Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-02-21
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 février 1885 21 février 1885
Description : 1885/02/21 (N5461). 1885/02/21 (N5461).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7542409f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
N° 5461 - Samedi 21 Février 1885 -1 -1 j&e numéro: 10 c. - Départements. s IS o. 3 Ventôse an 93 - tf8 Õ461
ADMINISTRATIOlt ;
58, RUE DE VALOIS, 18 -'
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ABONNEMENTS
tARIS
Trois mois 10 »
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS i
Trois mois 13 50 *
Six moi s 22 M :
——
Adresser lettres et mandate :.;;t
, JIM. ERNEST LEFEVRE'
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JSDMHJISTRATETJRCtEKAMÏ j .- ?
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j REDACTION
, S'adresser au Secrétaire de la Réetactioa
De à 6 heures du soir
18, RUE JDE VAIOIS, lt
: les manuscrits noninséres ne seronfpas renluâ
i ANNONCES
l D. Ch.. IAGRANGE, CERF et G®
6. place de la Brouse,6
LA MÉTHODE DU SOLEIL
L'évêque de Châlons est allé à Rome.
Il a baisé la mule du pape. On n'a pas
baisé la mule du pape pour ne pas s'en
faire gloire. L'évêque de Châlons a
naturellement éprouvé le besoin de
crier cette grande nouvelle urbi et orbi.
Il lui a consacré un mandement, dans
lequel il a, par-dessus le marché, re-
produit tout au long une conversation
qu'il a eue avec le saint-père. Voici le
passage le plus intéressant de cette
conversation :
Il s'agit des écoles. L'évêque vient
de raconter au pape que le diocèse do
Châlons ne manque pas d'écoles con-
gréganistes où l'on enseigne aux en-
fants ces vérités : que le monde a été créé
en six jours, que Jonas a passé huit
jours dans le ventre d'une baleine d'où
il est sorLi on ne dit pas par quel côté,
etc. La conversation en arrive aux éco-
les de l'Etat. Je copie :
— « Il y a plus, très saint-père, nous
tâchons de faire pénétrer la religion
dans les écoles de l'Etat. La loi tient
la religion à la porte de ces écoles :
nous tâchons de l'y faire pénétrer par
les fenêtres. Nous pensons comme un
de nos anciens capitaines, que l'on dis-
suadait d'assiéger une place forte. On
lui disait :
» — Vous n'y entrerez jamais.
» Il répondit : - Le soleil y entre-
t-il ?
» — Sans doute.
» — Eh bien, si le soleil y entre, j'y
entrerai aussi.
» Nous tâchons de suivre la méthode
du soleil.
» — Je vous comprends, dit Léon XII,
3n souriant.
» Et le pape ajouta :
t »— Persévérez! persévérez! La loi
qui refuse à la religion la place qui lui
est due dans les écoles est l'œuvre la
plus funeste de ce siècle. »
Il y a plusieurs choses à relever
dans ce bout d'entretien de deux prê-
tres,
D'abord, la modestie avec laquelle
l'évêque de Châlons s'assimile au so-
leil.
Ensuite, la manière dont le pape
prêche l'obéissance à la loi. « La loi
tient la religion à la porte de l'école,
nous l'y faisons pénétrer par la fenêtre»,
dit l'évêque. — Persévérez 1 persévé-
rez ! » répond le pape.
Et quelle est cette loi contre laquelle
le pape prêche l'escalade et l'assaut ?
Une loi violente? une loi qui arrache
les enfants à la religion, qui leur souffle
la haine du clergé , qui les insurge
contre l'Eglise ? une loi de persécution ?
Non, une loi de neutralité. Une loi
qui n'intervient pas dans la croyance
du père de famille, qui le laisse maître
absolu de donner à son enfant l'éduca-
tion religieuse qu'il préfère, qui respecte
toutes les consciences, qui refuse de
prendre parti pour une secte contre les
autres, de dire aux petits protestants
que le protestantisme est une hérésie
monstrueuse que Catherine de Médicis
et Louis XIV ont eu raison de noyer
dans le sang de leurs pères, deJ dire
aux petits juifs que leurs pères sont les
plus exécrables des assassins, les assas-
sins de Dieu.
En quoi la loi scolaire persécute-
t-elle les prêtres? Est-ce qu'elle les
empêche de baptiser, de marier et d'en-
terrer ceux qui veulent? Est-ce qu'elle
empêche les parents catholiques d'en-
voyer leurs enfants au catéchisme, à la
messe, au confessionnal, à la commu-
nion? Est-ce qu'elle ferme l'école ou le
lycée aux fils ou aux filles des familles
pratiquantes? Est-ce que les maîtres
leur sont plus sévères à ces fils et à
ces filles-là qu'aux autres ou leur don-
nent de moins bonnes places aux
compositions ? Est-il jamais arrivé
qu un professeur ait dit à un élève : —
Votre thème est excellent, mais vous
êtes allé à vêpres hier, je vous mets le
dernier ?
Le fond de la haine du pape contre
a loi scolaire est que sa religion aurait
"--
esoin de l'aide de l'Etat. Le
diocèse de Châlons — c'est l'évêque qui
parle — « est un diocèse tempéré, déli-
cat; l'impiété répugne à ses goûts; le
blasphème y est sans écho ; il recon-
naît, et non sans affection, les droits de
Dieu ; cependant, au point de vue des
pratiques du culte, l'indifférence pré-
vaut ». Et l'évêque ajoute que, même
dans ce diocèse a délicat », il y a « des
régions où les parents laissent grandir
leurs enfants sans catéchisme, sans
prière, sans sacrifice de la messe et ne
mettent pas leur autorité au service
des pasteurs ». A défaut de l'autorité
des parents, le clergé voudrait avoir à
son service l'autorité de l'Etat. Il vou-
drait que l'Etat imposât le catéchisme
et la messe aux enfants — et aux pa-
rents. C'est ainsi qu'il entend la liberté
de conscience et le droit du père de
famille.
L'Etat les entend autrement. Et le
pape a beau prêcher le mépris de la loi,
la loi existe, et le prouvera au besoin.
Et les évêques ont beau s'assimiler au
soleil, il y a entre eux et lui cette diffé-
rence que, quand le soleil entre par la
fenêtre dans une maison dont la porte
lui est fermée, il ne risque pas de s'y
casser les reins.
AUGUSTE VACQUERIE.
COULISSES DES CHAMBRES
MM. Jules Ferry et Waldeck-Rousseau
se sont rendus hier à deux heures à la
commission du scrutin de liste à la Cham-
bre pour répondre aux diverses questions
que cette commission avait résolu d'adres-
ser au gouvernement.
Le conseil des ministres s'était réuni le
matin pour arrêter le sens des déclarations
qui seraient faites à la commission. Les
questions de la commission portaient :
i. Sur la date de la discussion de la ré-
forme électorale ;
2° Sur l'insertion dans la loi d'une date
fixe pour toutes les élections générales
successives ;
3° Sur la date des élections pour le re-
nouvellement de la Chambre actuelle;
4* Sur le mode de fixation du nombre
des députés ;
5° Sur la durée légale du mandat de la
Chambre et l'éventualité d'une abrévia-
tion de ce mandat.
Le président du conseil s'est expliqué
dans une déclaration suivie sur ces divers
points, ainsi que sur plusieurs questions
secondaires qui ont été soulevées au cours
de l'entrevue. Nous allons donner l'analyse
détaillée des déclarations faites par M.
Jules Ferry.
Le président du conseil a dit d'abord
qu'il importait de résoudre le plus promp-
tement possible la question de la réforme
électorale, d'abord pour fixer le pays sur
le nouveau mode de scrutin et lui per-
mettre d'en préparer l'application, et en-
suite pour permettre d'arriver à la sup-
pression des élections partielles rendues
nécessaires par l'existence de 33 sièges
vacants à la Chambre.
Le gouvernement est donc décidé à de-
mander à la Chambre la mise à l'ordre du
jour de la proposition du scrutin de liste,
immédiatement après la loi sur les cé-
réales qui se discute actuellement à la
Chambre..
L'urgence est d'autant plus grande que
les délais légaux sont à la veille d'expirer
pour quelques-uns des sièges vacants.
C'est ainsi que pour le siège de M. Galpin,
le député de la Sarthe décédé, le gouver-
nement a dû convoquer les électeurs pour
le 15 mars prochain; mais M. Jules Ferry
a dit qu'il serait désirable que la loi fût
votée, si c'était possible, avant cette épo-
que, afin de rendre toutes les convoca-
tions inutiles.
En ce qui concerne l'inscription dans la
loi d'une date fixe pour toutes les élec-
tions générales ultérieures, le président
du conseil a déclaré que le gouvernement
y était opposé. Il trouve qu'il est impru-
dent pour la Chambre et pour le pouvoir
exécutif de s'engager aussi longtemps à
l'avance. C'est donner rendez-vous à date
fixe à toutes les agitations politiques, et,
d'autre part, il y a de sérieux inconvénients
à se lier ainsi alors qu'on ignore absolu-
ment quelles seront au jour déterminé
d'avance les conditions de la situation po-
litique. On s'interdirait la possibilité d'a-
vancer ou de reculer de trois ou quatre
mois les élections suivant les nécessités de
la situation.
En ce qui concerne le cas particulier
les élections générales à faire cette année,
M. Jules Ferry a dit qu'il ne pouvait faire
le réponse ferme et réfléchie. La question
le se pose pas actuellement, elle n'est pas
nûre.
Mais le président du conseil a cru de-
voir faire, à cette occasion, d'importantes
déclarations au sujet de la durée du man-
dat de la Chambre.
Le gouvernement, a-t-il ditestime que le
pouvoir législatif doit être permanent. En
conséquence, les élections pour la forma-
tion de la nouvelle Chambre doivent être
faites avant l'expiration du mandat de la
Chambre actuelle, de manière à ce qu'il
n'y ait aucun interrègne.
La Chambre actuelle, dans la pensée du
gouvernement, doit durer légalement jus-
qu'au 14 octobre prochain, la Chambre de
1877 ayant été élue à cette date, et celle
de 1881 ayant été installée également en
octobre. ,,
Mais il n'est pas nécessaire d'attendre
jusqu'au 14 octobre pour faire les élec-
tions générales. Le vœu, comme l'esprit
de la loi, est que la nouvelle Chambre soit
constituée à cette date.
Quant à l'éventualité d'une abréviation
anticipée du mandat de la Chambre, M.
Jules Ferry a dit qu'elle ne pouvait être
effectuée que par voie de dissolution, et
il-a déclaré formellement que le gouver-
nement ne recourrait jamais à un procédé
de ce genre sans le consentement préalabb
de la Chambre elle-même.
Telles sont les déclarations des ministres
sur les points généraux que la commission
avait envisagés particulièrement.
D'autres questions ont été traitées dans
cette entrevue sur lesquelles d'intéres-
santes observations ont été échangées.
Le président du conseil a été ques-
tionné sur l'amendement Ribot tendant à
prendre le nombre des électeurs au lieu
du chiffre de la population, pour base du
nombre des députés.
M. Jules Ferry a répondu que cet amen-
dement pouvait être défendu par d'excel-
lentes raisons ; mais que le gouvernement,
par des raisons de tactique parlementaire,
ne croyait pas devoir s'engager à ce sujet
pour ne pas compliquer la réforme élec-
torale et n'en pas retarder le vote.
On a fait observer qu'il serait possible
d'atteindre le même but que les auteurs
de l'amendement par un autre système.
Il serait, en effet, possible d'exclure l'in-
fluence de l'élément étranger sur la fixa-
tion du nombre des députés, en ne pre-
nant pour base que la population fran-
çaise, les tableaux du recensement officiel
faisant la distinction entre la population
française et la population étrangère.
Le ministre de l'intérieur a fait connaî-
tre, à ce propos, que ce système aurait
pour effet de réduire de onze seulement
le nombre des députés du pays tout en-
tier. En présence d'un résultat aussi insi-
gnifiant, on n'a pas cru devoir donner
suite à cette proposition.
M. Ribot a demandé quel était l'avis du
gouvernement sur le sectionnement des
départements les plus grands, comme le
Nord, la Seine, dans le but d'éviter la no-
mination sur une liste unique d'un trop
grand nombre de députés. T"
Les ministres ont répondu que ce sec-
tionnement serait possible dans les dépar-
tements, mais qu'à Paris il oflrirait de
grands inconvénients. Le sectionnement
de la capitale en cinq ou six parties aurait
pour effet de reconstituer simplement de
grands arrondissements.
On s'est ensuite entretenu d'un amende-
ment présenté par M. Escande et tendant
à interdire toute élection partielle dans les
départements dont la représentation à la
Chambre ne serait pas réduite d'un quart.
Les ministres ont répondu qu'il était
désirable de voir introduire dans la loi
une disposition de ce genre pour éviter
que des masses considérables d'électeurs
ne soient à chaque instant mises en mou-
vement pour l'élection d'un seul député.
Ajoutons que les représentants du gou-
vernement ont laissé à entendre qu'ils
seraient favorables à une élévation de la
base de calcul du nombre des députés de
façon à réduire celui-ci un peu au-dessous
du chiffre de la commission et à le rame-
ner au chiffre actuel. Le gouvernement
désirerait voir prendre pour base un dé-
puté par 75,000 habitants, tandis que la
commission propose un député par
70,000 habitants.
Enfin, en réponse à une question de
M. Ribot, le président du conseil a déclaré
que le gouvernement déposerait prochai-
nement le budget de 1886 à la Chambre qui
pourrait ainsi le voter avant sa sépara-
tion. Toutefois ce dépôt ne sera effectué
que lorsque le Sénat aura achevé la dis-
cussion du budget de 1885, parce que le
gouvernement veut être fixé sut les dispo-
sitions de ce dernier qui doivent servir de
base à celui de 1886.
Après le départ des ministres, un court
débat s'est engagé dans le sein de la com-
mission sur la question de savoir s'il con-
venait d'inscrire dans la loi une disposi-
tion permanente fixant une date ferme
pour les élections générales.
Par cinq voix contre trois et une abs-
tention. la commission, malgré l'avis con-
traire du gouvernement, s'est prononcée
affirmativement.
Par la même majorité, elle a décidé
que cette date fixe serait le premier di-
manche d'octobre, tous les quatre ans.
Cette date serait, par suite, applicable aux
élections générales, qui doivent être faites
cette année.
M. Constans a été chargé de rédiger un
rapport supplémentaire pour soumettre
ces nouvelles décisions à la Chambre. La
commission a, en outre, décidé de deman-
der à la Chambre la mise à l'ordre du jour
de la proposition du scrutin de liste après
la discussion sur les céréales qui se pour-
suit actuellement. On verra que cette mo-
tion a été faite hier soir à la fin de la
séance et que la Chambre l'a votée.
«»
A LA CHAMBRE
Après l'ouverture de la séance, M.
Brisson, au nom de toute la Chambre et
sans distinction de partis, a prié M. le
ministre de la guerre de transmettre à
nos soldats, engagés dans l'Extrême-
Orient, l'expression de la plus entière
admiration. M. le général Lewal a re-
mercié en quelques mots, et il a annoncé
que ces félicitations, qui soutiendront
le courage de notre armée, allaient,
aujourd'hui même, lui être envoyées.
On sait que par un revirement, lieu-
reux mais inattendu, la commission
des réales; abandonnant la surtaxe,
a adopté, en le modifiant, le projet de
MM. Germain et Lebaudy. Le nouveau
rapporteur, M. Raoul Duval, qui a
beaucoup contribué à la déroute des
affameurs, est venu exposer les réso-
lutions nouvelles de la commission,
consistant, essentiellement, dans le
dégrèvement total de l'impôt foncier et.
dans la taxe de l'alcool à raison de
250 fr. l'hectolitre.
Un débat préliminaire s'est engagé
à ce sujet, et plusieurs membres ont
soutenu que la commission ne pouvait
présenter sa nouvelle rédaction sans
l'avoir soumise à la commission du bud-
get. On a fini par reconnaître que la
discussion devait s'engager sur ce nou-
veau texte, mais que les amendements
s'en écartant le plus, à commencer par
l'ancien projet de la commission, de-
vaient avoir la priorité. On a donc en-
tendu d'abord ceux qui, non contents
d'un droit de trois francs sur le blé, en
auraient voulu un de cinq. Ils ont parlé,
bien entendu, au milieu de l'inatten-
tion générale et M. Méline a bien voulu
ne pas appuyer leurs prétentions. Tou-
tefois, à la manière dont il les a com-
battues, il est facile de voir qu'il est de
leur avis. Un membre ayant demandé
à répondre au ministre, la discussion
a été renvoyée à samedi.
On s'en allait déjà quand M. Spuller,
président de la commission du scrutin
de liste, a demandé la mise à l'ordre du
jour de cette question capitale après la
discussion pendante sur les céréales.
Une première épreuve par assis et levé
ayant paru douteuse, on a été au scru-
tin et, après pointage, par 239 voix
contre 216, la Chambre a décidé que la
question serait en effet mise à l'ordre
du jour.
A la sortie, beaucoup de députés se
plaignaient d'avoir été surpris par cette
proposition. On peut leur répondre
d'abord que la Chambre est toujours
maîtresse de son ordre du jour et qu'un
tel vote, par conséquent, n'a que la
signification qu'on lui veut bien donner.
D'autre part, il semble que tout le
monde ait intérêt à savoir, dès à pré-
sent, sans parler du mode de scrutin,
si la Chambre doit aller jusqu'en oc-
tobre ou seulement jusqu'en juillet.
Dans ce cas les élections partielles
pourraient ne pas avoir lieu; dans l'au-
tre les supprimer serait bien difficile,
pour ne pas dire bien audacieux.
A. GAULIER. '1"
———ww—miww
Le président du Sénat a prié M. le mi-
nistre de la marine, présent au banc du
gouvernement, de recevoir les félicitations
de l'Assemblée, pour nos marins et nos
soldats. M. Peyron a remercié, puis, au
nom de son collègue des finances, retenu
à la Chambre, il a prié le Sénat de ne
commencer la discussion du budget qu'au-
jourd'hui vendredi. Conformément à ce
désir, le Sénat s'est immédiatement
ajourné. - A. G.
M. Edouard Lockroy avait saisi M. le
président du conseil de l'affaire Encaje.
M. Lockroy, on s'en souvient, devait dé-
poser une demande d'interpellation si
cette affaire ne recevait pas une prompte
solution.
M. le président du conseil et M. le baron
des Michels, ambassadeur en Espagne, sont
intervenus aussitôt auprès du gouverne-
ment espagnol.
Après une courte négociation diploma-
tique Donato Encaje — qui devait être fu-
sillé cette semaine — a été mis en liberté
et pourra rentrer en France.
La Loi des récidivistes et les colonies
Cette loi, votée il y a deux ans par la
Chambre des députés, vient de passer au
Sénat. Il est bien entendu parmi ses par-
tisans que ses adversaires n'ont de sym-
pathie que pour les voleurs, les assassins,
les vagabonds, et ne séntent aucune pitié
pour leurs victimes ! Nous ne nous inquié-
tons pas du tout de ce jugement des impi-
toyables ; atteint et convaincu du vice
de « sensiblerie », dont d'ailleurs nous ne
nous défendons pas, nous acceptons sans
la moindre peine leur arrêt. Nous ne vou-
Ions aujourd'hui parler de cette loi d'une
rigueur outrée qu'au point de vue colo-
nial, qu'elle touche plus particulièrement.
Les colonies sont parties intégrantes du
territoire français; prolongements de la
France, comme on l'a dit, elles sont en
réalité des départements d'outremer abso-
lument égaux sous tous les rapports aux
départements de la métropole. Nulle per-
sonne sensée ne fera à leurs habitants l'in-
jure de nier qu'ils soient Français et ci-
toyens Depuis 1789, toutes les constitu-
tions républicaines, toutes, leur ont donné
des représentante dans les Chambres lé-
gislatives. Chaque jour le pouvoir central
travaille à assimiler de plus en plus leur
régime judiciaire, administratif, munici-
pal, électoral, civil et politique à celui de
la mère Datrie, et toutes les lois récentes
pouvant les intéresser contiennent un ar-
ticle additionnel portant : « La présente
loi est applicable aux colonies ».
Cependant, qu'est-il arrivé au Sénat? Sa
commission chargée d'examiner le projet
de loi sur les récidivistes avait dit dans son
premier rapport, comme la Chambre des
députés : « Les récidivistes seront relégués
sur le territoire des colonies ou possessions
françaises. » Une étude plus approfondie
de la question la conduisit à penser, après
de sérieuses délibérations, qu'il fallait
laisser au gouvernement la responsabilité
des voies et moyens à prendre pour l'appli-
cation de la loi dont il est l'auteur, rayant
en conséquence le mot colonies elle proposa
à l'unanimité de dire : « Des règlements
d'administration publique détermineront
les territoires affectés à la relégation. » A
cette disposition, MM. Issartier, Barbey,
Dusolier, Brossart et Roger proposèrent
de substituer la rédaction suivante: « La
relégation consistera dans l'internement
perpétuel sur le territoire des colonies et
possessions françaises des condamnés que
la présente loi a pour objet d'éloigner de
France.» Le ministère appuyant cet article,
il a été voté à une grande majorité compo-
sée des républicains et des réactionnaires
ensemble conjurés.
Le ministère a voulu par là rassurer les
départements métropolitains, et surtout
ceux de l'Algérie, contre la crainte qu'ils
pouvaient avoir qu'on ne les choisît
pour lieux de relgation, d'où il suit qu'il
tient à peu près ce langage : La France
est infestée de 50 ou 60,000 récidivistes,
malfaiteurs incorrigibles qui l'incommo-
dent, et elle résout, pour s'en délivrer, de
les reléguer dans ses colonies 1 Quoi qu'il
arrive, la présence de cette pourriture
des prisons sera pour elles une souillure,
un danger qui troublera leur sécurité,
mais la France ne veut pas s'en préoccu-
per; tant pis pour les habitants des colo-
nies 1
La raison, le droit, l'équité, la morale
protestent contre un tel abus de la force,
elles ne permettent pas plus de transfor-
mer les départements de la Martinique, de
la Guadeloupe, de la Réunion et de la
Guyane en dépôt d'immondices sociaux,
que les départements des Vosges, d'Ille-
et Vilaine, du Loiret et de la Gironde, qui
élisent quatre membres du cabinet.
Il a été dit à la Chambre des députés :
« Si nos colonies protestaient, leurs pro-
testations ne seraient pas fondées. Elles
doivent se rappeler toujours qu'elles doi-
vent tout à la mère-patrie, et que lorsque
la mère-patrie leur demande des sacri-
fices, elles ont pour devoir de se sou-
mettre. »
Nous répudions cette doctrine en tant
qu'elle fait aux colonies une situation ex-
ceptionnelle. Oui, certes, elles ont le devoir
de se soumettre à tous les sacrifices
qu'exige d'elles la mère-patrie parce que
françaises, mais non pas parce que colo-
nies. Ce devoir ne leur incombe pas plus
qu'à tout autre département. Qu'elles doi-
vent se résigner à la relégation, si la mère-
patrie veut la leur imposer, rien de plus
vrai, mais elles ont le droit de faire des
représentations comme l'aurait toute pro-
vince métropolitaine en pareil cas. Les ré-
cidivistes sont des hommes perdus de
vices, usés par la débauche, souillés de
tous les crimes, la France peut les évacuer
sur telle ou telle de ses colonies, si elle le
juge nécessaire, soit, mais c'est vraiment
dépasser les bornes de la raison de pré-
tendre soutenir que toute réclamation de
leurs habitants serait un oubli de leur
devoir, qu'ils n'ont pas même le droit de
se plaindre et de dire. Ces misérables que
vous allez jeter au milieu de nous seront
pour nous un fléau qui déshonorera notre
pays et en fera fuir l'approche à tous les
gens honnêtes.
Pas une colonie qui en fait ne soit expo-
sée à ce cruel destin. Veuillez remarquer,
a dit M. Verninac, rapporteur de la com-
mission (séance du 10 février), « veuillez
remarquer que nous ne précisons pas dans
quelle colonie se fera la relégation, eomme
on peut aller dans toutes, le gouvernement
sera maître de choisir celle qui lui semble-
ra réunir les meilleures conditions». Cepen-
dant, comme la Guyane est en réalité la
seule de nos colonies dont le territoire soit
assez vaste pour recevoir les 50 ou 60,000
récidivistes que la métropole veut chasser
de son sein, c'est la Guyane seule que la
loi atteindrait. Ses habitants ont énergi-
quement manifesté l'horreur que leur ins-
pire l'invasion des plus vicieux des mal-
faiteurs dont ils sont menacés, et ils la dé-
noncent comme une calamité ajoutée à
celle de la transportation dont ils souffrent
déjà. M. Schœlcher a porté à la tribune
les véhémentes protestations votées à
l'unanimité par leur conseil général.
Le ministère a décidé de n'en pas tenir
compte. Reste à savoir s'il ne se laissera
pas arrêter par l'insalubrité du climat de
leur pays. Nous sommes loin de le croire
aussi meurtrier qu'on l'a dit ; un Européen
peut y résister en observant une hygiène
très sévère, cela n'est pas douteux, mais
même à cette condition sa santé est tou-
jours très éprouvée lorsqu'il y fait un sé-
jour prolongé; il n'y saurait vivre impuné-
ment dix années de suite. Assurément,
tous n'y meurent pas, mais assurément
aussi beaucoup y laissent leurs os. C'est
là ce qu'on entend avec pleine raison lors-
qu'on affirme que l'Européen n'y peut pas
vivre, c'est là ce qui a fait dire avec non
moins de raison, lorsque les bandits du
2 décembre déportèrent les républicains à
la Guyane, qu'ils les envoyaient à la guil-
lotine sèche.
Comment donc, a-t-on objecté, s'il était
vrai que la Guyane fût si malsaine, nos
fonctionnaires, nos magistrats, nos soldats
pourraient-ils y servir? C'est ignorer ce
qui se passe à leur sujet. Malgré les soins
que l'on prend de la santé des troupes,
dès règlements toujours observés limitent
à deux ans la durée de leur séjour dans la
colonie. Quant aux magistrats et aux fonc-
tionnaires, ils n'y demeurent guère plus
de trois ou quatre ans et un système de
congés de convalescence leur permet de
venir en France renouveler leurs forces.
Or, les relégués internés à la Guyane à
perpétuité ont peu de chance, on en cone
viendra, d'obtenir des congés de conva-
lescence, on ne peut espérer non plus que
l'administration s'attache à veiller sur leur
santé comme elle veille sur celle de nos
soldats. Ajoutons qu'il n'y a, d'ailleurs,
pour eux d'autre occupation possible que
le travail de la terre et c'est précisément
ce travail auquel les Européens ne peuvent
se livrer sans courir, au bout d'un certain
temps, danger de mort. Les récidivistes
sont des criminels particulièrement haïs-
sables, mais on ne nous persuadera jamais
qu'il importe au salut de la société de
leur infliger un châtiment qui mette leur
vie en péril.
Le gouverneur actuel de la Guyane,
tout en soutenant «qu'elle est naturelle-
ment désignée pour recevoir la relégation
et qu'il est entré dans les mœurs d'affir-
mer qu'elle e*t un pays insalubre par ex-
cellence », convient que « ce n'est pas un
pays salubre par excellence; j'y ai moi-
même, dit-il, eu les fièvres à mon arrivée,
et toute ma famille y a passé; il en est de
même à peu près de tous ceux qui arri-
vent, c'est ce qu'ils appellent ici l'accli-
matement ». M. l'amiral Jauréguiberry,
ancien gouverneur de la Guyane, où il a
habité, n'admet pas que l'on en soit tou-
jours quitte pour d'anodines fièvres. « Si
vous voulez, s'est-il écrié à la tribune, si
vous voulez vous débarrasser à tout prix
des récidivistes, envoyez-les à la Guyane,
vous atteindrez le but, car au bout d'un
petit nombre d'années ils auront presque
tous été dévorés par le climat M.
En tout cas, qu'ils meurent vite ou non,
imaginez quel désordre effroyablement
abominable vont engendrer ces fournées
de quatre ou cinq mille coquins dissolus
débarquant, sans femmes, sur les rivages
de Cayenne 1 Y peut-on songer sans fré-
mir?
Maintenant il n'est pas sans intérêt de
savoir quelles seront les charges qu'impo-
sera au Trésor public l'application de la
nouvelle loi pénale. A la demande de la
commission du budget, l'administration
de la marine les a calculées pour une pé-
riode de trois années et en a fourni le
détail. Les dépenses monteront aux chif-
fres suivants :
tre année. — Pour la relégation de 5,000
individus 8.642.730
2e année. —Pour lareléga-
gation de 4.000 individus. 8.809.193
30 année. —Pour la reléga-
tion de 3.000 individus 8.944.800
Pour la relégation de 12,00D
individus. 26.396.720
Et qTiand on aura purgé la France de
ces 12,000 récidivistes au prix de 26 mil-
lions et demi, elle ne sera pas beaucoup
plus avancée, car il lui en restera 30 ou
40,000 à reléguer si elle veut aller jusqu'au
bout. Cette entreprise ne nous paraît sage,
ni moralement, ni politiquement, ni finan-
cièrement.
- V. SCUOELCllER.
.————————— ♦ .—————————
OUVERTURE DU P AULEMENT ANGLAIS
L'agence Havas nous communique les
deux dépêches suivantes :
Chambre des communes
Londres, 19 février.
'* Grande affluence dans la salle, mais peu de
monde 11,11ns les tribunes à cause des restric-
tions mises aux entrées dspiûs la tentative
d'explosion au palais de Westminster.
Sir Stafford Northcole annonce qu'il çro-
posera, si possible, dès lundi, une résolution
portait que la politique du gouvernement en
Egypte et au Soudan implique un grand sa-
crifice d'hommes et de lourdes dépenses sans
donner de résultat utile, et que l'intérêt de
l'empire britannique et du peuple égyptien
exige absolument que le cabinet prenne des
mesures décisives pour faire face à la respon-
sabilité qui lui incombe d'assurer à f Egypte,
linsi qu'aux parties du Soudan qui soot néces-
sails pour la sécurité de 1 Egypte, un gou-
vernement stable et satisfaisant.
Les narres de l'orateur sont accueillies par
Hp ïif« applaudissements sur les bancs des
conservateurs, et ar des rires sur les bancs
des radicaux.
M.J.-K. Cross, sous-secrétaire parlemen-
taire au ministère de l'Inde, annonce qu'il
demandera lundi l'autorisation d'envoyer des
troupes de l'Inde au Soudan et en Nubie.
Le marquis d'Ilarliuton, rcpmdant à tif
Stafford Northcote, dit lagénéral Baller
poursuivra sa retraite jUsqu. Gadkul et Pp ro"
bablement jusqu'à Mérawi..
M. Gladstone, répondant à sir Sta.otQ Nort.
cote, dit qu'il espère pouvoir fixer 111:
le jour de la discussion de son vote de
blâme.
- M. Gladstone fait une déclaration analogue
à celle de lord Granville. Il ajoute que sir E.
Baring a reçu l'instruction, pour le cas où le
Mahdi ferait des ouvertures, d'en faire part aq
gouvernement*
ADMINISTRATIOlt ;
58, RUE DE VALOIS, 18 -'
- i1
ABONNEMENTS
tARIS
Trois mois 10 »
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS i
Trois mois 13 50 *
Six moi s 22 M :
——
Adresser lettres et mandate :.;;t
, JIM. ERNEST LEFEVRE'
1
JSDMHJISTRATETJRCtEKAMÏ j .- ?
1" - Í
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! .8 I ";f'- - '<> i
j REDACTION
, S'adresser au Secrétaire de la Réetactioa
De à 6 heures du soir
18, RUE JDE VAIOIS, lt
: les manuscrits noninséres ne seronfpas renluâ
i ANNONCES
l D. Ch.. IAGRANGE, CERF et G®
6. place de la Brouse,6
LA MÉTHODE DU SOLEIL
L'évêque de Châlons est allé à Rome.
Il a baisé la mule du pape. On n'a pas
baisé la mule du pape pour ne pas s'en
faire gloire. L'évêque de Châlons a
naturellement éprouvé le besoin de
crier cette grande nouvelle urbi et orbi.
Il lui a consacré un mandement, dans
lequel il a, par-dessus le marché, re-
produit tout au long une conversation
qu'il a eue avec le saint-père. Voici le
passage le plus intéressant de cette
conversation :
Il s'agit des écoles. L'évêque vient
de raconter au pape que le diocèse do
Châlons ne manque pas d'écoles con-
gréganistes où l'on enseigne aux en-
fants ces vérités : que le monde a été créé
en six jours, que Jonas a passé huit
jours dans le ventre d'une baleine d'où
il est sorLi on ne dit pas par quel côté,
etc. La conversation en arrive aux éco-
les de l'Etat. Je copie :
— « Il y a plus, très saint-père, nous
tâchons de faire pénétrer la religion
dans les écoles de l'Etat. La loi tient
la religion à la porte de ces écoles :
nous tâchons de l'y faire pénétrer par
les fenêtres. Nous pensons comme un
de nos anciens capitaines, que l'on dis-
suadait d'assiéger une place forte. On
lui disait :
» — Vous n'y entrerez jamais.
» Il répondit : - Le soleil y entre-
t-il ?
» — Sans doute.
» — Eh bien, si le soleil y entre, j'y
entrerai aussi.
» Nous tâchons de suivre la méthode
du soleil.
» — Je vous comprends, dit Léon XII,
3n souriant.
» Et le pape ajouta :
t »— Persévérez! persévérez! La loi
qui refuse à la religion la place qui lui
est due dans les écoles est l'œuvre la
plus funeste de ce siècle. »
Il y a plusieurs choses à relever
dans ce bout d'entretien de deux prê-
tres,
D'abord, la modestie avec laquelle
l'évêque de Châlons s'assimile au so-
leil.
Ensuite, la manière dont le pape
prêche l'obéissance à la loi. « La loi
tient la religion à la porte de l'école,
nous l'y faisons pénétrer par la fenêtre»,
dit l'évêque. — Persévérez 1 persévé-
rez ! » répond le pape.
Et quelle est cette loi contre laquelle
le pape prêche l'escalade et l'assaut ?
Une loi violente? une loi qui arrache
les enfants à la religion, qui leur souffle
la haine du clergé , qui les insurge
contre l'Eglise ? une loi de persécution ?
Non, une loi de neutralité. Une loi
qui n'intervient pas dans la croyance
du père de famille, qui le laisse maître
absolu de donner à son enfant l'éduca-
tion religieuse qu'il préfère, qui respecte
toutes les consciences, qui refuse de
prendre parti pour une secte contre les
autres, de dire aux petits protestants
que le protestantisme est une hérésie
monstrueuse que Catherine de Médicis
et Louis XIV ont eu raison de noyer
dans le sang de leurs pères, deJ dire
aux petits juifs que leurs pères sont les
plus exécrables des assassins, les assas-
sins de Dieu.
En quoi la loi scolaire persécute-
t-elle les prêtres? Est-ce qu'elle les
empêche de baptiser, de marier et d'en-
terrer ceux qui veulent? Est-ce qu'elle
empêche les parents catholiques d'en-
voyer leurs enfants au catéchisme, à la
messe, au confessionnal, à la commu-
nion? Est-ce qu'elle ferme l'école ou le
lycée aux fils ou aux filles des familles
pratiquantes? Est-ce que les maîtres
leur sont plus sévères à ces fils et à
ces filles-là qu'aux autres ou leur don-
nent de moins bonnes places aux
compositions ? Est-il jamais arrivé
qu un professeur ait dit à un élève : —
Votre thème est excellent, mais vous
êtes allé à vêpres hier, je vous mets le
dernier ?
Le fond de la haine du pape contre
a loi scolaire est que sa religion aurait
"--
esoin de l'aide de l'Etat. Le
diocèse de Châlons — c'est l'évêque qui
parle — « est un diocèse tempéré, déli-
cat; l'impiété répugne à ses goûts; le
blasphème y est sans écho ; il recon-
naît, et non sans affection, les droits de
Dieu ; cependant, au point de vue des
pratiques du culte, l'indifférence pré-
vaut ». Et l'évêque ajoute que, même
dans ce diocèse a délicat », il y a « des
régions où les parents laissent grandir
leurs enfants sans catéchisme, sans
prière, sans sacrifice de la messe et ne
mettent pas leur autorité au service
des pasteurs ». A défaut de l'autorité
des parents, le clergé voudrait avoir à
son service l'autorité de l'Etat. Il vou-
drait que l'Etat imposât le catéchisme
et la messe aux enfants — et aux pa-
rents. C'est ainsi qu'il entend la liberté
de conscience et le droit du père de
famille.
L'Etat les entend autrement. Et le
pape a beau prêcher le mépris de la loi,
la loi existe, et le prouvera au besoin.
Et les évêques ont beau s'assimiler au
soleil, il y a entre eux et lui cette diffé-
rence que, quand le soleil entre par la
fenêtre dans une maison dont la porte
lui est fermée, il ne risque pas de s'y
casser les reins.
AUGUSTE VACQUERIE.
COULISSES DES CHAMBRES
MM. Jules Ferry et Waldeck-Rousseau
se sont rendus hier à deux heures à la
commission du scrutin de liste à la Cham-
bre pour répondre aux diverses questions
que cette commission avait résolu d'adres-
ser au gouvernement.
Le conseil des ministres s'était réuni le
matin pour arrêter le sens des déclarations
qui seraient faites à la commission. Les
questions de la commission portaient :
i. Sur la date de la discussion de la ré-
forme électorale ;
2° Sur l'insertion dans la loi d'une date
fixe pour toutes les élections générales
successives ;
3° Sur la date des élections pour le re-
nouvellement de la Chambre actuelle;
4* Sur le mode de fixation du nombre
des députés ;
5° Sur la durée légale du mandat de la
Chambre et l'éventualité d'une abrévia-
tion de ce mandat.
Le président du conseil s'est expliqué
dans une déclaration suivie sur ces divers
points, ainsi que sur plusieurs questions
secondaires qui ont été soulevées au cours
de l'entrevue. Nous allons donner l'analyse
détaillée des déclarations faites par M.
Jules Ferry.
Le président du conseil a dit d'abord
qu'il importait de résoudre le plus promp-
tement possible la question de la réforme
électorale, d'abord pour fixer le pays sur
le nouveau mode de scrutin et lui per-
mettre d'en préparer l'application, et en-
suite pour permettre d'arriver à la sup-
pression des élections partielles rendues
nécessaires par l'existence de 33 sièges
vacants à la Chambre.
Le gouvernement est donc décidé à de-
mander à la Chambre la mise à l'ordre du
jour de la proposition du scrutin de liste,
immédiatement après la loi sur les cé-
réales qui se discute actuellement à la
Chambre..
L'urgence est d'autant plus grande que
les délais légaux sont à la veille d'expirer
pour quelques-uns des sièges vacants.
C'est ainsi que pour le siège de M. Galpin,
le député de la Sarthe décédé, le gouver-
nement a dû convoquer les électeurs pour
le 15 mars prochain; mais M. Jules Ferry
a dit qu'il serait désirable que la loi fût
votée, si c'était possible, avant cette épo-
que, afin de rendre toutes les convoca-
tions inutiles.
En ce qui concerne l'inscription dans la
loi d'une date fixe pour toutes les élec-
tions générales ultérieures, le président
du conseil a déclaré que le gouvernement
y était opposé. Il trouve qu'il est impru-
dent pour la Chambre et pour le pouvoir
exécutif de s'engager aussi longtemps à
l'avance. C'est donner rendez-vous à date
fixe à toutes les agitations politiques, et,
d'autre part, il y a de sérieux inconvénients
à se lier ainsi alors qu'on ignore absolu-
ment quelles seront au jour déterminé
d'avance les conditions de la situation po-
litique. On s'interdirait la possibilité d'a-
vancer ou de reculer de trois ou quatre
mois les élections suivant les nécessités de
la situation.
En ce qui concerne le cas particulier
les élections générales à faire cette année,
M. Jules Ferry a dit qu'il ne pouvait faire
le réponse ferme et réfléchie. La question
le se pose pas actuellement, elle n'est pas
nûre.
Mais le président du conseil a cru de-
voir faire, à cette occasion, d'importantes
déclarations au sujet de la durée du man-
dat de la Chambre.
Le gouvernement, a-t-il ditestime que le
pouvoir législatif doit être permanent. En
conséquence, les élections pour la forma-
tion de la nouvelle Chambre doivent être
faites avant l'expiration du mandat de la
Chambre actuelle, de manière à ce qu'il
n'y ait aucun interrègne.
La Chambre actuelle, dans la pensée du
gouvernement, doit durer légalement jus-
qu'au 14 octobre prochain, la Chambre de
1877 ayant été élue à cette date, et celle
de 1881 ayant été installée également en
octobre. ,,
Mais il n'est pas nécessaire d'attendre
jusqu'au 14 octobre pour faire les élec-
tions générales. Le vœu, comme l'esprit
de la loi, est que la nouvelle Chambre soit
constituée à cette date.
Quant à l'éventualité d'une abréviation
anticipée du mandat de la Chambre, M.
Jules Ferry a dit qu'elle ne pouvait être
effectuée que par voie de dissolution, et
il-a déclaré formellement que le gouver-
nement ne recourrait jamais à un procédé
de ce genre sans le consentement préalabb
de la Chambre elle-même.
Telles sont les déclarations des ministres
sur les points généraux que la commission
avait envisagés particulièrement.
D'autres questions ont été traitées dans
cette entrevue sur lesquelles d'intéres-
santes observations ont été échangées.
Le président du conseil a été ques-
tionné sur l'amendement Ribot tendant à
prendre le nombre des électeurs au lieu
du chiffre de la population, pour base du
nombre des députés.
M. Jules Ferry a répondu que cet amen-
dement pouvait être défendu par d'excel-
lentes raisons ; mais que le gouvernement,
par des raisons de tactique parlementaire,
ne croyait pas devoir s'engager à ce sujet
pour ne pas compliquer la réforme élec-
torale et n'en pas retarder le vote.
On a fait observer qu'il serait possible
d'atteindre le même but que les auteurs
de l'amendement par un autre système.
Il serait, en effet, possible d'exclure l'in-
fluence de l'élément étranger sur la fixa-
tion du nombre des députés, en ne pre-
nant pour base que la population fran-
çaise, les tableaux du recensement officiel
faisant la distinction entre la population
française et la population étrangère.
Le ministre de l'intérieur a fait connaî-
tre, à ce propos, que ce système aurait
pour effet de réduire de onze seulement
le nombre des députés du pays tout en-
tier. En présence d'un résultat aussi insi-
gnifiant, on n'a pas cru devoir donner
suite à cette proposition.
M. Ribot a demandé quel était l'avis du
gouvernement sur le sectionnement des
départements les plus grands, comme le
Nord, la Seine, dans le but d'éviter la no-
mination sur une liste unique d'un trop
grand nombre de députés. T"
Les ministres ont répondu que ce sec-
tionnement serait possible dans les dépar-
tements, mais qu'à Paris il oflrirait de
grands inconvénients. Le sectionnement
de la capitale en cinq ou six parties aurait
pour effet de reconstituer simplement de
grands arrondissements.
On s'est ensuite entretenu d'un amende-
ment présenté par M. Escande et tendant
à interdire toute élection partielle dans les
départements dont la représentation à la
Chambre ne serait pas réduite d'un quart.
Les ministres ont répondu qu'il était
désirable de voir introduire dans la loi
une disposition de ce genre pour éviter
que des masses considérables d'électeurs
ne soient à chaque instant mises en mou-
vement pour l'élection d'un seul député.
Ajoutons que les représentants du gou-
vernement ont laissé à entendre qu'ils
seraient favorables à une élévation de la
base de calcul du nombre des députés de
façon à réduire celui-ci un peu au-dessous
du chiffre de la commission et à le rame-
ner au chiffre actuel. Le gouvernement
désirerait voir prendre pour base un dé-
puté par 75,000 habitants, tandis que la
commission propose un député par
70,000 habitants.
Enfin, en réponse à une question de
M. Ribot, le président du conseil a déclaré
que le gouvernement déposerait prochai-
nement le budget de 1886 à la Chambre qui
pourrait ainsi le voter avant sa sépara-
tion. Toutefois ce dépôt ne sera effectué
que lorsque le Sénat aura achevé la dis-
cussion du budget de 1885, parce que le
gouvernement veut être fixé sut les dispo-
sitions de ce dernier qui doivent servir de
base à celui de 1886.
Après le départ des ministres, un court
débat s'est engagé dans le sein de la com-
mission sur la question de savoir s'il con-
venait d'inscrire dans la loi une disposi-
tion permanente fixant une date ferme
pour les élections générales.
Par cinq voix contre trois et une abs-
tention. la commission, malgré l'avis con-
traire du gouvernement, s'est prononcée
affirmativement.
Par la même majorité, elle a décidé
que cette date fixe serait le premier di-
manche d'octobre, tous les quatre ans.
Cette date serait, par suite, applicable aux
élections générales, qui doivent être faites
cette année.
M. Constans a été chargé de rédiger un
rapport supplémentaire pour soumettre
ces nouvelles décisions à la Chambre. La
commission a, en outre, décidé de deman-
der à la Chambre la mise à l'ordre du jour
de la proposition du scrutin de liste après
la discussion sur les céréales qui se pour-
suit actuellement. On verra que cette mo-
tion a été faite hier soir à la fin de la
séance et que la Chambre l'a votée.
«»
A LA CHAMBRE
Après l'ouverture de la séance, M.
Brisson, au nom de toute la Chambre et
sans distinction de partis, a prié M. le
ministre de la guerre de transmettre à
nos soldats, engagés dans l'Extrême-
Orient, l'expression de la plus entière
admiration. M. le général Lewal a re-
mercié en quelques mots, et il a annoncé
que ces félicitations, qui soutiendront
le courage de notre armée, allaient,
aujourd'hui même, lui être envoyées.
On sait que par un revirement, lieu-
reux mais inattendu, la commission
des réales; abandonnant la surtaxe,
a adopté, en le modifiant, le projet de
MM. Germain et Lebaudy. Le nouveau
rapporteur, M. Raoul Duval, qui a
beaucoup contribué à la déroute des
affameurs, est venu exposer les réso-
lutions nouvelles de la commission,
consistant, essentiellement, dans le
dégrèvement total de l'impôt foncier et.
dans la taxe de l'alcool à raison de
250 fr. l'hectolitre.
Un débat préliminaire s'est engagé
à ce sujet, et plusieurs membres ont
soutenu que la commission ne pouvait
présenter sa nouvelle rédaction sans
l'avoir soumise à la commission du bud-
get. On a fini par reconnaître que la
discussion devait s'engager sur ce nou-
veau texte, mais que les amendements
s'en écartant le plus, à commencer par
l'ancien projet de la commission, de-
vaient avoir la priorité. On a donc en-
tendu d'abord ceux qui, non contents
d'un droit de trois francs sur le blé, en
auraient voulu un de cinq. Ils ont parlé,
bien entendu, au milieu de l'inatten-
tion générale et M. Méline a bien voulu
ne pas appuyer leurs prétentions. Tou-
tefois, à la manière dont il les a com-
battues, il est facile de voir qu'il est de
leur avis. Un membre ayant demandé
à répondre au ministre, la discussion
a été renvoyée à samedi.
On s'en allait déjà quand M. Spuller,
président de la commission du scrutin
de liste, a demandé la mise à l'ordre du
jour de cette question capitale après la
discussion pendante sur les céréales.
Une première épreuve par assis et levé
ayant paru douteuse, on a été au scru-
tin et, après pointage, par 239 voix
contre 216, la Chambre a décidé que la
question serait en effet mise à l'ordre
du jour.
A la sortie, beaucoup de députés se
plaignaient d'avoir été surpris par cette
proposition. On peut leur répondre
d'abord que la Chambre est toujours
maîtresse de son ordre du jour et qu'un
tel vote, par conséquent, n'a que la
signification qu'on lui veut bien donner.
D'autre part, il semble que tout le
monde ait intérêt à savoir, dès à pré-
sent, sans parler du mode de scrutin,
si la Chambre doit aller jusqu'en oc-
tobre ou seulement jusqu'en juillet.
Dans ce cas les élections partielles
pourraient ne pas avoir lieu; dans l'au-
tre les supprimer serait bien difficile,
pour ne pas dire bien audacieux.
A. GAULIER. '1"
———ww—miww
Le président du Sénat a prié M. le mi-
nistre de la marine, présent au banc du
gouvernement, de recevoir les félicitations
de l'Assemblée, pour nos marins et nos
soldats. M. Peyron a remercié, puis, au
nom de son collègue des finances, retenu
à la Chambre, il a prié le Sénat de ne
commencer la discussion du budget qu'au-
jourd'hui vendredi. Conformément à ce
désir, le Sénat s'est immédiatement
ajourné. - A. G.
M. Edouard Lockroy avait saisi M. le
président du conseil de l'affaire Encaje.
M. Lockroy, on s'en souvient, devait dé-
poser une demande d'interpellation si
cette affaire ne recevait pas une prompte
solution.
M. le président du conseil et M. le baron
des Michels, ambassadeur en Espagne, sont
intervenus aussitôt auprès du gouverne-
ment espagnol.
Après une courte négociation diploma-
tique Donato Encaje — qui devait être fu-
sillé cette semaine — a été mis en liberté
et pourra rentrer en France.
La Loi des récidivistes et les colonies
Cette loi, votée il y a deux ans par la
Chambre des députés, vient de passer au
Sénat. Il est bien entendu parmi ses par-
tisans que ses adversaires n'ont de sym-
pathie que pour les voleurs, les assassins,
les vagabonds, et ne séntent aucune pitié
pour leurs victimes ! Nous ne nous inquié-
tons pas du tout de ce jugement des impi-
toyables ; atteint et convaincu du vice
de « sensiblerie », dont d'ailleurs nous ne
nous défendons pas, nous acceptons sans
la moindre peine leur arrêt. Nous ne vou-
Ions aujourd'hui parler de cette loi d'une
rigueur outrée qu'au point de vue colo-
nial, qu'elle touche plus particulièrement.
Les colonies sont parties intégrantes du
territoire français; prolongements de la
France, comme on l'a dit, elles sont en
réalité des départements d'outremer abso-
lument égaux sous tous les rapports aux
départements de la métropole. Nulle per-
sonne sensée ne fera à leurs habitants l'in-
jure de nier qu'ils soient Français et ci-
toyens Depuis 1789, toutes les constitu-
tions républicaines, toutes, leur ont donné
des représentante dans les Chambres lé-
gislatives. Chaque jour le pouvoir central
travaille à assimiler de plus en plus leur
régime judiciaire, administratif, munici-
pal, électoral, civil et politique à celui de
la mère Datrie, et toutes les lois récentes
pouvant les intéresser contiennent un ar-
ticle additionnel portant : « La présente
loi est applicable aux colonies ».
Cependant, qu'est-il arrivé au Sénat? Sa
commission chargée d'examiner le projet
de loi sur les récidivistes avait dit dans son
premier rapport, comme la Chambre des
députés : « Les récidivistes seront relégués
sur le territoire des colonies ou possessions
françaises. » Une étude plus approfondie
de la question la conduisit à penser, après
de sérieuses délibérations, qu'il fallait
laisser au gouvernement la responsabilité
des voies et moyens à prendre pour l'appli-
cation de la loi dont il est l'auteur, rayant
en conséquence le mot colonies elle proposa
à l'unanimité de dire : « Des règlements
d'administration publique détermineront
les territoires affectés à la relégation. » A
cette disposition, MM. Issartier, Barbey,
Dusolier, Brossart et Roger proposèrent
de substituer la rédaction suivante: « La
relégation consistera dans l'internement
perpétuel sur le territoire des colonies et
possessions françaises des condamnés que
la présente loi a pour objet d'éloigner de
France.» Le ministère appuyant cet article,
il a été voté à une grande majorité compo-
sée des républicains et des réactionnaires
ensemble conjurés.
Le ministère a voulu par là rassurer les
départements métropolitains, et surtout
ceux de l'Algérie, contre la crainte qu'ils
pouvaient avoir qu'on ne les choisît
pour lieux de relgation, d'où il suit qu'il
tient à peu près ce langage : La France
est infestée de 50 ou 60,000 récidivistes,
malfaiteurs incorrigibles qui l'incommo-
dent, et elle résout, pour s'en délivrer, de
les reléguer dans ses colonies 1 Quoi qu'il
arrive, la présence de cette pourriture
des prisons sera pour elles une souillure,
un danger qui troublera leur sécurité,
mais la France ne veut pas s'en préoccu-
per; tant pis pour les habitants des colo-
nies 1
La raison, le droit, l'équité, la morale
protestent contre un tel abus de la force,
elles ne permettent pas plus de transfor-
mer les départements de la Martinique, de
la Guadeloupe, de la Réunion et de la
Guyane en dépôt d'immondices sociaux,
que les départements des Vosges, d'Ille-
et Vilaine, du Loiret et de la Gironde, qui
élisent quatre membres du cabinet.
Il a été dit à la Chambre des députés :
« Si nos colonies protestaient, leurs pro-
testations ne seraient pas fondées. Elles
doivent se rappeler toujours qu'elles doi-
vent tout à la mère-patrie, et que lorsque
la mère-patrie leur demande des sacri-
fices, elles ont pour devoir de se sou-
mettre. »
Nous répudions cette doctrine en tant
qu'elle fait aux colonies une situation ex-
ceptionnelle. Oui, certes, elles ont le devoir
de se soumettre à tous les sacrifices
qu'exige d'elles la mère-patrie parce que
françaises, mais non pas parce que colo-
nies. Ce devoir ne leur incombe pas plus
qu'à tout autre département. Qu'elles doi-
vent se résigner à la relégation, si la mère-
patrie veut la leur imposer, rien de plus
vrai, mais elles ont le droit de faire des
représentations comme l'aurait toute pro-
vince métropolitaine en pareil cas. Les ré-
cidivistes sont des hommes perdus de
vices, usés par la débauche, souillés de
tous les crimes, la France peut les évacuer
sur telle ou telle de ses colonies, si elle le
juge nécessaire, soit, mais c'est vraiment
dépasser les bornes de la raison de pré-
tendre soutenir que toute réclamation de
leurs habitants serait un oubli de leur
devoir, qu'ils n'ont pas même le droit de
se plaindre et de dire. Ces misérables que
vous allez jeter au milieu de nous seront
pour nous un fléau qui déshonorera notre
pays et en fera fuir l'approche à tous les
gens honnêtes.
Pas une colonie qui en fait ne soit expo-
sée à ce cruel destin. Veuillez remarquer,
a dit M. Verninac, rapporteur de la com-
mission (séance du 10 février), « veuillez
remarquer que nous ne précisons pas dans
quelle colonie se fera la relégation, eomme
on peut aller dans toutes, le gouvernement
sera maître de choisir celle qui lui semble-
ra réunir les meilleures conditions». Cepen-
dant, comme la Guyane est en réalité la
seule de nos colonies dont le territoire soit
assez vaste pour recevoir les 50 ou 60,000
récidivistes que la métropole veut chasser
de son sein, c'est la Guyane seule que la
loi atteindrait. Ses habitants ont énergi-
quement manifesté l'horreur que leur ins-
pire l'invasion des plus vicieux des mal-
faiteurs dont ils sont menacés, et ils la dé-
noncent comme une calamité ajoutée à
celle de la transportation dont ils souffrent
déjà. M. Schœlcher a porté à la tribune
les véhémentes protestations votées à
l'unanimité par leur conseil général.
Le ministère a décidé de n'en pas tenir
compte. Reste à savoir s'il ne se laissera
pas arrêter par l'insalubrité du climat de
leur pays. Nous sommes loin de le croire
aussi meurtrier qu'on l'a dit ; un Européen
peut y résister en observant une hygiène
très sévère, cela n'est pas douteux, mais
même à cette condition sa santé est tou-
jours très éprouvée lorsqu'il y fait un sé-
jour prolongé; il n'y saurait vivre impuné-
ment dix années de suite. Assurément,
tous n'y meurent pas, mais assurément
aussi beaucoup y laissent leurs os. C'est
là ce qu'on entend avec pleine raison lors-
qu'on affirme que l'Européen n'y peut pas
vivre, c'est là ce qui a fait dire avec non
moins de raison, lorsque les bandits du
2 décembre déportèrent les républicains à
la Guyane, qu'ils les envoyaient à la guil-
lotine sèche.
Comment donc, a-t-on objecté, s'il était
vrai que la Guyane fût si malsaine, nos
fonctionnaires, nos magistrats, nos soldats
pourraient-ils y servir? C'est ignorer ce
qui se passe à leur sujet. Malgré les soins
que l'on prend de la santé des troupes,
dès règlements toujours observés limitent
à deux ans la durée de leur séjour dans la
colonie. Quant aux magistrats et aux fonc-
tionnaires, ils n'y demeurent guère plus
de trois ou quatre ans et un système de
congés de convalescence leur permet de
venir en France renouveler leurs forces.
Or, les relégués internés à la Guyane à
perpétuité ont peu de chance, on en cone
viendra, d'obtenir des congés de conva-
lescence, on ne peut espérer non plus que
l'administration s'attache à veiller sur leur
santé comme elle veille sur celle de nos
soldats. Ajoutons qu'il n'y a, d'ailleurs,
pour eux d'autre occupation possible que
le travail de la terre et c'est précisément
ce travail auquel les Européens ne peuvent
se livrer sans courir, au bout d'un certain
temps, danger de mort. Les récidivistes
sont des criminels particulièrement haïs-
sables, mais on ne nous persuadera jamais
qu'il importe au salut de la société de
leur infliger un châtiment qui mette leur
vie en péril.
Le gouverneur actuel de la Guyane,
tout en soutenant «qu'elle est naturelle-
ment désignée pour recevoir la relégation
et qu'il est entré dans les mœurs d'affir-
mer qu'elle e*t un pays insalubre par ex-
cellence », convient que « ce n'est pas un
pays salubre par excellence; j'y ai moi-
même, dit-il, eu les fièvres à mon arrivée,
et toute ma famille y a passé; il en est de
même à peu près de tous ceux qui arri-
vent, c'est ce qu'ils appellent ici l'accli-
matement ». M. l'amiral Jauréguiberry,
ancien gouverneur de la Guyane, où il a
habité, n'admet pas que l'on en soit tou-
jours quitte pour d'anodines fièvres. « Si
vous voulez, s'est-il écrié à la tribune, si
vous voulez vous débarrasser à tout prix
des récidivistes, envoyez-les à la Guyane,
vous atteindrez le but, car au bout d'un
petit nombre d'années ils auront presque
tous été dévorés par le climat M.
En tout cas, qu'ils meurent vite ou non,
imaginez quel désordre effroyablement
abominable vont engendrer ces fournées
de quatre ou cinq mille coquins dissolus
débarquant, sans femmes, sur les rivages
de Cayenne 1 Y peut-on songer sans fré-
mir?
Maintenant il n'est pas sans intérêt de
savoir quelles seront les charges qu'impo-
sera au Trésor public l'application de la
nouvelle loi pénale. A la demande de la
commission du budget, l'administration
de la marine les a calculées pour une pé-
riode de trois années et en a fourni le
détail. Les dépenses monteront aux chif-
fres suivants :
tre année. — Pour la relégation de 5,000
individus 8.642.730
2e année. —Pour lareléga-
gation de 4.000 individus. 8.809.193
30 année. —Pour la reléga-
tion de 3.000 individus 8.944.800
Pour la relégation de 12,00D
individus. 26.396.720
Et qTiand on aura purgé la France de
ces 12,000 récidivistes au prix de 26 mil-
lions et demi, elle ne sera pas beaucoup
plus avancée, car il lui en restera 30 ou
40,000 à reléguer si elle veut aller jusqu'au
bout. Cette entreprise ne nous paraît sage,
ni moralement, ni politiquement, ni finan-
cièrement.
- V. SCUOELCllER.
.————————— ♦ .—————————
OUVERTURE DU P AULEMENT ANGLAIS
L'agence Havas nous communique les
deux dépêches suivantes :
Chambre des communes
Londres, 19 février.
'* Grande affluence dans la salle, mais peu de
monde 11,11ns les tribunes à cause des restric-
tions mises aux entrées dspiûs la tentative
d'explosion au palais de Westminster.
Sir Stafford Northcole annonce qu'il çro-
posera, si possible, dès lundi, une résolution
portait que la politique du gouvernement en
Egypte et au Soudan implique un grand sa-
crifice d'hommes et de lourdes dépenses sans
donner de résultat utile, et que l'intérêt de
l'empire britannique et du peuple égyptien
exige absolument que le cabinet prenne des
mesures décisives pour faire face à la respon-
sabilité qui lui incombe d'assurer à f Egypte,
linsi qu'aux parties du Soudan qui soot néces-
sails pour la sécurité de 1 Egypte, un gou-
vernement stable et satisfaisant.
Les narres de l'orateur sont accueillies par
Hp ïif« applaudissements sur les bancs des
conservateurs, et ar des rires sur les bancs
des radicaux.
M.J.-K. Cross, sous-secrétaire parlemen-
taire au ministère de l'Inde, annonce qu'il
demandera lundi l'autorisation d'envoyer des
troupes de l'Inde au Soudan et en Nubie.
Le marquis d'Ilarliuton, rcpmdant à tif
Stafford Northcote, dit lagénéral Baller
poursuivra sa retraite jUsqu. Gadkul et Pp ro"
bablement jusqu'à Mérawi..
M. Gladstone, répondant à sir Sta.otQ Nort.
cote, dit qu'il espère pouvoir fixer 111:
le jour de la discussion de son vote de
blâme.
- M. Gladstone fait une déclaration analogue
à celle de lord Granville. Il ajoute que sir E.
Baring a reçu l'instruction, pour le cas où le
Mahdi ferait des ouvertures, d'en faire part aq
gouvernement*
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