Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-03-16
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 mars 1885 16 mars 1885
Description : 1885/03/16 (N5484). 1885/03/16 (N5484).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7542432p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
ff* 5484 - — Lundi 16 JŒars 1885 1 le numéro : fOc. — Départements s IS e. I ]26 Ventôse an 93 —Nf 5484
- ADMINISTHATIOK ,', 11
18. RUf: DI,; VAT.OIS, 13
SS, HUE DK VALOIS, 13
ABONNEMENTS
tAMS
l'ois rouis. 10 ;>
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six mois 22 A
Adresser InUres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE ,i. -4
«ADaCMSTItATErr,. GÉlîAHT i :
:, ,~
~- ~., m m. t —-~— .-
REDACTION
S'adresser au. Secrétaire de la RéaacfÏoD.
De 4 à 6 heures du soir
f8, RUE DE VALOIS, 13
les manuscrits noninséres ne seront pas rendus
ANNONCES
XX,. Ch. LAGUANGE, CERF et CI
6, vace de la Bourse,6
LA TRÊVE
, Les nouvelles d'aujourd'hui sont
(pacifiques. La baleine et l'éléphant ne
Se rencontreront pas encore cette fois.
Hier on pouvait croire que la guerre
fallait éclater enlre l'Angleterre et la
Russie. Au dernier conseil, le ministère
anglais avait décidé de « maintenir
fermement son attitude actuelle ». Une
déclaration dans ce sens avait été en-
voyée au gouvernement russe. Le gou-
vernement du tzar céderait-il ? Les jour-
naux anglais en doutaient. Le Daily
News ne se fiait pas aux protestations
pacifiques qui venaient de Saint-Pé-
tersbourg, il craignait « que la proxi-
mité des avant-postes russes et afghans
lie rendît une collision imminente ». On
s'apprêtait à cette collision. Les prépa-
ratifs pour faire faco à l'éventualité
d'une guerre avec la Russie conti-
nuaient activement Des ordres étaient
envoyés aux ar enaux des provinces de
Bombay et du Bengale pour des muni-
tions de toute sorte. On s'occupait de
la mobilisation de deux corps d'armée
ayant chacun 28,000 hommes d'infan-
terie, 8,000 de cavalerie et 80 canons.
L'amirauté réunissait une flotte de
transports. Les Afghans fortifiaient
Balkh. De leur côté, les Russes ache-
taient dans la province de Boukhara et
dans les dictricts voisins tous les cha-
meaux qu'ils pouvaient trouver.
Ce qui ajoutait à la gravité de la si-
tuation, c'est que l'Allemagne semblait
pousser la Russie. C'était de Berlin que
venait une correspondance où on lisait
que « dans les cercles militaires, on
était persuadé que les Russes pour-
raient amener, dans un temps relative-
ment court, des troupes nombreuses à
la frontière afghane » et que « d'autre
part, on partageait généralement l'opi-
nion de l'état-major russe, qui croyait
pouvoir compter sur une défection
presque imm diate des Afghans, tout
prêts à abandonner les Anglais ».
On pouvait supposer que l'Allemagne,
qui a commencé par mutiler l'Autriche,
qui a continué par démembrer la France,
ne serait pas fâchée de finir par faire
s'entre-blesser l'Angleterre et la Russie.
Cette fois, elle n'aurait même pas à
s'en mêler, elle n'aurait pas à dépenser
un soldat ni un marc, elle assisterait
les bras croisés à ce doux spectacle de
deux grandes nations s'entr'égorgeant,
et ce serait alors qu'elle pourrait vrai-
ment dire : — L'Europe est à moi!
On avait eu l'espoir qu'après les
excuses que lord Granville avait faites
au prince de Bismarck en pleine Cham-
bre des lords, le grand-chancelier alle-
mand, touché, interviendrait dans l'af-
faire de TAfganistan et dirait à la Rus-
sie : Halte-là ! Tout au contraire,
la Gazette de l'Allemagne du Nord
s'empressait de publier ceci : — « La
Russie désire fixer convenablement la
frontière afghane pour empêcher toute
1
"', 'L
incursion. Pourquoi l'Allemagne s'op-
poserait-elle à cette délimitation? Pour-
quoi compromettrait-elle, à cause des
steppes afghanes ou turcomanes, ses
relations avec la Russie, qu'elle a cul-
tivées jusqu'ici avec soin et succès? »
Ainsi, au lieu de dire : On ne passe pas !
l'Allemagne disait : - Allez-y gaie-
ment!
M. Gladstone a trouvé mieux que
des excuses, qui ne sont en somme que
des phrases, pour mettre l'Allemagne
de son côté. La Chambre des com-
munes l'a entendu prononcer ces pa-
roles : — « Si l'Allemagne devient une
puissance colonisatrice, je dis : Que
Dieu bénisse ses efforts ! Elle devient
notre alliée et notre associée pour le
bien de l'humanité. Je salue son entrée
en ligne. Elle aura dans cette œuvre
nes vœux les plus cordiaux et tous les
encouragements qu'il sera en notre
pouvoir de ljii donner ». Il était diffi-
cile que l'Allemagne aidât la Russie à
prendre les colonies à l'Angleterre le
jour même où l'Angleterre lui offrait
de l'aider à en acquérir. L'empereur
Guillaume a, dit-on, donné de sa per-
sonne, et l'affaire est arrangée — pour
le quart d'heure.
Nous voudrions espérer que l'arran-
gement sera définitif. Nous n'avons au-
cune envie de voir deux grandes na-
tions s'entr'égorger. Les blessures
qu'elles se feraient l'une à l'autre ne
profiteraient qu'à l'Allemagne. M. de
Bismarck est déjà bien assez fort sans
qu'on lui rend o encore le service de
s'affaiblir soi-même. Si l'Angleterre, la
Russie, la France, etc., avaient l'intel-
ligence de leur intérêt, elles médite-
raient le mot profond : « Notre ennemi,
c'est notre maître ! » et au lieu de se
ruer l'une sur l'autre, elles s'uniraient
contre lui.
AUGUSTE VACQUERIE.
M* l.| !■ | I I II ■ l| »■
Dépêche de Shanghai, 14 mars, 9 h. 27
du matin :
« Le fort Siao-Kung a été détruit à
Chin-Haï.
» L'amiral Courbet se prépare à atta-
quer Mao-Pao-Shan. »
On mande de Shanghaï au Standard, le
13 mars.
a Les Français bombardent Chin-Haï.
Ils sont parvenus à détruire un des forts.
Les opérations continuent. »
■I u -O1 ■
COULISSES DES CHAMBRES
La commission des finances du Sénat
s'est réunie hier pour examiner le budget
des dépenses de i885, que vient de lui
renvoyer la Chambre. On attendait, non
sans curiosité, cette réunion pour savoir
quel accueil la commission sénatoriale fe-
rait aux décisions de la Chambre, et en
particulier au système imaginé par la
commission du budget et développé dans
le rapport de M. Jules Roche pour déli-
limiter les attributions respectives des
deux Assemblées en matière financière.
Quoiqu'il n'y ait pas eu hier de vote
ferme, on peut pressentir, par la discus-
sion d'hier, le sentiment de la majorité de
la commission sénatoriale.
Celle-ci s'est tout d'abord livrée à une
discussion générale sur l'éternelle ques-
tion des droits en matière financière.
MM. Edouard Millaud et Clamageran,
sans soutenir d'une manière absolue le
système de M. Jules Roche, ont en fait
insisté sur la nécessité de laisser lé der-
nier mot à la Chambre dans le cas actuel,
afin d'éviter un conflit.
M. Dauphin, rapporteur général, et
M. Faye ont soutenu, au contraire, une
thèse qui a paru être celle de la majorité
de la commission. Ces dpux membres ont
combattu absolument le système de la
commission de la Chambre qui, on s'en
souvient, consiste à reconnaître au Sénat
le droit de remontrance, s'exerçant au
besoin sous forme de rétablissements de
crédits, mais en déclarant que ce droit est
épuisé par un premier exercice et que la
seconde délibération de la Chambre de-
vient absolument définitive.
MM. Dauphin et Faye n'admettent pas
que le droit du Sénat soit épuisé après un
premier exercice. Quant aux suppressions
de crédits, ils distinguent entre les crédits
correspondant à des services fonctionnant
en vertu de lois ou de décrets organiques
et les crédits ne rentrant pas dans cette
catégorie.
En ce qui concerne ces derniers, ils ad-
mettent qu'en fait ils ne peuvent pas éter-
nellement les rétablir et qu'une seconde
suppression doit être définitivement ac-
quise. -
Quant aux crédits résultant d'une loi ou
d'un décret organique, MM. Dauphin et
Faye soutiennent qu'il faut l'accord préa-
lable des deux Chambres pour les suppri-
mer. Ils admettent, contrairement au sys-
tème qu'on avait cherché à faire prévaloir,
qu'il est possible de supprimer une loi par
voie budgétaire, mais à la condition que
les deux Chambres soient d'accord pour
supprimer le crédit correspondant qui
figure au budget. Sans quoi, font observer
MM. D iuphin et Faye, cela reviendrait à
attribuer le pouvoir législatif à une seule
Chmbre, puisque les partisans les plus
absolus des droits de la Chambre recon-
naissant au Sénat le droit de supprimer
tous les crédits qu'il voudra.
La commission n'a pas voté sur cette
interprétation; mais, sur 14 membres qui
étaient présents hier, on a calculé que 10
environ en étaient partisans.
Après cette discussion générale, la com-
mission a procédé à l'examen détaillé des
modifications introduites dans le budget
par la Chambre.
On se souvient que sur 18 rétablisse
ments de crédits, opérés par le Sénat, la
Chambre n'en a accepté que quatre : deux
à la justice, un aux cultes et un à l'agri-
culture. Ces quatre crédits rétablis n'é-
taient plus naturellement en cause hier.
Toutefois, la commission sénatoriale a
décidé, à propos du crédit pour les cha-
noines que la Chambre a accepté avec ré-
d ction sur le chaire du Sénat, que cette
réduction ne devait pas être considérée
comme ayant pour conséquence la sup-
pression de l'institution par voie d'extinc-
tion.
Sur les quatorze autres crédits rétablis
par le Sénat, la commission a renoncé
a sept dès hier : à savoir les crédits
pour la cour de cassation, la justice en
Algérie, les traitements des curés, le cha-
pitre de Saint-Denis, les édifices protes-
tants, la gendarmerie mobile et le phyl-
loxéra. Sur ces sept crédits, la commis-
sion accepte les suppressions maintenues
par la Chambre.
Pour les sept autres crédits, elle a sur-
sis à toute décision jusqu'à ce qu'elle ait
entendu le gouvernement, soit parce que
ces crédits résultent de lois ou de décrets
organiques, soit parce qu'ils sont ouverts
en exécution de conventions concorda-
taires.
Ces sept crédits sont ceux relatifs aux
évêques algériens, aux séminaires des
trois cultes, aux aumôniers militaires, à
l'évêque de la Guadeloupe et aux facultés
de théologie.
Le président du conseil, le ministre des
finances et celui des cultes sont convo-
qués pour demain lundi devant la com-
mission.
On pense que celle-ci pourra arrêter ses
résolutions délinitives le jour même, et
déposer son rapport le lendemain mardi ;
le Sénat serait appelé à discuter jeudi i9
mars les conclusions de ce rapport.
-0- -
Le ministre des finances a fait connaître
hier au conseil des ministres les lignes
générales du proj et de budget pour 1886
qu'il vient d'élaborer. Ce projet, qui a été
approuvé, sera déposé sur le bureau de la
Chambre dès qu'un accord sera finalement
intervenu entre les deux Chambres sur le
budget de 1885, c'est-à-dire vers la fin de
la semaine dans laquelle nous entrons,
pour le cas très probable où aucun conflit
ne viendrait à se produire entre les deux
Assemblées.
——— m ——— ■■ ■ ■■ i^'
A LA CHAMBRE
En l'absence de M. Brisson, retenu
chez lui par une indisposition, c'est à M.
Philippoteaux qu'est revenu le pénible
devoir d'annoncer officiellement à la
Chambre la mort de M. Gatineau. Les
applaudissements plusie irs fois répétés
de ses collègues, lorsqu'il a prononcé
l'éloge du défunt, ont prouvé à l'hono-
rable vice-président que son langage
ému et sympathique répondait aux sen-
timents de la Chambre et qu'elle s'as-
sociait à ses regrets. Peut-être cepen-
dant si un homme plus mêlé que M.
Philippoteaux aux plus tragiques des
évènements contemporains; si M. Bris-
son ou M. Floquet eussent occupé le
fauteuil, peut-être n'eussent ils pas,
même devant cette Chambre, passé
entièrement sous silence les généreux
et périlleux efforts de M. Gatineau, d'a-
bord pour sauver les accusés des con-
seils de guerre, puis pour arracher à
l'Assemblée la cessation des pour-
suites.
Il est aujourd'hui très facile de parler
de cette époque, mais on oublie que,
pendant une longue période, période
qui a duré plus de quatre ans, on n'a-
vait pas toutes ses aises, même pour
invoquer les circonstances atténuantes.
On oublie qu'au début surtout de ces
tristes années, en face des tribunaux
militaires tout puissants, en présence
de l'indifférence de tant de républi-
cains, des anathèmes de quelques-uns.
des meilleurs, il y avait quelque cou-
rage à prêter sa parole tous les jours,
sans relâche, à ces victimes obscures
d'une lutte formidable et, suivant le
noble exemple du poète de l'Année ter-
rible de se tourner vers « ceux qu'on
foule aux pieds ». Mais ce qui n'a pas
été dit hier, à la Chambre, sera certai-
nement dit demain au Père-Lachaise,
puisque c'est M. Madier-Monjau, l'hom-
me de la conscience et du devoir, qui
doit parler sur la tombe.
o
e *
La Chambre a discuté, suivant son
ordre du jour, le projet relatif au droit
nouveau à imposer sur les bestiaux.
Les deux discours importants de la
journée sont ceux de M. Raoul Duval
et de M. Méline. On conçoit, d'ailleurs,
qu'il n'y ait aucun argument nouveau
apporté à ce débat. Au lieu de parler
des blés, les orateurs parlent de bœufs
et de moutons, mais les raisonnements
sont les mêmes et, en somme, chacun
en revient toujours à ses moutons.
M. Raoul Duval, cependant, a cité
des chiffres assez curieux qui prouvent
d'abord que le prix de la viande n'est
pas en baisse, au contraire, et ensuite
que la hausse se produit surtout sur les
qualités les plus inférieures destinées à
1 alimentation des classes pauvres. L'ho-
norable rapporteur a également fait
justice des fantaisies racontées par les
affameurs sur la prétendue invasion
des bestiaux étrangers. Il y a des dé-
partements , même parmi ceux qui
crient le plus, où cette invasion formi-
dable se présente sous l'aspect d'un
pauvre et unique mouton ou d'une
vache laitière.
M. Méline a refait l'un des nombreux
discours qu'il a déjà débités sur la pro-
tection et, naturellement, il a cherché
à prouver d'une part que la viande
resterait au même prix malgré le droit
et, d'autre part, que le producteur
allait vendre plus cher. Inutile de dire
que la preuve n'a pas été faite. Il y a
eu un moment où le ministre de la
famine organisée s'est attiré de vives
interruptions, de la part de M. Clé-
menceau, en soutenant que le prix du
bétail sur pied diminuait tous les jours.
On a mis le ministre au défi de faire
la preuve et M. Méline a passé à un
autre sujet.
Il s'est efforcé de rejeter sur les in-
termédiaires les causes de la cherté ac-
tuelle. Ceci est une autre question,
mais que cette cherté vienne du pro-
ducteur ou du revendeur, il est certain
qu'on ne l'atténuera pas en ajoutant un
droit nouveau à celui qui existe. L'ex-
périence a déjà été faite quand au droit
simple de 3 fr. on a substitué le droit
de 15 fr. Est-ce que l'agriculture s'en est
mieux trouvée? Est-ce que la viande n'a
pas augmenté? A ce droit de 15 fr. on
veut substituer maintenant celui de
25 fr.; le résultat sera le même. Qu'es-
père donc M. le ministre de la famine?
Il dit que la protection encouragera la
production indigène. Dans quel pays a-
t-il vu qu'une industrie couverte par des
droits protecteurs se développât? On
crée des productions factices, mal ap-
propriées aux conditions naturelles du
territoire et du climat, en ayant re-
cours à la protection ou mieux à la
prohibition. Mais après, que reste-t-il
de ces créations mal venues? Rien.
M. Méline le sait d'ailleurs, et c'est
bien moins le relèvement des droits
sur les produits agricoles qu'il pour-
suit que le relèvement général du tarif
et le retour net et franc à la protection
telle qu'elle existait avant les traités
de i866. C'est certainement la tentative
la plus réactionnaire et la plus mala-
droite dont un gouvernement puisse se
rendre coupable, et il faut espérer que,
dans cette voie, le bon sens public ar-
rêtera M. Méline.
A. GAULIER.
t— m —■ ■ i ——^ .n.
LE VOYAGE DU PRINCE DE GALLES
Le cabinet anglais vient de trouver une
solution à la question irlandaise ; il a dé-
cidé que le prince de Galles irait, con-
jointement avec son épouse, faire un petit
voyage dans l'ile-sœur.
On sait que le fils aîné de l'impératrice
dos Indes est essentiellement un prince
voyageur ; nulle tête couronnée n'aura
dans sa carrière fait et défait tant de
malles. Avant-hier à Londres, hier à Cal-
cutta, aujourd'hui boulevard des Italiens,
demain sur la promenade aux Anglais, il
doit avoir un porte-manteau dans ses
armes ; et le statuaire de l'avenir le re-
présentera avec un guide Murray dans
une main et un carton à chapeau dans
l'autre.
Pour une fois, nonobstant, je ne serais
pas étonné que l'aimable prince eût pré-
féré rester dans Windsor à faire un whist
à la table de jeu maternelle. Ce n'est pas
que ses jours courent grands dangers; la
cause des Irlandais est assez bonne pour
qu'ils ne la compromettent pas par des
excentricités sanglantes. Mais aller dans
un pays avec la conviction que les vivats
qui vous acclament sortent de poitrines
policières, que les arcs de triomphe sous
lesquels vous passez ont été élevés aux
frais du ministre de l'intérieur, on avouera
que ce n'est point là l'idéal des voyages
circulaires.
La conduite de M. Parnell en cette
affaire a été parfaite. Il a donné pour mot
d'ordre à ses compatriotes de s'abstenir dE
toute manifestation, d'accueillir le couple
royal avec la plus profonde indifférence,
en un mot, de mettre en pratique le fa.
meux mot : Le silence des peuples est la
leçon des rois.
Ce programme sera suivi sans nul doute.
Peut-être la protestante Belfast tiendra-t-
elle à prouver une fois de plus qu'elle n'a
d'irlandais que sa situation géographique,
mais il est peu probable que Dublin, que
Limerick, que Cork, que le moindre vil-
lage oublie,* même en face du gracieux
sourire de la princesse Alexandra, trois
siècles de spoliations et de persécutions.
Ils n'oublieront pas leur sol envahi,
leurs consciences violentées, leurs libertés
abolies. Ils n'oublieront pas les déposses-
sions arbitraires, leurs ancêtres devenus
fermiers là où ils avaient été propriétaires,
le sol natal partagé entre un petit nombre
de landlords sans pitié pour des tenanciers
qu'ils ne voient pas une fois dans l'année.
Les petits-fils des kearts of oak, pcep G
day boys, hecirls 01 steel, affiliés aujourd'.c'
hui à la Land-league, les électeurs de Par-
nell et de Davitt ne désarmeront pas parce
qu'un cortège officiel sera venu admirer le
port de Queenstown et le paysage de Kil-
larney. On sait quel est le minimum de
leurs revendications : restitution du sol
aux Irlandais moyennant un impôt foncier
qui servirait à indemniser les propriétai-
res dépossédés, établissement d'un Parle.
ment spécial, autrement dit le self-govern-
ment. Le cabinet Gladstone avait paru
décidé à donner peu à peu satisfaction
aux nationalistes sur le premier point, sinon
sur le second. Aujourd-hui il semble re-
tourner sur ses pas; il en revient aux
vieux moyens, pendaisons, état de siège,
voyages princiers. Ce dernier expédient a
sur les autres l'avantage d'être inoffensif.
C'est d'ailleurs son unique supériorité.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
»
LES ON-DIT
Tous les jours, à l'Ecole des beaux-arts,
de 10 heures à 6 heures, exposition de
l'œuvre d'Eugène Delacroix.
Prix d'entrée : 1 franc.
m &
Nous avons annoncé le grand bal qui va
être donné prochainement à l'Hôtel de
Ville au profit des pauvres de Paris.
Nos lecteurs trouveront au bureau du
Rappel des billets pour ce bal, qui sera la
plus magnifique fête de la saison. — Prix :
20 francs.
S
» 0
Après la Légende des Siècles, complète
en un beau volume illustré, au prix de
quatre francs, la librairie Hugnes publia
Y Art d'être grand-père, qui formera sept
livraisons à 10 centimes.
Viendront ensuite les Quatre Vents de
l'Esprit, dont les deux volumes tiendront
en seize livraisons illustrées à 10 centimes.
§
Hier, dernier jour pour la réception des
ouvrages de la section de peinture desti-
nés à figurer au prochain Salon, les aborcs
du palais des Champs-Elysées présentaient
une physionomie particulièrement ani-
mée.
De neuf heures du matin à midi, on a
inscrit 394 tableux. A deux heures du soir,
les ouvrages présentés étaient au nombre
de 3,800. Et le flot montait toujours.
On estime, à vue de nez, que le nombre
des ouvrages de la section de peinture, y
compris les dessins, aquarelles, pastels,
eaux-fortes, etc., dépassera 7,000.
'60
Séance laborieuse hier à l'Académie des
beaux-arts.
On a nommé d'abord la commission
chargée d'examiner les titres des candi-
dats au fauteuil laissé vacant par la mort
de M. Du Sommerard.
Peuilleton du RAPPEL
DU 16 MARS
«
V- — —
67
LE
SANG BLEU
DEUXIÈME PARTI.
XXXII
Avant de décider le genre d'accident
qui devait arriver à Guillaumanche, La
Senevière voulut donner à celui-ci une
chance de racheter sa vie.
Que Guillaumanche lui prêtât soixante-
dix mille francs pour payer cette canaille
(Traduction interdite; reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais après la
fin de la publication en feuilleton dans le
ftappel.)
Voir le Rappel du 2 janvier au 14 mars.
de Caffié et l'accident ne se produirait
pas.
En cela, La Senevière se disait qu'il
était vraiment généreux, car à soixante-
dix mille francs une fois donnés, il sacri-
fiait cinq cent mille francs de rente que
lui assurait son mariage avec Hériberte.
C'était son excuse et sa justification
qu'il trouvait dans cet arrangement; un
autre à sa place n'eût certainement pas hé-
sité entre cette pauvre somme de soixante-
dix mille francs et ces cinq cent mille
francs de rente : Guillaumanche eût été
condamné; lui, au contraire, ne voyant
dans cette situation qu'une fatalité et
n'écoutant pas les calculs de l'intérêL,lais-
sait à Guillaumanche la liberté de décider
lui-même, se lavant à l'avance les mains
de ce qui arriverait: quoi que ce fût, Guil-
laumanche l'aurait voulu; que faire de
plus? il n'y avait qu'à attendre.
En ne retrouvant pas La Senevière au
château, Guillaumanche avait été surpris
lorsqu'il était rentré de son excursion avec
Hériberte et Nicole ; mais il n'avait rien
dit. Le lendemain, en ne voyant pas La Se-
nevière venir à l'heure habituelle, il l'avait
été plus encore.
— Est-ce qu'on a des nouvelles de M. de
la Senevière? avait-il demandé.
Personne n'avait répondu.
— Vous ne pouvez donc pas vivre sans
M. de la Senevière? avait demandé Mme
de Colbosc après quelques instants de si-
lence.
- Il me semble qu'il nous manque.
- Il est à croire que nous nous ne lui
manquons pas, avait répliqué Mme de Col-
bosc avec une ironie méprisante et en
haussant les épaules.
Guillaumanche n'avait pas répliqué,
mais deux jours après La Senevière n'ayant
pas paru, il avait voulu aller à la Vivan-
derie, le pauvre garçon avait peut-être eu
à subir quelque insolence trop forte de
Mme de Colbosc.
En arrivant, il avait trouvé la porte
fermée, et, l'ayant ouverte, il avait
aperçu La Senevière assis au coin du feu,
déjeunant avec ses chiens autour de lui :
comme toujours, la table, sans nappe,
était plus que simplement servie : un œuf
dur et un morceau de sanglier salé ; dans
un pot en faïence brune, de l'eau.
— Je craignais que vous ne fussiez ma-
lade, dit Guillaumanche en s'excusant de
le surprendre.
— Vous voyez que je ne Vais pas mal,
répondit La Senevière avec un certain em-
barras.
— Est-ce que vous avez fait une excur-
sion?
— Non.
— Nous ne vous avons pas vu.
— C'est vrai, je n'ai "pas pu; j'ai eu des
empêchements.
Cette fois, l'embarras était si Imani-
feste que Guillaumanche crut devoir pré-
ciser.
— Soyez donc franc, dit-il, et traitez-
moi en ami; ne le suis-je point?
— Certainement.
— Vous avez eu quelque contrariété
avec ma belle-mère ?
— Non, je vous assure.
— Mais alors?
L'occasion était trop belle pour que La
Senevière n'en profitât point; ce serait
vraiment trop bête ; puisque ce naïf venait
s'offrir lui-même, il faudrait être encore
plus naïf que lui pour le repousser. De
quelque façon que la chose tournât, il
importait d'avoir une raison à donner qui
expliquât son absence depuis deux jours ;
du même coup, en manœuvrant adroite-
ment, il pouvait gagner Guillaumanche,
toucher Hériberte et se faire de Mme de
Colbosc une alliée plus zélée encore.
Il réfléchit un moment sans rien faire
pour cacher son embarras, car, plus il le
montrerait, mieux il entrerait dans son
rôle.
- Pourquoi préciser, cher ami? vous
voyez dans quel embarras vous me
mettez.
— Parce qu'il n'est rien de tel qu'une
franche explication lorsqu'un nuage s'est
élevé entre deux amis.
— Mais il ne s'est pas élevé de nuage
entre nous.
— Alors, laissez là ce déjeuner à peine
commencé et venez partager le nôtre; je
vous emmène.
La Senevière prit la main de Guillau-
manche :
- Au fait, dit-il en la lui serrant à plu-
sieurs reprises, mieux vaut s'expliquer
franchement ; vous avez raison. D'ailleurs,
dans votre insistance amicale, il y a
comme une intervention providentielle
que je serais coupable de repousser.
Guillaumanche le regarda avec sur-
prise.
— Vous allez comprendre, continua La
Senevière, et vous verrez si j'ai tort de
qualifier cette intervention de providen-
tielle. Depuis votre installation ici, vous
m'avez traiié avec une sympathie, une
amitié qui m'oni vivement touché. De
même auprès de Mme Guillaumanche
aussi bien qu'auprès de Mme de Colbosc
je n'ai toujours trouvé que le plus gra-
cieux accueil. Et vous pouvez vous imagi-
ner, en vous reportant à ma solitude et à
ma détresse, —il promena autour de lui,
dans la cuisine comme sur la table, un
regard attristé - combien j'en ai été heu-
reux. Après de longs mois d'abandon,
j'avais des amis.
Cette fois, ce fut Guillaumancke qui lui
tendit la main. J
- Quand j'étais -chez vous, poursuivit
La Senevière, il me semblait que j'avais
une famille — la vôtre — et que, dans
cette maison qui a été la mienne, j'étais
toujours chez moi. Les choses étaient ainsi
lorsqu'il y a trois jours j'ai reçu une visite
qui m'a jeté dans le désespoir : on es!
venu me réclamer soixante-dix mille
francs qu'il faut que je paie, car les cir-
constances dans lesquelles cette dette a
été faite sont telles, que, si j'oppose ma
misère pour ne pas la payer, je suif
déshonoré. Mon premier mouvement a été
de faire appel à votre générosité et de
vous demander ces soixante-dix mille
francs, — en vous offrant cartaines ga;
ranties, bien entendu. Mais, en l'éfléchis
san! que cette demande pouvait vous con
trarier et par là assombrir nos relations, je
me suis in.,, ssé de ne pas aller chez vous,
de peur de me laisser entrainer par quel-
que témoignage d'amitié que vous me
do: neriez, à vous parler de cette dette el
de cet emprunt. Voilà l'explication di
mon absence. Et voilà aussi pourquoi ja
disais que votre obligeance pour me forcez
à confesser mon embarras avait quelque
chose de providentiel.
HECTOR MALOT.
(A sm'vreA
- ADMINISTHATIOK ,', 11
18. RUf: DI,; VAT.OIS, 13
SS, HUE DK VALOIS, 13
ABONNEMENTS
tAMS
l'ois rouis. 10 ;>
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six mois 22 A
Adresser InUres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE ,i. -4
«ADaCMSTItATErr,. GÉlîAHT i :
:, ,~
~- ~., m m. t —-~— .-
REDACTION
S'adresser au. Secrétaire de la RéaacfÏoD.
De 4 à 6 heures du soir
f8, RUE DE VALOIS, 13
les manuscrits noninséres ne seront pas rendus
ANNONCES
XX,. Ch. LAGUANGE, CERF et CI
6, vace de la Bourse,6
LA TRÊVE
, Les nouvelles d'aujourd'hui sont
(pacifiques. La baleine et l'éléphant ne
Se rencontreront pas encore cette fois.
Hier on pouvait croire que la guerre
fallait éclater enlre l'Angleterre et la
Russie. Au dernier conseil, le ministère
anglais avait décidé de « maintenir
fermement son attitude actuelle ». Une
déclaration dans ce sens avait été en-
voyée au gouvernement russe. Le gou-
vernement du tzar céderait-il ? Les jour-
naux anglais en doutaient. Le Daily
News ne se fiait pas aux protestations
pacifiques qui venaient de Saint-Pé-
tersbourg, il craignait « que la proxi-
mité des avant-postes russes et afghans
lie rendît une collision imminente ». On
s'apprêtait à cette collision. Les prépa-
ratifs pour faire faco à l'éventualité
d'une guerre avec la Russie conti-
nuaient activement Des ordres étaient
envoyés aux ar enaux des provinces de
Bombay et du Bengale pour des muni-
tions de toute sorte. On s'occupait de
la mobilisation de deux corps d'armée
ayant chacun 28,000 hommes d'infan-
terie, 8,000 de cavalerie et 80 canons.
L'amirauté réunissait une flotte de
transports. Les Afghans fortifiaient
Balkh. De leur côté, les Russes ache-
taient dans la province de Boukhara et
dans les dictricts voisins tous les cha-
meaux qu'ils pouvaient trouver.
Ce qui ajoutait à la gravité de la si-
tuation, c'est que l'Allemagne semblait
pousser la Russie. C'était de Berlin que
venait une correspondance où on lisait
que « dans les cercles militaires, on
était persuadé que les Russes pour-
raient amener, dans un temps relative-
ment court, des troupes nombreuses à
la frontière afghane » et que « d'autre
part, on partageait généralement l'opi-
nion de l'état-major russe, qui croyait
pouvoir compter sur une défection
presque imm diate des Afghans, tout
prêts à abandonner les Anglais ».
On pouvait supposer que l'Allemagne,
qui a commencé par mutiler l'Autriche,
qui a continué par démembrer la France,
ne serait pas fâchée de finir par faire
s'entre-blesser l'Angleterre et la Russie.
Cette fois, elle n'aurait même pas à
s'en mêler, elle n'aurait pas à dépenser
un soldat ni un marc, elle assisterait
les bras croisés à ce doux spectacle de
deux grandes nations s'entr'égorgeant,
et ce serait alors qu'elle pourrait vrai-
ment dire : — L'Europe est à moi!
On avait eu l'espoir qu'après les
excuses que lord Granville avait faites
au prince de Bismarck en pleine Cham-
bre des lords, le grand-chancelier alle-
mand, touché, interviendrait dans l'af-
faire de TAfganistan et dirait à la Rus-
sie : Halte-là ! Tout au contraire,
la Gazette de l'Allemagne du Nord
s'empressait de publier ceci : — « La
Russie désire fixer convenablement la
frontière afghane pour empêcher toute
1
"', 'L
incursion. Pourquoi l'Allemagne s'op-
poserait-elle à cette délimitation? Pour-
quoi compromettrait-elle, à cause des
steppes afghanes ou turcomanes, ses
relations avec la Russie, qu'elle a cul-
tivées jusqu'ici avec soin et succès? »
Ainsi, au lieu de dire : On ne passe pas !
l'Allemagne disait : - Allez-y gaie-
ment!
M. Gladstone a trouvé mieux que
des excuses, qui ne sont en somme que
des phrases, pour mettre l'Allemagne
de son côté. La Chambre des com-
munes l'a entendu prononcer ces pa-
roles : — « Si l'Allemagne devient une
puissance colonisatrice, je dis : Que
Dieu bénisse ses efforts ! Elle devient
notre alliée et notre associée pour le
bien de l'humanité. Je salue son entrée
en ligne. Elle aura dans cette œuvre
nes vœux les plus cordiaux et tous les
encouragements qu'il sera en notre
pouvoir de ljii donner ». Il était diffi-
cile que l'Allemagne aidât la Russie à
prendre les colonies à l'Angleterre le
jour même où l'Angleterre lui offrait
de l'aider à en acquérir. L'empereur
Guillaume a, dit-on, donné de sa per-
sonne, et l'affaire est arrangée — pour
le quart d'heure.
Nous voudrions espérer que l'arran-
gement sera définitif. Nous n'avons au-
cune envie de voir deux grandes na-
tions s'entr'égorger. Les blessures
qu'elles se feraient l'une à l'autre ne
profiteraient qu'à l'Allemagne. M. de
Bismarck est déjà bien assez fort sans
qu'on lui rend o encore le service de
s'affaiblir soi-même. Si l'Angleterre, la
Russie, la France, etc., avaient l'intel-
ligence de leur intérêt, elles médite-
raient le mot profond : « Notre ennemi,
c'est notre maître ! » et au lieu de se
ruer l'une sur l'autre, elles s'uniraient
contre lui.
AUGUSTE VACQUERIE.
M* l.| !■ | I I II ■ l| »■
Dépêche de Shanghai, 14 mars, 9 h. 27
du matin :
« Le fort Siao-Kung a été détruit à
Chin-Haï.
» L'amiral Courbet se prépare à atta-
quer Mao-Pao-Shan. »
On mande de Shanghaï au Standard, le
13 mars.
a Les Français bombardent Chin-Haï.
Ils sont parvenus à détruire un des forts.
Les opérations continuent. »
■I u -O1 ■
COULISSES DES CHAMBRES
La commission des finances du Sénat
s'est réunie hier pour examiner le budget
des dépenses de i885, que vient de lui
renvoyer la Chambre. On attendait, non
sans curiosité, cette réunion pour savoir
quel accueil la commission sénatoriale fe-
rait aux décisions de la Chambre, et en
particulier au système imaginé par la
commission du budget et développé dans
le rapport de M. Jules Roche pour déli-
limiter les attributions respectives des
deux Assemblées en matière financière.
Quoiqu'il n'y ait pas eu hier de vote
ferme, on peut pressentir, par la discus-
sion d'hier, le sentiment de la majorité de
la commission sénatoriale.
Celle-ci s'est tout d'abord livrée à une
discussion générale sur l'éternelle ques-
tion des droits en matière financière.
MM. Edouard Millaud et Clamageran,
sans soutenir d'une manière absolue le
système de M. Jules Roche, ont en fait
insisté sur la nécessité de laisser lé der-
nier mot à la Chambre dans le cas actuel,
afin d'éviter un conflit.
M. Dauphin, rapporteur général, et
M. Faye ont soutenu, au contraire, une
thèse qui a paru être celle de la majorité
de la commission. Ces dpux membres ont
combattu absolument le système de la
commission de la Chambre qui, on s'en
souvient, consiste à reconnaître au Sénat
le droit de remontrance, s'exerçant au
besoin sous forme de rétablissements de
crédits, mais en déclarant que ce droit est
épuisé par un premier exercice et que la
seconde délibération de la Chambre de-
vient absolument définitive.
MM. Dauphin et Faye n'admettent pas
que le droit du Sénat soit épuisé après un
premier exercice. Quant aux suppressions
de crédits, ils distinguent entre les crédits
correspondant à des services fonctionnant
en vertu de lois ou de décrets organiques
et les crédits ne rentrant pas dans cette
catégorie.
En ce qui concerne ces derniers, ils ad-
mettent qu'en fait ils ne peuvent pas éter-
nellement les rétablir et qu'une seconde
suppression doit être définitivement ac-
quise. -
Quant aux crédits résultant d'une loi ou
d'un décret organique, MM. Dauphin et
Faye soutiennent qu'il faut l'accord préa-
lable des deux Chambres pour les suppri-
mer. Ils admettent, contrairement au sys-
tème qu'on avait cherché à faire prévaloir,
qu'il est possible de supprimer une loi par
voie budgétaire, mais à la condition que
les deux Chambres soient d'accord pour
supprimer le crédit correspondant qui
figure au budget. Sans quoi, font observer
MM. D iuphin et Faye, cela reviendrait à
attribuer le pouvoir législatif à une seule
Chmbre, puisque les partisans les plus
absolus des droits de la Chambre recon-
naissant au Sénat le droit de supprimer
tous les crédits qu'il voudra.
La commission n'a pas voté sur cette
interprétation; mais, sur 14 membres qui
étaient présents hier, on a calculé que 10
environ en étaient partisans.
Après cette discussion générale, la com-
mission a procédé à l'examen détaillé des
modifications introduites dans le budget
par la Chambre.
On se souvient que sur 18 rétablisse
ments de crédits, opérés par le Sénat, la
Chambre n'en a accepté que quatre : deux
à la justice, un aux cultes et un à l'agri-
culture. Ces quatre crédits rétablis n'é-
taient plus naturellement en cause hier.
Toutefois, la commission sénatoriale a
décidé, à propos du crédit pour les cha-
noines que la Chambre a accepté avec ré-
d ction sur le chaire du Sénat, que cette
réduction ne devait pas être considérée
comme ayant pour conséquence la sup-
pression de l'institution par voie d'extinc-
tion.
Sur les quatorze autres crédits rétablis
par le Sénat, la commission a renoncé
a sept dès hier : à savoir les crédits
pour la cour de cassation, la justice en
Algérie, les traitements des curés, le cha-
pitre de Saint-Denis, les édifices protes-
tants, la gendarmerie mobile et le phyl-
loxéra. Sur ces sept crédits, la commis-
sion accepte les suppressions maintenues
par la Chambre.
Pour les sept autres crédits, elle a sur-
sis à toute décision jusqu'à ce qu'elle ait
entendu le gouvernement, soit parce que
ces crédits résultent de lois ou de décrets
organiques, soit parce qu'ils sont ouverts
en exécution de conventions concorda-
taires.
Ces sept crédits sont ceux relatifs aux
évêques algériens, aux séminaires des
trois cultes, aux aumôniers militaires, à
l'évêque de la Guadeloupe et aux facultés
de théologie.
Le président du conseil, le ministre des
finances et celui des cultes sont convo-
qués pour demain lundi devant la com-
mission.
On pense que celle-ci pourra arrêter ses
résolutions délinitives le jour même, et
déposer son rapport le lendemain mardi ;
le Sénat serait appelé à discuter jeudi i9
mars les conclusions de ce rapport.
-0- -
Le ministre des finances a fait connaître
hier au conseil des ministres les lignes
générales du proj et de budget pour 1886
qu'il vient d'élaborer. Ce projet, qui a été
approuvé, sera déposé sur le bureau de la
Chambre dès qu'un accord sera finalement
intervenu entre les deux Chambres sur le
budget de 1885, c'est-à-dire vers la fin de
la semaine dans laquelle nous entrons,
pour le cas très probable où aucun conflit
ne viendrait à se produire entre les deux
Assemblées.
——— m ——— ■■ ■ ■■ i^'
A LA CHAMBRE
En l'absence de M. Brisson, retenu
chez lui par une indisposition, c'est à M.
Philippoteaux qu'est revenu le pénible
devoir d'annoncer officiellement à la
Chambre la mort de M. Gatineau. Les
applaudissements plusie irs fois répétés
de ses collègues, lorsqu'il a prononcé
l'éloge du défunt, ont prouvé à l'hono-
rable vice-président que son langage
ému et sympathique répondait aux sen-
timents de la Chambre et qu'elle s'as-
sociait à ses regrets. Peut-être cepen-
dant si un homme plus mêlé que M.
Philippoteaux aux plus tragiques des
évènements contemporains; si M. Bris-
son ou M. Floquet eussent occupé le
fauteuil, peut-être n'eussent ils pas,
même devant cette Chambre, passé
entièrement sous silence les généreux
et périlleux efforts de M. Gatineau, d'a-
bord pour sauver les accusés des con-
seils de guerre, puis pour arracher à
l'Assemblée la cessation des pour-
suites.
Il est aujourd'hui très facile de parler
de cette époque, mais on oublie que,
pendant une longue période, période
qui a duré plus de quatre ans, on n'a-
vait pas toutes ses aises, même pour
invoquer les circonstances atténuantes.
On oublie qu'au début surtout de ces
tristes années, en face des tribunaux
militaires tout puissants, en présence
de l'indifférence de tant de républi-
cains, des anathèmes de quelques-uns.
des meilleurs, il y avait quelque cou-
rage à prêter sa parole tous les jours,
sans relâche, à ces victimes obscures
d'une lutte formidable et, suivant le
noble exemple du poète de l'Année ter-
rible de se tourner vers « ceux qu'on
foule aux pieds ». Mais ce qui n'a pas
été dit hier, à la Chambre, sera certai-
nement dit demain au Père-Lachaise,
puisque c'est M. Madier-Monjau, l'hom-
me de la conscience et du devoir, qui
doit parler sur la tombe.
o
e *
La Chambre a discuté, suivant son
ordre du jour, le projet relatif au droit
nouveau à imposer sur les bestiaux.
Les deux discours importants de la
journée sont ceux de M. Raoul Duval
et de M. Méline. On conçoit, d'ailleurs,
qu'il n'y ait aucun argument nouveau
apporté à ce débat. Au lieu de parler
des blés, les orateurs parlent de bœufs
et de moutons, mais les raisonnements
sont les mêmes et, en somme, chacun
en revient toujours à ses moutons.
M. Raoul Duval, cependant, a cité
des chiffres assez curieux qui prouvent
d'abord que le prix de la viande n'est
pas en baisse, au contraire, et ensuite
que la hausse se produit surtout sur les
qualités les plus inférieures destinées à
1 alimentation des classes pauvres. L'ho-
norable rapporteur a également fait
justice des fantaisies racontées par les
affameurs sur la prétendue invasion
des bestiaux étrangers. Il y a des dé-
partements , même parmi ceux qui
crient le plus, où cette invasion formi-
dable se présente sous l'aspect d'un
pauvre et unique mouton ou d'une
vache laitière.
M. Méline a refait l'un des nombreux
discours qu'il a déjà débités sur la pro-
tection et, naturellement, il a cherché
à prouver d'une part que la viande
resterait au même prix malgré le droit
et, d'autre part, que le producteur
allait vendre plus cher. Inutile de dire
que la preuve n'a pas été faite. Il y a
eu un moment où le ministre de la
famine organisée s'est attiré de vives
interruptions, de la part de M. Clé-
menceau, en soutenant que le prix du
bétail sur pied diminuait tous les jours.
On a mis le ministre au défi de faire
la preuve et M. Méline a passé à un
autre sujet.
Il s'est efforcé de rejeter sur les in-
termédiaires les causes de la cherté ac-
tuelle. Ceci est une autre question,
mais que cette cherté vienne du pro-
ducteur ou du revendeur, il est certain
qu'on ne l'atténuera pas en ajoutant un
droit nouveau à celui qui existe. L'ex-
périence a déjà été faite quand au droit
simple de 3 fr. on a substitué le droit
de 15 fr. Est-ce que l'agriculture s'en est
mieux trouvée? Est-ce que la viande n'a
pas augmenté? A ce droit de 15 fr. on
veut substituer maintenant celui de
25 fr.; le résultat sera le même. Qu'es-
père donc M. le ministre de la famine?
Il dit que la protection encouragera la
production indigène. Dans quel pays a-
t-il vu qu'une industrie couverte par des
droits protecteurs se développât? On
crée des productions factices, mal ap-
propriées aux conditions naturelles du
territoire et du climat, en ayant re-
cours à la protection ou mieux à la
prohibition. Mais après, que reste-t-il
de ces créations mal venues? Rien.
M. Méline le sait d'ailleurs, et c'est
bien moins le relèvement des droits
sur les produits agricoles qu'il pour-
suit que le relèvement général du tarif
et le retour net et franc à la protection
telle qu'elle existait avant les traités
de i866. C'est certainement la tentative
la plus réactionnaire et la plus mala-
droite dont un gouvernement puisse se
rendre coupable, et il faut espérer que,
dans cette voie, le bon sens public ar-
rêtera M. Méline.
A. GAULIER.
t— m —■ ■ i ——^ .n.
LE VOYAGE DU PRINCE DE GALLES
Le cabinet anglais vient de trouver une
solution à la question irlandaise ; il a dé-
cidé que le prince de Galles irait, con-
jointement avec son épouse, faire un petit
voyage dans l'ile-sœur.
On sait que le fils aîné de l'impératrice
dos Indes est essentiellement un prince
voyageur ; nulle tête couronnée n'aura
dans sa carrière fait et défait tant de
malles. Avant-hier à Londres, hier à Cal-
cutta, aujourd'hui boulevard des Italiens,
demain sur la promenade aux Anglais, il
doit avoir un porte-manteau dans ses
armes ; et le statuaire de l'avenir le re-
présentera avec un guide Murray dans
une main et un carton à chapeau dans
l'autre.
Pour une fois, nonobstant, je ne serais
pas étonné que l'aimable prince eût pré-
féré rester dans Windsor à faire un whist
à la table de jeu maternelle. Ce n'est pas
que ses jours courent grands dangers; la
cause des Irlandais est assez bonne pour
qu'ils ne la compromettent pas par des
excentricités sanglantes. Mais aller dans
un pays avec la conviction que les vivats
qui vous acclament sortent de poitrines
policières, que les arcs de triomphe sous
lesquels vous passez ont été élevés aux
frais du ministre de l'intérieur, on avouera
que ce n'est point là l'idéal des voyages
circulaires.
La conduite de M. Parnell en cette
affaire a été parfaite. Il a donné pour mot
d'ordre à ses compatriotes de s'abstenir dE
toute manifestation, d'accueillir le couple
royal avec la plus profonde indifférence,
en un mot, de mettre en pratique le fa.
meux mot : Le silence des peuples est la
leçon des rois.
Ce programme sera suivi sans nul doute.
Peut-être la protestante Belfast tiendra-t-
elle à prouver une fois de plus qu'elle n'a
d'irlandais que sa situation géographique,
mais il est peu probable que Dublin, que
Limerick, que Cork, que le moindre vil-
lage oublie,* même en face du gracieux
sourire de la princesse Alexandra, trois
siècles de spoliations et de persécutions.
Ils n'oublieront pas leur sol envahi,
leurs consciences violentées, leurs libertés
abolies. Ils n'oublieront pas les déposses-
sions arbitraires, leurs ancêtres devenus
fermiers là où ils avaient été propriétaires,
le sol natal partagé entre un petit nombre
de landlords sans pitié pour des tenanciers
qu'ils ne voient pas une fois dans l'année.
Les petits-fils des kearts of oak, pcep G
day boys, hecirls 01 steel, affiliés aujourd'.c'
hui à la Land-league, les électeurs de Par-
nell et de Davitt ne désarmeront pas parce
qu'un cortège officiel sera venu admirer le
port de Queenstown et le paysage de Kil-
larney. On sait quel est le minimum de
leurs revendications : restitution du sol
aux Irlandais moyennant un impôt foncier
qui servirait à indemniser les propriétai-
res dépossédés, établissement d'un Parle.
ment spécial, autrement dit le self-govern-
ment. Le cabinet Gladstone avait paru
décidé à donner peu à peu satisfaction
aux nationalistes sur le premier point, sinon
sur le second. Aujourd-hui il semble re-
tourner sur ses pas; il en revient aux
vieux moyens, pendaisons, état de siège,
voyages princiers. Ce dernier expédient a
sur les autres l'avantage d'être inoffensif.
C'est d'ailleurs son unique supériorité.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
»
LES ON-DIT
Tous les jours, à l'Ecole des beaux-arts,
de 10 heures à 6 heures, exposition de
l'œuvre d'Eugène Delacroix.
Prix d'entrée : 1 franc.
m &
Nous avons annoncé le grand bal qui va
être donné prochainement à l'Hôtel de
Ville au profit des pauvres de Paris.
Nos lecteurs trouveront au bureau du
Rappel des billets pour ce bal, qui sera la
plus magnifique fête de la saison. — Prix :
20 francs.
S
» 0
Après la Légende des Siècles, complète
en un beau volume illustré, au prix de
quatre francs, la librairie Hugnes publia
Y Art d'être grand-père, qui formera sept
livraisons à 10 centimes.
Viendront ensuite les Quatre Vents de
l'Esprit, dont les deux volumes tiendront
en seize livraisons illustrées à 10 centimes.
§
Hier, dernier jour pour la réception des
ouvrages de la section de peinture desti-
nés à figurer au prochain Salon, les aborcs
du palais des Champs-Elysées présentaient
une physionomie particulièrement ani-
mée.
De neuf heures du matin à midi, on a
inscrit 394 tableux. A deux heures du soir,
les ouvrages présentés étaient au nombre
de 3,800. Et le flot montait toujours.
On estime, à vue de nez, que le nombre
des ouvrages de la section de peinture, y
compris les dessins, aquarelles, pastels,
eaux-fortes, etc., dépassera 7,000.
'60
Séance laborieuse hier à l'Académie des
beaux-arts.
On a nommé d'abord la commission
chargée d'examiner les titres des candi-
dats au fauteuil laissé vacant par la mort
de M. Du Sommerard.
Peuilleton du RAPPEL
DU 16 MARS
«
V- — —
67
LE
SANG BLEU
DEUXIÈME PARTI.
XXXII
Avant de décider le genre d'accident
qui devait arriver à Guillaumanche, La
Senevière voulut donner à celui-ci une
chance de racheter sa vie.
Que Guillaumanche lui prêtât soixante-
dix mille francs pour payer cette canaille
(Traduction interdite; reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais après la
fin de la publication en feuilleton dans le
ftappel.)
Voir le Rappel du 2 janvier au 14 mars.
de Caffié et l'accident ne se produirait
pas.
En cela, La Senevière se disait qu'il
était vraiment généreux, car à soixante-
dix mille francs une fois donnés, il sacri-
fiait cinq cent mille francs de rente que
lui assurait son mariage avec Hériberte.
C'était son excuse et sa justification
qu'il trouvait dans cet arrangement; un
autre à sa place n'eût certainement pas hé-
sité entre cette pauvre somme de soixante-
dix mille francs et ces cinq cent mille
francs de rente : Guillaumanche eût été
condamné; lui, au contraire, ne voyant
dans cette situation qu'une fatalité et
n'écoutant pas les calculs de l'intérêL,lais-
sait à Guillaumanche la liberté de décider
lui-même, se lavant à l'avance les mains
de ce qui arriverait: quoi que ce fût, Guil-
laumanche l'aurait voulu; que faire de
plus? il n'y avait qu'à attendre.
En ne retrouvant pas La Senevière au
château, Guillaumanche avait été surpris
lorsqu'il était rentré de son excursion avec
Hériberte et Nicole ; mais il n'avait rien
dit. Le lendemain, en ne voyant pas La Se-
nevière venir à l'heure habituelle, il l'avait
été plus encore.
— Est-ce qu'on a des nouvelles de M. de
la Senevière? avait-il demandé.
Personne n'avait répondu.
— Vous ne pouvez donc pas vivre sans
M. de la Senevière? avait demandé Mme
de Colbosc après quelques instants de si-
lence.
- Il me semble qu'il nous manque.
- Il est à croire que nous nous ne lui
manquons pas, avait répliqué Mme de Col-
bosc avec une ironie méprisante et en
haussant les épaules.
Guillaumanche n'avait pas répliqué,
mais deux jours après La Senevière n'ayant
pas paru, il avait voulu aller à la Vivan-
derie, le pauvre garçon avait peut-être eu
à subir quelque insolence trop forte de
Mme de Colbosc.
En arrivant, il avait trouvé la porte
fermée, et, l'ayant ouverte, il avait
aperçu La Senevière assis au coin du feu,
déjeunant avec ses chiens autour de lui :
comme toujours, la table, sans nappe,
était plus que simplement servie : un œuf
dur et un morceau de sanglier salé ; dans
un pot en faïence brune, de l'eau.
— Je craignais que vous ne fussiez ma-
lade, dit Guillaumanche en s'excusant de
le surprendre.
— Vous voyez que je ne Vais pas mal,
répondit La Senevière avec un certain em-
barras.
— Est-ce que vous avez fait une excur-
sion?
— Non.
— Nous ne vous avons pas vu.
— C'est vrai, je n'ai "pas pu; j'ai eu des
empêchements.
Cette fois, l'embarras était si Imani-
feste que Guillaumanche crut devoir pré-
ciser.
— Soyez donc franc, dit-il, et traitez-
moi en ami; ne le suis-je point?
— Certainement.
— Vous avez eu quelque contrariété
avec ma belle-mère ?
— Non, je vous assure.
— Mais alors?
L'occasion était trop belle pour que La
Senevière n'en profitât point; ce serait
vraiment trop bête ; puisque ce naïf venait
s'offrir lui-même, il faudrait être encore
plus naïf que lui pour le repousser. De
quelque façon que la chose tournât, il
importait d'avoir une raison à donner qui
expliquât son absence depuis deux jours ;
du même coup, en manœuvrant adroite-
ment, il pouvait gagner Guillaumanche,
toucher Hériberte et se faire de Mme de
Colbosc une alliée plus zélée encore.
Il réfléchit un moment sans rien faire
pour cacher son embarras, car, plus il le
montrerait, mieux il entrerait dans son
rôle.
- Pourquoi préciser, cher ami? vous
voyez dans quel embarras vous me
mettez.
— Parce qu'il n'est rien de tel qu'une
franche explication lorsqu'un nuage s'est
élevé entre deux amis.
— Mais il ne s'est pas élevé de nuage
entre nous.
— Alors, laissez là ce déjeuner à peine
commencé et venez partager le nôtre; je
vous emmène.
La Senevière prit la main de Guillau-
manche :
- Au fait, dit-il en la lui serrant à plu-
sieurs reprises, mieux vaut s'expliquer
franchement ; vous avez raison. D'ailleurs,
dans votre insistance amicale, il y a
comme une intervention providentielle
que je serais coupable de repousser.
Guillaumanche le regarda avec sur-
prise.
— Vous allez comprendre, continua La
Senevière, et vous verrez si j'ai tort de
qualifier cette intervention de providen-
tielle. Depuis votre installation ici, vous
m'avez traiié avec une sympathie, une
amitié qui m'oni vivement touché. De
même auprès de Mme Guillaumanche
aussi bien qu'auprès de Mme de Colbosc
je n'ai toujours trouvé que le plus gra-
cieux accueil. Et vous pouvez vous imagi-
ner, en vous reportant à ma solitude et à
ma détresse, —il promena autour de lui,
dans la cuisine comme sur la table, un
regard attristé - combien j'en ai été heu-
reux. Après de longs mois d'abandon,
j'avais des amis.
Cette fois, ce fut Guillaumancke qui lui
tendit la main. J
- Quand j'étais -chez vous, poursuivit
La Senevière, il me semblait que j'avais
une famille — la vôtre — et que, dans
cette maison qui a été la mienne, j'étais
toujours chez moi. Les choses étaient ainsi
lorsqu'il y a trois jours j'ai reçu une visite
qui m'a jeté dans le désespoir : on es!
venu me réclamer soixante-dix mille
francs qu'il faut que je paie, car les cir-
constances dans lesquelles cette dette a
été faite sont telles, que, si j'oppose ma
misère pour ne pas la payer, je suif
déshonoré. Mon premier mouvement a été
de faire appel à votre générosité et de
vous demander ces soixante-dix mille
francs, — en vous offrant cartaines ga;
ranties, bien entendu. Mais, en l'éfléchis
san! que cette demande pouvait vous con
trarier et par là assombrir nos relations, je
me suis in.,, ssé de ne pas aller chez vous,
de peur de me laisser entrainer par quel-
que témoignage d'amitié que vous me
do: neriez, à vous parler de cette dette el
de cet emprunt. Voilà l'explication di
mon absence. Et voilà aussi pourquoi ja
disais que votre obligeance pour me forcez
à confesser mon embarras avait quelque
chose de providentiel.
HECTOR MALOT.
(A sm'vreA
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