Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-02-20
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 février 1885 20 février 1885
Description : 1885/02/20 (N5460). 1885/02/20 (N5460).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75424081
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
K# 6460 •- Vendredi 20 Février i885 le numéro * lOo. - - Itépapfemenfe : 15; e. 2 Yentôse an 93 — N8 5460
ADMINISTRATION*
f8, HUE DE VALOIS, 43
ABONNEMENTS
"PARIS
Sfiroîs mois 40 »
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS1
Trois mois 33 50
Sixmojs 27 a
.Adresser lettres et manilals
A M. ERNEST LEFÈVRS
iADiUMSTRATEURGÉnANÏ
- -"
..! il ¿,'
, .1 '- "'-
REDACTION
Stresser au Secrétaire 3e la Rédaction,
De 4 à 6 heures du sofa
48, HUE DE VALOIS, 13
-
tes manuscrits non insères ne seronf pasren&na
ANNONCES
, Jm. Ch. IAGRANGE, CERF et ce
6,j>3ace de la Bourse, 6
LE CARÊME
« Défense aux bouchers de vendre ou
d'étaler de la viande en temps de ca-
rême, sous peine de la vie. » Sous
peine de la vie, rien que cela ! Et de
qui est ce doux édit ? Mais
Du seul roi dont le peuple ait gardé Ja mémoire,
du roi facile et tolérant qui trouvait que
Paris valait bien une messe. Il y avait
quarante jours par an où Henri IV ne
désirait pas que tout paysan mît la
poule au pot.
Un siècle après, un jour du carême
de 1710, près de l'enclos du Temple,
les agents du fisc voulaient voir ce
qu'une femme portait dans son tablier.
La femme résistait, la foule s'attrou-
pait. Un carrosse qui passait s'arrêta ;
an laquais en descendit.
— Que faites-vous à cette femme?
— Elle porte un gigot !
— Elle est blanchisseuse du prince
â'Harcourt.
Les agents du fisc lâchèrent la femme
et firent des excuses. Mais le prince
d'Harcourt, qui était dans la voiture,
trouva la réparation insuffisante et,
sautant à terre, à grands coups de plat
d'épée, chassa les agents.
Et il n'y eut pas de procès-verbal?
Si fait, il y en eut un, où l'exempt qui
commandait les agents présenta sa dé-
fense et se déclara incapable de man-
quer jamais à une seule de « toutes les
honnêtetés dues aux personnages de ce
rang M.
Comme toutes les lois monarchiques,
la loi du carême était tendre aux grands
et dure aux petits. Les pauvres gens
qui auraient mangé une patte de poulet
sous le roi de la poule au pot seraient
allés la digérer sous terre, mais les
princes et leurs blanchisseuses pou-
vaient s'empiffrer de gigots.
C'est ce qui prouve que le carême
n'est pas, comme ont essayé de le faire
croire ses apologistes, un acte d'hy-
giène. Car, comme le fait très juste-
ment remarquer notre confrère du Petit
Parisien Jean Frollo, si le jeûne et le
maigre imposés par l'Eglise à ses
croyants étaient des prescriptions pro-
tectrices de la santé publique et avaient
pour but, sinon unique, au moins prin-
cipal, d'interrompre, au lendemain du
carnaval et à la veille du printemps,
l'usage trop échauffant de la viande, le
commandement de faire maigre et de
jeûner aurait été surtout pour les
grands et pour les riches, auxquels il
pouvait être utile de modérer pendant
quelques semaines les excès de table,
et on aurait dû laisser tranquilles les
pauvres gens, qui ne sont guère ex-
posés à périr de trop de dindes truffées.
Quand, sons Louis XIV, le duc de
Saint-Simon écrivait : « On vit en Nor-
mandie de l'herbe des champs ; le pre-
mier roi de l'Europe ne peut être un
grand roi s'il ne l'est que de gueux de
toutes conditions et si son royaume
tourne en un vaste hôpital de mourants
et de désespérés », je ne vois pas quel
^soin-iï^ y avait d'une loi qui venait
dire à ces gueux, de la part du roi et de
la part des papes : - Ne vous nourris-
sez pas de côtelettes, ou bien vous aurez
la prison dans ce monde et l'enfer. dans
l'autre !
Quand, en 1775, des paysans affamés
ayant envahi Dijon et pillant un bour-
geois suspect d'accaparement de blé,
un intendant de Bourgogne vint aux
émeutiers et, pour les calmer, leur dit
que l'herbe commençait à pousser, il
aurait peut-être dépassé les limites de
l'ironie permise en ajoutant : — Sur-
tout, n'oubliez pas que nous sommes
en carême et n'allez pas vous gorger de
roastbeaf!
Hélas ! trop souvent, dans le bon
vieux temps, l'Etat et l'Eglise ont pris
une peine inutile en interdisant pendant
quarante jours la viande à des gens qui
n'en mangeaient pas une bouchée dans
l'année.
Le bon vieux temps a disparu, et l'on
ne voit plus de populations entières,
comme les paysans du Blaisois sous
Louis-le-Bien-Aimé, vivre de limaces
et de chardons crus, n'ayant pas même
de feu pour les faire cuire. Quelques
personnes, si on les laissait faire, nous
ramèneraient à ce temps bienheureux.
ne fût-ce qu'en surélevant les droits
d'importation. Mais la France a pris la
déplorable habitude de manger, et nous
plaindrions ceux qui lui arracheraien t
de la bouche le pain et la viande.
Aujourd'hui les bouchers peuvent
vendre du bœuf, du mouton et du porc
sans être pendus, et ceux qui ont de
quoi en acheter peuvent mettre un
gigot à la broche sans être menacés
d'autre chose que d'être mis eux-mêmes
à la broche du diable. Tout le monde
a le droit de manger de la viande.
Travaillons à ce que bientôt tout le
monde en ait le moyen.
AUGUSTE VACQURIE.
tmnm i m ■■<■■■ ■ M ■■ ni .«n
L'agence Havas nous communiquait di-
manche soir la dépêche suivante :
Shanghaï, i5 février, 4 h. 25 soir.
Le bruit court qu'un combat a eu lieu entre
les navires français et les navires chinois près
de Sheipoo.
Le résultat est encore inconnu.
L'agence ajoutait que la dernière partie
de cette dépêche était assez obscure. D'a-
près sa traduction, disait elle, le bruit
serait également répandu à Shanghaï que
deux bateaux chinois manqueraient et
que trois autres se seraient réfugiés à
Chiuhaë.
La même agence nous communique au-
jourd'hui le télégramme qui suit :
Shanghaï, 18 février, 10 h. 55 matin.
On confirme ici la nouvelle que deux na-
vires chinois ont été coulés par nos torpil-
leurs et que trois autres, s'étant échappés à
la faveur de la brume, se sont, réfugiés à
Chinhaë.
Le gouvernement a rpçu hier matin
deux dépêches, l'une de M. Patenôtre et
l'autre de l'amiral Courbet, visant un télé-
gramme de l'amiral en date du 15, qui
n'est pas parvenu à Paris. Ce télégramme
se rapportait à une opération qui a été
dirigée par nos marins contre les croi-
seurs chinois et qui, conformément aux
dépêches de Shanghaï du 15 et du 18 re-
çues par l'agence Havas, a été couronnée
d'un succès complet.
A la réception de ces deux dépêches, le
ministre de la marine a télégraphié au
commandant en chef de notre escadre
dans les mers de la Chine pour le prier de
répéter son télégramme du 15, qui contient
tous les détails relatifs à ce brillant fait
d'armes. ,. >..,
M. Patenôtre confirme qu'il est tou-
jours à Shanghaï, mais qu'il a amené son
pavillon.
Les intérêts français ont été confiés au
représentant de la Russie. Le pavillon russe
flotte sur notre concession.
Le ministre des affaires étrangères a
laissé à M. Patenôtre le soin d'apprécier
s'il devait rester à Shanghai ou s'embar-
quer sur l'un des bâtiments des puissances
neutres qui se trouvent dans ce port.
Dernière heure
Voici le texte du télégramme de l'ami-
ral Courbet, en date du 15 février, qui
était attendu par le gouvernement et qui
lui est parvenu dans la soirée :
Sheipoo, 15 février.
La frégate Yuquee i (26 canons et 600 hom-
mes) et la corvette Tcheng-Kinfl (7 canons et
no hommes) ont été coulées par les deux ca-
nots porte-torpilles du Bayard, sous le com-
mandement de MM. Gourdon, capitaine de
frégate, et Duboc, lieutenant d4 vaisseau.
———————— n.
A L'ŒUVRE!
Ce qui ressort le plus clairement de
la polémique engagée sur la date des
élections, c'est que le ministère vou-
drait bien pouvoir la fixer à son gré.
Dans les pays monarchiques, on con-
cède au cabinet le droit dé choisir
ainsi son heure pour se faire juger et,
en quelque sorte, le droit de surprendre
ses adversaires. Bien que sous un gou-
vernement républicain, une politique
semblable soit inadmissible , tout le
monde sait qu'en 1881 la Chambre ac-
tuelle est sortie d'une surprise de ce
genre et il paraît évident que M. Jules
Ferry se servirait volontiers d'un tour
qui lui a déjà réussi.
Par cette raison même les députés
sont en défiance et, comme il s'agit ici
de leurs intérêts électoraux, comme il
s'agit de leurs petites affaires person-
nelles, ils semblent devoir exiger de
M. le président du conseil des garanties
plus sûres et plus sérieuses que dans la
question du Tonkin, par exemple, où,
1 intérêt public étant seul en jeu, ils se
sont contentés des promesses verbales
de M. Ferry. Nous espérons que cette
conduite n'échappera pas à l'attention
du pays, et que, profitant de cette leçon
d'égoïsme donnée par ses représen-
tants, il pensera à ses affaires, à ses
intérêts, avant de penser à ces mes-
sieurs.
Mais, que les élections aient lieu à la
fin de l'été ou au milieu de l'automne,
qu'elles se fassent par un système ou
par un autre, une chose est absolument
certaine : elles sont proches et, par
conséquent, il faut s'y préparer dès à
présent. Il ne nous semble pas qu'on
s'en préoccupe assez, au moins au
point de vue des intérêts généraux de
la République, le seul dont nous pre-
nions souci. Et cependant, étant donné
le régime constitutionnel en vigueur, le
régime des mandats à long terme, c'est
pour quatre années que la future Cham-
bre aura la direction à peu près com-
plète des affaires publiques. Que ne
peut-on pas craindre ou espérer de sa
composition et comment, des mainte-
nant, ne ferait-on pas les plus grands
efforts pour qu'un vote de cette im-
portance soit rendu en parfaite con-
naissance de cause ; pour que les
pièces les plus essentielles du procès
soient remises quelque temps à l'avance
sous les yeux de ceux qui doivent le
trancher? Les préoccupations de la vie
courante ne permettent pas à tous les
citoyens de suivre avec une attention
toujours tendue, pendant une période
de quatre ans, la marche des événe-
ments et de garder le souvenir exact de
toutes les responsabilités. Il semble
donc que ce soit la tâche naturelle des
hommes politiques, dans les derniers
mois d'une législature, de bien mettre
en lumière les actes qui leur paraissent
mériter soit un blâme, soit une appro-
bation, afin que, sans s'inquiéter des
personnes, le pays puisse indiquer clai-
rement et nettement où il veut aller.
C'est à cette seule condition que les
élections seront autre chose qu'une co-
médie dont le dénouement restera entre
les mains du hasard.
Nous comprenons donc parfaitement
que les ministériels entreprennent la
justification de leurs votes. Que la ten-
tative soit ou non difficile, elle est de
droit. Nous comprenons que ceux qui,
sans demander d'explications, ont ac-
cordé des votes de confiance pour le
Tonkin, nous comprenons que ceux
qui ont compromis à la fois notre flotte,
notre armée et nos finances et qui ne
trouvent d'autre remède à la situation
que le renchérissement du pain et de la
viande, s'efforcent de persuader aux
électeurs qu'ils ont été admirablement
inspirés. Nous comprenons encore qu'ils
se félicitent de n'avoir opéré aucune ré-
forme appréciable et d'avoir fait une
revision uniquement au profit du Sénat.
C'est une politique, c'est un point de
vue particulier que les électeurs auront
à apprécier. Seulement, ils ne le pour-
ront qu'à une seule condition : il faut
que la question soit franchement po-
sée. Il faut que les ministériels se ré-
clament de leur politique seule et non
d'une autre; il faut qu'ils demandent
franchement au suffrage universel s'il
est avec eux pour la politique d'aven-
tures au dehors, et au dedans pour la
politique de piétinement sur place.
A divers signes, et pour bien des
causes, on peut déjà prévoir que les
membres de la majorité ne désirent nul-
lement interroger le pays avec cette
sincérité. Leur drapeau, ils le savent
très bien, ne serait pour eux qu'une
assez fâcheuse enseigne. Aussi leur
préoccupation la plus vive est-elle de le
déguiser du mieux qu'ils peuvent. Dès
lors, à peine de se donner devant la
France entière le plus ridicule démenti,
l'opposition doit, par son organisation,
par un redoublement d'activité et d'éner-
gie mettre partout la vérité à la place
de l'équivoque et faire la lumière où
d'autres s'efforcent d'accumuler l'obs-
curité.
Si ceux qui ont trahi le suffrage uni-
versel pour le suffrage restreint, si
ceux qui nous ont amenés, comme le
disait l'autre jour M. Ernest Lefevre,
à ( n'avoir d'autre garantie que la bien-
veillance de M. de Bismarck étendue
sur la France comme une égide » ; si
ceux-là n'osent se vanter ni de leurs
votes ni de leurs actes, il faudra bien
que, du côté de l'opposition, on se vante
d'avoir voté et agi en sens contraire !
C'est en ces termes, et plus tôt que
plus tard, que la question doit être
posée devant le suffrage universel.
C'est là-dessus qu'il faudra interroger
la raison et la conscience des électeurs.
Il n'y aura pas autre chose à débattre
devant eux, attendu que le procès des
monarchistes de toute couleur a été
jugé définitivement et sans appel. M.
Jules Ferry a raison sur ce point : le
péril monarchique n'existe plus. Mais
es électeurs auront à décider si, com-
me le pense M. le président du conseil,
le péril vient du côté des républicains
fidèles aux programmes de réformes,
fidèles à l'esprit de progrès social, ou
du côté de la majorité ministérielle qui,
volontairement ou non, retombe, cha-
que jour, dans les fautes les plus gros-
sières des régimes déchus.
A l'œuvre donc IL'opposition n'a rien
à cacher, rien regretter de ses votes,
puisque l'événement a toujours donné
raison à sa clairvoyance et à son pa-
triotisme. Que peut-elle craindre, en se
présentant, pure de tout alliage, devant
le suffrage universel? Que ne peut-elle
f espérer en faisant appel à sa prudence,
à son bon sens, à sa justice?
A. GAUUBa.
Les journaux réactionnaires feraient
bien de ne plus parler de l'élection de la
Vienne ; ils y déraisonnent à qui mieux
mieux.
A la dernière élection législative,
la Vienne a donné la majorité aux répu-
blicains A la dernière élection sénatoriale,
elle a remplacé un sénateur réactionnaire
par un sénateur réactionnaire. Qu'est-ce
que cela signifie pour les gens de sens
commun?
Pour les gens de sens commun, cela
signifie que la Vienne vote pour la réac-
tion quand c'est le suffrage par à peu
près, et qu'elle vote pour la République
quand c'est le vrai suffrage universel.
Le Français aime mieux en conclure
que la Vienne passe de la République à
la réaction. Si cette illusion le charme,
qu'il la garde — jusqu'aux prochaines
élections générales.
———————— ————..
COULISSES DES CHAMBRES
Les ministres des finances et de l'agri-
culture se sont rendus hier à la commis-
sion des tarifs de douane à la Chambre
pour s'expliquer au sujet du contre-projet
Germain et Lebaudy. Ces deux députés
assistdient également à la séance de la
commission et ont discuté contradictoire-
ment avec les ministres.
Nous rappelons que le contre-projet en
question a pour but de donner une satis-
faction aux intérêts agricoles sans recou-
rir à l'application proposée par la com-
mission et le gouvernement de droits sur
les céréales et les bestiaux. MM. Germain
et Lebaudy proposent la suppression du
principal de l'impôt foncier sur les pro-
priétés non bâties et comme compensa-
tion le doublement des droits sur l'alcool.
M. Tirard, qui a pris le premier la pa-
role, a insisté d'abord sur la légitimité du
principe de l'impôt foncier, qui a été éta-
bli, il y a un siècle, parles grandes assem-
blées de la Révolution après des débats
approfondis.
Il a ensuite indiqué trois catégories
d'objections qui s'opposaient suivant lui à
l'adoption du contre-projet.
Tout d'abord le ministre des finances a
fait observer que la suppression totale du
principal de l'impôt foncier conduirait à
des conséquences absolument injustes. Il
a indiqué qu'il y avait en France, en ce
qui concerne les propriétés non bâties,
i4 millions et demi de cotes.
Sur ce nombre, 8 millions et demi de
cotes sont inférieures à 2 fr. 50 et leur
moyenne est de 1 fr.
Il y a d'autre part, à l'autre extrémité de
l'échelle, 17,000 cotes au-dessus de
500 francs et dont la moyenne est de 1,000
francs.
De sorte que 8 millions et demi de cotes
ne bénéficieraient que d'un dégrèvement
de 8 millions et demi de francs, tandis que
17,000 cotes bénéficieraient d'un dégrève-
ment de i7 millions. Ce serait donc sur-
tout au profit des grands propriétaires que
tournerait ce dégrèvement.
La seconde objection que fait le mi-
nistre des finances au contre-projet de
MM. Germain et Lebaudy, c'est que le
doublement de droit sur l'alcool ne vau-
dra pas au Trésor les ressources pécu-
niaires qu'on en attend. L'énorme éléva-
tion des droits sera un encouragement à
la fraude et une cause de diminution de
la consommation. De sorte que, pour
ces deux motifs, la quantité d'hectolitres
qu'on imposera sera au-dessous des pré-
visions.
La troisième objection faite par le mi-
nistre des finances est tirée de l'inéga-
lité des charges que l'impôt de l'alcool
doublé ferait peser sur les diverses parties
du territoire. Il y a, en effet, des régions
comme celles du Midi qui consomment
très peu d'alcool, à la différence de celles
du Nord qui en absorbent beaucoup. Ce
serait donc imposer exceptionnellement
une partie de la population.
En terminant, le ministre des finances
a dit que, si le contre-projet était con
traire à la prudence et à l'équité, il n'en
devait pas moins reconnaitre que l'impôt
foncier n'était pas également réparti. La
moyenne pour la France entière est de
4,60 du revenu, or, il y a des départe-
ments où la moyenne est inférieure à 3 et
d'autres où elle est supérieure à 6. Il ad-
mettrait donc, dans une certaine mesure,
que l'on degrevât les départements trop
imposés. Il a, en outre, laissé à entendre
que, quoique opposé au doublement du
droit sur l'alcool, il n'était pas opposé à
un relèvement modéré de ce droit.
Le ministre de l'agriculture qui avait
déjà présenté ses objections à la tribune
même de la Chambre, samedi dernier, a
dit que pour le surplus il s'en référait aux
déclarations de son collègue des finances.
Après le ministre, MM. Lebaudy et Ger-
main ont présenté la défense de leur con-
tre-projet. M. Lebaudy, en particulier, a
présenté des observations qui ont vive-
ment impressionné la commission. Il a
fait observer que le reproche d'inégalité
adressé par le ministre s'adressait bien
plus au droit sur les blés. En effet, ce sont
les départements pauvres qui achètent le
blé aux départements riches ; ce sont donc
eux qui supporteront la charge des droits
projetés.
En outre, même dans les départements ri-
ches, ledroitne produira d'effet sensible que
pour les gros cultivateurs et aura des con-
séquences nulles pour les petits cultiva-
teurs.
M. Germain,'d'autre part,a dit qu'en pré-
sentant son contre-projet il avait été mu
par la pensée de réaliser la promesse faite
si souvent à l'agriculture. Il estime que les
droits sur le blé sont une mesure fâcheuse
et qu'il est préférable d'augmenter la taxe
de l'alcool. Il a d'ailleurs ajouté qu'il se
ralliait d'avance à toutes les modifications
qui n'altéreraient pas le principe de son
contre-proj et.
Après avoir entendu les ministres et les
auteurs du contre-projet, la commission 1
a engagé une courte discussion à la suite
de laquelle il s'est produit un revirement
absolument inattendu.
La commission revenant sur sa décision
primitive a repoussé les droits sur les blés
qu'elle avait votés jadis et elle a accepté le
contre-projet Germain-Lebaudy modifié
de la manière suivante :
1° La commission supprime le principal
de l'impôt foncier sur les propriétés non
bâties à l'exception des terres de première
qualité (jardins, vergers, chasses, etc.),
des bois et des terrains des chemins de
fer ;
211 La commission étend à toutes les
céréales sans exception le droit de statis-
tique de 60 centimes qui est appliqué ac-
tuellement au blé. Ce droit produira
5 millions ;
3° La commission enfin surélève le droit
sur l'alcool de la quantité nécessaire pour
compenser la perte résultant du dégrève-
ment de l'impôt foncier. Toutefois les
5 millions, produit du droit de statistique,
viendront atténuer d'autant cette surélé.
vation.
On n'a pu fixer dès hier le chiffre du
nouveau droit sur l'alcool, parce qu'il faut
fixer auparavant l'étendue du dégrèvement
de l'impôt foncier d'après le nombre des
catégories auxquelles il sera applicable.
En outre, la commission se réserve au-
jourd'hui de faire en sorte que le dégrève-
ment ne s'applique pas aux grosses cotes
et qu'il profite réellement aux fermiers, et
non aux gros propriétaires.
Ces diverses décisions ont été prises par
6 voix contre 2 et 1 abstention.
M. Raoul Duval a été nommé rappor-
teur; le rapporteur primitif, M. Georges
Graux, se trouve en eifet dessaisi de son
mandat par ce changement de résolu-
tion.
On ignore encore la conduite que va
tenir le gouvernement en présence de ce
contre-projet ; mais on remarquera par
les déclarations rapportées ci-dessus que
le ministre des finances ne serait pas très
éloigné d'accepter ce système. En tout
cas, on ne tardera pas à être fixé, la ques-
tion devant revenir en discussion aujour-
d'hui même devant la Chambre.
—o—-
M. Casimir-Perier, député de l'Aube,
doit déposer aujourd'hui un contre-projet
conçu dans le même ordre d'idées que
celui de MM. Germain et Lebaudy, c'est-
Feuilleton du RAPPEL
DU 20 FÉVRIER
47
LE
SANG BLEU
DEUXIÈME 11
XVI
A force de se dire qu'il n'en serait pas
cette année comme il en avait été de
l'année précédente, La Senevière avait fini
par se le persuader ; aussi n'avait-il pas
été du tout surpris de l'empressement de
(Traduction interdite; reproduction auto-
risre pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais après la
fin de la publication en feuilleton dans le
Rappel) R,7ppel du 2 au il février.
Voir le Rnppel du 2 ianvier au Il février.
Guillaumanche qui, le jour même de son
arrivée, sans perdre une minute, accou-
rait pour l'inviter ; et était ce avec un sou-
rire de triomphe qu'il avait accueilli cette
invitation ; pour un peu il lui eût répondu :
« Je vous attendais ». Il était caractéris-
tique cet empressement et d'autant plus
que Guillaumanche ne faisait rien qu'à
l'instigation de sa femme. S'il avait mis
tant de hâte à venir, c'était certainement
parce qu'elle l'avait poussé : la scène entre
eux n'était pas difficile à reconstituer et il
la voyait comme s'il en avait été témoin.
Vraiment drôle ; oh ! ces maris.
, L'engouement de Mme de Colbosc ne
l'avait pas davantage surpris : la mère
obéissait à la même inspiration que le
mari, car il n'était pas assez fat pour s'i-
maginer que cette vieille femme si drôla-
tique, avec ses idées d'un autre âge et ses
prétentions ridicules, s'était spontanément
toquée de lui. Il savait se rendre justice
et dans cette circonstance il ne voyait pas
du tout comment et par quoi il avait pu
tout à coup affoler cette vieille momie,
qui lui avait fait grise mine lorsqu'à son
retour dans le pays il s'était une fois ou
deux rencontré avec elle. D'où Douvait ve-
nir ce changement subit, si ce n'est d'Hé-
riberte ? Décidément c'était une maîtresse
femme, cette belle statue en apparence si
calme et si froide; on pourrait prendre
d'utiles leçons à son école. Comme elle
cachait son jeu ! Se servir de ceux qui
nous entourent, les mettre en avant en se
réservant soi-même, n'est-ce pas tout l'art
de la politique? Et à la trouver ainsi, à re-
connaître en elle ces qualités, elle en de-
venait plus enviable pour lui; c'était bien
la femme qu'il lui fallait.
De même qu'il n'avait jamais admis
qu'elle pût aimer son mari, de même il
n'avait pas admis non plus qu'elle pût lui
résister, ayant pour principe que quand
on veut bien une femme, on est sûr de
réussir à un moment donné, c'est affaire
de temps et de stratégie simplement,
L'empressement do Guillaumanche et
les avances de Mme de Colbosc, en venant
confirmer ses prévisions et apporter un
fait positif à ses raisonnements, l'avaient
convaincu qu'il n'avait, qu'un signe à faire
et qu'un mot à di, aussi fut-il très sur-
pris quand il adressa un sourire significa-
tif à Fecr'Iberte, le jour même où il la revit
pour la Dremière fois. au'elle parût ne pas
le comprendre, et surtout ne pas vouloir
le comprendre, s'enfermant plus encore
que l'année précédente dans sa dignité et
sa froideur.
S'il était fat, et à vrai dire, ce n'était
pas trop sa faute, mais bien plus celle des
femmes qui l'avaient aimé, au moins
n'était-il pas sot ; il savait voir et se ren-
dre compte de ce qu'il avait vu ; or, ce
qu'il avait vu, c'est qu'elle n'était pas en-
core dans les dispositions qu'il avait ima-
ginées. C'était là un fait sur lequel le doute
n'était pas possible ; mais, comme à côté
de celui-là il y en avait un autre et même
deux autres : l'envoi du mari et l'inter-
vention de la mère, sur lesquels il n'y
avait pas non plus de doutes, au moins
pour lui, il n'avait pas éprouvé la moin-
dre inquiétude. C'était une déception, ce
n'était que cela. Il s'était trop pressé ; il
n'avait qu'à attendre.
Et les raisons pour s'expliquer la ré-
serve d'Hériberte ne lui manquaient pas :
raisons de caractère, raisons de position.
Evidemment il n'était point dans la na-
ture de cette femme réservée de se jeter
à la tête des gens ; elle savait ce qu'elle
[ valait et voulait qu'on lui montrât au'on
l'estimait à sa valeur; il le lui montre-
rait.
D'autre .part, obligée qu'elle était à une
extrême prudence, sous peine de perdre
les avantages de son mariage, il était bien
certain qu'elle garderait toujours dans sa
conduite les ménagements indispensables
aux illusions et à l'aveuglement de son
benet de mari ; elle savait compter, elle
l'avait prouvé; et le meilleur moyen, à
coup sûr, de lui plaire serait de la con-
vaincre qu'on ne la compromettrait ja-
mais ; il l'en convaincrait.
Ces deux conclusions qui, croyait-il,
reposaient sur la réalité même, avaient
réglé son attitude et ses rapports avec
elle.
Il s'était présenté en vainqueur, l'invite
sur les lèvres, le sourire du triomphe dans
les yeux, en maître qu'on attend, il se fit
discret et réservé, timide et inquiet comme
un enfant de dix-huit ans que la violence
même de son amour paralyse : « Je vous
aime, vous le voyez, vous le sentez, mais
c'est d'un amour respectueux qui ne par-
lera que si vous lui ouvrez la bouche »#
Et il avait attendu : aussi longtemps
Que Mme de Colbosc voulait rester assise
devant une table de jeu, s'acharnant à
rattraper ce qu'elle avait perdu, il lui fai-
sait vis-à-vis ; aussi longtemps qu'elle vou-
lait parler et raconter d'interminables his-
toires, il l'écoutait avec toutes les mar-
ques du plus vif intérêt et comme n'eût
pas écouté le meilleur comédien; aussi
souvent que Guillaumanche l'invitait, il
acceptait : parties de chasse, parties de
pêche, promenades en forêt, visites à des
pièces de terre, tout lui était, bon; quand
ces invitations ne venaient pas à lui,
c'était lui qui allait à elle, et sous un pré-
texte adroitement préparé les provoquait.
Le matin, le soir, dans la journée, on ne
voyait que lui, mais toujours si réservé,
en apparence si indifférent, uniquement
occupé du jeu, de la pêche, de la chasse,
qu'il était bien difficile de soupçonner ce
qui se cachait sous cette assiduité.
SWÏQ& MALOT.
fA suivre.)
ADMINISTRATION*
f8, HUE DE VALOIS, 43
ABONNEMENTS
"PARIS
Sfiroîs mois 40 »
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS1
Trois mois 33 50
Sixmojs 27 a
.Adresser lettres et manilals
A M. ERNEST LEFÈVRS
iADiUMSTRATEURGÉnANÏ
- -"
..! il ¿,'
, .1 '- "'-
REDACTION
Stresser au Secrétaire 3e la Rédaction,
De 4 à 6 heures du sofa
48, HUE DE VALOIS, 13
-
tes manuscrits non insères ne seronf pasren&na
ANNONCES
, Jm. Ch. IAGRANGE, CERF et ce
6,j>3ace de la Bourse, 6
LE CARÊME
« Défense aux bouchers de vendre ou
d'étaler de la viande en temps de ca-
rême, sous peine de la vie. » Sous
peine de la vie, rien que cela ! Et de
qui est ce doux édit ? Mais
Du seul roi dont le peuple ait gardé Ja mémoire,
du roi facile et tolérant qui trouvait que
Paris valait bien une messe. Il y avait
quarante jours par an où Henri IV ne
désirait pas que tout paysan mît la
poule au pot.
Un siècle après, un jour du carême
de 1710, près de l'enclos du Temple,
les agents du fisc voulaient voir ce
qu'une femme portait dans son tablier.
La femme résistait, la foule s'attrou-
pait. Un carrosse qui passait s'arrêta ;
an laquais en descendit.
— Que faites-vous à cette femme?
— Elle porte un gigot !
— Elle est blanchisseuse du prince
â'Harcourt.
Les agents du fisc lâchèrent la femme
et firent des excuses. Mais le prince
d'Harcourt, qui était dans la voiture,
trouva la réparation insuffisante et,
sautant à terre, à grands coups de plat
d'épée, chassa les agents.
Et il n'y eut pas de procès-verbal?
Si fait, il y en eut un, où l'exempt qui
commandait les agents présenta sa dé-
fense et se déclara incapable de man-
quer jamais à une seule de « toutes les
honnêtetés dues aux personnages de ce
rang M.
Comme toutes les lois monarchiques,
la loi du carême était tendre aux grands
et dure aux petits. Les pauvres gens
qui auraient mangé une patte de poulet
sous le roi de la poule au pot seraient
allés la digérer sous terre, mais les
princes et leurs blanchisseuses pou-
vaient s'empiffrer de gigots.
C'est ce qui prouve que le carême
n'est pas, comme ont essayé de le faire
croire ses apologistes, un acte d'hy-
giène. Car, comme le fait très juste-
ment remarquer notre confrère du Petit
Parisien Jean Frollo, si le jeûne et le
maigre imposés par l'Eglise à ses
croyants étaient des prescriptions pro-
tectrices de la santé publique et avaient
pour but, sinon unique, au moins prin-
cipal, d'interrompre, au lendemain du
carnaval et à la veille du printemps,
l'usage trop échauffant de la viande, le
commandement de faire maigre et de
jeûner aurait été surtout pour les
grands et pour les riches, auxquels il
pouvait être utile de modérer pendant
quelques semaines les excès de table,
et on aurait dû laisser tranquilles les
pauvres gens, qui ne sont guère ex-
posés à périr de trop de dindes truffées.
Quand, sons Louis XIV, le duc de
Saint-Simon écrivait : « On vit en Nor-
mandie de l'herbe des champs ; le pre-
mier roi de l'Europe ne peut être un
grand roi s'il ne l'est que de gueux de
toutes conditions et si son royaume
tourne en un vaste hôpital de mourants
et de désespérés », je ne vois pas quel
^soin-iï^ y avait d'une loi qui venait
dire à ces gueux, de la part du roi et de
la part des papes : - Ne vous nourris-
sez pas de côtelettes, ou bien vous aurez
la prison dans ce monde et l'enfer. dans
l'autre !
Quand, en 1775, des paysans affamés
ayant envahi Dijon et pillant un bour-
geois suspect d'accaparement de blé,
un intendant de Bourgogne vint aux
émeutiers et, pour les calmer, leur dit
que l'herbe commençait à pousser, il
aurait peut-être dépassé les limites de
l'ironie permise en ajoutant : — Sur-
tout, n'oubliez pas que nous sommes
en carême et n'allez pas vous gorger de
roastbeaf!
Hélas ! trop souvent, dans le bon
vieux temps, l'Etat et l'Eglise ont pris
une peine inutile en interdisant pendant
quarante jours la viande à des gens qui
n'en mangeaient pas une bouchée dans
l'année.
Le bon vieux temps a disparu, et l'on
ne voit plus de populations entières,
comme les paysans du Blaisois sous
Louis-le-Bien-Aimé, vivre de limaces
et de chardons crus, n'ayant pas même
de feu pour les faire cuire. Quelques
personnes, si on les laissait faire, nous
ramèneraient à ce temps bienheureux.
ne fût-ce qu'en surélevant les droits
d'importation. Mais la France a pris la
déplorable habitude de manger, et nous
plaindrions ceux qui lui arracheraien t
de la bouche le pain et la viande.
Aujourd'hui les bouchers peuvent
vendre du bœuf, du mouton et du porc
sans être pendus, et ceux qui ont de
quoi en acheter peuvent mettre un
gigot à la broche sans être menacés
d'autre chose que d'être mis eux-mêmes
à la broche du diable. Tout le monde
a le droit de manger de la viande.
Travaillons à ce que bientôt tout le
monde en ait le moyen.
AUGUSTE VACQURIE.
tmnm i m ■■<■■■ ■ M ■■ ni .«n
L'agence Havas nous communiquait di-
manche soir la dépêche suivante :
Shanghaï, i5 février, 4 h. 25 soir.
Le bruit court qu'un combat a eu lieu entre
les navires français et les navires chinois près
de Sheipoo.
Le résultat est encore inconnu.
L'agence ajoutait que la dernière partie
de cette dépêche était assez obscure. D'a-
près sa traduction, disait elle, le bruit
serait également répandu à Shanghaï que
deux bateaux chinois manqueraient et
que trois autres se seraient réfugiés à
Chiuhaë.
La même agence nous communique au-
jourd'hui le télégramme qui suit :
Shanghaï, 18 février, 10 h. 55 matin.
On confirme ici la nouvelle que deux na-
vires chinois ont été coulés par nos torpil-
leurs et que trois autres, s'étant échappés à
la faveur de la brume, se sont, réfugiés à
Chinhaë.
Le gouvernement a rpçu hier matin
deux dépêches, l'une de M. Patenôtre et
l'autre de l'amiral Courbet, visant un télé-
gramme de l'amiral en date du 15, qui
n'est pas parvenu à Paris. Ce télégramme
se rapportait à une opération qui a été
dirigée par nos marins contre les croi-
seurs chinois et qui, conformément aux
dépêches de Shanghaï du 15 et du 18 re-
çues par l'agence Havas, a été couronnée
d'un succès complet.
A la réception de ces deux dépêches, le
ministre de la marine a télégraphié au
commandant en chef de notre escadre
dans les mers de la Chine pour le prier de
répéter son télégramme du 15, qui contient
tous les détails relatifs à ce brillant fait
d'armes. ,. >..,
M. Patenôtre confirme qu'il est tou-
jours à Shanghaï, mais qu'il a amené son
pavillon.
Les intérêts français ont été confiés au
représentant de la Russie. Le pavillon russe
flotte sur notre concession.
Le ministre des affaires étrangères a
laissé à M. Patenôtre le soin d'apprécier
s'il devait rester à Shanghai ou s'embar-
quer sur l'un des bâtiments des puissances
neutres qui se trouvent dans ce port.
Dernière heure
Voici le texte du télégramme de l'ami-
ral Courbet, en date du 15 février, qui
était attendu par le gouvernement et qui
lui est parvenu dans la soirée :
Sheipoo, 15 février.
La frégate Yuquee i (26 canons et 600 hom-
mes) et la corvette Tcheng-Kinfl (7 canons et
no hommes) ont été coulées par les deux ca-
nots porte-torpilles du Bayard, sous le com-
mandement de MM. Gourdon, capitaine de
frégate, et Duboc, lieutenant d4 vaisseau.
———————— n.
A L'ŒUVRE!
Ce qui ressort le plus clairement de
la polémique engagée sur la date des
élections, c'est que le ministère vou-
drait bien pouvoir la fixer à son gré.
Dans les pays monarchiques, on con-
cède au cabinet le droit dé choisir
ainsi son heure pour se faire juger et,
en quelque sorte, le droit de surprendre
ses adversaires. Bien que sous un gou-
vernement républicain, une politique
semblable soit inadmissible , tout le
monde sait qu'en 1881 la Chambre ac-
tuelle est sortie d'une surprise de ce
genre et il paraît évident que M. Jules
Ferry se servirait volontiers d'un tour
qui lui a déjà réussi.
Par cette raison même les députés
sont en défiance et, comme il s'agit ici
de leurs intérêts électoraux, comme il
s'agit de leurs petites affaires person-
nelles, ils semblent devoir exiger de
M. le président du conseil des garanties
plus sûres et plus sérieuses que dans la
question du Tonkin, par exemple, où,
1 intérêt public étant seul en jeu, ils se
sont contentés des promesses verbales
de M. Ferry. Nous espérons que cette
conduite n'échappera pas à l'attention
du pays, et que, profitant de cette leçon
d'égoïsme donnée par ses représen-
tants, il pensera à ses affaires, à ses
intérêts, avant de penser à ces mes-
sieurs.
Mais, que les élections aient lieu à la
fin de l'été ou au milieu de l'automne,
qu'elles se fassent par un système ou
par un autre, une chose est absolument
certaine : elles sont proches et, par
conséquent, il faut s'y préparer dès à
présent. Il ne nous semble pas qu'on
s'en préoccupe assez, au moins au
point de vue des intérêts généraux de
la République, le seul dont nous pre-
nions souci. Et cependant, étant donné
le régime constitutionnel en vigueur, le
régime des mandats à long terme, c'est
pour quatre années que la future Cham-
bre aura la direction à peu près com-
plète des affaires publiques. Que ne
peut-on pas craindre ou espérer de sa
composition et comment, des mainte-
nant, ne ferait-on pas les plus grands
efforts pour qu'un vote de cette im-
portance soit rendu en parfaite con-
naissance de cause ; pour que les
pièces les plus essentielles du procès
soient remises quelque temps à l'avance
sous les yeux de ceux qui doivent le
trancher? Les préoccupations de la vie
courante ne permettent pas à tous les
citoyens de suivre avec une attention
toujours tendue, pendant une période
de quatre ans, la marche des événe-
ments et de garder le souvenir exact de
toutes les responsabilités. Il semble
donc que ce soit la tâche naturelle des
hommes politiques, dans les derniers
mois d'une législature, de bien mettre
en lumière les actes qui leur paraissent
mériter soit un blâme, soit une appro-
bation, afin que, sans s'inquiéter des
personnes, le pays puisse indiquer clai-
rement et nettement où il veut aller.
C'est à cette seule condition que les
élections seront autre chose qu'une co-
médie dont le dénouement restera entre
les mains du hasard.
Nous comprenons donc parfaitement
que les ministériels entreprennent la
justification de leurs votes. Que la ten-
tative soit ou non difficile, elle est de
droit. Nous comprenons que ceux qui,
sans demander d'explications, ont ac-
cordé des votes de confiance pour le
Tonkin, nous comprenons que ceux
qui ont compromis à la fois notre flotte,
notre armée et nos finances et qui ne
trouvent d'autre remède à la situation
que le renchérissement du pain et de la
viande, s'efforcent de persuader aux
électeurs qu'ils ont été admirablement
inspirés. Nous comprenons encore qu'ils
se félicitent de n'avoir opéré aucune ré-
forme appréciable et d'avoir fait une
revision uniquement au profit du Sénat.
C'est une politique, c'est un point de
vue particulier que les électeurs auront
à apprécier. Seulement, ils ne le pour-
ront qu'à une seule condition : il faut
que la question soit franchement po-
sée. Il faut que les ministériels se ré-
clament de leur politique seule et non
d'une autre; il faut qu'ils demandent
franchement au suffrage universel s'il
est avec eux pour la politique d'aven-
tures au dehors, et au dedans pour la
politique de piétinement sur place.
A divers signes, et pour bien des
causes, on peut déjà prévoir que les
membres de la majorité ne désirent nul-
lement interroger le pays avec cette
sincérité. Leur drapeau, ils le savent
très bien, ne serait pour eux qu'une
assez fâcheuse enseigne. Aussi leur
préoccupation la plus vive est-elle de le
déguiser du mieux qu'ils peuvent. Dès
lors, à peine de se donner devant la
France entière le plus ridicule démenti,
l'opposition doit, par son organisation,
par un redoublement d'activité et d'éner-
gie mettre partout la vérité à la place
de l'équivoque et faire la lumière où
d'autres s'efforcent d'accumuler l'obs-
curité.
Si ceux qui ont trahi le suffrage uni-
versel pour le suffrage restreint, si
ceux qui nous ont amenés, comme le
disait l'autre jour M. Ernest Lefevre,
à ( n'avoir d'autre garantie que la bien-
veillance de M. de Bismarck étendue
sur la France comme une égide » ; si
ceux-là n'osent se vanter ni de leurs
votes ni de leurs actes, il faudra bien
que, du côté de l'opposition, on se vante
d'avoir voté et agi en sens contraire !
C'est en ces termes, et plus tôt que
plus tard, que la question doit être
posée devant le suffrage universel.
C'est là-dessus qu'il faudra interroger
la raison et la conscience des électeurs.
Il n'y aura pas autre chose à débattre
devant eux, attendu que le procès des
monarchistes de toute couleur a été
jugé définitivement et sans appel. M.
Jules Ferry a raison sur ce point : le
péril monarchique n'existe plus. Mais
es électeurs auront à décider si, com-
me le pense M. le président du conseil,
le péril vient du côté des républicains
fidèles aux programmes de réformes,
fidèles à l'esprit de progrès social, ou
du côté de la majorité ministérielle qui,
volontairement ou non, retombe, cha-
que jour, dans les fautes les plus gros-
sières des régimes déchus.
A l'œuvre donc IL'opposition n'a rien
à cacher, rien regretter de ses votes,
puisque l'événement a toujours donné
raison à sa clairvoyance et à son pa-
triotisme. Que peut-elle craindre, en se
présentant, pure de tout alliage, devant
le suffrage universel? Que ne peut-elle
f espérer en faisant appel à sa prudence,
à son bon sens, à sa justice?
A. GAUUBa.
Les journaux réactionnaires feraient
bien de ne plus parler de l'élection de la
Vienne ; ils y déraisonnent à qui mieux
mieux.
A la dernière élection législative,
la Vienne a donné la majorité aux répu-
blicains A la dernière élection sénatoriale,
elle a remplacé un sénateur réactionnaire
par un sénateur réactionnaire. Qu'est-ce
que cela signifie pour les gens de sens
commun?
Pour les gens de sens commun, cela
signifie que la Vienne vote pour la réac-
tion quand c'est le suffrage par à peu
près, et qu'elle vote pour la République
quand c'est le vrai suffrage universel.
Le Français aime mieux en conclure
que la Vienne passe de la République à
la réaction. Si cette illusion le charme,
qu'il la garde — jusqu'aux prochaines
élections générales.
———————— ————..
COULISSES DES CHAMBRES
Les ministres des finances et de l'agri-
culture se sont rendus hier à la commis-
sion des tarifs de douane à la Chambre
pour s'expliquer au sujet du contre-projet
Germain et Lebaudy. Ces deux députés
assistdient également à la séance de la
commission et ont discuté contradictoire-
ment avec les ministres.
Nous rappelons que le contre-projet en
question a pour but de donner une satis-
faction aux intérêts agricoles sans recou-
rir à l'application proposée par la com-
mission et le gouvernement de droits sur
les céréales et les bestiaux. MM. Germain
et Lebaudy proposent la suppression du
principal de l'impôt foncier sur les pro-
priétés non bâties et comme compensa-
tion le doublement des droits sur l'alcool.
M. Tirard, qui a pris le premier la pa-
role, a insisté d'abord sur la légitimité du
principe de l'impôt foncier, qui a été éta-
bli, il y a un siècle, parles grandes assem-
blées de la Révolution après des débats
approfondis.
Il a ensuite indiqué trois catégories
d'objections qui s'opposaient suivant lui à
l'adoption du contre-projet.
Tout d'abord le ministre des finances a
fait observer que la suppression totale du
principal de l'impôt foncier conduirait à
des conséquences absolument injustes. Il
a indiqué qu'il y avait en France, en ce
qui concerne les propriétés non bâties,
i4 millions et demi de cotes.
Sur ce nombre, 8 millions et demi de
cotes sont inférieures à 2 fr. 50 et leur
moyenne est de 1 fr.
Il y a d'autre part, à l'autre extrémité de
l'échelle, 17,000 cotes au-dessus de
500 francs et dont la moyenne est de 1,000
francs.
De sorte que 8 millions et demi de cotes
ne bénéficieraient que d'un dégrèvement
de 8 millions et demi de francs, tandis que
17,000 cotes bénéficieraient d'un dégrève-
ment de i7 millions. Ce serait donc sur-
tout au profit des grands propriétaires que
tournerait ce dégrèvement.
La seconde objection que fait le mi-
nistre des finances au contre-projet de
MM. Germain et Lebaudy, c'est que le
doublement de droit sur l'alcool ne vau-
dra pas au Trésor les ressources pécu-
niaires qu'on en attend. L'énorme éléva-
tion des droits sera un encouragement à
la fraude et une cause de diminution de
la consommation. De sorte que, pour
ces deux motifs, la quantité d'hectolitres
qu'on imposera sera au-dessous des pré-
visions.
La troisième objection faite par le mi-
nistre des finances est tirée de l'inéga-
lité des charges que l'impôt de l'alcool
doublé ferait peser sur les diverses parties
du territoire. Il y a, en effet, des régions
comme celles du Midi qui consomment
très peu d'alcool, à la différence de celles
du Nord qui en absorbent beaucoup. Ce
serait donc imposer exceptionnellement
une partie de la population.
En terminant, le ministre des finances
a dit que, si le contre-projet était con
traire à la prudence et à l'équité, il n'en
devait pas moins reconnaitre que l'impôt
foncier n'était pas également réparti. La
moyenne pour la France entière est de
4,60 du revenu, or, il y a des départe-
ments où la moyenne est inférieure à 3 et
d'autres où elle est supérieure à 6. Il ad-
mettrait donc, dans une certaine mesure,
que l'on degrevât les départements trop
imposés. Il a, en outre, laissé à entendre
que, quoique opposé au doublement du
droit sur l'alcool, il n'était pas opposé à
un relèvement modéré de ce droit.
Le ministre de l'agriculture qui avait
déjà présenté ses objections à la tribune
même de la Chambre, samedi dernier, a
dit que pour le surplus il s'en référait aux
déclarations de son collègue des finances.
Après le ministre, MM. Lebaudy et Ger-
main ont présenté la défense de leur con-
tre-projet. M. Lebaudy, en particulier, a
présenté des observations qui ont vive-
ment impressionné la commission. Il a
fait observer que le reproche d'inégalité
adressé par le ministre s'adressait bien
plus au droit sur les blés. En effet, ce sont
les départements pauvres qui achètent le
blé aux départements riches ; ce sont donc
eux qui supporteront la charge des droits
projetés.
En outre, même dans les départements ri-
ches, ledroitne produira d'effet sensible que
pour les gros cultivateurs et aura des con-
séquences nulles pour les petits cultiva-
teurs.
M. Germain,'d'autre part,a dit qu'en pré-
sentant son contre-projet il avait été mu
par la pensée de réaliser la promesse faite
si souvent à l'agriculture. Il estime que les
droits sur le blé sont une mesure fâcheuse
et qu'il est préférable d'augmenter la taxe
de l'alcool. Il a d'ailleurs ajouté qu'il se
ralliait d'avance à toutes les modifications
qui n'altéreraient pas le principe de son
contre-proj et.
Après avoir entendu les ministres et les
auteurs du contre-projet, la commission 1
a engagé une courte discussion à la suite
de laquelle il s'est produit un revirement
absolument inattendu.
La commission revenant sur sa décision
primitive a repoussé les droits sur les blés
qu'elle avait votés jadis et elle a accepté le
contre-projet Germain-Lebaudy modifié
de la manière suivante :
1° La commission supprime le principal
de l'impôt foncier sur les propriétés non
bâties à l'exception des terres de première
qualité (jardins, vergers, chasses, etc.),
des bois et des terrains des chemins de
fer ;
211 La commission étend à toutes les
céréales sans exception le droit de statis-
tique de 60 centimes qui est appliqué ac-
tuellement au blé. Ce droit produira
5 millions ;
3° La commission enfin surélève le droit
sur l'alcool de la quantité nécessaire pour
compenser la perte résultant du dégrève-
ment de l'impôt foncier. Toutefois les
5 millions, produit du droit de statistique,
viendront atténuer d'autant cette surélé.
vation.
On n'a pu fixer dès hier le chiffre du
nouveau droit sur l'alcool, parce qu'il faut
fixer auparavant l'étendue du dégrèvement
de l'impôt foncier d'après le nombre des
catégories auxquelles il sera applicable.
En outre, la commission se réserve au-
jourd'hui de faire en sorte que le dégrève-
ment ne s'applique pas aux grosses cotes
et qu'il profite réellement aux fermiers, et
non aux gros propriétaires.
Ces diverses décisions ont été prises par
6 voix contre 2 et 1 abstention.
M. Raoul Duval a été nommé rappor-
teur; le rapporteur primitif, M. Georges
Graux, se trouve en eifet dessaisi de son
mandat par ce changement de résolu-
tion.
On ignore encore la conduite que va
tenir le gouvernement en présence de ce
contre-projet ; mais on remarquera par
les déclarations rapportées ci-dessus que
le ministre des finances ne serait pas très
éloigné d'accepter ce système. En tout
cas, on ne tardera pas à être fixé, la ques-
tion devant revenir en discussion aujour-
d'hui même devant la Chambre.
—o—-
M. Casimir-Perier, député de l'Aube,
doit déposer aujourd'hui un contre-projet
conçu dans le même ordre d'idées que
celui de MM. Germain et Lebaudy, c'est-
Feuilleton du RAPPEL
DU 20 FÉVRIER
47
LE
SANG BLEU
DEUXIÈME 11
XVI
A force de se dire qu'il n'en serait pas
cette année comme il en avait été de
l'année précédente, La Senevière avait fini
par se le persuader ; aussi n'avait-il pas
été du tout surpris de l'empressement de
(Traduction interdite; reproduction auto-
risre pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais après la
fin de la publication en feuilleton dans le
Rappel) R,7ppel du 2 au il février.
Voir le Rnppel du 2 ianvier au Il février.
Guillaumanche qui, le jour même de son
arrivée, sans perdre une minute, accou-
rait pour l'inviter ; et était ce avec un sou-
rire de triomphe qu'il avait accueilli cette
invitation ; pour un peu il lui eût répondu :
« Je vous attendais ». Il était caractéris-
tique cet empressement et d'autant plus
que Guillaumanche ne faisait rien qu'à
l'instigation de sa femme. S'il avait mis
tant de hâte à venir, c'était certainement
parce qu'elle l'avait poussé : la scène entre
eux n'était pas difficile à reconstituer et il
la voyait comme s'il en avait été témoin.
Vraiment drôle ; oh ! ces maris.
, L'engouement de Mme de Colbosc ne
l'avait pas davantage surpris : la mère
obéissait à la même inspiration que le
mari, car il n'était pas assez fat pour s'i-
maginer que cette vieille femme si drôla-
tique, avec ses idées d'un autre âge et ses
prétentions ridicules, s'était spontanément
toquée de lui. Il savait se rendre justice
et dans cette circonstance il ne voyait pas
du tout comment et par quoi il avait pu
tout à coup affoler cette vieille momie,
qui lui avait fait grise mine lorsqu'à son
retour dans le pays il s'était une fois ou
deux rencontré avec elle. D'où Douvait ve-
nir ce changement subit, si ce n'est d'Hé-
riberte ? Décidément c'était une maîtresse
femme, cette belle statue en apparence si
calme et si froide; on pourrait prendre
d'utiles leçons à son école. Comme elle
cachait son jeu ! Se servir de ceux qui
nous entourent, les mettre en avant en se
réservant soi-même, n'est-ce pas tout l'art
de la politique? Et à la trouver ainsi, à re-
connaître en elle ces qualités, elle en de-
venait plus enviable pour lui; c'était bien
la femme qu'il lui fallait.
De même qu'il n'avait jamais admis
qu'elle pût aimer son mari, de même il
n'avait pas admis non plus qu'elle pût lui
résister, ayant pour principe que quand
on veut bien une femme, on est sûr de
réussir à un moment donné, c'est affaire
de temps et de stratégie simplement,
L'empressement do Guillaumanche et
les avances de Mme de Colbosc, en venant
confirmer ses prévisions et apporter un
fait positif à ses raisonnements, l'avaient
convaincu qu'il n'avait, qu'un signe à faire
et qu'un mot à di, aussi fut-il très sur-
pris quand il adressa un sourire significa-
tif à Fecr'Iberte, le jour même où il la revit
pour la Dremière fois. au'elle parût ne pas
le comprendre, et surtout ne pas vouloir
le comprendre, s'enfermant plus encore
que l'année précédente dans sa dignité et
sa froideur.
S'il était fat, et à vrai dire, ce n'était
pas trop sa faute, mais bien plus celle des
femmes qui l'avaient aimé, au moins
n'était-il pas sot ; il savait voir et se ren-
dre compte de ce qu'il avait vu ; or, ce
qu'il avait vu, c'est qu'elle n'était pas en-
core dans les dispositions qu'il avait ima-
ginées. C'était là un fait sur lequel le doute
n'était pas possible ; mais, comme à côté
de celui-là il y en avait un autre et même
deux autres : l'envoi du mari et l'inter-
vention de la mère, sur lesquels il n'y
avait pas non plus de doutes, au moins
pour lui, il n'avait pas éprouvé la moin-
dre inquiétude. C'était une déception, ce
n'était que cela. Il s'était trop pressé ; il
n'avait qu'à attendre.
Et les raisons pour s'expliquer la ré-
serve d'Hériberte ne lui manquaient pas :
raisons de caractère, raisons de position.
Evidemment il n'était point dans la na-
ture de cette femme réservée de se jeter
à la tête des gens ; elle savait ce qu'elle
[ valait et voulait qu'on lui montrât au'on
l'estimait à sa valeur; il le lui montre-
rait.
D'autre .part, obligée qu'elle était à une
extrême prudence, sous peine de perdre
les avantages de son mariage, il était bien
certain qu'elle garderait toujours dans sa
conduite les ménagements indispensables
aux illusions et à l'aveuglement de son
benet de mari ; elle savait compter, elle
l'avait prouvé; et le meilleur moyen, à
coup sûr, de lui plaire serait de la con-
vaincre qu'on ne la compromettrait ja-
mais ; il l'en convaincrait.
Ces deux conclusions qui, croyait-il,
reposaient sur la réalité même, avaient
réglé son attitude et ses rapports avec
elle.
Il s'était présenté en vainqueur, l'invite
sur les lèvres, le sourire du triomphe dans
les yeux, en maître qu'on attend, il se fit
discret et réservé, timide et inquiet comme
un enfant de dix-huit ans que la violence
même de son amour paralyse : « Je vous
aime, vous le voyez, vous le sentez, mais
c'est d'un amour respectueux qui ne par-
lera que si vous lui ouvrez la bouche »#
Et il avait attendu : aussi longtemps
Que Mme de Colbosc voulait rester assise
devant une table de jeu, s'acharnant à
rattraper ce qu'elle avait perdu, il lui fai-
sait vis-à-vis ; aussi longtemps qu'elle vou-
lait parler et raconter d'interminables his-
toires, il l'écoutait avec toutes les mar-
ques du plus vif intérêt et comme n'eût
pas écouté le meilleur comédien; aussi
souvent que Guillaumanche l'invitait, il
acceptait : parties de chasse, parties de
pêche, promenades en forêt, visites à des
pièces de terre, tout lui était, bon; quand
ces invitations ne venaient pas à lui,
c'était lui qui allait à elle, et sous un pré-
texte adroitement préparé les provoquait.
Le matin, le soir, dans la journée, on ne
voyait que lui, mais toujours si réservé,
en apparence si indifférent, uniquement
occupé du jeu, de la pêche, de la chasse,
qu'il était bien difficile de soupçonner ce
qui se cachait sous cette assiduité.
SWÏQ& MALOT.
fA suivre.)
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