Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-03-27
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 mars 1885 27 mars 1885
Description : 1885/03/27 (N5495). 1885/03/27 (N5495).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7542443g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
^;«-iS493-ifeadrôdi 27 Jïars 1885 le nuroéro î tPc. — DéparteKieiifs î 15 c. 7 Germinal an 93 — N® 5495
ADMISISTRATIQH" *
18,RUE DE VALOIS,16
:. .'-:;. .Y:' ^AMïS# iê
ABONNEMENTS
1PARIS
Trois mois. 10 n
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS.
Trois mois. 13 50
Six mois 27 1"40
Adresser lettres et mandats :''i::,,>;'.
A H. ERNEST LE- FÈVR9
ænsTrI<\1'Blm'GÉIwœ ; j .?
\--
1
-, KEDAGTÎOK; - ., .':
S»'a4resser au. Secrétaire dela RécUctiia^- -
De 4 à 6 heures du soir
JB, RUE DE VALOIS, 1S
-
£ ès manuscrits non insérés ne seront,pas rencaf
ANNONCES
b. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
",:. LE LIVRE JAUNE
, Amsi qu'il était facile de le prévoir,
le nouveau Livré jaune, sur la Chine,
ne contient aucune pièce importante,
soit par les renseignements qu'elle ap-
porte sur la situation, soit par le jour
nouveau qu'elle jette sur les vues poli-
tiques du gouvernement. Le seul mot
saillant de ces quelques pages, c'est le
mot guerre, qui y revient presque à
chaque ligne, soit sous la plume de
M. Jules Ferry, soit sous la plume de
ses agenis diplomatiques.
Nous avons des premiers signalé la
modification apportée dans le langage
officiel, nous n'en méconnaissons donc
pas la valeur. Mais, franchement,
était-il nécessaire d'attendre un mois
pour relever la contradiction grave
- dans laquelle venait de tomber le prési-
dent du conseil? Par lé& documents
publiés à Fetrang r, on savait, d'une
manière indubitable, que le gouverne-
ment français avait revendiqué la plé-
nitude « des dioits des belligérants ».
N'était-ce pas, pour une Chambre ayant
le souci de sa dignité, le moment
d'exercer, dans toute leur plénitude,
ses droits constitutionnels?
Mïtls,entin, puisqu'on a attendu cette
publication insignifiante du Livre jaune,
cette publication qui confirme, sans y
ajouter rien, les documents déjà con-
nus, constatons que l'on ne nous dit
pas un mot dus rapports militaires,
botammentde ce siège de Tuyen-Quan,
dont personne en France n'a rien su,
tant que nos soldais n'ont pas été dé-
bloqués. Ajoutons, enlin, qu'à une seule
page, M. Ferry lui même, et non plus
son ambassadeur, trouve moyen d'af-
firmer, par trois fois, que la guerre
oxiste, d'abord en parlant « des droits
de la guerre maritime », puis en faisant
allusion « aux nécessités de la guerre »,
enfin en annonçant son intentioii d'art
ténu er pour les neutres « les consé-
quences de la guerre.»).
On pensera sans doute que ce n'était
guère la peine d'inventer l'état de re-
présailles et l'état de retorsion, c'est-à-
dire de parler chinois, pour en revenir
tout bonnement à avouer l'état de
guerre et à parler français. C'est notre
avis. On ne peut pas faire abstraction
du langage tenu avec tant d'insistance
nar le gouverne oent, en réponse à
ceux qui l'arcus ient déjà de faire la
guerre sans autorisation des Chambres.
On ne peut pas soutenir une minute
que ce langage n'ait pas eu pour objet
de tromper la Chambre et le pays et de
ruser avec la Constitution. On ne pour-
rait lui trouver une autre explication
qu'en plaidant la démence.
Il ne serait pas très surprenant d'en-
tendre invoquer cette circonstance atté-
nuante par certains amis du ministère;
Car, dans les conversations particulières,
on ne lui ménag e pas les reproches les
plus amers, on accorde qu'il était dif-
ficile de plus mal conduire nos aven-
tures coloniales qu'il ne les a conduites;
on accorde tout sauf la conclusion qui
serait celle de tout député patriote et
indépendant. Mais, devant le pays,
bientôt juge de toutes ces choses, nous
ne croyons pas que la question puisse
être ainsi posée. Ce n'est pas le plus
ou moins d'habileté ou de bonheur du
ministère qui doit faire absoudre ou
condamner sa politique ; c'est à un
point de vue plus haut qu'il faut se
placer pour la juger.
Les nouvelles du Tonkin ne semblent
pas excellentes ; mais le contraire serait
vrai, les prévisions les plus optimistes
seraient dépassées que la responsabilité
du cabinet ne serait pas moindre à nos
ytfux. Nous lui en voulons beaucoup
moins d'avoir échoué jusqu'à ce jour
dans cette fu este aventure que de
l'avoir méditée et engagée. Les fautes
de détail ne sont rieu dans une pareille
question, elles pourront toujours être
réparées ; mais ce qui serait irrépara-
ble, ce qui serait une atteinte profonde
portée à nos institutions, ce serait de
permettre au pouvoir exécutif de se
substituer, par ruse ou autrement, au
pouvoir législatif, pour l'exercice du
droit de paix et de guerre.
Qui aurait pu croire, après 1870,
qu'une hésitation pût jamais se pro-
duire, dans notre pays, sur une ques-
tion pareille? Qui aurait pu croire que,
quinze ans après ces événements ter-
ribles, uue majorité aveugle ou com-
plice nous laisserait glisser sur la
pente que nous descendons aujour-
d'hni?
..Que eette majorité y réfléchisse en-
core. Ce n'est pas sur l'aventure tonki-
noise qu'elle va décider, ce n'est pas
Sur le degré d'habileté du gouverne-
ment actuel qu'elle va prononcer. Son
vote regarde l'avenir beaucoup plus que
le présent. Son vote sera ou un rappel
sévère au respect do la Constitution ou
le plus dangereux des encouragements
à la politiqné'venture. ;
Un jour, à la tribune, M. le président
du conseil a développé une assez
étrange lhéorio, faisant de la duplicité
un instrument nécessaire de gouverne-
ment dans une démocratie. C'était à
propos des Kroumirs. Hier, en voyant
à l'exposition de Delacroix ce superbe
Démosthènes haranguant les flots avant
de parler aux foules, il nous revenait
en mémoire que le grand orateur athé-
nien avait précisément formulé la pro-
position suivante, absolument contraire
à celle de M. Jules Ferry :
« Quand un peuple se gouverne par
la parole, comment pourrait-il marcher
d'un pas sur si l'on nn lui dit pas la vé-
rité? On ne peut donc, Athéniens, vous
faire un plu-* grand mal qu'en vous di-
sant des mensonges. »
Entre l'opinion de Démosthènes et
eUede-M. Jules Ferry, il faut choisir.
A. GAUUM.
4b
COULISSES DES CHAMBRES
Le ministre de l'intérieur s'est rendu
hier à la comtnissiou de la Chambre char-
gée d'examiner les modifications appor-
tées par le Sénat au projet de loi sur les
récidivistes.
Le ministre a demandé instamment à
la commission d'accepter les modifications
du Sénat afin de rendre possibles à bref
délai le voie définitif et la promulgation
de la loi.
M. Waldeck-Rousseau a ensuite fourni
des explications sur divers points sur les-
quels la commission avait désiré être
renseignée. Les deux principaux points
traités hier s
rffeuïf dé ]
ret égalai
i travail
verse de ce qu'avaîtfàîw^^fflPwYre. a
supprimé dans la loi la désignation des
lieux de relégation et a astreint les relé-
gués au travail.
Mais le Sénat a laissé à un règlement à
délibérer en conseil d Etat le soin de fixer
les détails d'application.
Le minisire a indiqué dans quelles con-
diti ns serait fait ce règlement d'adminis-
tration publique. Voici le résumé de ses
at ni ina tin ne
Les récidivistes, condamnés à la reléga-
tion, seront d'abord internés en France
dans certains pénitenciers, où pendant
qu'ils purgeront teur peine à l'emprison-
nement, l'administration étudiera leurs
antécédents, rech rchera leurs aptitudes
au travail, afin de déterminer les ressour-
ces qu'ils peuvent offrir à la colonisation.
Cette enquête permettra d'établir un clas-
sement en trois catégories.
La première comprendra les récidivistes
qui, condamnés à des peines légères et
axerçant un métier quelconque, appar-
tiendraient à une profession dont le be-
soin se fait sentir dans 1 une quelconque
de nos colonies. Un bureau centralisera.
en effet, à Paris, les demandes émanées
des colonies et y fera droit en y envoyant
es récidivistes de cette première catégo-
rie. Ceux-ci arriveront dans la colonie,
sans qu'on fasse connaître leur situation
de relégués et ils pourront se régénérer
par le travail.
La seconde catégorie comprendra les
récidivistes qui n'exercent aucune profes-
sion particul ère et qui sont privés de res-
sources personnelles. Ces récidivistes se-
ront relégués collectivement dans deux
colonies seulement, la Guyane ou la
Nouvelle-Calédonie. Ils seront logés, nour-
ris,et payés par l'Etat à charge de parti-
ciper à des travaux de colonisation pour
le compte de l'Etat, confection des routes,
défrichements, etc.
Enfin la troisième catégorie comprendra
les récidivistes qui, après avoir appartenu
à la seconde arriveraient par des res-
sources personnelles, ou par un engage-
ment de travail individuel chez des parti-
culiers, à pouvoir se passer du secours de
l'Etat Ces récidivistes seraient affranchis
de l'embrigadement et pourraient tra-
vailler seuls. -
Le règlement d'administration publique
prévu par la loi déterminera, d'ailleurs,
les conditions de surveillance, le régime
disciplinaire, ainsi que tous les autres
points se rattachant à la même question.
La commission, après avoir entendu ces
explications, a accepté les modifications
du Sénat et a chargé M. Gerville-Réache
de faire un rapport en ce sens. Le rap or-
teur lira son rapport vendredi à la com-
mission et le déposera samedi. La Cham-
bre sera appelée à se prononcer, à son
tour, à la rentrée des vacances de Pâques.
—o—
La loi sur le scrutin de liste votée par
la Chambre avant-hier sera portée au-
jourd'hui au Sénat. La commission char-
gée de l'examiner sera nommée demain
ou samedi, suivant que le Sénat siégera
ou non vendredi. Les Chambres devant se
séparer mardi prochain, il y a évidem-
ment impossibilité à ce que le rapport de
la commission puisse être fait, et à ce que
le Sénat en discute les conclusions avant
cette date. Aussi, comme nous l'avons
déjà indiqué, se bomera-t-on à deman-
der au Sénat de détacher la disposition
supprimant les élections partielles pour
la voter immédiatement sous forme de loi
spéciale et transitoire.
La commission du Sénat pourrait, le
jour même de sa première réunion, faire
Jcette. disjonction. Dans l'espace d'une
séance, toutes les formalités pourraient
être accomplies dans les deux Chambres.
Dès que cette loi tran itoire sera votée,
le gouvernement rapportera le décret qui
avait convoqué les électeurs de la ire cir-
conscription de Saint-Etienne à l'effet
d'élire, le 5 avril prochain, un député en
remplacement de M. Bertholon.
Ce siège restera vacant jusqu'aux élec-
tions générales, ainsi que les 32 autres
actuellement privés de titulaires et pour
lesquels il n'y a pas encore de convoca-
tion.
M. Rivière doit déposer aujourd'hui sur
le bureau de ia Chambre la proposition
que nous avons déjà signalée et qui a
pour but de faire survivre devant le Sénat,
après la disparition de la Chambre, les
propositions votées par cette Chambre.
Toutefois, à la suite d'une conférence
qu'il a eue hier avec M. Henri Brisson,
M. Rivière, sur les observations du prési-
dent de la Chambre, a modifié sa proposi-
tion.
M. Brisson a fait observer, en effet, que
la règle projetée, si elle était admise sans
réserve, pourrait avoir quelquefois des
inconvénients sérieux. Ainsi, il pourrait
arriver qu'une proposition votée par la
Chambre, à la veille de l'expiration de son
mandat, ne correspondît plus au vœu de
l'opinion publique et que, malgré la vo-
lonté de la nouvelle Chambre, le Sénat ne
transformât cette proposition en loi défi-
nitive par sa simple ratification.
C'est ce cas qu'il s'agit de prévoir. M.
Rivière l'a envisagé dans sa proposition et
l'a résolu en insérant une disposition qui
porte que les propositions votées par l'an-
cienne Chambre - resteront soumises aux
délibérations du Sénat, à moins que, dans
le ddai de trois mois à partir de son
installation, la nouvelle Chambre ne donne
mandat à son président de les retirer.
La Chambre aurait ainsi un droit ana-
logue à celui du gouvernement qui peut
toujours retirer, par décret, les projets
qu'il a présentés.
-0-
Hier soir, une délégation de la commis-
sion des 44, compoée de MM. Pierre Le-
grand, Ribot, Reymond, de Lanessan et
Richard Waddington, est partie pour
Rouen où elle va continuer l'enquête sur
l'admissinn temporaire des filés de coton
qu'elle avait commencée dans le Rhône,
je Nord et la Loire.
Cette délégation restera deux jours à
Rouen ; elle parlira dimanene soir pour
les Vosges et Belfort.
D'autre part, la délégation qui s'était
rendue, il y a quelque temps à Anzin,
pour étudier le régime des mines, a com-
muniqué hier à la sous-commission de
l'industrie, le résultat de cette enquête.
Ce résultat fait l'objet d'un long rapport
de M. Clemenceau qui va être imprimé et
distribué.
LA QUESTION DU RIZ
Le Livre jaune vient d'être publié en
deux fascicules dont l'un a trait aux af-
faires d'Egypte et l'autre aux affaires
de Chine. Le plus intéressant des deux,
le chinois, s'occupe uniquement de la
question du riz.
Le 23 janvier, le président du conseil
recevait de nos agents à Singapore et à
Hong-Kong le double avis que, d'après
des ordres envoyés de Londres, « nos
vaisseaux de guerre n'auraient plus la
faculté de se réparer ni même de faire
du charbon dans les ports anglais, du
moins ne pourraient-ils y prendre que la
quantité de charbon nécessaire pour ga-
gner le port le plus proche du théâtre des
opérations navales, cette faculté n'étant
d'ailleurs concédée à chacun d'eux
qu'une fois par trois mois ». La nou-
velle situation faite à nos croiseurs par
cette preuve d'amitié que nos amis
d'outre-Manche donnaient à nos enne-
mis obligea notre gouvernement à
« avancer l'heure qu'il aurait choisie
pour revendiquer le plein et entier
exercice des droits reconnus aux belli-
gérants par la loi internationale ». L'a-
miral Courbet fut autorisé à traiter le
riz comme contrebande de guerre.
Les Etats-Unis, l'Allemagne, la Rus-
sie, l'Autriche, l'Espagne, l'Italie, la
Belgique, la Turquie, etc., trouvèrent
que c'était juste. L'Angleterre protesta.
Elle avait le droit de nous empêcher
d'acheter du charbon, nous n'avions
pas le droit de l'empêcher de vendre
du riz.
De là, entre M. Jules Ferry et lord
Granville, une discussion qui emplit le
Livre jaune.
« Nous apprenons, écrivait M. Jules
Ferry le 22 février, que de grandes ex-
péditions de riz doivent partir prochai-
nement de Shanghaï pour se rendre
dans le nord de la Chine : nos agents
------ , ---- -o..
dans l'extrême Orient présentent la
suspension de ces envois comme étant
susceptible d'exercer une action efficace
sur le gouvernement de la Chine, et
nous ne saurions nous dispenser d'y
recourir, sous peine de nous priver de
l'arme la plus puissante que les,circon-
stances placent dans nos mains. Quant
à notre droit de faire entrer cette den-
rée dans la catégorie des articles prohi-
bés, il ne parait pas contestable. » Et
notre ministre des affaires étrangères
citait Grotius et Vattel. Grotius :
— « Si je ne puis me défendre qu'en
interceptant les choses envoyées à
mon ennemi, la nécessité me don-
nera le droit de le faire. » Vattel :
— Les choses qui sont d'un usage
particulier pour la guerre et dont on
empêche le transport chez l'ennemi
s appelleront marchandises de contre-
bande. Telles sont les armes, les muni-
tions, les vivres même, en certaines oc-
casions où l'on espère réduire l'ennemi
par la faim. » Lord Granville peut se
moquer de Vattel et de Grotius, mais
voici des Anglais. James Reddie, Phil-
limore, Pratt, Moseley «enseignent que
les belligérants peuvent comprendre
dans la contrebande de guerre les ob-
jets qui, bien que l'on ne s'en serve
pas généralement dans les vues de
guerre, comme les grains, la farine. les
provisions do bouche, peuvent cepen-
dant venir en aide à ces desseins. nar-
ticulièrement lorsqu'ils sont desti-
nés à ravitailler et à secourir des
armées. »
Mais voici mieux. En 1795, le gou-
vernement anglais lança des croiseurs
pour s'emparer de tous les navires
qu'ils rencontreraient chargés de vi-
vres à destination de France. En 1870,
le gouvernement anglais ne vit aucun
mai à ce que la Prusse réduisît Pari s
par la famine. Il semble difficile d'ad-
mettre que Pékin soit plus sacré que
Paris.
Malgré toutes ces autorités, «décidé à
n'appliquer la mesure que dans les
limites rigoureusement nécessaires
pour atteindre le but qu'il poursuivait,
le gouvernement français (circulaire
du 24 février) reconnut qu'il était
possible d'en restreindre, quant à pré-
sent du moins, la portée dans l'intérêt
du commerce des neutres ». Les expé-
ditions de riz à destination de Canton
et des ports du sud de la Chine pour-
raient être continuées librement ; il
n'y aurait d'interdites que les expédi-
tions destinées aux ports du nord ;
celles-ci seraient capturées à partir du
26 février.
— Ni à partir du 26, ni jamais ! ré-
pondit lord Granville. « J'ai le regret
d'avoir à vous informer que le gouver-
nement de Sa Majesté se trouve dans
la né essité d'élever des objections
contrôla mesure proposée. » Commen-
cez par démontrer qu' « il existe des
circonstances, relatives à une cargaison
-. -
particulière, qui permettent d'écarter
la supposition que des articles de cette
nature ont pour destination l'usage or-
dinaire de la vie et de prouver, à pre-
mière vue eUt tout événement, qu'ils sont
destinés à un usage militaire ». Sans
quoi, « j'ai l'honneur d'informer Son
Excellence que le gouvernement de Sa
Majesté ne peut donner son assenti-
ment au droit du gouvernement de la
République française à déclarer que le
riz est, d'une façon générale, contre-
bande de guerre s'il est transporté à
un port quelconque au nord de Can-
ton M.
Le gouvernement de la République
eut la patience d'expliquer que «le plus
grand nombre de chargements de riz
apportés des ports du sud vers le nord
représentent le montant de l'impôt en
nature, ou tribut, que les gouverneurs
de province envoient chaque année à
la cour de Pékin. On sait, d'autre part,
que les soldats des armées impériales
chinoises reçoivent une partie de leur
solde en versements de riz et que le
tribut des provinces est précisément
affecté à cet emploi. » On peut donc
dire, concluait M. Jules Ferry, que
« les cargaisons de riz expédiées des
ports du sud sont destinées à un usage
militaire ». En outre, « elles peuvent
être considérées comme propriété de
l'Etat ennemi et susceptibles de capture
à ce titre ».
Lord Granville dut se résigner. Le len-
demain (20 février), la Gazette de Londres
enregistrait l'avertissement notifié par
l'ambassadeur français à Londres que
le riz serait capturé à partir du 26 par
les commandants des forces navales
françaises. Et lord Granville écrivait à
notre ambassadeur :
« Votre Excellence a fait allusion à
1' .vis publié par le ministre de
Sa Majesté en Chine que le gou-
vernement de Sa Majesté ne recon-
naissait pas au gouvernement fran-
cais le droit de traiter le riz d'un.e ma-
nière générale comme contrebande de
guerre, mesure oue Votre Excellence a
déclarée avoir causé beaucoup de mé-
contentement à son gouvernement
comme étant calculée pour encourager
la Chiné à là résistance et pour donner
une idée erronée de l'attitude du gou-
vernement de Sa Majesté dans cette
question. J'ai eu alors l'honneur d'in-
former Votre Excellence que je n'avais
nullement connaissance de la notifica-
tion de sir Harry Parkes qui avait mo-
tivé les plaintes de votre gouvernement,
que cette notification n'avait été pu-
bliée en exécution d'aucun ordre du
gouvernement de Sa Majesté. De-
puis le jour de cet entretien, j'ai té-
légraphié à sir Harry Parkes à ce sujet,
et je lui ai exposé qu'une telle notifi-
cation était de nature à susciter l'idée
erronée que le gouvernement de Sa
Majesté s'opposerait de vive force à la
saisie des cargaisons de riz; et qu'il
devait aviser le gouvernement chinois
que la légalité de toute saisie de car-
gaison de riz serait iugée nar la cour
•# W M.
française des prises, sous réserve d'une
action diplomatique ultérieure ; et
qu'en attendant, le gouvernement de
Sa Majesté ne pouvait intervenir, bien
qu'il se fùt cru obligé de protester en
vue de sauvegarder leurs droits. »
Ansi, c'est un tribunal français qui
sera seul juge de la légitimité des sai-
sies de riz, et l'Angleterre désavoue
l'agent anglais qui s'est permis de dire
qu'elle interviendrait. A la bonne
heure ! comme dit le grand poète de
l'Angleterre, tout est bien qui finit
bien. Quand pourrons-nous le dire de
la guerre?
AUGUSTE VACQUERIE.
LA FIN D'UNE LEGENDE
On a accusé le conseil municipal d'un
esprit sectaire, d'un « fanatisme à re-
bours », en vertu duquel il aurait été
jusqu'à bannir de la langue française
certains mots d'un usage courant, et que,
justement parce qu'ils ne correspondent
point à des idées très nettes, il serait assez
malaisé de remplacer. Il" faut avouer que
certains conseillers, par certaines inter-
pellations et motions assez intempestives,
ont pu prêter le flanc à ces imputations.
Mais il faut se défier des générali-
sations trop hâtives ; et il est parfois
imprudent d'attribuer à un ensemble
ce qui n'est le fait que de quelques-
uns de ses membres. S'il se rencontre au
conseil des républicains, d'ailleurs fort
bien intentionnés, mais médiocres lin-
guistes, que le mot « Dieu » (deus, theos,
en sanscrit diva, le brillant, le soleil) exas-
père et qui s'abstiennent de jurer, crai-
gnant en prenant même en voix ce nom,
de se faire taxer de cléricalisme; la majo-
rité, rendons-lui cette justice, s'inspire
d'un esprit tout aussi libre, mais plus
large. Si ses détracteurs veulent s'en con-
vaincre, nous les renvoyons aux comptes-
rendus de la 4' commission (séance du
7 mars).
Il s'agissait d'une proposition tendant à
bannir des écoles de la ville tout livre où
les quatre lettres du mot en question se
pouvaient lire, ce qui revenait à peu près
à exclure toute la littérature française.
M. de Ménorval a fait très finement obser-
ver que si la proposition était adoptée, ce
serait fait de la jolie fable :
Petit poisson deviendra grand, .1
Pourvu que Dieu lui prête vie.
M. Delabrousse, président de la com-
mission, a déclaré que « des écrivains
comme Bossuet, Fénelon, Racine (quels
que soient d'ailleurs leurs points faibles
— cette restriction est de moi) seront tou-
jours l'honneur des lettres françaises ».
« Voudrait-on, a-t-il ajouté, proscrire une
pièce de théâtre comme Polyeucte ou
Athalie, à cause des idées religieuses
qu'elle renferme ? Ce serait une en-
treprise indigne d'une nation éclai-
rée, ce serait une politique de sectaire.
Aucun de nos collègues n'a eu cette
pensée et elle serait réprouvée par la
presque unanimité du c!inseil municipal
de Paris. » Enfin M. Aristide Bey a for-
mulé avec beaucoup de justesse la pensée
du conseil et de 1 administration en di-
sant que si la neutralité exige qu'on éli-
mine des recueils destinés aux écoles tout
morceau visant à un but spécial de propa-
gande, lorsque telle ou telle idée reli-
gieuse se fait jour incidemment dans un
passage, il serait tout à fait ridicule et
déplacé de le modifier ou de le mutiler.
Le conseil a donné une autre preuve du
libéralisme intelligent dont il s'inspire en
acceptant la donation faite par M. Guimet,
de sa collection d'objets de toute nature
pouvant servir à l'histoire des religions.
Un membre, craignant sans doute que le
boudhisme ou le brahmanisme ne fasse des
progrès dans son quartier, a allégué que
l'exégèse et le cléricalisme allaient de pair.
En quoi les membres de la droite n'ont
pas été de son avis, car ils ont voté en
masse contre l'acceptation du projet. Au
demeurant le bon sens l'a emporté une
fois de plus et la ville s'est enrichi à peu
de frais d'un nouveau musée dont le d6..
faut se faisait vivement sentir.
De tout cela il ressort que le conseil est
moins noir qu'on l'a dépeint et que, si le
snobisme municipal a fourni à certaine
presse une matière. riche en plaisanteries
faciles et en mots d'esprit, le filonst,
épuisé, et le moment est venu de çher"
autre chose. '•
FRÉDÉRIC MONTARCHS. -
-————————
Voici les deux dernières dépêches qui
nous parviennent au sujet du conflit angt04
russe:
Londres, 25 mars.
Le bruit a couru cette après-miii, à la
Bourse, que la Russie aurait refusé d'accéder
à la proposition faite le 16 mars par lord
Granviile, proposition à laquelle M. Gladstone
a fait ailusion hier à li Chambre des com-
munes.
Le bruit a couru également qu'à la suite de
ce refils cent mille hommes de milice seraient
appelés au service actif.
Ces bruits ne sont nullement confirmés
jusqu'ici.
Londres, 25 mars.
Lord Granville a eu ce matin une entrevue
avec Musurus-Pacha.
Les journaux "du soir mentionnent le bruit
que cette entrevue se rapporterait 4 une in-
formation importante que le gouvernement
aurait reçue relativement à d s propositions H
d'alliance que la Russie aurait faites à U
Turquie dans le cas d'une guerre avec FAn"
gleterre. ,
L'AFFAIRE mmHRimM
(Cot-respondance spéciale du Rappel)
Auxerre. 23 mars f 85.
Le drame de la vie réelle que le jury de
l'Yonne va juger demain a causé, non seu"
lement à Tonnerre où il s'est passé, à la
fin du mois de décembre dernier, mais
dans tout le département, une émotion
qui n'est pas encore calmée, comme j'ai
pu le constater, hier soir, dès mon arri-
vée à Auxerre. -- ,
Le transport de l'accusée de la prison
de Tonnerre à la prison d'Auxerre, qui n'a
eu lieu qu'avant-hier et l'arrivée des té-
moin qui doivent figurer au procès ont
ravivé la curiosité nubliuue. On ne narle
dans la ville que de la scène tragique du
21 décembre 1884, dans laquelle une
femme, une jeune mère de vingt-cinq
ans, jusqu'à ce jour réputée des plus ho-
norables, a tué un homme, un célibataire
ayant passé la quarantaine et considéré
dans tout ce pays comme uu don Juan,
réduction Collas.
La femme, vous la connaissez de nom,
c'est Mme Paul Francey, mariée à un ho-
norable négociant de Tonnerre et mère
d'un tout petit garçon; l'homme, vous le
connaissez également de - nom, il -- s'appe-
lait Alfred Brisebard et il était l'architecte
de l'arrondis3ement de Tonnerre. Il-est
mort foudroyé par quatre balles de revol-
ver.
Comme on le verra par cette lettre et
mieux encore par les débats, il y a lieu de
distinguer entre les faits qui ont armé le
bras de certaines accusées et les faits qui
ont déterminé la vengeance de Mme Paul
Francey.
Ce matin, j'ai, selon mon habitude, dès
mon arrivée à Auxerre, commencé une
enquête auprès de plusieurs personn s en
mesure d'être exactement renseignées,stlit
par elles-mêmes, soit par des témuins par-
faitement au courant de l'affaire, et je
puis grouper aujourd'hui l'ensemble des
évènements qui ont amené la catastrophe
finale.
La ville de Tonnerre, qui compte cinq à
six mille habitants, est une petite ville très
calme, surtout l'hiver. Les plaisirs y
sont rares, j'entends pour les honnêtes
gens, qui de temps à autre vont se dis-
traire au théâtre lorsque des artistes de
Paris, en tournée, s'y arrêtent un ou deux
jours. D'autre part, il y a des cafés-con-
certs où par-ci par-là une Clara Soleil
quelconque attire les désœuvrés de la
vilie. Mais ce ne sont que de rares éclairs.
Les artistes parisiens envolés, la ville re-
tombe dans sa monotonie.
Pour rompre cette répétition, cette uni-
formité de la vie de province d'où l'ennui
naît et provoque surtout de profondes las-
situdes, certaines femmes désœuvrées
s'amusent à faire les coquettes, tandis que
certains hommes non moins désœuvrés
s'essaient dans le rôle de Lovelace, heu-
reux de passer pour des hommes à bonnes
fortnnes.
Ça n'a jamais été le cas, dit-on partout,
de Mme Paul Francey, mais en revanche,
ç'aurait été celui de M. Brisebard, si la
chronique i.nnerroise a fidèlement traduit
les faits etgesteb de cet architecte galantia
et, dit-on, grisonnant. -
M. Brisebard appartenait à une famille
du Jura qui jouit de l'estime et de la con-
sidération de tous. A part son penchant
ut peu trop vif à afficher les femmes et 1
1t3 compromettre, on m'a fait de lui un
« lOge qui a son prix. Il serait arrivé à
A axerre, il y a vingt ans, en droite ligne
d3 Besançon, comme un simple ouvrier.
jA ce serait à force de trav,til, de persé-
vérance, d'énergie qu'il serait devenu, par
le seul levier de son intelligence, 1 archi-
tecte de l'arrondissement de Tonnerre, —
et plus tard le coq de la ville, la coquelu-
che de toutes les femmes.
Etait-il beau? Car, en somme, il faut
poser cette question, puisqu il s'agit d'ua
homme qui « enchaînait tous les cœurs w,
pour me servir de l'expression d'un de
mes voisins de table d'hier soir. Sur ce
chapitre, les opinions diffèrent. Les ut
ADMISISTRATIQH" *
18,RUE DE VALOIS,16
:. .'-:;. .Y:' ^AMïS# iê
ABONNEMENTS
1PARIS
Trois mois. 10 n
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS.
Trois mois. 13 50
Six mois 27 1"40
Adresser lettres et mandats :''i::,,>;'.
A H. ERNEST LE- FÈVR9
ænsTrI<\1'Blm'GÉIwœ ; j .?
\--
1
-, KEDAGTÎOK; - ., .':
S»'a4resser au. Secrétaire dela RécUctiia^- -
De 4 à 6 heures du soir
JB, RUE DE VALOIS, 1S
-
£ ès manuscrits non insérés ne seront,pas rencaf
ANNONCES
b. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
",:. LE LIVRE JAUNE
, Amsi qu'il était facile de le prévoir,
le nouveau Livré jaune, sur la Chine,
ne contient aucune pièce importante,
soit par les renseignements qu'elle ap-
porte sur la situation, soit par le jour
nouveau qu'elle jette sur les vues poli-
tiques du gouvernement. Le seul mot
saillant de ces quelques pages, c'est le
mot guerre, qui y revient presque à
chaque ligne, soit sous la plume de
M. Jules Ferry, soit sous la plume de
ses agenis diplomatiques.
Nous avons des premiers signalé la
modification apportée dans le langage
officiel, nous n'en méconnaissons donc
pas la valeur. Mais, franchement,
était-il nécessaire d'attendre un mois
pour relever la contradiction grave
- dans laquelle venait de tomber le prési-
dent du conseil? Par lé& documents
publiés à Fetrang r, on savait, d'une
manière indubitable, que le gouverne-
ment français avait revendiqué la plé-
nitude « des dioits des belligérants ».
N'était-ce pas, pour une Chambre ayant
le souci de sa dignité, le moment
d'exercer, dans toute leur plénitude,
ses droits constitutionnels?
Mïtls,entin, puisqu'on a attendu cette
publication insignifiante du Livre jaune,
cette publication qui confirme, sans y
ajouter rien, les documents déjà con-
nus, constatons que l'on ne nous dit
pas un mot dus rapports militaires,
botammentde ce siège de Tuyen-Quan,
dont personne en France n'a rien su,
tant que nos soldais n'ont pas été dé-
bloqués. Ajoutons, enlin, qu'à une seule
page, M. Ferry lui même, et non plus
son ambassadeur, trouve moyen d'af-
firmer, par trois fois, que la guerre
oxiste, d'abord en parlant « des droits
de la guerre maritime », puis en faisant
allusion « aux nécessités de la guerre »,
enfin en annonçant son intentioii d'art
ténu er pour les neutres « les consé-
quences de la guerre.»).
On pensera sans doute que ce n'était
guère la peine d'inventer l'état de re-
présailles et l'état de retorsion, c'est-à-
dire de parler chinois, pour en revenir
tout bonnement à avouer l'état de
guerre et à parler français. C'est notre
avis. On ne peut pas faire abstraction
du langage tenu avec tant d'insistance
nar le gouverne oent, en réponse à
ceux qui l'arcus ient déjà de faire la
guerre sans autorisation des Chambres.
On ne peut pas soutenir une minute
que ce langage n'ait pas eu pour objet
de tromper la Chambre et le pays et de
ruser avec la Constitution. On ne pour-
rait lui trouver une autre explication
qu'en plaidant la démence.
Il ne serait pas très surprenant d'en-
tendre invoquer cette circonstance atté-
nuante par certains amis du ministère;
Car, dans les conversations particulières,
on ne lui ménag e pas les reproches les
plus amers, on accorde qu'il était dif-
ficile de plus mal conduire nos aven-
tures coloniales qu'il ne les a conduites;
on accorde tout sauf la conclusion qui
serait celle de tout député patriote et
indépendant. Mais, devant le pays,
bientôt juge de toutes ces choses, nous
ne croyons pas que la question puisse
être ainsi posée. Ce n'est pas le plus
ou moins d'habileté ou de bonheur du
ministère qui doit faire absoudre ou
condamner sa politique ; c'est à un
point de vue plus haut qu'il faut se
placer pour la juger.
Les nouvelles du Tonkin ne semblent
pas excellentes ; mais le contraire serait
vrai, les prévisions les plus optimistes
seraient dépassées que la responsabilité
du cabinet ne serait pas moindre à nos
ytfux. Nous lui en voulons beaucoup
moins d'avoir échoué jusqu'à ce jour
dans cette fu este aventure que de
l'avoir méditée et engagée. Les fautes
de détail ne sont rieu dans une pareille
question, elles pourront toujours être
réparées ; mais ce qui serait irrépara-
ble, ce qui serait une atteinte profonde
portée à nos institutions, ce serait de
permettre au pouvoir exécutif de se
substituer, par ruse ou autrement, au
pouvoir législatif, pour l'exercice du
droit de paix et de guerre.
Qui aurait pu croire, après 1870,
qu'une hésitation pût jamais se pro-
duire, dans notre pays, sur une ques-
tion pareille? Qui aurait pu croire que,
quinze ans après ces événements ter-
ribles, uue majorité aveugle ou com-
plice nous laisserait glisser sur la
pente que nous descendons aujour-
d'hni?
..Que eette majorité y réfléchisse en-
core. Ce n'est pas sur l'aventure tonki-
noise qu'elle va décider, ce n'est pas
Sur le degré d'habileté du gouverne-
ment actuel qu'elle va prononcer. Son
vote regarde l'avenir beaucoup plus que
le présent. Son vote sera ou un rappel
sévère au respect do la Constitution ou
le plus dangereux des encouragements
à la politiqné'venture. ;
Un jour, à la tribune, M. le président
du conseil a développé une assez
étrange lhéorio, faisant de la duplicité
un instrument nécessaire de gouverne-
ment dans une démocratie. C'était à
propos des Kroumirs. Hier, en voyant
à l'exposition de Delacroix ce superbe
Démosthènes haranguant les flots avant
de parler aux foules, il nous revenait
en mémoire que le grand orateur athé-
nien avait précisément formulé la pro-
position suivante, absolument contraire
à celle de M. Jules Ferry :
« Quand un peuple se gouverne par
la parole, comment pourrait-il marcher
d'un pas sur si l'on nn lui dit pas la vé-
rité? On ne peut donc, Athéniens, vous
faire un plu-* grand mal qu'en vous di-
sant des mensonges. »
Entre l'opinion de Démosthènes et
eUede-M. Jules Ferry, il faut choisir.
A. GAUUM.
4b
COULISSES DES CHAMBRES
Le ministre de l'intérieur s'est rendu
hier à la comtnissiou de la Chambre char-
gée d'examiner les modifications appor-
tées par le Sénat au projet de loi sur les
récidivistes.
Le ministre a demandé instamment à
la commission d'accepter les modifications
du Sénat afin de rendre possibles à bref
délai le voie définitif et la promulgation
de la loi.
M. Waldeck-Rousseau a ensuite fourni
des explications sur divers points sur les-
quels la commission avait désiré être
renseignée. Les deux principaux points
traités hier s
rffeuïf dé ]
ret égalai
i travail
verse de ce qu'avaîtfàîw^^fflPwYre. a
supprimé dans la loi la désignation des
lieux de relégation et a astreint les relé-
gués au travail.
Mais le Sénat a laissé à un règlement à
délibérer en conseil d Etat le soin de fixer
les détails d'application.
Le minisire a indiqué dans quelles con-
diti ns serait fait ce règlement d'adminis-
tration publique. Voici le résumé de ses
at ni ina tin ne
Les récidivistes, condamnés à la reléga-
tion, seront d'abord internés en France
dans certains pénitenciers, où pendant
qu'ils purgeront teur peine à l'emprison-
nement, l'administration étudiera leurs
antécédents, rech rchera leurs aptitudes
au travail, afin de déterminer les ressour-
ces qu'ils peuvent offrir à la colonisation.
Cette enquête permettra d'établir un clas-
sement en trois catégories.
La première comprendra les récidivistes
qui, condamnés à des peines légères et
axerçant un métier quelconque, appar-
tiendraient à une profession dont le be-
soin se fait sentir dans 1 une quelconque
de nos colonies. Un bureau centralisera.
en effet, à Paris, les demandes émanées
des colonies et y fera droit en y envoyant
es récidivistes de cette première catégo-
rie. Ceux-ci arriveront dans la colonie,
sans qu'on fasse connaître leur situation
de relégués et ils pourront se régénérer
par le travail.
La seconde catégorie comprendra les
récidivistes qui n'exercent aucune profes-
sion particul ère et qui sont privés de res-
sources personnelles. Ces récidivistes se-
ront relégués collectivement dans deux
colonies seulement, la Guyane ou la
Nouvelle-Calédonie. Ils seront logés, nour-
ris,et payés par l'Etat à charge de parti-
ciper à des travaux de colonisation pour
le compte de l'Etat, confection des routes,
défrichements, etc.
Enfin la troisième catégorie comprendra
les récidivistes qui, après avoir appartenu
à la seconde arriveraient par des res-
sources personnelles, ou par un engage-
ment de travail individuel chez des parti-
culiers, à pouvoir se passer du secours de
l'Etat Ces récidivistes seraient affranchis
de l'embrigadement et pourraient tra-
vailler seuls. -
Le règlement d'administration publique
prévu par la loi déterminera, d'ailleurs,
les conditions de surveillance, le régime
disciplinaire, ainsi que tous les autres
points se rattachant à la même question.
La commission, après avoir entendu ces
explications, a accepté les modifications
du Sénat et a chargé M. Gerville-Réache
de faire un rapport en ce sens. Le rap or-
teur lira son rapport vendredi à la com-
mission et le déposera samedi. La Cham-
bre sera appelée à se prononcer, à son
tour, à la rentrée des vacances de Pâques.
—o—
La loi sur le scrutin de liste votée par
la Chambre avant-hier sera portée au-
jourd'hui au Sénat. La commission char-
gée de l'examiner sera nommée demain
ou samedi, suivant que le Sénat siégera
ou non vendredi. Les Chambres devant se
séparer mardi prochain, il y a évidem-
ment impossibilité à ce que le rapport de
la commission puisse être fait, et à ce que
le Sénat en discute les conclusions avant
cette date. Aussi, comme nous l'avons
déjà indiqué, se bomera-t-on à deman-
der au Sénat de détacher la disposition
supprimant les élections partielles pour
la voter immédiatement sous forme de loi
spéciale et transitoire.
La commission du Sénat pourrait, le
jour même de sa première réunion, faire
Jcette. disjonction. Dans l'espace d'une
séance, toutes les formalités pourraient
être accomplies dans les deux Chambres.
Dès que cette loi tran itoire sera votée,
le gouvernement rapportera le décret qui
avait convoqué les électeurs de la ire cir-
conscription de Saint-Etienne à l'effet
d'élire, le 5 avril prochain, un député en
remplacement de M. Bertholon.
Ce siège restera vacant jusqu'aux élec-
tions générales, ainsi que les 32 autres
actuellement privés de titulaires et pour
lesquels il n'y a pas encore de convoca-
tion.
M. Rivière doit déposer aujourd'hui sur
le bureau de ia Chambre la proposition
que nous avons déjà signalée et qui a
pour but de faire survivre devant le Sénat,
après la disparition de la Chambre, les
propositions votées par cette Chambre.
Toutefois, à la suite d'une conférence
qu'il a eue hier avec M. Henri Brisson,
M. Rivière, sur les observations du prési-
dent de la Chambre, a modifié sa proposi-
tion.
M. Brisson a fait observer, en effet, que
la règle projetée, si elle était admise sans
réserve, pourrait avoir quelquefois des
inconvénients sérieux. Ainsi, il pourrait
arriver qu'une proposition votée par la
Chambre, à la veille de l'expiration de son
mandat, ne correspondît plus au vœu de
l'opinion publique et que, malgré la vo-
lonté de la nouvelle Chambre, le Sénat ne
transformât cette proposition en loi défi-
nitive par sa simple ratification.
C'est ce cas qu'il s'agit de prévoir. M.
Rivière l'a envisagé dans sa proposition et
l'a résolu en insérant une disposition qui
porte que les propositions votées par l'an-
cienne Chambre - resteront soumises aux
délibérations du Sénat, à moins que, dans
le ddai de trois mois à partir de son
installation, la nouvelle Chambre ne donne
mandat à son président de les retirer.
La Chambre aurait ainsi un droit ana-
logue à celui du gouvernement qui peut
toujours retirer, par décret, les projets
qu'il a présentés.
-0-
Hier soir, une délégation de la commis-
sion des 44, compoée de MM. Pierre Le-
grand, Ribot, Reymond, de Lanessan et
Richard Waddington, est partie pour
Rouen où elle va continuer l'enquête sur
l'admissinn temporaire des filés de coton
qu'elle avait commencée dans le Rhône,
je Nord et la Loire.
Cette délégation restera deux jours à
Rouen ; elle parlira dimanene soir pour
les Vosges et Belfort.
D'autre part, la délégation qui s'était
rendue, il y a quelque temps à Anzin,
pour étudier le régime des mines, a com-
muniqué hier à la sous-commission de
l'industrie, le résultat de cette enquête.
Ce résultat fait l'objet d'un long rapport
de M. Clemenceau qui va être imprimé et
distribué.
LA QUESTION DU RIZ
Le Livre jaune vient d'être publié en
deux fascicules dont l'un a trait aux af-
faires d'Egypte et l'autre aux affaires
de Chine. Le plus intéressant des deux,
le chinois, s'occupe uniquement de la
question du riz.
Le 23 janvier, le président du conseil
recevait de nos agents à Singapore et à
Hong-Kong le double avis que, d'après
des ordres envoyés de Londres, « nos
vaisseaux de guerre n'auraient plus la
faculté de se réparer ni même de faire
du charbon dans les ports anglais, du
moins ne pourraient-ils y prendre que la
quantité de charbon nécessaire pour ga-
gner le port le plus proche du théâtre des
opérations navales, cette faculté n'étant
d'ailleurs concédée à chacun d'eux
qu'une fois par trois mois ». La nou-
velle situation faite à nos croiseurs par
cette preuve d'amitié que nos amis
d'outre-Manche donnaient à nos enne-
mis obligea notre gouvernement à
« avancer l'heure qu'il aurait choisie
pour revendiquer le plein et entier
exercice des droits reconnus aux belli-
gérants par la loi internationale ». L'a-
miral Courbet fut autorisé à traiter le
riz comme contrebande de guerre.
Les Etats-Unis, l'Allemagne, la Rus-
sie, l'Autriche, l'Espagne, l'Italie, la
Belgique, la Turquie, etc., trouvèrent
que c'était juste. L'Angleterre protesta.
Elle avait le droit de nous empêcher
d'acheter du charbon, nous n'avions
pas le droit de l'empêcher de vendre
du riz.
De là, entre M. Jules Ferry et lord
Granville, une discussion qui emplit le
Livre jaune.
« Nous apprenons, écrivait M. Jules
Ferry le 22 février, que de grandes ex-
péditions de riz doivent partir prochai-
nement de Shanghaï pour se rendre
dans le nord de la Chine : nos agents
------ , ---- -o..
dans l'extrême Orient présentent la
suspension de ces envois comme étant
susceptible d'exercer une action efficace
sur le gouvernement de la Chine, et
nous ne saurions nous dispenser d'y
recourir, sous peine de nous priver de
l'arme la plus puissante que les,circon-
stances placent dans nos mains. Quant
à notre droit de faire entrer cette den-
rée dans la catégorie des articles prohi-
bés, il ne parait pas contestable. » Et
notre ministre des affaires étrangères
citait Grotius et Vattel. Grotius :
— « Si je ne puis me défendre qu'en
interceptant les choses envoyées à
mon ennemi, la nécessité me don-
nera le droit de le faire. » Vattel :
— Les choses qui sont d'un usage
particulier pour la guerre et dont on
empêche le transport chez l'ennemi
s appelleront marchandises de contre-
bande. Telles sont les armes, les muni-
tions, les vivres même, en certaines oc-
casions où l'on espère réduire l'ennemi
par la faim. » Lord Granville peut se
moquer de Vattel et de Grotius, mais
voici des Anglais. James Reddie, Phil-
limore, Pratt, Moseley «enseignent que
les belligérants peuvent comprendre
dans la contrebande de guerre les ob-
jets qui, bien que l'on ne s'en serve
pas généralement dans les vues de
guerre, comme les grains, la farine. les
provisions do bouche, peuvent cepen-
dant venir en aide à ces desseins. nar-
ticulièrement lorsqu'ils sont desti-
nés à ravitailler et à secourir des
armées. »
Mais voici mieux. En 1795, le gou-
vernement anglais lança des croiseurs
pour s'emparer de tous les navires
qu'ils rencontreraient chargés de vi-
vres à destination de France. En 1870,
le gouvernement anglais ne vit aucun
mai à ce que la Prusse réduisît Pari s
par la famine. Il semble difficile d'ad-
mettre que Pékin soit plus sacré que
Paris.
Malgré toutes ces autorités, «décidé à
n'appliquer la mesure que dans les
limites rigoureusement nécessaires
pour atteindre le but qu'il poursuivait,
le gouvernement français (circulaire
du 24 février) reconnut qu'il était
possible d'en restreindre, quant à pré-
sent du moins, la portée dans l'intérêt
du commerce des neutres ». Les expé-
ditions de riz à destination de Canton
et des ports du sud de la Chine pour-
raient être continuées librement ; il
n'y aurait d'interdites que les expédi-
tions destinées aux ports du nord ;
celles-ci seraient capturées à partir du
26 février.
— Ni à partir du 26, ni jamais ! ré-
pondit lord Granville. « J'ai le regret
d'avoir à vous informer que le gouver-
nement de Sa Majesté se trouve dans
la né essité d'élever des objections
contrôla mesure proposée. » Commen-
cez par démontrer qu' « il existe des
circonstances, relatives à une cargaison
-. -
particulière, qui permettent d'écarter
la supposition que des articles de cette
nature ont pour destination l'usage or-
dinaire de la vie et de prouver, à pre-
mière vue eUt tout événement, qu'ils sont
destinés à un usage militaire ». Sans
quoi, « j'ai l'honneur d'informer Son
Excellence que le gouvernement de Sa
Majesté ne peut donner son assenti-
ment au droit du gouvernement de la
République française à déclarer que le
riz est, d'une façon générale, contre-
bande de guerre s'il est transporté à
un port quelconque au nord de Can-
ton M.
Le gouvernement de la République
eut la patience d'expliquer que «le plus
grand nombre de chargements de riz
apportés des ports du sud vers le nord
représentent le montant de l'impôt en
nature, ou tribut, que les gouverneurs
de province envoient chaque année à
la cour de Pékin. On sait, d'autre part,
que les soldats des armées impériales
chinoises reçoivent une partie de leur
solde en versements de riz et que le
tribut des provinces est précisément
affecté à cet emploi. » On peut donc
dire, concluait M. Jules Ferry, que
« les cargaisons de riz expédiées des
ports du sud sont destinées à un usage
militaire ». En outre, « elles peuvent
être considérées comme propriété de
l'Etat ennemi et susceptibles de capture
à ce titre ».
Lord Granville dut se résigner. Le len-
demain (20 février), la Gazette de Londres
enregistrait l'avertissement notifié par
l'ambassadeur français à Londres que
le riz serait capturé à partir du 26 par
les commandants des forces navales
françaises. Et lord Granville écrivait à
notre ambassadeur :
« Votre Excellence a fait allusion à
1' .vis publié par le ministre de
Sa Majesté en Chine que le gou-
vernement de Sa Majesté ne recon-
naissait pas au gouvernement fran-
cais le droit de traiter le riz d'un.e ma-
nière générale comme contrebande de
guerre, mesure oue Votre Excellence a
déclarée avoir causé beaucoup de mé-
contentement à son gouvernement
comme étant calculée pour encourager
la Chiné à là résistance et pour donner
une idée erronée de l'attitude du gou-
vernement de Sa Majesté dans cette
question. J'ai eu alors l'honneur d'in-
former Votre Excellence que je n'avais
nullement connaissance de la notifica-
tion de sir Harry Parkes qui avait mo-
tivé les plaintes de votre gouvernement,
que cette notification n'avait été pu-
bliée en exécution d'aucun ordre du
gouvernement de Sa Majesté. De-
puis le jour de cet entretien, j'ai té-
légraphié à sir Harry Parkes à ce sujet,
et je lui ai exposé qu'une telle notifi-
cation était de nature à susciter l'idée
erronée que le gouvernement de Sa
Majesté s'opposerait de vive force à la
saisie des cargaisons de riz; et qu'il
devait aviser le gouvernement chinois
que la légalité de toute saisie de car-
gaison de riz serait iugée nar la cour
•# W M.
française des prises, sous réserve d'une
action diplomatique ultérieure ; et
qu'en attendant, le gouvernement de
Sa Majesté ne pouvait intervenir, bien
qu'il se fùt cru obligé de protester en
vue de sauvegarder leurs droits. »
Ansi, c'est un tribunal français qui
sera seul juge de la légitimité des sai-
sies de riz, et l'Angleterre désavoue
l'agent anglais qui s'est permis de dire
qu'elle interviendrait. A la bonne
heure ! comme dit le grand poète de
l'Angleterre, tout est bien qui finit
bien. Quand pourrons-nous le dire de
la guerre?
AUGUSTE VACQUERIE.
LA FIN D'UNE LEGENDE
On a accusé le conseil municipal d'un
esprit sectaire, d'un « fanatisme à re-
bours », en vertu duquel il aurait été
jusqu'à bannir de la langue française
certains mots d'un usage courant, et que,
justement parce qu'ils ne correspondent
point à des idées très nettes, il serait assez
malaisé de remplacer. Il" faut avouer que
certains conseillers, par certaines inter-
pellations et motions assez intempestives,
ont pu prêter le flanc à ces imputations.
Mais il faut se défier des générali-
sations trop hâtives ; et il est parfois
imprudent d'attribuer à un ensemble
ce qui n'est le fait que de quelques-
uns de ses membres. S'il se rencontre au
conseil des républicains, d'ailleurs fort
bien intentionnés, mais médiocres lin-
guistes, que le mot « Dieu » (deus, theos,
en sanscrit diva, le brillant, le soleil) exas-
père et qui s'abstiennent de jurer, crai-
gnant en prenant même en voix ce nom,
de se faire taxer de cléricalisme; la majo-
rité, rendons-lui cette justice, s'inspire
d'un esprit tout aussi libre, mais plus
large. Si ses détracteurs veulent s'en con-
vaincre, nous les renvoyons aux comptes-
rendus de la 4' commission (séance du
7 mars).
Il s'agissait d'une proposition tendant à
bannir des écoles de la ville tout livre où
les quatre lettres du mot en question se
pouvaient lire, ce qui revenait à peu près
à exclure toute la littérature française.
M. de Ménorval a fait très finement obser-
ver que si la proposition était adoptée, ce
serait fait de la jolie fable :
Petit poisson deviendra grand, .1
Pourvu que Dieu lui prête vie.
M. Delabrousse, président de la com-
mission, a déclaré que « des écrivains
comme Bossuet, Fénelon, Racine (quels
que soient d'ailleurs leurs points faibles
— cette restriction est de moi) seront tou-
jours l'honneur des lettres françaises ».
« Voudrait-on, a-t-il ajouté, proscrire une
pièce de théâtre comme Polyeucte ou
Athalie, à cause des idées religieuses
qu'elle renferme ? Ce serait une en-
treprise indigne d'une nation éclai-
rée, ce serait une politique de sectaire.
Aucun de nos collègues n'a eu cette
pensée et elle serait réprouvée par la
presque unanimité du c!inseil municipal
de Paris. » Enfin M. Aristide Bey a for-
mulé avec beaucoup de justesse la pensée
du conseil et de 1 administration en di-
sant que si la neutralité exige qu'on éli-
mine des recueils destinés aux écoles tout
morceau visant à un but spécial de propa-
gande, lorsque telle ou telle idée reli-
gieuse se fait jour incidemment dans un
passage, il serait tout à fait ridicule et
déplacé de le modifier ou de le mutiler.
Le conseil a donné une autre preuve du
libéralisme intelligent dont il s'inspire en
acceptant la donation faite par M. Guimet,
de sa collection d'objets de toute nature
pouvant servir à l'histoire des religions.
Un membre, craignant sans doute que le
boudhisme ou le brahmanisme ne fasse des
progrès dans son quartier, a allégué que
l'exégèse et le cléricalisme allaient de pair.
En quoi les membres de la droite n'ont
pas été de son avis, car ils ont voté en
masse contre l'acceptation du projet. Au
demeurant le bon sens l'a emporté une
fois de plus et la ville s'est enrichi à peu
de frais d'un nouveau musée dont le d6..
faut se faisait vivement sentir.
De tout cela il ressort que le conseil est
moins noir qu'on l'a dépeint et que, si le
snobisme municipal a fourni à certaine
presse une matière. riche en plaisanteries
faciles et en mots d'esprit, le filonst,
épuisé, et le moment est venu de çher"
autre chose. '•
FRÉDÉRIC MONTARCHS. -
-————————
Voici les deux dernières dépêches qui
nous parviennent au sujet du conflit angt04
russe:
Londres, 25 mars.
Le bruit a couru cette après-miii, à la
Bourse, que la Russie aurait refusé d'accéder
à la proposition faite le 16 mars par lord
Granviile, proposition à laquelle M. Gladstone
a fait ailusion hier à li Chambre des com-
munes.
Le bruit a couru également qu'à la suite de
ce refils cent mille hommes de milice seraient
appelés au service actif.
Ces bruits ne sont nullement confirmés
jusqu'ici.
Londres, 25 mars.
Lord Granville a eu ce matin une entrevue
avec Musurus-Pacha.
Les journaux "du soir mentionnent le bruit
que cette entrevue se rapporterait 4 une in-
formation importante que le gouvernement
aurait reçue relativement à d s propositions H
d'alliance que la Russie aurait faites à U
Turquie dans le cas d'une guerre avec FAn"
gleterre. ,
L'AFFAIRE mmHRimM
(Cot-respondance spéciale du Rappel)
Auxerre. 23 mars f 85.
Le drame de la vie réelle que le jury de
l'Yonne va juger demain a causé, non seu"
lement à Tonnerre où il s'est passé, à la
fin du mois de décembre dernier, mais
dans tout le département, une émotion
qui n'est pas encore calmée, comme j'ai
pu le constater, hier soir, dès mon arri-
vée à Auxerre. -- ,
Le transport de l'accusée de la prison
de Tonnerre à la prison d'Auxerre, qui n'a
eu lieu qu'avant-hier et l'arrivée des té-
moin qui doivent figurer au procès ont
ravivé la curiosité nubliuue. On ne narle
dans la ville que de la scène tragique du
21 décembre 1884, dans laquelle une
femme, une jeune mère de vingt-cinq
ans, jusqu'à ce jour réputée des plus ho-
norables, a tué un homme, un célibataire
ayant passé la quarantaine et considéré
dans tout ce pays comme uu don Juan,
réduction Collas.
La femme, vous la connaissez de nom,
c'est Mme Paul Francey, mariée à un ho-
norable négociant de Tonnerre et mère
d'un tout petit garçon; l'homme, vous le
connaissez également de - nom, il -- s'appe-
lait Alfred Brisebard et il était l'architecte
de l'arrondis3ement de Tonnerre. Il-est
mort foudroyé par quatre balles de revol-
ver.
Comme on le verra par cette lettre et
mieux encore par les débats, il y a lieu de
distinguer entre les faits qui ont armé le
bras de certaines accusées et les faits qui
ont déterminé la vengeance de Mme Paul
Francey.
Ce matin, j'ai, selon mon habitude, dès
mon arrivée à Auxerre, commencé une
enquête auprès de plusieurs personn s en
mesure d'être exactement renseignées,stlit
par elles-mêmes, soit par des témuins par-
faitement au courant de l'affaire, et je
puis grouper aujourd'hui l'ensemble des
évènements qui ont amené la catastrophe
finale.
La ville de Tonnerre, qui compte cinq à
six mille habitants, est une petite ville très
calme, surtout l'hiver. Les plaisirs y
sont rares, j'entends pour les honnêtes
gens, qui de temps à autre vont se dis-
traire au théâtre lorsque des artistes de
Paris, en tournée, s'y arrêtent un ou deux
jours. D'autre part, il y a des cafés-con-
certs où par-ci par-là une Clara Soleil
quelconque attire les désœuvrés de la
vilie. Mais ce ne sont que de rares éclairs.
Les artistes parisiens envolés, la ville re-
tombe dans sa monotonie.
Pour rompre cette répétition, cette uni-
formité de la vie de province d'où l'ennui
naît et provoque surtout de profondes las-
situdes, certaines femmes désœuvrées
s'amusent à faire les coquettes, tandis que
certains hommes non moins désœuvrés
s'essaient dans le rôle de Lovelace, heu-
reux de passer pour des hommes à bonnes
fortnnes.
Ça n'a jamais été le cas, dit-on partout,
de Mme Paul Francey, mais en revanche,
ç'aurait été celui de M. Brisebard, si la
chronique i.nnerroise a fidèlement traduit
les faits etgesteb de cet architecte galantia
et, dit-on, grisonnant. -
M. Brisebard appartenait à une famille
du Jura qui jouit de l'estime et de la con-
sidération de tous. A part son penchant
ut peu trop vif à afficher les femmes et 1
1t3 compromettre, on m'a fait de lui un
« lOge qui a son prix. Il serait arrivé à
A axerre, il y a vingt ans, en droite ligne
d3 Besançon, comme un simple ouvrier.
jA ce serait à force de trav,til, de persé-
vérance, d'énergie qu'il serait devenu, par
le seul levier de son intelligence, 1 archi-
tecte de l'arrondissement de Tonnerre, —
et plus tard le coq de la ville, la coquelu-
che de toutes les femmes.
Etait-il beau? Car, en somme, il faut
poser cette question, puisqu il s'agit d'ua
homme qui « enchaînait tous les cœurs w,
pour me servir de l'expression d'un de
mes voisins de table d'hier soir. Sur ce
chapitre, les opinions diffèrent. Les ut
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