Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1897-01-08
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 janvier 1897 08 janvier 1897
Description : 1897/01/08 (N9800). 1897/01/08 (N9800).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
fetNÔ GENTIMÊS le Numéro. PARIS ET DÉPARTEMENTS OLe Numéro, CINQ CENTIMES
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
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ta.rls.. : 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 —- 6— 11— 20 -
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MtaBATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
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Ch. LAGRANGE, CERF < £ Ou
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et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RÉDACTION: 131. rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heurts du soir et de 10 heures du soir à 1 bettrsdunusUn
N. 9800. — Vendredi S Janvier 1897
18 NIVOSE AN 105
ADMEVISTRATIOIV i 131, rue Montmartre, 18ft
Adresser lettré» et .el.t. à l'Administrateur
NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
L'ENTENTE CORDIALE
Le Figaro a publié récemment une
conversation d'un de ses collaborateurs
avec sir Charles Dilke qui me paraît
n'avoir pas attiré, autant qu'il con-
vient, l'attention de lapresse française.
Il y a, dans les propos tenus par
l'homme d'Etat anglais , un certain
nombre de renseignements utiles à
noter et d'indications dont le public
français doit tenir compte, s'il veut
voir clair dans l'imbroglio politique où
l'Europe est engagée.
Ainsi que je le disais dans ma der-
nière Lettre libre, l'Europe marche
vers un équilibre très distinct de celui
qui existait depuis les triomphes mili-
taires remportés, en 1870, par l'Alle-
magne sur la France : à l'hégémonie
que l'empire germanique exerçait sur
l'Europe, gràce à sa puissance mili-
taire et à son alliance avec l'Autriche
et l'Italie, on voit se substituer l'in-
fluence prépondérante de la Russie et
de la France.
Il n'est donc pas étonnant que l'An-
gleterre, toujours soucieuse de ses in-
térêts, commence à orienter sa politi-
que vers un horizon nouveau. Son
intérêt seul aurait suffi pour l'y déter-
miner; elle y a été poussée encore très
énergiquement par l'altilude que prit
l'empereur Guillaume lors des affaires
du Transvaal. « Avant oet acte d'hos-
tilité de l'empereur d'Allemagne à
notre égard, dit sir Charles Dilke, il
existait deux courants en Angleterre :
les uns vantaient les bienfaits d'une
alliance avec les puissances centrales,
les autres se faisaient les avocats d'un
rapprochement avec la France. Ces
autres forment, je puis vous l'assurer,
une grande majorité en Angleterre. »
il n'y a aucune exagération dans
ces paroles. L'amour-propre britan-
nique a été blessé jusqu'au sang par le
télégramme insolent de Guillaume II;
or, en dépit de l'opinion delà majorité
des Français, le peuple anglais est un
de ceux qui pardonnent le moins faci-
lement les blessures de cette sorte.
Aussi, depuis l'envoi de ce télé-
gramme, a-t-on vu se produire en An-
gleterre, dans toutes les classes de la
population, un mouvement irrésis-
tible d'hostilité contre l'Allemagne, en
même temps qu'un courant favorable
à la France et à la Russie se dessinait
dans l'opinion publique.
1
Pour ce qui concerne la Russie, les
paroles de sir Charles Dilke confirment
de la manière la plus absolue nos pro-
pres renseignements : « Le parti con-
servateur, dit M. Dilke, est beaucoup
moins anti-russe que jadis sous la di-
rection de lord Beaconsfield ; il ne l'est
même pas du tout. Le gouvernement,
yous avez pu le remarquer, ne manque
)as une occasion d'être agréable à la
Russie. »
J'ai moi-même attiré l'attention des
lecteurs de ce journal sur les actes eL
les paroles du gouvernement anglais
favorables à la Russie. Malgré les di-
vergences d'intérêts qui, sur divers
points du globe, séparent l'Angleterre
de la Russie, les hommes d'Etat an-
glais sont obligés de s'incliner devant
la situation nouvelle où se trouve
l'Europe: ils comprennent d'autant
mieux la nécessité de choisir entre la
triplice germanique et la duplice
franco-russe qu'ils ont conscience de
l'impossibilité pour la Grande-Bre-
tagne de se maintenir dans l'isole-
ment presque absolu, où elle a vécu
depuis 1870.
Les problèmes que le gouvernement
anglais a posés devant l'Europe pendant
ees dernières années sont multiples et
graves. Comment se terminera son in-
tervention en Egypte? Comment sera
réglée la question turque? Que devien-
dront les conflits d'intérêts soulevés
dans l'Afrique orientale et centrale
entre elle et diverses autres nations
européennes? Quel est son avenir dans
l'Extrême-Orient où elle est en rivalité
avec lu Russie et la France ? Autant de
questions que le gouvernement de lord
Salisbury est incapable de résoudre
sans un accord avec les puissances in-
téressées. Or, parmi ces puissances la
Russie et la France occupent le pre-
mier rang et elles sont entièrement
d'accord. N'est-il pas naturel que la
politique anglaise s'oriente de leur
côté?
.1 C'est donc très justement que sir
Charles Dilke a pu dire, à propos de la
question d'Orient : « Notre gouverne-
ment est très désireux de marcher d'ac-
cord avec la France et la Russie, et tout
dépend, pour lasolution de la question,
de cette dernière puissance. » Ces der-
niers mots confirment pleinement ce
que j'ai répété vingt fois ici, à savoir
que la Russie,, prépondérante à Cons-
tantinople, tient entre ses mains lesort
de la Turquie. Sa grànde habileté a été
de protéger l'intégrité du territoire ot-
toman, à l'heure où elle a été le plus
menacée par l'Angleterre, l'Autriche,
l'Italie et peut-être même l'Allemagne.
En se faisant la protectrice de la Tur-
quie dans ces graves circonstances, la
Russie s'est acquise à Constantinople,
comme dans les Balkans et dans l'Asie-
Mineure, une influence qui équivaut à
un protectorat moral. L'Angleterre le
sait; elle se voit contrainte de régler sa
politique sur celle de laduplice franco-
russe ; car c'est le seul moyen qu'elle
ait de ne pas perdre en Orient tout son
prestige.
*.
f)'un autre côté, comme la France
est moins directement intéressée que
la Russie aux affaires d'Orient, il est
naturel que l'Angleterre se porte da-
vantage encore vers la France que
vers la Russie. Il ne faut donc pas
s'étonner qu'un mouvement impor-
tant d'opinion se produise, dans le
monde politique anglais, en faveur
d'une « entente cordiale » avec la
France.
Ainsi que le rapporte la conversa-
tion publiée par le Figaro, il s'est
formé, depuis quelques mois, en An-
gleterre, une société déjà composée de
membres nombreux etautorisés, ayant
pour but le rapprochement de la
Grande-Bretagne et de la France sur
les bases d'une « entente cordiale »
qui inspirerait les deux pays dans le
règlement des questions multiples où
ils sont intéressés.
En France, beaucoup de bons es-
prits sont favorables à cette « entente
cordiale » ; ils y voient le complément
de l'alliance russe, le moyen de faire
disparaître les causes de conflit qui
existent entre les deux grandes nations
maritimes et la garantie la plus cer-
taine de la paix.
Quant à moi, je suis absolument
convaincu qu'il ne sera possible d'en
finir avec la question d'Orient, avec la
question d'Egypte et avec les ques-
tions africaines où nos intérêts sont
en contradiction avec ceux de l'An-
gleterre, que le jour où un rapproche-
ment sérieux et loyal des deux nations
leur permettra d'aborder ces graves
problèmes, non plus la menace à la
bouche, mais avec un esprit conciliant
et avec la résolution d aboutir à des
solutions assez honorables pour ci-
menter encore les liens précédemment
contractés.
Je terminerai donc en prenant à
mon compte ces paroles de sir Charles
Dilke : « Tout ce qui tend à nous rap-
procher me parait excellent, et je sou-
haite bon travail et longue vie à ces
sociétés de paix et de civilisation »
fondées sur les bases de « l'entente
cordiale ■».
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de 51. Charles Bos.
LA « REVUEJDE CHALONS »
Les journaux ayant annoncé-la veille,
que le tableau d'Edouard DetaIlle, re-
présentant le tsar à la revue de Châ-
lons, ne serait exposé qu'un jour —
c'est-à-dire hier — chez Boussod et
Valadon, ce qui était à prévoir est
arrivé. La foule était tellement- nom-
breuse, vers les trois heures de l'après-
midi, sur le trottoir du boulevard des
Capucines, qu'on a dû couper court à
l'invasion des curieux en fermant à
double tour les deux portes de la mai-
son. Donc, beaucoup d'appelés et, rela-
tivement, peu d'élus.
Detaille possède la science de la
'composition. Il est rare qu'il ne se
montre clair et précis. A ce point de
vue, le tableau qu'il nous fait voir au
galop, que le syndicat de la presse lui
a commandé et qu'on attend, parait-il,
à jour fixe, en Russie, est des plus re-
cornmandables. C'est une aquarelle, de
larges dimensions, près de deux mè-
tres sur un mètre de hauteur.
Au premier plan, le tsar, à cheval, de
face, — costume de Cosaque rouge,
coiffé du kolpach blanc — salue mili-
tairement de la main le drapeau des
chasseurs à pied, qui s'incline à son
passage. Les généraux Billot et de
Boisdoffre, les généraux de sa suite,
l'accompagnent, de front, en iigne. Un
peu à gauche, sur le mémo plan, l'im-
pératrice — capote.de velours bleu et
robe de soie verte — dans un landau à
triple attelage, est assise à côté du pré-
sident de la République, nu-tête, en
habit noir. Derrière le landau, à la place
des laquais, émergent deux faces bar-
bues de Cosaques. Postillons militaires,
que guidé un sous-officier d'artillerie.
Et tout ce premier plan, un peu sombre,
artistiquement relevé par deux notes
vives — le rouge de l'habit du tsar et
le vert du corsage de l'impératrice —
se détache nettement sur le fond blanc
et colorié des cavaliers aiaoes, des
chasseurs d'Afrique qui ferment l'es-
corte. Au-dessus, un ciel nuageux, se
déchirant, estompant vaguement au
loin les collines brumeuses de la plaine
du Mourmelon.
Aspect froid et correct, rigide et mi-
litaire, qu'échauffe une émotion conte-
nue, où la grâce française met son
charme. On pourrait étudier les ligures
à la loupe. Toutes très ressemblantes,
dit-oa, et harnachements impeccables.
Meissonier, le maître de Detaille, aurait
serré les deux mains à son élève pour
ce tableau.
CHARLES FRÉMINE.
POUR LE TSAR
Pendant toute la journée d'hier, la foule
s'est pressée devant le tableau de M. Edouard
Detaille. offert à l'empereur de Russie par
la presse française, et qui était exposé chez
MM. Boussod et Valadon, boulevard des
Capucines.
M. le baron de Mohrenheim, ambassadeur
de Russie, est arrivé à deux heures et demie.
Il a été reçu par MM. Alfred Mézières, dé-
puté, Paul Strauss, Eugène Pitou, Luc:en
Victor-Meunier, 1 héodore Henry, Joseph
Denais, Victor Heurtault, Tardiveau. mem-
bres du comité général des Associations de
la presse française, Il a longuement admiré
le tableau, devant lequel il s'est rencontré
avec le général de Boisdeffre, chef d'état-
major général do l'armée.
Le tableau, comme on sait, représente la
revue de Chàlons. M. Detaille a choisi le
moment où le drapeau des chasseurs à pied
s'incline devant le tsar qui salue. L'œuvre
est de tous points admirable.
Ce tableau par ira aujourd'hui pour la
Russie, en mme temps que l'album conte-
nant 1 adresse à l'empereur de Russie.
Voici le texte de cette adresse :
! Sire,
La presse française tout entière, sans distinc-
tion d opinions, demande à votre majesté la
permission de lui oil'rir un témoignage de res-
pectueuse sympathie pour son auguste personne
et d'amitié pour le noble peuple russe.
En priant votre majesté d'accepter ce souve-
nir, nous sommes assurés d'être les interprètes
de tous les Français.
Tous, d'un même cœur, nous avons salué la
présence de Nicolas et de sa très gracieuse ma-
jesté l'impératrice à Châlons comme un nouveau
gage de l'union de ces deux pays. -
Aucune parole n'a plus touché la France que
celle qui attestait « la confraternité d'armes »
des Russes et des Français.
Le tableau de la revue du 9 octobre 1896,
demandé par nous à un grand artiste, fixe un
spectacle inoubliable.
Puisse l'image de cette journée historique
rappeler à votre majesté les vœux que la presse
française forme pour la prospérité et pour la
grandeur de son rèr:- ne.
Pans, 31 décembre 1896.
Suivent les signatures des membres du
comité général des associations de la presse
française: MM. Adrien Hébrard, président;
A. Hanc, Alfred Mézières, Léon Brière, E.
Dufeuiile, E. Merson, vice-présidents; Ed-
mond Robert et Lucien Victor-Meunier, se-
crétaires ; Edouard Hervé, Jean Dupuy, AI-
phon, e Humbert, J ules Claretie, Paul Strauss,
Théodore Henry, E. Pitou, Victor Heur-
tault, Albert Bataille, F. Denais, Grisier,
Jules Chapon et Tardiveau.
A cette lettre est jointe la liste de tous les
journaux, au nombre de quinze cents, qui
ont souscrit. La liste a été dressée par ordre
alphabétique.
■ —-■ - - -
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Fête d'avènement du khédive.
— Durée du jour : 9 h. 39.
AU JOUR LE JOUR
Gustave Geffroy a écrit sur Blanqui
un beau livre : l'Enfermé. C'est une
œuvre de haute littérature en même
temps qu'une mine de documents des
plus curieux et dont la plupart sont
inédits. Le conseil municipal a décidé
d'en acheter 250 exemplaires. De là,
grande fureur des Débats.
Ils tombent à bras raccourcis sur le
conseil municipal. Voyez-vous cette
assemblée révolutionnaire qui veut per-
vertir la jeunesse en lui donnant à lire
la vie d'un révolutionnaire, d'un « oi-
seau nocturne », d'un homme qui « avait
la manie de la conspiration », etc., etc.?
Comme on le voit, l'éreintement de
Blanqui ne le cède en rien à celui dont
le conseil est l'objet de la part de la
même feuille.
Ici, nous ne sommes pas, bien en-
tendu, du même avis que les Débats.
Nous estimons même que la jeunesse
sera moins pervertie en apprenant les
actes de dévouement de Blanqui à la
cause de la justice et du progrès que
si, par example, on lui mettait sous les
yeux la Famille Pichot, dont l'auteur
n'est autre que M. Yves Guyot, rédac-
teur en chef des Débals.
La Famille Pichot pousse à la haine
d'une classe contre l'autre. C'est l'a-
pologie de la lutte des classes. L'En-
fermé, au contraire, est l'histoire d'un
militant, très désintéressé, qui a lutté
pendant cinquante ans et a souffert la
prisun, le bagne, la torture pour attein-
dre un idéal : la réalisation de la li-
berté, de l'égalité et de la fraternité
dans notre organisation sociale. Aussi
la génération actuelle, si elle n'adopte
pas toutes les idées de Blanqui, ne parle
de lui qu'avec respect.
Les accusations grotesques dont les
Débats couvrent la mémoire de Blanqui
vont contre le but qu'ils poursuivent :
elles font, en effet, le plus grand bien à
la réputation de l'Enfermé.
CHEZ NOUS
—— Les réclamations à fin d'inscription
ou de radiation sur les listes électorales
pour cette année, seront reçues pendant
une période de vingt jours, de 10 heures
du matin à 4 heures du soir, du samedi 16
janvier au jeudi 4 février inclusivement,
dans les secrétariats des mairies de Paris.
Elles seront, en outre, reçues les lundi
18 et 25 janvier, le 1" février de 8 à 10
heures du soir, et le jeudi 4 février, der-
nier jour, de quatre heures du soir à mi-
nuit.
Passé le 4 février, aucune réclamation ne
sera reçue.
—— L'Institut, toutes sections réunies,
a tenu hier sa séance trimestrielle et a
procédé à l'installation de son bureau, qui
est ainsi composé pour le premier trimes-
tre de 1897 :
l.; - Président ; M* de Jfegijer; «sgesseurs :
MM. Chatin, Héron de Villefosse, Roty,
Glasson et Gaston Boissier.
~— Le président de la République est
arrivé hier au Havre, accompagné du gé-
néral Tournier, du commandant de Laga-
renne et de MM. René Berge et Duval, l'un
de ses amis.
Le président s'est rendu chez M. Du-
bosc, aux Acacias , où il chassera au-
jourd'hui.
Le président rentrera ce soir à Paris par
le train de huit heures.
—— Un service solennel a été célébré
hier matin à onze heures, à l'église russe
de la rue Daru, à l'occasion de la Noël
orthodoxe. ,
M. de Mohrenheim, ambassadeur de
Russie, assistait à la cérémonie, ainsi que
MM. de Giers, Narischkine, Swetchine,
baron de Korff, Martinon, Zarine, la ba-
ronne Friedericks, et un grand nombre de
notabilités de la colonie russe.
A l'issue de la messe, un Te Deum a été
chanté pour appeler les bénédictions cé-
lestes sur la famille impériale.
-- L'exposition de 1900 :
Un comité privé vient de se former à
Batavia et se prépare à exposer à Paris, en
1900, un campong javanais plus vaste et
plus complet que celui qui figurait à la
dernière exposition.
- Un télégramme officiel de Port-
Louis annonce que l'île Maurice prendra
part officiellement à l'Exposition de 1900.
- Le gouvernement de la Nouvelle-
Galles du Sud a décidé de prendre part
officiellement à l'Exposition de 1900.
-—- r 3s camelots annonçaient hier, sur
le boulevard, la mort du capitaine Dreyfus.
Cette nouvelle sensationnelle ne repose,
comme on s'en doute, sur aucun docu-
ment.
—— Le doyen des turcos :
On a enterré hier au cimetière de Ba-
gneux, selon le rite musulman, un brave
turco, Mohammed ben Baschir, qui depuis
plus de vingt ans était au service du mi-
nistère de la guerre.
Un détachement d'infanterie a rendu les
honneurs militaires. En outre, plusieurs
officiers de l'état-major général avaient
tenu à assister aux obsèques de Mohammed
ben Baschir, qui avait été fait prisonnier à
Wissembourg et décoré de la médaille mi-
litaire.
Mohammed ben Baschir est mort lundi
au Val-de-Grâce. La veille, les pompiers
de service, en faisant leur ronde au minis-
tère de la guerre, l'avaient trouvé à moitié
asphyxié dans la chambre qu'il occupait.
Le malheureux avait, par inadvertance,
laissé son bec de gaz ouvert. Transporté
au Val-de-Grâce, il a succombé quelques
heures plus tard malgré tous les soins
qu'on lui a donnés.
Le vieux turco était bien connu de tous
ceux qui fréquentent le ministère de la
guerre. Il était planton au service de la
statistique et des renseignements, et ses
chefs avaient en lui une confiance absolue.
- La mort du frère Joseph :
Le corps du supérieur général des Frères
a été ramené hier matin à Paris, et déposé
immédiatement à la maison-mère de l'or-
dre, dans une chapelle ardente et quatre
religieux l'ont veillé jusqu'à la cérémonie
des obsèques qui a lieu aujourd'hui, dans
la matinée.
- Le dîner annuel de la chambre de
commerce américaine de Paris a eu lieu
hier soir. Il comprenait soixante-dix con-
vives.
—— L'une des causes de la supériorité
de l'absinthe blanche Cusenier, c'est que
pour en faire un bon verre, il en faut une
quantité bien moindre qu'avec toute autre
marque.
De plus, l'oxygénation lui confère avec
des qualités plus hygiéniques, une suavité
sans égale.
— M. Delpeuch, sous-secrétaire d'Etat
aux postes et télégraphes, continuant la
tradition qu'il a inaugurée, s'est rendu à la
recette prineipale des postes de Paris pour
remettre lui-même aux facteurs, à l'occa-
sion de la nouvelle année, les médailles
d'honneur accordées à ces agents.
Le sous-secrétaire d'Etat a tenu aussi à
se rendre compte du fonctionnement du
service spécial organisé, dans les locaux
de la recette principale, pour la transmis-
sion des cartes de visite.
Deux cents dames auxiliaires ont à faire
le tri de près de 16 millions de cartes qui,
avant cette organisation spéciale, encom-
braient les services et retardaient tous les
envois. M. Delpeuch a été heureux de
constater que ce travail fonctionnait par-
faitement.
'J Un duel à l'épée a eu lieu hier au
Mans, entre M. Numa Roustan , rédac-
teur au Bonhomme sarthois, et M. Cré-
tois, receveur municipal, à la suite d'une
polémique.
M. Roustan a reçu à la lèvre supérieure
une blessure sans gravité,
-----. Les originaires de la Provence, ha-
bitant Paris, membrés du « Peiroou, so-
ciété amicale des Provençaux, ont élu en
assemblée générale ordinaire MM. Horn-
bostel, président; Couton, vice-président;
Fournier, secrétaire, et Renou, trésorier.
- Le sculpteur Alfred Boucher ter-
mine en ce moment les maquettes d'un
monument élevé par souscription de la
Société des ingénieurs civils, dont il fut un
des fondateurs, à Eugène Flachat, l'initia-
teur de la construction métallique.
Ce monument, dont la partie architectu-
rale est confiée à M. Gaston Trélat, fils du
député de la Seine, n'aura pas moins de
huit mètres de hauteur. Il s'élèvera sur le
jardin triangulaire situé au carrefour du
boulevard Pereire et des rues Alphonse-
de-Neuville et Flachat. } --
—— Les cours de l'Association -cvs
Dames françaises, pour les damesambul in-
cières et les gardes-malades qui ont obtenu
un si grand succès en 1896, commenceront
cette année, le 8 janvier et auront lieu les
lundis et vendredis, à quatre heures, au
siège social, 10, rue Gaillon.
Pous tous les renseigments s'adresser au
secrétariat.
—— Quatrains :
Le Gaulois citait hier le fameux quatrain
déposé jadis, sur un album, par Charles
Monselet :
Ecrit le trois janvier
En mangeant une orange
A l'ombre d'un palmier.
Etrange ! étrange 1 étrange !
Et celui-ci, tout aussi célèbre, qu'un fan-
taisiste farceur avait inscrit à la suite sur
le même album :
Ecrit le cinq janvier
A l'ombre d'une orange,
En mangeant un palmier
De plus en plus étrange.
Monselet avait commis sur un des bons
musiciens de ce temps un autre quatrain
— encore un 1 — qu'on me pardonnera de
citer :
Au hammam, les seins nux,
On aperçoit Véronge,
Véronge de la Nux :
Etronge ! étronge ! étronge 1
En effet !
A L'ETRANGER
- » Le Lokalanzeiger prétend avoir ap-
pris de bonne source qu'un nouveau sérum,
efficace contre les affections tuberculeuses,
vient d'être découvert par M. le docteur
F. Niemann, le professeur de bactériologie
bien connu dans les milieux scientifiques.
Le nouveau moyen de guérison fera très
prochainement l'objet d'une publication
dans ltpresse médicale. Il possède le grand
avantage de ne pas produire après coup
des effets désagréables et, même injecté en
grandes quantités, il ne cause ni fièvre ni
dérangements quelconques.
— Les journaux anglais rapportent
que la reine Victoria a l'intention de faire
construire un nouveau yacht pour rem-
placer le Victoria and Albert, construit en
1855, et qui est considéré comme n'étant
plus à la hauteur. En eilet, ce navire ne
fait que seize nœuds au plus, tandis que
les navires de l'empereur Guillaume et de
l'empereur Nicolas, le Hohenîolîern et le
Standart filent facilement vingt nœuds.
- La meilleure façon d'accommoder
un criminel ou la peine de mort chez les
Transatlantiques :
L'électrocution, n'ayant pas remplacé la
potence avec assez d'avantages, les bons
Américains ont nommé une commission
pour rechercher un procédé plus « humain b
et plus pratique à la fois.
Cette commission, après un an de tra-
vaux, vient de se prononcer en faveur de
l'asphyxie par le gaz d'éclairage.
Certes, la mort ne sera pas instantanée,
mais on pourrait exécuter doucettement
les assassins dans leur sommeil, sans dou-
leur, sans qu'ils s'en doutent.
Nous verrons si ce système « humain »
— pour les criminels, sera adopté.
Le Pansant.
LEVER DE LUNE Dl8 LIS BOIS
Ait travers des bois de Larchant,
A l'heure où croissent les ténèbres.
Je m'en allais vers le couchant
Entre deux rangs de pins funèbres.
Leurs troncs montaient, rouges et droits,
De l'épaisseur des mousses blanches;
Les embûches et les effrois
Se tenaient blottis sous les branches i
Et, comme de hideux serpents,
A mes pieds, sur la terre nue,
Leurs racines, aux nœuds rampants,
Rayaient la sinistre avenue.
Ainsi marchant et trébuchant
Dans la nuit de plus en plus sombre,
J'allais toujours vers le couchant
Entre ces deux murailles d'ombre.
J'allais. lorsqu'au bruit de mes pas,
Brusquement réveillé, sans doute,
Un geai, que je ne voyais pas,
En criant, traversa la route;
Et voilà qu'à leur tour surpris,
Les autres geais, qui l'entendirent,
Se mirent à pousser des cris
Auxquels d'autres cris répondirent ;
Des cris rauques, des cris perçants,
Des cris d'appel, des cris d*alarme,
Des cris de corbeaux croassants,
Tournant au-dessus du vacarme;
Oiseaux de nuit, oiseaux de jour% v
Ceux dont le voyageur s'effraie,
Et la chouette avec l'autour,
Et la hulotte avec l'orfraie;
Tous me suivant, me pourchassant,
Les ramiers comme les crécelles,
Et quelques-uns s'enhardissant
Jusqu'à me frapper de leurs ailes!.
Haletant, j'entendais parfois
Dans la nuit mes mains Inquiètes,
Me demandant pourquoi le bois
Lâchait sur moi toutes ses bêtes ;
Lorsqu'une gerbe de clartés
Inonda l'avenue entière,
Et jusqu'aux lointa ns enchantés.
Jaillit de clairière en clairiire,
Et je vis, pale et bondissant
Sous les pins blancs comme des marbres,
Diane, dont le fin croissant
Courait sur la cime des arbres !
CHAP.Lus - PRÉMNIL
L'INSTRUCTION SECRÈTE
Si tant d'inutiles discussions laissaient
chaque année au Parlement le loisir d'-! s oc-
cuper de questions un peu sérieuses, deux
incidents, fort tristes assurément et des plus
scandaleux, imposeraient la mise immédiate
à l'ordre du jour de la réforme de l'instruc-
tion criminelle.
Avant-hier, c'était M* Le Barazer qui fai.
sait acquitter, purement et simplement, un
M. Dufour, père de cinq enfants et en pré-
vention depuis cinq mois.
Hier, c'était la chambre des mises en acou-
sa ion qui, après quatre mois et demi da
prévention, rendait un arrêt do non-lieu, en
faveur de Mme Choquart, arrô'ée pour com-
plicité dans le crime de la rue des Archives.
Pour que le tribunal correctionnel ait ae-
quitté M. Dufour, il a fallu certainement que
-on innocence fût indiscutable. Or, le juge,
d'instruction devait 1«- savoir auparavant.
Pour que la chambre des mises en accu-
sation ait fait remettre en liberté Mme Cho-
quart, il a fallu aussi qu'il n'y eût pas contra
elle la moindre présomption. Le juge d'ins-
truction ne devait p is non plus l'ignorer.
On a déshonoré ces deux personnes, on
les a arrêtées indùmeBt, on leur a causé,
outre le point de vue moral, un préjudice
pécuniaire très sensible. Dans une société
mieux organisée, elles devraient recevoir una
indemnité considérable et les magistrats qui
les ont fait incarcérer seraient sévèrement
punis.
Dans la nôtre, les choses ne se passent
pas ainsi. Je suis même persuadé que M.
Dulour et Mme Choquart se sont entendu
dire : « Vous êtes libres, mais n'y revenez
pasl»
La conclusion qu'il faut tirer de ces deux
faits c'est que si l'instruction était contra-
dictoire, si l'avocat du prévenu avait le droit
d assister à tous les actes de la procédure,
de pareils dénis de justice qui sont de véri-
tables monstruosités ne se produiraient ja-
mais ou presque jamais.
Au fait, comment l'instruction peut-elle
être encore secrète?
CH. B.
*
INCENDIE D'UN COUVENT
SEPT RELIGIEUSES BRÛLÉES VIVES
Le couvent des Ursulines à Roberval,
près du lac Saint-Jean (Canada) a été détruit
hier matin par un incendie causé par l'explo-
sion d'une lampe.
Sept religieuses ont été brûlées vives. Les
autres n'ont pu se sauver qu'avec de gran-
des difficultés.
La scène était navrante : on entendait les
cris de désespoir des victimes ; mais comme
les fenêtres étaient garnies de barreaux et
de grilles, il était impossible de leur porter
secours.
Heureusement, les élèves étaient en ce
moment chez leurs parents pour les vacan-
ces de NoM,
LES MIETTES DE LA SEMAINE
Par PAUL DESACHY
Vendredi 1" janvier 1897. — Que
non sens de commencer l'année nou
velle par des plaintes mélancoliques
sur l'année défunte, et quelle origina
lité pour le chroniqueur d'exhaler, unt
fois encore, sa mauvaise-humeur ran-
cunière sur l'échéance des étrennes!
A-t on le temps de penser à ces quel
ques désagréments de la vie au seuii
de l'an neuf? A-t-on le souci de verset
un pleur, d'accorder un regret aus
jours évanouis parce qu'ils ne nous
apportèrent pas les satisfactions que
nous espérâmes, parce que la réalité a
froissé un peu les ailes de nos rêves?
Toutes les préoccupations, au con-
traire, tous les souvenirs mauvais, tous
les chagrins doivent s'abolir devant
la page blanche du nouvel almanach.
Sur le point culminant d'où tout à
l'heure on descendra dans la vallée, on
semble dominer l'avenir. Les semaines
et les mois, comme autant de sites d'un
attrait mystérieux, s'enfoncent insensi-
blement dans la brume des horizons
lointains. Le regard est ravi tant le
ciel" est bleu, la lumière douce, le
paysage séduisant. Un air plus pur ca-
reise les poumons rafraîchis ; on part
galment, l'âme joyeuse d'espérance,
pour ce voyage nouveau dans ce pays
inconnu où tout parait charmant et
Heuri. Si les cailloux du chemin sont
aigus et coupants, si les fleurs sont
empoisonnées, si les ronces sont plus
fréquentes que les roses, nous aurons
bien le temps de nous en apercevoir en
route. Pourquoi gâter notre espoir,
raisonner cette folie d'idéal qui s'épa-
nouit en nous et nous fait vivre, en
masquant les tristesses de l'existcuuo.
La division du temps en années, si
conventionnel qu'en soit le principe,
est une illusion bienfaisante. Elle per-
met à l'homme, l'étape achevée, de re-
prendre courage, de ranimer ses forces
vt de se retremper aux sources vivi-
fiantes des espérances, et le mirage
d'avenir dont s'enchantent aujourd'hui
ses regards lui promet, pour les jours
-prochains de l'an que voici, ce bonheur
sans le désir duquel il vaudrait mieux
ne pas vivre.
Lundi 4 janvier. — La magistrature
a fait à Willette, qui devenait un peu
faiblard depuis quelque temps, un joli
cadeau d'étrennes. Le parquet, après
dix ou douze jours de réflexion, se dé-
cide à poursuivre un dessin du Riré
qu'il faudrait, paraît-il, regarder à la
loupe ou tourner dans on ne sait quel
sens pour en découvrir la répréhen-
sible pornographie. On s'est amusé à
ce petit jeu daus le cabinet du juge
d'instruction pendant les vacances 4u
jour de l'an. r
Et je me souviens d'un fin i £ *oquis rte
ce même Willette, ingénu et candide
gibier de correctionnelle, dangereux
récidiviste déjà poursuivi il y a dix ans,
croquis ironique où sa Muse gamine,
montée sur une table, envoyait, de ses
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
h mil frtiiMb Ils. ha
ta.rls.. : 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 —- 6— 11— 20 -
Cnion Postale 8 - a— 16— as -
MtaBATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ANNONCES
Ch. LAGRANGE, CERF < £ Ou
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RÉDACTION: 131. rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heurts du soir et de 10 heures du soir à 1 bettrsdunusUn
N. 9800. — Vendredi S Janvier 1897
18 NIVOSE AN 105
ADMEVISTRATIOIV i 131, rue Montmartre, 18ft
Adresser lettré» et .el.t. à l'Administrateur
NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
L'ENTENTE CORDIALE
Le Figaro a publié récemment une
conversation d'un de ses collaborateurs
avec sir Charles Dilke qui me paraît
n'avoir pas attiré, autant qu'il con-
vient, l'attention de lapresse française.
Il y a, dans les propos tenus par
l'homme d'Etat anglais , un certain
nombre de renseignements utiles à
noter et d'indications dont le public
français doit tenir compte, s'il veut
voir clair dans l'imbroglio politique où
l'Europe est engagée.
Ainsi que je le disais dans ma der-
nière Lettre libre, l'Europe marche
vers un équilibre très distinct de celui
qui existait depuis les triomphes mili-
taires remportés, en 1870, par l'Alle-
magne sur la France : à l'hégémonie
que l'empire germanique exerçait sur
l'Europe, gràce à sa puissance mili-
taire et à son alliance avec l'Autriche
et l'Italie, on voit se substituer l'in-
fluence prépondérante de la Russie et
de la France.
Il n'est donc pas étonnant que l'An-
gleterre, toujours soucieuse de ses in-
térêts, commence à orienter sa politi-
que vers un horizon nouveau. Son
intérêt seul aurait suffi pour l'y déter-
miner; elle y a été poussée encore très
énergiquement par l'altilude que prit
l'empereur Guillaume lors des affaires
du Transvaal. « Avant oet acte d'hos-
tilité de l'empereur d'Allemagne à
notre égard, dit sir Charles Dilke, il
existait deux courants en Angleterre :
les uns vantaient les bienfaits d'une
alliance avec les puissances centrales,
les autres se faisaient les avocats d'un
rapprochement avec la France. Ces
autres forment, je puis vous l'assurer,
une grande majorité en Angleterre. »
il n'y a aucune exagération dans
ces paroles. L'amour-propre britan-
nique a été blessé jusqu'au sang par le
télégramme insolent de Guillaume II;
or, en dépit de l'opinion delà majorité
des Français, le peuple anglais est un
de ceux qui pardonnent le moins faci-
lement les blessures de cette sorte.
Aussi, depuis l'envoi de ce télé-
gramme, a-t-on vu se produire en An-
gleterre, dans toutes les classes de la
population, un mouvement irrésis-
tible d'hostilité contre l'Allemagne, en
même temps qu'un courant favorable
à la France et à la Russie se dessinait
dans l'opinion publique.
1
Pour ce qui concerne la Russie, les
paroles de sir Charles Dilke confirment
de la manière la plus absolue nos pro-
pres renseignements : « Le parti con-
servateur, dit M. Dilke, est beaucoup
moins anti-russe que jadis sous la di-
rection de lord Beaconsfield ; il ne l'est
même pas du tout. Le gouvernement,
yous avez pu le remarquer, ne manque
)as une occasion d'être agréable à la
Russie. »
J'ai moi-même attiré l'attention des
lecteurs de ce journal sur les actes eL
les paroles du gouvernement anglais
favorables à la Russie. Malgré les di-
vergences d'intérêts qui, sur divers
points du globe, séparent l'Angleterre
de la Russie, les hommes d'Etat an-
glais sont obligés de s'incliner devant
la situation nouvelle où se trouve
l'Europe: ils comprennent d'autant
mieux la nécessité de choisir entre la
triplice germanique et la duplice
franco-russe qu'ils ont conscience de
l'impossibilité pour la Grande-Bre-
tagne de se maintenir dans l'isole-
ment presque absolu, où elle a vécu
depuis 1870.
Les problèmes que le gouvernement
anglais a posés devant l'Europe pendant
ees dernières années sont multiples et
graves. Comment se terminera son in-
tervention en Egypte? Comment sera
réglée la question turque? Que devien-
dront les conflits d'intérêts soulevés
dans l'Afrique orientale et centrale
entre elle et diverses autres nations
européennes? Quel est son avenir dans
l'Extrême-Orient où elle est en rivalité
avec lu Russie et la France ? Autant de
questions que le gouvernement de lord
Salisbury est incapable de résoudre
sans un accord avec les puissances in-
téressées. Or, parmi ces puissances la
Russie et la France occupent le pre-
mier rang et elles sont entièrement
d'accord. N'est-il pas naturel que la
politique anglaise s'oriente de leur
côté?
.1 C'est donc très justement que sir
Charles Dilke a pu dire, à propos de la
question d'Orient : « Notre gouverne-
ment est très désireux de marcher d'ac-
cord avec la France et la Russie, et tout
dépend, pour lasolution de la question,
de cette dernière puissance. » Ces der-
niers mots confirment pleinement ce
que j'ai répété vingt fois ici, à savoir
que la Russie,, prépondérante à Cons-
tantinople, tient entre ses mains lesort
de la Turquie. Sa grànde habileté a été
de protéger l'intégrité du territoire ot-
toman, à l'heure où elle a été le plus
menacée par l'Angleterre, l'Autriche,
l'Italie et peut-être même l'Allemagne.
En se faisant la protectrice de la Tur-
quie dans ces graves circonstances, la
Russie s'est acquise à Constantinople,
comme dans les Balkans et dans l'Asie-
Mineure, une influence qui équivaut à
un protectorat moral. L'Angleterre le
sait; elle se voit contrainte de régler sa
politique sur celle de laduplice franco-
russe ; car c'est le seul moyen qu'elle
ait de ne pas perdre en Orient tout son
prestige.
*.
f)'un autre côté, comme la France
est moins directement intéressée que
la Russie aux affaires d'Orient, il est
naturel que l'Angleterre se porte da-
vantage encore vers la France que
vers la Russie. Il ne faut donc pas
s'étonner qu'un mouvement impor-
tant d'opinion se produise, dans le
monde politique anglais, en faveur
d'une « entente cordiale » avec la
France.
Ainsi que le rapporte la conversa-
tion publiée par le Figaro, il s'est
formé, depuis quelques mois, en An-
gleterre, une société déjà composée de
membres nombreux etautorisés, ayant
pour but le rapprochement de la
Grande-Bretagne et de la France sur
les bases d'une « entente cordiale »
qui inspirerait les deux pays dans le
règlement des questions multiples où
ils sont intéressés.
En France, beaucoup de bons es-
prits sont favorables à cette « entente
cordiale » ; ils y voient le complément
de l'alliance russe, le moyen de faire
disparaître les causes de conflit qui
existent entre les deux grandes nations
maritimes et la garantie la plus cer-
taine de la paix.
Quant à moi, je suis absolument
convaincu qu'il ne sera possible d'en
finir avec la question d'Orient, avec la
question d'Egypte et avec les ques-
tions africaines où nos intérêts sont
en contradiction avec ceux de l'An-
gleterre, que le jour où un rapproche-
ment sérieux et loyal des deux nations
leur permettra d'aborder ces graves
problèmes, non plus la menace à la
bouche, mais avec un esprit conciliant
et avec la résolution d aboutir à des
solutions assez honorables pour ci-
menter encore les liens précédemment
contractés.
Je terminerai donc en prenant à
mon compte ces paroles de sir Charles
Dilke : « Tout ce qui tend à nous rap-
procher me parait excellent, et je sou-
haite bon travail et longue vie à ces
sociétés de paix et de civilisation »
fondées sur les bases de « l'entente
cordiale ■».
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de 51. Charles Bos.
LA « REVUEJDE CHALONS »
Les journaux ayant annoncé-la veille,
que le tableau d'Edouard DetaIlle, re-
présentant le tsar à la revue de Châ-
lons, ne serait exposé qu'un jour —
c'est-à-dire hier — chez Boussod et
Valadon, ce qui était à prévoir est
arrivé. La foule était tellement- nom-
breuse, vers les trois heures de l'après-
midi, sur le trottoir du boulevard des
Capucines, qu'on a dû couper court à
l'invasion des curieux en fermant à
double tour les deux portes de la mai-
son. Donc, beaucoup d'appelés et, rela-
tivement, peu d'élus.
Detaille possède la science de la
'composition. Il est rare qu'il ne se
montre clair et précis. A ce point de
vue, le tableau qu'il nous fait voir au
galop, que le syndicat de la presse lui
a commandé et qu'on attend, parait-il,
à jour fixe, en Russie, est des plus re-
cornmandables. C'est une aquarelle, de
larges dimensions, près de deux mè-
tres sur un mètre de hauteur.
Au premier plan, le tsar, à cheval, de
face, — costume de Cosaque rouge,
coiffé du kolpach blanc — salue mili-
tairement de la main le drapeau des
chasseurs à pied, qui s'incline à son
passage. Les généraux Billot et de
Boisdoffre, les généraux de sa suite,
l'accompagnent, de front, en iigne. Un
peu à gauche, sur le mémo plan, l'im-
pératrice — capote.de velours bleu et
robe de soie verte — dans un landau à
triple attelage, est assise à côté du pré-
sident de la République, nu-tête, en
habit noir. Derrière le landau, à la place
des laquais, émergent deux faces bar-
bues de Cosaques. Postillons militaires,
que guidé un sous-officier d'artillerie.
Et tout ce premier plan, un peu sombre,
artistiquement relevé par deux notes
vives — le rouge de l'habit du tsar et
le vert du corsage de l'impératrice —
se détache nettement sur le fond blanc
et colorié des cavaliers aiaoes, des
chasseurs d'Afrique qui ferment l'es-
corte. Au-dessus, un ciel nuageux, se
déchirant, estompant vaguement au
loin les collines brumeuses de la plaine
du Mourmelon.
Aspect froid et correct, rigide et mi-
litaire, qu'échauffe une émotion conte-
nue, où la grâce française met son
charme. On pourrait étudier les ligures
à la loupe. Toutes très ressemblantes,
dit-oa, et harnachements impeccables.
Meissonier, le maître de Detaille, aurait
serré les deux mains à son élève pour
ce tableau.
CHARLES FRÉMINE.
POUR LE TSAR
Pendant toute la journée d'hier, la foule
s'est pressée devant le tableau de M. Edouard
Detaille. offert à l'empereur de Russie par
la presse française, et qui était exposé chez
MM. Boussod et Valadon, boulevard des
Capucines.
M. le baron de Mohrenheim, ambassadeur
de Russie, est arrivé à deux heures et demie.
Il a été reçu par MM. Alfred Mézières, dé-
puté, Paul Strauss, Eugène Pitou, Luc:en
Victor-Meunier, 1 héodore Henry, Joseph
Denais, Victor Heurtault, Tardiveau. mem-
bres du comité général des Associations de
la presse française, Il a longuement admiré
le tableau, devant lequel il s'est rencontré
avec le général de Boisdeffre, chef d'état-
major général do l'armée.
Le tableau, comme on sait, représente la
revue de Chàlons. M. Detaille a choisi le
moment où le drapeau des chasseurs à pied
s'incline devant le tsar qui salue. L'œuvre
est de tous points admirable.
Ce tableau par ira aujourd'hui pour la
Russie, en mme temps que l'album conte-
nant 1 adresse à l'empereur de Russie.
Voici le texte de cette adresse :
! Sire,
La presse française tout entière, sans distinc-
tion d opinions, demande à votre majesté la
permission de lui oil'rir un témoignage de res-
pectueuse sympathie pour son auguste personne
et d'amitié pour le noble peuple russe.
En priant votre majesté d'accepter ce souve-
nir, nous sommes assurés d'être les interprètes
de tous les Français.
Tous, d'un même cœur, nous avons salué la
présence de Nicolas et de sa très gracieuse ma-
jesté l'impératrice à Châlons comme un nouveau
gage de l'union de ces deux pays. -
Aucune parole n'a plus touché la France que
celle qui attestait « la confraternité d'armes »
des Russes et des Français.
Le tableau de la revue du 9 octobre 1896,
demandé par nous à un grand artiste, fixe un
spectacle inoubliable.
Puisse l'image de cette journée historique
rappeler à votre majesté les vœux que la presse
française forme pour la prospérité et pour la
grandeur de son rèr:- ne.
Pans, 31 décembre 1896.
Suivent les signatures des membres du
comité général des associations de la presse
française: MM. Adrien Hébrard, président;
A. Hanc, Alfred Mézières, Léon Brière, E.
Dufeuiile, E. Merson, vice-présidents; Ed-
mond Robert et Lucien Victor-Meunier, se-
crétaires ; Edouard Hervé, Jean Dupuy, AI-
phon, e Humbert, J ules Claretie, Paul Strauss,
Théodore Henry, E. Pitou, Victor Heur-
tault, Albert Bataille, F. Denais, Grisier,
Jules Chapon et Tardiveau.
A cette lettre est jointe la liste de tous les
journaux, au nombre de quinze cents, qui
ont souscrit. La liste a été dressée par ordre
alphabétique.
■ —-■ - - -
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Fête d'avènement du khédive.
— Durée du jour : 9 h. 39.
AU JOUR LE JOUR
Gustave Geffroy a écrit sur Blanqui
un beau livre : l'Enfermé. C'est une
œuvre de haute littérature en même
temps qu'une mine de documents des
plus curieux et dont la plupart sont
inédits. Le conseil municipal a décidé
d'en acheter 250 exemplaires. De là,
grande fureur des Débats.
Ils tombent à bras raccourcis sur le
conseil municipal. Voyez-vous cette
assemblée révolutionnaire qui veut per-
vertir la jeunesse en lui donnant à lire
la vie d'un révolutionnaire, d'un « oi-
seau nocturne », d'un homme qui « avait
la manie de la conspiration », etc., etc.?
Comme on le voit, l'éreintement de
Blanqui ne le cède en rien à celui dont
le conseil est l'objet de la part de la
même feuille.
Ici, nous ne sommes pas, bien en-
tendu, du même avis que les Débats.
Nous estimons même que la jeunesse
sera moins pervertie en apprenant les
actes de dévouement de Blanqui à la
cause de la justice et du progrès que
si, par example, on lui mettait sous les
yeux la Famille Pichot, dont l'auteur
n'est autre que M. Yves Guyot, rédac-
teur en chef des Débals.
La Famille Pichot pousse à la haine
d'une classe contre l'autre. C'est l'a-
pologie de la lutte des classes. L'En-
fermé, au contraire, est l'histoire d'un
militant, très désintéressé, qui a lutté
pendant cinquante ans et a souffert la
prisun, le bagne, la torture pour attein-
dre un idéal : la réalisation de la li-
berté, de l'égalité et de la fraternité
dans notre organisation sociale. Aussi
la génération actuelle, si elle n'adopte
pas toutes les idées de Blanqui, ne parle
de lui qu'avec respect.
Les accusations grotesques dont les
Débats couvrent la mémoire de Blanqui
vont contre le but qu'ils poursuivent :
elles font, en effet, le plus grand bien à
la réputation de l'Enfermé.
CHEZ NOUS
—— Les réclamations à fin d'inscription
ou de radiation sur les listes électorales
pour cette année, seront reçues pendant
une période de vingt jours, de 10 heures
du matin à 4 heures du soir, du samedi 16
janvier au jeudi 4 février inclusivement,
dans les secrétariats des mairies de Paris.
Elles seront, en outre, reçues les lundi
18 et 25 janvier, le 1" février de 8 à 10
heures du soir, et le jeudi 4 février, der-
nier jour, de quatre heures du soir à mi-
nuit.
Passé le 4 février, aucune réclamation ne
sera reçue.
—— L'Institut, toutes sections réunies,
a tenu hier sa séance trimestrielle et a
procédé à l'installation de son bureau, qui
est ainsi composé pour le premier trimes-
tre de 1897 :
l.; - Président ; M* de Jfegijer; «sgesseurs :
MM. Chatin, Héron de Villefosse, Roty,
Glasson et Gaston Boissier.
~— Le président de la République est
arrivé hier au Havre, accompagné du gé-
néral Tournier, du commandant de Laga-
renne et de MM. René Berge et Duval, l'un
de ses amis.
Le président s'est rendu chez M. Du-
bosc, aux Acacias , où il chassera au-
jourd'hui.
Le président rentrera ce soir à Paris par
le train de huit heures.
—— Un service solennel a été célébré
hier matin à onze heures, à l'église russe
de la rue Daru, à l'occasion de la Noël
orthodoxe. ,
M. de Mohrenheim, ambassadeur de
Russie, assistait à la cérémonie, ainsi que
MM. de Giers, Narischkine, Swetchine,
baron de Korff, Martinon, Zarine, la ba-
ronne Friedericks, et un grand nombre de
notabilités de la colonie russe.
A l'issue de la messe, un Te Deum a été
chanté pour appeler les bénédictions cé-
lestes sur la famille impériale.
-- L'exposition de 1900 :
Un comité privé vient de se former à
Batavia et se prépare à exposer à Paris, en
1900, un campong javanais plus vaste et
plus complet que celui qui figurait à la
dernière exposition.
- Un télégramme officiel de Port-
Louis annonce que l'île Maurice prendra
part officiellement à l'Exposition de 1900.
- Le gouvernement de la Nouvelle-
Galles du Sud a décidé de prendre part
officiellement à l'Exposition de 1900.
-—- r 3s camelots annonçaient hier, sur
le boulevard, la mort du capitaine Dreyfus.
Cette nouvelle sensationnelle ne repose,
comme on s'en doute, sur aucun docu-
ment.
—— Le doyen des turcos :
On a enterré hier au cimetière de Ba-
gneux, selon le rite musulman, un brave
turco, Mohammed ben Baschir, qui depuis
plus de vingt ans était au service du mi-
nistère de la guerre.
Un détachement d'infanterie a rendu les
honneurs militaires. En outre, plusieurs
officiers de l'état-major général avaient
tenu à assister aux obsèques de Mohammed
ben Baschir, qui avait été fait prisonnier à
Wissembourg et décoré de la médaille mi-
litaire.
Mohammed ben Baschir est mort lundi
au Val-de-Grâce. La veille, les pompiers
de service, en faisant leur ronde au minis-
tère de la guerre, l'avaient trouvé à moitié
asphyxié dans la chambre qu'il occupait.
Le malheureux avait, par inadvertance,
laissé son bec de gaz ouvert. Transporté
au Val-de-Grâce, il a succombé quelques
heures plus tard malgré tous les soins
qu'on lui a donnés.
Le vieux turco était bien connu de tous
ceux qui fréquentent le ministère de la
guerre. Il était planton au service de la
statistique et des renseignements, et ses
chefs avaient en lui une confiance absolue.
- La mort du frère Joseph :
Le corps du supérieur général des Frères
a été ramené hier matin à Paris, et déposé
immédiatement à la maison-mère de l'or-
dre, dans une chapelle ardente et quatre
religieux l'ont veillé jusqu'à la cérémonie
des obsèques qui a lieu aujourd'hui, dans
la matinée.
- Le dîner annuel de la chambre de
commerce américaine de Paris a eu lieu
hier soir. Il comprenait soixante-dix con-
vives.
—— L'une des causes de la supériorité
de l'absinthe blanche Cusenier, c'est que
pour en faire un bon verre, il en faut une
quantité bien moindre qu'avec toute autre
marque.
De plus, l'oxygénation lui confère avec
des qualités plus hygiéniques, une suavité
sans égale.
— M. Delpeuch, sous-secrétaire d'Etat
aux postes et télégraphes, continuant la
tradition qu'il a inaugurée, s'est rendu à la
recette prineipale des postes de Paris pour
remettre lui-même aux facteurs, à l'occa-
sion de la nouvelle année, les médailles
d'honneur accordées à ces agents.
Le sous-secrétaire d'Etat a tenu aussi à
se rendre compte du fonctionnement du
service spécial organisé, dans les locaux
de la recette principale, pour la transmis-
sion des cartes de visite.
Deux cents dames auxiliaires ont à faire
le tri de près de 16 millions de cartes qui,
avant cette organisation spéciale, encom-
braient les services et retardaient tous les
envois. M. Delpeuch a été heureux de
constater que ce travail fonctionnait par-
faitement.
'J Un duel à l'épée a eu lieu hier au
Mans, entre M. Numa Roustan , rédac-
teur au Bonhomme sarthois, et M. Cré-
tois, receveur municipal, à la suite d'une
polémique.
M. Roustan a reçu à la lèvre supérieure
une blessure sans gravité,
-----. Les originaires de la Provence, ha-
bitant Paris, membrés du « Peiroou, so-
ciété amicale des Provençaux, ont élu en
assemblée générale ordinaire MM. Horn-
bostel, président; Couton, vice-président;
Fournier, secrétaire, et Renou, trésorier.
- Le sculpteur Alfred Boucher ter-
mine en ce moment les maquettes d'un
monument élevé par souscription de la
Société des ingénieurs civils, dont il fut un
des fondateurs, à Eugène Flachat, l'initia-
teur de la construction métallique.
Ce monument, dont la partie architectu-
rale est confiée à M. Gaston Trélat, fils du
député de la Seine, n'aura pas moins de
huit mètres de hauteur. Il s'élèvera sur le
jardin triangulaire situé au carrefour du
boulevard Pereire et des rues Alphonse-
de-Neuville et Flachat. } --
—— Les cours de l'Association -cvs
Dames françaises, pour les damesambul in-
cières et les gardes-malades qui ont obtenu
un si grand succès en 1896, commenceront
cette année, le 8 janvier et auront lieu les
lundis et vendredis, à quatre heures, au
siège social, 10, rue Gaillon.
Pous tous les renseigments s'adresser au
secrétariat.
—— Quatrains :
Le Gaulois citait hier le fameux quatrain
déposé jadis, sur un album, par Charles
Monselet :
Ecrit le trois janvier
En mangeant une orange
A l'ombre d'un palmier.
Etrange ! étrange 1 étrange !
Et celui-ci, tout aussi célèbre, qu'un fan-
taisiste farceur avait inscrit à la suite sur
le même album :
Ecrit le cinq janvier
A l'ombre d'une orange,
En mangeant un palmier
De plus en plus étrange.
Monselet avait commis sur un des bons
musiciens de ce temps un autre quatrain
— encore un 1 — qu'on me pardonnera de
citer :
Au hammam, les seins nux,
On aperçoit Véronge,
Véronge de la Nux :
Etronge ! étronge ! étronge 1
En effet !
A L'ETRANGER
- » Le Lokalanzeiger prétend avoir ap-
pris de bonne source qu'un nouveau sérum,
efficace contre les affections tuberculeuses,
vient d'être découvert par M. le docteur
F. Niemann, le professeur de bactériologie
bien connu dans les milieux scientifiques.
Le nouveau moyen de guérison fera très
prochainement l'objet d'une publication
dans ltpresse médicale. Il possède le grand
avantage de ne pas produire après coup
des effets désagréables et, même injecté en
grandes quantités, il ne cause ni fièvre ni
dérangements quelconques.
— Les journaux anglais rapportent
que la reine Victoria a l'intention de faire
construire un nouveau yacht pour rem-
placer le Victoria and Albert, construit en
1855, et qui est considéré comme n'étant
plus à la hauteur. En eilet, ce navire ne
fait que seize nœuds au plus, tandis que
les navires de l'empereur Guillaume et de
l'empereur Nicolas, le Hohenîolîern et le
Standart filent facilement vingt nœuds.
- La meilleure façon d'accommoder
un criminel ou la peine de mort chez les
Transatlantiques :
L'électrocution, n'ayant pas remplacé la
potence avec assez d'avantages, les bons
Américains ont nommé une commission
pour rechercher un procédé plus « humain b
et plus pratique à la fois.
Cette commission, après un an de tra-
vaux, vient de se prononcer en faveur de
l'asphyxie par le gaz d'éclairage.
Certes, la mort ne sera pas instantanée,
mais on pourrait exécuter doucettement
les assassins dans leur sommeil, sans dou-
leur, sans qu'ils s'en doutent.
Nous verrons si ce système « humain »
— pour les criminels, sera adopté.
Le Pansant.
LEVER DE LUNE Dl8 LIS BOIS
Ait travers des bois de Larchant,
A l'heure où croissent les ténèbres.
Je m'en allais vers le couchant
Entre deux rangs de pins funèbres.
Leurs troncs montaient, rouges et droits,
De l'épaisseur des mousses blanches;
Les embûches et les effrois
Se tenaient blottis sous les branches i
Et, comme de hideux serpents,
A mes pieds, sur la terre nue,
Leurs racines, aux nœuds rampants,
Rayaient la sinistre avenue.
Ainsi marchant et trébuchant
Dans la nuit de plus en plus sombre,
J'allais toujours vers le couchant
Entre ces deux murailles d'ombre.
J'allais. lorsqu'au bruit de mes pas,
Brusquement réveillé, sans doute,
Un geai, que je ne voyais pas,
En criant, traversa la route;
Et voilà qu'à leur tour surpris,
Les autres geais, qui l'entendirent,
Se mirent à pousser des cris
Auxquels d'autres cris répondirent ;
Des cris rauques, des cris perçants,
Des cris d'appel, des cris d*alarme,
Des cris de corbeaux croassants,
Tournant au-dessus du vacarme;
Oiseaux de nuit, oiseaux de jour% v
Ceux dont le voyageur s'effraie,
Et la chouette avec l'autour,
Et la hulotte avec l'orfraie;
Tous me suivant, me pourchassant,
Les ramiers comme les crécelles,
Et quelques-uns s'enhardissant
Jusqu'à me frapper de leurs ailes!.
Haletant, j'entendais parfois
Dans la nuit mes mains Inquiètes,
Me demandant pourquoi le bois
Lâchait sur moi toutes ses bêtes ;
Lorsqu'une gerbe de clartés
Inonda l'avenue entière,
Et jusqu'aux lointa ns enchantés.
Jaillit de clairière en clairiire,
Et je vis, pale et bondissant
Sous les pins blancs comme des marbres,
Diane, dont le fin croissant
Courait sur la cime des arbres !
CHAP.Lus - PRÉMNIL
L'INSTRUCTION SECRÈTE
Si tant d'inutiles discussions laissaient
chaque année au Parlement le loisir d'-! s oc-
cuper de questions un peu sérieuses, deux
incidents, fort tristes assurément et des plus
scandaleux, imposeraient la mise immédiate
à l'ordre du jour de la réforme de l'instruc-
tion criminelle.
Avant-hier, c'était M* Le Barazer qui fai.
sait acquitter, purement et simplement, un
M. Dufour, père de cinq enfants et en pré-
vention depuis cinq mois.
Hier, c'était la chambre des mises en acou-
sa ion qui, après quatre mois et demi da
prévention, rendait un arrêt do non-lieu, en
faveur de Mme Choquart, arrô'ée pour com-
plicité dans le crime de la rue des Archives.
Pour que le tribunal correctionnel ait ae-
quitté M. Dufour, il a fallu certainement que
-on innocence fût indiscutable. Or, le juge,
d'instruction devait 1«- savoir auparavant.
Pour que la chambre des mises en accu-
sation ait fait remettre en liberté Mme Cho-
quart, il a fallu aussi qu'il n'y eût pas contra
elle la moindre présomption. Le juge d'ins-
truction ne devait p is non plus l'ignorer.
On a déshonoré ces deux personnes, on
les a arrêtées indùmeBt, on leur a causé,
outre le point de vue moral, un préjudice
pécuniaire très sensible. Dans une société
mieux organisée, elles devraient recevoir una
indemnité considérable et les magistrats qui
les ont fait incarcérer seraient sévèrement
punis.
Dans la nôtre, les choses ne se passent
pas ainsi. Je suis même persuadé que M.
Dulour et Mme Choquart se sont entendu
dire : « Vous êtes libres, mais n'y revenez
pasl»
La conclusion qu'il faut tirer de ces deux
faits c'est que si l'instruction était contra-
dictoire, si l'avocat du prévenu avait le droit
d assister à tous les actes de la procédure,
de pareils dénis de justice qui sont de véri-
tables monstruosités ne se produiraient ja-
mais ou presque jamais.
Au fait, comment l'instruction peut-elle
être encore secrète?
CH. B.
*
INCENDIE D'UN COUVENT
SEPT RELIGIEUSES BRÛLÉES VIVES
Le couvent des Ursulines à Roberval,
près du lac Saint-Jean (Canada) a été détruit
hier matin par un incendie causé par l'explo-
sion d'une lampe.
Sept religieuses ont été brûlées vives. Les
autres n'ont pu se sauver qu'avec de gran-
des difficultés.
La scène était navrante : on entendait les
cris de désespoir des victimes ; mais comme
les fenêtres étaient garnies de barreaux et
de grilles, il était impossible de leur porter
secours.
Heureusement, les élèves étaient en ce
moment chez leurs parents pour les vacan-
ces de NoM,
LES MIETTES DE LA SEMAINE
Par PAUL DESACHY
Vendredi 1" janvier 1897. — Que
non sens de commencer l'année nou
velle par des plaintes mélancoliques
sur l'année défunte, et quelle origina
lité pour le chroniqueur d'exhaler, unt
fois encore, sa mauvaise-humeur ran-
cunière sur l'échéance des étrennes!
A-t on le temps de penser à ces quel
ques désagréments de la vie au seuii
de l'an neuf? A-t-on le souci de verset
un pleur, d'accorder un regret aus
jours évanouis parce qu'ils ne nous
apportèrent pas les satisfactions que
nous espérâmes, parce que la réalité a
froissé un peu les ailes de nos rêves?
Toutes les préoccupations, au con-
traire, tous les souvenirs mauvais, tous
les chagrins doivent s'abolir devant
la page blanche du nouvel almanach.
Sur le point culminant d'où tout à
l'heure on descendra dans la vallée, on
semble dominer l'avenir. Les semaines
et les mois, comme autant de sites d'un
attrait mystérieux, s'enfoncent insensi-
blement dans la brume des horizons
lointains. Le regard est ravi tant le
ciel" est bleu, la lumière douce, le
paysage séduisant. Un air plus pur ca-
reise les poumons rafraîchis ; on part
galment, l'âme joyeuse d'espérance,
pour ce voyage nouveau dans ce pays
inconnu où tout parait charmant et
Heuri. Si les cailloux du chemin sont
aigus et coupants, si les fleurs sont
empoisonnées, si les ronces sont plus
fréquentes que les roses, nous aurons
bien le temps de nous en apercevoir en
route. Pourquoi gâter notre espoir,
raisonner cette folie d'idéal qui s'épa-
nouit en nous et nous fait vivre, en
masquant les tristesses de l'existcuuo.
La division du temps en années, si
conventionnel qu'en soit le principe,
est une illusion bienfaisante. Elle per-
met à l'homme, l'étape achevée, de re-
prendre courage, de ranimer ses forces
vt de se retremper aux sources vivi-
fiantes des espérances, et le mirage
d'avenir dont s'enchantent aujourd'hui
ses regards lui promet, pour les jours
-prochains de l'an que voici, ce bonheur
sans le désir duquel il vaudrait mieux
ne pas vivre.
Lundi 4 janvier. — La magistrature
a fait à Willette, qui devenait un peu
faiblard depuis quelque temps, un joli
cadeau d'étrennes. Le parquet, après
dix ou douze jours de réflexion, se dé-
cide à poursuivre un dessin du Riré
qu'il faudrait, paraît-il, regarder à la
loupe ou tourner dans on ne sait quel
sens pour en découvrir la répréhen-
sible pornographie. On s'est amusé à
ce petit jeu daus le cabinet du juge
d'instruction pendant les vacances 4u
jour de l'an. r
Et je me souviens d'un fin i £ *oquis rte
ce même Willette, ingénu et candide
gibier de correctionnelle, dangereux
récidiviste déjà poursuivi il y a dix ans,
croquis ironique où sa Muse gamine,
montée sur une table, envoyait, de ses
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