Voilà un bien petit moyen qui convient
aux seuls hommes médiocres. Mais M.
Constans — nous le disons sans diffi-
culté parce que nous n'aimons pas à
dissimuler la vérité — n'est pas un mé-
diocre, lui, et il est de sa dignité de re-
pousser une manière de procéder qui,
plus tard, lui serait nuisible.
Car il est fort possible, à notre avis,
que sa carrière ne soit pas terminée.
S'il accepte, sans protester davantage,
l'arrêt des électeurs sénatoriaux de Tou-
louse, il trouvera sans doute un siège
ailleurs. Que si, au contraire, il conti-
nue à s'insurger, nous pouvons lui
prédire que l'opinion lui en saura mau-
vais gré, que lui-même aura écrit le
mot : txnA au bas de son histoire poli-
tirm~. ~.?&c..
V6"1.. ':h.'
CHEZ NOUS
( .L'Express de Cologne, qui est parti
hier soir à neuf heures vingt-cinq de la
gare du Nord, emporte à Saint-Pétersbourg
quatre colis renfermant les cadeaux des-
tinés au tsar, c'est-à-dire le tableau de De-
taille, l'album du président de la Répu-
blique et denx autres tableaux.
Ces colis ont été placés dans un fourgon
spécial. Ils sont adressés à M. de Monte-
bello, et confiés aux soins de M. de Fayès
de Chaune, courrier de cabinet.
—— Le musée du Luxembourg :
C'est à tort que l'on espérait la réouver-
ture du musée du Luxembourg le 11 jan-
vier.
Nous n'allons pas si vite, en notre beau
pays. Les travaux de réinstallation sont à
peine commencés depuis huit jours. C'est
tout au plus si le musée pourra être ouvert
au public vers le 20.
r—~ Une exposition de photographies :
M. André Lebon, ministre des colonies,
accompagné de M. du Vivier de .Streel,
son chef de cabinet, et de M. Binger, direc-
teur de l'Afrique au ministère des colonies,
a visité hier l'exposition des photographies
et levés topographiques rapportés par les
membres de la commission de délimitation
des territoires de la Guinée française et de
Sierra-Leone.
Il a été reçu à la Société de géographie,
où avait lieu l'exposition, par le capitaine
Passaga, président, et les membres de la
commission. -
Des décrets approuvent l'attribu.
tion des diverses pensions civiles liqui-
dées par le ministère de l'instruction pu
blique et des beuax-arts. Nous relevons
dans cette série de pensions les suivantes :
Colmet de Santerre, professeur de Code
civil et doyen de la faculté de droit de
Paris, 46 ans 7 mois 19 jours de service.
Pension avec jouissance du ier novembre
1896 : 6,000 fr.
Lenient, professeur de poésie française
à la faculté des lettres de Paris ; 48 ans
Il mois 18 jours de services. Pension à
partir du 4 novembre 1896 : 6,000 fr.
Rety, chef du secrétariat au Conserva-
toire de musique de Paris ; 39 ans 7 mois
de services. Pension avec jouissance du
lor octobre 1896 : 4,000 fr.
- On lit dans le Figaro :
On assure que la duchesse d'Orléans se
trouve dans un état de santé qui inspire à
la maison de France ies plus douces espé-
rances. Le duc d'Orléans, pour ménager les
forces de la princesse, compterait prolonger
son séjour à Fiume au delà du terme primi-
tivement fixé.
- MM. Méline et Boucher sont par-
tis hier à quatre heures de Cannes pour
Paris.
- M. Hanotaux, après avoir visité
Toulon hier dans l'après-midi, est reparti
le soir pour Paris. Il est monté dans le
même train que MM. Méline et Boucher
on pris à Cannes.
—— L'Union coloniale a organisé une
conférence sur le sujet suivant : l'Emigra-
tion des femmes aux colonies. Cette con-
férence sera faite le 12 janvier, à neuf
heures du soir, à la Société dé géographie,
et présidée par le comte d'Haussonville,
de l'Académie française.
—— L'acclimatation des écrevisses :
On sait que, depuis plusieurs années,
une maladie a sévi, dans les rivières fran-
çaises, sur les écrevisses. Elles n'en mou-
raient pas toutes. mais la race menaçait
Se s'éteindre, au grand effroi des restaura-
teurs parisiens.
De récentes expériences faites par un
jliisciculteur allemand auraient démontré
qu'une certaine espèce de crustacés, le
cambarus affinis, était réfractaire à l'épidé-
mie.
C'est de ce cambarus affinis, qui vit en
Amérique, qu'on va tenter d'acclimater la
race dans nos cours d'eau.
Les cambarus diffèrent de nos écrevisses
en ce que leur appareil respiratoire, au
lieu de présenter 36 branches, n'en pré-
sente que 34. Ils sont en outre d'une plus
grande dimension. Les plus petits mesu-
rent 14 centimètres de l'extrémité du ros-
tre à celle de l'abdomen. Ils pèsent en
moyenne 70 grammmes. La cuisson leur
donne une magnifique couleur rouge, et
ils ont une chair fort délicate.
Le Passant.
BOULANGERS EN GRÈVE
Le pain manque à Lodève. Les boulan-
gers se sont mis en grève, ont éteint leurs
fours, fermé boutiques. La population a dû,
hier, se passer de pain. D'où « émotion
vive )l, dit la dépêche qui nous apporte le
récit de ces faits ; et la chose me semble
vraisemblable.
Pourquoi cette grève ? Parce que, le prix
des farines ayant haussé, les boulangers
s'étaient réunis, avaient demandé au maire
l'abolition de la taxe. Le maire refusa. On
sait que trop souvent la taxe sur le pain est
aux mains des municipalités une arme
lourde dont elles frappent à tort et à tra-
vers, en sourds et en aveugles. On devine
ce que les boulangers ont pu dire : que les
farines ayant augmenté, il ne leur était plus
possibie de fournir le pain au même prix,
que, si on ne les y forçait, c'était pour eux
la ruine, la faillite. Avaient-ils raison?
avaient-ils tort? Je n'en sais rien; je man-
que de documents. Je vois le résultat : le
maire s'obstinant, les boulangers, tous, se
mettent en grève. Plus de pain.
Il est évident que ceite situation ne peut
durer. Avaet tout, il doit être pourvu au
besoin de l'alimentation publique. M. Mé-
line,qui est heureusement intervenu dans
un récent conflit de même nature, ne se dé-
sintéressera pas sans dou e de celui-ci.
Nous attendons de plus amples informa-
tions pour apprécier l'incident ; mais ce que
nous pouvons dire, c'est que nous serions
bien étonnés si ces renseignements que nous
attendons ne fournissent pas un nouvel ar-
gument à ceux qui réclament l'abolition de
la taxe du pain. Nous reviendrons sur ce
sujet.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
DOUBLE SUICIDE
Un drame de la misère s'est déroulé
avant-hier, rue des Moines, 102.
A cette adresse habitait depuis cinq ans,
M. Jean-Baptiste Redon, âgé de soixante
ans, né à Clermont-Ferrand et Mme veuve
Cavalier, originaire de Rochefort.
Le faux ménage menait une existence
presque luxueuse, M. Redon, avait quelques
petites rentes que n'absorbaient pas les be-
soins du ménage et son loyer annuel de 350
francs.
Ils vécurent confortablement jusqu'au
rûôlq de juin dernier, époque à laquelle M.
Redon fit des pertes importantes aux courses
et à la Bourse.
La misère survint, et, se voyant hier dans
la pénible nécessité ite chercher un au' w J
logement, puisqu'ils avalent toipws ëûJ
retard, ils prirent la fatale ri
finir avec la: vtet Pïv ;; ..<,r>: --
Ils calfeutrèrent toutes les fenêtres, la
cheminée, roulèrent près de leur lit un petit
poêle bourré de charbon, absorbèrent un
narcotique et. se eouchèrent dans l'attente
de la mort.
Le lendemain, M. Rouffaud, commissaire
de police du quartier, fut appelé par le con-
cierge de la maison et il procéda aux con-
statations légales. °
LA (LANGUE SACREE)
La science s'a viserait-elle de reconstruire
ce qu'elle avait démoli et serait-il donné à
notre siècle de retrouver la clé des mystères
d'Hermès que les siècles précédents avaient
égarée et vainement recherchée ?
Nous n'oserions pas l'affirmer, mais nous
n'oserions pas non plus affirmer qu'il n'en
sera rien.
M. Emile Soldi, qu'on savait sculpteur de
talent et graveur émérite, mais qu'on rie
savait pas savant épris des longues et pa-
tientes études des Champollions, vient, en
effet, d'exposer avec tant de logique et tant
de précision une thèse toute nouvelle sur les
origines de l'humanité, que le doute est au
moins permis.
—»:«—
Cette thèse, développée hier soir à une mo-
deste réunion organisée au Palais-Royal par
l'Union fraternelle de la Drôme, ne tend à
rien moins qu'à établir scientifiquement,
expérimentalement pourrait-on dire, l'exac-
titude de ta légende de la tour de Babel.
Entendons-nous, il ne s'agit pas de con-
firmer le récit biblique au point de vue
religieux; il s'agit uniquement d'en com-
prendre le sens secret et caché.
M. Soldi ne dit pas que si les hommes
ont eu de bonne heure plusieurs langues,
c'est que Dieu a tenu à punir leur témérité.
Il dit seulement qu'avant d'avoir plusieurs
langues, ils en ont eu une qui leur était
commune, et il s'efforce de le démontrer en
donnant en quelque sorte l'alphabet de ces
signes symboliques qui ornent dans tous
les pays les tombeaux, les médailles et les
monuments des temps préhistoriques.
Est-il dans le vraiï Je serai fort en peine
de le savoir, n'ayant jamais réussi à com-
prendre quoique ce soit aux hiéroglyphes
que M. Ledrain déchiffre avec tant de * faci-
lité. Mais, sûrement, les explications qu'il
donne à l'appui de son dire, sont intéres-
santes et carieuses.
Essayons donc de les résumer et de mettre
un peu de clarté dans ses investigations sur
un passé enfoui dans l'ombre.
-u:«-
M. Emile Soldi a été appelé depuis vingt
ans à faire de nombreux voyages soit en
France soit à l'étranger pour le compte du
ministère de l'instruction publique et des
beaux-arts. Partout, il a examiné avec soin
l'ornementation de ces vases primitifs, de ces
dales gravées, de ces mille bibelots de l'âge
de pierre ou de l'âge de bronze qui encombrent
les musées. Et frappé par la similitude qui
existait entre l'ornementation de nos dol-
mens et l'ornementation des tombeaux des
aztèques, entre les dessins qui figurent sur
les monnaies égyptiennes et ceux qui figu-
rent sur les monnaies chinoises et indiennes,
il s'est demandé si ces dessins, si ces
ornements ne seraient pas les signes d'une
écriture idéographique commune à tous les
hommes avant qu'ils ne fussent dispersés
aux quatre coins du globe par des migra-
tions successives.
L'idée n'était pas tout à fait conforme à la
théorie scientifique moderne. Mais M. Soldi
n'en poursuivit pas moins ses recherches et
méthodiquement, avec une patience de béné-
dictin, il s'efforça de découvrir quel pouvait
être le sens ou, plus exactement le symbole
qu'il fallait attribuer à ces signes, même
lorsqu'ils avaient été presque totalement
déformés par une longue suite de géné-
rations.
—»:«—
Le soleil, source de la vie, envoie sur le
monde des rayons contenant des atomes
que l'énergie conductrice transforme ca élé-
ments de vie, telle est la signification que M.
Sol di est arrivé à donner ainsi à la plupart
de ces bizarres figures géométriques qu'on
retrouve à l'origine de toute ornementation,
qu'il s'agisse de monuments assyriens ou
mexicains, druidiques ou chinois.
En offet, sur tous ces monuments un cer-
cle de deux couleurs différentes est figuré,
cercle d'où partent des lignes au bout des-
quelles se trouvent des points ronds que des
cornes envoient vers des tiges de fougères.
Or, pour quiconque veut bien se donner
la peine de chercher quel peut être ce sens
hermétique d'une telle figure, n'est il pas
évident que le cercle représente le soleil, les
lignes ses rayons, les points les atomes, les
cornes l'énergie conductrice symbolisée par
l'attribut de la constellation du bélier et les
tiges de fougère la vie elle-même?
Voilà l'idée!Je la tradufs fort mal, mais si
mal que je la rende, il me semble qu'on en
doit déjà sentir tout l'intérêt.
—»:«—
Dois-je ajouter que M. Soldi, poussant
plus loin ses investigations, a déchiffré par
le même procédé non seulement la plupart
des images allégoriques des médailles et des
pierres gravées des époques primitives, mais
encore un vulgaire tapis d'Orient et un petit
bonnet joliment orné que les femmes de
Pont-l'Abbé n'ont pas cru devoir renier
pour les horribles chapeaux à 4 fr. 90 qui
font aujourd'hui fureur à la campagne
comme à la ville ?
Dois-je ajouter aussi qu'il a pu classer
plus de cinq cents signes de cette écriture
idéographique qui, incomprise et altérée
dans la suite, aurait été, à l'on tendre, le point
de départ de toute l'ornementation ?
Dois-je. Mais que ne devrais-je pas, si je
voulais suivre M. Soldi dans tous ces déve-
loppements?
Restons en donc: là et bornons-nous à
constater que si sa thèse .venait à se confir-
mer, la connaissance de ce qu'il appelle la
« langue sacrée » jetterait un jour tout nou-
veau sur les origines de 1 humanité.
M. de Lanessan, sinjus avons bonne mé-
moire, éme tait également dans ses Prin-
cipes de colonisation l'opinion que les hom-
mes devaient être partis d'un même point
du globe. La découverte de M. Soldi
ne ferait en ce cas que confirmer l'hypo-
thèse raisonnée de notre émanent collabora-
teur et prouver en mêm? temps que la théo-
rie atomique qui passait pour une théorie
récente date de quelque quiuze ou vingt
mille ans.
Que de vérités ne croyons-nous pas avoir
conquises sur l'inconnu qui ne sont peut-
être ainsi que la résurrection de vérités.de-
puis longlQmps découvertes etpendant long-
temps oubliées ? ',: .,
p ANDRÉ HQNNORAT. l'
———— ———
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
CLASSIQUES A EXPURGER
Un académicien qui vote régulière-
ment contre M. Zola, bien qu'il ait son
talent en très haute estime, me disait
un jour : « Quel dommage tout de même
qu'il soit aussi. polisson! (Il employait
un mot plus cru) Il serait un jour au
rang des classiques! » A quoi je répon- :
dais que tous les classiques étaient
quelque peu Zola en ce point, vu qu'ils
n'avaient pas songé en écrivant qu'ils
pourraient être donnés un jour « en le-
çons » aux élèves de quatrième. Il a
fallu expurger Horace, Virgile, Juvé-
nal. On publie des éditions émasculées
de Molière. On écarte Phèdre et « ses
fureurs » du « Théâtre » des classes.On
jette enfin prudemment le manteau du
sénateur Bérenger sur certains vers du
très chaste Boileau que je n'oseraia
même pas reproduire à cette place.
Et pourtant, si experts que soient les
descendants du père Jouvency dans
l'art de poser les feuilles de vigne aux
bons endroits, il paraît que leur vigi-
lance est parfois en défaut. C'est du
moins l'impression que j'ai éprouvée en
lisant dans une revue scolaire le très
intéressant article publié récemment
par Mlle Marie Dugard sur les auteurs
français inscrits au programme de
l'enseignement secondaire des jeunes
filles.
Mlle Dugard, qui appartient au per-
sonnel des lycées de Paris, n'est plus
une inconnue pour le public lettré. En-
voyée en mission en Amérique, elle en
a rapporté un très beau livre où elle a
retrouvé, après Tocqueville et Labou-
laye, un filon littéraire qu'ils semblaient
avoir épuisé.
En général, Mlle Dugard n'est pas
tendre pour les classiques, qui lui pa-
raissent au-dessus de la portée des
toutes jeunes filles. Elle repousse et le
discours de Bossuet sur VHistoire uni-
verselle « dont la critique elle-même,
depuis deux cents ans, est impuissante
à fixer la signification réelle », et le
Siècle de Louis XIV « avec ses pages
scabreuses sur les particularités du
règne », et Y Art poétique de Boileau,
« ce formulaire de l'écrivain classique,
cette étude rétrospective des lois de la
tragédie, de l'épopée, des genres litté-
raires aujourd'hui disparus et qu'une
science approfondie de notre littéra-
ture, un commerce familier des Grec!:i
et des Latins permettent seuls d'en-
tendre ».
Mais, par une ironie assez piquantet
de tous ces écrivains le plus malmené
à coup sûr est précisément celui qui
composait pour la jeunesse, ad usum
Delphini, comme on disait sur les vieux
livres, et son Télémaque et ses Dialo-
gues des morts. Oui, Fénelon passe, avec
Mlle Dugard,.un assez mauvais quart
d'heure. Et il y aurait pour un humo-
riste, entre le professeur en robe et l'ar-
chevêque de Cambrai, matière à un
Dialogue supplémentaire qui ne man-
querait pas d'agrément.
Mlle Dugard trouve très peu édifiante
pour des jeunes filles « cette étrange
histoire de Calypso qui, après avoir
aimé le père de Télémaque, s'éprend du
jeune homme même, tente sa séduction
et blessée en ses désirs, la voix rauque,
les yeux enflammé3, pareille à une bac-
chante, laisse éclater sa passion en des
emportements que Fénélon décrit avec
une vivacité singulière. »
Les dialogues lui semblent plus offen-
sants encore, plus contraires à cette
« révérence » due aux enfants, et en
particulier aux jeunes filles d'autant
que, par une circonstance aggravante
« dans le Télémaque, la prose ondoyante
et souple de Fénelon a ces gràces enve-
loppantes qui atténuent l'audace de la
pensée tandis qu'en l'improvisation ra-
pide des Dialogues, souvent négligée
jusqu'à l'incorrection, l'idée jaillit nette
en toute sa crudité ».
« Qu'on en relise quelques-uns, dit
Mlle Dugard, celui où Grillus, trans-
formé en pourceau, expose à Ulysse les
avantages de son nouvel état qui l'af-
franchit des contraintes de la civilisa-
tion et lui décrit avec complaisance les
joies du « bourbier » ; celui où Henri VIII
explique à Henri VII d'Angleterre, qui
lui reprochait ses six femmes, les mo-
tifs de ses nombreux mariages, avec
des expressions d'un réalisme presque
brutal, et l'on comprendra l'impossi-
bilité de commenter ces discours à des
enfants et les plaintes des familles qui
réclament contre eux, s'étonnant qu'on
mette de telles pages sous les yeux de
leurs filles. »
J'ai pris au mot l'auteur de l'article
et j'ai voulu, en remontant aux sources,
savoir ce qu'il fallait penser de lsea
griefs.
J'ai donc recherché les passages in-
criminés dans une édition classique des
Dialogues des morts, publiée chez Ha-
chette, en 1893, par B. Jullien, docteur
ès-lettres, licencié ès-sciences. Voici
d'abord une coupure faite dans le dia-
logue entre Henri VII et Henri VIII :
HENRI vii. — Laissons-là les papistes, mait
venons au fait. N'avez-vous pas eu six fem-
mes dont vous avez répudié la première
sans fondement, fait mourir la seconde, fait
ouvrir le ventre à la troisième pour sauver
son enfant, fait mourir la quatrième, répudié
la cinquième et choÍ; si mal la dernière
qu'elle se remaria aVéC l'athral peu de Joura
après votre mort ?
HENRI viii. — Tout cela est vrai ; rr» £ îs 8*
vous saviez quelles étaient ces femmstf
vous me plaindriez au lieu de me conéam-
ner: l'Aragonnaise était laide et ennuyeuse
dans sa vertu" Aime de Boulen était une --
coquette scandaleuse ; Jeanne Seymoor ne ,
valait guère mieux; N. Howard était - -; <"
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